CARTE GEOMORPHOLOGIQUE ET MORPHODYNAMIQUE
Feuille N° 2
BIZERTE
Tunis 2018
REPUBLIQUE TUNISIENNE
MINISTERE DES AFFAIRES LOCALES ET DE
L'ENVIRONNEMENT
OBSERVATOIRE DU LITTORAL
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................................................................. 3
I- LE CADRE MORPHOSTRUCTURAL ...................................................... 3
II- DES HERITAGES QUATERNAIRES VARIES...................................... 4
III- MORPHOLOGIE ET MORPHODYNAMIQUE ACTUELLES ......... 8
1- A l’intérieur des terres ............................................................................... 8
2- Sur le rivage ................................................................................................. 9
a- Les falaises ................................................................................................. 9
b- Les côtes rocheuses basses ...................................................................... 10
c- Les plages ................................................................................................. 12
d- Les dunes .................................................................................................. 16
Références bibliographiques ........................................................................... 17
Liste des Figures
Figure 1 : Coupe entre le Cap Bizerte et le Cap Blanc (Oueslati et al., 1982). On y retrouve
les traces de deux cycles Marins (1 et 2) indépendants et les deux membres (4 et 6) de la
formation Cap Blanc. Les niveaux 3 et 5 sont des dépôts liés au ruissellement con connus
dans la bibliographie sous l’appellation de Formation Ain Oktor et Formation Sidi Daoud.
............................................................................................................................................... 6
Figure 2:Racine de plate-forme d’abrasion tyrrhénienne à Rass Enghela (photo, A.
OUESLATI, 2016 .................................................................................................................. 6
Figure 3:Coupe immédiatement à l'Ouest du phare de Rss Enghela (Ben Ayed et Oueslati,
1994) ...................................................................................................................................... 7
Figure 4:Coupe au droit du jbel Dhiret El Khechba (Oueslati, 1994) .................................. 7
Figure 5:Photo montrant le matériel de la plage tyrrhénienne redressé à la verticale
(passage entre les deux parties de la flexure de la fig. 4) (photo, A. Oueslati, 2015). ......... 7
Figure 6:Falaise évoluant sous l’effet des vagues et du ruissellement au pied de Jbel
Ennadhour (photo, A. Oueslati, 2015). .............................................................................. 10
2
Figure 7:Formations carbonatées calcaire éocène et éolianites quaternaires évoluant par
érosion biochimique conférant à l’estran un modelé accidenté (photo, A. Oueslati, 2015)
(photo, A. Oueslati, 2017). .................................................................................................. 11
Figure 8:Plage et dunes encore assez bien conservées entre Rass Enghela et Oued
Eddamous (photo, A. Oueslati, 20156) .............................................................................. 12
Figure 9:Blockhaus annexé au bas de plage ; côte de Zarzouna (Photo, A. OUESLATI,
2015) .................................................................................................................................... 14
Figure 10:Caractéristiques de l'évolution récente du littoral de la ville de Bizerte (d’après
Oueslati A., 2004 ; actualisé) .............................................................................................. 15
3
INTRODUCTION
Le terrain couvert par la feuille de Bizerte se trouve au passage de deux
grands domaines géologiques différents, le domaine des nappes de la
chaîne tellienne à l’Ouest et le domaine atlasique à l’Est. Ceci se
répercute sur le paysage morphostructural d’ensemble ainsi que sur
l’évolution géomorphologique au cours du Quaternaire et sur la
morphodynamique actuelle. La région dispose également d’un littoral
étendu et riche en formes. De plus, ce littoral a aussi fait l’objet
d’aménagements variés et offre parfois des exemples instructifs quant
aux rapports homme-milieu et les risques qui peuvent en découler.
I- LE CADRE MORPHOSTRUCTURAL
Une distinction nette existe entre les parties occidentales d’une part et
les parties centrale et orientale d’autre part. La première s’inscrit dans le
prolongement des Mogods caractérisés par des reliefs accidentés et
parfois difficiles malgré la modestie des altitudes. Le paysage est
dominé par les reliefs monoclinaux du type crêt ou barre qui reflètent en
fait les alternances des grès et argiles du flysch numidien et leur
exploitation différentielle par l’érosion hydrique. Les crêtes coïncident
avec les bancs de grès et les couloirs ont été creusés dans les passages
les moins résistants caractérisés par une dominance des argiles ou par
l’existence de failles. Ces couloirs abritent l’essentiel des artères d’un
réseau hydrographique souvent fait d’organismes petits par leur
longueur mais nombreux et parfois très ramifiés accentuant le caractère
accidenté et difficile de la topographie.
Le deuxième ensemble, couvrant les parties centrale et orientale, a une
topographie bien plus aérée avec une succession de jbels et de collines
séparés par des plaines parfois étendues. Les jbels et collines deviennent
toutefois relativement rapprochés et occupent une place importante dans
les secteurs proches de la ville de Bizerte mais leurs altitudes sont
toujours modestes ; les sommets dépassent rarement 250m. Sur le plan
structural, il s’agit principalement de plis anticlinaux orientés SW-NE.
4
La lithologie est varée mais permet d’opposer en gros deux espaces.
Vers le Sud-Ouest, une place importante est accordée aux argiles,
marnes, grès et sables. Du côté de la ville de Bizerte, la prépondérance
est au profit des formations calcaires et marneuses. Les parties
occidentales se distinguent aussi par l’importance des affleurements
salifères du Trias.
Quant aux plaines, elles sont toujours basses à très basses puisque leurs
altitudes sont rarement supérieures à 20m et fréquemment inférieures à
10m. Les plus étendues occupent le fond de dépressions synclinales ou
de fossés d’effondrement.
II- DES HERITAGES QUATERNAIRES VARIES
La région renferme une grande variété de formes et de dépôts
quaternaires. Mais l’attention a été jusqu’ici retenu surtout par les
héritages liés à la présence de la mer.
A l’intérieur des terres, les couvertures alluviales constituent les
héritages les plus fréquents et les plus étendus. Dans les plaines, ils
correspondent à des nappes alluvions d’âge holocène à historiques qui
passent latéralement, dans les vallées, à un modelé de basses terrasses.
Celles-ci sont parfois emboîtées dans des terrasses pléistocènes assez
bien marquées dans le paysage géomorphologique mais très souvent
discontinues et peu larges pour être cartographiées même à une échelle
moyenne. Sur les versants, la place est donnée à des dépôts de pente
discontinus et parfois grossiers surtout au pied des corniches gréseuses
du flysch numidien.
Au bord de la mer, les héritages quaternaires sont représentés par des
dépôts marins et des dunes consolidées (éolianites). Les coupes
qu’exposent les falaises ont permis d’identifier différents dépôts
attribués au Quaternaire supérieur et qui témoignent d’une alternance
d'épisodes dominés par l’action des agents marins et d’autres au cours
desquels l’avantage a été donné aux agents continentaux (fig. 1). Aussi,
a-t-il été possible de reconnaitre les traces de deux niveaux mains
5
supérieurs à l’actuel rapportés au dernier interglaciaire (Tyrrhénien). Les
coupes ont permis aussi de définir deux niveaux d’éolianites d’âge
pléistocène supérieur et formées alors que le marin était inférieur à
l’actuel mais avec un rivage proche de celui de nos jours. Le terrain est
considéré comme la référence pour ces deux éolianites maintenant
connues dans la littérature sous l’appellation de formation Cap Blanc
(membre I et membre II). Des niveaux mis en place par le ruissellement
s’interposent entre ces éolianites et entre ces dernières et les dépôts
marins tyrrhéniens. Ils sont également attribués au Pléistocène supérieur.
Le fait de choisir, pour l’ensemble du littoral tunisien, le Cap Blanc
comme localité éponyme tient à différents facteurs. D’abord, c’est le site
dans lequel ces éolianites affleurent sur de grandes superficies. D’un
autre côté, elles appartiennent à des coupes montrant différents niveaux
dont les dépôts marins tyrrhéniens. Enfin, elles appartiennent à une
stratigraphie dont la chronologie est confirmée à la fois par l’existence
d'un outillage préhistorique associé aux dépôts et par des datations
radiométriques.
Notons enfin, que le terrain a aussi hérité des variations du niveau marin
des formes de la famille des rasa ou plateformes marines perchées. C’est
ainsi que sont expliquées les topographies relativement régulières qui
s’interposent, dans certains segments du littoral, entre la mer les
premiers versants côtiers. Leur façonnement remonte à la transgression
du dernier interglaciaire (Tyrrhénien) ou à des transgressions plus
anciennes (Oueslati et al., 1982 ; Paskoff et Sanlaville, 1983 ; Oueslati,
1994). Les illustrations les plus expressives appartiennent à la côte
comprise entre El Ghirane et Rass El Korane (fig. 2).
Soulignons aussi que le littoral de Bizerte renferme des indices d’une
activité néotectonique importante. Les sites les plus significatifs, connus,
à cet égard se trouvent autour de Rass Enghela et de Rass El Korane.
C’est ainsi par exemple, qu’à l'Est du phare de Rass Enghela, les dépôts
marins tyrrhéniens sont affectés par de légères ondulations anticlinales.
Plus à l'Ouest, à environ 200m du même phare, on voit, dans la falaise,
6
une faille inverse de direction N. 70-80 (fig. 3). Encore plus vers
l’Ouest, au droit de Jbel Dhiret El Khechba (fig. 4 et 5), la plage
tyrrhénienne, surmontée par un empilement de dépôts continentaux
wurmiens et holocènes, est affectée par une flexure typique (Ben Ayed
et Oueslati, 1988 ; Oueslati, 2004).
Figure 1 : Coupe entre le Cap Bizerte et le Cap Blanc (Oueslati et al.,
1982). On y retrouve les traces de deux cycles Marins (1 et 2)
indépendants et les deux membres (4 et 6) de la formation Cap Blanc.
Les niveaux 3 et 5 sont des dépôts liés au ruissellement con connus dans
la bibliographie sous l’appellation de Formation Ain Oktor et Formation
Sidi Daoud.
Figure 2:Racine de plate-forme d’abrasion tyrrhénienne à Rass
Enghela (photo, A. OUESLATI, 2016
7
Figure 3:Coupe immédiatement à l'Ouest du phare de Rss Enghela
(Ben Ayed et Oueslati, 1994)
1- dépôts marins eutyrrhéniens ; 2- dépôts marins néotyrrhéniens ; 3-
colluvions rouges encroûtées ; 0- Trias.
Figure 4:Coupe au droit du jbel Dhiret El Khechba (Oueslati, 1994)
1. calcaires éocéènes ; 2. Plage tyrrhénienne ; 3 • 4 - 6 - et 8 - colluvions
sablo-limoneuses ; 5-7 b et 10 - dépôts caillouteux, une industrie
ibéromaurusienne dans 10 - ; 7a et 9 -grés éolien, 11 -dunes mobiles.
Figure 5:Photo montrant le matériel de la plage tyrrhénienne redressé
à la verticale (passage entre les deux parties de la flexure de la fig. 4)
(photo, A. Oueslati, 2015).
8
III- MORPHOLOGIE ET MORPHODYNAMIQUE
ACTUELLES
Les formes et les dynamiques les plus variées caractérisent la frange
marine qui se distingue aussi par les interventions humaines les plus
nombreuses et surtout qui ont eu des impacts importants au cours des
temps récents. Aussi distinguera-t-on entre cette frange marine d’une
part et l’intérieur des terres d’autre part.
1- A l’intérieur des terres
Les eaux courantes et, localement, la gravité constituent les agents
naturels les plus importants dans le façonnement et l’évolution du
paysage géomorphologique.
Les effets de l’érosion hydrique sont les plus nombreux et surtout les
plus apparents sur les versants à géologie dominée par les formations
tendres, notamment celles argileuses. Dans les versants pentus des
vallées, souvent profondes et étroites, qui découpent le domaine des
Jbels, s’ajoute le sapement des berges qui se fait aussi aux dépens de la
basse terrasse. Les exemples les plus expressifs appartiennent toutefois
aux reliefs de la partie sud-ouest de la carte où la géologie permet des
affleurements argileux ou argilo-sableux sur de grandes étendues.
Dans les reliefs à ossature de flysch numidien, des mouvements de
masse, parfois nombreux, s’ajoutent au travail de ravinement. Ils se
manifestent par des éboulements et des glissements. Les produits des
premiers s’observent notamment en contrebas des corniches gréseuses
où ils correspondent en particulier à des éboulis hétérométriques qui
forment parfois des amas chaotiques et très marqués dans le paysage.
Quant aux glissements, ils affectent les parties argileuses des versants et
sont à l’origine de modelés variés. Les plus fréquents de ces derniers
sont du type arrachements et s’observent le plus sur les versants des
vallées et sur les pentes qui dominent les falaises. Des modelés de niches
et de loupes de glissement existent aussi, notamment dans les reliefs
dominés par les formations argileuses de la partie sud-ouest de la carte.
9
2- Sur le rivage
Le littoral de Bizerte est fait d’une alternance de falaises, de côtes
rocheuses basses et de côtes sableuses. Mais ce sont ces dernières qui
retiennent le plus l’attention à cause de leur dynamique et de
l’importance de l’impact des aménagements sur cette dernière.
a- Les falaises
Les falaises occupent une place importante par la longueur du linéaire
côtier qu’elles intéressent mais aussi par leur modelé et leur dynamique.
Dans la partie occidentale de la carte, elles sont taillées dans le flysch
numidien. Les plus hautes tronquent des bancs de grès et évoluent
surtout par éboulement. Au niveau des passages argileux, dominent par
contre les phénomènes de ravinement et de glissements.
Dans la partie centrale de la carte, la falaise du Cap Blanc se distingue,
grâce à son ossature de calcaires éocènes, par son profil relativement
régulier même si de près elle montre plusieurs irrégularités qui reflètent
les inégalités de résistance de la roche et surtout sa fracturation. Plus
bas, au contact permanent avec l’eau de mer, l’évolution se fait surtout
par érosion biochimique à l’origine d’un modelé de trottoir et de formes
de corrosion peu nombreuses mais parfois bien élaborées.
Ailleurs, les autres falaises sont le lieu d’une érosion mécanique et d’une
dynamique commandée par un système encoche-éboulement. Elles se
distinguent aussi par leur profil accidenté avec une succession
d’excavations et de corniches reflétant l’exploitation différentielle des
matériaux qu’elles tronquent et dans lesquels une place importante est
donnée, comme évoqué plus haut, aux alternances d’éolianites et de
dépôts ruisselés du Quaternaire supérieur. Enfin, cette dynamique peut
être accentuée par les eaux courantes. Le sommet des falaises est en
effet, souvent découpé par des ravins parfois profonds et actifs (fig. 6).
10
Figure 6:Falaise évoluant sous l’effet des vagues et du ruissellement
au pied de Jbel Ennadhour (photo, A. Oueslati, 2015).
b- Les côtes rocheuses basses
Ces formes sont représentées dans les environs de Cap Bizerte et surtout
à l’Ouest de l’embouchure d’Oued Eddamous. Elles évoluent localement
dans des calcaires éocènes, mais les plus importantes sont façonnées
dans des grès marins et surtout dans les éolianites quaternaires.
L’existence d’un matériel abrasif sur l’estran témoigne d’un travail
mécanique. Cependant, les modelés les plus fréquents et les plus
marqués dans le paysage indiquent que l’évolution se fait surtout par
érosion biochimique favorisée par la nature carbonatée du matériel
rocheux. En effet, un peu partout on a affaire à un estran très accidenté,
voire très déchiqueté, par différentes formes de corrosion (lapiés, mares
à encorbellement, cupules, alvéoles, …) (fig. 7).
11
Le domaine médiolittoral renferme un trottoir à vermets peu large mais
bien marqué dans le modelé et nettement visible par mer calme.
Signalons enfin que les formations carbonatées qui affleurent au bord de
l’eau, notamment les éolianites, ont été exploitées pour extraire une
pierre à bâtir au cours de l’Antiquité. Les traces de l’activité d’extraction
se présentent sous la forme de carrières dont les parois ont subi une
évolution importante par érosion biochimique. D’un autre côté, ces
carrières sont partiellement submergées. Il s’agit là d’aspects importants
et qui renforcent l’intérêt de ce terrain. D’une part, ils aident à évaluer le
rythme avec le quel se fait un type d’érosion dans un matériel rocheux
donné. D’autre part, ils apportent des témoignages quant à l’évolution
récente du niveau marin et ses conséquences. Dans les deux cas, il s’agit
d’indications importantes pour le patrimoine et pour l’aménagement.
Figure 7:Formations carbonatées calcaire éocène et éolianites
quaternaires évoluant par érosion biochimique conférant à l’estran un
modelé accidenté (photo, A. Oueslati, 2015) (photo, A. Oueslati,
2017).
12
c- Les plages
Le littoral de Bizerte renferme des plages du type grève et surtout des
plages sableuses. Les premières caractérisent le pied des falaises
tronquant des formations résistantes et évoluant par une érosion
mécanique. Les plus épaisses et grossières existent dans la partie
occidentale à géologie dominée par le flysch numidien. Quant aux
plages sableuses, elles sont de loin les plus fréquentes. Les plus étendues
se trouvent au fond de la baie de Bizerte et au niveau des embouchures
des oueds, notamment Oued Dar Ejjanna, Oued Sidi Brahim, Oued El
Mechra et Oued Eddamous.
Figure 8:Plage et dunes encore assez bien conservées entre Rass
Enghela et Oued Eddamous (photo, A. Oueslati, 20156)
13
Les plages de la ville de Bizerte ont commencé à subir les effets des
interventions humaines dès la fin du dix-neuvième siècle. Mais ces
interventions n’ont pas été toujours sans impacts dont les plus
importants apparaissent à travers des déséquilibres dans la distribution
des sédiments le long du rivage et la multiplication des secteurs en état
d’érosion. Les problèmes se sont multipliés avec la densification des
constructions de front de mer et surtout à la suite des aménagements
portuaires. Si bien que, différents secteurs peuvent être distingués. Il
s’agit, du Nord au Sud, des secteurs suivants (fig. 9) :
- Au Nord de la plage de Sidi Salem : les témoins de l’érosion sont
nombreux. Plusieurs constructions de front de mer, surtout les plus
anciennes, ont perdu les plages qui les devançaient et ont
aujourd’hui le pied régulièrement battu par les vagues. Leurs murs
externes sont presque partout déchaussés ou ont été démolis. En
direction du Cap Bizerte, la situation a imposé le recours, dès les
années 1990, à la défense lourde : un gros mur de front de mer
localement renforcé par des enrochements.
- Au contact de la jetée nord de l'avant-port de commerce : longue
de 1000m, cette jetée a, en interceptant la dérive littorale principale,
ici dirigée vers le Sud, favorisé une extension remarquable de la
plage de Sidi Salem. La muraille de la Kasba n'était séparée de la
mer que par 480m en 1949. En 1974 et 1981, cette distance est
passée respectivement à 630 et 670m (Mathlouthi et Paskoff, 1981).
Avec le temps, la progradation du rivage s'est étendue vers le Nord.
La colline qui porte le marabout de Sidi Salem avait le pied touché
par les vagues en 1882. En 1936, elle s'est trouvée à quelque 150m
de la mer. Cette distance est passée à 200m en 1974. Une trentaine
de mètres a été ajoutée entre 1974 et 1980 (Mathlouthi, 1992).
-Au Sud des ports: coupée des apports de la dérive littorale
principale par les différentes jetées, cette partie du littoral a vu sa
plage subir une érosion importante. La mesure du retrait de la ligne
de rivage est donnée, en plus du déchaussement de la végétation de
14
la dune bordière, par un blockhaus et un nid de mitrailleuse hérités
de la période de la deuxième guerre mondiale. Localisé à une
cinquantaine de mètres du rivage, sur la carte nautique n°4970 du
service hydrographique de la marine, révisée en 1954, le blockhaus
est devenu, dès le début des années 1980, régulièrement baigné par
la mer (fig. 10). A l'occasion des tempêtes, les eaux l'encerclent de
tous les côtés. On en a conclu à un retrait du rivage à une vitesse
minimum de l’ordre de 1m par an (Mathlouthi et Paskoff, 1981 ;
Oueslati 2004).
- A l'intérieur de l'avant-port :l'érosion de la plage a été également
sévère. Ses manifestations ont été décrites dans les rivages de
Zarzouna (Oueslai, 2004) ainsi que dans le secteur compris entre le
club nautique et l'entrée du vieux port où la situation est devenue
préoccupante, au moins depuis le début des années 1980
(Mathlouthi et Paskoff, 1981). Différentes tentatives de protection
ont eu lieu par des murs de soutènement et enrochements. Mais dans
ce dernier secteur les effets de l’érosion ont été masqués, le paysage
vient d’être profondément modifié suite à l’implantation de la
Marina.
Figure 9:Blockhaus annexé au bas de plage ; côte de Zarzouna
(Photo, A. OUESLATI, 2015)
15
Figure 10:Caractéristiques de l'évolution récente du littoral de la ville
de Bizerte (d’après Oueslati A., 2004 ; actualisé)
1-plage ; 2-falaise rocheuse (a) et falaise taillée dans la dune bordière (b)
; 3-dérive littorale ; 4-engraissement de la plage ; 5-érosion marine
importante ; 6-érosion importante jusqu'à la date de la création du port
de pêche ; aujourd'hui, elle semble se ralentir et ses effets partiellement
corrigés par les apports de la dérive littorale secondaire qui vient de l'Est
; 7-ouvrages de défense ; 8-blockhaus ; 9-route ; 10-espace bâti ; 11-
zone des hôtels touristiques.
16
d- Les dunes
L’existence de plages sableuses étendues, le caractère bien exposé de la
côte aux vents dominants et les caractéristiques de la topographie de
l’arrière-pays, avec notamment l’existence de couloirs disposés dans le
sens du vent, ont favorisé la progression du sable vers l’intérieur des
terres et la formation d’importantes constructions dunaires. Ces
dernières s’organisent dans deux grands champs à savoir, le champ d’El
Korane-El Ghrirane-Bechateur d’une part et le champ d’Oued
Eddamous-La Corniche de Bizerte d’autre part.
Le modelé à l’intérieur de ces champs est très varié. Le sable s’est
parfois accumulé sous la forme de nappes plus ou moins continues et
sans morphologie particulière. Mais dans des cas plus fréquents, surtout
dans les parties les plus proches de la mer, on reconnait de nombreuses
formes élémentaires du type nebkas de différentes tailles. On reconnait
aussi des caoudeyres et des couloirs de déflation ainsi que des crêtes de
différentes orientations et tailles.
Comme dans d’autres parties du littoral tunisien, des travaux de
reboisement ont été entrepris afin de fixer le sable ou de freiner son
mouvement. La réussite n’a pas été toujours totale et dans certains cas,
le sable continue à gagner du terrain. C’est ce que révèle par exemple, la
comparaison de documents de différentes dates pour le champ de
Bechateur.
Le bilan pour la période 1936-2012 donne une progression de la
superficie de ce champ de 4,72ha par an (Khali, 2016).
Evolution de la superficie du champ dunaire de Bechateur entre 1936 et
2012 (Khali, 2016)
17
Références bibliographiques
BEN AYED N. (1986)- Evolution tectonique de l'avant pays de la
chaîne alpine de Tunisie du début du Mésozoïque à l'Actuel, thèse
Etat Sciences, Th. Paris-Sud, 327 p.
Ben Ayed N., Oueslati A., (1988)- Déformations tectoniques dans
le Quaternaire récent de Ras Engela (région de Bizerte, Tunisie
septentrionale). Rev. Méditerranée, troisième série, tome 64, 2 ; p.
17-21.
Khali A., (2016)- Les accumulations 2oliennes meubles du littoral
de Bizerte et des mogods ; étude et cartographie
géomorphologiques ; Th. ; Univ. Tunis ; 313p.
Mathlouthi S. et Paskoff R., (1981)- Modifications de la ligne de
rivage dans la baie de Bizerte depuis un siècle ; Rev. Tun. Géogr. ;
7 ; p.91-103.
Oueslati A., Paskoff R., et Sanlaville P., (1982)- Le Tyrrhénien de
Tunisie : proposition d'une chronologie ; Bull. Soc. Géol. Fr. ; 7,
XXIV, 2, p. 173-178.
Oueslati A. (1994)- Les côtes de la Tunisie ; Recherches sur leur
évolution au Quaternaire ; Publ. Fac. Sc. Hum. & Soc.; Tunis, 402
p.
Oueslati A., (2004)- Littoral et aménagement en Tunisie ; ORBIS
; 2004 ; 534p.
Paskoff R. et Sanlaville P. (1983)- Les côtes de la Tunisie ;
variations du niveau marin depuis le Tyrrhénien ; Maison Orient
Médit.; 192 p.
18
Coupe synthétique
1- Relief dominant (1b- dans le cas d’une géologie dominée par le flysch numidien) ; 2-dépôts marins
tyrrhéniens ; 3-dépôts de terrasse pléistocènes ; 3b-prolongement de 3 dans les vallées ; 4-éolianites
pléistocènes ; 5-alluvions holocènes ; 6-dépôts liés à des mouvements de masse ; 7-dunes meubles ; 8-
plage actuelle ; 9-la mer.
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