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République du Sénégal Un Peuple-Un But-Une Foi
CEREMONIE OFFICIELLE D’INAUGURATION DES LOCAUX DE L’INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE POUR L’EDUCATION
ET LA FORMATION (IFEF)
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ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR MACKY SALL, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Dakar, 12 octobre 2017
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Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Présidente de la Conférence des
Ministres de l'Éducation des États et
gouvernements de la Francophonie,
Madame la Secrétaire générale de la
Francophonie,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers invités,
Bonjour à tous. Je voudrais souhaiter à tous
nos hôtes la bienvenue et un agréable séjour
en terre sénégalaise. Nous sommes ravis de
Mis en forme : Surlignage
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recevoir à nouveau la communauté
francophone trois ans après le Sommet de
Dakar.
Ce Sommet avait décidé de doter la
Francophonie d’un nouvel instrument visant à
appuyer les efforts d’amélioration des
systèmes éducatifs dans l’espace
francophone.
Telle est la vocation de l’Institut de la
Francophonie pour l’Education et la
Formation.
Je sais, Madame la Secrétaire générale,
combien vous tient à cœur cette cérémonie
d’installation officielle de l’IFEF dans les
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locaux à lui dédiés par le gouvernement du
Sénégal. Nous y sommes et je vous en félicite.
Avec les sièges de la CONFEJES, de la
CONFEMEN et du Bureau régional de l’Agence
Universitaire de la Francophonie, celui de
l’IFEF vient ainsi renforcer le pôle
francophone de Dakar voué au triptyque
jeunesse-éducation-formation.
Ce sont là trois priorités essentielles qui, parce
qu’elles interpellent au plus haut point les
pouvoirs publics, méritent la synergie de tous
nos efforts et de toutes nos intelligences.
C’est la tâche que nous assignons à l’IFEF :
être un centre d’excellence, de recherche et
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d’innovation, où l’expertise francophone se
met au service de l’éducation et de la
formation technique et professionnelle.
L’objectif est déjà fixé : il s’agit de former sur
dix ans plus de cent mille enseignants.
Pour y parvenir, l’IFEF se donne comme
ambition principale de renforcer les capacités
des enseignants, des personnels
d’encadrement, des cadres et gestionnaires
du système éducatif pour l’amélioration de la
qualité des programmes d’enseignement du
et en français.
C’est tout un programme ! Car il faut le
reconnaitre et avoir le courage d’y faire face :
dans nombre de nos pays, la qualité du
système éducatif, de l’enseignement
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fondamental à l’université, fait débat ; et ce
en dépit des moyens importants consacrés au
secteur.
Si je prends l’exemple du Sénégal, pour
l’année en cours, le budget alloué au secteur
de l'éducation est de 602 918 670 840 FCFA,
(environ 1100 millions de dollars), soit
25,48% du budget national. C’est plus que la
moyennele taux de 20% recommandée dans
l'Objectif de Développement Durable n°4.
Il reste que le déficit dans les performances
du système est encore persistant. C’est le cas
notamment des filières scientifiques dont
l’enseignement a d’ailleurs fait l’objet de
mesures incitatives.
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C’est aussi le cas des sciences humaines, si
l’on sait que des pans entiers de notre
histoire, sont simplement ignorés dans nos
programmes scolaires.
On ne peut, dans ces conditions, apprendre
notre passé, pour mieux comprendre notre
présent et préparer notre futur.
Voilà pourquoi j’ai mis en place une
commission dirigée par le Professeur Iba Der
Thiam, éminent historien et expert de
l’UNESCO, pour rédiger un ouvrage sur
l’histoire générale du Sénégal.
En tout état de cause, il urge de nous
interroger et interroger le contenu des
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programmes et leur adaptation aux réalités
changeantes du monde.
J’en veux pour preuve les bouleversements
profonds induits par les technologies de
l’information et de la communication.
De par ses usages ambivalents, le numérique
présente à la fois des opportunités et des défis
quasi inépuisables. Il nous simplifie la vie
autant qu’il peut la compliquer comme jamais
auparavant.
L’école n’y échappe pas. Sous la pression du
virtuel, le temps consacré à la lecture est par
exemple réduit à sa plus simple expression.
Le confort parfois artificiel des moteurs de
recherche tend à remplacer la méthode
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d’investigation cognitive et discursive qui élève
et éclaire l’esprit. Le risque, nous le savons, est
de voir le « copier-coller » inhiber tout effort
de réflexion et de raisonnement. S’y ajoutent
les dégâts, bien connus, que le français en
« mode sms » fait subir désormais aux modes
d’expression orale et écrite, notamment la
dictée et la rédaction.
Mais, et il faut aussi le souligner, nos systèmes
éducatifs peuvent également nous valoir de
réels motifs de satisfaction. Nous le constatons
chaque année au Sénégal à la cérémonie de
distribution des prix aux meilleurs élèves des
classes de Première et de Terminale du
Concours général des Lycées.
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Il est significatif de relever que chaque année,
des établissements s’illustrent à ce Concours ;
notamment le Prytanée militaire Charles
Ntchoréré de Saint-Louis, le Lycée Seydina
Limamoulaye de Guédiawaye dans la banlieue
de Dakar et la Maison d’Education Mariama Ba
de Gorée, qui a la particularité d’accueillir
exclusivement des jeunes filles.
Ces établissements habitués à l’excellence,
faut-il le rappeler, sont publics. Leurs
enseignants sont des produits de l’école
sénégalaise et ils dispensent exactement les
mêmes programmes que partout ailleurs au
Sénégal.
Ce qui fait finalement la différence, c’est la
rigueur et la discipline que ces établissements
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mettent dans l’encadrement et le suivi des
apprenants. C’est dire que l’école de la
réussite, c’est d’abord l’école du travail dans
la discipline et la rigueur.
Mais ce n’est pas tout. Par-delà sa vocation
utilitaire, l’école doit aussi et surtout jouer
pleinement son rôle de catalyseur de la pensée
critique et rationnelle, qui façonne l’imaginaire
individuel et collectif et séduit les esprits.
L’école, « fascine les âmes », dit à juste titre
notre compatriote Cheikh Hamidou Kane.
Mais cette école dont parle l’auteur de
l’Aventure Ambiguë, ne peut garder sa vertu
fascinante et attractive que lorsqu’elle
continue de rester une école de la réussite et
des valeurs, qui, en même temps qu’ellee Mis en forme : Surlignage
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inculque le savoir, diffuse le savoir-faire et le
savoir être et ouvre les portes de l’ascension
sociale.
Notre responsabilité est de faire en sorte que
l’école ne se réduise en un lieu où s’agrègent
des savoirs livresques, sans rapport avec les
besoins, les aspirations et les valeurs de la
société qu’elle est censée incarner, éduquer et
former.
Sinon, elle ne pourra plus fasciner les âmes.
Alors, les esprits vont voguer ailleurs, dans
d’autres imaginaires sans lendemain, dans la
facilité hasardeuse, dans les pièges sans fin de
l’école de la rue, dans l’ambiguïté des
aventures périlleuses de l’émigration
clandestine…
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Je souhaite que l’IFEF prenne dument en
compte ces problématiques cruciales dans ses
programmes de formation.
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames, Messieurs,
Si j’ai voulu évoquer ces quelques aspects liés
à l’éducation et à la formation, que partagent
sans doute nombre de nos pays, c’est pour
mettre en évidence les défis sérieux qui
attendent l’IFEF pour aider à résoudre
quelques-unes des grandes équations qui se
posent aux systèmes éducatifs francophones
au 21e siècle.
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A mon sens, cet institut ne devrait guère être
perçu comme un futur carrefour d’échanges
théoriques, mais un laboratoire où se croisent
des idées et expériences fertiles, aptes à
féconder les meilleures pratiques en matière
d’éducation et de formation.
Notre souci premier, encore une fois, doit être
de former des hommes et des femmes
compétents, des citoyens et des citoyennes
avertis des réalités de leur temps, ouverts au
monde mais ancrés dans leurs valeurs de
cultures et de civilisations.
Ce faisant, et je voudrais y insister, il convient
que l’IFEF garde le curseur sur deux
paradigmes qui doivent constamment nourrir
la Francophonie : convergence et diversité.
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La Francophonie, c’est la force d’une
convergence autour d’une langue et des
valeurs partagées.
Mais la Francophonie, c’est aussi la richesse
d’une diversité des valeurs de cultures et de
civilisations.
La Francophonie, ce sont les éclats de regards
croisés sur le sens et l’essence que nos peuples
se font de la représentation du monde.
C’est dire que dans ce qui nous unit et nous
rassemble, nous devons toujours laisser à la
diversité la part qui lui revient de droit.
Assimiler sans être assimilé, disait Léopold
Sedar Senghor, un des pères fondateurs de la
Francophonie.
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Voilà, Madame la Secrétaire générale,
Mesdames, Messieurs, quelques réflexions
que je tenais à soumettre à votre attention sur
la vocation et les missions de l’IFEF.
Comme vous le voyez, il s’agit plus
d’interrogations et de suggestions que de
réponses et de directives ; parce que j’ai
conscience qu’il appartient aux hommes et aux
femmes du métier d’éclairer notre lanterne.
En attendant, comme le plaidoyer pour l’école
ne s’arrête pas, je vous donne rendez-vous, le
8 février 2018 à Dakar pour la troisième
conférence internationale de reconstitution
des fonds du Partenariat Mondial pour
l’Education.
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Cette conférence est co parrainée par deux
pays francophones ; la France et le Sénégal.
C’est à l’honneur de toute la Francophonie. Le
Président Macron y sera.
Tous deux nous comptons naturellement sur la
contribution de la communauté francophone à
ce rendez-vous mondial de l’investissement
sur l’école. Je vous remercie.