(CERTAINS) ASPECTS
GENETIQUES ET CYTOGENETIQUES
DE LA FERTILITE
Jean Pierre SIFFROI
Service de Génétique et d’Embryologie médicales
Hôpital Armand Trousseau, Paris.
La recherche des causes génétiques d’une pathologie particulière
part toujours du phénotype des patients atteints
Signes cliniques
particuliers
Diagnostic de la
maladie
Identification du ou des
gènes responsables
Pour l’infertilité, la situation est plus difficile car de multiples causes
génétiques peuvent correspondre à une anomalie phénotypique identique
comme la diminution du nombre ou l’absence de spermatozoïdes
chez l’homme ou une IOP chez la femme.
Nécessité encore plus importante de réaliser un bilan clinique
et biologique méticuleux avant de lancer une étude génétique.
Pour ne parler que des causes génétiques d’infertilité
accessibles à un diagnostic et/ou présentant un risque
pour la descendance:
Chez l’homme, la recherche de ces causes génétiques d’infertilité
repose d’abord sur:
- un examen clinique rigoureux
- l’interprétation des données biologiques: spermogramme,
biochimie séminale, dosages hormonaux, etc…
- l’étude de l’arbre généalogique
Infertilité de nature
obstructive
Infertilité de nature
non obstructive
Absence congénitale
bilatérale des canaux
déférents
(cf cours suivant)
Idiopathique? Non
idiopathique?
Cause
chromosomique?
Délétion
de l’Y?Syndrome
particulier:
modèles animaux
Chez la femme, le point de départ de la recherche
des causes génétiques d’infertilité repose souvent sur
des anomalies menstruelles
Aménorrhée primaire Aménorrhée secondaire
IOP(et, à la limite, femmes
hypofertiles, à FSH un
peu élevée ou mauvaises
répondeuses en FIV)
Dysgénésies gonadiques(Turner et variants,
femmes XY SRY-,
certains hypogonadismes
hypogonadotropes, ….)
Anomalies du tractus
génital (MRKH,
certaines réversions sexuelles, …)
et l’étude de l’arbre généalogique
Insuffisances ovariennes précoces (IOP)
Aménorrhée depuis plus de 6 mois
Gonadotrophines: FSH > 40mUI/ml
Survenue avant 40 ans (notion arbitraire)
Faddy 2000 Mol Cell Endocrinol 163; 43-8
L’IOP touche 2% à 3% des femmes et dans 90% des cas, l’étiologie reste inconnue.
Par contre, dans 15% à 20% des cas, on retrouve un contexte familial
Autosomes
� FSHR
� FOXL2
� GDF9
� ATM
� AIRE
� NOBOX
� GALT
� EIF2B
� NSB1
� DMC1
� Parathyroid responsive B1 gene
� FIGLA
� Progesterone receptor membrane component-1
� HARS2
� SF1
Chromosome X
� triple X
� Monosomie X
� Mosaïque X/XX
� Délétions X
� Translocations X-autosome
� FMR1
� BMP15
Xq13-21
Xq 22-26
Recherche des régions du génome impliquées:
exemple du chromosome X
A côté des anomalies de structure de l’X,
il existe également des gènes candidats
Gène FMR1
Zone de répétition CGG
Normal: 40- 50
répétitions
Prémutation: 60-200
répétitions
Gène FMR1 inactivéPassage à une mutation complète (>200)
obligatoire dès 70-80 répétitions
à travers une méïose féminine:
méthylation anormale de la région et
inactivation du gène FMR1
Prémutation: 60-200
répétitions
20% des femmes avec une prémutation ont une IOP
3% des cas sporadiques d’IOP ont une prémutation
et une femme sur 350 dans la population générale est pré-mutée
Attention lors de la prise en charge
de ces femmes en AMP:
DPN voire DPI
Syndrome BPES type I: IOP et blepharophimosis
Gène FOXL2 en
3q22-23
transmission
autosomique dominante
Surdité neurosensorielle et IOP: syndrome de Perrault?
Voies génitales masculines et azoospermie obstructive
Exemple de l’absence bilatérale congénitale des canaux déférents
ABCD
(CBAVD: Congenital Bilateral Absence of Vas Deferens)
Malformation pratiquement constante
dans la mucoviscidose (98% des cas)(atrésie secondaire et non pas agénésie)
Azoospermie, volume faible, pH acide
Diagnostic clinique et échographique
CBAVD = forme génitale de mucoviscidose ?
Recherche des mutations du gène CFTR positive dans environ
80% des cas de CBAVD (4% dans la population générale)(en l’absence d’anomalie rénale associée)
20% de doubles hétérozygotes
1 mutation grave + 1 mutation modérée
33% d’hétérozygotes simples + allèle 5T
1 mutation grave (classe I, II) + 5T
27% hétérozygote simple ou allèle 5T
20% sans mutation
absence de mutation ou
mutation non détectable ?
Facteurs de modulation de l’effet des mutations CFTR
Présence de l’allèle 5T
INTRON 7 INTRON 8
GTGTGTTTTTTTTTAACAG 9T
GTGTGTTTTTTTAACAG 7T
GTGTGTTTTTAACAG 5T
11%
84%
5%
Population
générale ~ 50%
des hommes
CBAVD ont
l’allèle 5T
EXON 7 EXON 8 EXON 9 EXON 10INTRON 9
Conséquences
EXON 8 EXON 9 EXON 10
EXON 7 EXON 8 EXON 10
Excision de l’exon 9
dans 90% des cas
Protéine tronquée
% d ’ARNm
CFTR normal
100%
10%
Normal
Phénotype
clinique
Génotype
PolyT Mutation CF
9T /9T
9T /7T
7T /7T
9T /5T
7T /5T
Mucoviscidose ±
CBAVD 5T / 7T + / CF classe I ou II
7T / 7T CF mineure / CF mineure
5T /5T
Mucoviscidose ++ CF / CF
Conséquences pour l’AMP:
calcul du risque résiduel de mucoviscidose pour un enfant à naître
C’est principalement le statut génétique de la conjointe
qui définit le risque
Quelle est la probabilité qu’elle soit quand même porteuse
d’une mutation du gène CFTR même si le dépistage
des principales mutations est négatif?
1/25 x (1 – sensibilité)
Dépistage des 30 mutations les plus fréquentes: sensibilité ~ au moins 80% pour la France
(86-90% en Bretagne)
1/25 x (1- 0,8) = 1/125
Si l’homme est hétérozygote et la femme négative,
le risque pour l’enfant est:
1 x 1/125 x 1/4 = 1/500
Soit x ~ 6 par rapport à la population générale non testée
Séquencer le gène CFTR pour:
-Trouver une 2eme mutation chez l’homme
-Détecter une mutation rare mais potentiellement grave chez la femme
? à discuter
Anomalies chromosomiques et spermatogenèse
Anomalies de structure
Translocations
Robertsoniennes
Translocations
réciproques
Inversions
Anomalies de nombre
Syndrome de
Klinefelter
Double Y
Marqueurs
chromosomiques
Syndrome de Klinefelter
Syndrome de Klinefelter en
mosaïque 47, XXY/46, XY
Syndrome de Klinefelter homogène
47, XXY
Azoospermie Oligozoospermie
Risque pour la
descendance?
IAD
Biopsie testiculaire
IAD
Positive
Négative
ICSI
Fécondité naturelle?
Ségrégation théorique des gonosomes
dans les gamètes
X X Y
X X Y XX XY XY
2 fois plus de spz 23, X que de 23, Y
Autant de formes normales que de disomiques
Formes disomiques 24, XY > 24, XX
Y
18
X
En fait, les formes disomiques
ne dépassent pas les quelques %
et des spz 24, YY sont retrouvés
(erreurs de méïose II)
Hypothèse de l’environnement testiculaire
23,X 23,Y
Spermatogonies XY
24,XY 22, /
Erreur en méiose I
24,XX24,YY
Erreur en méiose II
Variabilité inter-individus très probable
S’il existe une augmentation
des erreurs en méiose, cela peut toucher
n’importe quelle paire de chromosomes (21++)
Conduite à tenir pour la prise en charge
d’un sujet Klinefelter en AMP
Oligozoospermie
FISH sur spz possible
Azoospermie
BT et congélation des spz
Evaluation du risque
individuel
ICSI « à l’aveugle »
Proposition de DPN
voire de DPI ?
Translocations Robertsoniennes[ou fusion centrique entre 2 chromosomes acrocentriques (centromère à l’extrémité)]
Fréquence 8 à 10 plus grande chez les hommes infertiles
13;1413 14
Caryotype normal ou transloqué
équilibré
13;1413 14
Tri 13 Tri 14
Fausses couches ou polymalformés
Région d’asynapsis et
d’interaction possible
avec le corpuscule XY
Blocage en
méïose
Translocations réciproques
Caryotype normal ou
transloqué équilibré
ou
Région d’asynapsis
Association avec le corpuscule XY
Blocage en méïose par
extension de l’inactivation de l’X
aux segments autosomiques
Trisomies et monosomies
partielles pour les
segments transloqués
FCS ou polymalformés
ou
Anomalies chromosomiques et infertilité féminine
Corrélation moins nette
MAIS
facteur aggravant probable de l’infertilité d’un couple
Caryotype pour l’homme et la femme
candidats à l’ICSI ?
Etude Gekas et coll., Hum. Reprod., 2001, 16, 82-90
3208 caryotypes dont 1012 femmes
28 (2,77%) anomalies de nombre des gonosomes
14 (1,38%) translocations
7 (0,69%) inversions
Total : 4,84%
Plus de 2% d’anomalies de structure
(population générale ~ 1/500)
TranslocationRAS
Délai à la conception
peut-être allongé mais
pas d’infertilitéDg sur FCS ou naissance d’un enfant
porteur d’un syndrome chromosomique
TranslocationOATS
Infertilité de couple
Passage en ICSI
315 hommes avec un défaut de spermatogenèse inexpliqué
7 mutations faux-sens mais entraînant une diminution
de l’activité transcriptionnelle de NR5A1
Anomalies de la spermatogenèse et mutations géniques
La spermatogenèse est un phénomène séquentiel impliquant
un très grand nombre de gènes (+ de 1000 très probablement)
Toute mutation délétère interrompant le processus peut être à l’origine
d’une azoospermie ou d’une OATS
Peu de gènes ont cependant été décrits chez l’homme
Certaines tératozoospermies sont cependant spécifiquement associées
à des mutations dans des gènes précis
Le chromosome Y humain:
- seul chromosome constitutionnellement à l’état de monosomie
- petit chromosome: 2 à 3% du génome haploïde(difficulté d’analyse par les techniques cytogénétiques classiques)
- seul chromosome pour lequel la nullosomie est « viable »
45, X syndrome de Turner
Description par Tiepolo et Zuffardi (1976)
de chromosomes Y non fluorescents
chez 6 patients azoospermiques
le terme de facteur AZF (AZoospermia Factor) était né
A l’origine, l’Y était fluorescent!
11.111.1
11.2
11.2
12
11.3 PAR1 Région pseudo-autosomale 1
PAR2 Région pseudo-autosomale 2
Zone
Non recombinante
NRY
P
Q
Centromère
Hétérochromatine
Région
euchromatique
du bras long
Bras court
Anomalies de structure de l’Y visibles au caryotype et infertilité
Y
normal
P
Q
H
Délétion
Yq ter Iso Yp
Iso dic
Ypt(Y;A)
r(Y)
Infertilité par perte d’une partie
plus ou moins importante de la
partie proximale du bras long
(Facteur AZF)
Nature 2003, 423:825-37
Recombinaisons intra-chromosomiques très fréquentes
NRY (Non Recombining Y) devient MSY (Male Specific Y)
Particularité notable des régions « ampliconic »
= existence de 8 palindromes massifs couvrant 5,7 Mb, soit un quart de MSY
Identité bras à bras de 99,94% à 99,997%
Taille des bras de 9 kb à 1,45 Mb
Palindromes imparfaits: existence d’un segment central non dupliqué
Particularité notable des régions « ampliconic »
= existence de 8 palindromes massifs couvrant 5,7 Mb, soit un quart de MSY
Identité bras à bras de 99,94% à 99,997%
Taille des bras de 9 kb à 1,45 Mb
Palindromes imparfaits: existence d’un segment central non dupliqué
La plupart des gènes situés dans les amplicons
sont exprimés principalement ou exclusivement
dans le testicule
10% à 15% des hommes présentant
une azoospermie ou oligozoospermie
extrême de nature non obstructive
sont porteurs d’une délétion moléculaire
(le + souvent invisible au caryotype)
du bras long
Perte de gènes constituant le facteur AZF
Caractère non chevauchant
de ces microdélétions
3 loci AZF
AZFbintervalles 5-6
AZFcintervalle 6
AZFaintervalle 5
Pourquoi ces délétions sont-elles si fréquentes sur l’Y
et comment surviennent-elles?
Le chromosome Y est très riche en séquences répétées
(séquences Alu, rétrovirales, bras des palindromes, etc…)
qui ne demandent qu’à recombiner entre elles:
recombinaisons homologues
qui lorsqu’elles sont alléliques (même endroit sur le chromosome)
n’entraînent aucune modification
HERV15
HERV15
HERV15
HERV15
Phase G2-M: 2 chromatides soeurs
Exemple de la région AZFa bordée par des séquences d’origine rétrovirale
Pourquoi ces délétions sont-elles si fréquentes sur l’Y
et comment surviennent-elles?
Le chromosome Y est très riche en séquences répétées
(séquences Alu, rétrovirales, bras des palindromes, etc…)
qui ne demandent qu’à recombiner entre elles:
recombinaisons homologues
et qui lorsqu’elles sont ne sont pas alléliques
(NAHR: Non Allelic Homologous Recombination)
entraînent délétion et duplication
HERV15HERV15
HERV15 HERV15
HERV15
X
Nature Genetics, 2001, 29, 279-286
Des recombinaisons entre palindromes sont également
responsables des délétions AZFb et AZFb+c
P5/P1 proximal: AZFb
6,2 Mb
- 32 gènes
P5/P1 distal: AZFb+c
7,7 Mb
- 42 gènes
Les locus AZFb et c se chevauchent
P4/P1 distal: AZFb+c
7 Mb
- 38 gènes
Microdélétions et phénotype d’infertilité:
intérêt pour la prise en charge des patients
AZFa: sévérité du phénotype d’infertilité pour seulement 3 gènes dans la région
Lequel est responsable?
Délétion AZFa
complète: SCO
Biopsie
testiculaire inutile
USP9Y
DDX3Y
UTY
AZFa: sévérité du phénotype d’infertilité pour seulement 3 gènes dans la région
Lequel est responsable?
Mutation ou délétion ponctuelle:
de l’azoospermie par hypospermatogenèse
à l’oligozoospermie avec grossesses naturelles
Intérêt de la biopsie
USP9Y
DDX3Y
UTY
AZFa: sévérité du phénotype d’infertilité pour seulement 3 gènes dans la région
Lequel est responsable?
USP9Y
DDX3Y
UTY
Délétion partielle USP9Y + DDX3Y = SCO
?
Délétions ponctuelles:
SCO +++ ou oligozoospermie
extrême
Intérêt de la biopsie ±
Famille de gènes RBMY
(RNA Binding Motif Y)
L’absence de protéine RBMY s’accompagne d’un arrêt
de la maturation des cellules germinales au stade du début de la méiose
Biopsie testiculaire a priori inutile
mais il existe des cas de délétions AZFb (souvent partielles)
avec hypospermatogenèse majeure à la biopsie
AZFb
Les délétions de la région AZFc sont particulièrement monomorphes
Délétion AZFc ou
délétion b2b4
Mais le phénotype testiculaire associé est particulièrement variable(transmissions naturelles décrites)
Perte des 4 copies des gènes DAZ (Deleted in AZoospermia)
DAZ 1 et 2, DAZ 3 et 4
et des deux copies des gènes CDY1a et CDY1b
Les délétions classiques AZFa, b ou c restent toujours associées
à des troubles majeurs de la spermatogenèse.
Elles ne sont jamais retrouvées chez des hommes normospermiques
b2/b4 (classique AZFc)
b1/b3
gr/gr
3% de la population
Mais la structure palindromique de la région AZFc
laisse prévoir plusieurs autres types de délétions
b2/b3Polymorphisme
en Europe du Nord ?
Les délétions partielles gr-gr sont-elles des facteurs d’infertilité?
D2b
Repping et al., Nat Genet 2003, 35:247-251
Etude Tenon/Pasteur sur 192 patients
présentant une infertilité idiopathique
et 181 contrôles (165 fertiles et 16 normospermiques)
Patients: 4/192 (2.1%)
Contrôles: 6/181 (3.3%)
Etude complétée par l’analyse fine de la
structure de la région AZFc chez
364 patients infertiles
- 115 azoospermies
- 72 oligozoospermies sévères
- 159 oligozoospermies modérées
- 18 oligozoospermies moyennes
et 193 contrôles avec une fertilité
prouvée (84) ou normospermiques (109)
Origine ethnique variée
dans les deux populations
Fertil Steril 2009, 92;1924-1933
Toutes ces délétions partielles
sont retrouvées à la fois chez
des sujets infertiles mais aussi
chez des contrôles fertiles
Visser et al. Hum Reprod 2009; 24: 2667-73
Sans aller jusqu’à l’infertilité,
les délétions gr/gr entraînent
quand même:
- une diminution de la concentration
des spermatozoïdes
- une diminution du nombre total
de spermatozoïdes par éjaculat
- une diminution de la mobilité
*
* *
Les délétions gr/gr
prédisposeraient donc
à avoir un sperme de qualité moyenne
De par son impossibilité de recombiner avec le chromosome X,
l’Y accumule des variations et retrace l’histoire humaine
Single Nucleotide Polymorphisms (SNPs): échange d’une paire de bases, évolution lente
Microsatellites: variations de taille, évolution rapide
Différentes familles de chromosomes Y à travers le monde (+ de 200)
Avec un tel polymorphisme,
que reste t-il des rapports entre anomalies de l’Y et infertilité masculine?
Les délétions classiques AZFa, b ou c restent toujours associées
à des troubles majeurs de la spermatogenèse.
Elles ne sont jamais retrouvées chez des hommes normospermiques
Actuellement, il n’est pas possible de dire si les délétions partielles
représentent des facteurs de prédisposition à l’infertilité, dont
l’expressivité dépendrait de l’haplogroupe de l’Y,
ou si elles sont de simples polymorphismes