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EXTRAIT DE COMMUNICATION

Complications du deuil des proches : facteurs de risque,prevention, soutien

M.F. Bacque

Toutes les etudes convergent pour reconnaıtre la facilita-tion du deuil des proches d’un malade atteint de cancerlorsque la fin a ete annoncee de facon non traumatogeneet accompagnee jusqu’au bout. Les complications du deuil,directes ou indirectes augmentent en effet la morbidite etla mortalite des proches en particulier des conjoints. Ainsi,en oncologie, ont ete identifies successivement les syn-dromes psycho-traumatiques lies a une mort annoncee, lesdeuils anticipes, les deuils chroniques et intergeneration-nels en oncogenetique, les complications du deuil lies auxalternances de remissions et de rechutes.

Prealable a la prevention des complications du deuil

La prevention des complications du deuil semble a priorirelever des objectifs des equipes de cancerologie a conditionqu’il soit possible de parler de la mort dans un service destineaux soins et centre sur la guerison. La mise en place d’ungroupe familial post-deuil ou d’un groupe transversald’endeuilles de malades suivis dans le meme service estproposee principalement en soins palliatifs, mais pourraitl’etre egalement en oncologie. Elle pose la question de lareconnaissance par l’equipe soignante de ses limites thera-peutiques. Elle enterine egalement l’idee que la mort s’inscriten continuite d’un parcours de soins sans pour autant prendrel’allure d’un echec medical. Enfin elle entraıne une commu-nication realiste et pour autant tournee vers la vie. Patients,familles et soignants pourraient aborder la mort potentielled’un malade du cancer et la possibilite d’etre soutenus desl’accueil par un affichage, et dans les plaquettes informatives,par une presentation precise et assumee.

Premiere etape : l’information sur la mort du patientet la prise en compte de la souffrance des proches

L’accompagnement des proches passe donc aussi par lesoutien apres la mort, ne serait-ce qu’a la premiereetape : la reprise avec la famille des derniers momentsprecedant le deces (aussi bien sur le plan du processusmedical que des expressions emotionnelles et affectives).Cette information devrait etre systematiquement proposeepar une invitation dans la semaine qui suit le deces, maisune realisation differee en fonction de la demande familiale.

Seconde etape : le depistage des facteurs de risqueet l’evaluation du soutien potentiel

La seconde etape doit s’appuyer sur un entretien semi-directif permettant d’evaluer les facteurs de risque du deuilet d’orienter les personnes qui le desirent vers un suiviindividuel ou collectif dans le service d’oncologie ou dansune association hors hopital.

Le suivi de deuil peut-il etre envisage comme une desmissions d’un service d’oncologie ? La question est bienconnue des psychologues et psychiatres travaillant enoncologie : tous admettent que c’est une partie nonnegligeable de la demande a leur egard. Infirmiers etmedecins sont egalement largement sensibilises a cettethematique. Au Royaume-Uni, ils participent activementaux groupes de rencontre avec les familles endeuilleesd’un malade traite dans leur service.

Parmi les antecedents personnels des proches figurentles pertes prealables et les evenements de vie dans lescinq ans, les difficultes psychologiques et psychiatriques,mais aussi les episodes de dependance psychologiqueentraınant une difficulte a se separer, l’habitude derepression des emotions. Le sexe de l’endeuille joue unrole fondamental regulierement mis en evidence par lesetudes demographiques, aussi bien du point de vue de sonrole culturel que de ses habitudes qui lui permettent des’exprimer ou pas au sujet des difficultes de la vie. Ainsi,

Marie-Frederique Bacque (�)

Universite Louis-Pasteur, Departement de Psychologie

12, rue Goethe F-67000 Strasbourg, France

E-mail : [email protected]

Rev Francoph Psycho-Oncologie (2006) Numero 4: 239–240

© Springer 2006

DOI 10.1007/s10332-006-0148-9

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un veuf aura-t-il beaucoup plus de mal a exterioriser sesemotions et presentera un risque important de troublescardio-vasculaires lors du deces de sa compagne.

L’entourage et les appuis possibles sont a prendre encompte et a questionner : outre les liens de parente et leseloignements des differents membres entre eux, l’enga-gement des proches dans une socialisation regulierepassant par differents groupes (amis, equipes sportives,associations, communautes religieuses ou politico-syndi-cales) est considere comme une « protection » du sujetcontre l’isolement. Les facteurs de personnalite sontanalyses globalement apres l’entretien. On tiendra comptede la fragilite narcissique, comme des defenses par lecaractere. Les episodes depressifs ou anxieux serontreleves systematiquement, car souvent sujets a repetition.La perte du contact avec la realite a l’occasion de reactionspost-traumatiques ou liee a la personnalite sera parfoisune contre-indication d’un suivi de groupe, elle laissera lestherapeutes ou animateurs vigilants quant aux dangersd’une reactivation.

Troisieme etape : quel accompagnementdes proches apres la perte d’un malade ?

L’evaluation des besoins des proches est primordiale etparce ces besoins sont souvent incommunicables du faitde la desorganisation liee au deces, elle decoulera del’ensemble de l’entretien plus que de questions directes.Besoin d’information, de chaleur et de convivialite,

recherche du disparu dans d’anciens lieux, grouped’expression ou soutien individuel, rencontre de person-nes confrontees aux memes difficultes et souffrances. Cesbesoins peuvent mener a une demande floue qui sera alorsconfrontee aux possibilites du service.

Plusieurs types de soutien se degagent des experiencesfrancaises et anglo-saxonnes :

– depistage et orientation vers un lieu exterieur : apresla seance d’information sur les circonstances du deces, lafamille ou un membre, qui en a formule la demande, estadresse a un therapeute, une association du secteur qui secharge d’elaborer une prise en charge ;

– proposition d’aide dans le service : elle requiert uneformation des membres du service qui souhaitentl’assumer, elle integre le psychologue ou le psychiatre duservice, elle s’instaure apres un accord institutionnel,indispensable au bon fonctionnement de ces dispositifs.

Nous detaillerons nos experiences et recommandationsdans notre communication.

References1. Bacque MF (2005) Pertes, renoncements et integrations : les

processus de deuil dans les cancers. Rev Francoph Psycho-Oncologie 2: 117-23

2. INED (2001) L’experience de la mort dans la famille : le point de vuede demographes et d’historiens. Paris (Ined editions)

3. Pillot J (1999) Prevention : l’apres decoule de l’avant. Etudes sur lamort 116: 98-110

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