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N ° 9 8 1 E R T R I M E S T R E 1 9 9 9 MODERNEMODERNE

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Près de cinq cents étudiants sont entrés en lice : la session 1998-1999 du concoursBétons,matière d’architecture est mainte-nant bien lancée.Mais c’est en juin prochain,au moment de la proclamation des résultats,que le concours connaîtra son point d’orgue.

Quatrième du nom,ce concours est bien sûrune preuve du dynamisme de la filière béton.Davantage encore,c’est une démonstrationrenouvelée de l’intérêt des étudiants pour ce matériau d’avenir.Sans doute parce quele béton s’associe naturellement à la créa-tion architecturale :ses qualités techniques,ses ressources esthétiques et plastiques fontde lui le matériau de tous les possibles.Et l’offre continue de s’élargir :bétons hautes performances,bétons autoplaçants,bétonsadjuvantés,etc.,sont autant de nouveauxoutils au service de l’imagination et de l’audace technique.Pour de nouvelles créa-tions architecturales dont Constructionmoderne ne manquera pas de se faire l’écho.

Bernard DARBOIS,directeur de la rédaction

Sommaire – n° 98

é q u i p e m e n t L’autoroute A51PAGES

1926

r é a l i s a t i o n s DIJON – UniversitéPAGES

0105Architecte : François NOËL

Universitétendance art moderne

ORLÉANS – DRACPAGES

0609Architecte : François CHOCHON

Attachéeaux affaires “sculpturelles”

LYON – Hospices civilsPAGES

1014Architecte : TEKHNÉ

Le mouvementqui déplace les lignes

PARIS – LogementsPAGES

1518Architectes : Olivier GIRARD/Laurent ISRAËL

Des logements sociauxà la mesure de l’homme

r é a l i s a t i o n s LIMOGES – Inspection académique

Architectes : Pierre BOLZE et Simon RODRIGUEZ

L’inspection académique s’arrête sur son image

b l o c - n o t e sPAGES

3536

• Concours Cimbéton 1998-1999“Bétons, matière d’architecture”• BETOCIB• Bibliographie• Exposition : “Le béton à Paris”

PAGES

2730

PANTIN – Maison de quartier

Architecte : Suzel BROUT

L’architecture,facteur de citoyenneté

PAGES

3134

>>> En couverture : la direction régionale desAffaires culturelles àOrléans.

Un tracé qui respecte

l’environnement

CIMCENTRE D’INFORMATION SUR LE CIMENT ET SES APPLICATIONS

7, place de la Défense • 92974 Paris-la-Défense CedexTé l . : 01 55 23 01 00 • Fax : 01 55 23 01 10

• E-mail : [email protected] •• internet : www.cimbeton.asso.fr •

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Michael TéménidèsDIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Bernard Darbois CONSEILLER TECHNIQUE : Jean Schumacher

CONCEPTION,RÉDACTION ET RÉALISATION :ALTEDIA SYNELOG 5, rue de Milan – 75319 Paris Cedex 09

RÉDACTEUR EN CHEF : Norbert Laurent RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT : Sylvie Héas

Pour tout renseignement concernant la rédaction,adressez-vous à Sylvie Héas – Tél. : 01 44 91 51 00 Fax :01 44 91 51 01 – E-mail : [email protected]

Revue d’information de l’industrie cimentière française

éditorial

MODERNEMODERNE

Erratum – Construction moderne n° 97 – Les photos du portfolio consacré à Oscar Niemeyer sont de Michel Moch.

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● ● ● François Noël ne cache pas son attrait pour la modernité. Très marquée par l’esthétique

De Stijl, son architecture se plaît à rechercher le dialogue : lumière et opacité, plans

suspendus et plans ancrés, les oppositions font de ses projets de véritables sculptures. Étape

récente dans l’œuvre de l’architecte, l’UFR de Dijon vient s’ajouter au nombre de ces compositions

où volumes et lumière se répondent. Où le béton se fait matériau « expressif ».

Universitétendance art moderne

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l’extrémité du campusde Dijon-Montmuzard,

relié au bâtiment existant parune étroite galerie, le nouvelédifice de l’UFR-STAPS (unitéde formation et de recherche –sciences, techniques, activités phy-siques et sportives) prend place dansun environnement de terrains desport et de grands gymnases. Pointd’équilibre et structure nouvelle pour le site, il tient sa force de saseule présence : sa géométrie, sesfaçades, son orientation, ses diffé-rentes échelles de perception, toutconcourt à organiser l’ensemble desentités qui composent le site.Le parcours qui conduit vers l’entréepropose une promenade construite,composée de plusieurs dispositifs

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>>> La composition et le dessin des ouvertures animent

les façades sud et est. Les découpes pratiquées dans le toit

permettent d’éclairer zénithalement certaines salles. Sous

la ligne de la toiture s’expriment les matériaux, la composition

des volumes et les parties visibles de la structure. Des

volumes blancs très découpés assurent l’articulation entre les

façades sud et ouest.

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qui s’enchaînent. Le parking exté-rieur, par exemple, est entièrementintégré au projet par un portique enbéton blanc qui tient lieu de signal.Comme un fil conducteur, ce por-tique guide l’usager vers le bâtimentà travers un parcours qui proposed’abord une perception frontale.Une rampe prend le relais dans unsecond temps, et c’est alors l’occa-sion d’une perception latérale plusrapprochée,orientée vers l’entrée.

● Le béton, matière d’une architecture expressive

Coiffé d’une grande toiture plate enbéton brut, le projet développe uneorganisation très expressive, faite deplans et de volumes soulignés par les

matériaux qui les construisent : lebéton gris brut, le béton blanc, lapierre de Bourgogne et le verre sontautant de moyens placés au serviced’une écriture architecturale large-ment inspirée d’une réflexion sur lemouvement De Stijl.Au nord, la toiture se retourne dis-crètement en équerre, une façond’orienter la figure et de renforcerson élancement. Quant aux porte-à-faux et aux poteaux de structureapparents, ils soulignent le soulève-ment de cette toiture dont la lignecombine puissance et légèreté. Elledéfinit un volume global virtuel où selisent les effets conjugués de la géo-métrie, de la lumière, des matières etdu jeu des volumes.François Noël a souhaité donner à lafaçade principale un caractère urbainpropre à marquer profondément lesite, comme s’il s’agissait d’un édificeélevé sur une place. Élément centralde la composition de cette façade : laverticale de la cage d’ascenseur. Elle

est flanquée à gauche du volume del’escalier, tandis qu’à droite, aucentre de la figure, se trouve le grandcadre en béton blanc support dubrise-soleil. Le vaste plan de toiture,qui semble à la fois posé et soulevé,vient coiffer l’ensemble. Bien ancréedans le sol, la cage d’ascenseur sevoit ainsi entourée d’une quantitéd’éléments qui s’organisent pourcomposer un “équilibre suspendu deformes”.Toutes les autres parties dela façade se greffent sur ces élémentsdans une écriture secondaire quijoue sur les lignes noires des menui-series métalliques, mais aussi sur destouches de couleurs vives ou encoresur la transparence du verre quirévèle l’intérieur des volumes.

● Solennité en façade

Assis sur un socle longé par unerampe, le bâtiment obéit à une orga-nisation tripartite classique – sou-bassement-corps central-couronne-

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ment – qui donne stabilité et solen-nité à la façade. Située entre lesvolumes de l’escalier et de l’ascen-seur, l’entrée est marquée par unauvent surmonté de cinq lamellesdisposées en biais. Matière de cetensemble : le béton blanc.Le hall d’entrée offre un lieu d’ac-cueil et de détente aux étudiants etaux chercheurs. Passé la porte, leguichet du gardien se détache sur lagauche. Installé dans la galerie de liai-son, il assure l’articulation vers lebâtiment existant. Face à l’entrée setrouve l’accès à l’amphithéâtre.Versla droite, l’espace se dilate en diago-nale en direction du hall proprementdit. Lumineux, épuré, il est marquépar deux éléments architectoniquestraités comme des sculptures : l’es-calier d’une part, et d’autre part unebanquette en béton blanc dont l’as-sise est recouverte de pierre et decuir. Le décalage du hall par rapportà l’entrée amorce une promenadequi se prolonge au 1er et au 2d étage,

promenade où la continuité de l’es-pace tient d’abord à un enchaîne-ment de séquences qui lui confèreune agréable fluidité. À chaqueniveau, une sorte de salon d’étagedistribue les couloirs desservantsalles de cours et bureaux.Riches parleur diversité, les espaces intérieursproposent des ambiances variées.

● Une structure largementouverte sur l’extérieur

Derrière le brise-soleil, le salond’étage du 1er niveau s’étend vers lebâtiment existant par la galerie deliaison. Cette dernière est reliée àl’entrée par une étroite ouverturedouble hauteur révélée par lepoteau de structure qui la traverse.À l’étage supérieur, le salon est pro-longé par des terrasses en balconsur les aires de sport. Cette exten-sion des espaces intérieurs estaccentuée par le plan horizontal enbéton brut de la toiture.

MATÉRIAU

Au-delà de son

rôle porteur, la

structure béton se découvre une fonctionplastique qui participe

à l’expression de

l’architecture

Le béton : lumière et plasticitéCoulée en place, la dalle pleine de la toiture constitue un plan

horizontal parfait qui coiffe l’ensemble du projet et forme un véri-

table “plancher-dalle” sans retombée de poutre. Deux traite-

ments de surface pour ce béton : coffrage à la planchette pour

les bords, dont le relief accroche la lumière et magnifie la ligne

du toit, et plan lisse pour la sous-face, dont la neutralité met en

valeur le décrochement des volumes. Au niveau de la toiture, le

joint de dilatation qui parcourt le bâtiment est absorbé par des

appuis glissants sur une file de poteaux.

Des éléments architectoniques en béton blanc ponctuent le pro-

jet, tels le portique extérieur ou le banc du hall d’accueil. Ici, c’est

la plasticité du matériau qui permet de créer des éléments deve-

nus sculptures à part entière. Le brise-soleil de la façade princi-

pale est constitué d’un cadre en béton blanc brut coulé en place

qui enserre une série de lamelles en aluminium. Suspendu aux

nez de plancher et à la structure porteuse, ce cadre absorbe lui

aussi le joint de dilatation du bâtiment, par un jeu imperceptible

en façade entre structure et appuis glissants.

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>>> Très blanc, très lumineux, le hall d’accueil est

marqué par deux éléments structurants : l’escalier et le banc en

béton. Ce dernier se prolonge dans l’espace et forme une sorte de

portique qui anime ce lieu de détente et met en scène la porte

d’accès au laboratoire. L’escalier est dessiné comme une

sculpture dont la première marche, à la manière d’une estrade,

lance la première volée à claire-voie. Dans la galerie de

liaison du 1er étage, le poteau de structure traversant souligne la

dilatation de l’espace vers l’entrée au rez-de-chaussée.

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Construction moderne : Dans la présentation de votre travail, vousévoquez différentes références.Pouvez-vous nous les préciser ?

François Noël : Le Corbusier,TadaoAndo, Henri Ciriani ou Richard Meiersont pour moi des références. L’étudede leurs architectures nourrit maréflexion et mon travail depuisde nombreuses années. L’artmoderne, et plus particulièrement lemouvement De Stijl, à travers lesœuvres de Piet Mondrian ou de Theo Van Doesburg, constitue un

domaine où la modernité s’est exprimée à mes yeux de façon trèsprofonde. Je suis de ce fait très attaché à l’architecture de Gerrit Th. Rietveld, membre du mouvementDe Stijl.Voilà pour mes principalessources d’inspiration.

C. M. : Comment ces références ont-elles influencé votre façon de travailler ?

François Noël : Depuis le milieudes années quatre-vingt-dix, àmesure que mes projets se déve-

loppent, apparaît une synthèse de mes différentes sources d’inspiration. Cette tendance se traduit par une recherche d’inviduali-sation et par un travail d’analyse surles plans qui composent l’écriturearchitecturale. Le jeu des plans dis-sociés, les volumes éclatés,construisent les espaces et lesformes. Les plans verticaux ancrés,les plans horizontaux soulevés oususpendus, les plans de toiture déta-chés – comme “en lévitation” –,l’approche progressive vers le bâti-ment, sont des points caractéris-tiques sur lesquels je travaille danschacun de mes projets. En parallèle,je participe à de nombreuxconcours, et je suis convaincu quecette “gestation” est un formidablelaboratoire qui stimule la réflexionautant que la recherche.

dernier étage de la façade principale,pour accentuer le soulèvement de latoiture ou souligner le brise-soleil.Même chose au niveau des espacesintérieurs, où certains éléments dela trame sont décalés. Conséquencede certains choix architecturaux, cesaménagements se font dans le cadred’un dialogue rationnel entre l’archi-tecte et l’entreprise : “J’ai la chancede travailler avec des ingénieurs quiconnaissent bien ma façon de faire,

La diversité des espaces intérieursest une volonté de l’architecte, toutcomme la découpe recherchée etsculptée du volume. Un choix oùs’illustre toute la liberté qu’offre lastructure par points porteurs enbéton : au-delà de son rôle porteur,elle se découvre une fonction plas-tique qui participe à l’expression del’architecture. Par ailleurs, cettestructure fait parfois l’objet d’untraitement particulier, comme au

François NOËL,architecte

« Le béton exprime et sculpte mon architecture »

C. M. : Quelles sont les raisons qui vous amènent à privilégier désormais le matériau béton ?

François Noël : En comparaisonde mes premiers projets, où il étaitpeu présent, le béton me permetaujourd’hui de renforcer l’expres-sion de mon architecture. Depuisquelque temps, je cherche à déve-lopper le décollement de la toiture,les ponctuations de lumière, le dia-logue entre la transparence et l’opa-cité. Et aussi l’opposition entre cequi est ancré et ce qui est soulevé,entre le clair et le foncé, etc. Le bétons’y plie parfaitement. Grâce au béton,je travaille le projet comme unesculpture. Sa pérennité, enfin, est lagarantie d’un bon vieillissementpour les formes que je dessine etpour mes projets dans leur ensemble.

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Maître d’ouvrage :université de Bourgogne

Maîtrise d’œuvre :François Noël,

architecte

Économiste :cabinet Guy Cholley

BET :AIC Ingénierie

Entreprise gros œuvre :Curot

Surface :1 500 m2

Coût TTC :

10 600 000 F

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TECHNIQUE

Quelques règles essentielles pour un béton longue duréeLe béton est un matériau très compact dans sa composition, et

donc très peu poreux. Une caractéristique qui le rend peu sen-

sible aux agressions extérieures. Mais cette qualité ne peut s’ob-

tenir qu’à condition de respecter les points suivants.

■ Au niveau de la composition du béton, il faut effectuer un

dosage en ciment correct et proscrire l’excès d’eau par l’emploi

d’adjuvants appropriés (réducteurs d’eau, plastifiants, etc.).

■ Pour la fabrication de l’ouvrage proprement dite, il faut choisir

un mode de mise en œuvre du béton adapté au projet et respec-

ter les épaisseurs d’enrobage prescrites.

■ Lorsqu’il est destiné à rester apparent, le béton peut être pro-

tégé par une imprégnation hydrofuge.

La protection et l’entretien des bétons doivent être considérés

comme une action simple et prévisible. Ils garantissent la dura-

bilité des parements et celle des éléments de structure. Des

interventions simples et peu onéreuses, à renouveler tous les

cinq ou dix ans selon les produits et les sites, permettent de

conserver au mieux les bétons. Il est également important de

respecter les documents réglementaires.

De Stijl. – Revue d’avant-gardeet groupe artistique néerlandaisfondés en 1917 par Piet Mondrianavec Theo Van Doesburg. En peinture, le mouvement secaractérise par des compositionsabstraites à partir de lignes horizontales ou verticales. En architecture, Gerrit Th. Rietveld réalise en 1923 àUtrecht la maison Schröder, unprojet parmi les plus représenta-tifs de l’esthétique De Stijl.

précise l’architecte, et chacun, avecses compétences propres, respecte lesprérogatives de l’autre. Il en résulte undialogue particulièrement fécond quipermet de trouver des solutions structu-relles ou constructives propres à chaqueprojet. La souplesse du béton, la conti-nuité de sa matière et ses perfor-mances nous apportent aussi un largeéventail de réponses.” ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE

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r é a l i s a t i o n ORLÉANS – DRAC

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Attachéeaux affaires“sculpturelles” ● ● ● La direction régionale des

Affaires culturelles du Centre

s’est installée dans une ancienne

manufacture des Tabacs.

Pour l’occasion, le bâtiment existant

s’est vu enrichir d’une création

contemporaine. Mi-architecture,

mi-sculpture, cette construction

nouvelle trône dans la cour du

site ancien et s’impose, aérienne

et rayonnante, comme une figure

emblématique du ministère de

la Culture à Orléans.

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ifficile de se représenter,depuis la rue, les traits

de l’étonnante constructionréalisée par l’architecte Fran-çois Chochon dans la cour del’ancienne manufacture des Tabacsd’Orléans. L’intervention ne sedevine que par le jeu scénique duvolume qui émerge à l’arrière del’ensemble patrimonial et par laprofondeur des intérieurs contem-porains qu’évoquent les largesfenêtres de la façade principale.Celle-ci n’a pas été bouleversée, etles indices d’une mission nouvellepour les bâtiments de l’anciennemanufacture sont ténus.

● Principe de base : une intégration sans tapage

La direction générale des Affairesculturelles (DRAC) du Centre s’estdonc installée avec discrétion, et iln’y a guère que le jardin qui séparele bâtiment de la rue pour exprimerce que cette opération peut avoird’atypique et d’exceptionnel. Réalisépar l’artiste Pierre Bismuth, sonaménagement n’a pas plus cherché àmagnifier l’aspect monumental dubâtiment qu’il n’a voulu répondre àla fonction d’accueil et d’apparatqu’on prête d’ordinaire à une courd’arrivée. Destiné au contraire àdésacraliser l’institution et à l’insé-rer, par un clin d’œil, à l’environne-ment pavillonnaire du quartier, unarboretum qui présente les espècesrares de la région a été créé justederrière les grilles de fer forgé.

● Concours d’idées

Le projet concernant la réorganisa-tion du bâtiment a été élaboré aucours d’une étude de définitionmettant en concurrence troiséquipes d’architectes. L’analyse por-tait à la fois sur la mise au point duprogramme, les axes du projet etles modalités de sa réalisation.Réunir l’ensemble des services dela DRAC dans un même lieu enleur proposant des espaces com-muns, telle était la volonté dumaître d’ouvrage. Mais la difficulté

venait de ce que le réaménagementne touchait que la moitié d’unensemble de bâtiments réunisautour d’une cour, l’autre moitié dela manufacture des Tabacs accueil-lant des bureaux et des servicestotalement étrangers au ministèrede la Culture. Une des raisons pourlesquelles le parti architecturaldéplace le centre de la compositionpour aménager désormais l’entréedans le passage, abrité par une ver-rière, qui relie les deux édificesaffectés à la DRAC.Cet espace devient dès lors lecentre d’accueil et fonctionnecomme une charnière entre les ser-vices de l’Action culturelle, disposésdans l’ancienne maison du direc-teur, et les services du Patrimoine,installés dans l’ancien atelier deconfection des paquets de tabac.

● Où l’architecture ménage l’effet de surprise

Le hall distribue, dans son prolon-gement, un nouvel édifice auxformes fluides qui accueille uncentre de documentation ouvert aupublic et, à l’étage, une large sallede réunion. Mais c’est en pénétrantdans la cour intérieure de cetensemble que l’on perçoit dans saglobalité l’étonnant travail réalisépar le concepteur. Mi-architecture,mi-sculpture, la nouvelle construc-tion, courbe et aérienne, assure lacohésion fonctionnelle entre deuximmeubles de la fin du XIXe siècle.La présence du bâtiment est d’au-tant plus sensible que l’oppositiondes styles architecturaux est totale.D’une part, l’ordonnancement néo-classique des édifices impressionnepar sa rigoureuse et pesante com-position. D’autre part, le nouvelédifice, totalement abstrait, semblese jouer des règles de la statique. Ilmet en scène l’espace et la lumièreà travers une superposition deplaques horizontales dont l’accu-mulation rompt l’échelle de laconstruction et provoque un déca-lage avec les bâtiments existants.Occupée par un parking, la courétait un lieu ingrat, peu propice à

D

>>> L’accumulation des planchers en béton de

ciment blanc rompt l’échelle du bâtiment. Le mouvement produit

par leurs formes courbes, combinées aux ondulations des

vitrages, est accusé par l’action toute-puissante de la lumière :

suivant l’ensoleillement, des changements aléatoires viennent

modifier l’aspect du bâtiment.

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1

François CHOCHON,architecte

« Éviter la concurrenceentre passé et présent »

Construction moderne :Remanier un édifice patri-monial implique une réflexionprofonde sur l’apport du nouveau vis-à-vis de l’existant. Le choix que vousavez fait de n’intervenir qu’àl’arrière du bâtiment répond-il à cet impératif ?

François Chochon : Lerisque était d’altérer la façadeexistante par des ajouts plus

ou moins contemporains,emblématiques de la nou-velle fonction du bâtiment.Je n’ai pas voulu boulever-ser le legs géométrique,l’ordonnancement a minimaqui caractérise cetteancienne cité industrielle.Il fallait éviter, par exemple,d’employer des solutionsplus ou moins acrobatiquespour relier les bâtiments

entre eux. J’ai voulu que la manufacture, construction initiale, reste l’entité pre-mière. La cour, par contre,a toujours été un lieu fonc-tionnel : aire de stockage parle passé, et parking aujour-d’hui. Il n’y avait pas lieu dela sacraliser, et au contraireun apport s’imposait pour lui permettre de gagner unnouveau statut.

C. M. : Dès lors, quelle solution avez-vous trouvée à la difficile confrontationdes styles ?

François Chochon : Le dispositif formel que j’ai uti-lisé ne fait pas appel à lacomposition architecturaleau sens traditionnel duterme. J’ai voulu éviter lacomparaison, la concurrenceentre un ensemble trèsordonnancé et une interven-tion contemporaine qui sevoudrait bien composée, des-sinée avec les fenêtres aubon endroit, etc. Je me suisappliqué à accomplir un faitconstruit, et la question de

savoir s’il s’agit de sculptureou d’architecture reste ambiguë. C’est peut-êtrecette ambiguïté qui crée unchamp de neutralité où lerapport avec l’existantsemble fonctionner.

C. M. : Au premier abord,c’est l’horizontalité qui prime dans votre bâtiment.On devine quelques poteaux,mais la structure reste difficile à lire...

François Chochon : Lecaractère aléatoire de lastructure fait partie d’unepetite recherche qui consisteà savoir comment “brouiller

l’implantation des espaces communsde la DRAC, et seule la verdureapportée par les tilleuls pouvaitapparaître comme une qualité enregard de la présence bien encom-brante des voitures. En faisant large-ment déborder les planchers à l’ex-térieur du bâtiment, le concepteur atrouvé un moyen de valoriser cetensemble patrimonial sans l’altérerpar l’omniprésence des voitures.Posi-tionnée en retrait, la façade est réali-sée à l’aide d’un vitrage bombéextra-blanc dont les qualités de

transparence accusent la continuitéentre l’intérieur et l’extérieur. Lesproduits verriers sont pris dans desparecloses hautes et basses directe-ment tamponnées dans les dalles.

● Les planchers,base du principe architectural

Ainsi le bâtiment a-t-il pris une“non-forme”, par un entrelacs deplanchers qui constituent quantitéd’écrans et de cadrages, de protec-tions, d’occasions de mettre en

L’alliance de

l’architecture et du bétondonne sa force au projet

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r é a l i s a t i o n ORLÉANS – DRAC

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les pistes”. C’est à desseinque je feins de ne pas mepréoccuper de ce qu’est unedescente de charges. Alorsque l’on pourrait penser qu’ily a peu de points porteurs,il y a en fait des poteaux surajoutés, des poteaux qui ne servent à rien ou qui,destinés à porter le premierniveau, ont été prolongésjusqu’au deuxième, simple-ment pour brouiller lespistes. Le but à atteindre,c’est que la question ne soit plus :“Comment celatient-il ?”, mais “Commentoccupe-t-on l’espace entreles vides ?”

Maître d’ouvrage :ministère de la Culture,

direction régionale des Affairesculturelles

Maîtrise d’œuvre :François Chochon,

architecte

BET structure :Khephren

Entreprise gros œuvre :

SNB

>>> L’espace intérieur est mis en scène par

une superposition de plaques horizontales qui filtrent la lumière

et cadrent les vues d’une manière totalement contemporaine.

Sans autre système de protection que ces planchers débordants,

la salle de lecture demeure à l’abri des rayons directs.

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valeur la nouvelle construction. Àl’étage, depuis la salle de réunion, lacour semble cadrée d’une manièrecontemporaine, et le regard, quioublie un moment les voitures,plonge dans les frondaisons desarbres alentour.Au rez-de-chaussée, les planchersdébordants assurent une lumièreconstante, notamment dans la sallede lecture. Sans nécessiter de recou-rir à un système d’occultationsophistiqué, ce dispositif permetd’éviter toute surchauffe ou éblouis-

sement malgré l’orientation est -sud-est des locaux. Sa mise aupoint, préparée au stade de lamaquette, a été vérifiée en coursd’étude par des préfigurationsinformatiques.

● Quand la simplicité rime avec l’élégance

Le dispositif constructif “n’a rien detechniquement compliqué”, se plaît àannoncer le concepteur. Il s’agit eneffet d’une structure poteaux-poutres en béton de ciment blanccoulée en place. L’élégance du sys-tème repose pour l’essentiel surl’absence de toute retombée depoutre et sur l’importance desporte-à-faux. Ces éléments, quivont jusqu’à 3 m, sont parfois soula-gés par un foisonnement de pote-lets en acier de petite section quiévitent la multiplication despoteaux principaux en béton deciment de ciment blanc. Les dallesont été coulées dans des coffragesen contreplaqué. D’une épaisseurconstante, elles participent du jeusur l’échelle du bâtiment.Pour les parties en toiture-terrasse,les nez de plancher sont traités pardes acrotères en béton de cimentblanc. Pour les plans filants qui fil-trent la lumière et cadrent les vues,ce sont des cheneaux en inox quicollectent les eaux résiduaires en

périphérie. Les dalles, étanchées parde l’asphalte, sont revêtues de car-reaux de céramique qui renvoientles rayons du soleil sur les vitragesbombés des façades. Car l’action dusoleil sur le dispositif est toute-puis-sante. Grâce à la fluidité des formes,les variations de lumière sont l’oc-casion d’un changement continu etaléatoire dans l’aspect du bâtiment.

● Petit par la taille…

Par sa taille limitée (260 m2), onaurait pu craindre que le nouvelédifice ne manque à ce devoir destature qui revient aux institutionsde l’État. Mais c’eût été sans comp-ter sur les ressources conjuguéesdu matériau béton et d’une archi-tecture hors normes qui parvient às’imposer dans la cour de la manu-facture des Tabacs avec toute laforce nécessaire à sa mission, sym-bolisant ainsi la nouvelle fonctiond’un ensemble patrimonial dédié aurayonnement de la culture. ❚

TEXTE : HERVÉ CIVIDINO

PHOTOS : NICOLAS BOREL

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r é a l i s a t i o n LYON - Hospices civils

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Le mouvementqui déplace les lignes● ● ● L’extension du Home Lacassagne, à Lyon, est une réalisation exceptionnelle à plus d’un titre.

D’abord parce que le bâtiment existant, dessiné par Pierre Bourdeix dans les années soixante,

fait partie du patrimoine architectural de la ville. Ensuite parce que le projet illustre une

étroite collaboration entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre. Dernière prouesse et non

des moindres : un béton noir aux courbes satinées qui vient pimenter la rigueur du tracé initial.

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omment intervenir dansune architecture géo-

métriquement implacable ?Faut-il se plier et se soumettre, ouau contraire entrer dans le jeu de laconfrontation ? La réponse donnéeici relève d’une mixité plus subtile,fondée sur le respect de la modéna-ture existante, sur le prolongementde la trame, et où la différence vientd’une interprétation nouvelle de lamatière : un béton qui se démultiplieet qui revêt, le temps d’une courbe,un voile noir et profond.À Lyon, Tony Garnier n’est pas leseul à avoir laissé derrière luiquelques traces architecturalesmémorables. À un degré moindre,Pierre Bourdeix y a également signéquelques constructions d’impor-tance. Parmi elles le Home Lacas-sagne, propriété des hospices civilsde la ville. Un ensemble qui fait au-jourd’hui l’objet d’une restructura-

C

>>> Un jeu de parallèles et une composition linéaire,

rythmée par l’alternance de parties pleines et de parties vitrées

qui reprennent la trame de l’existant, soulignent la barre de

Pierre Bourdeix. En bout de ligne : l’amphithéâtre, une ellipse

noire qui accroche le regard.

1

1

1 • Amphithéâtre2 • Régie3 • Salle de cours 10 places4 • Salle de cours 18 places

(ateliers-séminaires)5 • Salle de cours 20 places6 • Salle de cours 25 places

7 • Salle de cours 40 places (modulable en 2 x 20)

8 • Salle de cours 50 places (modulable en 2 x 25)

9 • Hall d’accueil hébergement

10 • Bureau d’accueil

11 • Bureau du gardien12 • Local rangement

matériel13 • Bloc sanitaire14 • Escalier de secours15 • Escalier principal

tion, liée à une nouvelle organisation.Celle-ci émane d’un projet d’établis-sement qui réorganise tous les sitesHCL (hospices civils de Lyon). LeHome Lacassagne a été désignépour abriter les activités d’enseigne-ment, soit l’Institut internationalsupérieur de formation des cadresde santé (IISFCS), le service de laformation permanente de la direc-tion du Personnel et des Affairessociales (DPAS), ainsi que l’École descadres de la région Rhône-Alpes(ECRA). Pour le moment, le pro-gramme de mutation concerne uni-quement la barre centrale, soit leshuit étages du bâtiment principal.

● Structurer l’espace au sens large

La première phase consistait à réor-ganiser les deux premiers niveauxet à créer une extension. Accueil

Réussir de beaux bétons

Les bétons créés par M. Desvignes, de la société Art Composite,

proviennent de l’expérience. Celle de noter à chaque commande

toutes les conditions de la réalisation, jusqu’au résultat final. La

méthode lui permet d’affiner ses mélanges, d’en créer de nou-

veaux, de comprendre les phénomènes qui jouent sur la qualité du

produit. Dans le cas des panneaux noirs qui composent l’amphi-

théâtre, la profondeur de la couleur est due à du noir de fumée et à

des granulats noirs qui complètent l’effet des oxydes métalliques.

L’aspect satiné provient d’un traitement particulier de la surface

des moules. Techniquement, ce fut l’étape la plus difficile : les

moules devaient permettre la réalisation, après montage des pan-

neaux, d’une courbe continue et parfaite. Ici c’est le coulage, essen-

tiellement, qui a déterminé l’aspect final du béton. Conditions de la

réussite : une table tournante, qui permet de couler le béton à la

verticale dans le moule et de le répartir de façon homogène, et une

bonne maîtrise de la vitesse de coulage et de la vibration.

SAVOIR-FAIRE

❙❙❙ Plan du rez-de-chaussée

ExtensionExistant

109

8

1315

12 7 6 6 5 5 1

2

11 4 3 4 414

Page 14: Con moderne 98

1 2

>>> Rencontre d’un cône – la scène – et d’un cylindre

elliptique, matérialisée par un béton noir à la surface étonnamment

satinée. Parallèle à l’existant, le patio, doublé par la galerie

vitrée desservant les salles de l’extension. Au sol, du béton blanc.

Au bout de la galerie, l’accès à l’amphithéâtre, qui se place

comme le point sur le “i”. Dans l’amphithéâtre, le cône de la

scène et l’ellipse entourant les gradins. Au fond à gauche, réunion

des trois bétons présents dans le bâtiment : béton gris pour la

paroi plane, béton blanc pour le sol et béton noir pour la courbe.

4

3

2

1

des élèves, réception des usagers etdes visiteurs font partie du réamé-nagement du rez-de-chaussée, quicomprend également quelques sallesde cours partagées par l’IISFCS et laDPAS.

● Insertion délicate

La restructuration du premier étagea permis l’installation de l’ECRA.Mais il manquait à cet ensemble unamphithéâtre et des locaux d’ensei-gnement utilisables par tous. D’où lanécessité de créer de nouvelles sur-faces occupant le terrain à l’ouestde la barre existante. Difficile,cependant, d’inscrire une extensiondans ce site sans structure : troisconstructions existantes de stylestrès différents, construites indépen-damment les unes des autres. Laparcelle boisée de 14 325 m2, bienque classée, était jusque-là exploitéesans souci urbain particulier et sansschéma directeur digne de ce nom.L’existence de l’avenue qui la bordeest parfaitement niée. La relationentre le Home Lacassagne et sonenvironnement – une zone résiden-tielle mêlant pavillons, résidences etbarres – frôle l’indifférence, voire lesemis aléatoire.

qui accroche le regard du passant.Ce dernier peut facilement devinerles fonctions du nouveau bâtiment,composé d’une barre transparenteabritant des salles de cours desser-vies par une galerie vitrée donnantsur le patio.

● Rompre l’orthogonalitésans enfreindre la règle

Deux figures géométriques particu-lières caractérisent l’organisation spa-tiale de l’extension, cernée par deuxvolumes remarquables qui détiennentchacun le statut d’accroche. La pre-mière figure se concrétise dans unesalle en forme de losange qui permetd’intégrer une pièce existante, la

Le parti adopté par l’agence Tekhné,le cabinet d’architectes concepteursresponsable de cette restructura-tion, combine rigueur dimensionnelleet souplesse du dessin. En résumé,leur projet reprend la trame du bâti-ment existant comme une page qua-drillée qui reçoit ensuite quelquescoups de crayon tracés sans s’occu-per des lignes prédéfinies. Cette atti-tude découle fort logiquement d’unerecherche à deux niveaux : respecterl’architecture de Pierre Bourdeix,auteur d’une barre typique desannées soixante et remarquable parla qualité de ses lignes, de ses pro-portions et de sa modénature, maisaussi offrir un caractère propre àchaque école. C’est-à-dire éviter labanalisation et proscrire toute cons-truction qui n’exprimerait pas claire-ment la fonction. Un challenge relevéici avec une certaine retenue quiévite le geste trop éloquent.

● Un béton noir qui accroche le regard

L’implantation de l’extension ex-prime pleinement ce choix d’un res-pect “libéré” : le plan déjà tramé secomplète naturellement en organi-sant le nouveau bâtiment parallèle-

ment à l’axe de l’existant. Les deuxconstructions se touchent à peine,délicatement séparées par un patioqui met en valeur la paroi vitrée desannées soixante. Cet espace fonc-tionne comme une respiration trèsminérale, synonyme d’ouverture etde lien. Le rapport entre les échellesest préservé grâce à cet intersticequi admet et assoit une confronta-tion difficile, celle d’un unique niveauconstruit face à huit étages écra-sants. Les dimensions données aupatio sont justes. Elles permettent àl’extension de souligner l’existant,qui semble enfin ancré dans la par-celle. Et aussi de le relier à l’avenuepar le volume étonnant de l’amphi-théâtre, une ellipse en béton noir

12 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n LYON - Hospices civils

Page 15: Con moderne 98

3 4

du patio vient imiter la paroi vitréequi lui fait face, jusqu’au dessin desmenuiseries. Cette rigueur dans lagestion de la trame se retrouve éga-lement dans les transparences. Eneffet, les façades de la galerie et dessalles d’enseignement sont vitrées,cela afin d’offrir à l’utilisateur une vuesur l’espace boisé et de lui donner lasensation d’un espace élargi. Le prin-cipe vaut pour le rez-de-chaussée dela barre existante, qui reste relié auxarbres qui l’entourent.Mais rien n’estimposé, grâce aux systèmes d’occul-tation qui équipent les nouveauxlocaux. Intégrés dans la conceptiondes façades, ils ne sont pas perçuscomme des éléments rapportés.

● Trois aspects pour un même matériau

Cette transparence est d’autant pluséclatante qu’elle est cernée par demultiples écrins en béton, un maté-riau qui symbolise ici pleinement lamasse et l’effet de contraste. Poursatisfaire à ce souci d’épaisseur, ilrevêt trois aspects qui correspon-dent à trois fonctions différentes.D’abord béton blanc, lorsqu’il tientlieu de sol, dans les circulations oul’amphithéâtre. Il est alors

seule qui ne soit pas parallèle à labarre de Pierre Bourdeix. La secondepeut être interprétée comme unaccident formel dans une composi-tion fondée sur l’orthogonalité. Ils’agit de l’amphithéâtre. Ce derniervient équilibrer et terminer une com-position très linéaire à la manièred’un point sur le “i”, faisant ainsi échoà la seule salle en losange présentedans cet ensemble réglé comme dupapier à musique. La forme de l’am-phithéâtre est elle-même très étu-diée : il s’agit en fait de deux cônes ; lepremier repose sur la base d’uncercle, le second sur la base d’uneellipse. La combinaison de ces formesentraîne des tangences qui autorisentune césure de l’amphithéâtre endeux parties (le volume général d’unepart et la scène d’autre part). Uneséparation utile lors d’une réunion enpetit comité, par exemple, qui se dé-roulera alors en contrebas duniveau 0,aux abords de la scène.

● La trame, support de transparence

De la volumétrie à la composition enplan, la ligne directrice a consisté àreprendre le rythme et les propor-tions dictées par l’existant. La façade

Quand le projet architectural rencontre le soutien du maître d’ouvrage 1...

Quel est pour vous l’impact des choix architecturaux ?

Le projet de l’équipe Tekhné correspondait bien aux exigencesfonctionnelles et au respect de l’existant. Le résultat valorisel’image de l’institution tout en utilisant trois matériaux simples(béton, verre et acier). Ainsi du béton teinté qui offre une surfacerugueuse ou lisse sans application d’enduit. D’une façon géné-rale, les choix effectués ont tous une logique, et certains surpren-nent même par leur simplicité et leur évidence : choix de la trans-parence pour visualiser les espaces végétalisés, choix de lasobriété pour les menuiseries métalliques, choix d’un volumefermé correspondant à la fonction de l’amphithéâtre, qui devientun point de repère évident lors des manifestations ouvertes aupublic extérieur aux HCL.

Quel est le bilan de la relation avec les architectes ?

L’agence Tekhné a su gagner la confiance du maître d’ouvrage.Convaincu du souci des architectes de maîtriser les actes deconception et de réalisation, sûr de leur grande capacité de dia-logue lors des contacts nécessaires avec les différents utilisa-teurs, celui-ci les a délibérément accompagnés dans leurs propo-sitions architecturales aussi originales que personnelles.

1. Les hospices civils de Lyon, représentés par la direction des Affaires techniques(Gérard Salignat, directeur du service, et Alain Benini, chargé de l’opération,répondent à nos questions).

TÉMOIGNAGE

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 13

● ● ●

Page 16: Con moderne 98

14 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n LYON - Hospices civils

Maître d’ouvrage :hospices civils de Lyon

Maîtrise d’œuvre :Tekhné,

SARL d’architecture,ChristianCharignon et Hélène Duhoo,

architectes

Bureau d’études :Agibat (structures) et

Charreton-Pierron (exécutiondes bétons)

Bureau de contrôle :Socotec

Entreprise de gros œuvre :Chanut SA

Préfabrication des panneaux

de l’amphithéâtre :Art Composite

détails de la construction ou lesouci de la modénature. À l’imagedu profil des poteaux béton, trèstravaillé dans sa section, qui n’a decarré que le contour de base etdont les pans peuvent être coupésà 45°, avec insertion d’un triangleévidé pour les poteaux apparents.Le jeu n’est pas vain, car le poteaudevient générateur d’un rythme dis-cret qui capte la lumière.

● Un béton d’exception

Troisième incarnation d’une matièrequi se plie par sa plasticité à toutesles inventions formelles : le bétondevient ellipse et cône pour créerun amphithéâtre très séduisant, parson volume d’abord (l’envoûtement

coulé en place, sous la formed’une chape lissée dont la surfaceest ensuite travaillée suivant un cale-pinage précis qui isole certaineszones sablées pour mettre à nu lesgranulats et faire vibrer la matière.Dans tous les cas, une résine acry-lique anti-taches incolore a été pulvé-risée sur le sol.Béton gris, lorsqu’il devient porteur,qu’il soit poteau ou paroi pleine,mais seulement dans le cas des mursparfaitement plans. Le béton marquealors pleinement l’orthogonalité, lesouci de la trame, l’épaisseur néces-saire à la valorisation d’une transpa-rence. L’occasion également pour lesarchitectes d’inscrire dans ce travailrespectueux de l’architecture exis-tante une signature qui se lit dans les

des courbes), mais aussi par samatière, une robe d’un noir profondoù le regard se perd. Décomposésen panneaux de 8 à 10 tonnes, ellipseet cône ont été réalisés au moyen demodules préfabriqués puis assemblésin situ. Un réel exercice de style pourl’entreprise chargée de les réaliser,fière de démontrer à cette occasionque le matériau béton peut être unsupport de passion, mais surtoutqu’il est bien plus qu’un simple amal-game coulé puis démoulé.Résultat de ce travail fondé sur uneétroite collaboration entre architecteet entreprise : une véritable piècearchitecturale devenue le point focaldu Home Lacassagne. ❚

TEXTE : AMÉLIE KLEIN

PHOTOS : EMMANUEL JOLY

joint élastomère

panneaux préfabriqués

fond de joint mousse

Clavetage entre panneaux préfabriqués

panneaux préfabriqués

joint élastomèrefond de joint mousse

Clavetage entre panneaux préfabriquésdans la hauteur des allèges et linteaux

Détail BDétail A

Détail B

Détail A

❙❙❙ Plan de l’amphithéâtre

❙❙❙ Détail du poteau

❙❙❙ Continuité des courbes La difficulté liée à la définition géométrique des panneaux résidait dans la logique du découpage, dans la précision des dimen-

sions et des courbes : un écart de 5 mm peut se transformer en catastrophe au montage, avec un profil général du volume

franchement déformé.

● ● ●

cloison

base carrée

Page 17: Con moderne 98

r é a l i s a t i o n PARIS - Logements

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 15

Des logements sociauxà la mesure de l’homme● ● ● Désignés par Logis Transport pour remodeler cet îlot situé au cœur du lotissement du

Hainaut, dans le 19e arrondissement de Paris, Olivier Girard et Laurent Israël souhaitaient

reprendre à leur compte le type urbain des “villas parisiennes”. Objectif : reconstituer des échelles

à la dimension de l’usager. De son côté, la volumétrie complexe voulue par l’ampleur du

programme – 78 logements – imposait l’emploi du béton. Couleur et économie.

Page 18: Con moderne 98

omme bien des rues deParis, la rue Petit est

marquée par une architecturede barres caractéristique des loge-ments sociaux des années soixante.À défaut de les faire oublier, OlivierGirard et Laurent Israël ont choiside leur opposer un vis-à-vis moinslinéaire, recomposant ainsi une“tranche de ville” sur le site d’unancien dépôt d’autobus.En adoptant le thème d’une architec-ture de villa accessible par un grandporche ouvert sur la rue, ils s’atta-chent à rétablir des échelles pourremodeler le tissu urbain. Inscritedans la profondeur d’un îlot et orga-nisée autour d’une cour urbaine, leurintervention relie l’urbanisme desannées soixante à une école réaliséeen contrebas par Pencréach. Elle aainsi la particularité d’offrir deuxtypes d’habitations : d’une part unbâtiment de neuf étages sur la rue, etd’autre part des édifices de pluspetites dimensions situés en retraitdans la profondeur de la parcelle.

● Une voie nouvelle

Ce parti met en évidence un nou-veau cheminement piétonnier qui,depuis la rue Petit, rejoint l’avenueJean-Jaurès via d’autres opérations

1 2 3

>>> Sur la rue Petit, la façade “épaisse” retrouve un

alignement sur rue au neuvième étage, niveau de l’entablement.

Les coursives en béton, qui se distinguent par leur grande

portée, ont été coulées en place. Elles distribuent les logements

en favorisant les transparences. La façade est ponctuée par

les dalles de béton en porte-à-faux qui supportent les balcons,

les coursives et les loggias. Outre ses propriétés plastiques,

le béton enduit permet des effets colorés qui mettent les volumes

en valeur. La villa Petit y gagne cette touche résidentielle qui fait

les opérations de qualité. Rythmées par les horizontales

des tablettes en béton, des coursives se raccrochent à l’axe de

distribution vertical du bâtiment.

5

4

3

2

1

de logements.Au fond de la parcelle,des plantations et des horizontalesdessinées par un jeu de loggias enbéton et pavés de verre orientent leregard vers l’école et le reste duquartier, prolongeant ainsi la trans-parence au-delà du porche et de lacour. La fonction urbaine de ceporche monumental vaut d’êtresignalée : il révèle le cœur d’îlot etpermet aux logements sur cour debénéficier d’un certain calme enarrière-plan sans pour autant s’isolerde la ville.

● Des techniques de construction sur mesure

La mise en œuvre du matériau bétonprend ici valeur d’exemple. En raisonde l’importance des hauteurs à fran-chir – pas moins de 21 m du rez-de-chaussée au plancher haut du hui-tième étage –, monter des toursd’étaiement à partir du sol s’avéraitrelativement difficile, pour des rai-sons de sécurité d’une part et desquestions techniques et financièresd’autre part. L’entreprise a donc ins-tallé les dispositifs d’étaiement surun balcon situé à la hauteur du plan-cher du septième étage.Pour faciliter la mise en œuvre etfavoriser l’économie du chantier, les

C

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16 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

Page 19: Con moderne 98

4 5

❙❙❙ Des volumes harmonieux En cœur d’îlot, l’ensemble des

constructions s’organise autour

d’une cour urbaine qui surplombe

le parking souterrain. Arrimé en

équerre au porche d’entrée, un

corps de bâtiment à R + 3 s’étire

vers le fond de la parcelle. À la fois

privé et collectif, l’espace intérieur

reste protégé par le porche sans

pour autant perdre son statut de

cour urbaine.

dalles qui traversent le porche ontété réalisées à l’aide de prédalles enbéton préfabriquées sur le chantier.Au cœur de l’îlot, l’opération sedécouvre une seconde nature : parun jeu sur les échelles et la volumé-trie qui ouvre de multiples perspec-tives, les architectes parviennent àune réelle différenciation des loge-ments. Une animation qui n’oubliepas de se tourner vers l’extérieur,les logements bénéficiant tous d’unrapport à la ville, aussi fugace soit-il.

● Un écrin d’architectureautour de l’espace collectif

Sur cette parcelle de 60 x 40 m, plu-sieurs corps de bâtiment de trois ouquatre étages bornent un espacepublic protégé, composé de deuxséquences, l’une dallée en couver-ture de deux niveaux de parking,l’autre plantée. Ce parcours offertaux habitants de la villa dans la pro-fondeur de la parcelle se retrouveen étage, aux niveaux 2 et 3, où delongues galeries de distribution ponc-tuées de jardinières en béton préfa-briqué donnent accès à de nom-breux logements sur cour à partir dupalier d’ascenseur du bâtiment rue.Quelques éléments de modénaturetels que des encorbellements

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 17

Rue Petit

● ● ●

Page 20: Con moderne 98

18 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n PARIS - Logements

1 2

Maître d’ouvrage :Logis Transport

Maîtrise d’œuvre :Olivier Girard et Laurent Israël,

architectes Robert Boulez,

assistant

Aménageur :SEDP

Surface :7 172 m2 (SHON),5 510 m2 habitables

Entreprise générale :Bouygues

Préfabricant :Euvé Préfa

Coût des travaux :

30,5 MF

et des tablettes d’appui defenêtre en béton préfabriqué sontutilisés pour souligner la volumétrietout en contribuant à individualiserles logements.Dans un même esprit, des équerresen béton ont été coulées en placepour marquer l’entrée d’une séried’appartements conçus comme depetites maisons individuelles danslesquelles l’entrée se fait au niveaudes chambres, que viennent ensuitechapeauter la cuisine, le séjour etune terrasse. Ample et spacieux, le hall unique vient ajouter à l’aspectrésidentiel.

● Un objectif de diversité et d’ouverture sur l’extérieur

En associant à une typologie de villale concept d’immeuble-villa, le partiarchitectural visait à créer des loge-ments variés, traversants pour nom-bre d’entre eux et dotés d’exten-sions extérieures. À l’intérieur desappartements, des dispositifs de cir-culation particuliers et des cloisonsmobiles permettent de diversifier lesusages sans perturber les contraintesjour-nuit, auxquelles Logis Transport,maître d’ouvrage de l’opération, nesouhaitait pas déroger. Au sommetdu bâtiment de neuf étages, toutcomme au rez-de-chaussée et au

>>> La trémie de

la rampe du parking s’intègre

naturellement à la composition

de la cour. À l’intérieur de

l’îlot, on passe progressivement

de l’échelle urbaine à l’échelle

domestique.

2

1

● ● ● niveau 2, les logements sont regrou-pés dans “leur propre petit quartier àciel ouvert”, tandis que les chemine-ments dominant la cour embrassentle paysage des toitures parisiennes.Particularité de ce chantier : la pré-sence sur le site d’un poste de re-dressement de la RATP. Accolé aumur mitoyen, sa hauteur correspondau rez-de-chaussée et au premierétage de l’immeuble, l’ensembleétant surmonté d’une cheminée deventilation. Principale contrainte, leposte devait fonctionner en perma-nence pendant les travaux. Il est ànoter que la structure en béton per-met d’intégrer cet ouvrage tech-nique préexistant dans un édifice àvocation résidentielle. Une vingtainede micropieux de 19 m de profon-deur et des puits constituent lesfondations. Situées de part etd’autre du poste de redressement,ces fondations portent l’immeublede 7 niveaux qui surmonte l’équipe-ment. L’utilisation de conduits de lahauteur d’un étage a permis deréaliser la cheminée de ventilation aufur et à mesure que s’élevaient lesétages. Ces conduits sont des élé-ments carrés en béton préfabriquéde 2 m de côté, revêtus intérieure-ment d’un isolant acoustique. In fine,la cheminée de ventilation traverseles 7 niveaux de logements sans

générer de nuisances. Les plans desappartements sont dessinés de tellefaçon qu’à aucun moment la pré-sence de ce conduit ne vient pertur-ber l’usage domestique. ❚

TEXTE : CHRISTINE DESMOULINS

PHOTOS : OLIVIER WOGENSCKY

Page 21: Con moderne 98

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 19

infrastructureinfrastructureÉ Q U I P E M E N T

➜ L’environnement,une exigence majeure du

développement économique p. 20

➜ Des bétons hautes performances

pour les viaducs du Crozet p. 23

➜ 18 000 m2

de murs de soutènement

aux abords de La Coynelle p. 26

● ● ● QU’ELLES TRAVERSENT DES SITES URBAINS OU DES PAYSAGES

PRÉSERVÉS, LES AUTOROUTES MODERNES SE DOIVENT DE RELEVER LE DÉFI

DE LA DISCRÉTION ET DU RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT. LA SEULE

QUALITÉ TECHNIQUE NE SUFFIT PLUS ET LES GRANDS PROJETS S’ACCOM-

PAGNENT DÉSORMAIS DE PLANS D’ASSURANCE ENVIRONNEMENT. C’EST

LE CAS DE L’A51 ENTRE GRENOBLE ET SISTERON, DONT LA CONCEPTION

ET LA RÉALISATION MONTRENT UNE VOLONTÉ DE PRÉSERVER LES

RICHESSES AQUIFÈRES DE LA RÉGION. LE TRACÉ LUI-MÊME EST EMPREINT

DU SOUCI DE S’INSÉRER DANS LES TISSUS URBAINS ET LES PAYSAGES

PRÉALPINS. PIÈCE MAJEURE DU DISPOSITIF D’ASSAINISSEMENT ET DES

OUVRAGES D’ART, LE BÉTON SE FAIT PARTENAIRE DE LA DÉMARCHE

ENVIRONNEMENTALE ; SOUVENT AU PRIX DE L’EFFACEMENT, À L’IMAGE

DES MURS DE SOUTÈNEMENT REVÊTUS D’UNE PARURE VÉGÉTALE.

Autoroute A51Grenoble-Sisteron

Page 22: Con moderne 98

➜ L’environnement, une exigence majeuredu développement économique

la région a conduit les constructeurs de l’auto-route à mener d’importants travaux d’aménage-ment spécifiques. Il est vrai que l’autoroute A 51s’inscrit dans un milieu parcouru par de nombreuxcours d’eau. Le Lavanchon, les ruisseaux de la Suzeet de la Marjoera, le torrent de la Gresse et le ruis-seau de la Merlière sont concernés par la sectionGrenoble-La Coynelle. Les études hydrologiquesmenées en amont des travaux ont permis demesurer l’incidence de l’ouvrage sur l’environne-ment et d’en limiter l’impact. Il fallait d’abord éviterque les remblais ne se transforment en digues etveiller à préserver la libre circulation des rivièreset ruisseaux.

● Protection de l’eau : les solutions

Dans la plaine du Lavanchon, régulièrement inon-dée par la rivière du même nom, la solution rete-nue associe un recalibrage du lit à la création dedéversoirs régulant le débit et canalisant les sur-plus vers un contre-canal longeant l’autoroute.Là comme dans les autres tronçons, des disposi-

emise en cause par les écologistes,discutée par les collectivités, la

construction de la partie septentrionalede l’autoroute A51 a fait l’objet de soins toutparticuliers pour respecter le mieux possible lescontraintes environnementales et paysagères. Etcelles-ci se mesurent à l’aune de la sensibilité desriverains des zones traversées. Du nord au sud,le tracé contourne Varces, traverse la montagned’Uriol par un tunnel pour rejoindre ensuite laplaine de Reymure, en limite de la zone de captageoù l’agglomération grenobloise trouve, sans traite-ment, l’eau potable nécessaire à sa consommation.Il s’élève ensuite pour traverser le massif du Petit-Brion, emprunte le viaduc de la Rivoire pouratteindre le talweg du Crozet qu’il franchit pardeux élégants viaducs en arc à tablier supérieur enbéton. De là et jusqu’à la gare de péage d’Avigno-net, une tranchée couverte permet de préserver lehameau de Serf tandis que des murs de soutène-ment végétalisés facilitent l’inscription du tracéentre la voie ferrée Grenoble-Veynes et la RN 75.La volonté de préserver les richesses aquifères de

R

>>> De Grenoble à La Coynelle, le

tracé s’inscrit dans des zones sensibles.

Ponts, tunnels et tranchées couvertes se suc-

cèdent pour franchir les obstacles géologiques

et favoriser l’insertion de l’autoroute dans

des paysages somptueux.

1

1

❙❙❙ Tracé de l’autoroute

i n f r a s t r u c t u r e

20 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

Page 23: Con moderne 98

tions draconiennes ont été prises pour que l’eaude ruissellement ne puisse venir polluer les coursd’eau et les nappes phréatiques. Une protectionassurée d’ailleurs dès la phase des travaux. Lesentreprises de terrassement, dont les respon-sables environnement entretenaient un dialoguepermanent avec le chargé de mission du maîtred’œuvre, se devaient de prévoir un assainissementdu chantier. Drains, fossés et canalisations condui-saient l’ensemble des eaux de pluie vers des bas-sins provisoires dont le fond assurait la filtrationavant rejet.

Dans la plaine de Reymure, particulièrement sen-sible, le stationnement fut interdit aux engins demanière à éviter tout risque de pollution acciden-telle. Corollaire, un plan d’alerte spécial fut aussimis en place. Sélectionnée pour sa capacité àpurger les terrains éventuellement pollués, uneentreprise fut désignée pour intervenir dans undélai de 30 minutes, de jour comme de nuit, septjours sur sept.

2

● Sept bassins d’assainissement pour canaliser les eaux pluvialesLe maître d’ouvrage a prévu un dispositif d’assai-nissement complet du tracé pour recueillir, stoc-ker et évacuer les eaux pluviales. À cette fin, pasmoins de sept bassins ont été créés entre Varceset la rivière Merlière. Le bassin du Crozet, le plusimportant d’entre eux, récupère la totalité deseaux recueillies entre La Coynelle et la Rivoire. Ilprésente une longueur de 160 m pour 10 m delargeur et 4 m de profondeur. Les quelque1 500 m3 d’eau qu’il contient sont filtrés par desinstallations de dessablage, de débourbage et dedéshuilage avant d’être rejetés, assainis, dans lescours d’eau naturels. Le dimensionnement de cebassin construit en bordure de l’autoroute, sur unremblai de 45 m de hauteur, a été conditionné parl’importance de la poussée des terres et non parcelle des eaux. Les voiles en béton qui le cein-turent ont une épaisseur de 40 cm et sont arméspar près de 120 kg d’acier par mètre cube. Le

>>> Le viaduc de la Rivoire.

Canaux, caniveaux et ouvrages hydrau-

liques se succèdent sur le tracé pour proté-

ger l’autoroute des crues et préserver nappes

et rivières des pollutions accidentelles.

L’architecture suit le concept du “tube

virtuel”. La forme des voûtes des ouvrages

souterrains s’éteint progressivement pour

renaître au travers des lignes courbes des

protections antibruit.

3

2

1

INTERVIEW

Construction moderne :Quels sont les efforts quevous avez consentis pour lesquestions liées à la protec-tion de l’environnement ?

Bernard Miet : Il faut resi-tuer les choses dans leurcontexte. Le tronçon auto-routier de l’A51 concédé àAREA entre Grenoble et lecol du Fau représente unelongueur de 25 km et un coût

« Les dépenses environnementales représentent 15 % des coûts »

estimé à ce jour à 2,5 mil-liards de francs. Les disposi-tifs environnementaux mobi-lisent, dans leur globalité,près de 15 % du montanttotal de l’opération. Mais l’ef-fort est aussi humain. Nousavons demandé à Scetau-route, le maître d’œuvre, d’in-tégrer dans son organisationun ingénieur environnementchargé des relations avec lesriverains, les administrations,

1

et surtout les entreprises.Au stade de la consultation,cet ingénieur a fixé lestermes d’un cahier descharges environnement. Ils’est ensuite assuré que cesclauses étaient bien respec-tées par les entreprisesdurant les travaux.

C. M. : Pouvez-vous nousrésumer les différentes dispositions qui ont étéprises pour la protection del’environnement ?

B. M.: Elles sont de diversesnatures. S’agissant de la pro-tection de l’eau, il a fallu étan-cher l’autoroute et mettre enplace les dispositifs de col-lecte et de stockage néces-saires pour que la plaine de

Trois questions à Bernard Miet,directeur technique et des investissements de AREA

Reymure et sa nappe phréa-tique restent à l’abri de toutepollution causée par un acci-dent ou par des pluies excep-tionnelles. Autres mesures :la préservation du tissuurbain, comme le passage entranchée couverte au droit duhameau de Serf, ou la protec-tion acoustique, avec delarges sections bordées demurs antibruit. Détail qui ason importance, nous avonsaussi veillé à limiter les per-turbations imposées aucouple de grands ducs quinichait dans la montagne duPetit-Brion, en particulierpendant la période de repro-duction. Plus généralement,le souci de préserver le pay-sage a par exemple conduit à

construire un double viaducen lieu et place du remblai duCrozet, ou encore à décalerles chaussées afin de limiterl’impact visuel de l’autoroute.Le principe était de créer unouvrage fin qui se signale parson esthétique.

C. M. : Quelle est cetteesthétique ?

B.M. : L’architecte Françoise-Hélène Jourda, qui a suivi leprojet dès son origine, a eul’idée de prolonger lesformes des nombreux pas-sages souterrains par des“tubes virtuels” enveloppantles chaussées. Un conceptque traduisent les entrées detunnel en biseau et les mursantibruit au profil courbe. ❚

3

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 21

Page 24: Con moderne 98

>>> Au niveau du talweg du Crozet, les deux viaducs de l’autoroute A51 s’inscrivent

dans une double logique d’élégance architecturale et de préservation du site. Les eaux

pluviales en provenance de la chaussée sont récupérées dans des collecteurs reliés à un bassin

de stockage et de relevage.

2

1béton utilisé pour sa réalisation offre une résis-tance de 35 MPa, et sa formulation a été détermi-née de façon à ce qu’il reste insensible aux effetscumulés du gel et du sel.

Depuis l’entrée nord du tunnel du Petit-Brion etjusqu’à l’échangeur de Vif, sur environ 3 km, lesbassins sont complétés par de véritables retenueslinéaires cheminant le long de l’autoroute. Surcette section, en effet, la chaussée rendue étancheet marquée par un dévers important permet dedéverser les eaux pluviales dans des “casiers” de1 m de large et d’une profondeur variable en fonc-tion de la pente de l’autoroute. Le système a étéconçu pour juguler les effets d’une pluie centen-nale. Tous les 120 m, des régulateurs de débitadaptent le flux à la capacité du casier aval et for-ment ainsi les marches d’un escalier hydrauliqueconduisant au bassin de Vif.

● Une formulation du béton adaptée aux exigences particulières du site

Les casiers sont construits en deux temps. Lesvoiles préfabriqués en béton armé sont d’abordmis en place et maintenus contre les bords de latranchée au moyen d’un gabarit métallique. Ils fontoffice de blindage pour la tranchée, permettant ainsi aux ouvriers de bétonner le fond du casieren toute sécurité. Le béton, composé de granulatsroulés de la plaine de Bièvre, est formulé de façonà supprimer le risque d’alcali-réaction entre lesconstituants. La résistance mécanique requise, de35 MPa à l’échéance de 28 jours, a été satisfaitesans difficulté, avec une grande marge de sécurité.Un adjuvant superplastifiant a permis de réduire lerapport eau/ciment tout en maintenant unebonne ouvrabilité du béton frais.

Plus important, dans ce cas précis, un second adju-vant à effet entraîneur d’air a été utilisé en raisond’un cahier des charges imposant un béton sus-ceptible de résister aux effets du gel. Les vérifica-tions et études effectuées par Sigma Béton ontmontré la parfaite compatibilité des consti-tuants (ciment, fines, superplastifiant, entraîneurd’air), et le béton a largement supporté les testsde résistance à l’abrasion superficielle, dits testsd’écaillage. ❚

La plaine de Reymure héberge la nappe alluviale qui alimente l’agglomération grenobloise en eau potable. Dans

cette section ultrasensible, l’autoroute est dotée d’un dispositif de protection complexe. Des barrières anti-déver-

sement préservent des pollutions résultant d’un accident, tandis que les ruissellements sont acheminés par des

caniveaux et des biefs capables de réguler des précipitations centennales.

❙❙❙ Assainissement de la plateforme autoroutière sur la section Grenoble-Serf

❙❙❙ Profil en travers de l’autoroute dans la plaine de Reymure

1 2

22 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

Page 25: Con moderne 98

avec la profondeur. Les arcs induisent une fortecomposante horizontale de la poussée desouvrages. La contrainte culmine avec le viaduc est,soutenu par un arc unique de 140 m de portée.À la naissance de l’arc, la poussée horizontale estde 5 000 t. Pour reprendre les efforts, l’entreprisea réalisé des puits marocains d’une forme et d’uneenvergure hors du commun.

Ces puits de fondation elliptiques présentent unelongueur de 13 m, une largeur de 10 m et uneprofondeur de 15 m. Il sont creusés à la pellehydraulique, pas par pas, selon une succession dephases de blindage et de bétonnage des parois sur3 m de hauteur. Le puits est revêtu de voiles péri-phériques de 2,20 m d’épaisseur et d’un radier de2 m. Chacun des six puits aura consommé près de1 000 m3 de béton de type B35. Une fois achevés,ils sont remblayés en enrochement avant que nesoient réalisées les semelles de fondation (1,20 mde hauteur) et la naissance des arcs.

Les bétons des viaducs du Crozet Les viaducs du Crozet, par leur forme, leur finesse, ont conduit l’entreprise Campenon

Bernard, mandataire du chantier, à employer des bétons hautes performances de type

B 60 de deux maniabilités distinctes pour satisfaire aux exigences de mise en œuvre :

– consistance fluide pour les pilettes

(fines et fortement armées) ;

– consistance plastique pour le tablier

(pente).

D’une composition de base identique

et d’une teneur en eau analogue, ces

deux types de béton à l’ouvrabilité dif-

férente ont été obtenus par différen-

ciation du dosage en superplastifiant.

Ils ont été préparés en centrale de

béton prêt à l’emploi par SATM.

TECHNIQUE

3

1

➜ Des bétons hautes performancespour les viaducs du Crozet

e projet autoroutier initial pré-voyait un remblai pour le franchis-

sement du talweg du Crozet. Moins oné-reux, cet ouvrage de 35 m de hauteur comportaitl’inconvénient majeur d’obturer complètement levallon. Décision fut donc prise de combler la par-tie sud de ce dernier et de construire un ouvraged’art. Ou plus exactement deux, puisque la solu-tion retenue consiste en deux viaducs distants de40 m dont les arcs viennent en rappel des formesdu pont SNCF voisin,élevé au début du siècle.

● Sols marneux, fortes poussées : des fondations délicates

La première difficulté technique a touché les fon-dations des ouvrages. Les deux viaducs – respecti-vement 364 m et 348 m de long – se fondentdans un terrain peu favorable : un sol constitué delimons marneux dont la compacité augmente

L

>>> En phase de construction, les

arcs des viaducs sont supportés par des

palées provisoires permettant le passage des

équipages mobiles. Les pilettes cylin-

driques qui relient l’arc au tablier sont extrê-

mement fines. Ce choix esthétique de l’archi-

tecte Françoise-Hélène Jourda a conduit à

des taux inhabituels d’armatures passives.

2

1

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 23

Ciment CPA-CEM I 52,5 PM CP2 385 kg

Fumées de silice 31 kg

Superplastifiant (béton fluide*) 7 kg

Sable 0/5 780 kg

Gravillons 5/12 360 kg

Gravillons 12/20 695 kg

Eau 150 l

* Béton plastique : dosage en superplastifiant, 5 kg ; dosage en eau, 145 l.

Page 26: Con moderne 98

❙❙❙ Vue en plan générale du Crozet et du franchissement SNCF La chaussée autoroutière se scinde en deux voies au droit du hameau du Crozet. Partant, son impact visuel

est diminué d’autant pour qui regarde l’ouvrage depuis le Petit-Brion ou le Vercors, les deux massifs environnants.

En décalant les piles et les arcs, les concepteurs créent une perspective rappelant l’architecture du pont SNCF

centenaire.

● Des pieux de 15 m pour soutenir les ouvrages en construction

Les appuis provisoires des viaducs ont eux aussinécessité la réalisation de fondations spéciales. Eneffet, des pieux de 15 m de profondeur ont étéprévus au droit des palées soutenant les ouvragesdans la phase de construction.

Les piles ont été construites dans un premiertemps. Elles ont été coulées au moyen d’un cof-frage semi-grimpant par levées successives d’unehauteur élémentaire de 3,50 m.

En fait, chaque arc est double. La structure com-bine deux membrures distantes de 4,60 m et liai-sonnées par un entretoisement. Avant la réalisa-tion des entretoises, un dispositif antibasculementest mis en place.Tous les arcs présentent une géo-métrie différente, avec une inertie variable. Sur leplus grand, la hauteur de l’arc en béton varie ainside 3,50 m en pied à 2 m en tête, pour une largeurconstante de 1,20 m. Tous les arcs, toutefois,seront construits par deux équipages mobiles de28 m de long, par sections de 11 m de longueur.Des banches latérales sont butonnées sur les

>>> La présence de limons

marneux peu compacts a conduit à prévoir

des fondations d’envergure pour reprendre

les efforts transmis par les arcs. Des puits

marocains elliptiques de 15 m de profondeur

ont apporté la solution.

21

équipages mobiles, fermés en partie supérieurepar une plaque métallique recouverte d’un géo-textile antibullage. Un dispositif de 16 vérinsassure la mise en compression de la section d’arcen fin de bétonnage. Une marge dimensionnellede 15 cm est prévue pour tenir compte du fluagedu terrain et du poids du tablier. Les arcs sontreliés au tablier par de fines pilettes cylindriques.Ces dernières sont fortement armées (jusqu’à450 kg/m3) afin de garantir leur résistance face àun éventuel séisme. Les appareils d’appui mis enœuvre sont tantôt fixes tantôt glissants, selon la

1

2

24 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

i n f r a s t r u c t u r e

Page 27: Con moderne 98

❙❙❙ Phases de construction de l’ouvrage est Au même titre que celle du viaduc ouest, la construc-

tion du viaduc est a exigé l’emploi de techniques

sophistiquées : d’abord pour les fondations (phase 1),

avec des puits marocains de 15 m de profondeur ;

ensuite pour la réalisation des arcs et du tablier, celle-

ci s’effectuant en place avec l’aide d’un dispositif

d’étaiement provisoire (phases 2 et 3).

❙❙❙ Phase 1

❙❙❙ Phase 4

❙❙❙ Phase 3

rigidité des piles. De plus, à chaque extrémité desouvrages, la tête du mur de culée est surmontéed’un coin fusible qui, en cas de déplacementimportant sous l’effet d’une sollicitation sismique,permet un libre mouvement longitudinal dutablier.

S’agissant de la mise en œuvre, le tablier supérieuren béton est coulé par l’intermédiaire de deuxcintres autolanceurs prenant appui sur les piles etpilettes, permettant la réalisation de travéesentières. Un hourdis en béton B 60 plastique (voirencadré) est ensuite coulé avec la contraintequ’impose une forte pente longitudinale (5,4 %),combinée à un important dévers.

● 15 000 m3 de béton pour la construction des deux viaducs du Crozet

Côté quantités, le tablier, les piles et surtout lesfondations des viaducs du Crozet ont consomméprès de 15 000 m3 de béton. Soit une part nonnégligeable des quelque 180 000 m3 absorbés parl’ensemble des ouvrages de l’A 51. Pour répondreaux besoins du chantier, SATM a installé deux cen-trales dotées de malaxeurs de grande capacité àGenevrey, près de Vif (1,5 m3), et à Varces (2,5 m3).La centrale fixe de Béton Rhône-Alpes (autrefiliale Vicat) implantée sur la commune de Claix a fourni l’appoint. ❚

❙❙❙ Phase 2

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 25

i n f r a s t r u c t u r e

Page 28: Con moderne 98

Maître d’ouvrage :AREA

Maîtrise d’œuvre :Scetauroute

Architecte :cabinet Jourda-Peraudin

Entreprises :Campenon Bernard SGE,

Campenon Bernard Régions (viaduc du Crozet) ;

groupement Viafrance-TSS-Perrier TP (assainissements) ;

groupement BEC-EI et groupement Perrier-GFC (murs de soutènement),

SATM (fournisseur des bétons) et le laboratoire Sigma Béton (groupe Vicat)

➜ 18 000 m2 de murs de soutènement

aux abords de La Coynelle

>>> Les murs de soutènement

forment des gradins qui culminent à 21 m

au-dessus de l’autoroute. Dans leur

grande majorité, les murs de soutènement

sont étudiés pour accueillir des plantes et

des arbustes.

2

1

Leur principe de fonctionnement repose sur l’em-ploi de lanières plastique frottant contre le solpour maintenir un parement formé d’écailles enbéton armé. La technique permet d’ériger desmurs verticaux d’une hauteur maximale de 10 m.Ici, une poutre en béton armé (1,50 m de hautpour 0,70 m de large) construite en pied etancrée au substratum par un tirant actif complètele dispositif.

● Les plantations, dernière étape de l’intégration dans le paysage

Près de la moitié des murs en terre armée sontrevêtus d’un parement vert. Ils intègrent desalvéoles qui, remplies de terre végétale, permet-tent d’effectuer des plantations.

À terme, plusieurs essences tapisseront les mursde l’autoroute A 51. Des plantes comme leslierres verts, les cornouillers sanguins, les fusains,les ronces et autres chèvrefeuilles, ou encore desarbustes comme les charmes, les érables, les noi-setiers ou les troènes, doivent l’aider à se fondredans la végétation environnante. ❚

TEXTE : PHILIPPE MORELLI

PHOTOS : S. CHAPPAZ/AREA, PHILIPPE MORELLI

u débouché de la tranchée cou-verte de Serf et jusqu’à la com-

mune de La Coynelle, le tracé de l’autoroutes’inscrit dans une bande étroite délimitée par lavoie SNCF Grenoble-Veynes et, en aval, par laRN 75.Parti d’un déblai profond de 10 m, il s’élèveprogressivement pour atteindre un remblai de lamême hauteur à La Coynelle, avec des pentestransversales très raides. La nécessité de diminuerles emprises en amont et de faire cohabiter lestrois grandes voies de transport en présence aprésidé à la réalisation d’un certain nombre demurs de soutènement.

Ces murs sont de différents types selon le lieu deleur implantation. Dans les sections en remblai, cesont des murs en terre armée avec des parementsverts ou des parements en béton lisse. Dans lessections en déblai, ce sont des murs cloués ou desmurs poids, à même de supporter la poussée desterres. Les murs les plus imposants culminent à21 m au sortir de la tranchée de Serf, sur une lon-gueur de 600 m. Ils sont réalisés selon la techniquedu mur cloué qui consiste à ancrer un voile enbéton projeté au moyen de barres métalliques oude clous scellés par un coulis de ciment dans leterrain naturel. Les murs cloués ont fait l’objet, enl’occurrence, d’un parement rapporté de typeEvergreen. Ce parement est constitué d’un empi-lement de cellules en béton de grande taille(0,75 m3 de terre par mètre carré) favorisant lavégétalisation de la paroi.

Entre La Coynelle et la rivière Merlière, c’est leprocédé terre armée qui fut choisi pour réaliserles murs de soutènement nécessaires à l’insertionde la chaussée autoroutière ou au déplacement dela RN 75. Les murs construits en aval des chaus-sées soutiennent les remblais de cette section.

A

26 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

1 2

Page 29: Con moderne 98

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Inspection académique

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 27

L’inspection académique s’arrête sur son image● ● ● Riche en caractère et doté d’une belle stature, le bâtiment de l’inspection académique de

Limoges emprunte l’essentiel de sa réussite à sa disposition et à son dessin. Verticalité du

volume, double accès public, sont quelques-uns des signes dont il se pare pour s’installer avec

solennité. Quant à l’agrément, les concepteurs n’ont rien négligé : circulations soignées, bureaux

lumineux et vues lointaines. Le matériau ? Du béton, brut ou peint.

Page 30: Con moderne 98

’inspection académiquede Limoges pose ses

marques dans un tissu urbaindisparate. Le long de l’avenueMartin-Luther-King, une artère àgrande circulation, s’élèvent deuxbâtiments solitaires : les Archivesdépartementales et une barre delogements. En réponse à ces deuxconstructions, les architectes PierreBolze et Simon Rodriguez ont tra-vaillé dans un registre volumétriqueoù la verticalité prédomine. Le bâti-ment de l’inspection académique ygagne une valeur de repère qui luipermet d’affirmer son caractère ins-titutionnel.Perpendiculaire à l’avenue, l’édificese développe en profondeur, soitparallèlement au grand axe est-ouest du terrain. La disposition rete-

1 2

>>> L’inspection académique

se dresse perpendiculairement à l’avenue,

près du bâtiment des Archives départementales

et d’une longue barre de logements. Cette

implantation met en scène l’institution et fait

d’elle un nouveau point de repère dans le quartier.

21

nue assure un parfait équilibre entrel’entrée piétons, disposée sur l’ave-nue, et l’entrée voitures, installée àl’opposé. Le volume général libèreune grande partie du sol, aménagéen espaces verts. La pente du terrainest mise à profit pour installer unparking sous pilotis dans lequel lesvéhicules du personnel viennent sedissimuler.

● Un ensemble de volumes aisément identifiables

Le volume général de l’édifice sedécompose en trois parties claire-ment lisibles. Un large socle enbéton peint en blanc accueille lesespaces accessibles aux visiteurs.Décollé du sol dans sa quasi-totalité,ce parallélépipède forme une véri-

table assise horizontale, un socle surlequel se dresse le prisme pur destrois étages de bureaux. Un prismesculpté par les plans de façade enbéton brut qui se retournent enéquerre. Sa façade sud est ponctuéepar un habillage de terre cuite posé

en allège des fenêtres en longueur.Une césure vitrée marque la transi-tion entre les deux parties ; elle cor-respond à l’entresol, dont le niveaucompris dans la double hauteur duhall accueille la cafétéria et le ser-vice informatique. Complétant l’en-

L Le béton, un matériau pérenne qui mérite un minimum d’entretienPierre Bolze et Simon Rodriguez emploient fréquemment le béton

brut dans leurs réalisations. L’expérience montre que le matériau

vieillit bien, à l’image de l’inspection académique de Chaumont,

“toujours en parfait état après dix ans” comme le souligne Simon

Rodriguez. Malgré tout, l’architecte rappelle aux maîtres d’ou-

vrage et aux utilisateurs qu’il est nécessaire d’assurer un mini-

mum d’entretien afin de préserver le matériau. La protection

hydrofuge, en particulier, doit être renouvelée tous les dix ans.

TECHNIQUE

1 2

28 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Inspection académique

Page 31: Con moderne 98

>>> Sur la façade sud,

le volume émergeant du socle

signale aux visiteurs l’entrée du

bâtiment. Installé sous les

pilotis, le parking des véhicules

du personnel dissimule les

voitures au regard et augmente

la surface des espaces verts.

Lieu de référence, le hall

est conçu et dimensionné pour

présenter les qualités d’un espace

en atrium tout en respectant la

surface et le volume du projet.

3

2

1

3

❙❙❙ Vue volumétrique 1. Avenue Martin-Luther-King.

2. Parking sous pilotis.

3. Parking visiteurs.

4. Hall.

5. Salle de réunion.

semble, la boîte blanche verticale quiregroupe les locaux techniques, l’as-censeur et l’escalier se détache enavant-plan de la façade nord. Lacomposition des volumes, leur arti-culation, le jeu des plans, des opaci-tés, des transparences, sont autantd’éléments qui déterminent uneplastique bien précise, héritée d’unegéométrie pure et contenue.

● Deux façades principalespour une double image

L’édifice présente deux façades prin-cipales, l’une au nord et l’autre ausud,qui affichent la présence de l’ins-titution dans le site. La premièreparticipe à la séquence d’entrée pié-tons depuis l’avenue, la seconde à laséquence d’entrée voitures-visi-teurs. Leur écriture valorise double-ment l’édifice : d’un côté le soleil dusud, de l’autre, la lumière uniformedu nord. À la clé, deux perceptionsdu bâtiment qui se répondent et secomplètent de façon dynamique.Les deux séquences d’entréeconduisent vers le hall. Bien qu’au-cune hiérarchie ne soit fixée entreces entrées, la quasi-totalité des visi-teurs viennent en voiture et accè-dent donc au bâtiment par le sud,depuis le parking situé à l’arrière de

la parcelle. De ce côté, l’accès au hallse fait par un perron qui signifie lecaractère public de l’édifice et meten scène le cheminement.Le volume de la salle de réunionémergeant du socle blanc, lesemmarchements en béton, le ban-deau horizontal qui cadre l’espaceen creux dans le socle, tous cessignes happent le visiteur : toujoursdehors, il est déjà dans le bâtiment.La position de la salle de réunion etles parois vitrées de l’entrée laissentdeviner l’espace du hall, sa dilatationhorizontale et verticale, ainsi que laprésence de l’autre entrée. Celle-ci,ouverte au nord et accessible auxhandicapés, est desservie par unepasserelle en béton. Des parcoursconstruits en fonction des mouve-ments du sol naturel assurent le lienavec l’avenue et les parkings.

● Le hall, lieu de convergence

Le hall se perçoit comme un lieu deconvergence entre l’intérieur etl’extérieur. Il permet d’appréhenderles abords du bâtiment et son orga-nisation interne. La double hauteur,associée à la cage d’escalier, percep-tible par transparence, révèle ledéveloppement vertical du bâti-ment et invite à la montée.

6. Logement du gardien.

7. Bureaux accessibles au public.

8. Cafétéria.

9. Pôle informatique.

10. Bureaux.

11. Logement de l’inspecteur d’académie.

1110

9

8

7

1

2

54

6

3

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 29

●● ●

Page 32: Con moderne 98

Maître d’ouvrage :ministère de l’Éducation

nationale

Maîtrise d’œuvreet économie :

Pierre Bolze & Simon Rodriguez-Pages,

architectes DPLG

Arnaud Devillers,architecte assistant

Conducteur d’opération :DDE de la Haute-Vienne, SEC,cellule Constructions publiques

Bureau d’études structure :E & E

Entreprise de gros œuvre :Rogard

Surface :2 640 m2 SHON

Coût de construction :

18,8 MF HT

Rationalité et sécurité Le bâtiment est entièrement construit en béton brut ou peint. De

type poteaux-poutres, la structure est réglée sur une trame de

5,40 m qui correspond à la largeur de deux bureaux (2 x 2,70 m).

En réponse aux exigences du Code du travail et à la réglementa-

tion des établissements recevant du public (5e catégorie), la

structure porteuse poteaux-poutres et les planchers en béton

sont stables au feu et coupe-feu 1 heure. La zone de stationne-

ment des véhicules du personnel est traitée comme un parking à

l’air libre de 60 places, dont 20 sont entièrement situées sous la

dalle du plancher du rez-de-chaussée. Réalisée en béton, cette

dalle est épaisse de 20 cm et coupe-feu 2 heures.

Construite en béton brut laissé apparent, la façade nord est

entièrement calepinée sur un module de 1,35 m, qu’il s’agisse

des joints ou des ouvertures. Un choix qui a nécessité une adap-

tation de l’outil de coffrage métallique. Ce module et ses mul-

tiples se retrouvent sur les pignons et l’autre façade. Un joint

creux est réalisé systématiquement à chaque arrêt de coulage.

Le calepinage du sol du hall met en

jeu la trame du carrelage et un

rythme de bandes en béton qui per-

met de contrôler et de gérer tous les

raccords avec les poteaux, cela afin

d’éviter des découpes inesthétiques.

MATÉRIAU BÉTON

La continuité entre l’inté-rieur et l’extérieur y est sensiblesous de multiples aspects, au béné-fice d’une démultiplication de l’es-pace qui agrandit le hall. L’entresolest ouvert en balcon sur le hall. Situéau cœur de l’édifice, ce niveau s’in-tercale entre le socle blanc et leprisme des bureaux, pour un entre-deux entièrement vitré qui offre desvues multiples sur l’environnementproche et les paysages plus lointains.

● Circulations lumineuses

Dans les trois étages, les plateauxsont organisés sur le même prin-cipe. Le couloir en façade nord des-sert une bande de bureaux. Escalieret couloirs sont ouverts sur l’exté-rieur, mais aussi l’un vers l’autre.Lumineux, sources de vues procheset lointaines, ces espaces de circula-tion sont agréables. De plus, le lienvisuel entre les couloirs et l’escaliercrée une promenade agréable quifait oublier l’ascenseur pour passerd’un étage à l’autre.Les bureaux, larges de 2,70 m, sontdestinés à deux personnes dispo-sées en vis-à-vis. La relative profon-deur du bureau est compensée parun second jour sur le couloir-cour-sive qui, grâce à des impostes, offreune lumière naturelle d’appoint.Dans chaque bureau, la porte vitréedonnant sur le couloir ménage aussides vues lointaines. Les bureaux pré-sentent ainsi une double orientation,comme s’il s’agissait de bureaux tra-versants. Parce que le bâtiment de

l’inspection académique de Limogesse doit avant tout d’offrir le maxi-mum d’agrément aux usagers, qu’ilss’agisse du personnel ou du public. ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

>>> Depuis l’entresol,

la fuite du regard vers les pay-

sages lointains est accompagnée

par le plan horizontal continu de

la toiture du socle. Constitué de

dalles en béton sur plots réglées

au niveau de l’acrotère, il en

termine parfaitement le volume.

1

30 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Inspection académique

● ● ●

Page 33: Con moderne 98

r é a l i s a t i o n PANTIN – Maison de quartier

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 31

L’architecture,facteur de citoyenneté● ● ● Dans un quartier difficile, à Pantin, en banlieue parisienne, la maison de quartier des

Courtillières tente d’offrir un moment de paix tout en évitant les pièges de l’ostentation ou du

geste musclé. Avec des moyens simples, comme la proximité, la lisibilité. Parce que l’objectif est

de se mettre au service des utilisateurs, de construire pour eux et avec eux. Pour cette première

réalisation d’envergure, Suzel Brout revisite l’une des missions de l’architecte : installer la vie.

Page 34: Con moderne 98

ur le papier, le quartierdes Courtillières, à Pan-

tin, n’est pas plus mal lotiqu’un autre. À deux pas, le cirqueéquestre Zingaro, la fac de méde-cine, une piscine olympique, unstade, le fort d’Aubervilliers avec sesjardins ouvriers, un parc, un peu plusloin un beau cimetière et, à l’est,l’église de Tous-les-Saints.Mais ce n’est que sur le papier. Enfait, le cirque Zingaro, avec ses bâti-ments de bois, fait un peu “néo-Dis-ney”, le fort n’est qu’une accumula-tion de baraques, il y a une usine àl’abandon à côté de la fac, le parc estinquiétant et le cimetière isole cettepartie nord de la ville de la partievive au sud. Difficile de faire plusmédiocre en matière de tissuurbain. Et d’ailleurs, faut-il parler detissu ?Au vrai, le quartier ne compte pasparmi les plus faciles et l’architec-ture manque cruellement d’homo-généité. Au nord de l’avenue desCourtillières, on recense quelquestours agréablement réhabilitées.Mais ce rhabillage de brique ne suffitpas à les relier au sol et ellesdemeurent là sans logique, solitairescomme des îles. À l’est, ondulantautour du parc qu’il enserre, l’undes fameux ensembles élevés parÉmile Aillaud dans les annéessoixante.

Contrairement à sa réalité d’aujour-d’hui, cette construction ne manquepas de qualités : hauteurs limitées,appartements honorables, vues déga-gées sur la nature. Mais le projet afini par se dégrader, et les logementsn’ont bientôt plus abrité que des lo-cataires en difficulté, point de départd’un engrenage bien connu.Avec, aubout du compte, un équilibre socialbrisé. En fait, tout le quartier souffre.Télescopage de civilisations, famillesdestructurées, chômage, enfantslivrés à eux-mêmes, le résultat esttristement banal : violence, drogue,insécurité, départ des commerçantset désespérance générale.

● Une nouvelle trame pour la vie urbaine

Dans un tel contexte, les maîtresmots sont : recoudre, relier, tisser,mais aussi citoyenneté, éducation,respect de soi et de l’autre, etc.Belles intentions qui appellent desactes. Pas si simple, cependant.Quand la ville de Pantin, maîtred’ouvrage, décide d’installer unemaison de quartier à l’angle desavenues des Courtillières et de laDivision-Leclerc, juste devant la citéd’Émile Aillaud, la partie sembledifficile à jouer. L’objectif est deregrouper des services jusque-làdispersés : mairie annexe, halte-

S

>>> Au rez-de-chaussée,

la géométrie de l’édifice est soulignée par

les panneaux de béton de granulats du

Boulonnais. Dans les étages, le calepinage

des éléments en béton blanc acidé prend

le relais. Les enfants de la halte-

garderie bénéficient au 1er étage d’une cour

à ciel ouvert. Foyer spatial du projet,

le hall se dilate sur toute la hauteur de

l’édifice. Le mur de béton lasuré

cadre l’espace du hall, rythmé par le jeu

des mezzanines et des passerelles.

4

3

2

1

1

r é a l i s a t i o n PANTIN - Maison de quartier

32 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

2e étage

1er étage

Rez-de-chaussée

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garderie, bibliothèque, café, restau-rant, salles d’activités et salles pourles associations.À l’issue du concours, le projet deSuzel Brout est choisi. Certes pourles qualités architecturales qu’illaisse pressentir, mais plus encorepour l’état d’esprit et la logique quile sous-tendent : faire de l’édifice unlieu que chacun pourra utiliser selonses activités, mais surtout créer uncarrefour où tous pourront se croi-ser et se rencontrer.“Il fallait que le bâtiment soit perçusans ambiguïté, dans un urbanisme oùle repérage et le rapport au sol desconstructions ne sont pas toujoursexplicites.” Il fallait qu’il soit à la foisrespectueux et respecté, digne sansêtre méprisant, qu’il évite l’ostenta-tion sans pour autant se montrer

lats du Boulonnais, étage de bétonblanc, puis au-dessus un troisièmeniveau de boîtes, blanches elles aussi,en retrait, discrètes.L’édifice est bien ancré dans le sol,en relation directe avec le trottoir etles placettes alentour, et ses quatrecôtés peuvent être physiquementapprochés, touchés. Néanmoins,pour assouplir l’effet de socle, decompacité, pour briser la monoto-nie, toutes les façades sont diffé-rentes, rythmées. Et pourtant uni-fiées par un même esprit degéométrie. Au nord, dominent despanneaux de verre de la hauteurd’un étage. À l’ouest et au sud, s’af-fiche la bipartition entre un soubas-sement sombre et des brise-soleilen béton blanc acidé à l’étage. Àl’est, même dualité, les brise-soleil

sur la défensive, qu’il fasse résistantsans ressembler à un bunker, et sur-tout qu’il soit clair.

● Où l’architecture fait le choix de la présence

Les solutions sont simples, concrètes.La maison de quartier s’implante àl’avant de la parcelle, au croisementdes rues. Son flanc nord, qui fait frontsur l’avenue des Courtillières, là oùs’effectue l’essentiel des parcours pié-tons, l’annonce comme la façade prin-cipale. Au centre, l’entrée, et sur ladroite, en angle et en transparence,le café (sans alcool !).Le bâtiment est compact, sa géomé-trie lisible d’un regard. Pour l’essen-tiel, bipartition, en deux niveaux :rez-de-chaussée de béton de granu-

faisant place à un beau mur de bétoncalepiné ponctué d’une large fenêtre.L’entrée donne sur un hall dilaté àhaute valeur symbolique. Toutes lescirculations en partent et toutes yreviennent.Autour de lui s’installentles activités ; en plan, mais aussi dansles trois dimensions. À l’extrême, onpourrait dire de la signalétique –pourtant renforcée par les codescouleurs des portes – qu’elle estsuperflue tellement l’organisationest claire.Pour l’essentiel, les activités sedévoilent d’elles-mêmes : l’accueil àgauche, tout comme les salles deformation et les ateliers, les sallespolyvalente au fond, le café à droite.Face à l’entrée, décalé mais dansl’axe, l’escalier qui dessert les deuxétages est visible dans sa totalité.

32 4

>>> La maison de quartier est bien

ancrée dans le sol, en liaison directe avec

son environnement immédiat : le trottoir

et les rues alentour.

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34 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

r é a l i s a t i o n PANTIN - Maison de quartier

dalle béton

dalle béton

profil mur-rideaubrise-soleil

béton préfabriquéblanc acidé

bandeaubéton préfabriqué

blanc acidé

bandeaubéton préfabriqué

blanc acidé store

Habillage métal laqué

Sol parquetbois sur chant

profil mur-rideau

Maître d’ouvrage :ville de Pantin

Maîtrise d’œuvre :Suzel Brout,architecte

BET :GEC

Entreprise générale :Bouygues

Livraison :septembre 1998

Surface:2 070 m2 SHON

Coût de construction :

15 MF HT

Avec le hall qu’il poursuit, il est lepoint névralgique du bâtiment.Toutehauteur, éclairé zénithalement, il cla-rifie la lecture en coupe et fait de ceprojet un tout. Bien que développésur plusieurs niveaux, il reste com-préhensible d’un seul regard.Chaqueétage se fait mezzanine, lieu aimable,rassurant, propice aux retrouvailles,aux conversations. D’autant que desouvertures judicieusement placées,par exemple dans l’axe de l’escalier,permettent d’élargir le champ. Pourune franche impression d’air, et unlien retrouvé avec la ville.Au premier étage,outre une série desalles pour les associations et lespersonnes âgées, se trouve la halte-garderie. Elle donne sur un patioouvert sur le ciel et, vers l’est, sur lesarbres et les immeubles d’ÉmileAillaud. Le platelage d’ipé du sol, leschâssis coulissants qui l’entourent,les dimensions, tout prend des airsdomestiques, à échelle de l’homme.Et des enfants.

rieur, le bâtiment est fortement char-penté à l’intérieur. La structurepoteaux-poutres reste apparente, lebéton est laissé brut. Les faux pla-fonds sont situés entre les poutres, àla même hauteur.En façade, les poutres se prolongentà l’extérieur de chaque côté duvitrage. Elles forment alors un acro-tère pour les dalles sur les plotssitués en terrasse. Ainsi le planchersur terrasse est au même niveau àl’intérieur qu’à l’extérieur. La conti-nuité des plafonds et des sols estassurée de part et d’autre des vitra-ges. Un haut mur lasuré se dresse lelong de l’escalier. L’architecte utiliseun code de matériaux restreint : solde chêne sur tranche,plafonds blancs,menuiseries métalliques gris acier,profilés en I, châssis noirs. Les seulesteintes sont celles des portes : vertpour la mairie annexe, rouge pour lahalte-garderie… Signant ici sa première réalisationd’importance, Suzel Brout regrette

Le dernier niveau, dévolu à la biblio-thèque, occupe les boîtes blanchesque l’on aperçoit de l’extérieur enretrait des façades : le plateau estlibre, juste tramé par les poteaux.Comme il se doit, les livres sont pro-tégés des rayons du soleil, à l’ouestpar la cage d’escalier, au sud par lescirculations verticales et par unbureau qui donne sur la terrasse dela halte-garderie. Des côtés nord etest, au contraire, filtre une lumièretrès diffuse, adoucie encore par latonalité blanche de l’ensemble.

● Géométrie soigneusementordonnée

À l’évidence, une grande attention aété prêtée au fonctionnement, à lavariété des usages et des usagers. Etl’impression de calme qui émane dubâtiment, loin de donner dans la miè-vrerie, se trouve confortée par lagéométrie soigneusement ordonnéedes lieux. En deux parties à l’exté-

❙❙❙ Coupe type sur façade sud-ouest et sud

quelques imperfections de détailinévitables dans le cas d’un budgetlimité. Pourtant, loin de le dégrader,ces défauts insignifiants concourentplutôt à ancrer le bâtiment dans uneréalité qui, elle, est loin d’être par-faite.À l’humaniser,en somme.

● Première marque de reconnaissance : le respect

Loin du geste grandiloquent, la mai-son de quartier des Courtillières àPantin renoue avec la vie. Elle sert etparticipe tout entière à l’élaborationdu tissu social et urbain. L’architec-ture seule ne change pas une ville,un quartier, les hommes qui l’habi-tent. Mais elle peut y contribuer.Aucun bâtiment n’est aujourd’hui àl’abri des dégradations. Pour l’heure,la maison de quartier n’est nitaguée, ni rejetée. Sa dignité conte-nue a rejailli sur elle. ❚

TEXTE : GRÉGOIRE LE SOURD

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

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C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8 35

a c t u a l i t é s

brèves➜ Colloque international“Béton matériau d’avenir” à MontpellierL’école d’architectureLanguedoc-Roussillon(EARL) a été choisie pourorganiser le colloque ducent cinquantième anniver-saire de l’invention du bétonarmé, marquée par lesdépôts de brevets de JosephMonier, originaire de larégion. La manifestation, quiaura lieu les 27 et 28 maiprochain, accueillera unpublic de chercheurs, d’ingé-nieurs, d’architectes, d’en-trepreneurs, etc. désireuxd’échanger leurs vues surl’histoire et les perspectivesd’avenir du béton armé.EARL, 179, rue de l’Espérou,34093 Montpellier Cedex 5.Tél. : 04 67 91 89 65.

➜ Les Grands Ateliersde L’Isle-d’AbeauLe premier forum étudiantsdestiné à la fois aux archi-tectes, aux artistes et auxingénieurs s’est déroulé les25 et 26 mars dernier dansle cadre de la ville nouvellede L’Isle-d’Abeau. Cette ren-contre interculturelle uniqueportait sur le thème de l’es-pace habité. De par leurvocation de pôle fédérateurdes cultures de la construc-tion, les Grands Ateliers deL’Isle-d’Abeau mènent uneréflexion collective sur lespratiques de conceptioninterdisciplinaires. Quinzeateliers thématiques coani-més par des industriels, desprofessionnels et des ensei-gnants ont permis aux parti-cipants d’enrichir leursconnaissances dans ce vastedomaine. Des kiosques d’in-formation organisés par desindustriels présentaient lesactivités d’un certainnombre de professionnelsdu secteur, parmi lesquelson comptait le groupeLafarge,Vicat et Cimbéton.Une initiative originale. ❚

Concours Béton, matière d’architecture :“l’institution citoyenne dans la ville”Déjà un millier d’étudiants en architecture ont répondu à la session1998-1999 du concours Cimbéton. Le secrétariat du concours aretenu 478 candidatures, individuelles ou par équipe. Quatrième du nom, le concours “Bétons, matière d’architecture” adébuté le 30 octobre 1998. Placé sous le patronage de la direction del’Architecture au ministère de la Culture, il est destiné aux étudiantsdes écoles d’architecture inscrits en quatrième année ou en troisièmecycle, aux étudiants inscrits en DEA ou en CEA, ainsi qu’aux archi-tectes ayant obtenu leur diplôme entre le 1e r septembre 1997 et le31 décembre 1998. Thème choisi pour cette session 1998-1999 :“l’institution citoyenne dans la ville”. Le sujet proposé aux élèves consiste à brosser les traits d’une mairieadaptée aux nouveaux enjeux urbains, qui saurait à la fois prolongerl’esprit de l’institution démocratique et garantir l’efficacité du ser-vice public. Une particularité pour cette session 1998-1999 : troiscommunes – Juvisy (91), Kingersheim (68) et Ussel (19) – sont asso-ciées au concours. ❚

Concours

Concours 1998“Atouts du béton clair dans l’aménagement urbain”

À la fin de l’année 1997, BETOCIB alancé son premier concours dans laperspective de démontrer aux maîtresd’ouvrage et aux maîtres d’œuvre combien le béton clair est un matériaude référence pour les aménagementsurbains et la voirie.

Le jury de cette consultation était com-posé de Daniel Kahane, architecte, président de BETOCIB, Denis Alkan,vice-président de l’AIVP, LaurentMarx, mairie de Longjumeau, Michael Téménidès, directeur généralde CIMBETON, et Robert Tiquet,président de l’AIVF.

Le jury du concours s’est réuni en juin1998 et a nominé trois opérations pourleurs qualités plastiques et techniques.Les lauréats sont :

• Opération supérieure à 5 000 000 F TTC

Aménagement de laplace du 8-Mai-1945

à Saint-Denis (93).Maître d’ouvrage : ville de Saint-Denis,direction de la Voirie.Maître d’œuvre : Paul Chemetov etBorja Huidubro, architectes.

• Opération comprise entre 700 000 F et5 000 000 F TTC

Le jardin des Gogottes à Guyancourt (78).Maître d’ouvrage : EPA SAN de Saint-Quentin-en-Yvelines.Maître d’œuvre : Philolaos, sculpteur.

• Opération inférieure à 700 000 F TTC

Chemin de ronde du château de Grignan (26).

Maître d’ouvrage : commune de Grignan, sous le contrôle de M. Franceschini, architecte des Bâtiments de France, chef du servicedépartemental de l’Architecture et du Patrimoine.

Le prochain concours BETOCIB apour thème : “Atouts du béton clairdans l’aménagement urbain”. ❚

C O N C O U R S 1 9 9 8 - 1 9 9 9

“L’institution citoyenne dans la ville”

CIM

m a t i è r e d ' a r c h i t e c t u r e

TH

ÈM

E SU

JET

R

ÈG

LE

ME

NT

MEMBRES TITULAIRES

(ORDRE ALPHABÉTIQUE)

M. François Barré,directeur de l’Architecture,représenté par M. Jean-Luc Biscop, direction dela Qualité des espaces etde l’architecture

M. Henri Belcour,maire d’Ussel

M. Philippe Chaix,architecte

M. Jean-Delevoye,président de l’Associationdes maires de France,représenté par M. ClaudeLe Feuvre, président del’Association des maires dela Mayenne

M. Pierre Fauroux,architecte

M.Antoine Gendry,président du Syndicatfrançais de l’industriecimentière

M. Paul Grolleau,secrétaire général deJuvisy

M. Daniel Kahane,ingénieur architecte

M. Jean-Pierre Lott,architecte

M. Pierre Pastelas – “Studios”, ingénieurarchitecte

M. Olivier Piron,secrétaire permanent duPUCA

M. Jo Spiegel, maire deKingersheim

MEMBRES SUPPLÉANTS

(ORDRE ALPHABÉTIQUE)

M. Carlos Julian deLa Fuente, architecte

M. Luc Weizmann,architecte

Jeudi 1er avril 1999 Date limite de rendu

des projets

18 mai 1999 Réunion du jury

8 juin 1999 Proclamation

des résultats et remise des récompenses

Calendr ier

Jury du concours

BETOCIB

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36 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 9 8

b l o c - n o t e s

Livres

Paris et son agglomération possèdent un abondantpatrimoine d’architectures en béton, qui s’enrichitrégulièrement de créations nouvelles. L’exposition dupavillon de l’Arsenal qui a lieu actuellement entre-prend de présenter ce patrimoine. Le visiteur y estinvité à parcourir trois zones qui correspondent àtrois étapes de l’histoire du béton armé. La première,consacrée à la période 1850-1914, met en scène lespremières réalisations, souvent recouvertes de céra-miques ou autres habillages. La deuxième, de 1920

➜ Architecture Principe1966 et 1996

Paul Virilio et Claude Parent

En 1963, Paul Virilio et Claude Parent fondent legroupe Architecture Principe. Trente ans après la premièreparution, les éditions de l’Imprimeur rééditent en 1996 l’intégrale des neuf numérosdu manifeste ArchitecturePrincipe parus en 1966. Àcette somme s’ajoute undixième et dernier numéro dumanifeste au titre provoca-teur : “Désorientation ou dis-location”. Ouvrant ses pagesaux architectes contempo-rains, ce numéro repère l’évo-lution théorique récente enmatière d’urbanisme et d’ar-chitectonique. Paul Virilio etClaude Parent font appel auxréflexions de Coop Himmel-blau, Daniel Libeskind, JeanNouvel, François Seigneur,Bernard Tschumi, Frédéric Migayrou.

Les éditions de l’Imprimeur

expos i t ion

➜ Maisons d’architecture III

Joël Cariou

La collection de Joël Carious’enrichit aujourd’hui d’untroisième volume. L’auteur y présente dans le détail vingt-quatre réalisationsrécentes. De la grande maisonà la modeste extension, ils’intéresse à tous les typesd’habitations individuelles. Ces maisons dans leurensemble témoignent de l’inventivité des architectesdans ce domaine bien parti-culier. Pour autant, dès l’introduction, l’auteur tient à préciser que ces créationsne sont pas le privilège dequelques personnesfortunées : “Beaucoup demaisons décrites dans ce livreont été construites avec desbudgets modestes. Ellesoffrent pourtant une qualitéd’espace et de lumière excep-tionnelle ainsi que d’ingénieuxdétails constructifs.” Éditions Alternatives

➜ Jorn Utzon et l’opéra de Sydney

Françoise Fromonot

L’opéra de Sydney est un de ces édifices à la renomméeinternationale. Le profil de sescoques blanches qui se dres-sent au bord de l’océan estconnu dans le monde entier.C’est l’architecte danois JornUtzon qui, à 38 ans, remportale concours. Malgré ce succès, l’homme reste relati-vement méconnu. La mono-graphie que lui consacre Fran-çoise Fromonot est centréesur l’opéra, son œuvre clé. Ony lit que si l’extérieur del’opéra a bien été exécutéconformément aux plans deJorn Utzon, ses propositionspour les intérieurs et lesecond œuvre, pour leur part,sont restées dans les cartonsaprès sa démission forcée.L’ouvrage livre également lesprojets de jeunesse de l’archi-tecte et ceux qu’il a réalisésaprès l’opéra de Sydney.

Éditions Gallimard

➜ Jean-Paul ViguierRégis Debray

L’Atrium, siège social de C3D àBoulogne, Métropole 19, lesiège social d’Esso, le parcAndré-Citroën, le siège socialde France Télévision à Paris, lepavillon de la France à Sévilleet bien d’autres édifices encoreont affirmé la réputation del’architecte Jean-Paul Viguier.Sous la forme d’un dialogueentre écrivain et architecteintroduisant l’ouvrage, RégisDebray pose à Jean-PaulViguier, “en curieux et non enexpert”, des questions toutessimples sur son art, son métier,sa vie. La présentation des pro-jets de l’architecte — réalisésou non —, illustrée de nom-breuses photos et dessins, sedécline à travers une série dechapitres thématiques.

Éditions du Regard

“Histoire d’un matériau :

le béton à Paris”à 1980, retrace l’essor de l’architecture en béton armédepuis les premières réalisations des architectesmodernes jusqu’à la période contemporaine. La troi-sième partie, qui recense les édifices les plus récentset les projets pour l’avenir, illustre la réponse du bétonaux exigences esthétiques et techniques de notretemps. En parallèle, des panneaux répartis dans l’expo-sition montrent des exemples de textures et dematières du béton, témoignant ainsi de son potentielplastique et de ses évolutions récentes.

Exposition du 9 mars à fin mai 1999Pavillon de l’Arsenal 21, boulevard Morland – 75004 Paris

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p o r t f o l i o

Dans l’histoire de la construction, le béton est le matériau de

la liberté. Il est à l’origine des formes nouvelles inventées ou réinventées

depuis le début du siècle, celles-là mêmes qui font la richesse et la diver-

sité de l’architecture moderne et de l’architecture contemporaine.

Que ces formes naissent a priori de la géométrie ou bien du défi techno-

logique, le béton donne les moyens de les réaliser dans la limite des possi-

bilités du moment. Moulable à volonté, il permet de les mettre en œuvre

en continu ou par parties, s’offrant ainsi à l’architecte comme un véritable

matériau de création. Aujourd’hui encore, grâce aux évolutions techno-

logiques du béton et au progrès permanent des techniques de mise en

œuvre ou de préfabrication, de nouveaux espaces de liberté sont ouverts

à l’imaginaire des architectes. On peut dire qu’aucune forme n’est

impossible au béton. Les nombreuses réalisations présentées dans cette

exposition confirment ce point de vue et témoignent du lyrisme des

formes géométriques permises par ce matériau.

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