Calcul simplifié de la CLV : exemple
Lionel Texier
Ilaria Dalla Pozza
26/05/2016
« Une théorie ne ressemble pas plus à un fait qu’une
photographie ne ressemble à son modèle »
Edgar Watson Howe – Ecrivain américain du XIXe s.
CLV =
𝑡=1
T
GCM(t) − M t
(1 + d)tr(t)
CLV versus Past customer Value
• La CLV est une métrique forward-looking: elle permet d’estimer et apprécier le comportement futur probable d’un client. Le futur peut ne pas répliquer le passé!
• La Past Customer Value (dans les télécoms ARPU) n’est pas forcément en mesure de prédire le futur (ex : impact Free Mobile)
• Traditionnellement, les entreprises ont suivi le paradigme originel: satisfaction – fidélité – profitabilité
• Le même investissement en Satisfaction était fait pour tous les clients, l’impact marginal sur la fidélité et la profitabilité était supposés le même pour chaque client. Le retour sur investissement n’était pas toujours au rendez-vous
• Avec la CLV, la profitabilité du client devient l’origine du processus
• La CLV permet de piloter et maîtriser les investissement en satisfaction et fidélisation (Kumar, Dalla Pozza, Petersen et Shah, 2009)
@
Loi de Pareto
20% des clients sont à l’origine de 80% des profits si 𝑘 = 𝑙𝑜𝑔4 5 =1,16…
Les objectifs de la CLV
• Pilotage et ciblage des budgets consacrés à l’acquisition
• Pilotage et ciblage des budgets consacrés à la fidélisation
• Optimisation des budgets marketing acquisition Vs fidélisation sous contrainte de maximisation de la profitabilité client
X% Clients Y% Valeur
X%<Y%
L’organisme doit
prêter une
attention
particulière aux
clients « X ».
L’organisme doit
proposer une qualité
de service
irréprochable à tous
ses clients
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=100919
La CLV : un concept, une infinité de modèles
Relation client
Relation contractuelle
Modalités de résiliation définies
contractuellement, fonctionnement régulier et binaire de la relation client
Modèle prédictif de comportement de résiliation (taux de
retention)
Abonnements télécoms, presse, assurance,
banque…
Relation non-contractuelle
Pas d’engagement, pas de résiliation, possibilité d’achats irréguliers dans
le temps
Modèle prédictif de comportement d’achat (probabilité d’achat)
La grande distribution, le e-commerce, station-essence, Amazon…
La CLV : formule générique
CLV =
𝑡=1
T
GCM(t) − M t
(1 + d)tr(t)
M : coût marketing
GCM : marge récurrente (revenus récurrents – coûts récurrents) hors coût marketing
d : taux d’actualisation
r : taux de rétention
T : durée du cycle de vie du client (dépend du secteur d’activité et des choix d’hypothèses)
NB : t commencerait à partir de 0 dans le cas d’un prospect
La CLV : formule générique
CLV =
𝑡=1
T
GCM(t) − M t
(1 + d)tr t
Un prospect ne doit être transformé en client que si le
coût d’acquisition ne dépasse pas sa CLV !
Les composantes de la CLV
Taux d’actualisation des flux futur probables*
Coût marketing
Marge récurrente (hors coût marketing)
Taux de rétention
* : un taux unique utilisé pour une entreprise
@
Les composantes de la CLV
All Customers
Customer Segments
Individual Customer
Figure 3: niveaux de calculs de la CLVSource: Kumar et Morris (2007)
@
Le taux d’actualisation : exemple du WACC (1/2)
• 𝑊𝐴𝐶𝐶 =𝐹𝑃×𝑟𝐸+𝐷×𝑟𝐷× 1−𝑡𝐼𝑆
𝐹𝑃+𝐷
• 𝑟𝐸 = 𝑟𝑓 + 𝛽𝐸 × 𝑟𝑚 − 𝑟𝑓
• 𝛽𝐸 = 𝛽𝐸′ × 1 + 1 − 𝑡𝐼𝑆 ×𝐷
𝐹𝑃
• 𝑟𝑓 est le taux sans risque
• 𝑟𝐸 est le taux de rendement exigé des actionnaires
• 𝛽𝐸 est le coefficient Bêta de l’assureur par rapport au marché de référence
• 𝑟𝑚 est le taux de rendement du marché de référence
• 𝐹𝑃 est le montant des fonds propres de l’assureur
• 𝐷 est le montant de la dette de l’assureur
• 𝑟𝐷 est le taux de remboursement de la dette
• 𝑡𝐼𝑆 est le taux d’impôt
Taux de rendement annuel moyen
attendu par les
actionnaires/créanciers
Le taux d’actualisation : exemple du WACC (2/2)
• 9,5253 =450×10,3629+50×2,98× 1−0,33
500
• 10,3629 = 2,78 + 1,08482 × 9,77 − 2,78
• 1,08482 = 1,01 × 1 + 1 − 0,33 ×50
450
• 𝑟𝑓 2,78%
• 𝑟𝐸 10,36%
• 𝛽𝐸 1,08482, 𝛽𝐸′ 1,01
• 𝑟𝑚 9,77%
• 𝐹𝑃 450
• 𝐷 50
• 𝑟𝐷 2,98%
• 𝑡𝐼𝑆 33,33%
Le taux d’actualisation annuel des flux sera
donc de 9,5253%.
(Ce taux sera constant dans le temps et le
même quelque soit le client considéré)
Application Numérique
Les coûts marketing
• Coût de programme de fidélité, coût de marketing à travers les différents canaux (marketing direct, emailing, centre d’appels, etc), coût de rétention
• Peut être calculé de différentes façons:• Coût forfaitaire par individu par période projetée
• Variable dans le temps
• Ou constant dans le temps
• En pourcentage des primes ou des encours
• Au niveau individuel ou par segment homogène au sens des coûts marketing
@
La marge récurrente
En assurance:
• On encaisse les primes avant d’indemniser les clients, c’est le cycle économique inversé
• Les flux de prestations et de frais futurs sont incertains• Tant du point de vue de leur montant total
• Que du moment où ils se produiront
• D’où le mécanisme fondamental inhérent à l’activité d’assurance : la mutualisation des risques*
Il est donc impossible de calibrer une hypothèse de marge par client, mais il faut le faire par profil de risque homogène.
* Pour un Courtier/CGPI/Agent dont la marge ne dépend pas de la sinistralité, cela peut ne pas s’appliquer
La marge récurrente
Mutualisation des risques : raisonner profil client en termes d’hypothèse technique*
Mutualisation
(risque)
Personnalisation
(marketing)
Approche uniforme (marketing – gestion des risques)
Approche segmentée (marketing – gestion des risques)
Impossible en
assurance
* Pour un Courtier/CGPI/Agent dont la marge ne dépend pas de la sinistralité, cela peut ne pas s’appliquer
La marge récurrente : Proxy en non-vie
En non-vie, la marge récurrente peut par exemple être projetée en fonction des projections de prime annuelle en y associant:
• Un ratio de flux sortants/primes (1)
• Le décalage dans le temps d’un flux sortant unique* (qui synthétise l’ensemble des flux prévus par le ratio (1), par rapport au flux de prime associé, afin de calculer l’effet d’actualisation
temps
Prime
Flux sortant synthétique
: (1)*Prime
actualisation
*Ou bien appliquer une cadence complète des flux
La marge récurrente : Proxy en vie
En vie, dans le cas d’une police avec encours mais sans nouvelle prime future attendue, on peut de manière simplifiée commencer par :
• Projeter chaque année l’évolution dans le temps de l’encours (mortalité/survie, revenus financiers, mais hors effet rachats bien sûr)
• Projeter un taux de marge sur encours appliqué au produit de l’encours initial et de la projection
L’effet des résiliations/rachats interviendra dans le taux de rétention du modèle
0
1
2
3
4
5
6
7
0
100
200
300
400
500
600
1 2 3 4 5 6
Projection : Encours et marge profils A/B
Marge Profil A
Marge Profil B
Encours Client A
Encours Client B
Taux de Marge Profil A 1,25%
Taux de Marge Profil B 1,75%
Taux de rétention
Dans le cadre d’une relation contractuelle, un assuré est un client tant qu’il n’a pas résilié, et une fois qu’il résilie il est très peu probable qu’il revienne par la suite.
Le comportement de rétention est donc du type:
La modélisation du taux de rétention peut reposer sur des modèles statistiques non-paramétriques ou paramétriques.
Nous allons décrire l’exemple d’approches paramétriques proposées par Hardie et Fader (2014)
1 2 3 4 5 6 …
Client 1 1 1 1 0 0 0 0
Client 2 1 1 1 1 1 0 0
Période
Taux de rétention
Tx
Rétention
Constant dans
le tempsX
Identique
entre les
clientsX
Tx
Rétention
Constant dans
le temps
Identique
entre les
clientsX
Tx
Rétention
Constant dans
le temps
Identique
entre les
clients
Taux de rétention : loi géométrique
Hypothèses : Même taux de rétention pour tous les clients; probabilité de rester client chaque année est constante dans le temps,
Alors la loi géométrique peut être un modèle adapté. Le paramètre à calibrer est le 𝜃 et cela correspond à la probabilité annuelle de résilier (Fader et Hardie 2014)
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
P(rester client)
Taux de rétention : loi Bêta-géométrique
Hypothèses : chaque client i a sa propre probabilité 𝜽𝒊; cette probabilité de rester client chaque année est constante dans le temps,
Cela donne sur un segment un taux de résiliation (resp. rétention) qui diminue (resp. augmente) dans le temps (Fader et Hardie 2014).
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
P(rester client)
Taux de rétention : loi Bêta-Géométrique
Cette observation est assez courante sur un portefeuille d’assurance. L’hypothèse d’un taux de rétention individuel constant dans le temps pour chaque individu peut-être envisagée et testée.
Du point de vue théorique, sous cette hypothèse, un modèle discret pourrait être la loi géométrique avec autant de paramètres θi à calibrer qu’il n’y a d’individus. Pas réaliste au niveau opérationnel.
Une alternative consiste à passer à l’échelle du segment à un modèle Bêta-Géométrique qui aborde 𝜃 comme une variable continue. La loi Bêta introduit la variabilité autour de sa valeur moyenne du paramètre de la loi géométrique entre les individus d’un segment (Fader et Hardie 2014).
𝐸Θ 𝑃 𝑇 = 𝑡|Θ = 𝜃
= 0
1
𝑃 𝑇 = 𝑡|Θ = 𝜃 𝑔 𝜃| 𝛾, 𝛿 𝑑𝜃
Taux de rétention : loi Bêta-Géométrique
La loi Bêta est caractérisée par deux paramètres supérieurs à 0, associés à une variable aléatoire dont la valeur est comprise entre 0 et 1 (Fader et Hardie 2014).
𝐸Θ 𝑃 𝑇 = 𝑡|Θ = 𝜃
= 0
1
𝑃 𝑇 = 𝑡|Θ = 𝜃 𝑔 𝜃| 𝛾, 𝛿 𝑑𝜃
𝑔 𝜃|𝛾, 𝛿 =𝜃𝛾−1 1 − 𝜃 𝛿−1
𝐵 𝛾, 𝛿
𝐸 Θ =𝛾
𝛾 + 𝛿
Taux de rétention : Estimation du maximum de vraisemblance
Les paramètres d’un tel modèle paramétrique peuvent être estimés par l’estimation du maximum de vraisemblance.
Pour un modèle considéré, on estime sur la base d’un jeu de données empiriques quelles sont les valeurs des paramètres du modèle qui maximisent la vraisemblance de ce modèle appliqué aux données empiriques.
Il s’agira donc de faire cette opération pour chaque segment de clients considéré pour calibrer le taux de rétention (Fader et Hardie 2014).
[Par exemple définir des segments par par canal d’acquisition]
Le taux de rétention : loi Bêta-Discrete-WeibullLa limite de la loi Bêta-Géométrique est qu’il n’y a pas de point discontinuité dans la courbure de la courbe, voire de changement de convexité. Or, ceci peut être plus proche de la réalité de certains portefeuille qui présentent souvent un « coude ».
On peut donc remplacer la loi Bêta-Géométrique par la loi Bêta-Discrete-Weibull, en substituant la loi géométrique à la loi discrétisée de la loi Weibull*. Cela revient à ajouter un exposant c au nombre de période dans la loi géométrique. Si c est supérieur à 1, cela accroît le taux de résiliation avec le temps, si c est inférieur à 1, cela le diminue.
Les courbes de taux de rétention peuvent prendre des formes plus variées
avec un coude ou inflexion.
Nakagawa et Osaki (1975)
Source: Fader, Hardie et Liu (2009)
Taux de rétention :
D’autres modèles paramétriques peuvent être envisagés, ou des modèles non-paramétriques (analyses de survie, modèles de durée).
Il est possible de complexifier la modélisation dans le temps et à mesure que la qualité de données permet de calibrer des modèles plus raffinés (scoring, non-paramétrique…)
Conclusion
• Il n’y a pas un modèle mais des modèles de calcul de la CLV
• Il est possible de commencer par des choses simples pour se lancer avec des usages simples de la CLV
• Le niveau de complexité augmentera:• Avec l’usage qui sera fait de la CLV
• La multiplicité de mécanismes appréhendés• Garanties très différentes dans un produit
• Multi-détention
• Taille du portefeuille
• …
• Facteurs de succès : • La qualité de la modélisation et la capacité à avoir un esprit critique sur
le modèle seront au rendez-vous
• Rome ne s’est pas construit en un jour, commencer par quelque chose de simple et prévoir un processus continu d’amélioration dans la durée
Références• Dalla Pozza, I. & Texier, L. (2015) "Marier Actuariat et Marketing", Banque et Stratégie, N. 336 May 2015
• Kumar V., Dalla Pozza I., Petersen A., Shah D. (2009), “Reversing the Logic: The New Path to Profitability through Relationship Marketing”, Journal of Interactive Marketing, 23(2), 147-156
• http://brucehardie.com
• Fader et Hardie (2014), « An Introduction to Probability Models for Marketing Research » 25th Annual Advanced Research Techniques Forum, June 22–25, 2014
• Fader, Peter S. and Bruce G. S. Hardie (2012), “Reconciling and Clarifying CLV Formulas. http://brucehardie.com
• Fader, Peter S. and Bruce G. S. Hardie (2015a), “Simple Models for Computing Customer Lifetime Value.” http://brucehardie.com
• Fader, Peter S. and Bruce G. S. Hardie (2015b), “Simple Probability Models for Computing CLV and CE,” in The Handbook of Customer Equity, V.Kumar and Denish Shah (eds.), Cheltenham, UK: Edward Elgar Publishers.
• Fader, Hardie et Liu (2009), « Customer Retention Dynamics in a Contractual Setting:The Paradox of Increasing Loyalty” http://brucehardie.com
• Kumar et Rajan (2009), « Profitable Customer Management: Measuring and Maximizing Customer LifetimeValue » Management Accounting Quarterly, Spring 2009, Vol. 10, N.3
• Reinartz, W. J., & Kumar, V. (2000). On the profitability of long-life customers in a non-contractual setting: An empirical investigation and implications for marketing. Journal of Marketing, 64, 17–35 (October).
• Reinartz, W. J., & Kumar, V. (2002). The mismanagement of customer loyalty. Harvard Business Review, 1–13 (July).
• Reinartz, W. J., & Kumar, V. (2003). The impact of customer relationship characteristics on profitable lifetimeduration. Journal of Marketing, 67, 77–99 (January).
• Reinartz, W. J., Thomas, J. S., & Kumar, V. (2005). Balancing acquisition and retention resources to maximize customer profitability. Journal of Marketing, 69, 63–79 (January).
Slides AssurMarketingScannez le QR CODE
http://fr.slideshare.net/Insurance_Marketing
D’autres présentation sur la CLV en assurance:
http://www.slideshare.net/Insurance_Marketing/fidlisation-en-assurance-et
http://www.slideshare.net/Insurance_Marketing/forum-sas-2014-la-clv-et-la-loi-hamon
http://www.slideshare.net/Insurance_Marketing/customer-lifetime-value-en-assurance
http://www.slideshare.net/Insurance_Marketing/tandem-actuariatmarketing-nicolasmarescauxlioneltexier
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