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    Sans-doute faut-il provoquer les circonstances pourvivre son destin. Alexandra Beaujard, qui partagedepuis près de 7 ans celui d'un village tsigane, ausud de Târgu Mures, en est l'illustration (photos ci-contre). A18 ans, la jeune Lyonnaise avait quitté son port d'attache pourse retrouver finalement à Carcassonne. Musicienne autodi-dacte, elle y fonda un groupe, "Croquemule", avec son petitami Fabrice et cinq ou six autres copains. Après avoir acquisdes mules, appris à les ferrer, fabriqué elle-même trois rou-lottes, la troupe a pris la route. Le voyage allait durer cinq ans et la conduire en Roumanie.

    Sur le chemin, Alexandra et ses amis firent de multiples rencontres dont certaines leurfirent approcher un peu plus l'univers des gens du voyage. Du cirque franco-italien "Bidon", enItalie, à un groupe de Finlandais musiciens en Slovénie, venus aussi de leur lointain pays enroulotte. Une complicité qui allait s'avérer décisive se noua en Hongrie avec le groupe tsigane"Szaszcsavas" de Transylvanie qui y donnait un concert. Ces musiciens d'origine hongroise engagèrent "Croquemule" à venir lesvoir dans leur village perdu, Ceuas, 900 habitants, à dominante hongroise, dont 400 Tsiganes, près de Târgu Mures.

    La troupe française y arriva en août 1999. Ce n'était pas la première fois qu'Alexandra mettait les pieds sur le sol roumain. Elles'y était déjà rendue en stop un peu après la "révolution" avec des copains. La Lyonnaise, accueillie dans des mariages par desmusiciens tsiganes en avait gardé un souvenir fort. Elle avait remarqué que dans les villages, hormis le maire et le curé, les seulspratiquement à disposer d'une voiture, tout le monde se déplaçait à cheval, donnant un rythme beaucoup plus humain au cours dela vie que le couple TGV-avion. La jeune française se promit qu'elle reviendrait un jour, mais à cheval. Un choix déjà engagé.

    Alexandra séjourna onze mois à Ceuas au contact des "Lovaris",éleveurs de chevaux. Les enfants tsiganes lui apprirent le hongrois, leroumain. Elle leur enseigna le français, l'anglais, mais aussi à fairedes housses de couteau en cuir ainsi que des couteaux, comme luiavaient montré les Finlandais. Français et Tsiganes jouaient de lamusique, dansaient ensemble, donnant naissance à une grande amitié.

    "Ne pas recommencer comme dans Gadjo Dilo"

    A Noël 1999, un bal tsigane fut organisé dans le musée de la cul-ture du village. Un Hongrois, pris de boisson, se mit à les frapper,sans que la police présente sur les lieux ne bouge. Ceux-ci voulurentse venger, mais leur chef, le "bulibasa" Csangalo et son fils Tocila s'yopposèrent, redoutant le processus conduisant à des représailles mor-telles comme dans le film "Gadjo Dilo" de Tony Gatlif, où un villa-

    ge tsigane est brûlé (photo ci-dessus: Alexandra en compagnie de Tony Gatlif, pendant le tournage du film). C'est alors qu'Alexandra découvrit l'étendue de l'exclusion dont ils étaient victimes. Relégués dans leur ghetto, "la Tsiganie",

    ils n'étaient les bienvenus que lorsqu'on en avait besoin, pour les bals de mariages, les baptêmes, animer les fêtes. Ces jours là, ilsapparaissaient en public bien habillés, mais le reste de l'année c'était la misère crasse. Ils vivaient dans la boue. Le maire, ne sepréoccupant pas de faire installer l'électricité ou l'eau potable, les laissait dans l'obscurité et s'approvisionner à une seule source,alors que la communauté comptait 170 enfants.

    La Lyonnaise décida alors de prendre le taureau par les cornes et de faire construire une salle communale, Maison de la Cultureouverte à tous. Elle s'installa parmi les Tsiganes, vivant l'hiver par - 20° dans une roulotte chauffée par un poêle à bois. Elle se bat-tit pour trouver les 3000 euros nécessaires, voyant souvent les portes se fermer sous prétexte que les Tsiganes allaient la piller, volerle bois, etc. Alexandra, avec un ami de Perpignan, avança une bonne partie de l'argent, qu'elle savait ne pas devoir récupérer, etbattit le rappel de ses amis artistes de France et d'Italie pour trouver l'autre. Une soixantaine répondirent présents pour un concertinaugural qui dura vingt jours. Le public vint de tous les alentours, Tsiganes et Hongrois mêlés, au grand ravissement de la jeuneFrançaise. La salle avait été construite par les Tsiganes eux-mêmes qui n'eurent à acquitter que les honoraires de l'architecte.

    Une nouvelle vie commençait pour Alexandra qui s'installa définitivement à Ceuas après avoir continué, au printemps 2000,son voyage en roulotte jusqu'en Moldavie. Mais la jeune femme avait toujours en tête la misère et l'exclusion qu'elle avait décou-vert dans le village et était bien décidé avec Tocila (photo en haut), le fils du bulibasa, devenu son compagnon, à jeter des pontsentre les deux communautés qui s'y affrontaient (voir l’interview d’Alexandra Beaujard en page 38).

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    Numéro 44 - novembre - décembre 2007

    Lettre d’information bimestrielle

    Les

    de

    La Roumanie, à l'image de la Pologne et de la République tchèque, va-t-elleenfin se doter d'une loi de "lustration", dite aussi de "déconspiration",visant à mettre sur la touche ceux qui sont fortement compromis avec lerégime passé ? Le Parlement roumain en parle régulièrement. Dix huit ans après lachute de Ceausescu, une loi était même annoncée… mais il oublie invariablement.

    Les résistances sont fortes dans un pays qui comptait quatre millions de membredu Parti communiste, plus que dans n'importe quel autre pays frère, hormis la Russie,d'autant que la plupart des parlementaires et dirigeants, justement parce qu'ils n'ont euaucun compte à rendre, sont souvent issus de l'ancienne nomenklatura.

    L'élection du nouveau Primat de l'Eglise orthodoxe roumaine en est la vivanteillustration. Tous les candidats, dont le métropolite de Moldavie, Daniel, qui l'aemporté, étaient des dignes successeurs du Patriarche Teoctist, montré du doigt poursa collaboration avec la Securitate et sa complaisance vis-à-vis des autorités d'hier etd'aujourd'hui. Ces prélats se rebiffent même, quand on veut les soumettre à enquêtesur leur passé, comme les autres Roumains, et parlent de campagne d'humiliation.

    Mais à vouloir absoudre tous les péchés… à quel repère moral la population peut-elle se référer ? Il ne se passe pas de semaine sans qu'elle apprenne par les médias lesfortes compromissions de personnalités de premier plan, dans lesquelles elle avaitconfiance et qui commentaient régulièrement à la télévision la nécessité pour laRoumanie d'avoir des leaders à la conduite irréprochable… avant de reconnaître avoirété elles-mêmes des informateurs de la police politique du "Conducator".

    "C'est trop tard, il fallait déconspirer dès la Révolution" soutiennent, avec regret,des voix aussi insoupçonnables que celle de Bogdan Hossu. Mais taire son mal, n'est-ce pas se laisser ronger par lui ? Trop de Roumains ont pris l'habitude de se deman-der: "Que faisait cet homme, cette femme avant 1989?". Une question lancinante quitouche tous les milieux, politiques, économiques, sociaux, universitaires, la presse.

    Une société qui refuse de regarder son passé a-t-elle un avenir ? Puisque ceux qui,hier, ont asservi le pays, l'ont ruiné, mené à la tragédie, n'ont, non seulement pas eu ladécence de se retirer, mais se sont emparés de ses commandes pour s'accaparer sesrichesses et conduire à nouveau une grande partie de la population vers le désespoirou l'exil, une loi ne doit-elle pas les mettre hors d'état de récidiver ? Loin d'une chas-se aux sorcières, seule une décision aussi profondément morale serait susceptible derestaurer la confiance de la société roumaine en elle-même, quelque soit le moment.On ne peut pas se passer du passé.

    Henri Gillet

    Ce passé… qui ne passe pas2 à 8

    9 10 à 13

    14 et 1516 à 1818 à 2122 à 28

    29

    30 à 3233

    34 à 3636 et 3738 et 39

    40 41

    Alexandra, porte-bonheur des Tsiganes de Ceuas

    42 et 434445

    46 à 4849 et 50

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    Religion

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    (1 € = 251 forints)*Au 27 octobre 2007 ** 1 RON = 10 000 anciens lei

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    Numéro 44, nov-décembre 2007

    Le métropolite Daniel de Moldavie, dont le siège est à Iasi, s'est imposé lar-gement mercredi 12 septembre, lors de l'élection du nouveau patriarche deRoumanie. Lors du vote du collège électoral ecclésiastique, il a obtenu 95voix contre 66 au métropolite Anania, 86 ans, représentant de l'aile conservatrice etantieuropéenne de l'Eglise. Daniel succède au patriarche Teoctist, mort le 30 juillet, àl'âge de 92 ans. Il a été intronisé le dimanche 30 septembre.

    A 56 ans, le nouveau chef de l'Eglise orthodoxe est un habitué du dialogueoecuménique, d'autant qu'il a été formé en Europe occidentale et connaît aussi bien lemonde catholique que le monde protestant. Il apparaît comme moderniste, réforma-teur, oecuméniste et proeuropéen. Après avoir obtenu son doctorat à l'Institut de théo-logie de Strasbourg, il a enseigné à l'Institut oecuménique de Bossey, en Suisse etreprésente la Roumanie au Conseil oecuménique des Eglises de Genève (COE).

    Daniel devrait renforcer ce caractèreeuropéen de l'église orthodoxe roumaine.Avant d'adhérer à l'UE cette année, laRoumanie a été le premier pays orthodoxeà ouvrir un dialogue avec les catholiques.En 1999, Jean Paul II fut le premier pape àse rendre dans un pays orthodoxe envenant à Bucarest quelque mille ans aprèsle grand schisme de 1054 qui a conduit à laséparation entre les mondes orthodoxe etcatholique, entre Eglise d'Occident etEglise d'Orient. Par ailleurs, du 4 au 9 sep-tembre dernier, la Roumanie a accueilli latroisième Assemblée oecuméniqueeuropéenne à Sibiu, capitale culturelle de l'Europe en 2007.

    Depuis la chute du communisme, l'Eglise a retrouvé une grande influence enRoumanie. Trop déplorent certains observateurs qui voient pousser les églises commedes champignons alors que les privations sont grandes au sein de la population. Dansles sondages c'est l'institution en laquelle les Roumains ont le plus confiance. Leséglises sont pleines, y compris de jeunes. Dans la période de transition à l'économiede marché qu'a connue le pays depuis 1990, où il y a eu beaucoup de laissés -pour-compte, elle est apparue comme un refuge, au moins spirituel.

    Dans le monde orthodoxe, c'est la société qui suit l'Eglise

    Si elle a apporté son soutien au processusd'adhésion de la Roumanie à l'UE, l'Egliseorthodoxe est restée plus ou moins à l'écartdes joutes politiques, gardant son travershabituel de pencher toujours du bon côté dumanche, soutenant longtemps en sous-mainles héritiers du régime communiste, dont IonIliescu et Adrian Nastase. Elle a aussi tou-jours défendu des valeurs très conservatrices.Elle s'est farouchement opposée à la dépénali-sation de l'homosexualité et aux Gay Prideorganisées à Bucarest, qui ont donné lieu, àchaque fois, à des affrontements avec l'extrê-me droite. On a coutume de considérer que si

    l'église catholique suit l'évolution de la société, avec du retard certes, c'est la sociétéqui suit l'église dans les pays orthodoxes, ayant pour but la conservation et la trans-mission non altérée de l'enseignement de Jésus et de ses apôtres.

    Lettre d'information bimestrielle surabonnement éditée par ADICA(Association pour le DéveloppementInternational, la Culture et l’Amitié)association loi 1901Siège social, rédaction :8 Chemin de la Sécherie44 300 Nantes, FranceTel. : 02 40 49 79 94E-mail : [email protected] de la publicationHenri GilletRédactrice en chefDolores Sîrbu-Ghiran

    Ont participé à ce numéro :Laurent Couderc, Jonas Mercier,Jules Ravaud, Mihaela Rodina,Carmen Constantin,Henri IsraëlRené Serrière, Luca Niculescu,Leonard Butucea, FrançoisMusseau, Anthony Palou, IuliaPostica, Vincent Dumeyrou, BogdanCiubuc, Ramona Delcea, CalinaMircea, Vali, Gazdaru.Autres sources : agences de presseet presse roumaines, françaises,lepetitjournal.com, télévisions roumaines, Roumanie.com, LeCourrier des Balkans, sites internet,fonds de documentation ADICA.Impression : Helio Graphic11, rue Louis Armand44 980 Sainte-LuceNuméro de Commission paritaire:1107 G 80172; ISSN 1624-4699Dépôt légal: à parution

    Prochain numéro: janvier 2008

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    de l'église orthodoxe roumaine

    Les cloches de l'église du villagede Dobresti - construite en 1852 etclassée monument historique - sesont mises à sonner à toute voléequand la télévision a annoncé l'élec-tion de l'enfant du pays, DanCiobotea, comme Patriarche deRoumanie. Les trente cinq habitantsse sont réunis pour un Te deum offi-cié par les cinq moines installés auvillage depuis quatre ans et qui lui ontun peu redonné vie.

    A Dobresti, 40 habitants: "Aumoins, on ne va pasnous rayer de la carte"

    Daniel nouveau patriarche

    Tout à sa joie, Ioan Lazarescu, lemaire de Bara, la commune deDobresti, a fait rallumer l'éclairagepublic, coupé depuis avril à causedes dettes accumulées auprès dufournisseur d'électricité.

    Les journalistes ont eu beaucoupde mal à accéder au village, situé à35 km au nord de Lugoj, dans lesvallées des Apuseni finissantes, seulun mauvais chemin de terre y condui-sant, demandant une attentionconstante au chauffeur. Ils y ontdécouvert un hameau déserté au fildes ans par sa population, qui comp-tait autrefois 560 habitants et n'abriteaujourd'hui que des vieux. "Au moins"se sont exclamés les villageois, "onne va pas nous rayer de la carte".

    Des cousinsdu Patriarche

    devant l’église deson village

    natal.

    Les membres du Synode viennent de délibérer et d’élire Daniel Patriarche.

    DOBRESTI

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    En vingt ans, Dan Ilie Ciobotea, qui a revêtu leshabits de simple moine en 1987 au cours d'unecérémonie au monastère de Sihastria, a grimpé tousles échelons de la hiérarchie de l'Eglise orthodoxe roumainepour devenir, le 12 septembre, le Patriarche Daniel, sonPrimat. Jamais on avait vu une ascension aussi vertigineuse.

    La vocation monacale du futur Daniel avait pourtant unpeu tardé puisqu'il n'avait reçu la tonsure qu'à l'âge de 37 ans.Mais celui-ci rattrapa vite son handicap. Un an plus tard, ilétait promu directeur du département de théologie contempo-raine et d'œcuménisme de l'Eglise roumaine.

    Puis, en janvier 1990, le moine présida le Groupe deréflexion pour le renouveau de l'Eglise orthodoxe, un postetrès sensible en pleine "Révolution" puisque cette structuredevait procéder à "l'aggiornamento" d'une église fortementcompromise avec le régime déchu. Dan Ilian Ciobotea futalors en pointe parmi ceux qui réclamèrent la mise à la retrai-te d'office du Patriarche Teoctist, auquel il vient de succéder.

    Pacte avec Teoctist

    L'affaire n'aboutit point cepen-dant mais il fut nommé vicaire épi-scopal de Timisoara en mars sui-vant. Quatre mois après, il devintarchevêque de Iasi et métropolite deSuceava et de Bucovine, la deuxiè-me fonction dans la hiérarchie del'Eglise qui, selon la tradition, faitde son titulaire le successeur dési-gné du Patriarche. Ciobotea avaittout juste quarante ans et devait sapromotion fulgurante à celui-là même qu'il avait tenté dedéboulonner, le Patriarche Teoctist dont la protection lui futassurée jusqu'à sa mort.

    Cet étrange retournement d'alliances a, bien sûr, fait beau-coup parler. On a évoqué un pacte de non-agression entre deuxhommes dont ni l'un ni l'autre n'avait intérêt à remuer leurpassé collaborationniste avec les autorités communistes, et quice serait conclu en ces termes " Tu es jeune encore, laisse-moiterminer tranquillement mon chemin et je te garde la place ".

    Un sens des affaires hors du commun

    Jusqu'à son élection comme patriarche en septembre der-nier, le métropolite Daniel fut le hiérarque le plus en vue del'Eglise orthodoxe. Des dizaines d'églises, de monastères, desécoles de théologie dans les grandes villes ont vu le jour pen-dant ses dix sept années à la tête de sa zone de compétence.

    Son sens des affaires et de l'organisation lui a permis, enoutre, de remplir les coffres de sa métropolie. Des propriétés,5600 hectares de terrain, forêts, lui appartenant autrefois, luiont été restitués. Des dizaines d'autres dossiers de restitutionsont en cours de jugement. Des complexes touristiques, des

    hôtels, cliniques, dispensaires, cabinets dentaires - plusieursdonnent des consultations gratuites -, boulangeries, ont poussésous son égide. Un important groupe de presse comprenantradios et publications a a été constitué, un site Internet deshopping d'articles religieuxcréé. Des imprimeries, fabrique debougies, chandeliers, encens ont ouvert leurs portes.

    L'activité débordante du métropolite lui a aussi faitprendre des libertés avec la loi et la réglementation, ce qui vautactuellement à son administration un procès avec le fisc pourne pas avoir acquitter la TVA dans certaines activités.

    En froid avec les journalistes mais non avec les puissants

    Si Daniel est en froid avec les journalistes, n'accordantjamais d'interview, ne répondant pas aux questions, rendant lesactivités de sa métropolie opaques, il n'en est pas de mêmeavec les hommes politiques, les personnalités en vue et les

    hommes d'affaires dont il cultiveles relations. Ainsi Ion Iliescu etAdrian Nastase, dans un échangede sténogrammes rendu malencon-treusement public, se sont-ilsvantés de ses très bonnes disposi-tions vis-à-vis de leur parti, le PSD(ex-communistes).

    Daniel a défrayé aussi la chro-nique en juillet dernier en allantbénir en Italie le mariage de IulianDascalu, multimilliardaire de larégion de Iasi, qui avait envoyé unavion charter pour aller le cher-

    cher. Un épisode un peu malencontreux, trois semaines avantle décès de Teoctist, mais qui ne lui a finalement pas porté pré-judice pendant les cinquante jours qui ont précédé son élec-tion, son réseau relationnel l'aidant grandement à s'imposer.

    Un frère accusateur

    Par ailleurs, le frère de Daniel, Gheorghe Ciobotea, dequatre ans son aîné, ne s'embarrasse pas de précautions ver-bales à son égard et le traite sans ambages " d'officier de laSecuritate déguisé ". Il est vrai qu'il est fâché avec lui depuisde nombreuses années, l'accusant dans une interview à"Evenimentul Zilei" "de lui avoir volé et mis à la porte de sapropre maison, puis spolié de sa part qui lui revenait de l'hé-ritage familial, en produisant un faux".

    Aujourd'hui, Gheorghe Ciobotea, qui n'a pas quitté sonvillage natal de Dobresti, vit avec sa femme et un de sesenfants dans une misère noire, habitant un réduit sans électri-cité, la famille dormant sur des lits de camp récupérés dans uneancienne coopérative agricole. Il a intenté un procès à son frère"pour avoir trafiqué la carte foncière qui en a fait l'uniquehéritier du bien familial".

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    L'ascension vertigineuse du Primat de l'Eglise orthodoxe roumaine

    Téléphoner moinscher de Roumanie

    L'habit fait-il le moine ?A noter

    Les Rencontres nationales OVR France se déroulent les samedi 10 etdimanche 11 novembre à Yzeure, dans l'agglomération roannaise . Lescongressistes pourront participer à deux tables rondes et à des ateliers lesamedi sur le thème "Quel avenir pour les villages roumains?": "Opportunités etfreins au développement des villages roumains aujourd'hui", "Le travail d'animationen milieu rural: réflexions sur le rôle d'OVR… demain".

    Ce sera l'occasion de débattre des sujets suivants: comment les jeunes peuvent-ilscontribuer au développement de leur village? L'arrivée des financements européens :entre fantasmes et réalités. Le rôle de la religion et de ses représensants : facteur demobilisation ou de diversion? Comment OVR peut-il mieux identifier les terrainsd'engagement commun, mieux assumer ses solidarités, mieux pratiquer ses partena-riats? Le dimanche matin, un débat d'orientation clôturera ces Rencontres.

    Comme ses éditions ultérieures, le rendez-vous annuel d'OVR est aussi l'occasionpour tous les participants de se retrouver dans une ambiance chaleureuse et trèsconstructive dans la mesure où il permet d'échanger les expériences. Les amis de laRoumanie en reviennent en général avec le moral "gonflé à bloc" car ils ont pu vibrerensemble lors de moments forts et se sentent moins isolés dans leur action. En outrel'accueil et les moments festifs organisés sur place, dans une tradition où le contacthumain tient une grand rôle, sont souvent dignes de ceux que nous réservent lesRoumains chez eux. Cette année c'est l'association Amitié Gherla-Yzeure qui les pren-nent en charge.

    Pour les personnes qui souhaiteraient encore participer, s'adresser de toute urgen-ce à Lucien Deloire, 36 rue des Guerrupes, 03 510 Moulinet, tel: 03 85 53 26 21 ou06 30 56 12 57; courriel: [email protected]

    Dans la dernière lettre du réseauOVR, Xavier Ramon apporte uneinformation intéressante pour télé-phoner en France depuis laRoumanie. Il s'agit du service SunaGratis. Un appel vers la France, laBelgique, la Suisse ou vers d'autrespays coûte l'équivalent d'un appelnational.

    C'est très simple depuis un fixe,un mobile roumain ou une cabinetéléphonique en Roumanie. Il fautcomposer le 0 318 110 000 (coûtd'un appel national), ensuite un robotexplique le fonctionnement (en rou-main), puis il suffit de faire l' indicatifinternational de la France( 00 33)suivi du numéro souhaité en France,sans son premier 0 et terminer par latouche dièze, # Exemple: pour appe-ler le 01 56 57 58 59, il faut faire suc-cessivement : 0 318 110 000, puis 0033 1 56 57 58 59 #.

    Xavier Ramon a personnellementessayé ce service et assure que çàfonctionne parfaitement: "J'ai appeléla France depuis une cabine télépho-nique un samedi midi. Pour cinqminutes de communication, j'ai payé1 leu (0,3 €) et la qualité sonoreétait excellente".

    Nous rappelons que le même ser-vice est offert par TéléRabais dans lesens inverse (de la France à laRoumanie (www.telerabais.fr). Pourappeler un fixe, il faut faire le 081131 20 20, suivi de 00 40 (indicatif dela Roumanie) et du numéro roumaindésiré, sans son 0 du début.Terminer en tapant # (coût: tarif localen France). Pour appeler un por-table, faire le 0826 85 10 10 , puisprocéder comme pour le fixe (coût :15 centime d'euro la minute).

    Rencontres OVR à Yzeure: Religion

    Les 3èmes Assises de la coopé-ration décentralisée franco-roumaine se dérouleront les15 et 16 novembre à Nantes. Les travauxauront lieu autour des thèmes suivants:

    - Les nouveaux partenariats dansl'Union Européenne

    - Les services publics, l'intercommu-nalité, l'Europe

    - Gestion et expérimentation des ser-vices publics : l'eau

    - la coopération sociale- la démocratie participativeCes assises ont été préparées par un

    séminaire qui a eu lieu à Iasi les 19 et 20juin derniers, traitant plus particulière-ment de la gestion publique des servicesd'eau.

    Apartir du 3 mai prochain, les numéros de téléphone fixe passeront à dixchiffres, comprenant l'indicatif national, celui de la zone géographique etle numéro local actuel. Les utilisateurs n'auront donc plus besoin de faireles préfixes pour téléphoner d'un judet à l'autre.

    Les actuels numéros des services publics (police, gendarmerie, dérangements,etc.) seront précédés du chiffre 1 (exemple: l'horloge parlante, 958, deviendra 1958).L'appel d'urgence restera cependant le 112. Ceux au niveau local seront précédés del'indicatif régional (exemple: le service de protection des consommateurs deConstantsa, 1980, deviendra 0241 1980).

    Ce changement se fera en deux étapes. Du 3 mai au 31 juillet, les usagers pour-ront appeler indifféremment l'ancien et le nouveau numéro, tout en étant informés parun message de la transformation. Du 1er août au 20 septembre, ils seront seulementinformés du changement et devront recomposer le nouveau numéro.

    Les 3èmes Assises de la coopération décentralisée franco-roumaine à Nantes

    Les numéros de téléphone fixe passeront bientôt à dix chiffres

    quel avenir pour les villages roumains ?

    Les habitants de Dobresti, village au nord de Lugoj, entourent le nouveau patriarche.

  • La Roumanie s'efforce de relancer le tourisme lié à labalnéothérapie, qui lui avait apporté quelquessuccès sous Ceausescu: à l'époque, les stations rou-maines étaient réputées, on y venait beaucoup de l'étranger, cequi apportait les devises recherchées par les autorités.

    Divers soins y étaient pratiqués mais notamment des curesde jouvence basées sur la réputation d'Ana Aslan, la gériatrequi avait mis au point des traitements contre la vieillesse àbase de crèmes, lotions, pommades, dans les années 50,connues sous le nom de Gérovital, et dont les Roumainsdisent, entre autre, que le général De Gaulle les utilisait.

    Le plus important centre du pays s'appelle justement AnaAsland Health Spa et est situé au bord de la mer Noire à EforieNord, quelques kilomètres au sud de Constantsa au couer ducomplexe hôtelier quatre étoiles Europa.

    Construit en 2004, non loin du lac Techirgiol, connu pourla vertu curative de ses boues et de son eau salée, il est dotéd'une piscine intérieure et extérieure, de jacuzzis, de cabinesd'hydrothérapie, de soins du visage et corporels, d'une salle defitness et utilise la gamme des produits Gérovital et Aslavital.On y pratique la thalassothérapie, la kinétothérapie et la théra-pie esthétique. En saison (juillet-août), la semaine coûte700 €, en demi-saison (mai, juin, septembre) 550 €, hors sai-

    son, 400 €. Quatre clients surcinq sont des étrangers.

    D'autres centres du mêmegenre existent dans le pays. Toutprès sur la Mer Noire, dans lesstations Techirgiol, Neptun,Olimp, Saturn, Mangalia ou, aunord de Constantsa, à Mamaia.A l'intérieur du pays, les stations

    les plus connues sont Baile Felix, près d'Oradea, Sovata, prèsde Târgu Mures, Baile Herculane (Près d'Orsova, sud-Ouestdu pays) et Ocna Sibiului (Sibiu).

    Avis mitigé des curistes français

    Le sentiment de quelques curistes français, habitués auxstations de thalassothérapie, interrogés alors qu'ils séjournaientau mois de mai, au centre Ana Asland d'Eforie était mitigé.Tous appréciaient la qualité et le sérieux des soins, tout enayant un doute sur le matériel qui leur semblait devoir vieillirtrès vite. Le cadre agréable, donnant directement sur la plage,

    les laideurs de la Mer Noire étant cachées, séduisait toutcomme le confort des chambres et les prix modérés.

    Par contre, une accumulation de petites choses agaçaient.Les serveurs n'étaient pas formés, ne savaient pas conseiller unplat ou un vin de leur pays, amenaient parfois tous les plats enmême temps et débarrassaient immédiatement la table dès quel'on posait son couteau ou sa fourchette. La qualité de la nour-riture était médiocre, la viande dure, les buffets froids sans ori-ginalité et répétitifs.

    La froideur du per-sonnel, manquant dusens de l'accueil, étaitégalement regrettée.De même, en cettepériode de mai, tousles services n'étaientpas assurés, contraire-ment à ce qui figuraitdans la brochure. Il a fallu protester pour faire ouvrir la pisci-ne extérieure et y installer des transats, alors qu'il faisait trèsbeau et chaud. La plage était également fermée, comme pasmal d'autres établissements. Le lieu paraissait sans vie, ce quin'encourageait pas à sortir de l'établissement.

    Payer pour l’eau, caution pour la serviette

    Autre point énervant: il fallait toujours payer; pour l'eauminérale, gratuite le matin, mais payante le soir; pour le pei-gnoir pour lequel il fallait remettre une caution de 50 €, alorsque dans les autres thalasso, il accompagne naturellement leséjour. "On avait le sentiment d'être pris pour des voleurspotentiels" confiait une Parisienne qui s'était décidée à veniren Roumanie au dernier moment, en voyant les tarifs proposéspar certaines agences, mais qui trouvait que les quatre étoilesdu centre Ana Asland étaient usurpées. "C'est un deux-troisétoiles" ajoutait-elle, ne regrettant cependant pas d'être venueet conseillant de ne prendre que l'hébergement et le petit-déjeuner, à la rigueur la demi-pension.

    Mais elle tournait les yeux vers la Tunisie et la Maroc,après avoir écouté certains de ses compatriotes y ayant déjàséjourné, vantant le cadre magnifique, le confort incompa-rable, la gentillesse du personnel, les buffets somptueux, lebeau temps assuré… pour un prix semblable. La Roumanie aencore bien des efforts à faire dans cette voie.

    Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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    Connaissance eet ddécouverteLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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    BUCAREST

    ORADEABAIA MARE

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    TÂRGOVISTE Les hauts prélats de l'Eglise orthodoxe ont du souci à se faire note LaurentCouderc dans lepetitjournal.com. "Depuis la mi-septembre, le Conseilnational d'étude des archives de la Securitate (CNSAS) s'applique à révé-ler les noms de ceux qui ont collaboré avec elle, pas toujours facilement.

    Visarion Rasinareanu (notre photo), évêque deSibiu, est le dernier haut prélat orthodoxe à avoir étédénoncé par le CNSAS. Nom de code en tant que col-laborateur: "Bobi". Le verdict est tombé jeudi dernier,mais Rasineanu assure qu'il n'a "jamais collaboré avecla police politique" de Ceausescu.

    Deux jours auparavant, un autre haut prélat,Calinic Argatu, évêque d'Arges, a lui aussi été accuséde collaboration. Selon le CNSAS, Argatu aurait four-ni de nombreuses notes informatives à la Securitate,accusations qu'il dément. Depuis la chute du régime deCeausescu en décembre 1989, jamais l'Eglise ortho-doxe n'avait été vraiment inquiétée, même si au début des années 1990 elle avaitreconnu avoir fait certaines "concessions" au régime communiste.

    C'est le décès du patriarche Teoctist fin juillet qui a été le point de départ d'unenouvelle attitude, moins indulgente, au moment où l'Etat semble enfin décidé à fairela lumière sur la période la plus sombre de l'histoire du pays.

    Des dossiers brûlés

    Mais un problème récurrent subsiste: la main mise des services de renseignementsur les dossiers de la Securitate. Ce sont eux qui gèrent les dossiers de l'ancienne poli-ce politique et le CNSAS reçoit ce qu'ils veulent bien lui remettre.

    Par ailleurs, comme l'a déclaré la semaine dernière Mircea Dinescu, l'un des onzemembres du Collège du CNSAS, plusieurs dossiers de hauts prélats ont été brûlés parle Service d'information extérieur (SIE) en décembre 1989. L'un d'eux concernait l'ac-tuel patriarche récemment intronisé, Daniel.

    A la mi-septembre, Mgr Daniel avait été soupçonné de collaboration notammentdans les années 1980, quand il étudiait la théologie à Strasbourg. A l'époque, pour sor-tir du pays, l'aval de la Securitate était nécessaire, et souvent la police politique en pro-fitait pour donner quelque mission. Mais qui dit dossier brûlé, ne dit pas de preuve. Cequi ne veut pas dire que ceux qui figurent dans ces dossiers étaient nécessairement desinformateurs. "Il y a deux hypothèses : soit c'étaient des informateurs, soit des vic-times du régime", rappelle l'historien Cristian Vasile. Depuis la rentrée, une dizaine dehauts prélats sont soupçonnés d'avoir été des informateurs, quatre ont déjà reçu un ver-dict clair de collaboration par le CNSAS. Et les révélations ne sont pas terminées.

    Un seul véritable aveu

    Pour l'Eglise orthodoxe, cette chasse au prêtre collaborateur est une "campagned'humiliation". Et la plupart des prélats convoqués au CNSAS ne s'y rendent pas. Seulle Métropolite de Timisoara, Nicolae Corneanu, a ouvertement reconnu qu'il avait étéun informateur. Un autre l'a laissé entendre: Bartolomeu Anania, métropolite de Cluj,proche des Légionnaires avant de l'être des communistes, mais qui peut expliquer sacollaboration avec ces derniers par les vingt années qu'il a passées dans leurs geôles.

    En plus de la main mise des services de renseignement sur les dossiers, le Conseila connu de nombreuses tensions en son sein depuis sa création en 1999. Ce qui n'a pasfacilité son travail. Par ailleurs, ce n'est qu'après le vote des onze membres du Collègedu CNSAS que les verdicts de collaboration tombent. Parfois, par manque de majo-rité claire, ces verdicts sont reportés. Laurent Couderc (lepetitjournal.com)

    Le Patriarche Daniel - Dan IlieCiobotea - est né le 20 juin 1951dans le village de Dobresti, communede Bara, dans le judet de Timisoaraau sein d'une famille de trois enfants,comprenant deux garçons et une fille.Après le lycée, il est devenu licenciéde l'Institut Universitaire de Théologiede Sibiu, en 1974, puis a passé sondoctorat.

    Le jeune homme a alors eu la pos-sibilité d'aller étudier en France, àStrasbourg, puis à Fribourg enAllemagne, fréquentant plus tardl'Institut œcuménique de Bossey enSuisse, dont il sera lecteur puis direc-teur adjoint entre 1986 et 1988. Ilaura également l'occasion de partici-per à de nombreuses rencontres àl'étranger, en Europe occidentale etaux USA.

    Ces déplacements ont intrigué àune époque où il était très difficilepour les Roumains d'obtenir un pas-seport, d'effectuer un déplacement etde revenir au pays, d'où les spécula-tions qui se sont fait jour sur les liensde Daniel avec une Securitate dési-reuse d'infiltrer l'Eglise roumaineorthodoxe, aussi bien en Roumaniequ'à l'étranger, et à tous les niveaux,des élèves des séminaires aux hié-rarques. Spéculations entretenuespar le fait que son dossier à laSecuritate a été brûlé par le Serviced'Informations Extérieures, le SRI, quilui a succédé. D'ailleurs, d'une maniè-re générale, l'Eglise orthodoxe rou-maine s'oppose à ce que les autoritésenquêtent sur le passé de sesmembres, demandant un traitementspécial, assurant qu'elle peut faire leménage elle-même dans ses rangs.

    Voulant relancer ces stations de thalassothérapie, la Roumanie a fort à faire

    avec la concurrence de l'Afrique du Nord

    Vous pouvez toujours retrou-ver les bonnes adresses deMartine et Jean Bovon-Dumoulin en commandant le guide OVRRetea Turistica "Au pays des Villages

    roumains" qui permet de partir à ladécouverte d'une Roumanie authentiqueà l'aide de fiches en couleurs.Commandes à adresser à Martine Bovon-Dumoulin, Rue des ruelles, 6 B-4520

    Vinalmont (Wanze) Belgique. Nouveau courriel, cette fois ci en

    Belgique: [email protected] un chèque de 24 € (port compris)à son ordre.

    Les adresses de Martine et Jean Bovon-Dumoulin

    ne veulent pas confesser leur passéReligion

    Spéculationssur les déplacementsde Daniel à l'étranger

    Des dignitaires qui Tourisme

  • Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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    A lla UUneLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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    Connaissance eet ddécouverte

    Médias

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    Stéphane Ghazarian est le nouveaupatron du bureau permanent de Bucarest

    Stéphane Ghazarian est le nouveau responsable du bureau permanent del'Agence France Presse à Bucarest. Arrivé en mars dernier, il remplaceYves-Claude Llorca, qui a été sur place pendant quatre ans et demi, cou-vrant le processus d'adhésion de la Roumanie à l'UE.

    Tourner comme les ambassadeurs

    Un peu comme les ambassadeurs qui tournent à ce rythme, les journalistes del'AFP restent dans un pays pour une durée moyenne de quatre ans - une mission dedeux ans renouvelable une fois - laquelle peut se prolonger exceptionnellement enco-re d'un an, si la situation l'exige.

    Agé de 47 ans, marié, un enfant, originaire de Roanne, Stéphane Ghazarian est unjournaliste chevronné qui a fait ses débuts dans la presse (Le Progrès de Lyon) et lesradios locales, avant de rejoindre l'AFP. Sa direction l'a envoyé à trois reprises auxUSA où il a séjourné pendant douze ans, entrecoupés par un retour de deux ans à Paris,devenant le numéro deux du service des sports de l'agence. A Washington, le journa-liste travaillait dans le deuxième bureau le plus important de l'AFP, après celui deParis, employant 75 personnes.

    Le nouveau chef du bureau de Bucarest ne dispose pas des mêmes moyens. Sonéquipe comprend au total six personnes, dont une secrétaire, un technicien et un pho-tographe, Daniel Mihalescu. Deux journalistes locaux l'entourent : Mihaela Rodinia,qui a rejoint l'AFP dans les années 90 et Anca Teodorescu, 26 ans, toute fraîchementembauchée. Bucarest est l'un des sept bureaux permanents de l'AFP dans cette régiondu monde, les autres étant Moscou (qui couvre la Moldavie), Varsovie, Vienne (quis'occupe de Zagreb et auquel sont rattachés deux journalistes en poste à Sofia),Belgrade, Athènes, Istanbul et Ankara.

    C'est aussi un bureau stratégique, vu la francophonie ambiante. L'AFP y a uneimage flatteuse. C'est une référence. On la cite souvent dans la presse roumaine, sonreprésentant est invité à donner son avis dans des débats télévisés, comme cela a étéle cas lors de la récente élection présidentielle française. Mais elle doit défendre saplace et compter avec la concurrence de l'américaine Associated Press (AP) au niveaudes informations générales et l'anglaise Reuters pour l'économie.

    Retour aux sources

    Le bureau fonctionne dans les deux sens. De Roumanie partent vers Paris, et lereste du monde, un résumé ou un développement de l'actualité roumaine, accompagnéde sujets de société. En revanche, la Roumanie reçoit l'actualité mondiale traitée parl'AFP, aussi bien en français qu'en anglais. Mais Paris peut demander à Bucarest unéclairage ou un accompagnement sur un évènement roumain se passant en France oudans le monde, comme par exemple un portrait du président Basescu s'il vient en visi-te en France, la biographie d'un metteur en scène roumain primé à Cannes…

    Au total, le bureau de Bucarest compte 25 gros abonnés: le gouvernement rou-main, les journaux, télévisions, radios, l'ambassade de France, d'Algérie... Le secteurdes ambassades est d'ailleurs porteur, la qualité du service AFP étant reconnue. Enprojet également, le développement de l'information vidéo, un service qui se dévelop-pe dans la région et notamment en Turquie. Du pain sur la planche donc pour StéphaneGhazarian qui n'avait jamais mis les pieds en Roumanie, mais dont le père, d'originearménienne, est né et a grandi à Bucarest dans une famille de torréfacteurs, fuyant lecommunisme en 1947 pour s'installer en France. Soixante ans après, son fils s'est ins-tallé dans le bureau de l'AFP, situé à cinq minutes de l'endroit où il avait vécu.

    A l'étranger, "Le Monde" etl'Agence France-Presse occupentune place à part parmi les médiasfrançais. Bien malgré eux, leurs jour-nalistes sont souvent considéréscomme des représentants officieuxde la France : leurs écrits sont lusavec attention. Les commentaires duquotidien parisien ont du poids; lesdépêches de l'AFP donnent leur légi-timité aux informations qu'ellescontiennent. Cela les conduit à tenirleur rang, à ne pas oublier que leurmission comprend aussi un aspectde représentation : ils sont d'autantplus estimés qu'ils sont l'émanationd'un pays qui compte.

    Cette condition est encore plusvraie pour l'AFP qui doit sans arrêtmontrer que son rôle est bien celuid'un média indépendant de l'ambas-sade ou des autorités françaises. ABucarest, Stéphane Ghazarian n'é-chappe pas à la règle.

    La place à partde l’Agence France Presse

    patriarche de l’Elise orthodoxe roumaine

    L'Eglise orthodoxe se répartit en une quinzaine depatriarchies à travers le monde, toutes indépen-dantes (on dit autocéphales), et dirigées par unpatriarche. Les plus importantes sont les églises de Russie(patriarche: Alexis), de Roumanie (patriarche: Daniel, dont letitre exact est Preafericitul Daniel, Daniel le Bienheureux), deSerbie, d'Antioche, d'Alexandrie, deJérusalem - elle a autorité sur l'églisegrecque - de Constantinople, berceaude l'Eglise chrétienne d'Orient, dontle patriarche, Bartholomé II, est leplus respecté… sans avoir de grandspouvoirs. Ces hiérarques se réunis-sent de temps en temps en synodes.

    Dirigée par son patriarche,l'Eglise Orthodoxe Roumaine (BOR)est divisée en 5 métropolies, placéssous l'autorité de métropolites, équivalents de cardinaux, quisont également archevêques de leur ville de résidence.

    Dans l'ordre d'importance, il s'agit de la Valachie, lepatriarche devenant automatiquement métropolite de cetteprovince et archevêque de Bucarest. Elle est suivie de l'autreprovince historique de la Roumanie, la Moldavie.Traditionnellement, c'est au titulaire de cette charge querevient la succession du patriarche, après son décès. Mais sadésignation doit passer par un synode au cours duquel sontappelés à se prononcer la quarantaine d'évêques du pays.L'élection de Daniel, métropolite de Moldavie (Iasi) n'a pas

    dérogé à cette règle non écrite qui remonte à la naissance de laRoumanie moderne, avec l'Union des deux provinces en 1859,la Valachie et la Moldavie. La Valachie héritant alors du siègedu pouvoir temporel, Bucarest devenant la capitale du pays, laMoldavie a obtenu que le pouvoir spirituel lui revienne.

    Viennent ensuite les métropolites de Transylvanie-Ardeal,basée à Sibiu (métropolite Antonie,plus de 80 ans), du Banat(Timisoara, métropolite Nicolae,plus de 80 ans), d'Olténie (Craiova,métropolite Teofan, 45 ans, quiambitionnait lui aussi de succéder àTeoctist).

    Les métropolites sont nommés àvie par le Synode, mais parfois seretirent, prenant leur retraite. Ils sontentourés par des archevêques

    (archiepiscop), installés également par le synode, et dont lajuridiction s'étend sur un judet (s'il est important), voire deuxou trois. Les plus influents sont Pimen (Bucovine), Teodosie(Constantsa) et Bartolomeu (Cluj). Pratiquement chaque judeta son évêque (episcop), mais il arrive que certains aient auto-rité sur un deuxième. L'évêque est souvent aidé par un vicairequi a aussi rang d'episcop. Les évêchés sont divisés en "proto-popiat" - trois ou quatre par judet - dirigés par un "protopop",sorte de chef des prêtres (preot), ces derniers ayant en chargeune paroisse, cellule de base de la BOR.

    (Les Nouvelles de Roumanie, n°27)

    Religion

    L'église orthodoxe roumaine, conduite par le Patriarche Teoctist, est représentée dans plusieurs autres pays. Ainsi laMétropolie de Bessarabie a autorité sur la Moldova, et l'Evêché de Hongrie et Varset sur les pays voisins. Conduite parl'IPS Iosif, la Métropolie de Paris a sous sa juridiction la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Angleterre, les PaysBas, la Belgique, l'Irlande et l'Islande. A la tête de la Métropolie de Nuremberg, l'IPS Serafim s'occupe de l'Allemagne, l'Autriche,le Luxembourg, la Suède, la Norvège, la Finlande et le Danemark. L'archevêque Nicolae est le représentant de l'église roumainepour les USA et le Canada et l'IPS Nathaniel pour l'autre partie du continent américain. Le reste de la diaspora roumaine dans lemonde se joint souvent aux autres orthodoxes pour former des communautés locales. Il existe plusieurs instituts théologiques à l'é-tranger: l'Institut Saint Serge de Paris, l'Ecole de théologie orthodoxe de Genève, la Faculté de théologie de l'Université de Munich.Quelques séminaires et instituts d'enseignement supérieur de théologie existent aussi en Amérique du Nord.

    Juvénal et Cyril, les deux métro-polites envoyés par l'égliseorthodoxe russe pour la repré-senter aux funérailles du PatriarcheDaniel, ont eu un haut le corps quand ilsont aperçu l'évêque Petru, métropolite deBessarabie, figurant au milieu des digni-taires. L'incident diplomatique n'était pasloin et nombre d'observateurs se sontdemandé si les deux prélats n'allaient pasquitter les lieux.

    L'Eglise russe ne reconnaît pas eneffet la subordination de l'église deMoldavie à celle de Roumanie, effectivedepuis l'indépendance de cette anciennerépublique soviétique, en 1991, et quicomble les vœux de sa population auxdeux tiers roumaine. La population russo-phone est restée assujettie au PatriarcheAlexis de Moscou. Moscou qui ne digèretoujours pas de ne plus être "La Mecque"de l'idéologie de ses anciens satellites.

    Les deux dignitaires russes ont dûcependant avaler en silence la même cou-leuvre, trois semaines plus tard, lors de lacérémonie d'intronisation du PatriarcheDaniel.

    Certains interprètent leur présencecomme un désir de l'église orthodoxerusse d'en savoir plus sur les intentions desa consoeur roumaine, mais aussi commeun long cheminement vers d’avantaged'œcuménisme.

    Moscou n'est plus La Mecque

    Les orthodoxes roumains à travers le monde

    Traditionnellement, le métropolite de Iasi devient

    L'AFP : un rang à tenir dans un pays encore francophone

    Stéphane Ghazarian (à droite) ici en compagnie du Pdg de l’Agence

    France Presse, venu à Bucarest.

  • Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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    Connaissance eet ddécouverteLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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    BUCAREST

    ORADEA

    BAIA MARE

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    ARAD

    SIBIUBRASOV

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    BOTOSANI

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    BACAU

    PLOIESTI

    A. IULIA

    IASI

    Une enquête internationale menéedans 21 pays montre qu'il existe unegrande différence entre l'identité reli-gieuse et sa pratique effective, lesRoumains en étant l'illustration. Ainsi97 % d'entre eux se déclarentcroyants (88 % seulement àBucarest), ce qui est la plus forte pro-portion européenne, devant les Turcs(95 %), les autres pays d'EuropeCentrale (en moyenne 80 %), lesUSA (70 %), les pays européensoccidentaux (environ 68 %), lesRusses fermant la marche (65 %).

    Mais au niveau de la pratique, laRoumanie se situe de très loin enqueue de classement: seulement18 % des Roumains assistent unefois par semaine à la messe, 11 %des croyants n'y allant même jamais,sauf pour des circonstances précises(baptême, mariage, obsèques). C'estle plus grand décalage enregistrédans le monde entre la foi et sa miseen application. 70 % des Turcs, 60 %des Polonais, 40 % des Italiens etdes Américains observent une pra-tique hebdomadaire.

    La Roumanie se distingue égale-ment par le caractère quasi-universeld'une seule religion dans le pays,88 % de ses habitants se déclarantorthodoxes, 6 % catholiques, 2 %protestants. Toutefois elle n'est pasla seule, plus de 90 % des Turcs sedéclarant musulmans, autant deRusses et de Grecs, orthodoxes.Ce pourcentage est voisin pour lescatholiques en Italie, Espagne,Slovénie, Pologne et Belgique, etpour les protestants en Finlande et auDanemark.

    Dans son village de Dumeni (Botosani), Marian rêvait d'un destin de popepour son fils, Ovidiu, déjà beau garçon à quatorze ans, doué pour lesétudes. Lui-même, professeur, il envisageait sur le tard cette conversionprofessionnelle et suivait des cours de théologie à Iasi, avant de renoncer. C'était audébut des années 90. Certes profondément croyant, le père imaginait aussi un avenirprometteur pour son garçon, dans cette région pauvre de Moldavie où les comporte-ments religieux sont très ancrés… provoquant les vives réactions de ses nouveauxamis occidentaux qui l'incitaient à pousser l'adolescent vers des professions leurparaissant autrement plus modernes et porteuses d'horizons.

    Au centre de la vie du village

    Mais Marian avait mûrement réfléchi son choix. Depuis toujours, et encoreaujourd'hui, le prêtre orthodoxe - pope est un terme dévalorisant - est, avec le maire etle directeur d'école, le principal personnage du village. Invité à toutes les cérémonies,que ce soit la rentrée scolaire, les fêtes patriotiques, les inaugurations, il figure au pre-mier rang, occupant la place d'honneur, et est l'objet de toutes les marques d'estime etde respect de la population, lesquelles prennent des proportions considérables lors dela bénédiction des nouvelles églises, de plus en plus fréquentes. Envié, il est au centredes regards des jeunes filles et se mariera souvent avec des institutrices, médecins, engénéral des intellec-tuelles.

    Bien sûr, son rôleprestigieux lui assureune fonction incompa-rable auprès des parois-siens: confident, guide,assurant messes, céré-monies, cours de reli-gion, et aujourd'hui deplus en plus de mis-sions à vocationsociales et caritatives…Surtout, bénéficiantd'un statut social horsnorme, grâce aux donseffectués par les fidèles, le pope du village avait aux yeux de Marian le privilège derouler dans une de ses deux Mercedes d'importation - et pas les modèles les plusanciens - alors que lui-même devait de se contenter de sa Dacia brinquebalante, vieillede près de vingt ans et toujours en panne.

    Facultés de théologie et séminaires ont poussé comme des champignons

    Son baccalauréat brillamment obtenu, Ovidiu a donc été admis, après un difficileconcours, à la faculté de Théologie de Bucarest, pour quatre ans d'études. Sous le régi-me communiste, seul cet établissement et son équivalent de Sibiu, étaient admis à for-mer des prêtres. Soit, globalement, une promotion de 150 prêtres par an pour les12 000 paroisses que compte le pays, insuffisante pour assurer le renouvellement.

    Depuis la "Révolution" de décembre 1989, les choses ont bien changé. Près d'unedizaine d'autres facultés ont fait leur apparition, accueillant au total 1200 à 1500élèves: à Iasi, Cluj, Oradea, Alba Iulia, Pitesti, Constantsa. Parallèlement, on a assistéà la naissance d'une trentaine de séminaires, pratiquement un dans chacun des 42judets (départements), formant 1500 prêtres chaque année.

    Les Roumains croientbeaucoup… mais pratiquent peu

    PIATRANEAMT

    Religion MédiasUne fonction prestigieuse devenue un

    Jusqu'au communisme, il existait une tradition journa-listique française en Roumanie avec, au fil des deuxderniers siècles, des publications paraissant dansnotre langue, comme le Courrier de Moldavie né en 1795.

    Après plus de cinquante ans de silence imposé par le régi-me, un quotidien, Bucarest-Matin, a repris le flambeau de laprésence francophone en 1995. Mais il fallut bien se rendre àl'évidence: le créneau de la langue française n'était plus aussiporteur qu'entre les Deux Guerres. Un manque de moyens etune mauvaise utilisation des compétences ont mis un terme àcette expérience en 2002, le journal se transformant en hebdo-madaire et prenant le nom de Bucarest-Hebdo. Cette publica-tion n'est guère plus diffusée, gratuitement, que dans lesgrands hôtels et lors des manifestations francophones.

    Le mensuel Regard a pris le véritable relais en janvier2004. L'initiative doit beaucoup à l'ambassadeur de France del'époque, Philippe Etienne, particulièrement décidé à mainte-nir une présence francophone enRoumanie, d'autant plus que se profi-lait l'organisation du sommet de laFrancophonie de septembre 2006,confiée à ce pays. Déjà convaincu dubien-fondé de cette démarche, leministère des Affaires étrangère luiprêta une oreille attentive.

    Il ne restait plus qu'à convaincreles grandes entreprises présentes surplace de mettre la main à la pochepour financer le projet. Ce que firent - et font toujours - enachetant des espaces de publicité, des sociétés comme la BRD(Banque Roumaine de Développement, filiale de la SociétéGénérale), les Ciments Lafarge, le groupe Accor (Sofitel,Novotel), Michelin, L'Oréal. Au total une quinzaine d'entre-prises, regroupées au sein de la Chambre de CommerceFranco-Roumaine, loin de représenter cependant la forte pré-sence économique française, de grands groupes installés etprospérant en Roumanie comme Orange, Renault, Saint-Gobain, Danone, se faisant toujours tirer l'oreille pour ajouterau pôt commun.

    3500 à 4000 exemplaires

    L'une des principales questions à laquelle fut confrontéRegard dès sa naissance fut la définition même de sa lignerédactionnelle. Devait-il s'adresser à des Roumains franco-phones et leur parler de la France, ou s'adresser à des Françaisvivant en Roumanie et leur parler de leur pays d'accueil. Lemélange des deux genres n'était guère tenable et, au fil desnuméros, le mensuel a pris ses marques, se consacrant unique-ment à la Roumanie et à la Francophonie sur place: ainsi leslecteurs roumains y découvrent la réalité de leur pays vue sousun autre angle et les expatriés celle de leur pays de résidence.

    Aujourd'hui, le mensuel tire à 3500-4000 exemplaires,avec une pointe à 8000 exemplaires lors du sommet de la

    Francophonie, la revue étant distribuée dans les manifestationsen marge de ce grand rendez-vous. On le trouve dans lescentres culturels français, dans les Centres de Documentationet d'Information que la France aide à mettre en place à traversle pays - ils seraient près de 1500 - dans les Alliancesfrançaises et dans plusieurs kiosques de la capitale. La revueest également envoyée dans les ministères et aux parlemen-taires.

    Le prix de l'abonnement annuel - 15 € en Roumanie,30 € en France - a été calculé pour qu'un professeur roumainpuisse se le permettre. "Regard" est un des rares outils de lafrancophonie qu'ils ont sous la main. En 2006, un de sesarticles avait été le sujet de l'épreuve de français du bac.

    Ensemencé par l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille

    Une équipe de trois permanentsprofessionnels s'appuyant sur unequinzaine de pigistes (correspon-dants de l'AFP, journalistes rou-mains, étudiants francophones) estchargée de mener les enquêtes et dela rédaction des articles. Depuis sonorigine, Regard a toujours entretenudes liens privilégiés avec l'EcoleSupérieure de Journalisme de Lille,un des trois plus grands centre de

    formation des journalistes français. Celle-ci a longtempsenvoyé un de ses jeunes diplômés comme lecteur à la Facultéde journalisme de Bucarest. C'est d'ailleurs un ancien de Lille,ayant suivi ce parcours, ce qui lui a permis de rencontrer safemme, Bucarestoise, qui est actuellement rédacteur en chef dela revue. Jean-François Pérès avait participé à la naissance deBucarest-Matin, de janvier 1995 à juillet 1996.

    Après une pause de dix ans en France, où il a rejoint le ser-vice des sports de Radio France Internationale, ce Marseillaisd'origine est de retour en Roumanie depuis avril 2006 avec lavolonté de pérenniser la revue, si celle-ci est partagée par lesbailleurs de fonds et les décideurs. Résolu à diversifier lesthèmes abordés, il souhaite aussi la défaire de l'image deproximité avec l'ambassade de France qu'on lui attribue sou-vent, ne voulant pas être considéré comme un organe officiel.

    J.F. Pérès est épaulé dans sa tâche par une journaliste ori-ginaire de Vannes, Marion Guyonvarch (ensemble sur notrephoto). Sortie de l'ESJ de Lille en 2004, la jeune Bretonne aeffectué des stages à Ouest-France et au Télégramme de Brestavant de rejoindre la Roumanie comme VolontaireInternationale, une expérience qu'elle souhaite continuer surplace, tant elle s'est faite à la vie de la capitale roumaine.

    "Regard", mensuel francophone de Roumanie, strada VasileConta n° 4, 020951 Bucarest, tel/fax: (00 40) (0) 21 317 77 45, cour-riel: [email protected], site internet: www. regard.ro; abonnement:15 € en Roumanie, 30 € en France (port compris).

    Un mensuel francophone pour les Roumains francophiles et les "expat"

    Popes : autrefois privilégiés, "Regard" voit autrement la Roumanie

    Choeur du Seminaire théologique du monastère Radu Voda de Bucarest.

  • Les NOUVeLLes de ROUMANIe

    46

    Connaissance eet ddécouverte

    Ces derniers établissements reçoivent les élèves, parclasses de 30, pour une scolarité de 5 ans, dès l'âge de 15 ans,après l'examen de "capacitate" (le brevet). Beaucoup n'irontpas jusqu'au terme de leurs études. Ceux qui aboutissent pour-ront devenir prêtres, dès qu'ils auront atteint 20 ans, pourvuqu'ils se marient, condition obligatoire destinée à assurer lapaix dans les ménages des paroisses. Ils auront aussi la possi-bilité de se perfectionner, en rejoignant les facultés de théolo-gie ou en suivant des cours par correspondance, s'ils ne veulentpas végéter dans leur carrière et au même endroit.

    Une enveloppe de 5000 €pour obtenir une paroisse

    Mais que l'on soit issu des facultés ou des séminaires, lemême obstacle se dresse devant le jeune prêtre : trouver uneparoisse disponible à la suite d'une mutation ou d'un départ àla retraite, fixé à l'âge de 62 ans, chacun étant libre de pour-suivre plus en avant. La chose n'est pas aisée, car l'offre estaujourd'hui bien inférieure à la demande. Alors l'affaire senégocie, comme l'achat d'un cabinet de dentiste. Suivant sonimportance, une paroisse peut être rétrocédée contre une enve-loppe allant jusqu'à 5000 € (33000 F), beaucoup plus si elle sesitue en ville ou dans des régions profondément religieuses.Officiellement, il s'agit de contribuer aux "œuvres charitables"de l'Eglise.

    Ce n'est pas avec le salaire versé par l'Etat, 45 € (300 F),soit 30 % du revenu mensuel d'un enseignant, sur lequel il doitretirer en outre ses cotisations, que le jeune prêtre fera vivre safamille. Il comptera sur les dons lors des messe et cérémonies,baptêmes, enterrements et surtout mariages, ces derniers rap-portant au bas mot 500 000 lei (15 €, 100 F), pour augmenterses gains, lesquels atteignaient autrefois le triple de ceux d'unprofesseur ou d'un médecin. S'y ajoutent aussi la contribution

    annuelle des fidèles - 50 000 lei ( 1,5 €, 10 F) par famille - etle logement gratuit dans le presbytère qui permet d'économiseren vue de faire construire une maison pour la retraite.

    Un prestige sérieusement entamé

    Paradoxalement, alors qu'aujourd'hui l'Eglise a retrouvédroit de cité et est associée au plus haut niveau de l'Etat, queles manifestations de foi se traduisent par l'édification de nou-velles cathédrales, à Bucarest, Arad, etc…, que de nombreusesparoisses mettent un point d'honneur à construire un nouveaulieu de culte… le prestige du pope a été sérieusement entamé.Trop de candidats et pas assez de postes. Une crise socialeentraînant la chute des revenus et la baisse d'un quart descontributions versées aux paroisses. Une image dégradée de lafonction, du fait du discrédit moral de certains prêtres. "Faisce que dit le pope, ne fais pas ce qu'il fait" raconte la sagessepopulaire…

    Ovidiu, lui, a décidé de vivre avec son temps. Ses étudesde théologie terminées, il a renoncé à trouver une paroisse, cequi l'aurait obligé à se marier toute de suite, ce dont il n'avaitpas envie… d'autant plus qu'il avait rencontré une jeune amé-ricaine d'origine roumaine n'ayant pas la même conception del'avenir. Aujourd'hui, à 24 ans, le jeune homme a repris sesétudes dans un établissement d'informatique de Iasi et donnedes cours de religion dans un lycée de la ville pour 2 millionsde lei par mois (60 €, 400 F), un poste obtenu difficilementpar relations. Son regard se tourne bien au-delà des Carpates,de l'autre côté de l'Atlantique. Depuis, l'ancien séminariste estdevenu chauffeur de taxi à Chicago. "Le XXIème siècle serareligieux ou ne sera pas" avait prédit André Malraux. EnMoldavie, les jeunes ont déjà apporté leur réponse.

    "Les Nouvelles de Roumanie"n°15 (janvier-février 2003)

    Les NOUVeLLes de ROUMANIe

    7

    A lla UUne

    BUCAREST

    ORADEA BAIA MARE

    TIMISOARA

    CLUJARAD

    TILISCA

    IASI

    BRASOV

    CONSTANTACRAIOVA

    TARGUMURES

    TULCEA

    BRAILA

    SUCEAVA

    BACAU

    PITESTI

    SIBIUBRAN

    Médias

    Le coup de pouce de la communautéfrancophone

    Représentant du petitjournal.àBucarest, Laurent Couderc (notrephoto) apprécie le coup de poucequ'il a reçu de la communauté franco-phone bucarestoise pour s'installer,qu'il s'agisse de l'OrganisationInternationale la Francophonie, de ladélégation Bruxelles-Wallonie, dupatron roumain d'Alcatel, Dan

    Pedros, également président de laChambre de Commerce Franco-Roumaine, ou français de la BanqueRoumaine de Développement (BRD-Société Générale) Patrick Gelin.

    Tous ces appuis lui ont permisd'installer rapidement son activité etde franchir en quelques mois le capdes deux mille abonnés, pour arriveraujourd'hui à 8000.

    Pas étonnant, car l'édition localedu petitjournal s'enrichit égalementd'un agenda proposant les rendez-vous culturels de Bucarest et despetites annonces pratiques et gra-tuites, très consultées, permettant detrouver un logement, des opportu-nités de travail, d'affaires.

    Tous les matins, Laurent Couderc livre les dernières informations de Roumanie

    sur Internet à ses 8000 abonnés

    Chaque matin, 90 000 internautes francophones à travers le monde ouvrentleur ordinateur et découvrent un résumé de l'actualité en France et de leurpays d'accueil grâce à l'édition en ligne du "Petitjournal". Depuis le 20mars 2006, ce service gratuit, financé par la publicité, rend compte également de l'ac-tualité en Roumanie (www.lepetitjournal.com-bucarest), l'édition roumaine étantdevenue en peu de temps la quatrième au monde avec 8000 abonnés. Un lectorat quise partage entre 30 % de Roumains francophones, dont des étudiants, trouvant là unregard différent sur leur pays et 70 % de Francophones expatriés, allant du stagiaireErasmus au Pdg de multinationale, qui apprécient son côté didactique leur permettantde mieux comprendre la Roumanie. Avec l'agence France Presse, le mensuel"Regard", lepetitjournal.com-bucarest est l'une des trois voix et trois plumes s'ex-primant et écrivant en français dans la capitale roumaine. Voyage au pays des cesmédias francophones qui font découvrir sur place l'actualité de leur pays d'accueil.

    Informations, rendez-vous culturels et petites annonces

    A la base de l'édition roumaine de www.lepetitjournal.com-bucarest, unMontpellierain qui, depuis l'âge de 18 ans, accumule les expériences internationales.Laurent Couderc a entrepris à cette époque, pendant cinq ans, des études de sciencespolitiques à Reading, en Angleterre, les complétant sur place par un master en jour-nalisme. Devenu professionnel, il migrera de l'agence Reuters à Barcelone, où il passedeux ans et demi, à une agence espagnole d'informations économiques à Madrid, réa-lisant des reportages au Maroc, en Australie, au Sénégal puis en Roumanie.

    Le jeune journaliste découvre alors une opportunité de se fixer à Bucarest, uneplace de correspondant étant à prendre pour les revues et journaux français"L'Express", "La Croix", des médias belges ("Le Soir", la Radio-télévisionRTBF). Il devient aussi correspondant de l'Agence France-Presse et prend pendant sixmois les commandes de "Regard", la revue francophone mensuelle qui vient d'êtrelancée par l'ambassade de France et la Chambre de Commerce Franco-Roumaine.

    Aspirant toutefois à une véritable indépendance, Laurent Courderc saisit l'occa-sion que lui offre la création du Petitjournal, de se mettre totalement à son compte enen assurant la franchise pour la Roumanie. Le système est simple: contre une indem-nité mensuelle qu'il verse, le bureau parisien lui livre l'information de France et inter-nationale, à lui de se charger de trouver l'information roumaine mais aussi la publicitéqui fera vivre son affaire.

    Donner une autre image de la Roumanie

    Pour faire marcher sa petite entreprise de presse, installée dans son appartementoffrant une vue splendide sur Bucarest, Laurent Couderc s'est entouré d'un comptableet agent de marketing à temps partiel. Il utilise aussi à tour de rôle les services dejeunes journalistes français qui couronnent leurs études par un stage, malheureuse-ment toujours de trop courte durée.

    Outre les informations sans commentaires qu'il donne, Laurent Couderc espèredévelopper les reportages vidéo. Il se méfie de la tendance "reporter-citoyen" à lamode sur de nombreux sites. Pour lui, le métier de journaliste s'apprend et doit fuir lasubjectivité en croisant les sources. Il espère par son professionnalisme aider à donnerune autre image de la Roumanie que les clichés ressassés. Se sentant comme un pois-son dans l'eau à Bucarest, il compte bien y rester encore quelques années… même sicelle de la Méditerranée lui manque.

    véritable baromètre de l'évolution sociale

    ils ne sont plus autant enviés

    La BOR (Eglise Orthodoxe Roumaine) a reconnu que, depuis la "Révolution",120 églises voyaient le jour chaque année, soit une tous les trois jours. Ainsi,en quinze ans, leur nombre est passé de 1000 à 3000… mille autres étant enco-re en construction. La hiérarchie orthodoxe justifie cette explosion du nombre de ses lieuxde culte par le fait que 87 % des Roumains, soit 18 millions de personnes, sont orthodoxes,et qu'il existe un déficit d'églises, notamment dans les villes. Ainsi affirme-t-elle qu'àBucarest, les 280 églises existantes - 18 avaient été démolies par les communistes - nepeuvent accueillir que 5 % de la population, lors de la messe du dimanche matin, alors que10 % souhaite s'y rendre.

    Les liens étroits entretenus par le pouvoir avec la BOR ont favorisé cette expansion.Depuis 2000, le Secrétariat d'Etat aux cultes a consacré 20 M€ à la construction ou à laréparation d'églises. L'édification de ces lieux de culte est également favorisée par lesautorités locales qui accordent gratuitement des terrains publics. La BOR a déjà reçu 8hectares à Bucarest, depuis 1990. Elle rappelle que pour la construction proprement dite,85 % des fonds proviennent des dons faits par les fidèles. (lire page suivante)

    Une église orthodoxe construite tous les trois jours, depuis la "Révolution"!

    www.lepetitjournal.com-bucarest: une adresse à retenir

    La cathédrale d’Arad est en constructiondepuis plus de dix ans.

  • Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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    Connaissance eet ddécouverteLes NOUVeLLes de ROUMANIe

    8

    A lla UUne

    Religion

    BUCAREST

    ORADEA

    BAIA MARE

    TIMISOARA

    PLOIESTI

    ARAD DEVA

    SIBIU

    IASI

    BRASOV

    CONSTANTACRAIOVA

    TARGU MURES

    SF. GHEORGHE

    TULCEA

    BRAILA

    SUCEAVA

    PITESTI

    CHISINAU

    SATU MARE

    Après la chute de la dictature communiste en 1989, les icônes de Jésus etde la Vierge Marie ont remplacé, dans les écoles roumaines, les portraitsde l'omniprésent "Conducator", ainsi que le fait remarquer LucaNiculescu dans un récent article paru dans "Libération". "L'enseignement de la reli-gion est devenu obligatoire dans les écoles publiques, les popes aux longues barbesnoires sont présents à peu près partout dans la vie collective, alors que les hommespolitiques exhibent leur croyance retrouvée, en participant en grand nombre auxmesses pascales et autres cérémonies religieuses.

    Pour couronner le tout, l'Etat paye en partie le salaire des quelque 14 000 prêtresorthodoxes, soit 42 millions d'euros par an. "Le phénomène n'est pas singulier",explique le professeur Daniel Barbu, de la faculté de sciences politiques de Bucarest."Dans d'autres pays de l'Est, comme la Pologne ou la Slovaquie, on est égalementpassé du matérialisme dialectique à la ferveur religieuse".

    L'Eglise et l'Etat sont intimement liés

    "Il y a ambiguïté, dénonce pour sa part Remus Cernea, président de l'ONGSolidarité pour la liberté de conscience. Officiellement, il y a la séparation de l'Egliseet de l'Etat, mais en réalité les deuxinstitutions sont intimement liées."Les hommes politiques ont d'ailleurstout intérêt à se montrer aimablesenvers l'Eglise orthodoxe. Près de 90% des 21 millions de Roumains sontorthodoxes et la crédibilité del'Eglise est impressionnante: plus detrois Roumains sur quatre affirmentavoir confiance dans l'Eglise.

    Dans les villages - la Roumanieest à 40 % rurale -, le prêtre est unpersonnage incontournable. "Ce quinous dérange le plus, c'est l'enseignement religieux dans les écoles", affirmeSmaranda Enache, présidente de l'association Pro Europa. "C'est un enseignementconfessionnel, où d'autres cultes sont parfois stigmatisés".

    En théorie, les inspecteurs du ministère de l'Education devraient veiller à ce quela religion soit enseignée de façon correcte. "En pratique", estime le professeur DanielBarbu, "ces inspecteurs sont souvent eux aussi des prêtres. Ce n'est pas un vraicontrôle". Résultat: "C'est le chaos ", estime Mircea Vasilescu, rédacteur en chef del'hebdomadaire respecté "Dilema Veche". "Dans certaines écoles, les élèves peuventapprendre que les catholiques ou les protestants sont de mauvais chrétiens. Dansd'autres, on ne fait que prier. Enfin, on peut trouver ici ou là des professeurs correctsqui essaient de faire davantage un cours d'histoire des religions et non du catéchismeprimaire".

    "On est revenu à la tradition du XIXème siècle"

    En 2006, l'association de Remus Cernea a essayé de faire sortir les icônes desécoles publiques (voir Les Nouvelles de Roumanie n° 42). Une tentative qui a pro-voqué un énorme débat en Roumanie. Le Conseil de lutte contre la discrimination adonné raison à cette demande, en réclamant l'enlèvement des icônes. Réponse duministre de l'Education : ce n'est pas le ministère qui a mis les icônes dans les classes,ce n'est pas à lui de les enlever. Un procès est en cours. Le théologien Mihail Neamturemet les choses dans leur perspective historique. "La Roumanie n'a jamais connu deséparation réelle entre l'Eglise et l'Etat, sauf durant la parenthèse communiste.

    Dans les écoles, les icônes de Jésus et

    Du cinéma, où il a signé la musique de nombreuxfilms à succès, Vladimir Cosma (notre photo) estpassé au lyrique avec Marius et Fanny, son pre-mier opéra, interprété par Roberto Alagna, Angela Gheorghiuet Jean-Philippe Lafont, présenté récemment àMarseille, en première mondiale.

    D'origine roumaine, compositeur proli-fique pour la télévision et le cinéma, où il asigné en presque quarante ans de nombreuxsuccès (La Boum, Diva, Un éléphant çatrompe énormément, Le Souper, Le Bal, LeDîner de cons, Le Grand Blond avec unechaussure noire...), Vladimir Cosma pourraitêtre classé dans la catégorie du musiciend'images. Mais cet ancien élève de NadiaBoulanger, violoniste concertiste primé auconservatoire de Bucarest où il a vu le jour ily a soixante-sept ans, a toujours évolué dansl'univers du classique au contact de ses parents musiciens.Après avoir écrit des oeuvres symphoniques et de la musiquede chambre, c'est donc tout naturellement qu'il s'est plongédans l'écriture de cet opéra provençal, d'autant plus qu'il avaitdéjà composé la musique des deux films d'Yves Robert d'aprèsPagnol (La Gloire de mon père et Le Château de ma mère)et aussi La Femme du boulanger pour la télévision.

    Pour rester fidèle au style et à l'esprit de Pagnol, le com-positeur a respecté les paroles, les dialogues et "les rimes inté-rieures", renonçant à César pour se consacrer aux deux pre-

    miers volets de la trilogie, Marius et Fanny. De même, a-t-ilprivilégié la mélodie et le rythme, "composantes essentiellesde la musique", sans oublier "les airs", enchaînant la habane-ra et le ragtime, la valse et la musique de bal.

    Restaient les voix et le choix des inter-prètes. Au départ, Vladimir Cosma ne sou-haitait pas de vedette mais plutôt des jeunesinterprètes. Le hasard en a décidé autrement."On m'a proposé Jean-Philippe Lafont dansle rôle de César dont il a l'âge et j'ai tout desuite été séduit par sa vitalité, sa faconde."Quelque temps plus tard, le franco-italienRoberto Alagna l'appellait au téléphone pourlui dire qu'il voulait absolument travailleravec lui et rêvait de jouer Marius, quitte àfaire un effort sur son cachet. "Nous avonsrépété quelques airs ensemble et j'ai décou-vert un formidable Marius." Six mois passè-

    rent, et ce fut au tour de la femme du grand ténor, AngelaGheorghiu, considérée comme l'une des plus grandes divas dumonde, de se manifester sans détour: "Nous sommes Roumainstous les deux", dit-elle à Vladimir Cosma. Je veux travailleravec vous et faire Fanny."

    C'est ainsi, que le célèbre compositeur franco-roumain etla petite Moldave, née en 1963 à Adjud, élève surdouée del'Académie de Bucarest, contraints à l'exil et vivant en France,se sont retrouvés pour célébrer l'un des écrivains les plus popu-laires de leur terre d'accueil.

    Vladimir Cosma et Angela Gheorghiu célèbrent Pagnol à l'Opéra de MarseilleLe combat pour la laïcité

    (suite de la page 7)

    Musique

    Des footballeurs, des politiciens,ont ainsi contribué de leurs poches,remerciés en étant représentés dansdes scènes bibliques sur les murs ousur les vitraux. Gigi Becali, affairistedouteux, président du SteauaBucarest, a financé plusieurs églisesdans le pays, dépensant des dizainesde milliers de dollars.

    Le summum paraît cependantatteint avec le projet de constructionde la grande cathédrale de Bucarest(catedralei Neamului), qui date de dixans. Après avoir changé de lieux plu-sieurs fois, elle devrait finalement êtreédifiée… derrière le palais deCeausescu, lui faisant face.

    Les députés ont attribué gratuite-ment onze hectares de terrain à laBOR qui va pouvoir ainsi construireun édifice beaucoup plus grandioseque celui défini en 2001… lequel étaitdéjà chiffré à 200 M€. Cette décisiona provoqué des remous, les terrainspublics donnés, en plein cœur de lacapitale, étant également estimés à200 M€. Pour financer la construc-tion, la BOR envisage d'émettre desobligations cotées en bourse.

    Le BOR n'est pas le seul à êtrepris de vertige. Peu après 1989, lesgréco-catholiques de Cluj ont vouluconstruire une cathédrale gigan-tesque, avant-gardiste, avec destours s'élevant à 75 mètres… ce quiprovoqua des tensions avec l'aéro-port. Finalement, seulement neufmètres ont été édifiés et, après 13ans passés en recherche vaine defonds, le projet a été abandonné.

    "Les Nouvelles de Roumanie",n° 32, novembre-décembre 2005

    La future cathédrale deBucarest… en bourse !

    Ernest-Antoine Seillière, le patron des patrons européens, et ancien président du MEDEF,avait provoqué en son temps la colère de Jacques Chirac en prenant la parole en anglais,- "la langue des affaires" - devant les chefs d'Etat et de gouvernement réunis àBruxelles. Le nouveau commissaire européen au Multilinguisme, le Roumain Leonard Orbanaurait-il emboîté le pas à l'ancien président français, qui s'était alors levé pour quitter la salle ?"L'anglais ne suffit pas dans le monde des affaires", estime en effet cet ancien ministre roumain.

    Entre autres combats au sein d'une Commission de plus en plus anglophone, Leonard Orbanveut inciter les entreprises à miser sur la diversité linguistique afin de développer leur "business".En septembre, il a organisé une conférence intitulée "les entreprises, les langues et les compétencesinterculturelles". Le Roumain, économiste de 46 ans, natif de Brasov, cite une étude britanniquerécente révélant que 11 % des 2 000 petites et moyennes entreprises (PME) interrogées dansl'Union européenne (UE) ont déjà perdu un contrat à l'exportation, faute de compétences linguis-tiques suffisantes. Soit, un manque à gagner estimé à 100 milliards d'euros par an.

    "L'idée selon laquelle l'anglais est la langue universelle pèche par simplisme", observe l'étu-de. Privilégiée par les multinationales, la langue de Shakespeare serait certes utilisée en premier lieu pour négocier sur une ving-taine de marchés. Mais l'allemand permettrait d'exporter plus facilement vers quinze marchés, dont l'Allemagne et l'Autriche.Quant au français, il est employé sur huit marchés dont la France, la Belgique et le Luxembourg.

    Pour Leonard Orban, les salariés devraient donc maîtriser, pour le plus grand bonheur de leurs employeurs, au moins troislangues: celle de leur pays d'origine, l'anglais bien sûr et un troisième idiome parmi les plus parlés de l'UE - l'allemand, le français,l'espagnol ou l'italien. Sans négliger le russe, l'arabe ou le chinois.

    Le plaidoyer du nouveau commissaireeuropéen et roumain au multilinguisme

    Leonard Orban : "l'anglais, çà ne suffit pas dans le monde des affaires !"

    Francophonie

  • Les NOUVeLLes de ROUMANIe

    44

    Connaissance eet ddécouverte

    Ces dernières années, la circu-lation est devenue l'un desprincipaux problèmes de lacapitale roumaine. Bucarest est tout sim-plement paralysée par les voitures. Lamairie a mis beaucoup de temps à réagiret veut rattraper ce retard. Une petiterévolution se prépare dans le domaine destransports en commun, comme l'indiqueJonas Mercier dans lepetitjournal.com.

    "Bucarest étouffe. Les voitures sontpartout. Elles encombrent les trottoirs etfont la queue aux feux rouges. Pourtant,les Bucarestois ont peu d'alternatives. Lestransports en commun, toujours bondés etsans horaires fixes, offrent peu d'argu-ments pour laisser la voiture au garage.C'est pourtant sur ce créneau que lesautorités veulent réagir. La mairie deBucarest est en train de travailler sur unMaster Plan qui vise à améliorer la viedans la capitale. La RATB (Régie autono-me des transports de Bucarest) est com-prise dans ce plan dont les principauxprojets ont pour but de réduire le nombrede voitures.

    Dès le printemps 2008, des systèmesGPS vont être montés sur chaque autobuspour une gestion globale du réseau. Des

    bandes réservées vont être aménagées surles grandes artères et les transports encommun auront la priorité aux intersec-tions" a récemment expliqué un représen-tant de la RATB lors d'un entretien sur latélévision publique (TVR).

    La compagnie devrait égalementconnaître un coup de jeunesse puisque"500 nouveaux autobus devraient arrivercette automne, ainsi que 100 trolleybus et100 tramways", a-t-il ajouté.

    Davantage de lignes de métro

    Des nouveautés se préparent égale-ment sous terre. Le réseau des lignes demétro devrait connaître plusieurs exten-sions. Le tronçon qui rallie la stationNicolae Grigorescu à la ceinture deBucarest (est) devrait être mis en fonctionau début du deuxième semestre 2008selon Stefan Rotaru, directeur techniquedes investissements à la Metrorex, lasociété qui gère le métro de Bucarest.Celui qui ira de la station 1 mai jusqu'àLaromet (nord ouest) devrait être inau-guré en 2010. Les travaux sur ces 2tronçons ont débuté en 1989, mais ont étéstoppés en 1994 car les financements

    manquaient, pour reprendre depuis. Unenouvelle ligne va également voir le jourentre le quartier Drumul Taberei (est) etPantelimon (ouest).

    Le premier tronçon, qui comptera 13stations et s'étendra entre Drumul Tabereiet la station Universitate, devrait être ter-miné en 2013 et coûter plus de 400 mil-lions d'euros. Les travaux n'ont toutefoispas encore commencé. Le ministère desTransports attend la réponse de la Banqueeuropéenne d'investissement (BEI) pourl'obtention d'un crédit. Enfin un autreprojet d'une ligne reliant les aéroportsHenri Coanda et Baneasa à la Gare duNord devrait voir le jour dans une dizained'années même si le tracé n'a pas encoreété établi.

    Autant de facilités de déplacementqui devraient permettre au Bucarest dedemain de pouvoir respirer un peu mieux.Mis à part les transports en commun, lamairie a annoncé en 2006 la constructionde 22 parkings sous-terrains qui devraientêtre terminés en 2009. Ils offriront 9202places dans les zones centrales deBucarest (Amzei, Obor, Gare du Nord...)

    Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com.)

    Les NOUVeLLes de ROUMANIe

    9

    A lla UUne

    Après celle-ci, on est revenu à la tradition du XIXe siècle,c'est-à-dire l'enseignement de la religion dans les écolespubliques", affirme-t-il. "De plus, il ne faut pas oublier quepour les Roumains, l'Eglise orthodoxe a contribué à la forma-tion de l'identité nationale. C'est une église qui peut exiger unstatut à part". Le jeune chercheur milite cependant pour uneséparation progressive. "Les hiérarques doivent comprendre lecaractère implacable du sécularisme et faire en conséquence".

    "Une séparation de l'Eglise et de l'Etat serait de bonaugure, tout d'abord pour l'Eglise elle-même", estime DanielBarbu. "Elle pourrait préserver sa crédibilité sur le long termeet devenir une voix critique de la société". Car même sil'Eglise jouit encore d'une énorme popularité, ses fondementssont menacés. Ces derniers temps, le Conseil national d'étudesdes archives de la Securitate (l'ancienne police politique de ladictature communiste) s'est penché sur les dossiers des prêtres.Nombre de hauts représentants du clergé orthodoxe ont déjàavoué y avoir collaboré. "L'église orthodoxe doit aussiapprendre à vivre au XXIe siècle", estime Mihail Neamtu, "neplus attendre l'aide de l'Etat, mais aller davantage vers les

    gens, en essayant de trouver des partenaires économiquesayant les mêmes valeurs pour ses œuvres sociales".

    La radio publique commence ses émissions par le "Notre Père"

    Car, en dépit des apparences, l'Eglise orthodoxe roumai-ne n'est pas riche. Dans ces conditions, certains hiérarques fontdes compromis, comme de cautionner les œuvres sociales demilliardaires controversés. L'exemple le plus connu est celuide Gigi Becali, un berger reconverti en homme politique,héraut du christianisme et, selon les sondages, deuxième per-sonnalité la plus populaire, après le président Basescu

    Après les écoles, Remus Cernea veut faire sortir la reli-gion des médias d'Etat. Il menace ainsi d'un procès la radiopublique qui, chaque matin, commence ses émissions en réci-tant le "Notre Père".

    En Roumanie, le combat pour la laïcité n'en est encorequ'à ses balbutiements".

    Luca Niculescu

    BUCAREST

    ORADEA BAIA MARE

    TIMISOARA

    ARAD

    SIBIU

    IASI

    BRASOV

    CONSTANTACRAIOVA

    TARGUMURES

    GALATI

    TULCEABRAILA

    SUCEAVA

    PITESTI

    CLUJ

    BISTRITA

    Echanges de la Vierge Marie ont remplacé les portraits de Ceausescu

    La circulation devient infernale dans la capitale

    Aidées par l'association "Action Famille" de la Drôme, qui les soutientdans leurs études depuis cinq ans et intervient en Roumanie et Moldaviedepuis1990, Calina et Mihaela (notre photo) ont visité pour la premièrefois la France, cet été. Paris, le TGV, le Midi, Avignon… ce fut une découverte extra-ordinaire pour les deux jeunes filles, qui ont contribué à financer leur séjour en tra-vaillant dans la région de Valence. Calina, qui termine ses études de journaliste, racon-te son expérience avec une fraîcheur qui fait chaud au cœur mais aussi fait espérer desjours meilleurs pour la Roumanie:

    "Nous avons eu l'impression en deuxsemaines de séjour


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