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Géographie humaine

Introduction

De fausses représentationsLa géographie est une discipline familière mais qui reste néanmoins difficile à définir. Cette difficulté vient principalement de trois fausses représentations de la discipline :

1) La géographie est vue comme une catégorie informelle d’érudition. On associe la géographie à la simple connaissance des noms, des localisations et des caractéristiques des grandes villes (aéroport, musées, population,…), des curiosités (ethnies oubliées, espèces animales en voie de disparition,…) et des records (plus hauts sommets, plus grands lacs, plus longs fleuves,…).La géographie est dès lors vue comme un cocktail d’exotisme, de voyages et de beaux paysages. C’est de la géographie populaire comme on peut en retrouver dans les jeux télévisés, le trivial poursuit, les documentaires,…

2) La géographie est vue comme un savoir encyclopédique sur les localisations. On associe la géographie à la simple connaissance des noms, des localisations et des caractéristiques des Etats (capitales, provinces, chefs-lieux, hydrographie, reliefs, importations, exportations,…).C’est de la géographie scolaire dont les deux caractéristiques principales sont : un savoir descriptif (rien à comprendre, tout est appris par cœur) et un savoir académique (sans application pratique en-dehors de l’enseignement).

3) La géographie est vue comme l’ensemble des caractéristiques du milieu physique qui infléchissent la vie des sociétés.Cette vision de la géographie est souvent invoquée par les politiciens (« Notre région est défavorisée par sa géographie ! », « La contrée est victime de la fatalité naturelle »,…) et par le milieu académique (David Landes, dans Richesse et pauvreté des nations. Pourquoi des riches? Pourquoi des pauvres? (2000), construit un argumentaire basé sur la géographie pour expliquer pourquoi les pays riches se trouvent en zones tempérées et les pays pauvres dans les zones tropicales ou semi-tropicales).

Aux sources du flou qui entoure la géographieCes trois fausses représentations montrent combien l’image de la géographie est floue aux yeux du public. Deux facteurs permettent d’expliquer ce flou :

1) Un flou délibérément entretenu pour masquer la fonction essentielle de la géographie : faire la guerre (au sens large : militaire, civile, marketing,…). La géographie permet de mener des opérations militaires sur le terrain. Par exemple,

Nixon ordonna en 1972 la reprise des bombardements sur le nord du Vietnam. Face à la pression de l’opinion publique et au fait que la plupart des forces aériennes sont monopolisées par la bataille de Quang Tri, le Pentagone opte pour des bombardements ponctuels sur les digues du delta. Le gouvernement de Hanoï lance une commission d’enquête internationale à laquelle participeront des géographes. Ceux-ci remarquent une forte concentration des bombardements sur la partie orientale du delta. En étudiant

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la topographie et en se référant à une thèse de P. Gourou sur le Tonkin, les géographes mettent à jour le véritable but de ces bombardements : inonder la région pour affaiblir l’ennemi grâce à des bombardements ciblés.Les bombes étaient larguées sur la partie orientale qui est moins vallonnée que la partie occidentale.

La géographie permet de gérer et organiser un Etat pour accroitre son pouvoir sur les populations. Par exemple, le train sur le toit du monde (ligne reliant Pékin à Lhassa, dont 1150km se trouvent à plus de 5000m d’altitude) permit à la Chine d’accroitre son influence sur le Tibet, de transporter facilement des troupes et de convoyer les minerais extraits sur place.

La géographie permet de localiser, gérer et promotionner les firmes industrielles et commerciales. Par exemple, la campagne de promotion de l'agence de voyages de la SNCF se basait sur le détournement du nom de lieux connus.Le message est simple: les plus grandes métropoles mondiales sont à notre porte, comme l’étaient les villages voisins auparavant. Aujourd’hui, se rendre dans une métropole de l’autre bout du monde n’est pas plus éloigné, pas plus cher, pas plus compliqué et surtout pas plus dépaysant que de se rendre dans un petit coin de France.Une autre application est l’établissement de profils pour un but marketing. On étudie par exemple la répartition géographique des étudiants de l’ULB pour savoir où faire de la pub pour celle-ci.

2) Contrairement aux autres disciplines, la géographie a plusieurs objets différents. La connaissance des localisations à la surface de la terre. L’étude des sociétés humaines dans leur relation avec l’environnement physique. L’analyse des localisations et des répartitions spatiales. L’analyse du territoire.

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Cette multiplicité des centres d’intérêt de la géographie s’explique par l’histoire mouvementée de la discipline.

Chapitre I : Un monde d’interactions : une entrée par les réseaux sociaux

1.1. Introduction

On constate deux types d’interconnexions (ou d’interdépendance) : Entre les territoires diversifiés qui constituent la planète (interactions "horizontales" entre

territoires plus ou moins éloignés). Entre des phénomènes qui se déploient à l'échelle mondiale et des phénomènes locaux

(interactions "verticales" entre échelles spatiales distinctes).

On peut observer une interdépendance entre territoires dans le cas des transferts financiers des travailleurs migrants :

Il y a d’importants transferts monétaires des migrants vers leur État d’origine (+/- 230 milliards US $ en 2005), la majeure partie de ceux-ci bénéficie aux pays en développement. Au cours des trois dernières décennies, on remarque en outre une forte croissance.Ces transferts de fonds sont la deuxième source de financement externe dans les pays en voie de développement (150 milliards $ comptabilisés en 2003), vient ensuite l’aide publique au développement (70 milliards $ en 2003).Les migrants internationaux sont donc des acteurs majeurs de la lutte contre la pauvreté au niveau planétaire.

On peut observer une interdépendance entre phénomènes globaux et locaux dans le cas de la crise alimentaire et des émeutes de la faim en 2008 :

Cette crise est due à de multiples causes structurelles : demande croissante des classes moyennes des pays émergents pour les produits carnés et laitiers, diminution de la production céréalière liée aux changements climatiques (sécheresses répétitives en Australie et en Afrique sahélienne, inondations récurrentes en Asie, cyclones en Amérique latine et dans les Caraïbes), croissance de la production d'agrocarburant (la substitution de cultures alimentaires par des cultures destinées à la filière éthanol biodiesel est notamment responsable de 70 à 75% de la hausse des prix alimentaires entre 2002 et 2008),…Certaines causes conjoncturelles ont-elles-aussi précipitées cette crise : l’augmentation du prix du pétrole se répercute sur les couts de production et de transport des aliments, la spéculation sur le prix des denrées alimentaires,…

Cette crise provoqua une hausse de la facture alimentaire, c’est-à-dire une hausse du coût des importations alimentaires, en particulier dans les Etats en situation de dépendance alimentaire. Au sein de ceux-ci, les ménages les plus pauvres voient se

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réduire fortement leur capacité à s'alimenter, ce qui provoqua à terme des émeutes de la faim dans certains Etats.

1.2. Les espaces de Facebook

Le réseau social le plus important au monde

Le nombre d’utilisateurs en janvier 2011 :– Monde : 518 millions d’utilisateurs (7% de la population, 26% des utilisateurs d'internet)– Belgique : 4 millions d’utilisateurs (40 % de la population, 50% des utilisateurs d'internet)

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La géographie de Facebook

Cette carte montre le nombre de paires d’amis Facebook entre villes. Elle fut réalisée en décembre 2010 par un ingénieur de Facebook en suivant 5 étapes :

Constitution d’un échantillon aléatoire de 10 millions de paires d’amis sans quoi les données seraient trop lourdes pour être traitées (+/- 34 milliards de paires d’amis).

Affectation de chaque utilisateur de l'échantillon à la ville qu'il déclare habiter. Mesure du nombre de paires d’amis entre chaque ville (les amitiés intra-urbaines ne sont pas

prises en compte) et de la distance entre les deux villes. Calcul d’un « indicateur de relations entre villes » (IRV) qui prend une valeur élevée lorsque le

nombre d’amis entre ville est important ou quand la distance entre les villes est grande. Cartographie de l'IRV par variation de la couleur du lien entre ces

villes :– Noir : IRV faible ou nul– Bleu : IRV moyen (nombre élevé de paires d'amis mais

distance faible ; nombre peu élevé de paires d'amis mais distance importante)

– Blanc : IRV élevé (nombre très élevé de paires d'amis mais distance faible ; nombre moyen de paires d'amis mais distance importante)

Au total, chaque ligne ne matérialise pas une relation entre deux amis mais regroupe tous les amis d’une ville qui ont des amis dans une autre ville.

On remarque d’emblée un phénomène de tyrannie de la distance : plus les villes sont proches, plus les liens sont forts. À l’inverse, plus les villes sont éloignées, moins il y a de liens (ce qui explique le petit nombre de relations transocéaniques). La notion de « village global » est donc fausse, le monde n’est pas globalement interconnecté.

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On observe aussi un phénomène de rupture frontalière : le nombre de paires d’amis de part et d’autre d’une frontière est relativement bas. Les relations sont en effet plus fortes au sein d’un Etat qu’entre deux Etats.

En analysant la carte plus en détail, on observe clairement que la Triade ressort (USA, UE, Japon). On observe aussi des foyers secondaires présentant des relations relativement denses :

Au milieu de ces « pleins », on observe aussi quelques « vides », quelques espaces restés à l’écart de Facebook (nord du Canada, centre de l’Amérique latine et de l’Afrique, Sahara, Russie, Chine).

1.3. Les logiques constitutives de la géographie de Facebook

IntroductionPour observer le nombre de paires d’amis entre deux villes, on se base sur deux facteurs :

- Le nombre d’utilisateurs- La probabilité d’interactions entre utilisateurs

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Le nombre d’utilisateursLe nombre d’utilisateurs dépend quant à lui de trois facteurs différents :

1) Le nombre d’habitants

La population mondiale est fort mal répartie. Elle se concentre majoritairement dans trois foyers : l’Asie de l’est (20% de la pop. mondiale), l’Inde-Pakistan-Bengladesh (20% de la pop. mondiale) et l’UE (10% de la pop. mondiale). On remarque quelques foyers secondaires, notamment dans l’est des USA, au Mexique, au Nigeria, au Japon,…

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Cette population se concentre majoritairement dans les villes.

En superposant la carte de Facebook et celle de la répartition de la population, on constate que les zones les plus peuplées (en rouge) ont peu d’interactions sur Facebook (Chine, Russie, Pakistan, Nigéria,…).

Le nombre d’habitant d’un Etat ne suffit donc pas pour rendre compte du nombre d’utilisateur de Facebook par ville.

2) Le pourcentage de population connectée à Internet

Sans grande surprise, on constate que la Triade possède un pourcentage élevé de sa population connectée à Internet alors que les PVD ont un pourcentage très faible.

Toutefois, Internet est une technologie encore relativement jeune et dont la diffusion est exponentielle. En 15 ans (1995-2010), le nombre d’utilisateurs d’Internet est passé de 16 millions à 1,6 milliards.

Remarque : on parle ici de pourcentage de population, il s’agit donc de chiffres relatifs et non absolus. Ainsi, l’Inde n’a que 10% de sa population connectée à Internet (ce qui est peu en matière de pourcentage) mais le pays comptant 1 milliard d’habitants, ces 10% représentent quand même 100 millions d’utilisateurs (ce qui est plus que n’importe quel autre pays européen).

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Pour éviter cette confusion, on peut avoir recourt à une anamorphose, une déformation de la surface des Etats pour mieux rendre compte de l’importance d’un Etat dans le domaine étudié.

Dans ce cas-ci, on remarquera la petitesse de l’Afrique et de la Russie ainsi que l’importance de la Chine, du Japon, des USA et de la Grande-Bretagne.

Bien évidemment, le pourcentage de population connectée à Internet dépend de facteurs socio-économiques. Pour se rendre compte de ces facteurs, on étudie le PPP (Purchasing Power Parity = PIB/habitant) qui est mieux représentatif que le PIB.En effet, le PIB est la somme des valeurs ajoutées (chiffre d’affaire – inputs) réalisées à l'intérieur d'un Etat pour une période donnée par les agents résidant au sein de cet Etat. Le PIB est aussi la somme des différents usages de la richesse produite : salaires versés aux travailleurs, revenus des indépendants, excédents d'exploitation des entreprises,…

Le PIB est une notion aujourd’hui critiquée pour ses nombreuses lacunes, notamment le fait qu’il s’agisse d’un calcul fondé sur la comptabilité nationale (donc sur ce qui est déclaré à l’Etat), qu’il prend en compte le gaspillage (services facturés inutiles ou inutilisés) et qu’il n’intègre pas les dégâts causés à l'environnement, les richesses naturelles ou leur épuisement, l'impact d'une catastrophe naturelle ou d'une guerre,…

Exprimer le PIB en PPP est donc plus représentatif puis qu’il tient compte d’un taux de change corrigé, fondé sur les quantités de monnaie nationale nécessaires dans deux Etats différents pour se procurer une quantité identique de biens et de services (en se basant sur le prix du pain par exemple). Toutefois, le PPP (PIB/habitant) est une moyenne, il ne permet donc pas d’appréhender les inégalités sociales et leur évolution. En effet, le PPP peut augmenter alors que les revenus diminuent pour une majorité de la population et augmentent fortement pour une minorité. On retrouve ce phénomène aux USA (1% vs. 99%) :

Le graphique de gauche montre que le PPP a augmenté de manière constante pour les USA depuis 1945 (ce graphique a été réalisé en utilisant une monnaie constante, c’est-à-dire une monnaie dont le pouvoir d’achat est constant dans le temps).

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Le graphique de droite montre quant à lui que la croissance du PPP a bénéficié aux revenus les plus élevés (le top 1% dont le revenu a augmenté de 281% depuis 1979) alors que les plus pauvres n’ont pas bénéficié d’une telle croissance (le bottom fifth n’a vu son revenu augmenter que de 16% depuis 1979).

En comparant la situation sur un siècle entre la France et les USA, on remarque que la France (rouge) a eu une croissance constante alors que les USA (noir) ont eu une croissance contrastée (relativement basse jusqu’en 1980 où Reagan et l’ultralibéralisme apparaissent).

Pour mesurer les inégalités sociales au sein d’un Etat, on utilise l’indice de Gini. Il s’agit d’un rapport entre le pourcentage des ménages les plus modestes et le pourcentage du total cumulé des revenus. En faisant un graphique de ces données, on obtient ceci :

La diagonale représente la droite d’équirépartition des revenus (situation idéale). Plus la courbe s’éloigne de la diagonale, plus les inégalités de revenus sont fortes.

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À l’échelle mondiale, on observe de fortes inégalités en Amérique (sauf au Canada). Il y a deux grands foyers d’inégalité :

- Au Brésil, une petite élite soumet l’ensemble de la population.- En Afrique du sud où l’élite blanche continue sa domination sur les autochtones malgré la fin

de l’apartheid.Les pays scandinaves et l’Europe de l’ouest sont quant à eux fort égalitaire.Pour ce genre de représentation, il ne faut pas tenir compte du Groenland qui est fort peu peuplé et présente donc bien souvent des résultats trompeurs.

En 2009, R. Wilkinson et K. Pickett se lancent dans une étude dont il ressort qu’au sein des Etats "développés", plus les inégalités sont fortes moins il fait bon vivre. Autrement dit, plus les écarts de revenus sont élevés plus les indicateurs de santé et de qualité de vie son mauvais.

Les pays scandinaves et le Japon présentent peu d’inégalités et une espérance de vie élevée alors que les USA présentent de fortes inégalités et une espérance de vie faible.

Les résultats sont toutefois contrastés. Par exemple, le taux de mortalité infantile dans la classe sociale la plus défavorisée en Suède est inférieur à celui de la classe la plus favorisée en Grande-Bretagne. Une observation qui souligne le lien entre bien-être, inégalités et niveau d'intervention de l'Etat dans la vie sociale et économique.Les inégalités sont fortes là où l’intervention de l’Etat est faible.

Enfin, il faut remarquer que le PPP n’est pas un indicateur de bonheur. L’augmentation du revenu ne rend pas plus heureux.

Mais ce n’est pas non plus parce qu’il y a peu d’inégalité qu’une population est forcément heureuse. Par exemple, les USA sont fortement inégalitaires mais la population se considère comme heureuse.

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Les facteurs socio-économiques ont donc une forte influence sur le pourcentage de population connectée à Internet.Plus le PPP est élevé, plus il y a une part importante de la population connectée sur internet.

On peut aussi se demander si l’âge moyen de la population d’un Etat influe sur le nombre d’utilisateurs.

On remarque d’emblée que l’Afrique présente une population « jeune » alors qu’elle est peu représentée sur Facebook.L’âge n’a donc pas beaucoup d’importance, contrairement aux facteurs économiques.

3) Le taux de pénétration de Facebook

Le dernier facteur permettant d’expliquer le nombre d’utilisateur de Facebook par ville dépend majoritairement de la présence (ou non) de réseaux sociaux concurrents dans la région.

Facebook est le leader sur une grande partie du monde, sauf dans quelques foyers (Russie, Chine, Brésil, Iran,…). Dans ces pays, des réseaux concurrents (privés ou publics) dominent le marché.Ces réseaux ont toutefois peu d’utilisateurs car leur langue ne permet pas une grande diffusion.

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Cloob fut lancé par le gouvernement iranien pour stopper la progression de Facebook qui était vu comme un outil de pénétration de l’occident.

La probabilité que des utilisateurs de Facebook de deux villes différentes deviennent amis.

La probabilité que des utilisateurs de Facebook de deux villes différentes deviennent amis dépend du nombre et de la nature des interactions entre les habitants de deux villes.

1) Distance et populations

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Plus la distance augmente, moins il y a d’interactions sociales. Ce phénomène peut s’observer en analysant la fréquence des communications téléphoniques par GSM depuis Arlon (A) et Ostende (B).

Alors que les tarifs pour les communications téléphoniques internes ne dépendent plus de la distance, alors que de nombreuses activités économiques sont moins dépendantes des coûts de transport,… les gens téléphonent toujours plus souvent aux personnes géographiquement proches et que l’on voit sans doute régulièrement.

La taille et la distance séparant deux villes jouent un rôle dans les interactions à l’échelle nationale. L’étude de la diffusion spatiale du sida aux USA (cas intéressant car le mode de transmission du sida est lié aux interactions sociales) montre que la propagation démarre dans trois grandes agglomérations (San Francisco, Los Angeles et New York) avant de s’étendre vers des agglomérations plus petites (Miami, Chicago, Houston).

Analogie avec la loi de la gravitation universelle de Newton : La répartition des interactions dans un ensemble de lieux dépendrait à la fois :

De la force d'attraction de chacun de ces lieux De la difficulté des communications entre eux

On peut donc passer de la loi de Newton … (2 corps s'attirent en raison directe de leur masse et en raison inverse de la distance qui les sépare) … au modèle gravitaire :Dans un espace de circulation relativement homogène, les échanges entre 2 villes seront d'autant plus importants que le poids des villes est grand et d'autant plus faibles qu'elles seront éloignées.

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L'effet de taille :– Emissivité et attractivité d'une ville dépendent entre autres du volume de sa population.– Toutes choses égales par ailleurs, les probabilités d'interactions entre habitants de 2 villes sont donc d'autant plus grandes que les populations de ces villes sont nombreuses.

L'effet de la distance:– Franchir une distance impose une dépense d'énergie (pénibilité physique, consommation d'énergie

ou de temps, …)– L'accroissement des distances a donc pour effet de réduire la fréquence des interactions– Le coût de la distance est d'autant plus grand qu'on ne dispose pas de moyens de transports

rapides et puissants– Beaucoup de distributions qui représentent les effets cumulés d'interactions spatiales passées ont

des configurations concentriques, avec une intensité décroissant très rapidement en fonction de la distance à un centre (courbe des densités de population, courbe des prix du sol en zone urbaine)

Ce modèle peut toutefois être critiqué :– Un modèle très réducteur quant aux facteurs des interactions spatiales et sociales– L'espace géographique n'est pas isotrope : ses caractéristiques varient fortement en fonction de

facteurs sociaux, économiques, politiques et culturels.

Un exemple éclairant : l'aire de recrutement de 6 écoles bruxelloises :

Le point marqueur indique la localisation de l’école. Le cercle extérieur renvoie à la population résidant hors Bruxelles et à la direction privilégiée de celle-ci. N = le nombre d’étudiants et d = la distance médiane domicile – école.

Commente expliquer les aires de recrutement différentes des écoles 1, 2 et 4, pourtant relativement proche ?

L’école 1 est une école laïque de bonne réputation, son aire de recrutement se porte donc vers le quadrant sud de Bruxelles où la population est aisée, ne vote pas pour des partis chrétiens et où la population turque et maghrébine est faible ou inexistante (cf. cartes ci-contre).L’école 2 est une école catholique de bonne réputation, son aire de recrutement se porte donc vers le quadrant est où la population est aisée, vote pour des partis chrétiens et où la population turque et maghrébines est faible ou inexistante (cf. cartes ci-contre).L’école 4 est une école publique de mauvaise réputation, son aire de recrutement se porte donc vers le quadrant nord où la population est pauvre, ne vote pas pour des partis chrétiens et où la population turque et maghrébine est forte (cf. cartes ci-contre).

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Cet exemple montre donc bien l’importance des facteurs sociaux, économiques, politiques et culturels dans l’étude d’une population. L’analogie avec la loi de la gravitation universelle de Newton doit donc être nuancée afin de ne pas réduire tous les habitants d’une même ville à un profil type.

2) Facteurs politiques

Les facteurs politiques influent eux-aussi sur les interactions entre des habitants de deux villes.

Pour illustrer ce phénomène, il convient de s’intéresser au cas du trafic ferroviaire de part et d'autre de la frontière franco-belge.De nombreux éléments freinent les contacts ferroviaires entre une ville belge et une ville française :

Les réseaux ferroviaires se développent pour couvrir l’ensemble du territoire national et ne sont pas pensés d’un territoire national à un autre.

Cette mauvaise connexion des réseaux ferroviaires entre eux est amplifiée par des choix techniques différents (usage du courant alternatif en 25 000 Volt en France et du courant continu en 3000 Volt en Belgique, signalisation et mesures de sécurité différentes,…).

Traverser une frontière en transport ferroviaire se traduit par l’application d'un tarif international fort dissuasif.

Les réseaux ferroviaires facilitent donc les contacts au sein d’une seule et même entité nationale mais ne facilitent pas les liens entre pays.

Plus largement, l'Etat apparait comme un espace privilégié d'homogénéisation des comportements.Prenons comme exemple le cas des comportements de fécondité en Europe (vers 1990).

2 UT (unité territoriale) appartenant au même Etat se ressemblent-elles plus que 2 UT appartenant à des Etats différents ?

En comparant des similarités entre UT contiguës au sein des Etats et UT contiguës séparées par une frontière internationale, on constate que les similarités sont 2 fois plus importantes entre régions contigües d'un même Etat. Les Etats apparaissent donc comme des aires homogènes en matière de fécondité (en raison de facteurs politiques, sociaux, religieux,…).

3 types d’hypothèses peuvent être avancés pour comprendre pourquoi les frontières étatiques correspondent aux espaces d’interactions sociales :

Hypothèse régalienne (le monopole de la violence légitime) :Les règles imposées par l’Etat (incitations/contraintes) exercent leurs effet exclusivement sur le territoire national, une population ayant les mêmes droits et devoirs interagira plus facilement avec elle-même plutôt qu’avec une population d’un autre Etat où les droits et devoirs sont différents.

Hypothèse systémique (un champ d’auto-organisation) :L’Etat est une aire privilégiée d'organisation des activités et des représentations collectives

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(constitution de marchés intérieurs unifiés, intervention de l'Etat dans gestion économique / sociale / culturelle,…) ce qui aboutit à la formation de consciences nationales fortes (scolarisation, médias, patrimoine, …).Les facteurs de la vie sociale, économique et culturelle présentent donc une certaine homogénéité, que l’on ne partage pas spécialement avec le pays voisin. Par exemple, Lille et Mouscron ne sont qu’à quelques kilomètres de distance mais présentent des identités forts différentes.

Hypothèse diffusioniste (enveloppe et réseau) :Un territoire national est un espace privilégié de circulation (contrôle des flux externes (hommes, marchandises, capitaux) et encouragement des flux internes (réseaux de transport, réseau postal, …)).La propagation d'une innovation est donc plus facile au sein d’un territoire national, d’autant plus que des barrières spatiales plus ou moins perméables se forment le long des frontières.

Peu importe l’hypothèse retenue, les facteurs politiques influent bel et bien sur le nombre et la fréquence d’interaction entre des habitants de deux villes différentes.

3) Facteurs socio-culturels

Les barrières culturelles viennent aussi influer sur le nombre et la fréquence d’interaction entre des habitants de deux villes différentes.

Pour illustrer ce phénomène, le cas de la frontière linguistique en Belgique est fort parlant :

Bassins de téléphonie mobile définis sur la base de la fréquence des communications entre communes.

Sur cette carte, on remarque que, hormis Bruxelles, aucun bassin ne franchit la frontière linguistique.Les wallons communiquent presque exclusivement avec les wallons et les flamands communiquent presque exclusivement avec les flamands. Une observation similaire peut être faite si on s’intéresse aux flux migratoires entre arrondissements : rare sont les wallons allant s’installer en Flandre et inversement.

Cette carte montre l’aire d’influence des différents centres urbains belges.Une fois de plus, on remarque que les villes flamandes, même celles proche de la frontière linguistique, attirent des flamands et que les villes wallonnes, même celles proche de la frontière linguistique, attirent des wallons.

Seule Bruxelles sort du lot, son aire d’influence s’étend de part et d’autre de la frontière linguistique.

Pour synthétiser ce phénomène :

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4) Mobilité (migration, tourisme) et réseaux spécialisés (réseaux scientifiques,…)

Les mobilités définitives (migrations, exils) ou temporaires (tourisme, voyages professionnels) tissent des liens par-delà les barrières mentionnées plus haut.

Les USA sont l’un des pays attirant le plus de migrant. Ces migrants restent néanmoins en contact avec leur pays d’origine, ce qui tisse des liens important entre les pays.

Les flux téléphoniques entre les Etats-Unis et le reste du Monde (sauf Mexique et Canada) (2005)

Une carte similaire peut être réalisée pour l’Europe :

Pour l’Allemagne par exemple, on remarque des liens importants avec la Pologne, la Grande-Bretagne, la Turquie,… Il y a donc d’importantes communautés polonaise, anglaise et turque en Allemagne ; ces communautés communiquent avec leur terre natale et créées donc des interactions de longues distances entre ces deux pays.

La mobilité influe donc de manière importante sur le nombre et la fréquence d’interaction entre des habitants de deux villes différentes.Les réseaux spécialisés (scientifiques, commerciaux, amicaux,…) tissent eux-aussi des liens par-delà les barrières mentionnées plus haut.

Par exemple, cette carte montre les réseaux de collaboration scientifique à travers le monde :

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En se focalisant sur l’Europe occidentale, on remarque que de nombreux liens existent entre les scientifiques des différents Etats.

Les réseaux spécialisés entretiennent donc eux-aussi de nombreuses relations longues distances et influent donc de manière importante sur le nombre et la fréquence d’interaction entre des habitants de deux villes différentes.

Pour résumer :

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Chapitre II : Géographie du système Monde contemporain

2.1. Le Monde comme système

Un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique.

Dollfus définit le système Monde comme un ensemble (l'humanité) d'ensembles en interactions dynamiques. Ces ensembles en interactions sont les Etats territoriaux, les sociétés humaines avec leurs institutions, leurs cultures, leurs entreprises, leurs marchés, …

Le Monde, vu en tant que système, possède tous les attributs des systèmes en géographie : Une aire d'extension (la planète Terre) Des relations dynamiques entre les lieux qui s'y trouvent Le dessin des maillages qui délimitent les unités (les Etats, les peuples, les aires de marché,…

mais aussi les limites continentales et les grandes limites naturelles) Les treillages des réseaux qui irriguent et relient les maillages entre eux (des réseaux

matériels : réseaux aériens terrestres, maritimes, routes électroniques et des réseaux idéels : solidarités, connivences, institutions)

Un dispositif de centres et de périphéries assez généralisé, intervenant à pratiquement tous les niveaux

Produire une vue d'ensemble sur le système Monde contemporain est un exercice ardu à cause du nombre de variables retenues et de l’échelle d'analyse (le Monde entier).Pour faciliter cette tâche, on se focalise sur 3 dimensions principales :

Les espaces des hommes Les espaces économiques Les espaces de l'identité collective

2.2. Les espaces des hommes

Pour étudier les espaces des hommes, il faut d’abord s’intéresser à la notion de décompte de la population. Le décompte de la population au lieu de résidence (habitat) ne tient pas compte des populations qui se déplacent de manière régulière ou des dissociations entre le lieu d’habitat et les lieux d’activité, d’échange, de loisirs,… Il peut donc y avoir un fort écart entre la population présente dans un lieu et la population résidente de celui-ci.Par exemple, Benidorm compte une population résidente de 56.000 habitants mais accueille 300.000 habitants en été. Cet écart entre population présente et population résidente peut être problématique. Ainsi, Benidorm doit développer des infrastructures pour 300.000 habitants alors que seul 1/6 de ceux-ci utiliseront ces infrastructures toute l’année.

Pour mieux rendre compte des espaces des hommes, la notion d’espace de vie a été créée. Cette dernière est moins caricaturale que la notion de lieu de vie.L’espace de vie est l’ensemble des lieux fréquentés par un individu, le champ d’action de l’individu.

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MéthodologieAnalyser les espaces des hommes nécessite le choix d’une échelle d’analyse (Etats, provinces, communes,…) et d’un indicateur (nombre absolu d’habitants ou densité de population).

Si on choisit d’analyser la densité de population (nombre d’habitants/surface), on aura recours à une carte par plage.

Une telle carte est toutefois fort médiocre. On ne peut observer les pleins et vides géographique à cause de l’échelle étatique.Par exemple, la Chine est fort peuplée à l’orient (85% de la population) et dépeuplée à l’occident ; on ne retrouve pas cette répartition sur cette carte. L’Egypte subit le même sort : 95% de la population se concentre autour du Nile mais cette représentation donne l’impression d’une uniformité de la répartition spatiale de la population.

Le choix d’une échelle d’analyse est donc primordial pour la réalisation d’une carte de la densité de population :

La carte de gauche a subdivisé les grands Etats (Chine, Inde, USA) en des entités territoriales étudiés séparément. On obtient une représentation plus réaliste mais pas encore suffisante. En effet, la Chine est représentée de manière plus réaliste mais l’Egypte souffre toujours du même problème qu’avec la carte précédente.La carte de droite a été réalisée en quadrillant toute la surface terrestre sans prendre en compte les

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frontières étatiques. La représentation est donc fort fidèle : la Chine et l’Egypte ont leur densité de population représentée de manière fidèle.

Si on choisit le nombre absolu de population comme indicateur, on peut utiliser trois types de représentation :

1) Cartographie par anamorphose

La superficie de chaque Etat est modifiée pour représenter l’importance de son nombre d’habitant. C’est un type de représentation aboutissant à une vision frappante de la situation.

1/3 de la population mondiale se concentre dans deux Etats (la Chine et l’Inde). Les moyennes mondiales dépendent donc fortement de la situation dans ceux-ci.

Les Philippines sont plus peuplées que n’importe quel pays d’Europe.

Grande différence entre l’Indonésie (petite surface mais population nombreuse) et l’Australie (grande surface mais population peu nombreuse).

L’Afrique est modestement peuplée mis à part le Nigéria, l’Egypte et l’Ethiopie.

2) Cartographie par relief statistique

On réalise une carte en 3D pour montrer les pics de population sur chaque continent. Ce type de représentation est ‘spectaculaire’ mais peu utile pour une véritable analyse.

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3) Cartog raphie par points

Il s’agit d’une carte classique, chaque point représente un groupe de 500.000 habitants.

Il s’agit de la carte la plus simple et la plus claire à analyser.

L’oekumèneL’oekumène est l’ensemble des terres habitées à la surface de la planète. On va maintenant essayer de savoir si l’oekumène correspond à l’ensemble de la surface du globe (est-ce que les hommes occupent l’ensemble de la surface terrestre).

L’humanité a pris possession de la Terre entière avec ses yeux (on a tout vu), ses pieds (on a été partout), ses infrastructures (on retrouve des voies de communication partout) et ses règles (chaque

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portion de territoire appartient à un Etat),… mais n’a pas étendu les zones peuplées à l’ensemble de la planète.En effet, dans de vastes zones, les établissements humains sont séparés les uns des autres par de très vastes surfaces inoccupées (par exemple des villages bordant des oasis en plein désert).

Ces zones non occupées sont les marges de l’oekumène, des zones ayant une densité de population inférieure à 1 habitant/Km2 (en pointillé sur la carte).

Ces zones représentent 30 à 40% des terres émergées et accueillent 1 à 2% de la population mondiale. Elles se concentrent majoritairement dans le nord (Canada, Russie,…), dans les déserts, en Australie et en Amazonie.

Une étude fut lancée par la Wildlife Conservation Society (WCS) et le Center for International Earth Science Information Network (Columbia University) pour mesurer et cartographier l’influence des sociétés humaines contemporaines sur la surface de la terre (projet « Human Footprint »).Le résultat de cette étude est cette carte :

Plus la couleur tire sur le rouge, plus l’une ou plusieurs des variables est forte à cette endroit.Les variables sont :

Densité de population (> 1 Hab / Km2) Distance à une route ou une rivière majeure (moins de 15 km) Surface urbanisée ou agricole Distance à une agglomération ou une voie ferrée (moins de 2 km) Lumière (suffisante pour être visible régulièrement par un satellite la nuit)

Résultat : 83% de la surface terrestre répond à au moins un de 5 critères. Les 17% restant sont donc les zones de marge de l’oekumène, les endroits où l’homme n’est encore que très peu implanté.

Les foyers de concentration du peuplement sont l’opposé des marges de l’oekumène. Il s’agit de zone possédant une forte densité de population (> 25 hab / Km2). Ces foyers représentent environ 20% des terres émergées et accueillent 75% de la population mondiale.Il y a trois foyers principaux : l’Asie de l’est, le Monde Indien (Inde, Pakistan, Bengladesh) et l’Europe. Ces trois foyers représentent 10% des terres émergés et accueillent 50 à 55% de la population

mondiale.On retrouve aussi une trentaine de foyers secondaires (USA, Mexique, Brésil, Asie

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du sud-est,…). Ils occupent 10% des terres émergées et accueillent 20 à 25% de la population mondiale.

Enfin, le fond banal du peuplement sont les zones ni particulièrement peuplées, ni particulièrement vides (Afrique centrale, ouest des USA,…). Ces zones couvrent 35% des terres émergées et accueillent 25% de la population mondiale.Deux modes dominants d’occupation spatialeDeux types d’occupation de l’espace s’opposent : les continents humains et les archipels de peuplement.

Les continents humains (globalement les trois foyers principaux) se caractérisent par : une forte densité d’ensemble (peu de contraste de densité) une forte dispersion des villes (on retrouve des villes de toutes tailles sur l’ensemble de ces

‘continents’) une structure urbaine oligarchique (plusieurs villes de grandes tailles) une décroissance progressive des densités en dehors des villes (la densité reste néanmoins

fortement élevée) un maillage territorial ancien et bien établi une forte connectivité des réseaux

Les archipels de peuplement (ilots fort peuplés séparé par des ‘mers’ peu peuplées, globalement en Amérique du sud et en Afrique) se caractérisent par :

une faible densité d’ensemble (fort contraste de densité) une concentration spatiale des villes une structure urbaine primatiale (une grande ville par zone) une décroissance brutale des densités en dehors des villes un maillage territorial récent et souvent contesté (car bien souvent issu de la colonisation) une faible connectivité des réseaux (réseau en entonnoir : chaque province est reliée à la

ville principale mais les provinces ne sont pas reliées entre-elles)

2.3. Les espaces économiques

Les inégalités de revenus et leurs conséquences (cf. supra)Des contrastes encore très accusés sont présents entre les riches et les pauvres. Ces contrastes ont de multiples conséquences sur l’accès aux ressources de base, sur le plan de la santé,…

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On remarque ainsi que les pays ayant le PIB/habitant le plus faible sont les pays ayant les taux d’accès à l’eau salubre les plus bas.

Les pays ayant le PIB/habitant le plus faible sont aussi les pays ayant le plus haut taux de mortalité infantile.

Les pays ayant le PIB/habitant le plus faible sont les pays ayant le plus haut nombre d’accident de travail, les pays où les conditions de travail sont donc les plus difficiles.

Passons aux conséquences économiques :

Cette carte montre l’implantation des McDonalds dans le monde. Selon le nombre d’implantation dans un pays, on peut retracer l’ère de diffusion de la chaine.

Dans un premier temps, on observe une diffusion des USA vers l’Europe (principalement après la chute du Mur de Berlin) et le Japon, à savoir deux zones fortement solvables.

Ensuite, McDonalds s’est implanté en Amérique Latine, pays moins solvables mais culturellement proche des USA.

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Par après, la chaine s’est implantée en Chine et en Inde où seule une petite partie de la population est solvable mais cette petite portion représente quand même une grande masse de consommateurs.

Enfin, McDonalds s’implante actuellement au Moyen Orient où la population prise fortement le mode de vie occidental (grandes surface, voitures importées,… principalement aux Emirats Arabes Unis).

Seule l’Afrique est non-occupée, la solvabilité (PIB/hab) définit donc bien l’implantation.La Triade

Une grande partie de l’activité économique est concentrée au sein de la Triade.En 20 ans (1990-2009), on remarque relativement peu de changements dans la hiérarchie des puissances économique, mise à part la montée en puissance de la Chine et de l’Inde qui ont quelque peu modifié la Triade. On remarque aussi que 10 pays représentent plus de 60% du PIB mondial et ce avant et après la montée en puissance de la Chine et de l’Inde.

L’affirmation de la ChineAlors qu'il aura fallu 58 ans au Royaume-Uni (1780–1838), 47 ans aux Etats-Unis (1839-1886), 34 ans au Japon (1885-1919), 11 ans à la Corée du Sud (1966-1977) pour doubler le PIB/Hab, la Chine a doublé son revenu par tête à 3 reprises entre 1973 et 2008!

Cette croissance est due à différents facteurs : Une forte accumulation de capital par l’investissement dans de nouvelles capacités de

production et l’achat de nouveaux équipements. Cette accumulation fut rendue possible par une épargne très élevée et en augmentation (les ménages épargnent beaucoup, notamment par précaution en l’absence d’un système de sécurité sociale efficace).Il s’agit d’une croissance plus extensive qu'intensive.

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Des exportations en forte hausse alors que la part de la consommation privée dans le PIB diminuait.Il y a en effet une relative ‘faiblesse’ de la consommation chinoise. Entre 2000 et 2010, la consommation privée à augmentée de 8% par an mais cette augmentation reste moins rapide que l’augmentation du PIB.

Cette croissance est appelée à se poursuivre au cours des prochaines années :

En dépit de l'affirmation de la Chine et de l'Inde, le commandement économique (là où se prennent les décisions) reste localisé dans les grandes métropoles de la Triade, à savoir sur la côte est des USA, en Europe occidentale et au Japon. Quelques grandes firmes installent néanmoins leur siège social en Chine mais celles-ci restent encore minoritaires.

Une observation similaire peut être faite lorsqu’on regarde où se situent les principales bourses à l’échelle mondiale.

La plupart d’entre elles sont situées dans la Triade.

La Chine, malgré son importante croissance économique, ne compte en effet que quelques bourses de taille modeste sur son territoire (Shanghai, Taiwan, Hong Kong,…).

Les mégalopoles : foyers économiques du MondeAu sein de la Triade, trois sous-ensembles se dégagent nettement par l'importance de leur rôle économique.

Cette carte montre le Produit Urbain Brut (PUB), c’est-à-dire le PIB calculé non pas selon un Etat mais bien selon une ville.

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On observe ainsi trois pôles au sein de la Triade : Le nord-est des USA (de Washington à Boston) L’ouest de l’Europe (de Liverpool à Florence), aussi appelé dorsale européenne Le centre du Japon (de Tokyo à Nagasaki), aussi appelé dorsale japonnaise

Au sein de ces trois pôles se concentrent les plus grandes fortunes (la plupart des 500 milliardaires du monde habitent dans l’un de ces pôles). C’est aussi au sein de ces pôles que s’installent les grandes marques de produits de luxe.

Ces pôles sont en réalité de vastes mégalopoles, c’est-à-dire des ensembles d’agglomérations qui, sur une vaste surface (plusieurs dizaines de milliers de km2) ont tendance à se joindre et à constituer un ensemble urbanisé continu (définition de J. Gottman).

On l’a vu, ces trois mégalopoles agissent comme des foyers du monde dans le sens où il concentre une bonne part de l’économie mondiale (P.I.B. important en volume et par habitant, concentration de centre de commandement économique,…) et de la politique (capitales des membres du G7, sièges des principales organisations internationales,…).

Cette carte de la densité de population en Europe fait bien ressortir la dorsale européenne, la densité de population étant élevée dans cette mégalopole.

La seule interruption dans ce tissu urbain continu est les Alpes.

La France et l’Espagne ne sont pas comprises dans cette mégalopole car elles ont une structure de peuplement inégale et ne forment donc pas un tissu urbain. Dans ces pays, on observe un centre économique majeur (la capitale) et une périphérie d’importance moindre.

La notion de maillage est en effet importante, pour qu’il y ait une mégalopole, il faut que les différentes agglomérations qui la composent soient reliées entre

elles.

Cette carte reprend les agglomérations de plus de 10.000 habitants et, si elles sont distantes de moins de 25km, elles sont reliées entre elles par un trait vert.

On observe ainsi une véritable toile d’araignée dans la dorsale européenne.

La France et l’Espagne ont des villes forts distantes les unes des autres, elles ne font donc pas partie de la mégalopole européenne mais ça ne veut pas dire que ces pays ne sont pas économiquement importants. Ils font toujours parties de la Triade.

Ce genre d’observation peut-être fait également pour les mégalopoles étatsunienne et japonaise (cf. powerpoint p.41).

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À l’heure actuelle, on constate l’émergence d'un quatrième pôle de commandement mondial : le littoral chinois et la Corée du Sud.

Le littoral chinois en quelques repères : 45 % de la population chinoise sur 15 % de la superficie du pays dynamisme des pôles urbains (Shanghai, Tianjin- Pékin, Guangdong, Hong Kong, Macao,…) 60 % du PIB chinois (atelier du Monde) Plus de 90 % des exportations de la Chine 85 % des investissements étrangers en Chine

Une autre manière de se rendre compte de l’importance des trois pôles est d’étudier les flux aériens :

Sur la carte de gauche, on remarque que la plupart des principaux aéroports du monde se trouvent au sein des trois pôles. La carte de droite montre que, grâce à ces grands aéroports, les trois pôles sont en interconnexion.On a donc une sorte d’archipel formé par les trois mégalopoles ; Dollfus appelle celle-ci l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM).

La polarisation du Monde par les mégalopolesLes trois (ou quatre si on prend en compte le littoral chinois) centres majeurs polarisent le monde à leur profit. En effet, à chaque centre sa périphérie, à savoir des espaces sous-traitants fournissant :

Des matières premières Des sources d'énergies Des produits agricoles Des biens industriels intermédiaires Des migrants Des lieux touristiques

Les relations entre la mégalopole et sa périphérie sont structurées par la distance (plus la distance augmente, moins les relations sont fortes) et les héritages historiques (reliquat de la colonisation).

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La production de thé et de café nécessite un climat particulier (chaud et humide) que l’on ne retrouve pas dans les mégalopoles.

Ces dernières se reportent donc sur leur périphérie afin d’importer ces matières premières.Ces deux exemples permettent aussi de montrer que les périphéries des mégalopoles sont souvent les restes de la colonisation. En effet, le thé était à l’origine uniquement produit en Chine mais la colonisation anglaise de l’Inde va déplacer cette production au sein de cette région qui est maintenant le plus grand exportateur de thé. Le café était quant à lui cultivé en Afrique mais la colonisation de l’Amérique latine va aussi déplacer la production.

Pour le pétrole, on remarque que l’UE s’approvisionne dans trois grandes régions de sa périphérie :

La Russie (périphérie proche) Le Proche Orient (périphérie relativement proche) L’Afrique (périphérie éloignée)

Plus on s’éloigne de de la mégalopole, plus le fournisseur fournit moins de matières premières.

On peut aussi observer un lien non pas d’importation mais bien d’exportation de la périphérie à la mégalopole, notamment dans le cas des déchets (polarisation inversée).

Les mégalopoles nécessitent une grande quantité de mains d’œuvre, elles vont drainer celle-ci depuis leur périphérie (principalement depuis leurs anciennes colonies).

En effet, on remarque que, à l’échelle mondiale, il existe trois grands foyers d’immigration, à savoir les trois mégalopoles. Celles-ci reçoivent des migrants issus de leur périphérie.

On distingue aussi des foyers secondaires d’immigration (Australie, Afrique du Sud,

Argentine, Chili,… la « Petite Triade »). Ceux-ci reçoivent des migrants issus des pays proches en quête d’une vie meilleure mais qui n’ont pas la capacité de se rendre dans les grandes mégalopoles.

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Enfin, on remarque un cas particulier : le Golf arabo-persique qui attire une foule de migrant depuis la crise du pétrole.

Les liens entre la périphérie et la mégalopole ne se limitent pas à un simple drainage des richesses et de la force de travail par cette dernière. On remarque par exemple que la périphérie d’une mégalopole est le choix privilégié des vacanciers de celle-ci. Ainsi, les habitants de l’Europe partent majoritairement en Méditerranée et en Afrique.

Ce genre de constatation peut aussi être dressée pour les lieux de débauches (prostitution, tourisme sexuel,… ). Ainsi, les étatsuniens partent majoritairement en République Dominicaine ou en Amérique Latine pour ce genre de chose ; les européens partent en Europe de l’Est et en Afrique du nord et les japonais partent dans l’Asie du sud-est (Philippines, Indonésie,…).En contrepartie, on observe aussi que les mégalopoles participent activement à l’aide humanitaire dans leur propre périphérie.Par exemple, la dorsale européenne participe majoritairement à l’aide humanitaire en Afrique ; la dorsale japonaise participe majoritairement à l’aide humanitaire en Asie du sud et la mégalopole étatsunienne participe majoritairement à l’aide humanitaire en Amérique latine.

Synthèse :

A chaque centre correspond une périphérie proche (Mexique + Caraïbes / Bassin méditerranéen / Asie méridionale) souvent issue de la colonisation ou d’autres héritages historiques.

Au-delà, on remarque que les liens s'affaiblissent lorsque la distance augmente, sauf pour des activités spécialisées (production de café ou de diamant).

Dépassées la périphérie lointaine, on retrouve une "Petite Triade" (Australie, Nouvelle- Zélande, Cône sud latino-américain, Afrique du Sud), à savoir des états trop lointain pour être influencé par la mégalopole et qui s’est donc développée seule mais de manière très modeste.

Un cas exemplaire : NikeLa société fut fondée en 1968, à Beaverton (Oregon), par un entraîneur d’athlétisme (Bill Browerman) et un étudiant en comptabilité (Phil Knight). À l’origine, il s’agissait d’une PME spécialisée dans l’importation et la vente de chaussures de sport.Très vite, la société se développa, la chaussure de sport étant devenu un créneau porteur. En effet, une nouvelle demande apparut en parallèle avec des mutations sociales et culturelles des États du Centre :

La conquête du temps libre (réduction de la durée quotidienne de travail, généralisation des week-ends, apparition des congés payés,…)

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Mai 68 et l’hédonisme (diffusion sociales des pratiques sportives, attention croissante portée au corps et à l’équilibre individuel,…)

Renouvellement de l’intérêt pour la nature

À partir de 1971, la société entreprend une consolidation et une diversification horizontale : Un nom (référence à la déesse grecque Athéna Niké : capable de se déplacer à grande vitesse

et symbole de la victoire) et un logo (Le « swoosh », une virgule posée à l’envers … qui évoque l’aile de la déesse Niké comme on peut la voir sur la Victoire de Samothrace).

Élaboration d’une première ligne de produit en 1971 (plus uniquement de l’importation de chaussures). Cette ligne de produit nécessita la création d’une usine de production.

Apparition de nombreuses innovations techniques (basket « Waffle » avec une semelle capable d’amortir les chocs et de rebondir en 1973, Chaussures de courses et baskets « Air » avec des poches remplies de gaz dans la semelle en 1978).

Diversification de la gamme des produits (des chaussures et équipements pour tous les sports, lignes de vêtements,…).

Le lien produit – athlètes (des stars du sport sous contrat de fourniture : I. Nastase (1971), J. McEnroe (1978), M. Jordan (1984), l’équipe brésilienne de football (1995), T. Woods (1996),…).

Des campagnes publicitaires qui marquent les esprits : Niketown : le concept révolutionnaire du grand magasin de marques (repris notamment par

Apple depuis). Le magasin agit comme lieu d’idéalisation du produit (ambiance associée à la marque, mise en scène des objets, attractions variées,…).

Aujourd’hui, Nike est une firme mondiale dynamique. Son chiffre d’affaire est de l’ordre de 9 milliards USD et est en croissance régulière (augmentation de 50% entre 2001 et 2005).La firme a un taux de rentabilité énorme, de l’ordre de 25%. Cette croissance n’est pas prête de s’arrêter, Nike accroit chaque jour son emprise sur le secteur du vêtement de sport (rachat de la firme Converse en 2003,…).

Malgré cette croissance importante, la firme est toutefois assez modeste à première vue. Elle ne compte que 3.400 salariés en 1986 et 18.000 en 2004.La structure interne est légère, souple et hiérarchisée :

– Polarisation sur 3 sites étasuniens fonctionnellement spécialisés Beaverton : direction générale, gestion, design, recherche et direction Amérique latine Saint-Louis : laboratoires, assurance-qualité

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Memphis : commercialisation Internationalisation via des centres

de gestion et de coordination (au Canada, aux Pays-Bas et à Hong Kong) ainsi que des centres de distribution spécifique dans les grandes villes des plus gros marchés nationaux (Bangkok, Bruxelles, Buenos Aires, Johannesburg, Kuala Lumpur, Melbourne, …).

Cette structure interne simple et hiérarchisée ne doit pas faire illusion. La firme utilise en effet d’un vaste réseau mondial de firmes sous-traitantes prenant en charge les productions matérielles :

350 sous-traitants principaux répartis dans 55 États.

653.000 salariés en 2004, soit 36x le nombre de personnes directement salariées par Nike. Ces salariés sont une main d’œuvre jeune, majoritairement féminine (80%), peu qualifiée et rémunérée le plus faiblement possible.

Ces travailleurs salariés sont concentrés dans 3 grands bassins productifs :

Amérique latine : 35.000 salariés dans usines maquilas (usines avec exonération des droits de douane).

Bassin méditerranéen et Europe de l’est : 31.000 emplois.

Asie orientale : 466.000 salariés dont 30% des effectifs mondiaux en Chine et 19% en Indonésie.

Ce déploiement de la marque montre que l’industrie manufacturière n’a pas disparu, pas plus que la classe ouvrière : l’une et l’autre se localisent loin de nous aujourd’hui.

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Ce déploiement spatial s’appuie sur la mise en concurrence de plus en plus exacerbée des salariés des différents États … En particulier dans les activités productives les moins qualifiées ou à faible valeur ajoutée. Cette mise en concurrence s’appuie sur les variations des coûts salariaux horaires et les variations des coûts de protection sociale (cotisations sociales et charges fiscales liées aux salaires).On retrouve en effet des écarts énormes dans les salaires pour une fonction et qualifications égales :

Un Japonais touche 22,75 $ /heure Un Bengalis 0,25 $ /heure

→Un salarié japonais coute dont l’équivalent de 91 emplois au Bengladesh.

Ces mêmes écarts se retrouvent en matière de protection sociale : La Suède consacre 35% de son PNB aux dépenses de sécurité sociale. La Chine … moins de 4%.

Ces choix économiques permettent de produire une paire de chaussure pour environ 5 $ … avec des salaires journaliers de 1 à 2 $ et de dégager une marge très élevée par rapport au prix de vente …. et d’engager des sommes colossales pour la communication … au profit des stars du sport (M. Jordan : 20 millions de $/an)

Nike est donc la première véritable firme-réseau sans usines. Ce modèle fut rendu possible grâce à 2 mutations majeures :

La révolution des communications (télécommunications et informations, transports maritimes et frets par porte-conteneurs) qui diminue fortement les coûts et augmente grandement la rapidité et l’efficience. Les coûts de transport ne représentent en effet plus que de 1 à 3% du prix de revient des produits Nike.

L’hyper libéralisation du commerce mondial . L’ouverture des marchés et la diminution des droits de douane entre Etats (GATT et OMC)

Ces deux mutations ont créées une interconnexion concurrentielle des territoires et des relations sociales et salariales à l’échelle mondiale.

Ce modèle fut adopté dans les années 80 et 90 par la plupart des firmes transnationales (FTN) du textile et de l’habillement (Reebook, Levi Strauss, Benetton, …). Dans les années 90, ce fut les centrales d’achat des FTN de la distribution de masse (Quelle, Carrefour, Wal Mart, …) qui adoptèrent ce modèle.Celui-ci est néanmoins relativement fragile puisqu’il dépend :

De l’instabilité des consommateurs. Des variations dans la qualité des produits. Du développement des sous-marques (entreprises de la grande distribution) et de la

contrefaçon. Des réactions salutaires d’ONG et de syndicats … pour condamner les abus et les violences

exercées à l’égard des salariés des firmes sous-traitantes.

Un autre cas exemplaire

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Des logiques couteuses pour l'environnementUn exemple : un repas de fête pour 8 personnes en décembre 2007. Les achats sont effectués dans un hypermarché en Belgique, en profitant des promotions de fin d’année.

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Plus précisément, les pérégrinations des asperges péruviennes :

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Le cas de la salade de fruits frais exotiques est encore plus flagrant puisqu’elle nécessite l’importation de fruits du monde entier.

Bilan total : Distance parcourue par les différents produits : 220 000 kilomètres. Emissions de 44,2 kg de CO2 uniquement pour le transport intercontinental (dont 97% pour

le seul transport aérien).44,2 Kg de CO2 = émissions de CO2 d’un véhicule ordinaire parcourant la distance de 276 kilomètres : soit approximativement 16 litres de carburant pour quelques kilogrammes de nourriture.

Une alternative ? Un joli bouquet de houx au centre de la table Une délicieuse soupe au potiron en entrée Le même steak-frites-salade à base de produits locaux Une salade de fruits sans fraises, cerises ... venues par

avion Des vins français→Des émissions de C02 dues au transport diminuées de 80% !

Cette tendance à l’importation de produits étrangers entraîne une croissance soutenue du trafic de marchandises (et de passagers).

Cette croissance du trafic a des impacts environnementaux substantiels… surtout liés aux déplacements routiers.Les transports sont :

5ème contributeur des émissions de GES 3ème contributeur des émissions de CO2 La plus forte croissance des émissions CO2 depuis 35 ans avec les centrales électriques

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Quelques cartes anamorphosées pour illustrer ce problème de l’importation :

Un dénominateur commun : le capitalismeOn constate qu’un dénominateur commun peut être dégagé entre le modèle de Nike et l’importation de masse : la recherche du profit maximal inhérent au capitalisme.

Le capitalisme se caractéristique par une utilisation singulière du capital (K) par rapport aux systèmes historiques antérieurs :

K = stock existant de biens de consommation, de machines et de droits monétaires reconnus sur les biens matériels.

K employé dans le but premier et délibéré de son auto-expansion.La réutilisation du K est donc faite en vue d'une accumulation supplémentaire de richesse.Le profit peut donc être vu comme un vecteur d'enrichissement personnel ou comme un moyen d'élargir le champ d'activité, de renforcer ou d'élargir le processus permettant de faire des gains.

Pour que le capitalisme fonctionne, il faut que le capital (K) circule. Pour ce faire, certaines conditions de base doivent être remplies :

Accumulation préalable de richesse monétaire. Recours à une force de travail (il doit exister des personnes attirées par un tel travail … ou

contraintes de l'effectuer). Ecouler les biens (il doit exister un réseau de distribution et des acheteurs disposant du

pouvoir d'achat nécessaire). Tirer un profit :

Les produits doivent être vendus à un prix supérieur au total des coûts de production (y compris frais de transport et de commercialisation).

La marge ainsi dégagée doit dépasser la somme nécessaire à la subsistance du vendeur.

Les systèmes pré-capitalistes n’ont pas fonctionnés car : Des maillons de la chaîne relevaient d'opérations considérées par les représentants de

l'autorité politique ou religieuse comme irrationnels ou amoraux. Des maillons de la chaîne faisaient simplement défaut (accumulation préalable de richesse,

force de travail, réseau de distribution ou consommateurs solvables).

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L’accumulation de capitaux (base du système capitaliste) va de pair avec deux autres processus : la marchandisation et l’innovation.

La marchandisation est l’extension des processus marchands dans l'échange, la production, la distribution, l'investissement,… À partir du 19e siècle, on observe une intégration de pans de plus en large de l'activité économique dans les logiques marchandes (marchandisation de la production artisanale, de la production agricole, de l'eau, de l'air,…). En outre, cette extension des processus marchands s’accompagne d’une extension spatiale dans le cadre de la colonisation et de la mondialisation. Elle débouche sur la formation de nouveaux besoins solvables.

L’innovation est la fabrication de biens nouveaux, le développement de nouvelles méthodes production, de nouvelle organisation du travail, de nouvelles utilisation des matières premières.En cas de réussite, l’innovation permet un pouvoir de monopole temporaire sur un marché (Apple et son iPad, produit innovant sans concurrent sur le marché durant plusieurs années).

Lorsque les trois processus (accumulation de K, marchandisation et innovation) se sont rencontrés, on a assisté à ce que Schumpeter appelle la « destruction créatrice », à savoir un mouvement détruisant d’anciennes activités (agriculture autosuffisante), formes sociales (troc), ressources,… et créant dans le même temps de nouvelles activités, de nouveaux marchés, de nouveaux besoins,…

Les conséquences sociales et environnementales du capitalisme : Vecteur de la croissance économique contemporaine …. et donc de l’amélioration des

conditions matérielles d'existence d'une partie de la population mondiale. Facteur d'un accroissement des inégalités socio-économiques (entre détenteurs des moyens

de production et travailleurs, entre travailleurs et chômeurs, …). Responsable d'une forte croissance de l'impact des sociétés humaines sur l'environnement,

notamment au niveau de la disponibilité des ressources naturelles.L’augmentation des impacts sur l’environnement est une conséquence d'une augmentation de la consommation et de la production.

Il faut toutefois relativiser : la consommation est une construction sociale qui nous échappe : au-delà de la satisfaction de certains besoins élémentaires (air, eau, ration alimentaire de base, abri,…) « l'homme se distingue de tous les autres animaux par le caractère extensible et illimité de ses besoins » (Marx, Le Capital). En effet, les besoins humains trouvent leur source dans la société : ils sont d'origine sociale et varient d'une société à l'autre :

Le système de besoins est issu des plus nantis (la "classe de loisir" définie par Veblen) : une fois le confort matériel assuré, les choix en matière de consommation se réalisent en fonction d'une norme conventionnelle définie les modes de consommation des plus riches.

Les transformations des structures matérielles de la société génèrent de nouveaux besoins (urbanisation, dégradation d'aménités, pollutions,… suscitent de nouveaux besoins).

Les logiques mêmes du capitalisme (dynamique d'innovation, d'élargissement des aires de marché, crédit, publicité, stratégies de communication, …) encouragent la prolifération des besoins par la conception de nouveaux objets ou services … pour lesquels sont "inventés" des besoins nouveaux (ex : le GSM).

Au final, la croissance des consommations est largement portée par les sollicitations de la sphère de la production et de la distribution grâce à la multiplication des objets produits, l’accélération de l'obsolescence des produits (obsolescence programmée), la diminution des coûts de production, l’omniprésence de la publicité,…

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L’augmentation de la consommation résulte donc belle et bien de l’augmentation de la production. Dès lors, faut-il agir sur la consommation (culpabilisation du consommateur) ou sur la production et la commercialisation (responsabilisation du producteur ou du distributeur) pour réduire l’impact du capitalisme ?

2.4. Les espaces de l’identité collective

Autour de la notion d’identitéLa notion d’identité est un concept vague, avec de multiples définitions. Pour ce chapitre, on parlera d’identité pour parler de ce qui fait qu’une société existe :

L'identité s'incarne dans le sentiment partagé d'avoir des choses en commun. Ce sentiment collectif permet à chaque individu qui le fait sien de se situer, de se définir, au

sein de l'oekoumène (cf. supra). L'identité produit donc lien social

L’identité apparait donc comme une composante importante des sociétés. En tant que sentiment partagé d'avoir quelque chose en commun, elle contribue à la reproduction sociale.Les constructions sociales dont les participants ne partagent pas ce sentiment (p. ex. un réseau économique, une structure purement administrative, …) peuvent disparaître … même si elles forment par ailleurs chacune un système, avec sa propre logique de reproduction et de transformation.En l’absence d'identité partagée, aucune volonté ne considère avec force que la société doit perdurer à tout prix. L’identité permet donc à une société de croitre et d’exister.

L'identité permet aux individus de se situer dans le temps, de se placer dans une communauté de destin. Par exemple, parler de la Chine pour désigner en même temps des groupes néolithiques (dynastie légendaire des Hia), un empire agraire (époque Tang) et une société socialiste (époque de Mao) est un coup de force intellectuel. Pourtant il existe une filiation entre ces sociétés. Cette filiation est revendiquée et reproduite chaque jour par la transmission intergénérationnelle :

Des langues Des réalisations culturelles Des multiples manières de vivre ensemble … que certains appellent civilisation.

En conclusion : aujourd'hui être Chinois ou Français, Inuit, …, mais aussi confucianiste, musulman, hindouiste,… a un encore un sens, même à l’heure de la mondialisation.

Toutefois, la mondialisation a développé l’idée de multiplicité et d’hybridation de l'identité. Chaque individu se reconnaît dans plusieurs identités : de genre, d'âge, de classe sociale, de langue, de religion, nationale, ….Les identités individuelles et collectives deviennent donc de plus en plus hybrides.

Un cas singulier : Le rap des steppes (le groupe mongol Lumino) Le groupe présente cette hybridation de l’identité, la pochette de l'album Lamba guian Nulim en est un parfait exemple puisqu’elle reprend à la fois :

Des aspects du hip hop américain (tag du nom du groupe, logo « parental advisory: Explicit lyrics», attitude/apparence de bad boys).

Des éléments tirés de la culture mongole (costumes de guerriers de l’époque de Genghis Khan qui est vu comme le symbole de l’unité de la Nation mongole depuis la fin du communisme).

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Ce phénomène n’est pas marginal, on rencontre d'autres groupes de rap populaires en Mongolie (Har Sarnai, Tatar,etc). Tous ces groupes présentent des traits communs :

Participation des rappeurs à la redécouverte de l’histoire mongole. Hommage à Genghis Khan via les chorégraphie, les costumes et coiffures des guerriers

mongols, la dénomination (titres et groupes), les airs et textes musicaux (écrit en alphabet traditionnel et plus en cyrillique qui était l’écriture officielle sous le régime communiste).

Ce phénomène marque une articulation entre le local et le global par le biais de différents réseaux : À l’échelle nationale via la diffusion depuis Oulan Bator vers les villes secondaires et le

monde rural Du global vers le local par les médias (Internet, MTV,… qui diffusent le hip-hop depuis ses

lieux d'émergence (aux Etats-Unis) vers les périphéries) Du local vers le global par le réseau du monde musical asiatique (concerts de groupes

mongols en Chine, au Japon, en Corée du Sud) et par la diaspora mongole qui diffusent ce style musical vers l'extérieur.

Le Hip-hop devient ainsi une métaphore de la Mongolie actuelle : Hybridation culturelle : ancrage local tout en conservant des liens avec les formes originales. Vecteur du renouveau nationaliste après le communisme. Vecteur de revendications de la jeunesse (pauvreté, alcoolisme, chômages, corruption, …)

Ainsi, dans un contexte de transition économique tumultueuse (paupérisation, croissance urbaine, crise du nomadisme, …), le hip-hop permet dans un même mouvement :

Une ouverture assumée sur le monde occidental Une réaffirmation de l'identité locale, par référence à Genghis Kan, symbole de la force, de

l'unité et de l'ordre.On a donc affaire à un phénomène de glocalisation du hip-hop : un ancrage américain auquel vient s’ajouter des formes d’autonomisations locales.

La représentation cartographique de l'identité collectiveReprésenter les identités collectives sur une carte est un exercice très délicat, notamment à cause du jeu des migrations, des échanges économiques, des flux d'informations, … tous les habitants d'un territoire donné partagent rarement une même identité (nationale, religieuse, linguistique, sociale, ….)L'attribution d'une identité à l'ensemble d'un territoire est donc une vue de l'esprit.

Par exemple, cette carte est supposée représenter les différentes religions dans le Monde :

On y voit : Les Etats-Unis protestants

L’Inde hindouiste

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En réalité, les Etats-Unis et l’Inde présentent une répartition spatiale religieuse beaucoup plus nuancée. Si les protestants sont majoritaires aux USA et les hindouistes majoritaires en Inde, ce ne sont pas les seules religions de ces Etats !

Les USA présentent de nombreux catholiques, ceux-ci dépassent même le nombre de protestants dans certains états.L’Inde est composée de deux minorités importantes : les musulmans et les chrétiens. La première carte est donc en partie fausse puisqu’elle ne représente que la religion dominante dans chaque Etat, en occultant par la même les religions minoritaires qui représentent néanmoins des millions de personnes (Par exemple, les musulmans en Inde sont plus nombreux qu’en Egypte).

L’identité peut se représenter selon deux champs distincts : L’Etat-Nation La « civilisation » qui est une synthèse linguistique, culturelle et religieuse

Ces deux champs forment la mosaïque culturelle du monde, produisent le morcellement politique de la planète et s’opposent à l’unification économique et technique du système monde.Ces deux champs de l’identité sont souvent associés des conflits violents, qui reposent sur des enjeux territoriaux ou sociaux à forte valeur symbolique.En effet, les sociétés humaines se battent avec d'autant plus de conviction qu'elles croient le faire au nom d'un dieu ou d'une nation dont le destin, le territoire, les frontières sont considérés comme sacrés.

L’Etat-NationÉtat et nation sont deux notions distinctes rassemblées sous un même terme :

État (du latin status : se tenir debout) : une forme d’organisation politique et juridique d’un territoire ou d’une société. Il est à la fois : une structure (ensemble d’institutions), une autorité légitime (monopole de la violence légale exercée par ses institutions) et un territoire (espace soumis à l’autorité des institutions)

Nation (du latin natio : la naissance) : un concept plus ambigu.Thèse objective (inspiration allemande) : population partageant une langue, une religion, une histoire, un territoire, … commun(e)s.Thèse subjective (inspiration française) : communauté d’individus unis par la volonté commune de vivre ensemble.Synthèse : une population unie par une histoire et une culture commune, qui vit sur un même territoire et aspire à être sous l’autorité d’un même État (= L’État du coeur).

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Etat-Nation apparait donc lorsque que la notion d’Etat coïncide avec celle de NationLes Etats-Nations sont des groupes sociaux de grande taille, géographiquement délimités, défini comme des nations et juridiquement organisés en Etats.

Malgré les contestations dont il fait l'objet, l'Etat-Nation est le cadre le plus sûr (le plus simple aussi) pour identifier des sociétés dans le système monde :

Largement pertinent pour l'Europe (sauf la Belgique ou la Suisse à cause notamment des différents langages officiels), l'Asie orientale et les Amériques.

Moins pertinent pour l'Afrique subsaharienne, où les frontières ont été tracées dans l'ignorance et le mépris des populations qu'elles découpaient (cf. Congrès de Berlin, 1885).

Le lien entre l’Etat-Nation et la Société fait néanmoins l'impasse sur les multiples contestations séparatistes ou irrédentistes (qui souhaitent réunir à une nation les groupes ethniques de même langue ou même culture vivant dans d'autres Etats, Rassemblement Wallonie-France par exemple).Il fait également l’impasse sur les formes de société en réseaux : diasporas, religions instituées, mouvements révolutionnaires, entreprises, courants intellectuels, … qui peuvent faire preuve d'une forte solidarité transnationaleToutefois : l'Etat-Nation reste l'archétype de la société majeure et la seule configuration assurant l'indépendance et la légitimité maximales.

La question du maillage étatique mondial : Une distinction doit être faite entre Etats de facto (de fait, sur le terrain) et de jure (juridiquement, en tant qu'entité reconnue par la communauté internationale). La plupart des Etats sont à la fois de facto et de jure. On retrouve néanmoins certaines exceptions.

Certaines entités existent de facto comme des Etats et disposent d'un territoire, d'une capitale, d'un gouvernement et d'une administration, d'une armée, d'un drapeau,… mais qui :

Ne sont reconnues par aucun autre Etat : Somaliland (ex-Somalie Britannique, séparée de la Somalie en 1991), Transnistrie (province autonome de la Moldavie), Abkhazie et Ossétie du Sud (séparées unilatéralement de la Géorgie),…

Ne sont reconnues que par un autre Etat :République turque de Chypre-Nord (autoproclamée en 1983, peuplée de Turcs, reconnue uniquement par la Turquie),…

Ne sont reconnues que par certains EtatsGouvernement taliban (Afghanistan, 1996-2002) reconnu uniquement par le Pakistan, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ; la Chine nationaliste (Taïwan) reconnue comme gouvernement légitime de la Chine par une vingtaine ; le Kosovo reconnu par 75 Etats (22 membres de l'UE, Etats-Unis, Japon, mais pas Chine, Russie, Inde) ; …

Ne sont pas reconnues par certains EtatsIsraël n’est pas reconnu par certains Etats arabes, qui reconnaissent en lieu et place la Palestine

À l’inverse, certains Etats existent de jure (reconnaissance par la communauté internationale, siège à l'ONU) mais qui n'existent pas ou à peine sur le terrain :

Palestine : reconnue comme Etat par 98 autres (dont Russie, Inde, Chine, mais aussi Autriche, Pologne, …), membre de la Ligue arabe,… mais non reconnue par les Etats proche d’Israël.

République arabe sahraouie démocratique (Sahara occidental) : reconnue par au moins une cinquantaine d'Etats et membre de l'UA (Union Africaine).

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En 2010, l’ONU compte 192 Etats reconnus et 2 Etats au statut particulier d’observateur (Vatican et Palestine).

3 Etats ne sont pas reconnus par l’ONU : Taïwan, la République arabe sahraouie démocratique et le Kosovo.

Les 192 Etats de l’ONU sont d’importance diverses. On les classes selon leur superficie et leur population.

Ainsi, on compte 68 Micro-Etats, 95 Etats, 23 Grands Etats (représentants 30% des terres émergées) et 6 Macro-Etats (représentants 45% des terres émergées).

La civilisationLe concept de "civilisation" :Un terme apparu en France au XVIIIe siècle pour distinguer un état supérieur de la société. On oppose ce qui est "civilisé" à ce qui est "barbare" (repose sur des institutions, se développe dans des villes et s'appuie sur un degré +/- élevé d'éducation)Dans l’optique où le terme apparait, seule la société européenne (tout particulièrement la société française) est digne d'être une "civilisation".Ainsi, la colonisation trouva une partie de sa justification dans la volonté de "civiliser" – par la domination militaire, politique et économique – des peuples jugés proches de l'état de "nature".

Par la suite, de nouvelles significations sont apparues : ensemble de caractères moraux, culturels, religieux, linguistiques et matériels communs à

une société ou à un groupe de sociétés. produit de l'histoire dans la longue durée

Avec ces nouvelles significations, il est admis qu'il existe d'autres civilisations que la civilisation occidentale, qu'il n'y a pas d'hiérarchie entre civilisations.

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La délicate délimitation des aires de "civilisation"Délimiter une civilisation est une tâche rendue ardue par différents facteurs :

Les aires de "civilisation" varient selon les critères retenus.Ex. : Une ou trois "civilisations" occidentales ("européenne", "anglo-saxonne", "latine").

Cohabitation possible de plusieurs "civilisations" sur un même territoire.Ex. : Indonésie – mondes malais, chinois et indien.

Une "civilisation" peut se développer en des lieux discontinus.Ex : la "civilisation" chinoise sous forme de communautés hors de Chine, dans toute l'Asie du Sud et même en Amérique du Nord, voire en Europe.

Une "civilisation" peut être influencée par une autre, sans en adopter tous les traitsEx. : Les Japonais à la fois influencés par les "civilisations" originaires de Chine et par les caractères da la "civilisation occidentale" (cf. révolution Meiji, 1868) sans devenir pour autant des Chinois ou des Occidentaux.

Pour délimiter les grandes aires de "civilisations", on s'appuie largement sur un fondement religieux, éventuellement complété par un critère linguistique.

1) La dimension religieuse Dans le monde, on retrouve 4 groupes religieux dominants et une part grandissante d'agnostiques et

d'athées.

La répartition spatiale de ces groupes se fait par grandes masses, par grands ensembles géographiques.En effet, si l'adhésion religieuse est théoriquement une affaire personnelle, les diffusions des religions se sont faites de manière collective, en lien avec des événements politiques et/ou économiques.Par exemple, l’expansion de l'Islam sur les rives sud de la Méditerranée en liaison avec la conquête arabe du VIIe siècle, la christianisation de l'Amérique dans le cadre de la colonisation européenne,…

Cette répartition spatiale présente des contrastes marqués selon les groupes : Aire chrétienne très vaste (Europe, Amérique, Océanie, parties de l'Afrique centrale et

australe, Philippines). Aire musulmane, plus regroupée (de l'Atlantique en Afrique jusqu'à l'Inde et l'Indonésie). Aire hindouiste limité à la péninsule indienne, à l'exception d'un foyer en Indonésie (Bali).

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Aire bouddhiste limitée à l'Extrême-Orient, avec extension récente mais modeste dans le monde occidental (moins de 1% des bouddhistes).

De plus, ces aires de répartitions peuvent présenter des divisions internes qui peuvent être importantes :

3 églises chrétiennes différemment organisées et concurrentes (catholicisme, protestantisme, église orthodoxe)

Divisions précoces de l'Islam en plusieurs branches, qui divergent notamment sur la question de l'organisation du

pouvoir (séparation ou pas entre pouvoir temporel et séculier)

Enfin, les religions sont également en évolution perpétuelles, ce qui se ressent sur leurs aires de répartitions.

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2) La dimension linguistique La langue est une composante importante mais non déterminante d'une "civilisation".Il s’agit du moyen d'expression d'une société et par conséquent d’un élément de définition identitaire, par exemple de construction de projets nationaux.

Ex. : En France, le français était utilisé par moins de 50% de la population au début du XIXe siècle. Sa généralisation fut un des moyens de la construction nationale.

Ex. : Dès sa création (1923), la Turquie a épuré sa langue de ses mots arabes ou persans pour renforcer son identité nationale.

Quelques repères statistiques : Près de 6.000 langues dénombrées à la surface du globe …. Mais un tiers d'entre elles sont

aujourd'hui parlées par moins de 1.000 personnes et donc menacées de disparition.

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Une centaine de langues servent à l'expression de 95% de la population mondiale, les 5 plus répandues sont parlées par la moitié de l'humanité.

On observe une progression du plurilinguisme avec le développement des échanges, mais le nombre de langues véhiculaires tend à diminuer au profit de l'anglo-américain, expression de la "civilisation" dominante.

3) Synthèse :

La plupart des chercheurs distinguent en général de 7 à 9 grandes "civilisations" … sur base essentiellement du critère religieux. Ces grandes civilisations varient selon les chercheurs :

Les civilisations selon G. Chaliand et P. Rageau (1983)

Les civilisations selon S. Huntington (1996)

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Les civilisations selon Y. Lacoste (1997)

Quelques traits majeurs :

Les "civilisations" chinoise et hindoue, les plus anciennes (3.500 ans) privilégient des croyances (bouddhisme) et des philosophies (confucianisme) qui mettent en avant une sagesse liée à la soumission de chacun dans le cadre d'une société hiérarchisée.

La "civilisation" occidentale a hérité d'Athènes la raison et l'humanisme, de Rome le droit, de Jérusalem le judaïsme et le christianisme et a établi progressivement une séparation entre le religieux et le politique.

La "civilisation" islamique, la plus récente, ne sépare pas les domaines spirituel et temporel, la doctrine religieuse inspirant fortement le droit et la vie politique.

Choc ou dialogue des "civilisations" ?La thèse de S. Huntington : alors qu’on observe un recul inéluctable des rivalités entre grandes puissances, de la lutte des classes, … Les tensions entre groupes culturels sont de plus en plus croissantes. Les nouveaux conflits internes et externes sont dus au choc des "civilisations".

Cette vision est quelque peu simpliste : Une analyse a-historique des "civilisations" (ne tenant pas compte de l’histoire des

civilisations). Qui vire parfois à la paranoïa : connexion prétendue entre "civilisations" confucéenne et

islamique en vue de détruire l'Occident … sur base des échanges de technologie militaire (Chine et Corée du Nord sont en liaison avec l’Iran, l’Irak, la Libye,…), sans parler du rôle des Etats-Unis et de la France dans le commerce des armes au Moyen-Orient.

Nombre de conflits se trouvent à l'écart des zones du "choc des civilisations" (en Afrique centrale ou Moyen-Orient par exemple).

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Les fractures (sociales, économiques, politiques) internes aux "civilisations" sont nombreuses et potentiellement génératrices de conflits.

Cette vision est également fortement idéologique : Une thèse qui vise à défendre les valeurs de l'Occident (individualisme, libéralisme, libre

marché, …) et légitime les interventions étasuniennes dans le monde.

Néanmoins, on peut remarquer de fortes résistances à l'uniformisation culturelle : En Asie, par exemple, les valeurs occidentales pénètrent difficilement les cultures chinoises

ou hindouistes porteuses de valeurs distinctes (sens de la communauté, respect de l'autorité, forte valorisation du travail, …).

Résistance, parfois plus radicale, du monde musulman par la diffusion du fondamentalisme islamique depuis les années '70, à partir de l'Arabie saoudite et de l'Iran. En son nom sont menées des actions violentes contre des intérêts occidentaux.

On observe également une visibilité croissante du mode de vie islamique (vague hallal) en parallèle à l'affirmation de classes moyennes et aisées dans les Etats musulmans et qui se marque notamment dans différents champs de la consommation (hôtels et clubs de vacances islamiques ; Mecca-Cola, le Coca-Cola musulman ;…).

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Chapitre III : Une clef de lecture du système monde

2.5. Cadre conceptuel

La trilogie de la dynamique des territoiresLa trilogie fondamentale de la dynamique des territoires : production, reproduction, transformation.Tout type de répartitions spatiales (peuplement d'une portion de la surface terrestre, semis de villes, implantation spatiale d'une activité, divisions sociales de l'espace, …) suit une évolution en accord avec cette trilogie fondamentale.

Chaque répartition a en effet une histoire, un processus en évolution : Elle se forme à un moment donné, éventuellement par le biais d'un processus de diffusion

depuis un foyer initial. Elle se reproduit pendant une période, de durée variable : au cours de cette période, sa

configuration reste stable. Elle se transforme à un moment donné : modification de son aire (extension, rétraction),

modification de sa composition (apparition de nouveaux éléments en son sein), disparition.

Par exemple, l’évolution de l’implantation du vote socialiste en Belgique (1900-2003) :

En 1900, 15 ans après la formation du POB, on se trouve dans la phase de production du socialisme.On observe une forte implantation dans le sillon industriel wallon (zone de charbonnage et de sidérurgie), principalement à Mons, La Louvière, Charleroi et Liège. On remarque également des zones relativement importantes à Bruxelles, Gand et Anvers.

En 1900, la division territoriale se fait par arrondissements électoraux et le vote est encore un vote plural censitaire.

En 1949, on se trouve dans la phase de reproduction du socialisme.Les zones fortes de 1900 sont toujours présentes (évolution stable) mais on observe une extension aux zones rurales proches du sillon industriel wallon.

En 1949, la division territoriale se fait par cantons électoraux et le vote se fait par suffrage universel.

En 2003, on se trouve dans la phase de transformation du socialisme.Les résultats sont globalement plus faibles qu’auparavant mais les zones fortes restent fortes, hormis en Wallonie.Mis à part la Campine qui connut une industrialisation tardive (post-WWII grâce aux investissements étrangers, cf. Ford à Genk), le socialisme disparait en Flandre.

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Autre exemple : évolution du réseau urbain de la Belgique sur le long terme (IVe siècle-XXe siècle) :

Au IVe siècle, on se trouve dans la phase de production.

Globalement, la Belgique est délaissée, à l’exception de deux villes issues de la colonisation romaine (Tongres et Tournai).Les villes importantes des alentours se situent en Allemagne (Cologne, Trèves,…) ou en France (Arras, Cambrai,…)

En 1150, on se trouve dans une phase de transformation due à la chute de l’Empire romain.

Tongres perd de son importance, Tournai reste une ville importante grâce à sa composante religieuse.Trois nouvelles zones se développent : l’axe mosan (Liège,…), les villes de l’Escaut (Courtrai, Gand, Anvers,…) et les villes côtières (Bruges, Furnes,…). Ces trois zones se trouvent à proximité de voies navigables.

En 1784, on se trouve dans une phase de reproduction.

Les villes de l’Escaut et les villes côtières s’agrandissent, participant ainsi au développement économique de la Flandre. L’axe mosan se développe également.On observe en outre que Bruxelles connait une évolution importante en devenant le siège de la couronne espagnole en Belgique.

En 1910 (évolution plus détaillée dans les slides), on se trouve dans une phase de transformations majeures.

L’axe industriel wallon se développe fortement à la suite de l’industrialisation. Bruges et Anvers ont une croissance relativement modeste.Bruxelles ne cesse de gagner de l’importance depuis qu’elle est devenue une capitale concentrant l’administration, la politique et l’économie.

L’analogie géologiqueLes répartitions spatiales présentant une histoire, on peut lire ceux-ci comme un palimpseste.À l’origine, un palimpseste est un manuscrit écrit sur un parchemin préalablement utilisé, dont on a fait disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau. Par la suite, ce terme est utilisé pour désigner un objet qui se construit par destruction et reconstruction successives, tout en gardant l'historique des traces anciennes.

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Le territoire peut donc être vu comme un palimpseste. Il est le résultat de multiples processus de production / reproduction / transformation de répartitions spatiales. Il garde donc dans sa physionomie des traces d'un passé plus ou moins lointain.

On peut également voir le territoire comme une coupe géologique. A un moment donné, le territoire est le résultat de l'accumulation / transformation de différentes strates, plus ou moins anciennes :

Couche de la période romaine+ Couche du Haut Moyen Age+ Couche du Bas Moyen Age+ …= Territoire belge

L'exemple de la morphologie urbaine à Bruxelles : Une morphologie qui porte en elle, les traces, parfois profondes, des aménagements réalisés

au cours du temps (fortifications médiévales donnant le tracé de la petite ceinture, grands axes et places royales des issus des aménagements à la française sous Charles de Lorraine,…).

Des aménagements qui se manifestent encore dans le tissu urbain actuel, soit parce qu'ils existent encore, soit parce qu'ils ont influencé les aménagements ultérieurs, à l'image de la deuxième enceinte à Bruxelles, sur les restes de laquelle a été ouverte d'abord un boulevard, au XIXe siècle, puis une autoroute urbaine, à la fin des années 1950.

L'exemple des structures sociales de l'espace bruxellois :La géographie de Bruxelles porte en elle, les traces, parfois

profondes, des structurations anciennes de la ville.

Globalement, la partie sud-est est beaucoup plus riche que la partie nord-ouest

Cette distinction trouve son explication dans l’évolution de la ville au cours du temps.

Coupe de la vallée de la Senne :

À l’est, les sols présentent une couche perméable juste au-dessus d’une couche imperméable, ce qui permet l’apparition de sources d’eau et de nappes phréatiques. C’est donc tout naturellement que le pouvoir va s’implanter dans cette zone (cf. palais du Coudenberg).De plus, les versants de la partie est sont raides et plus élevés, ce qui en fait une position symbolique de suprématie. À l’inverse, les versants ouest sont moins élevés et moins raides, ce qui favorises les inondations et rend la zone insalubre.Enfin, la partie est présente de nombreux parcs et lieux de divertissement (hippodrome, bois de la Cambre,…), ce qui attire fortement les plus riches.

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L’opposition entre est-riche et ouest-pauvre date donc du Moyen Age, époque où les nobles s’installaient plus facilement à proximité du Parc Royal et du Sablon.On observe donc un phénomène de reproduction d’un phénomène ancien. À partir de 1903, on observe une phase de transformation, les nobles restent à l’est de la Senne mais vont sortir du centre historique de la ville pour se diriger vers le nouveau quartier Léopold.

Actuellement, on observe un phénomène de gentrification (phénomène d'embourgeoisement urbain). De plus en plus de jeunes actifs réinvestissent les quartiers centraux de Bruxelles.

Bien qu’il s’agisse de quartiers « pauvres », ceux-ci se situent toutefois sur le versant est (St-Gilles, Ixelles, les Marolles,…).

En conclusion, lire le territoire comme un palimpseste est une démarche rétrospective, généalogique qui consiste à :

Repérer dans le territoire actuel les différentes strates qui s'y sont "déposées" (datation) Identifier les facteurs de la genèse de ces strates Comprendre comment et pourquoi ces strates se sont reproduites ou transformées

Par exemple, pour comprendre la répartition actuelle des votes socialistes en Belgique, il ne faut pas se baser sur le pourcentage d’ouvrier. En effet, il y a de nombreux ouvriers en Flandre alors que cette dernière ne compta pas beaucoup de votants socialistes.

Il faut aller chercher une explication plus ancienne, par exemple en étudiant la répartition des maisons du peuple au siècle passé. Ces dernières ont en effet inculqué le vote socialiste à la population, et cette tradition à perdurée jusqu’à nos jours comme une trace du passé.

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Une application au Système MondeComme dans tous les systèmes analysés en géographie, les "entrées" qui conditionnent le fonctionnement du système monde sont des "mémoires" :

L'histoire : mémoire du temps des hommes. L'environnement physique, avec ses enveloppes (litosphère, hydrosphère, atmosphère) et

ses populations vivantes (végétales et animales) : mémoire du temps de la nature.

Pour interpréter le système monde contemporain, il faut répondre à une question apparemment simple : quels sont dans l'histoire de l'humanité les faits qui expliquent la mise en place et le fonctionnement actuel du système monde?Pour répondre à cette question, il faut sélectionner dans l'énorme masse des informations disponibles sur l'histoire de l'humanité celles qui paraissent utiles à la compréhension du système monde actuel.

2.6. Les balises temporelles de la formation du Système Monde

Les espaces des hommesLa toile de fond : la croissance progressive de la population mondiale :

– 0,5 millions vers -40.000– 8 millions vers -10.000– 250 millions vers 0– 500 millions vers 1500– 1 milliard vers 1800– 1.5 milliard vers 1900– 7 milliards aujourd'hui

On remarque trois périodes de transitions démographiques :

De -40.000 à -35.000Apparition de progrès techniques importants.

De -8.000 à -3.000Révolution néolithique : transition de communautés de chasseurs-cueilleurs vers l'agriculture et la sédentarisation.

De 1800 à aujourd’huiRévolution industrielle.

La première période de transition fera passer la population de 0,5 à 4 millions, la seconde fera passer la population de 6 à 100 millions et la troisième fera passer la population de 1 à 7 milliards.

Malgré ces périodes de fortes augmentations de la population, on remarque que les espaces habités restent relativement stables depuis le paléolithique.Une augmentation de la population provoque en effet plus une densification des lieux peuplés qu’une extension des aires de peuplement, à l’exception de quelques fronts pionniers (zones défrichées afin d’augmenter l’espace de peuplement, comme sur l’île de Sumatra ou en Amazonie).

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Ainsi, l’humanité n’aura connu que deux grandes vagues d’expansion de ses aires de peuplement. La première fut réalisée par l’homo erectus (Afrique, Europe occidentale et du Proche Orient aux côtes chinoises) ; la seconde fut réalisée par l’homo sapiens (Amérique, Asie du Nord, Australie).

La formation des trois principaux foyers de peuplement (Chine, Inde, Europe) est un processus antérieur au début de l'ère chrétienne.On observe donc une stabilité dans la répartition spatiale de la race humaine, peu importe le nombre d’habitants dans le monde.

On remarque aussi l'existence ancienne de deux foyers secondaires : les plateaux du Mexique central et l’Afrique occidentale.

On observe également le cas singulier des foyers antiques de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient qui se dépeuplent alors que les autres zones augmentent fortement.Ces deux cas sont particuliers puisqu’il s’agissait d’une civilisation importante. Les marchands arabes contrôlent en effet les échanges entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie (esclaves depuis le Soudan, commerce de l’or,…).

Ce déclin apparait entre 1100 et 1500, à cause de trois facteurs principaux : les croisades, les invasions mongoles et la prise de contrôle du commerce par les cités-états de l’Italie.

Les croisades et les invasions mongoles ont joué un rôle majeur dans ce déclin. En effet, la base du système agricole est détruite par ces deux invasions.Les pays arabes pratiquent la culture irriguée pour pallier le peu de précipitation. Or, ce système de culture nécessite des connaissances techniques, des infrastructures et des règles pour partager l’eau. Ces trois éléments sont détruit par l’arrivée des mongoles et des européens, ce qui provoque une famine et une baisse de la démographie.

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Entre 1600 et 1800, on assiste à la formation tardive de plusieurs foyers de peuplement secondaire : Nord-Est des Etats-Unis, Californie, Sud-Est du Brésil, Indochine, Indonésie, …

On remarque qu’en 1600, la population de l’Amérique diminue fortement (de 39 millions en 1500 à 10 millions en 1600 pour l’Amérique du Sud) à cause des Grandes Découvertes.En 1800, on assiste à une légère reprise, la débâcle démographique de l’Amérique est terminée.

L’Asie, le Monde Indien et l’Europe sont toujours les trois grands foyers de peuplement.

Comprendre la répartition actuelle du peuplement nécessite donc de se plonger dans le passé.

En parallèle de l’accroissement de la population, les villes commencent à se former vers -3000 en Egypte et dans le croissant fertile ainsi qu’en Inde et en Chine vers -2000.

L’apparition des villes se fait en corrélation avec le développement de l’agriculture puisqu’il faut un surplus agricole pour entretenir les populations urbaines.

Bien que les villes apparaissent il y a plusieurs millénaires, l’urbanisation (% de la population mondiale habitant en ville) reste un phénomène très récent.

Jusqu’au 19e siècle, 90% de la population vit à la campagne car le surplus agricole est trop faible pour entretenir une grosse population urbaine.On retrouve quelques exceptions, notamment la Flandre et l’Italie du 16e siècle qui vivent toutes deux du commerce maritime et nécessitent donc moins d’agriculture. Ces régions avaient un taux d’urbanisation de l’ordre de 20%.

Vers l’an 2000, un cap symbolique a été passé : environs 50% de la population mondiale habite en ville.

Ce graphique est très intéressant puisqu’il montre la population des 5 plus grandes villes au cours du temps. On peut ainsi observer le déplacement du centre de gravité du système monde. Du croissant fertile (Ur, Thèbes), le centre de gravité se déplace vers la Chine (Xian) et le monde romain (Rome, Constantinople) avant de subir l’affirmation

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des arabo-musulmans dans l’économie mondiale (Bagdad, Cordoue). Durant le Moyen Age, l’Europe perd de son importance au profit de l’Asie (Hangzhou, Nankin, Pékin) et, vers le 18-19e siècles, l’Occident redevient le centre de gravité du système monde (Londres, New York, Tokyo).

L’urbanisation du monde suit une logique de diffusion allant du centre vers la périphérie.

L’Angleterre connaitra une poussée d’urbanisation au 19e siècle, en parallèle avec le phénomène d’industrialisation.

En périphérie par contre, l’urbanisation survient plus tard, au 20e siècle.

Le Japon et les USA connaissent une croissance tardive mais spectaculaire à la suite de l’industrialisation.

L’Inde et le Kenya quant à eux connaissent une croissance tardive mais relativement peu importante. Contrairement aux USA et au Japon, ces pays ne voient pas leur taux d’urbanisation augmenter à la suite de l’industrialisation mais bien à cause d’un phénomène d’attraction des villes (concentration des équipements en ville : eau, gaz, électricité,…) et de répulsion des campagnes (détérioration des conditions de vie).

Les espaces économiquesAu niveau économique, on assiste à une augmentation des écarts entre les pays riches et les pays pauvres avec le temps.

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En 1500, on retrouve peu d’écart entre les PIB des pays du centre et la périphérie. À partir du 19e siècle, les écarts commencent à se creuser. En 1820, le centre à un PIB équivalent au double du PIB de la périphérie ; en 1998, le PIB du centre est 7x supérieur à celui de la périphérie.Attention toutefois, il s’agit ici du PIB par pays, ce tableau ne reflète donc pas les écarts subsistants entre les riches et les pauvres au sein d’un état.

De 0 à 1600, 50% du PIB mondial se trouve en Chine et en Inde. L’Europe connait une déroute de son économie après la chute de l’Empire romain et une reprise après l’an mil.

La situation connait beaucoup de changements entre 1600 et 1750. L’Europe s’enrichit à la suite des Grandes Découvertes et de l’industrialisation alors que l’économie asiatique chute drastiquement.

Depuis 1750, on assiste à la montée en puissance des USA, et du Japon (après la WWII). L’Europe atteint des sommets puis connait une forte chute, alors que l’Inde et la Chine redeviennent deux économies majeures.

Intéressons-nous maintenant à la formation des trois grandes mégalopoles économiques.

Vers 1300, on retrouve déjà des ensembles urbanisés en Italie et en Flandre, ensembles qui se sont développés grâce au commerce. L’Espagne voit également différents espace urbanisé apparaitre grâce à la forte présence des arabo-musulmans dans le pays.On retrouve donc trois pôles majeurs : l’Andalousie, la Flandre et l’Italie du nord.

Vers 1600, l’Espagne perd de son importance après la reconquista alors que l’Italie et la Flandre gagnent en importance en s’accaparant les rennes du commerce en Méditerranée. Ces deux centres vont également l’un avec l’autre par les terres, notamment par l’Allemagne le long du Rhin.On assiste donc bel et bien à la mise en place de la mégalopole européenne vers 1600. Elle ne deviendra toutefois une vraie mégalopole qu’après le phénomène d’industrialisation.

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En 1870, aux USA, seul le nord-est est densément peuplé (anciennes 13 colonies). Un réseau urbain fort développé se met en place entre New York, Philadelphie, Boston, Baltimore, Washington,… Le sud reste quand à lui relativement peu développé car ce sont principalement des grandes plantations (coton, tabac,…) qui ne laissent pas de place à la création d’un tissu urbain.De 1870 à 1910, le nord, traditionnellement plus centré sur l’agriculture et l’artisanat, subit un phénomène d’industrialisation qui va développer le réseau urbain.De 1910 à 1930, le réseau s’étend aux Grands Lacs avec Pittsburg et Chicago qui deviennent des centres industriels.Enfin, à partir de 1930, le sud-ouest commence à se développer afin de commercer sur l’océan pacifique.La fondation de la mégalopole étatsunienne se fit donc de manière très rapide, en un siècle environ.

La mégalopole japonaise connait quant à elle une évolution constante depuis le 8e siècle. Dès cette époque, les villes de Tokyo, Kyoto et Osaka sont déjà développée. Une opposition entre les plaines du sud et les montagnes du nord est déjà présente.

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Les espaces de l’identité collectiveJusqu'au début du 18e siècle, l'empire est la forme privilégiée de contrôle étatique du territoire. La notion d’empire est assez floue puisqu’elle ne renvoie à aucune organisation politique précise.On retrouve néanmoins certains dénominateurs communs :

Un pouvoir puissant … maintenu par la coercition Une organisation centralisée et très hiérarchisée Une volonté expansionniste Des populations diverses encadrées par une armature politique et fiscale La croyance en une supériorité d'essence (supériorité naturelle de l’empire sur les autres

formes étatiques)

Au 17e siècle, il reste encore 5 empires majeurs : Les empires Ottoman, Safavide (Iran), Moghol, Mandchou (Qing) et le tsarat de Russie.

Globalement, seule l’Europe n’est pas un empire, ce qui explique pourquoi la notion d’Etat-nation nait dans nos contrées.

Ces empires qui constituent ce que Wallerstein appelle des empires-mondes.L’empire-monde présente une structure double :

D’une part il est une entité intégrée et hiérarchisée avec à sa tête un pouvoir central exerçant son autorité au détriment des populations périphériques, organisant les relations avec celles-ci sur le mode vertical et utilisant sa domination politique pour redistribuer les ressources de l’ensemble en sa faveur.

D’autre part, l’empire-monde est un morceau de l'oekoumène englobant plusieurs entités politiques, économiques et culturelles, reliées entre elles par une auto-suffisance économique fondée sur une division du travail et des échanges privilégiés.

Ces cinq empires-mondes qui s'ignorent encore largement les uns les autres. Il existe peu de relations entre eux, sinon de façon sporadique aux marches des territoires qu’ils contrôlent respectivement ou au moment de la conquête et de l’absorption de l’un d’entre eux par un autre.

Si quelques empires ont subsisté au-delà du 18e siècle (empires Russe, Ottoman, Mandchou, …), si des tentatives impérialistes se sont produites (Napoléon, Hitler,…), si des empires coloniaux ont été créés,… L’empire n’en est pas moins devenu l’exception, alors que l’Etat-nation est devenu la norme à partir du 17e-18e siècle.

L'Etat-Nation : une invention européenneL'Etat-Nation se met progressivement en place en Europe après la période de conflits religieux qui s'achève avec la Guerre de Trente Ans (1618-1648).

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La naissance de l’Etat-Nation est donc qualifiée de "westphalien" par les politologues, en référence aux traités de Westphalie (1648) qui consacrent deux principes nouveaux :

Principe de souveraineté externe : aucun Etat ne reconnaît d’autorité au-dessus de lui et tout Etat reconnaît tout autre Etat comme son égal.

Principe de souveraineté interne : tout Etat dispose de l’autorité exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les affaires internes d’un autre Etat.

L’Etat-Nation est un Etat "exclusif", dont le territoire est borné par des frontières linéaires (une nouveauté), qui séparent les populations : on est Français en deçà, Espagnol au-delà.

La diffusion de ce système d’organisation étatique se fait par l’intermédiaire de la colonisation et de la décolonisation (au 19e

siècle).

La fin de la Seconde Guerre Mondiale achèvera ce processus de diffusion en fixant les dernières frontières en Europe.

Il convient maintenant de s’intéresser aux « civilisations », que l’on étudie au travers de leur religion principale.

Le christianisme apparait au 1er siècle dans des communautés juives hellénisées du Moyen Orient. Sa diffusion en Europe se fera à partir de Rome après l’Edit de Milan de l’empereur Constantin. Cette diffusion sera facilitée par le réseau de l’administration romaine (zone orange) ainsi que par les missionnaires (flèches oranges) qui vont voyager vers le nord et l’est.En outre, la diffusion dans les milieux ruraux se fera grâce à l’important réseau de monastère que le christianisme construisit petit à petit.

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Par la suite, à partir du 17e siècle, le christianisme se répandra dans le reste du monde.

Cette diffusion à l’échelle planétaire se fera grâce aux Grandes Découvertes et à la colonisation.

Ainsi, les espagnols et portugais créés des évêchés en Amérique latine, les français évangéliseront l’Afrique, les britanniques apporteront le christianisme en Chine et en Inde.

L’Islam quant à elle connait une diffusion en trois temps.

1) 632-750 En moins d'un siècle, la conquête arabe convertit à l'Islam une vaste zone des Pyrénées à l'Indus : une configuration spatiale où se mêlent montagnes méditerranéennes et immenses espaces désertiques ou steppiques, dans laquelle s'épanouira ce qu'il est convenu d'appeler la civilisation arabo-musulmane.

Cette première vague s’effectue sous les quatre premiers califes.

2) 750-1700 Entre 750 et 1700, l’Islam connait une expansion vers l’est, vers le Pakistan, l’Inde, la Malaisie, l’Indonésie,…Cette expansion se fait via les marchands arabo-musulmans qui commercent dans ces régions.

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Cette diffusion est très lente et se fait par vagues progressives.

3) 1700-… Le dernier temps de l’expansion de l’Islam prend place en Afrique. Comme pour l’Asie, elle se fait grâce à des marchands commerçants dans les deux grandes zones commerciales africaines : la Somalie-Kenya et l’Afrique occidentale.L’Islam se répand en Afrique durant la colonisation européenne car les européens préféraient l’Islam aux religions animistes. De plus, les européens s’appuyaient sur les élites locales pour gouverner et ces élites étaient islamiques.Le Bouddhisme subit quant à lui une diffusion

contrariée.

Il nait au 6e siècle avant JC dans la vallée du Gange en Inde. Dès le 4e siècle avant JC, il se divise en deux courants, la voie du Petit Véhicule (rouge) qui s’étend vers le sud et la voie du Grand Véhicule

(orange) qui s’étend vers le nord-est.

Cette diffusion se fait par des moines vagabonds, il s’agit donc d’une diffusion lente et qui s’imprègne des autres cultes qu’elle croise sur sa route. Cette annexion de nouveaux cultes va pour la voie du Grand Véhicule à se subdiviser à nouveau en créant la voie du Diamant (jaune).

Synthèse : la ligne du temps du système monde

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Chapitre IV : La carte comme principal instrument

1.1. Introduction

Une carte est une représentation plane d’une portion ou de la totalité de l’espace terrestre, réalisée à l’aide de signes conventionnels.Une carte n’est pas une représentation comme les autres :

≠ d’une description littéraire : moindre appel à l’imagination

≠ d’un tableau statistique : vue d’ensemble et vue de détail

Dans un tableau, les éléments ressortent moins.Grâce à la carte, on a à la fois une vue globale et une vue spécifique.

Dans ce cas-ci, on voit en un coup d’œil les pays émettant beaucoup de CO2 mais on peut aussi voir les émissions de chaque pays.

Une carte est une interprétation du monde, elle ne représente pas la réalité. En effet, bien qu’elle soit moins subjective qu’un texte descriptif, la carte est toujours une interprétation du réel.Sa réalisation impose donc des choix, une carte est donc une vision subjective du monde qui dépend de(s) :

Contraintes techniques / méthodologiques Objectifs poursuivis par l’auteur

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Une carte résulte toujours d’un processus de fabrication de données. Durant ce processus, de nombreux problèmes peuvent subvenir.

Exemple A : les réserves de pétrole dans le monde

Cette carte se base sur des données erronées, il s’agit d’un problème au niveau de la production.

En effet, une hausse importante des réserves déclarées par 6 États membres de l’OPEP eut lieu au cours des années ’80.Cette hausse résulte du fait que l’OPEP a institué en 1985 des quotas aux différents Etats afin de contrôler l’offre et d’éviter ainsi une trop grande baisse des prix. Ces quotas sont fixés selon les réserves de chaque pays (si les réserves sont élevées, les quotas sont élevés). Dès lors, de nombreux états ont spéculé sur leurs réserves afin de bénéficier de quotas de production importants.

De plus, sans nouveaux gisements, les réserves devraient s’amenuiser d’année en année, ce qui n’est pas le cas.

On estime que 60% des réserves déclarées à l’OPEP sont spéculées.

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Les différents états mentent donc bien au sujet de leurs réserves de pétrole, ce qui fait que la carte n’est pas fiable.

En dépit de l’écart entre les faits et les chiffres, les données fournies par l’OPEP sur ses réserves

Continuent à avoir force de loi

Sont utilisées par les experts pour faire des prévisions sur l’évolution future de la production de pétrole

Prévisions qui sont utilisées par les gouvernements pour planifier leur politique énergétique

Au final, cette accumulation d’erreurs conduit à des politiques énergétiques dangereuses … parce qu’elles reposent sur la foi en une ressource pétrolière abondante pour plusieurs décennies.

Le pic du pétrole, moment à partir duquel, pour des raisons géologiques, la production de pétrole ne peut plus que diminuer, se rapproche plus vite que prévu (2005 – 2020) ce qui va entraîner de très importantes conséquences.

En avril 2011, l’Arabie Saoudite fait savoir qu'elle a réduit brutalement et contre toute attente ses extractions et veut accroître de presque 30 % le nombre de ses puits de forage pour maintenir sa capacité de production à son niveau actuel, et non à l’augmenter (plus de puits pour compenser le déclin des extractions des puits plus anciens).Deux surprises qui viennent relancer les suspicions autour des capacités réelles de production de “la banque centrale du pétrole" (Arabie Saoudite = 12% de la production mondiale).

Exemple B : drogues douces et drogues dures : un lien fatal ?Il s’agit ici d’un problème issu de la construction des indicateurs au niveau du traitement des données.

Argument classique : la consommation de drogues douces fait le lit de celle des drogues dures (héroïne, cocaïne, …). Pour prouver cette hypothèse, certains calculent le rapport :

Ce qui ne prouve nullement qu’il existe une forte propension à devenir comme K. Cobain chez les consommateurs de haschisch ou d’herbes. Pour le savoir, il faudrait calculer le rapport :

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Un exemple qui rappelle une fameuse pub « Le Lotto : 100% des gagnants ont tenté leur chance ».Ce qui est très différent de 0,0000001% de ceux qui ont tenté leur chance ont gagné.

Exemple C : la répartition spatiale des Musulmans dans le monde

Premier indicateur : le % des Musulmans dans la population totale dans chaque état.

Deuxième indicateur : le nombre absolu de Musulmans par états.

Ces deux cartes donnent des impressions différentes. Sur la première, on a une impression que l’Europe est « cernée » par les Le choix de l’indicateur permet donc de faire dire ce que l’on veut aux cartes, ce qui peut

Exemple D : La proportion des étrangers par Il s’agit ici d’un problème issu de la représentation des données.

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Ces deux cartes représentent la même chose, la même année et sur base des mêmes données. Pourtant, sur la carte de gauche, on a l’impression qu’il y a peu d’étrangers en Belgique alors que sur la carte de droite on a l’impression qu’il y en a beaucoup.

Comment expliquer ces deux représentations différentes et contradictoires ? Par l’écart de classe dans la légende. La carte de gauche a une différence entre deux tranches constante (progression arithmétique), chaque classe correspond à +/- 5%. La carte de droite a un rapport entre deux tranches constant (progression géométrique), chaque classe représente le double de la précédente.

Sur la première carte, il faut 5 classes pour arriver à 25%, sur celle de droite il en faut 9. Les teintes des différentes classes allant du claire au foncée, les 25% de la carte de gauche sont une teinte relativement claire alors que les mêmes 25% sur la carte de droite donneront une teinte très foncée.

1.2. Brève histoire de la cartographie (pas matière d’examen)

La première carte apparait vers 6200BC en Anatolie. Il s’agit d’un plan de ville peint sur un mur. Par après, les cartes vont prendre de l’importance puisqu’elles permettent de faciliter l’appropriation des terres. Elle permet aussi de situer « ici »

par rapport à « ailleurs » et présente des avantages militaires non négligeables. Elles permettent aussi de fournir et conserver les descriptions de surface terrestre, d’aider à l’aménagement du territoire et de fournir une représentation du monde en accord avec un système de valeur.

Jusqu’au 19e siècle, les cartes sont des documents coûteux à établir, elles sont donc réservées aux élites politiques, militaires ou économiques. Ainsi, en France, au 18e siècle, les différentes cartes sont établies par ordre direct du Roi et ne sont accessibles que par les grands commis de l’Etat.

Explosion de la production et diversification des usagesL’arrivée de nouvelles technologies et la démocratisation de la société vont petit à petit amener l’apparition de cartes moins coûteuses à réaliser et plus largement diffusées, notamment pour l’enseignement.Les usages se diversifient alors. La carte devient un outil au service de la gestion / de l’action (aménagement du territoire,…), un outil au service de la recherche, de l’enseignement et de la transmission des connaissances. Elle se met également au service de la population (touriste, comité de quartier,…).Elle devient également un outil de communication (propagande, publicité,…).

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On peut voir ici une carte de 1870 représentant caricaturalement les ambitions des différents états (l’Angleterre qui se détourne de l’Europe, la France s’opposant aux prusses, la Russie et la Prusse cherchant à s’étendre,…).

Cette démocratisation des cartes entraina toutefois des dérives, des problèmes de réalisation rendant les cartes peu lisibles.

Sur la carte de gauche, on a réalisé un graphique en camembert sous la forme d’une carte. L’ensemble s’avère illisible et peu précis puisque les parts ne sont pas proportionnelles. De plus, elle sous-entend une répartition géographique des différentes ethnies sur le sol américain.La carte de droite puisque la taille des missiles n’est pas proportionnelle à leur nombre. Ainsi, les 1054 missiles américains sont plus petits que les 4 missiles chinois.

Plus grave, cette carte démontre une véritable dérive éthique. Sur celle-ci, les réserves d’Indiens et d’animaux aux USA sont mises sur un même pied d’égalité.

1.3. Les composantes fondamentales de la carte

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Grammaire de la cartographieToute carte doit comporter au minimum trois composantes :

l’échelle L’échelle est la valeur de la réduction linéaire, le rapport entre les distances sur la carte et sur le terrain.Par exemple, une échelle 1 : 25.000 signifie que 1cm sur la carte équivaut à 25.000cm (250m) sur le terrain.Attention : 1 : 10.000 est une grande échelle alors que 1 : 100.000 est une petite échelle (car ce sont des fractions et que 1/10.000 > 1/100.000).L’échelle peut aussi être graphique (cf. échelle ci-contre).

la légende La légende est le dictionnaire des signes utilisés (signification des différents symboles sur la carte).

L’orientation Toute carte doit comporter une indication du nord afin de pouvoir orienter la carte. Elle peut également comporter des coordonnées géographiques (latitude-longitude) afin de mieux se repérer.

Une carte, qu’elle soit topographique ou thématique, peut comporter de nombreuses autres informations (titre, date,…) mais ces trois composantes sont obligatoires.

1.4. Les cartes topographiques

DéfinitionsLa topographie est la description du relief, la description des différentes facettes (physiques et sociales) d’une portion de l’espace terrestre.

Une carte topographique est une carte représentant avec précision les différentes facettes visibles (visibles d’en haut, visibles sur des photos aériennes) d’une portion de l’espace terrestre. Il s’agit de carte officielle de d’un état (faite par l’Institut Géographique National ou tout autre organisme officiel).

Quelques caractéristiquesLa carte topographique est une carte destinée initialement aux militaires. Il s’agit du document de base pour la préparation des opérations sur le terrain.Dès lors, un soin tout particulier est accordé à la représentation de tout ce qui dépasse ou pourrait faire obstacle (relief, hydrographie, forêts, marais,…).

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La carte topographique représente la morphologie du territoire vue d’en haut. Elle ne donne aucune information sur les populations, leurs compositions, leurs comportements, leurs activités,… Il est ainsi impossible de repérer un quartier commerçant sur une carte topographique.

La production cartographiqueLa production de telles cartes est un processus long réalisé par un organisme (civil ou militaire) d’État.À l’origine, les informations étaient relevées sur le terrain. Depuis le début du 20e siècle, ces informations sont issues de la photographie aérienne. Pour réaliser une carte sur base de photos aériennes, on commence par faire une reconstitution du relief par stéréoscopie ; ensuite, on dispose les éléments sur fond de carte par interprétation de la photo aérienne.Récemment, on a commencé la numérisation des données topographiques. Les différentes informations extraites de la photo aérienne sont stockées dans une base de données numérique puis exploitées automatiquement.

Le mensonge cartographiqueLe mensonge cartographique est la déformation volontaire de cartes topographiques en déplaçant, déformant ou supprimant des éléments pour des raisons stratégiques. Il s’agit d’une pratique courante, tous les états ont recourt à cette technique.

Les exemples les plus flagrants nous ont été fournis durant la Guerre froide. À cette époque, en URSS, la production de carte est strictement contrôlée par le NKVD (ancêtre du KGB) qui prend le contrôle des services cartographiques.L’objectif prioritaire est d’éviter que les puissances adverses puissent connaître les coordonnées des lieux stratégiques (sites industriels, ressources minières, bases militaires, …), des richesses et des productions nationales. Ce contrôle permet aussi d’éviter que les ennemis guident correctement leurs missiles longue distance. L’information cartographique est donc bien un secret d’État.

Ces mensonges cartographiques se font par modification des cartes topographique et des cartes destinées au grand public. Ils se font par :

Omission ou déplacement des villes interdites aux étrangers (Tomsk, Chelyabinsk, …).Par exemple, Logashkino voit sa position géographique changée à de multiples reprises entre 1939 et 1962 et disparait même en 1954. En outre, le tracé des fleuves change d’année en année.

Omission des villes « secrètes ». l’URSS comptait 46 villes secrètes liées pour la plupart au nucléaire (recherche, expérimentation, traitement, fabrication d’armes, bases de tirs, …).Par exemple, Tomsk-7 est une ville de 120.000 habitants, spécialisée dans le nucléaire militaire (5 réacteurs) et entourée d’une zone de sécurité à triple clôture.

Suppression de certains éléments de l’espace aménagé (bâtiments officiels, usines, rues, ..)Ainsi, le bâtiment du KGB à Moscou ne se retrouvait pas sur les cartes touristiques.

Déformation de la position et de la forme de certains éléments représentés (lieux habités, infrastructures de transport,…).

Paradoxalement, ces déformations se sont accentuées au moment même où les USA déployaient leurs premiers satellites espions dans les années ’60.

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1.5. Les cartes thématiques

IntroductionUne carte thématique est une carte représentant une variable ou un ensemble limité de variables comme le nombre d’habitants, la densité de population, le taux de chômage,…

Il existe deux grandes catégories : Les cartes représentant les caractéristiques des lieux ou de leurs habitants. Les cartes représentant les flux ou les réseaux entre les lieux (moins intéressantes).

Lieux et habitants : deux modes distincts de représentationIl existe deux façons de représenter les caractéristiques de lieux ou de population. La première d’entre elles est la représentation par des symboles de taille proportionnelle à l’importance du phénomène étudié.

On utilise cette technique lorsque la variable varie selon la taille des unités territoriales. Elle concerne donc les nombres absolus (nombre d’habitant, PNB, nombre de commerces,…).

On la réalise en créant des cercles ou des carrés de surface proportionnelle à un nombre absolu. On peut aussi utiliser des triangles si on veut marquer une croissance (orienté vers le haut) ou une décroissance (orienté vers le bas).

Le choix de symboles proportionnels a des avantages par rapport à une variation de trames. Ils rendent en effet mieux compte de l’importance d’un phénomène. Un nombre absolu augmente avec la surface des unités territoriales. Avec les trames, notre perception visuelle se focalise sur les grandes unités territoriales (UT).

Par exemple, cette carte a utilisé une trame de couleur au lieu de cercles de surface. On ne peut dès lors pas se

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rendre compte de la différence de population entre les USA et la Chine, les deux ayant la même trame de couleur.

Ils se sont rendus compte de leur erreur et ont ajouté des cercles de surface pour les pays les plus peuplés.

La seconde façon de représenter les caractéristiques de lieux ou de population est donc d’utiliser une trame variable selon l’intensité du phénomène étudié.

On utilise ce type de représentation lorsque la variable est indépendante de la taille des unités territoriales. Elle concerne donc des nombres relatifs (densité de population, PNB par habitant, nombre de commerce par km²,…).

Pour la réaliser, on part du principe que chaque UT est homogène pour le phénomène étudié. Ici, la carte représente le taux d’urbanisation par pays, ce taux est supposé constant à travers tout le pays.

Pour réaliser une bonne trame, on peut faire varier la texture (forme, orientation,…), la noirceur (plus ou moins foncé selon l’importance du phénomène) ou la couleur. Idéalement, on fait varier deux de ces composantes sur une même carte.Pour que la carte soit facilement lisible, on choisit une progression logique dans les teintes. On évite par exemple de représenter les variables faibles par des couleurs foncées et des variables fortes par des couleurs claires.

Cette carte est par exemple particulièrement mal pensée.Elle représente la répartition des chèvres dans le Gard.

Il y a de nombreux problèmes : L’indicateur n’est pas bien choisi. Il ne s’agit pas du

nombre de chèvre par unité de surface mais d’unité de surface par chèvre.

La légende n’est pas ordonnée (la première trame est ‘1 chèvre pour 100ha’, la seconde ‘1 chèvre pour 180ha’, la troisième ‘1 chèvre pour 6.5ha’,…).

La variation des textures n’est pas logique (la teinte pour 100ha est plus foncée que celle de 180ha)

Des valeurs numériques sont indiquées. Dès lors, pourquoi utiliser des trames ?

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Cet exemple-ci est également illisible et ne donne pas une vision d’ensemble de la répartition du gibier.

Il aurait mieux valu faire une carte différente pour chaque type de gibier afin de se faire une meilleure idée de la répartition de chaque espèce.

De plus, l’œil est attiré par les teintes foncées. Si la teinte foncée représente une valeur faible, ce sont ces valeurs qui seront mises en évidence quitte à biaiser la lecture de la carte.Sur cet exemple, des teintes foncées ont été attribuée aux zones présentant un revenu national par habitant très faible. Si on n’analyse pas la légende, on a l’impression que les zones les plus riches sont en Afrique, en Inde et en Asie.

Enfin, on peut choisir de combiner les symboles (nombres absolus) et les trames (nombres relatifs) pour donner une lecture à deux niveaux sur une même carte.

Cette carte donne ainsi à la fois les recettes issues du tourisme international (nombres absolus) et la part de ces recettes dans le PIB de chaque pays (nombres relatifs).

On peut ainsi voir que les Caraïbes ont des recettes touristiques assez modestes en comparaison avec les autres pays mais que ces recettes sont très importantes pour l’économie du pays puisqu’elles représentent 30% du PIB.

Le filtre de la discrétisationDiscrétiser signifie constituer des classes afin de simplifier la distribution d’une variable. En effet, lorsqu’on a plus de 10 trames sur une même carte, ça devient difficile de s’y retrouver.

Il s’agit d’une opération indispensable qui impose de choisir un bon nombre de classe et de définir logiquement les valeurs limites de ces classes. Définir ces limites est très important puisque le choix de ces limites peut faire varier la carte (cf. progression arithmétique/géométrique de la proportion d’étranger par commune p. 66).

L’allure de la carte et les conclusions que l’on peut en tirer varieront donc fortement selon la méthode de discrétisation.

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1.6. De la carte au schéma cartographique

IntroductionSchématiser consiste à dégager les traits essentiels d’un phénomène, faire la part entre ce qui est important et ce qui est secondaire, ce qui conduit fatalement à éliminer certains éléments.Schématiser est donc une démarche proche de la synthèse. Dans les deux cas, il s’agit de mettre l’essentiel en valeur, éventuellement après un regroupement préalable de l’information.

Le schéma cartographique est un mode de schématisation parmi d'autres. Il se fait sur un fond de carte simplifié et propose une vision synthétique de faits ou de processus géographiques en classant, hiérarchisant et mettant en relation les éléments majeurs de ces faits ou de ces processus.

La réalisation d’un schéma cartographique

La première étape de la réalisation d’un tel schéma est de tracer les contours de la zone étudiée. Ces contours doivent être très grossiers !

Ici, le Groenland n’est pas représenté, l’Australie est un rectangle, l’Amérique du Nord un triangle,…

Une fois schématisé, on ajoute l’orientation et la légende (si possible).

Ensuite, on va réaliser la légende. Cette étape nécessite une réflexion, on va choisir quel phénomène représenter et comment les représenter pour que ce soit lisible.

Enfin, on finalise le schéma en fonction de la légende établie en veillant à rester le plus clair possible.

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Exemple de schématisation

Le schéma montre la Triade et les différents flux qui l’unissent au reste du monde.

On a donc les flux entre les pays de la Triade, entre la Triade et les périphéries et entre la Triade et les marges de peuplement.

Il faut donc réaliser une bonne légende pour que la distinction entre les flux majeurs et les flux secondaires soit bien marquée.

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Chapitre V : La formation de l’espace des hommes

5.1. Introduction

Les espaces des hommes montrent une forte stabilité des contrastes de peuplement à petite échelle sur le long terme. L'espace des hommes actuel trouve en effet son origine dans l'histoire ancienne, antérieure au début de notre ère.Trois questions principales se dégagent de ce constat :

Quelles sont les limites du peuplement humain ? Comment se forment les continents humains ? Comment se forment les archipels de peuplement ?

Pour qu’il y ait un peuplement, il faut certaines conditions fondamentales. De fait, le peuplement d’une portion de surface terrestre se fait en fonction de la capacité des sociétés à prélever, produire, et amener des aliments et de de l’eau (aussi bien pour l’homme et l’élevage que pour la culture).Cette capacité dépend de deux variables :

les conditions de l’environnement physique (climat, composition du sol, relief,…). Les bases socio-économiques des populations (mode d’agriculture, commerce,…). Ces bases

socio-économiques dépendent elles-mêmes des systèmes techniques, des structures sociales, des représentations,…

Il existe un débat de longue haleine sur le poids des conditions environnementales dans l’explication du peuplement. Ce débat découle de la géographie classique (fin 19e-début 20e) qui s’applique à mettre en relation les faits sociaux et les faits physiques.Deux courants vont s’opposer dans ce débat :

Le déterminisme naturalisteLe déterminisme est l’idée que l'organisation politique des sociétés est le produit des conditions climatiques.Il se retrouve déjà dans de nombreuses sociétés anciennes. Il s’agit alors de l’idée que le mouvement des étoiles, les caractéristiques climatiques, … ont un impact sur les activités et les comportements humains. Ces idées se retrouvent chez d'anciens philosophes grecs (Aristote : « Les habitants des régions froides sont pleins de courage et faits pour la liberté ») et de penseurs de l'époque des Lumières (Montesquieu intitule un chapitre de son Esprit des Lois « Des lois dans le rapport qu’elles ont avec la nature du terrain »).L’influence darwiniste (l’adaptation ou la mort) joua un rôle prépondérant dans le déterminisme. En effet, le développement d’une espèce se fait par la sélection naturelle de l’environnement. C’est donc ce dernier qui modèle les différentes civilisations.

L’idée générale est donc que la nature forge la société. La répartition des activités et des comportements sociaux se fait selon les possibilités ou les contraintes imposées par le milieu naturel. C’est une logique de causalité linéaire (action-réaction) : l’environnement ‘cause’ la civilisation.

Le possibilisme environnementalÀ l’opposé du déterminisme, on retrouve le possibilisme de Febvre et de l’Ecole française de géographie.L’idée principale du possibilisme est que « la nature propose, l’homme dispose ». Le milieu naturel

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est alors vu comme un facteur explicatif parmi d’autres, la mobilité et l’esprit d’initiative humain expliquent qu’il existe de multiples réponses possibles (d’où « possibilisme ») aux données du milieu.

L’argumentaire de cette conception se base sur le contre-exemple. Par exemple, les déterministes vont expliquer que le centre des USA est peu peuplé car occupé par des montagnes ; les possibilistes vont alors utiliser le contre-exemple des Andes, chaine de montagne fortement peuplée, pour démontrer que le milieu n’influe pas sur le peuplement d’une région.

Un débat éculéCe débat n’aboutit à aucune certitude.Les faits physiques (climat, végétation, sols, …) sont des facteurs influençant les activités économiques et les comportements sociaux mais sont également des facteurs variables selon le contexte socio-économique et technique de chaque civilisation.

De plus, un fait physique ne devient une ressource ou une contrainte que sous certaines conditions et ces dernières évoluent dans le temps. Ainsi, jusqu’aux années 1930, le minerai d’uranium n’était pas une ressource mais un simple caillou ; jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, la neige n’était pas une ressource économique mais une contrainte à l’aménagement de la montagne.Une contrainte peut donc devenir une ressource, le milieu ne fixe donc pas de manière immuable une civilisation.

Political ecologyOn arrive dès lors à la notion de "political ecology". Les interactions entre la société et l’environnement dépendent de l’organisation sociale de la société, l’exploitation des ressources ou la réduction des contraintes dépendant des :

Idéologies et représentations associées Rapports sociaux (accès aux ressources / exposition aux risques variables) Institutions

De plus, l’évolution socio-économique détermine, à un moment et à un endroit donné : Quelles ressources naturelles productives font l'objet de tentatives d'appropriation Par quels groupes sociaux ces ressources sont captées De quelle manière elles sont captées (conflictuelles ou non)

Par exemple : les relations contrastées entre densité de population et altitude

Sur les trois courbes, on remarque une forte diminution entre 0 et 400m d’altitude, ce qui tend à rejoindre les idées déterministes (les sociétés s’installent dans les plaines pour ne pas avoir à grimper sans cesse).

En Afrique, on remarque tout de même une légère reprise sur les hauts-plateaux (750-2000m).En Amérique latine, on observe un pic vers 1750m.

Comment expliquer ces reprises ?Pour l’Amérique latine, les plaines paraissent moins sûres, moins salubres, moins fertiles ou plus difficiles à défricher (forêt amazonienne).

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Pour l’Afrique, l’explication est plus compliquée.

On remarque toutefois que les zones à forte densité de population sont bel et bien situées en hauteur.

Pour mieux comprendre les raisons de ce peuplement en altitude en Afrique, il faut recourir à un nouvel instrument de synthèse : le schéma fléché.Les objectifs de tels schéma est de dégager les traits essentiels d’un phénomène (faire la part entre ce qui est important et ce qui est secondaire) et mettre en évidence les relations et interactions entre les différents faits.Il existe trois types différents de schéma fléchés :

Schéma linéaire : représentation d'un enchaînement du type cause/conséquence (par exemple les enchaînements liés au terme relief et zone refuge dans le schéma "systèmes de fortes densités dans les montagnes africaines").

Schéma circulaire : représentation d'un d’enchaînement du type cause/conséquence cyclique (par exemple le schéma "l’homme et le moustique" page 79).

Schéma systémique : représentation montrant le fonctionnement d'un système. Ce type est plus complexe, avec un aspect dynamique (par exemple l’ensemble du schéma "systèmes de fortes densités dans les montagnes africaines").

Les étapes de la construction d'un schéma fléché :1) Sélectionner l'information : trier l'essentiel de l'accessoire en fonction de l'objectif recherché

(ce que l'on essaye d'expliquer). Il faut donc commencer par dégager des unités d'informations pertinentes.

2) Organiser l'information : classer l'information retenue, la hiérarchiser selon son importance ou le rôle qu'on lui assigne, en distinguant soigneusement facteurs explicatifs (causes) et conséquences …. tout en sachant que, dans de nombreux cas, une cause peut être une conséquence et vice-versa.

3) Choisir un type de schéma.4) Choisir les éléments de représentation : figures géométriques, flèches (pour indiquer le sens

des relations), taille, couleur, …5) Réaliser la figure proprement dite, ce qui nécessite souvent plusieurs essais pour obtenir un

document pertinent et qui reste compréhensible sans texte à l'appui.

Retournons au cas de l’Afrique :

Il s’agit d’un schéma systémique avec deux sous-schémas linéaires (relief et zone refuge).

L’explication du peuplement en altitude en Afrique s’explique par de nombreux facteurs (environnementaux et socio-culturels) se renforçant les uns les autres.

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5.2. Les limites du peuplement : les marges de l’oekoumène

Introduction (rappel)

Les marges de l’oekumène sont les zones dont la densité est inférieure à 1 habitant/km².Ces zones ne sont donc pas complètement vides (1 à 2% de la pop. mondiale) et elles représentent 30 à 40% des terres émergées.

Les vides du peuplementIl existe quatre différents types de vide :

Les déserts blancs Ils sont localisés dans le nord de l’Eurasie et de l’Amérique, en Scandinavie, en Sibérie et dans les îles de l’Arctique. Ils sont caractérisés par une présence humaine des plus discrètes.Ces déserts froids s’étendent sur 20 millions de km² (13% des terres émergées) et comptent moins de 10 millions d’habitants (densité moyenne : 0,5 hab/km²).On y retrouve deux formes dominantes d’occupation : de grandes agglomérations (en Russie : Mourmansk (600.000 hab), Arkhangelsk (500.000 hab) ou de petits noyaux de 100 à 1.000 habitants séparés par de vastes étendues vides.

Les déserts secs Ils sont localisés dans la diagonale aride de l’Eurasie (du Sahara occidental au désert de Gobi), en Afrique subsaharienne (le Kalahari, désert du Namib), en Amérique latine (désert d’Atacama) et en Australie (grand désert de Victoria).Ils se caractérisent par une présence humaine plus affirmée. Ils s’étendent sur 15 millions de km² (10% des terres émergées) et comptent près de 100 millions d’habitants (densité moyenne : 5 hab /km²). Attention : sur les 100 millions d’habitants, 80 millions sont concentré dans les vallées du Nil, du Tigre et de l’Euphrate.

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Les déserts verts Il s’agit des milieux forestiers tropicaux humides et équatoriaux. Ils s’étendent sur 18 millions de km² (12 % des terres émergées) et ont une densité assez modeste (1 à 2 hab/km² en Amazonie, 1 à 10 dans la forêt équatoriale d’Afrique).

Les déserts d’altitude Il s’agit des parties moyennes à élevées des massifs montagneux à travers le monde.

Les contraintes environnementalesAu sein de ces vides de peuplement, on retrouve des conditions physiques difficiles qui empêchent ou limitent fortement l’agriculture (et donc le développement humain).

Dans les déserts froids, il y a des conditions physiques extrêmes. Le froid est presque permanent (moins de 150 jours sans gel par an). Le permafrost empêche les cultures ou le dégel périodique de la couche superficielle du sol entrainent une production alimentaire endogène très limitée. L’agriculture n’est pas possible partout, les ressources sont en outre limitées. Pour les parties les plus au nord, les ressources proviennent de la biomasse de la mer et des grands lacs (poissons, phoques, …). Pour les zones plus au sud, les lichens et herbes rases permettent la survie de grands mammifères qui sont alors chassés ou élevés extensivement par l’homme.

Les déserts secs se caractérisent par l’aridité du sol (précipitations inférieures à 300mm/ an, seuil nécessaire pour l’agriculture). Le sol a également une évapotranspiration potentielle (ETP) trop faible. Une agriculture pluviale est dès lors trop aléatoire ou impossible.Dans de telles zones, la formations de noyaux sédentaires est inconcevable sans un apport complémentaires d’eau (nappes souterraines, cours d’eau allogènes (prenant source ailleurs)).

Dans les déserts verts, on trouve une double contrainte : La forêt dense complique la maîtrise du territoire

lorsque les moyens techniques sont rudimentaires. Médiocrité des conditions sanitaires : la chaleur

humide favorise l’entretien d’éléments pathogènes transmis notamment par les moustiques (paludisme, fièvre jaune, maladie du sommeil, …).

La répartition des cas de fièvre jaune (30.000 décès/an), de paludisme (1.000.000 décès/an) et de trypanosomiase africaine, couramment appelée maladie du sommeil (50.000 à 70.000 nouveaux cas par an), montre bien que les déserts vert et secs sont les plus touchés.

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Dans les déserts d’altitude, la principale contrainte est le froid qui ne permet pas la pratique de l’agriculture. En effet, la température chute de 6° pour 1000m.Chaque région a sa propre limite au-delà de laquelle l’agriculture n’est plus possible :

300 m en Islande2.000 m dans les Alpes4.000 m dans l’Himalaya

D’autres contraintes viennent s’ajouter au froid, notamment la pente (nécessite des aménagements en terrasse pour les cultures) et l’isolement (pas d’apport de l’extérieur).

À l’origine, ces vides de peuplement étaient occupé par des populations éparses (se déplaçant pour trouver des ressources), souvent mobiles, formées de chasseurs-cueilleurs / pêcheurs ou éleveurs.On retrouve tout de même quelques noyaux sédentaires (oasis du Sahara, vallées des fleuves allogènes,…).

Des espaces devenus « stratégiques »Certains de ces déserts sont devenus des lieux stratégiques sous l’impulsion de différents facteurs :

Pour l’importance des ressources énergétiques et minérales (puits de pétrole dans les déserts)

Pour leur potentiel d’extension des espaces agricoles, notamment en défrichant les déserts verts ou en fertilisant le sol des déserts arides (comme le fait actuellement l’Arabie Saoudite).

Pour le potentiel touristique (excursions en traineau dans les déserts blancs, trekking dans les déserts arides,…).

Pour contrôler des portions de territoires (accès à la mer ou à d’autres pays pour le commerce). Au Brésil par exemple, le gouvernement s’implante activement en Amazonie pour affirmer cette portion de territoire comme étant la leur et éviter ainsi que les pays voisins ne s’y installent. En Mauritanie, des portions de désert sont fortement gardée par les autorités car on pourrait y construire un pipe-line.

Cette prise d’importance de certains territoires jusque-là laissé à l’abandon implique de nouvelles formes de peuplement, notamment en Arctique.

Durant la Guerre Froide, le contrôle de l’océan arctique était primordial (situé entre les USA et l’URSS) ce qui provoqua la construction de bases militaires. En outre, lorsque le prix du pétrole augmenta, on y construisit des plateformes pétrolières offshores (avant ce n’était pas rentable par rapport au prix du pétrole) mais aussi des complexes miniers et des agglomérations industrielles.

Ainsi, dans les années ’30, l’URSS construisit la ville de Norilsk pour l’extraction et le traitement du nickel. La ville compte 230.000 habitants vivant à une température moyenne de -40°.On remarque l’architecture ‘stalinienne’ visant à marquer l’empreinte russe sur ce territoire.

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Cette ‘colonisation’ de l’Arctique dut faire face à une importante difficulté : assurer à le renouvellement de la main-d’œuvre. En effet, la précarité des conditions de vie (plus d’homme que de femme, pas de divertissement,…) et les difficultés physiologiques d’adaptation à ce milieu (peu de clarté par jour, froid,…) limitent le nombre de volontaires.Deux solutions ont été envisagées : l’incitation (primes, hauts salaires,…) et les recrutements forcés (Goulag soviétique).

Autre difficulté, le réchauffement climatique est fort perceptible dans l’océan arctique.Or, la fonte du permafrost (rose clair : années 2000 ; rose foncé : années 2100) risque d’endommager les infrastructures, ce qui limite le peuplement à grande échelle de cette zone.

Toutefois, la fonte de la banquise (bleu clair : années 2000 ; bleu foncé : années 2090) va ouvrir l’océan arctique et tracé de nouvelles voies maritimes (nouvelles opportunités de développement de cette zone). Cette ouverture va complétement changer la géopolitique de l’Arctique.

Cette perturbation de la géopolitique soulève deux questions :

Quels pays auront une juridiction sur ces terres nouvelles ?

Quels droits auront les organismes non-étatiques (compagnies pétrolières,…) et les autochtones vivant sur ces terres ?

Ces schéma n’est pas à connaitre, il met juste en avant les nouvelles opportunités issues de l’ouverture de l’Arctique ainsi que les causes globales (accroissement de la démographie, progrès technologique, augmentation des échanges à la suite de la mondialisation,…) et les causes régionales (vulnérabilité de l’environnement, ressources,…) précipitant la prise d’importance de cette région.

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Des espaces qui restent difficiles à maitriserMalgré les progrès technologiques, ces marges de l’oekumène restent difficiles à coloniser tant la nature y est difficile à maitriser. Le cas de Fordlandia illustre parfaitement cette difficulté.

Vers 1920, la majeure partie de la production mondiale de caoutchouc est contrôlée par les Britanniques (Malaisie, Ceylan). Henry Ford, fondateur de la marque du même nom, cherche à s’affranchir des plantations anglaises (éloignées de 20.000 km) pour la construction de ses pneus.

En 1927, il achète une concession de 25.000 km² en Amazonie (environ la surface de la Belgique) pour y cultiver des hévéas (arbre fournissant le caoutchouc).Il y aménage une ville entière avec des centaines de pavillons, des écoles, des églises, des cinémas … et usines pour la fabrication des pneus.

Son projet tourna au désastre. Non seulement le sol était de qualité médiocre, les pluies insuffisantes et le terrain trop long à fertiliser (10km²/an), un champignon (« la rouille sudaméricaine ») vint détruire l’ensemble de ses plantations.Ce champignon ne fait pas trop de dégat lorsque les hévéas poussent de manière naturelle dans la région puisque ceux-ci ont une densité assez faible et le champignon ne sait donc pas voyager. Dans les cultures, les arbres étant côte à côte, l’ensemble de la production est touchée.

Ford fut donc contraint d’abandonner son projet, revendit ses terres au gouvernement et l’ensemble est maintenant laissé à l’abandon.

5.3. Aux sources des continents humains

Introduction (rappel)

La formation des trois principaux foyers de peuplement commence avant le début de l’ère chrétienne.

1 point = 1 million d’habitant

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La Révolution néolithique : un tournant dans l’histoire de l’humanitéLa Révolution néolithique se caractérise par le passage d’une économie fondée sur la chasse, la pêche et/ou la cueillette à une économie fondée sur l’agriculture et l’élevage. En résulte une forte augmentation de la production alimentaire par unité de surface (rendement) qui a pour effet de :

Faire une forte poussée démographique. Former des premières concentrations significatives de population.

Moyen-Orient : densités de 1 hab/20 à 40 km² chez les chasseurs/cueilleurs ; de 2 à 5 hab/km² pour les premières formes d'agriculture pluviale.

Mise en place des premiers contrastes du peuplement : économies pré-agricoles (densités < à 1 hab/km²) vs économies agricoles (densités > 1 hab/ km²).

En outre, la Révolution néolithique amène à la formation d'un surplus alimentaire qui permet une division du travail (chacun ne cultive plus pour soi uniquement), l’apparition des premiers établissements urbains (lieu de concentration des commerçants, artisans,… vivant sur le surplus) et des premières structures étatiques (la création de gouvernement est nécessaire pour le partage du surplus).

Comment expliquer que l’humanité se soit tournée vers l’agriculture vers 8.000 BC ? Remarques préalables :

Cette transition sera « pénible » : par rapport aux chasseurs-cueilleurs, les premiers agriculteurs avaient des journées de travail plus lourdes et étaient plus petits, moins bien nourris, souffraient de maladies plus graves et mouraient plus jeunes.

Ce fut une transition progressive (sur plusieurs centaines d’années). Longtemps, les techniques de chasse –cueillette et d’agriculture ont coexistées pendant longtemps.La première forme d’agriculture est en effet une forme de cueillette perfectionnée (prélèvement et plantation de bouts de plantes en croissance) ou semis "accidentels" sur les lieux d'égrenage et de préparation culinaire (une graine tombe à l’endroit où on prépare à manger et quelques mois plus tard une plante pousse).

On retrouve trois foyers de la Révolution néolithique : le Croissant fertile (vers 8.000 BC), le Mexique central (vers 7.000 BC) et la Chine du nord (vers 4.800 BC).

Ces foyers vont rayonner, ils vont s’étendre petit à petit.C’est au sein de ceux-ci que l’agriculture va naitre et se diffuser.

Vers 10.000 BC, dans le Croissant fertile, a lieu un réchauffement climatique qui va augmenter les disponibilités en céréales sauvages (passage d’une steppe froide à une plaine savanée) et diminuer le nombre de gros gibier ce qui provoque le passage de la chasse à l’exploitation de céréales sauvages (cueillette, pas encore de culture).Ce passage à la cueillette va augmenter la population et pousser à la sédentarisation.

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Cette sédentarisation va aboutir à la création de village disposant d’un territoire de prélèvement des ressources (un général à un jour de marche du village). Si la population augmente, les ressources diminuent (limite environnementale au peuplement) ce qui pousse soit à une surexploitation de la zone de prédation (au sens large, pas uniquement des animaux) soit à une augmentation de la zone de prédation. Plusieurs solutions sont alors possibles pour retrouver un équilibre: une augmentation de la mortalité (famine), une diminution de la fécondité (moins de naissance), une émigration vers un territoire inoccupé ou le développement d’un nouveau mode d’exploitation du milieu. Entre ces quatre solutions (3 démographiques, 1 technique), l’humanité va se porter vers l’innovation technique, marquant ainsi l’apparition de l’agriculture.

Remarque : ce schéma peut être mis en relation avec la situation actuelle. Nous sommes aujourd’hui confronté aux limites environnementales d’ la planète (et non plus du village). Les mêmes solutions s’offrent donc à nous.

Ce passage à l’agriculture ne put se faire qu’en remplissant certaines conditions : Apparition des innovations techniques nécessaires à la production alimentaire

Par exemple, face à la nouvelle abondance de céréales sauvages, mise au point de méthodes et outils pour récolter les grains (faux à lame de silex), transporter les récoltes (paniers), traiter les grains (meules, mortiers, pilons) et stocker les grains (puits de stockage).En parallèle, on va passer de la hache en pierre taillée à la hache en pierre polie (moins fragile, pouvant être réaiguisée et donc très utile pour les défrichements).

Émergence d'une protoagriculture : les semis "accidentels" (voir plus haut). Apparition de nouvelles formes d'organisation sociale qui permettront à terme de :

o Soustraire à la consommation immédiate une part importante de la récolte annuelle, pour la réserver comme semence.

o Soustraire à l'abattage assez d'animaux reproducteurs et de jeunes en croissance pour permettre au troupeau de se renouveler.

o Préserver les champs ensemencés par un groupe du droit de "cueillette" jusque-là reconnu aux autres groupes.

o Assurer la répartition des fruits du travail agricole entre les producteurs-consommateurs de chaque groupe, au quotidien mais aussi lors de la disparition des ainés et lors de la subdivision d'un groupe devenu trop large en plusieurs groupes plus restreints.

Une coupure radicale se produisit entre les sociétés de chasseurs-cueilleurs et les sociétés d'agriculteurs/éleveurs.La sédentarisation permettait une réduction de l’intervalle entre naissances (pas nécessaire que les jeunes enfants sachent marcher pour avoir un nouvel enfant) et apportait la possibilité de stocker des excédents alimentaires.La domestication de certains animaux apportait quant à elle une disponibilité plus grande en protéines animales (lait), la production de fumier utilisé pour reconstituer la fertilité des sols ou comme combustible, la mobilisation des plus gros animaux domestiques (vaches, chevaux, buffles, ..) pour les travaux agricoles et les transports.En outre, les sociétés agricoles avaient un avantages militaires des sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Leur surplus agricole permettait de nourrir des soldats de métier, elles pouvaient utiliser des animaux aux guerres (transport des troupes, du matériel) et étaient plus résistantes aux germes hérités des animaux domestiques.

Le passage de la chasse à l’agriculture, avec toutes les conséquences que cela implique, est donc bien un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité.

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Différenciation des techniques agricolesL’installation des cultures au néolithiques se fait d’abord sur des zones étroites, des espèces de jardins proches des habitations (défrichés et fertilisés par les déchets domestiques) et sur des terrains fraîchement alluvionnés par les crues des rivières. Lorsque les activités de culture et d'élevage prirent de l'ampleur, on assiste à une extension des zones cultivées aux formations boisées et herbeuses avoisinantes.

Les premiers agriculteurs disposaient soit de haches de pierre polie soit de bâtons fouisseurs.Les haches sont assez efficaces pour couper arbres et arbustes. Dès lors, les populations qui en disposent se sont répandues dans les régions boisées et développent les cultures sur abattis-brûlis.Les populations disposant de bâtons fouisseurs, peu efficaces pour défricher le tapis herbacé dense d'une prairie, d'une savane ou d'une steppe, ont développé surtout l'élevage (systèmes pastoraux)

Les systèmes de culture sur abattis-brulis : Ces systèmes se retrouvent dans des milieux boisés variés : haute futaie, taillis, fourré arbustif, savane boisée,… Ils sont encore utilisés en Amazonie.

Les terrains sont préalablement défrichés par essartage : on abat les arbres et on les brule mais les souches ne sont pas déracinées. Les cendres amenées par le brulis fertilisent le sol, qui peut alors être cultivé pendant une, deux ou trois années, puis abandonnés à la friche boisée durant une ou plusieurs décennies (le temps que des arbres repoussent) avant d'être à nouveau défrichées et cultivées.

Entre 8.000 et 3.000 BC, à lieu une extension milieux boisés cultivables. Cette extension part des principaux foyers de la révolution néolithique et est rythmée par la croissance démographique. En effet, lorsque la population du village devient trop importante par rapport à la capacité du milieu, la durée de rotation des cultures diminue et les rendements décroissent alors.Une fraction de la population commence à défricher et mettre en culture de nouvelles terres plus fertiles, dans la forêt vierge proche, au-delà du front pionnier (progression de +/- 1km par an). Ceci explique le rayonnement de la Révolution néolithique.

De l'abattis-brulis au déboisement : A terme, le mouvement pionnier des cultures sur abattis-brûlis se heurte nécessairement à une frontière infranchissable (naturelle ou politique). Dès lors, si la population continue d'augmenter, le surplus de la population ne peut plus être absorbé par le processus de migration vers de nouvelles zones cultivables.Cette augmentation de la densité de population provoque une augmentation de la superficie défrichée chaque année (friches de plus en plus jeunes sont abattues) ce qui fait chuter le rendement des rendements.Finalement, on va pratiquer de plus en plus la "coupe à blanc", qui consiste à couper la totalité des arbres d'une parcelle, à les dessoucher et à procéder au nettoyage systématique du sol, ce qui

aboutit à un déboisement.

Du déboisement aux systèmes agraires post-forestiers : A partir de 3.000 BC, le processus de déboisement touche peu à peu la plupart des milieux anciennement boisés de la planète. Il s’agit du plus grand bouleversement écologique de l'histoire :

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La destruction des mégatonnes de biomasse, de réserves d'eau et d'humus.Le déboisement créé des conditions écologiques inédites qui ouvrent la voie à toute une gamme de systèmes agraires post-forestiers très différenciés. Cette différenciation qui s'exprime dans les outils utilisés, les modes de défrichement et de renouvellement de la fertilité, les modes de conduite des cultures et des élevages,…Elle résulte également des interactions complexes entre caractéristiques de l'environnement

physique (agriculture inondée en Asie, jachère en Europe,…) et de l'organisation sociale.

Techniques agricoles et densités de populationLa différenciation des techniques agricoles produit toute une gamme de densités de population différentes.

Du point de vue théorique : Si la production est autoconsommée ou distribuée dans une aire restreinte :

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On remarque de grandes différences de densité entre les cultures itinérantes sur brulis (4 hab/km²) et les cultures semestrielles de riz (264 hab/km²).

Du point de vue pratique : Au 16e siècle, on rencontre dans le Monde les situations suivantes :

Quelques hab/km² pour l’agriculture itinérante (savanes de l'Afrique occidentale, basses terres d'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud).

+/- 10 hab/km² pour l’agriculture à jachères courtes (hautes terres de l'Afrique de l'Ouest, Andes, Mexique).

De 10 à 50 hab/km² pour l’agriculture à rotation biennale ou triennale et culture attelée (bassin méditerranéen et majeure partie de l'Europe).

+/- 100 hab/km² pour l’agriculture pluviale permanente (Flandre, Toscane, Lombardie). De 200 à 300 hab/km² pour l’agriculture irriguée (plaine indo-gangétique, golfe du Bengale,

Chine du Sud, plaines du Japon, Java et deltas de l'Asie du Sud-Est).Ces chiffres correspondent au chiffre obtenus par les calculs théoriques.

Explication du lien entre technique agricole et production : Ce lien entre technique agricole et densité de population tient au faite qu’il s’agisse d’une relation systémique : l’amélioration des techniques agricoles autorise une augmentation de la population ; la croissance de la population oblige ou favorise une amélioration des structures agraires.

En outre, le progrès agricole est stimulé par différents facteurs. De fait, lorsque les excédents productifs (surplus) augmentent, on assiste une spécialisation croissante du travail, une multiplication des échanges, un renforcement des structures d'encadrement politique et une augmentation du nombre et de la taille des villes.En retour, ces transformations stimulent le progrès technique, notamment en matière agricole.

La formation des continents humains : l’exemple de l’Inde (F. Durand-Dastès)Les rendements très élevés et la productivité (rendement par travailleur) très faible des rizicultures permettent de fortes densités de population qui vont ensuite contribuer au maintien, voire au développement des rizicultures.

De plus, les rendements élevés de la riziculture apportent un surplus important. Celui-ci rend possible l'urbanisation et la formation d‘États relativement centralisés.Or, dans un État centralisé, on a une mobilisation de la force de travail et l’organisation d'aménagements lourds, ce qui favorise le développement de la riziculture.Cerise sur le gâteau, un État organisé a la capacité de régler les conflits à l'intérieur de ses frontières (paix favorables à la croissance de la population).

On a donc une double boucle de rétroaction dans ce schéma circulaire.

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5.4. Les archipels de peuplement : formes anciennes, formes nouvelles

Introduction (rappel)Il existe un contraste marqué entre les quelques rares foyers secondaires actuels de peuplement qui se dessinent déjà au début de notre ère (plateaux du Mexique central, Afrique occidentale,…) et les archipels de peuplement nés à partir du 16e siècle (Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Afrique subsaharienne et en Océanie).

Cette partie est une analyse de la formation des archipels de peuplement en relation avec le déploiement de l'économie-monde européenne.

Le déploiement de l’économie monde européenneL'économie-monde est un concept central dans les travaux de F. Braudel. Il la définit ainsi :"Un morceau de la planète économiquement autonome, capable pour l'essentiel de se suffire à lui-même et auquel ses liaisons et ses échanges intérieurs confèrent une certaine unité organique."

L’économie-monde est donc une formation socio-spatiale qui : Est économiquement autonome. Tire sa cohérence de ses échanges internes. Est constituée d'espaces politiques et culturels différents, qu'elle englobe. Est délimité dans sa taille par le temps de déplacement de ses occupants, des objets et des

communications. Dont les limites se trouvent là ou commence une autre économie du même type, limites qui

prennent souvent la forme de barrières naturelles, difficile à franchir.

Elle présente également une structure caractéristique : Autour d’un centre qui tend à accumuler richesse, pouvoir, savoir et culture s’échelonne une

hiérarchie de zones périphériques de moins en moins développées au fur et à mesure où l’on s’éloigne du centre.

Des relations asymétriques entre centre et périphérie : les espaces politiques et culturels de la périphérie sont dominés (militairement, économiquement, juridiquement ou politiquement) par le centre.

Au cœur du centre de l'économie-monde : un pôle, représenté par une ville dominante (par exemple Rome durant l’Empire romain ; actuellement la mégalopole européenne).

L’économie-monde se forge au 16e siècle à la suite de l’expansion commerciale et coloniale des pays européens. L'Europe occidentale parvient alors à constituer autour d’elle et à son bénéfice une économie-monde qui deviendra planétaire au 20e siècle.

Cette hégémonie européenne ne put se faire que parce que la Chine ne poursuivit pas cette entreprise. En effet, entre 1405 et 1433 (avant même les Grandes découvertes), l’amiral chinois Zheng He entrepris de multiples expéditions maritimes pour le compte de l’empereur Yongle.Ces expéditions furent toutefois brutalement interrompue par le successeur de ce dernier, Hongxi. Celui-ci estimait que ces expéditions menaçaient la stabilité de la pyramide politique chinoise (émergence d’une classe marchande).Cet arrêt brutal laissa le champ libre à l’Europe.

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Moment majeur du déploiement de l’économie-monde européenne, la capture de l’Amérique permis à l’Europe de devenir maitre des océans.Dès le 16e siècle, un afflux de métaux précieux en provenance d’Amérique va doper l’économie européenne en augmenter considérablement la disponibilité des liquidités. On assiste alors à une lente mais inéluctable monétarisation des rapports sociaux et à un renforcement compétitif des Etats ouverts sur l’Atlantique (chacun veut sa part).A partir du 18e siècle, les réserves de terres du Nouveau Monde, en particulier aux Etats-Unis, permettent (avec les gisements de charbon) à l'Angleterre puis à l'Europe occidentale de faire sauter les limites environnementales à la croissance. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’allouer des centaines de milliers d’hectares à la plantation de coton en Angleterre puisque les USA en fournissent suffisamment pour la population. Ces terres peuvent dès lors être utilisées pour autre chose.

Du 16e au 18e siècle (orange foncé), le déploiement européen se limite à l’Asie et à l’Afrique. Cette vague se caractérise par des points d’appui sur les littoraux et une influence économique croissante. Cette influence économique est due d’une part à l’implantation de plantations (souvent esclavagistes) qui permettent de cultiver des aliments que l’on ne trouve pas en Europe (épices, cacao, thé, café,…) et d’autre part par des échanges commerciaux accrus, notamment avec la Chine.

A partir de la fin du 18e siècle (orange clair), on assiste une expansion très rapide.Cette expansion se fait d'abord par l'intermédiaire des compagnies commerciales de colonisation (Compagnies des Indes hollandaises, britanniques ou françaises), ensuite par le biais des Etats-Nations, avec la mise en place d'empires coloniaux.

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L'organisation économique de la périphérie par le centre : des logiques de prédationOn distingue trois voies distinctes pour augmenter les revenus tirés des colonies par les puissances coloniales :

Organisation de l'exploitation des ressources les plus précieuses (diamants, or, argent) qui répondent aux besoins de liquidité des Etats.

Organisation et contrôle des commerces les plus lucratifs par l’établissement de comptoirs où les ressortissants de la métropole disposent d'un monopole pour échanger tissus, armes et alcool contre des produits à forte valeur ajoutée (épices, soie, fourrures).

Organisation d'une colonisation agricole, par concession des terres aux ressortissants, souvent peu nombreux, de la métropole. En résulte des cultures de plantation, reposant sur l'exploitation sans merci d'une vaste main-d’œuvre réduite en esclavage.

Le déploiement européen se fait bien dans les zones disposant des matières premières ou des avantages environnementaux les plus importants.

Le paradoxe territorial de la colonisation : Si les cartes officielles montrent parfois d'immenses territoires, la réalité coloniale est ponctuelle : quelques mines, quelques comptoirs, quelques plantations, sauf dans les colonies de peuplement rural et paysan (USA).

Conséquence sur le peuplement de la planèteCette polarisation du monde par l’Europe selon une logique de prédation (de captation des richesses) aura des conséquences importantes sur le peuplement de la planète.

La débâcle démographique des Amérindiens :Entre 1492 et 1650, les pertes au sein des Amérindiens ont été de l'ordre de 80%. Sur une population initiale de 40 millions de personnes, seule 8 millions on survécut.Au Mexique, la population est passée de 15–20 millions à 1,2 millions entre 1500 et 1600.Elle ne retrouvera son niveau démographique de 1500 qu’au 20e siècle.

Cette débâcle démographique est sans précédent dans l’histoire de l’Humanité. Elle fut provoquée par la conjonction de plusieurs facteurs :

Supériorité dans l’armement des européens (les civilisations précolombiennes ne connaissent pas le fer et donc par les armes à feu)

Causes psychologiques et religieuses : l’irruption de l’inconnu est vécue comme un choc par les indiens

Ravages des maladies infectieuses européennes dans des populations qui, suite à leur isolement, n’avaient pas de défenses immunitaires

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Des migrations de grande ampleur : Du 16e à la fin du 18e siècle, à lieu la traite négrière. Il s’agit d’une migration forcée, violente et massive.

Selon la "Trans-Atlantic Slave Trade Database", entre 1500 et 1866 : 12,5 millions d’esclaves sont embarqués sur les côtes africaines 10,7 millions d’esclaves sont débarqués, quasi exclusivement sur le continent américain

La différence entre les deux chiffres sont ceux morts durant la traversée.

Cette migration forcée est nettement plus importante que la traite "arabe" ou "orientale", du moins à l'époque.

Elle est également nettement plus importante que les migrations volontaires (en orange), du moins entre 1500 et 1800.

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L’impact de la traite négrière est toutefois controversé sur le volume et la répartition spatiale de la population de l'Afrique sub-saharienne.À propos du volume de la population, les plus pessimistes voient la traite comme le facteur déclencheur d'un effondrement de civilisation (chaos politique, guerres, désorganisation sociale, famines, épidémies,…) comparable à celui qu'a entraîné chez les peuples amérindiens la conquête des Amériques (la population africaine en 1850 serait la moitié de ce qu’elle aurait été si sa croissance naturelle n’avait pas été amputée par la traite). Pour les moins pessimistes, si l’exportation des esclaves a freiné la croissance de la population africaine, elle n'a pas provoqué de régression démographique.À propose de la répartition spatiale de la population, on constate une diminution des densités dans les zones intérieures (où se déroulait la majorité des rapts) et un renforcement, du moins relatif, des densités dans les zones littorales.

Dans tous les cas, la traite négrière aura eu un impact manifeste sur le volume et la composition de la population de l'Amérique.Elle a agi comme une contribution substantielle au peuplement de l'Amérique coloniale : +/- 10 millions d'esclaves arrivés pour une population totale qui est passée de 13 à 21 millions entre 1600 et 1800 (la moitié de la population est donc issue de la traite).Cette présence est encore marquée dans la population américaine. 84% de la population en République Dominicaine descend d’esclaves, 62 % à Cuba, 46% au Brésil, 26% en Colombie, 14% au Panama, 12% aux Etats-Unis, 10% au Venezuela, ….

Au 19e siècle, commence une période de migrations massives des Européens vers les pays neufs et les territoires coloniaux (cf. Titanic).Cette migration est due à la paupérisation d'une partie de la population rurale, à une période de transition démographique (passage de taux de mortalité et de natalité élevé à faible) et à la croissance urbaine (provoquant un exode rural).

Il s’agit majoritairement de migrations définitives, dites de peuplement. Elles sont massives et définitives puisque l’offre de terres est illimitée, il y a une abondance d'emplois salariés bien rémunérés et les transports longue distance lents et coûteux (difficile de revenir dans son pays natal).En résulte des flux considérables : 55 millions d’européens quittent le Vieux continent entre 1846 et1924 (20% de la population de l’Europe de 1850).

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Logiques spatiales de l'économie coloniale : Cf. paradoxe territorial de la colonisation (p. 90) : faute d'hommes et de moyens, la métropole n'arrive pas vraiment à tenir les territoires et à les organiser de manière cohérente. En résulte une localisation ponctuelle des implantations européennes.

D’autre part, l’organisation économique (exploitation minière, traite coloniale, économie de plantation) ne donne lieu qu'à des aménagements réduits (quelques routes, plus tard une étroite voie de chemin de fer, de petits ports), conçus selon une logique prédatrice (pour pomper les richesses et les envoyer à la métropole). Apparaissent alors des réseaux en entonnoir qui convergent vers les villes portuaires (où se concentre dès lors la population), ce qui pose les bases du peuplement littoral des archipels de peuplement.

Une exception majeure : les Etats-Unis (répartition actuelle de la population dans tout le pays, pas uniquement sur les côtes).

Examen (cf. exemples d’examen) : Vrai/faux à point négatif (pure restitution) Un schéma cartographique (ne pas oublier des crayons de couleur pour la légende) Un schéma systémique

Par exemple, parler du processus (contexte et raisons) poussant Nike à s’implanter en Asie (barrières douanières, transports bons marchés, concurrence des états,…).

Analyse et commentaire de carte(s) (vues ou non)Par exemple une carte dont il faut retrouver le titre parmi 5 propositions et une question d’analyse par rapport à cette carte (question ouverte).

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