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COMPTES-RENDUS DE CONGRÈS / CONGRESSES, CONFERENCES

ECCO 2014 : le best-of

X. Treton

© Springer-Verlag France 2014

Cette année encore l’édition Danoise du congrès ECCO a étéun succès en termes de participation, pour cet événementmajeur dans le domaine des MICI. Nous n’avons pas assistéà la révélation de « scoop » majeur, mais plusieurs commu-nications enrichissent cependant les connaissances et la ges-tion pratique des MICI. En voici une sélection.

Le Dr Heap a présenté une étude sur la toxicité rénale des5ASA dans une large cohorte internationale de 4019 patients.La néphrotoxicité des 5ASA reste un évènement rare (3.6%),avec une prédominance masculine (68%). Il s’agit majoritaire-ment de néphrites interstitielles, parfois sévères puisque réversi-bles à l’arrêt des 5ASA, seulement dans un tiers des cas, etconduisant à la dialyse ou la transplantation rénale 10% despatients. Cette étude a été complétée par la recherche de gènesde prédisposition à cette nephrotoxicité.Un gèneHLAde classeII a été identifié avec un sur-risque de 2, mais cette donnéerestera probablement inutile en pratique courante (DOP011).

EPIMAD est probablement un des meilleurs registres épi-démiologiques mondiaux dans le domaine des MICI. Ceréseau du Nord de la France, permet depuis plusieurs annéesd’analyser l’histoire naturelle des MICI, et leurs particulari-tés selon l’âge de début des symptômes. Les MICI des sujetsâgés ne sont plus rares, surtout pour la RCH, et leur gestionet surveillance, posent de réels problèmes (risque des traite-ments ? risque de la chirurgie ? co-morbidité ?). Dans cettelarge étude de registre portant sur 841 patients MICI dont lessymptômes ont débuté après 60 ans, le risque de cancer a étéévalué. 115 cancers ont été recensés, majoritairement diges-tifs, uro-génitaux et hématologiques. Dans cette cohorte lerisque global de cancer n’était pas augmenté par rapport auchiffre global attendu dans la population générale, mais lerisque de lymphome dans la RCH et de carcinome hépatiquedans la maladie de Crohn étaient multipliés par 3, sans que lapuissance de l’étude ne permette d’associer ces cancers à laprise d’immunosuppresseurs. Ces données sont donc rassu-rantes, et la même équipe avait déjà démontré que les MICIdu sujet âgé nécessitaient un moindre recours aux immuno-suppresseurs (DOP094).

Chez les malades ayant un antécédent personnel de cancer,l’introduction d’un anti-TNF est problématique. Une étudedu GETAID a analysé le devenir de 79 patients ayant unantécédent de cancer dans les 5 ans précédant l’introductiond’un anti-TNF. Avec un suivi médian de 21 mois (1-119),15 cancers incidents ont été identifiés (8 récidives et 7 denovo), avec un taux de survie identique à celle attendue dansles registres de cancer de l’InCa. Ceci incite à discuter au caspar cas l’indication des anti-TNF chez ce type de patients etprobablement renforcer la surveillance (P358).

La carence martiale au cours des MICI est fréquente etsouvent pourvoyeuse d’une fatigue invalidante. Cependantson identification en cas de syndrome inflammatoire asso-cié peut être délicate. L’équipe de Cochin (Paris) a rapportél’apport diagnostic d’un index (TfR-F = recepteur solubletransferrine/log Ferritine). Dans cette étude prospectiveportant sur 75 patients avec MICI active, l’apport diagnos-tic de cet index était évalué. Dans cette cohorte, 28% despatients avaient une carence martiale définie par une ferri-tine <30 ng/mL, et 37.3% étaient diagnostiqués par unrapport TfR-F>2. En cas d’inflammation biologique, unindex TfR-F > 2 permet donc de poser le diagnostic d’unecarence martiale vraie avec un gain de 9% de rentabilitédiagnostique (P240).

L’étude UC CARES a évalué si des patients avec RCH enrémission sans corticoides depuis au moins 2 mois avaientun bon contrôle de leur maladie. 250 patients ont été inclusdans cette étude belge transversale non interventionnelle.63% étaient traités par thiopurines or 80% des patientsn’étaient pas contrôlés par leur traitement. Cette étude,comportant plusieurs biais, suggère cependant que les stra-tégies actuelles ne contrôlent efficacement qu’une minoritéde patients avec RCH (P246). Parmi l’ensemble des commu-nications, c’est surement l’essai REACT, présenté par B.Feagan, qui a le plus marqué les congressistes. Cet essaistratégique a randomisé par cluster des patients atteints demaladie de Crohn dans deux bras : conventionnel (conv :escalade thérapeutique usuelle) et combothérapie précoce(CTP : anti-TNF + immunosuppresseur). Le taux de rémis-sion à 12 mois (critère de jugement principal de l’étude) étaitsimilaire dans les 2 bras (66% conv et 62% CPT, p=0.65).Cependant, parmi les critères secondaires, le taux de chirur-gie à 24 mois était significativement plus bas dans le bras

X. Treton (*)Service de gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive,CHU Beaujon, 92100 Clichye-mail : [email protected]

Colon RectumDOI 10.1007/s11725-014-0526-6

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CPT, suggérant une modification du cours évolutif de lamaladie par un traitement intensif d’emblée (P004).

Depuis l’étude CYSIF du GETAID, nous savons quel’infliximab (IFX) n’est pas inférieur à la ciclosporine pourtraiter les colites sévères après échec des corticoïdes. Gibsonet al. a présenté une étude de cohorte irlandaise monocen-trique rétrospective évaluant deux schémas d’induction d’IFXen traitement de colites de RCH sévères cortico-résistantes :38 patients traités par inductions classiques (5mg/KG, semai-nes 0,2 et 6) et 14 patients avec inductions intensifiées(5 mg/kg, semaines 0,1 et 2). Le traitement d’entretien étaitclassique pour tous, à 5 mg/kg toutes les 8 semaines. Les tauxde colectomies à 3 mois étaient significativement réduits dansle bras intensif (7% vs 37%, p=0.04) et restaient numérique-ment plus faibles à 6 et 12 mois, mais de façon non signifi-cative. Cette étude plaide donc pour majorer les doses cumu-lées d’IFX en début de traitement pour les formes sévères.D’autres études devront valider cette attitude et en évaluerles risques et la morbidité, notamment post-opératoire chezles patients finalement opérés (DOP084).

Münch et al. ont rapportés les résultats du premier essaicontrôlé randomisé testant le budesonide en traitement d’en-tretien de la colite collagène. 44 patients ont reçu 4.5 mg/j debudésonide et 48 patients un placébo pendant 12 mois. Auterme du suivi, 61,5% des patients sous budésonide, contreseulement 16.5% des patients sous placébo étaient en rémis-sion clinique (p<0.0001 avec 44.5% d’effet en faveur dutraitement), démontrant la validité de ce traitement d’entre-tien. Concernant sa tolérance, les taux sériques de cortisolchez les patients traités par budésonide n’étaient pas modi-fiés (DOP77).

Concernant les explorations morphologiques des MICI,une étude a évalué l’apport de l’échographie dans l’évalua-

tion des sténoses iléales de la maladie de Crohn. 109 patientsavec une sténose iléale ont été analysés. Parmi eux, certainsont été opérés (52 sténoses) et d’autres non (81 sténoses).Les auteurs ont recherché si des signes échographiques per-mettaient de prédire la nécessité de reséquer les sténoses.Aucun signe échographique (étendue des lésions, diamètreluminal, dilatation pré-sténotique) ne permettait d’identifierles sténoses « chirurgicales » (P134). En revanche, l’écho-graphie, lorsqu’elle est optimisée par l’injection intravei-neuse de micro-bulles (échographie de contraste) s’avèreêtre performante pour évaluer l’inflammation des lésionspariétales de la maladie de Crohn, avec une excellente cor-rélation à l’IRM (R=0.76, p<0.001) dans une étude analysantl’IRM et l’échographie chez 37 patients (P199).

L’avenir verra certainement le développement de testsnon invasifs de mesure de l’activité inflammatoire des MICI.Dans ce sens, une équipe espagnole a testé l’utilité de lamesure semi-quantitative de la calprotectine fécale, faitepar le patient lui-même à domicile, pour prédire la rechutedans la RCH. 193 patients souffrant de RCH en rémissionclinique sous 5-ASA depuis au moins 6 mois ont été suivispendant 1 an. Au cours de l’étude, 32 rechutes ont été recen-sées et 695 dosages de calprotectine effectués. Un taux decalprotectine supérieur à 60 microgrammes était prédictif dela rechute avec une valeur prédictive positive (VPP) de 33%et une valeur prédictive négative (VPN) de 88%. En revan-che, un taux indétectable de calprotectine avait une VPP de100% et une VPN de 93%. Ceci suggère que l’auto-mesurede la calprotectine à domicile pourrait prédire la récidive encas de RCH. Cependant des études de variabilité intra-individuelle et de validation, ainsi que la détermination pré-cise des seuils, restent nécessaires, avant le passage à l’utili-sation en routine (DOP051).

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