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MAB UNESCO BOURSE JEUNES CHERCHEURS

Gestion des conflits de conservation dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari, Nord Bénin.

MSc. Martial Kiki

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Table des matières

Liste des figures ...................................................................................................................................... 2

Liste des tableaux .................................................................................................................................... 2

Sigles et Acronymes ................................................................................................................................ 2

Résumé ................................................................................................................................................... 3

Abstract ................................................................................................................................................... 4

Introduction ............................................................................................................................................. 5

1. Méthodologie ..................................................................................................................................... 6

1.1. Milieu d’étude ............................................................................................................................... 6

1.2. Inventaire des dégâts dans les unités d’échantillonnages ............................................................... 8

1.3. Evaluation de l’efficacité des méthodes utilisées ........................................................................... 9

1.4. Analyse des données ..................................................................................................................... 9

2. Résultats ........................................................................................................................................... 10

2.1. Etendues des dégâts sur les cultures dans la Réserve de Biosphere de la Pendjari ....................... 10

2.2. Animaux autres que les éléphants ................................................................................................ 12

2.3. Efficacité des méthodes traditionnelles préventives ..................................................................... 13

2.4. Relations existantes entre la présence d’autres espèces végétales endommagées par les éléphants, la destruction des cultures et la conservation de la faune ................................................................... 14

3. Discussion......................................................................................................................................... 16

3.1. Origine des conflits dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari ................................................ 16

3.2. Consommation des cultures vivrières par les animaux sauvages .................................................. 17

3.3. Evaluation de l’efficacité des techniques traditionnelles de dissuasion ........................................ 17

Conclusion et implication sur la conservation de la faune....................................................................... 19

Remerciements ...................................................................................................................................... 20

Références bibliographiques .................................................................................................................. 21

Annexes : Quelques photos prises.......................................................................................................... 24

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Liste des figures

Figure 1. Carte de la Réserve de Biosphère de la Pendjari. ....................................................................... 8

Figure 2. Cultures les plus affectées sur l’axe Tang-Batia ...................................................................... 11

Figure 3. Cultures les plus affectées sur l’axe Tang-Porga ...................................................................... 11

Figure 4. Autres animaux qui s’intéressent aux semences cultivées dans les champs .............................. 12

Figure 5. Etendue des dégâts enregistrés dans différents mois de l’année. .............................................. 15

Sigles et Acronymes AVIGREF : Association Villageoise de Gestion des Réserves de Faune

CENAGREF : Centre National de Gestion des Réserves de Faune HWC : Human-Wildlife Conflicts MAB : Man and Biosphere

RBP : Réserve de Biosphère de la Pendjari

χ² : chi-squared

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Résumé

La conservation de la faune dépend de plusieurs facteurs dont la gestion des conflits hommes faunes. Dans la plupart des parcs et réserves beaucoup d’animaux se retrouvent hors des zones protégées où ils rentrent en conflit avec les communautés riveraines. C’est le cas de la Réserve de Biosphère de la Pendjari. Les carnivores et herbivores de cette réserve sont souvent à la base des déprédations sur les animaux domestiques et les cultures. Notre étude s’est intéressée sur le cas spécifique de la déprédation des cultures dans le but de promouvoir de meilleures solutions durables. A partir des grilles d’échantillonnages et des entretiens avec les populations locales, nous avions enregistré des données sur les types de cultures, leur stade phénologique, les traces des animaux, l’étendue des dégâts, les méthodes traditionnelle de prévention ainsi que leur efficacité. Dans la RBP, les animaux qui s’intéressent aux cultures sont les éléphants, les babouins, les patas, les phacochères, les oiseaux et les vervets. Les pertes de cultures atteignent environ la moitié des surfaces cultivées dans les zones de Batia et un peu moins dans les zones de Porga. Les conflits sont plus accentués dans ces deux villages qui sont plus proches de la réserve ainsi que leurs proches voisins tels que Sangou et Tanongou. Les principales cultures qui intéressent les animaux sont par ordre d’importance le sorgho, le maïs et le coton. Les autres cultures sont moins affectées. La surveillance des champs en association avec d’autres méthodes traditionnelles de prévention est la méthode la plus adoptée bien qu’elle connaisse des limites liées à des facteurs naturels et environnementaux. La fréquentation des cultures s’intensifie vers la fin de la saison des pluies dans les mois de septembre, octobre et novembre où certaines cultures sont prêtes pour la récolte. Il n’est pas nécessaire d’abattre où de blessés les animaux qui causent des dégâts sur les cultures car cela ne résout jamais les conflits. Pour une diminution des conflits, les associations de techniques d’atténuations sont recommandées et surtout l’application des mesures durables comme la recherche scientifique, l’installation des clôtures, la conservation communautaire et l’aménagement du territoire.

Mots clés : Faune, conservation, conflit, mesures durables

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Abstract

Wildlife conservation depends on several patterns, including human wildlife conflicts management. In most parks and reserves many wild animals are found outside protected areas where they cause conflict with local communities. This is the case of the Pendjari Biosphere Reserve. Carnivores and herbivores from this reserve are often involved in domestic animals and crops depredations. Our study focused specifically on crop depredation in order to promote the best sustainable mitigation measures. We used sampling grids and interviews with local communities to record data on crop types, their phenology, wildlife evidence in fields, the extent of damage, the traditional deterrence methods and their effectiveness. In PBR, animals involved in crops depredation are elephants, baboons, patas monkeys, warthogs, birds and vervet monkeys. Crop losses reach about half of the cultivated areas in villages around Batia and with less extent around Porga’ villages. Conflicts are higher in both villages as they are closer to the park. The main crops raided by animals are sorghum, maize and cotton. Other crops are less affected. Guard method in combination with other traditional deterrence methods is the most common method used although it fails against the limitations of natural and environmental factors. Crops visitation increase during the end of the rain season in September, October and November when it is harvest time. It is useless to shoot or injured animals that cause damage to crops because it never resolves conflicts. For a decrease of conflict we recommend the combination of mitigation measures as well as the implementation of sustainable measures.

Keyword: wildlife, conservation, conflict, sustainable measures

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Introduction

Les conflits hommes faune (HWC terminologie Anglaise) se produisent sur tous les continents, dans les pays industrialisés comme dans les pays en voix de développement. Ils sont beaucoup plus accentués en Afrique, où les problèmes sont particulièrement fréquents et aigus (FAO, 2009). Les HWC peuvent induire plusieurs conséquences à savoir directes (les blessures et les décès liés au contact avec des animaux sauvages) et indirectes qui se traduit par des pertes de cultures ou de bétail ou des infrastructures endommagées. Une diversité d’espèces animales peut causer des HWC. Les principaux responsables selon FAO (2009) sont les crocodiles, les hippopotames, les éléphants, les lions et les babouins. Toutefois, les grandes concentrations d’espèces de petites tailles comme les oiseaux, les rongeurs ou les insectes peuvent dévaster des récoltes agricoles très rapidement. La destruction des récoltes constitue la forme de conflit humains-faune la plus fréquente sur l’ensemble du continent Africain et celle qui influe le plus négativement sur la sécurité alimentaire au niveau des populations victimes. C’est pour cette raison que cette étude s’est intéressée à l’identification des HWC relatifs aux dégâts sur les cultures dans les villages riverains de la Reserve de Biosphere de la Pendjari (RBP). Nous avions ensuite identifié les techniques traditionnelles de prévention utilisées par les populations locales pour faire face à ces conflits ainsi que leur efficacité.

Les causes des conflits sont multiples. L’une des plus importantes est la compétition pour les habitats et les ressources naturelles disponibles entre la faune et les hommes (Okello, 2005; Kiringe et al., 2007). En effet, en Afrique la population humaine a pratiquement triplé en quatre décennies à partir de 1960. Cette situation a pour conséquence, l’expansion de l’agriculture sur les terres les plus marginales qui constituent pour la plupart les habitats de la faune sauvage, ce qui engendre les HWC (Muruthi, 2005; Tjaronda, 2007). Cette compétition pour les habitats est aggravée aujourd’hui par les changements climatiques qui ne font que renforcer les HWC. Il est donc nécessaire pour chaque pays Africain de disposer d’une base de données sur les HWC qui donnerait une vue générale détaillée de l’impact des conflits sur les communautés locales et aiderait à identifier les zones géographiques les plus exposées aux conflits humains-faune et les espèces le plus souvent impliquées dans ces conflits. Cette mesure permettrait donc une utilisation appropriée des ressources, aiderait à identifier les régions à haut risque et les espèces spécifiques à surveiller. Elle favoriserait aussi les réponses efficaces lors de situations d’urgence (Nyhus et Tilson, 2004). Ce qui constitue l’objectif principal de cette étude.

Au cours de cette étude, une attention particulière a été portée sur les éléphants comme espèces clé dans la régénération des écosystèmes. Des recherches de Bouché et al., (2011) ont montré que l’habitat des éléphants en Afrique de l’ouest a été transformé en zones agro-pastorales. En dépit de leur importance écologique et menace sur leurs populations, les éléphants sont identifiés comme étant l’une des plus grandes menaces sur les cultures des paysans africains. Ils sont

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capables de détruire un champ entier en une seule nuit. Beaucoup d’agriculteurs et spécialistes d’aires protégées sont incapables de gérer le problème particulier des éléphants.

Les objectifs de cette étude ont été de :

- Recenser les dégâts sur les cultures autour de la Réserve de Biosphere de la Pendjari - Evaluer l’efficacité des méthodes de prévention utilisées dans la gestion des pertes de

cultures - Proposer des mesures d’atténuations durables

1. Méthodologie 1.1. Milieu d’étude

La Réserve de Biosphère de la Pendjari est située au Nord de la République du Bénin (10°30′ à 11°30’ N; 0°50′ à 2°00′ E). Elle a été classée comme aire protégée à partir des années 50 avec l’objectif initial de servir de zones de chasse à l’administration coloniale. Son classement en 1986 comme Réserve de Biosphère MAB fait de lui l’une des premières Réserves de Biosphère à l’échelle internationale. Son climat est de type tropical avec une grande saison pluvieuse et une grande saison sêche. La végétation de la Réserve de Biosphère de la Pendjari est caractéristique de la zone soudanienne avec une mosaïque de savanes herbeuses, arbustives, arborées et boisées ainsi que des forêts claires abritant une strate herbacée dominée par les graminées. A ces formations bien réparties sur l’ensemble de la réserve, viennent s’ajouter deux formations strictement limitées à la proximité de la rivière Pendjari : la galerie forestière et la forêt ripicole de Bondjagou, à l’Est du parc. (CENAGREF, 2005). La faune de la RBP représente la plupart des espèces de grands mammifères typiques pour cette région de l’Afrique de l’Ouest. On y retrouve dix (10) différentes espèces d’antilopes ainsi que des espèces déjà disparues ou menacées dans une grande partie de la région, comme l’éléphant, le lion, et des espèces très rare comme le guépard, le léopard et le lycaon. Les phacochères et primates (babouins, patas et vervets) contribuent aussi bien à cette diversité de la grande faune qu’à la destruction des cultures. En ce qui concerne la population elle est répartie en 13 ethnies environ qui se rencontrent autour de la RBP. Les ethnies les plus représentées sur l'axe Tanguiéta-Batia sont les Gulmanceba ou Gourmantché (village de Batia et Tanongou), les Takamba (Pessagou et tchawassaga), les boulba (Nanébou et Bouniessou) tandis qu'on note une certaine homogénéité linguistique sur l'axe Tanguiéta-Porga représentée par les Bialbe (Berba). Les peuhls quant à eux se rencontrent pratiquement dans tous les villages. Ces communautés locales s’organisent en association pour la

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cogestion de la Réserve de Biosphère de la Pendjari. Il s'agit des Associations Villageoises de Gestion des Réserves de Faune (AVIGREF) qui à pour rôle est de :

- sensibiliser les populations sur la nécessité de préserver la faune et son habitat ; - informer les populations riveraines sur la réglementation de la protection de la RBP ; - aider le CENAGREF à assurer les activités de contrôle ; - promouvoir le développement des communautés riveraines à partir de l'exploitation des

ressources naturelles.

L'agriculture demeure la principale source de revenu au niveau des ménages étudiés. Soixante pour cent (60%) du revenu des ménages sont issus des activités agricoles. Les pratiques agricoles demeurent traditionnelles et près de 87% des superficies cultivées le sont à la houe. Les principales cultures vivrières sont le sorgho, le maïs, le mil, et le riz. La principale culture de rente est le coton. Le maraîchage est également pratiqué dans certains villages. Elle concerne les spéculations comme la tomate, le piment, les légumes feuilles, la carotte, le chou, l'oignon, etc. Mais l'agriculture est soumise à un certain nombre de contraintes parmi lesquelles :

- l'insuffisance des terres cultivables notamment sur l'axe Tanguiéta-Batia où les populations sont coincées entre la chaîne de l'Atacora et la RBP, ce qui réduit la durée de la jachère;

- la pauvreté des sols; - la sensibilité des sols à l'érosion provoquée par la déforestation pour les besoins

énergétiques et les feux de végétation; - les pluies irrégulières et insuffisantes; - la déprédation des cultures par la faune principalement les oiseaux, les singes, les

phacochères et les éléphants.

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Figure 1. Carte de la Réserve de Biosphère de la Pendjari.

1.2. Inventaire des dégâts dans les unités d’échantillonnages

Préalablement à l’étude, une enquête exploratoire a été réalisée dans la zone d’étude, pour identifier les animaux qui interviennent dans les conflits, les cultures réalisées dans la zone et les méthodes de dissuasion traditionnelles des conflits. Les données ont été collectées dans les mois d’Aout à Décembre 2012, période au cours de laquelle l’occurrence des raids sur les cultures est élevée. Nous avions par la suite recherché des données antérieures sur les conflits dans la zone car le nombre de raids sur les cultures au cours de la seule période d’études est resté insuffisant pour une meilleure analyse des conflits.

Respectivement, sur les deux axes (Axe Tanguiéta-Porga et axe Tanguiéta-Batia) qui comporte la plus grande zone d’occupations contrôlées où les conflits sont susceptible de se produire, nous avons dans un premier temps installé des grilles d’échantillonnages sur deux transects parallèles dans chaque zone. Les deux transects sont parallèles aux limites du parc avec la zone d’occupation contrôlée réservée aux activités des populations riveraines. Chaque unité d’échantillonnage mesure 1500 m de long sur 500 m de large. Les deux transects parallèles sont séparés par une distance de 2 km. La période de collecte des données qui coïncidait avec la grande saison des pluies dans la zone. Cela n’a pas facilité l’installation des unités d’échantillonnages et la collecte des données car beaucoup d’endroits étaient humide ce qui n’a pas facilité pas les déplacements. Face à cela, nous avons donc recueilli des informations supplémentaires à partir des entretiens et enquêtes auprès de la population locale pour compléter les données de terrains. Au sein de chaque unité d’échantillonnage nous avons enregistré, les

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noms des cultures, leur stade phénologique, les indices de présence ou de passages (directs et indirects) des animaux et également des indices ou toute présence de méthodes traditionnelle de dissuasion. Les superficies totales des champs et les superficies détruites ont été estimées à l’intérieur des unités d’échantillonnage en considérant les formes géométriques régulières qu’ils occupent (carrés, rectangles, triangles, etc.).

1.3. Evaluation de l’efficacité des méthodes utilisées

Dans le but de recommander des méthodes plus efficaces, nous avons examiné et évalué au niveau de chaque zone de culture la stratégie de lutte adoptée par les propriétaires des champs. Les stratégies de lutte sont variées et peuvent être : l’installation des pièges dans les champs, la surveillance ou le gardiennage des champs, la culture de piments comme tampon autour des champs de cultures vivrières, les fusillades en l’air pour faire peur aux animaux, la plantation d’autres cultures non consommables par les animaux autour des cultures, les chiens ou ânes de garde et autres. Pour cette étude, nous avions considérés comme principales cultures adoptées (Maïs, sorgho et coton) 3 champs permanents au niveau de l’unité d’échantillonnage la plus rapprochée des limites du parc. Ces 3 champs ont environ les mêmes superficies pour chaque culture et dans ces champs les méthodes traditionnelles de dissuasion qui sont pratiqués sont la surveillance associés avec d’autres méthodes, avec 3 champs contrôles dans les quels aucune méthode n’est mise en œuvre. Le sorgho a été testé sur l’axe Tang-Porga, le coton sur l’axe Tang-Batia et le maïs sur les deux axes. Ces champs ont été régulièrement suivi durant la période de l’étude et le niveau des dégâts ainsi que la fréquence des raids ont été enregistrées. Les données d’occurrence des animaux dans les champs n’ont pas été nombreuses au cours de la saison et la collecte des données se poursuivra lors de nouvelles saisons agricoles. Aussi, la majorité des paysans dans la zone utilise des méthodes traditionnelles de dissuasion et il n’est pas très facile de rencontrer des champs contrôles où aucune méthode n’est utilisée pour renvoyer les animaux. La méthode de garde est largement pratiquée durant la journée. Les données traitées ont donc beaucoup tenu compte des pertes de cultures rapportées par les propriétaires des champs et aussi la fréquence des raids.

1.4. Analyse des données

Les analyses statistiques ont été réalisés avec le logiciel R. l’étendue des dégâts sur les cultures sur les différents axes a été présenté sous forme de moyenne ± erreur type. Des tests de comparaisons ont été réalisés après vérification des conditions d’application. Nous avons aussi vérifié l’existence de corrélation entre le nombre de personnes se trouvant dans les ménages et

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les superficies totales cultivées. Pour toutes les analyses réalisées la probabilité de significativité a été fixé à p = 0.05.

2. Résultats 2.1.Etendues des dégâts sur les cultures dans la Réserve de Biosphere de la Pendjari

Axe Tanguieta - Batia (Tang-batia)

Sur l’axe Tang-batia, pour toutes les cultures considérées (coton, Igname, Maïs, Mil et Sorgho) le nombre moyen de personnes par ménages est de 11.69 ± 0.93 individus, la surface moyenne cultivée par ménage s’élève à 2.74 ± 0.26 Ha et la surface moyenne détruite est estimée à 1.31 ± 0.13 Ha. Il existe une corrélation entre le nombre de personnes dans le ménage et la superficie totale cultivée (cor = 0.42 ; p = 0.008). Plus le nombre de personnes dans le ménage est élevée plus la superficie cultivée à tendance à s’augmenter. Sur cet axe, le maïs est la culture la plus adoptée et la culture qui intéresse aussi beaucoup les animaux sauvage (voire figure 2) et est suivie du coton, l’igname, le sorgho et le mil. Sur cet axe, presque tout le sorgho, l’igname et le mil cultivés sont dévastés par les animaux. Ceci prouve que ces derniers intéressent aussi bien les animaux autant que le maïs. Bien que la fréquence d’intrusion des animaux dans les champs soit plus élevée dans le village de Batia qui est un village plus proche du parc, les superficies perdues ne varient pas d’un village à un autre sur l’axe Tang-Batia (χ² = 0.8, df = 2, p = 0.67). A part le village de Batia, ce sont les villages de Sangou et de Tanongou qui sont souvent visités par les animaux de la réserve de biosphère. Les principales ethnies de cet axe qui ont fait l’objet de cette étude sont : les Waama (8 %) réparties dans les villages de Tchawassaga et Pessagou (conflits avec les animaux réduits) et les Gourmantché (92 %) dans les villages de Tanongou, Sangou et Batia (conflits plus élevés).

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Figure 2. Cultures les plus affectées sur l’axe Tang-Batia

Axe Tanguiéta – Porga (Tang-Porga)

Sur l’axe Tang-Porga les cultures adoptées par les agriculteurs sont le sorgho, le maïs, le coton, le voandzou et le haricot. On remarque que sur cet axe comparé au premier axe que les superficies cultivées sont moindres et que le sorgho est la première culture suivie du maïs et du haricot (voir figure 3).

Figure 3. Cultures les plus affectées sur l’axe Tang-Porga

0

10

20

30

40

50

60

Sorghum Millet Maize Yam Cotton

Are

a (

Ha

)

Crops

Cultivated

Losses

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

Sorghum Corn Cotton Vouandzou Bean

Are

a (

Ha

)

Crops

Cultivated

Losses

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Le nombre moyen de personnes par ménages est de 10.31 ± 0.83 individus, la surface moyenne cultivée par ménage s’élève à 2.62 ± 0.43 Ha et la surface moyenne détruite est estimée à 0.94 ± 0.11 ha. Il existe également ici une corrélation entre le nombre de personnes dans le ménage et la superficie totale cultivée (cor = 0.55 p = 0.027) qui signifie que les ménages les plus grands emblavent plus de terrains. En ce qui concerne les pertes de cultures, le sorgho est largement affecté et est suivi du haricot. Ce sont ces principales cultures qui attirent les animaux sur cet axe et en l’occurrence les éléphants bien que le maïs soit cultivé en quantité non négligeable. Donc en définitive, si on prend en considération les deux axes, le sorgho apparaîtrait comme la culture qui a intéressée le plus les animaux. Le village de Porga 1 est le village le plus rapproché des limites du parc et c’est dans ce village que les fréquences d’occurrence des animaux sont les plus élevées. Les autres villages sur l’axe reçoivent aussi la visite des animaux du parc. Les Biali sont la principale ethnie sur cet axe.

2.2. Animaux autres que les éléphants

Bien que les éléphants soient les animaux qui contribuent beaucoup dans les raids vu leur biomasse et non leur nombre, d’autres mammifères de tailles moyennes ou petites y contribuent également mais cette fois ci la contribution est liée à leur nombre. La figure 4 ci-dessous présente la contribution de ces autres animaux.

Figure 4. Autres animaux qui s’intéressent aux semences cultivées dans les champs

Les babouins de par leur contribution sont les animaux qui s’intéressent les plus aux semences cultivées dans les champs et sont suivis par les patas et les phacochères. Cela démontre l’intérêt que ces animaux portent pour les différentes spéculations agricoles de la localité et démontre

Vervets

3%

Baboons

47%Patas

31%

Warthogs

14%

Birds

5%

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surtout l’habitude que les primates et les phacochères ont à ne pas se sentir beaucoup gêner en présence de l’homme.

2.3. Efficacité des méthodes traditionnelles préventives Pour évaluer l’efficacité des différentes méthodes traditionnelles de dissuasion utilisées par les agriculteurs de la localité, nous avons recherché les relations qui existent entre elles. Cette analyse nous a permis d’obtenir le tableau de contingence et les résultats suivants : Tab 1. Tableau de contingence sur l’efficacité des approches utilisées

Prévention Pas de prévention Détruite 19 3 Non détruite 8 0 Légendes: Prévention = la garde (elle est généralement faite par les enfants et entraine leur déscolarisation), épouvantails, utilisation de feuilles de tôles accrochées aux arbres pour simuler des bruits, utilisation de graines de néré mélangées à l’eau pour repousser les phacochères, pièges et utilisation du feu. (Les photos des techniques utilisées se retrouvent en annexe 1 à la fin du document).

Pas de prévention = champ qui ne fait l’objet d’aucune surveillance et d’aucune autres mesures

Détruite = champ ayant fait l’objet de raids par l’un ou plusieurs des animaux suivants : babouins, patas, éléphants, phacochères, vervets, perruches, perroquets et autres oiseaux, buffles.

L’interprétation donnée par le tableau 1 montre qu’il n’existe aucune relation entre le fait d’utiliser des méthodes traditionnelles de dissuasion et l’efficacité dans la lutte contre les animaux impliqués dans les conflits (χ² = 0.17, df = 1, p = 0.68, N = 30). Cela s’explique car dans la population échantillonnée, nous remarquons que contrairement à nos attentes et prévisions, la majorité des cultivateurs qui ont adopté des méthodes traditionnelles préventives n’ont pas échappé aux attaques des animaux (19 cas sur 30). Seulement 8 cas de cultivateurs sur 30 qui ont adopté des mesures traditionnelles de dissuasion n’ont pas connu des intrusions des animaux dans leur champ et seulement 3 cas de cultivateurs qui n’ont mis en œuvre aucune méthode traditionnelle ont noté des occurrences d’animaux dans leur champ. Ceci pose le problème de l’efficacité des méthodes utilisées et montre que la plupart d’entre elles présentent des insuffisances bien que certaines soient efficaces. Lorsqu’on s’intéresse aux 8 cas qui ont donné des occurrences nulles, nous remarquons que ce sont pour la plupart des agriculteurs qui font surveiller leur champ en se basant sur la méthode de la garde en association avec d’autres méthodes (63 %) et garde uniquement (37 %). Par la suite, nous devons rappeler que toutes ces méthodes sont également pratiquées par les autres agriculteurs qui ont enregistré des cas de raids dans leur champ suivant différentes formes. Les champs qui ont subi des raids malgré

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l’application des mesures préventives le sont à des degrés différents. En réalité, sur le terrain il n’est pas facile d’estimer les superficies détruites où le nombre de cultures détruites. Par ailleurs, toutes les mesures communiquées par les agriculteurs sont pour la plupart des estimations et ne sont pas forcement précises. Le nombre élevé d’agriculteurs qui applique des méthodes préventives indiquent la difficulté à retrouver des champs contrôles sans aucune méthode avec répétition afin d’appliquer des méthodes statistiques de comparaisons plus rigoureuses. Aussi, généralement les paysans de cette zone utilisent des associations de méthodes bien que la garde soit la méthode la plus connue et la plus utilisée de tout le monde. En considérant toutes les méthodes utilisées, la garde est mentionnée au moins une fois chez tous les paysans enquêtés ou est utilisée en association avec d’autres méthodes. Il faut dire que cette méthode n’est pas sans conséquence car dans la plupart des cas, les parents envoi leurs enfants dans les champs pour se charger de la surveillance, ce qui les empêche de suivre correctement les programmes scolaires de l’année. Une petite enquête informelle effectuée dans les écoles proches de la réserve nous a révélé que les jeunes enfants scolarisés ne sont pas toujours réguliers aux classes car parfois envoyés dans les champs pour la surveillance contre les incursions des animaux de la réserve. Malheureusement les raids dans les champs sont plus élevées généralement dans la période de démarrage de la rentrée scolaire (mois de septembre jusqu’au mois de décembre). Le début de la rentrée connaît donc des perturbations pour ces enfants qui sont obligés de surveiller les champs de leurs parents. Comme la garde est la méthode la plus connue et la plus efficace, elle donne de bons résultats par rapport aux animaux qui s’alimentent dans la journée comme les primates de la réserve, les phacochères et les oiseaux. Dans le cas spécifique des éléphants beaucoup de raids leur réussisses la nuit lorsque personne ne surveille les champs ce qui rend donc inefficace la méthode de la surveillance dans la résolution des conflits avec les éléphants. Il est donc à suggérer des méthodes qui sont plus efficaces quelque soit le facteur temps (que ce soit le jour ou la nuit).

2.4. Relations existantes entre la présence d’autres espèces végétales endommagées par les éléphants, la destruction des cultures et la conservation de la faune

Dans le cas spécifique des éléphants nous avons analysé des données sur la corrélation existante entre destruction des cultures et la présence d’autres espèces végétales appréciées par ces animaux. Ces espèces végétales sont des arbres qui poussent spontanément dans les champs et sont épargnés par les paysans afin de leur servir d’espèces génératrices de source additionnelle de revenus. Ce sont les espèces alimentaires ligneuses car elles fournissent des produits forestiers ligneux comme non ligneux. Il s’agit ici du karité (Vitellaria paradoxa), du néré (Parkia biglobosa), et du balanitès (Balanites aegyptiaca). Ces 3 espèces ligneuses ont été recensées dans les champs des villages de Batia et de Sangou. Il se pourrait bien que ce ne soit pas uniquement les espèces cultivées qui intéressent les éléphants dans les champs mais également la présence de ces espèces ligneuses.

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Mais l’analyse réalisée a montré qu’il n’ya pas de lien entre la consommation des espèces fruitières et la destruction des cultures (t = 0.96, df = 34, p = 0.35). Ce résultat nous montre que les éléphants qui s’intéressent aux cultures ne le sont pas du fait de la présence des espèces fruitières. Autrement dit, ce n’est pas la consommation des espèces fruitières qui stimulent les éléphants à consommer les espèces cultivées.

Nous nous sommes intéressés à cette analyse car d’autres recherches ont montré que certaines espèces fruitières n’étant pas capable de se disperser se servent des animaux qui se nourrissent de leurs fruits pour pouvoir se multiplier, se disperser et se maintenir dans la nature. Le transit intestinal des graines dans le ventre de certains animaux favorise la facilitation dans la germination des semences une fois elles sont rejetées à l’extérieur à travers les excréments. Ces espèces fruitières qui sont utiles pour la nature et l’homme se retrouveraient donc menacées si les mammifères qui les consomment comme les éléphants et les primates se retrouvaient à s’éteindre. Dans les alentours de la Réserve de Biosphère de la Pendjari, beaucoup de crottes d’éléphants et de primates ont été retrouvés contenant des graines de karité, de balanites et d’autres espèces fruitières. Il serait donc très intéressant d’étudier la contribution de ces animaux dans le succès de dispersion de ces espèces fruitières qui sont très utiles et jouent un rôle économique très important pour les ruraux. Les animaux ne sont donc pas seulement à considérer par rapport aux destructions qu’ils occasionnent sur les cultures et il est très important de conscientiser les communautés rurales aux alentours des aires protégées sur ce rôle de conservation des essences fruitières qu’ils jouent et qui n’est toujours pas perçu par tout le monde.

2.5.Etendue des dégâts suivant différentes périodes de l’année

Figure 5. Etendue des dégâts enregistrés dans différents mois de l’année.

Sep Oct Nov Dec

01

23

4

Months

Des

troye

d ar

ea in

Ha

16

La figure 5 indique que les dégâts sur les cultures s’observent à partir de la fin de la saison des pluies (mois de septembre) et atteignent leur maximum dans le mois d’octobre (en moyenne 1.52 ± 0.17 ha de surface détruite par cultivateur). Les pertes de cultures ne varient pas d’un mois à l’autre mais les fréquences ne sont pas les mêmes (df = 3, F = 1.466, p = 0.24). Cela indique que ce n’est pas l’ampleur des dégâts qui varient considérablement, mais c’est la fréquentation élevée des animaux dans les champs qui indique l’ampleur observée au niveau de ces mois. Les paysans ayant compris l’impact élevé des attaques au cours de ces mois ont maintenant développé une technique d’atténuation et d’adaptation qui consiste à vite procéder aux récoltes. Ceux qui ne procèdent pas à la récolte pendant cette période se retrouvent à la risée des conflits. Lorsque les récoltes sont effectuées, les animaux se retrouvent avec peu de cultures à consommer et cela diminue les conflits entre les deux parties. A partir du mois de novembre commence le début de la saison sèche, nous remarquons une diminution progressive des dégâts jusqu’au mois de décembre. Cela s’explique car beaucoup de champs sont récoltés et il y a peu de ressource disponible pouvant conduire à d’éventuels conflits entre les agriculteurs et les animaux.

3. Discussion 3.1. Origine des conflits dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari

L’origine des conflits en général comme dans la plupart des autres réserves est liée à l’augmentation de la population autour des aires protégées. Cette augmentation de la population riveraine autour de la RBP a entrainé un manque de terres cultivables et ceci accompagné de la pauvreté des sols en éléments nutritifs. Les agriculteurs pour atteindre leur objectif d’avoir de bon rendement essayent donc de cultiver au-delà des limites à eux réservé et empiètent sur l’habitat naturel des animaux. Ces derniers ayant l’habitude d’utiliser ces zones pour leurs différentes activités se retrouvent dans des conflits avec des agriculteurs, des éleveurs et des habitants qui ont transformés ces milieux naturels en champs, espaces agricoles et autres infrastructures. Ceci est à l’origine du retrait des animaux sauvages dans des confins assez reculés et difficile d’accès ; malgré cela le besoin en terre et en ressources de l’homme ne cesse de le pousser à occuper l’espace qui appartient à la faune. D’après certaines études, les cultures vivrières seraient riches en sel minéraux et ce sont ces sels qui attireraient les animaux en l’occurrence les éléphants Rode et al., (2006). L’évidence de la destruction des greniers par les éléphants en saison sèche pour consommer les réserves alimentaires indique que les animaux s’intéressent réellement aux cultures mis à part le fait que ces cultures peuvent être installées sur leurs pistes habituelles (Maïga, 1999; Okoumassou et Durlot, 2002).

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3.2. Consommation des cultures vivrières par les animaux sauvages

Certains animaux sauvages se retrouvant dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari s’intéressent à la consommation de spéculations agricoles réalisées dans des champs proches de la réserve. Ces animaux s’attaquent aux plants depuis le jeune âge, ensuite aux épis et ceci jusqu'à la récolte. Les dégâts sont moins considérables dans les villages plus proches de Tanguieta (éloigné des limites du parc). En avançant vers Batia à partir de Tchafarga les dégâts deviennent de plus en plus croissants. Le maïs, le sorgho, le mil, l’igname, le haricot et le coton sont les cultures les plus dévastées. Ces ressources alimentaires agréables au gout attirent particulièrement les animaux. Dans la zone de chasse de la Djona au Bénin (Alfa Gambari Imorou et al., 2004), et à l’extérieur du parc national de Kakum au Ghana (Barnes et al., 2003) ont trouvé que le maïs attirait particulièrement les éléphants.

En ce qui concerne les espèces fruitières retrouvées dans les champs (systèmes agroforestiers), nous n’avions pas trouvé une relation directe entre leur présence et le motif operandi qui pousse les éléphants à consommer des cultures vivrières. Le lien qui pourrait exister est lié au déplacement occasionné par l’envie d’aller consommer des fruits. Ce déplacement peut causer des dégâts sur les cultures vivrières. Les études antérieures au Bénin (Kidjo, 1992; Mama, 2000) ont émis l’hypothèse selon laquelle la présence des fruits murs de Karité (Vitellaria paradoxa) et de néré (Parkia biglobosa) attirerait les éléphants dans les champs où ils font des dégâts sur les champs de maïs et d’arachides. Une autre étude de Tehou et Sinsin (1999) a montré que le déplacement des éléphants vers les villages où ils occasionnent des dégâts sur les cultures est lié à un problème de préférence alimentaire basée surtout sur la phénologie des essences fruitières.

Les animaux impliqués dans les conflits au niveau de la RBP sont similaires à ceux trouvés par (Weladji et Tchamba, 2003) autour du Parc National du Bénoué au Cameroun. Ils ont remarqué que ce sont les éléphants, les babouins, les perroquets verts et les phacochères qui causent le plus de dégâts. On peut donc conclure qu’en Afrique de l’Ouest ce sont ces espèces animales qui prédominent dans les dégâts des cultures. Dans les zones où l’agriculture de subsistance est pratiquée ces animaux sont réputés dans la déprédation du maïs, sorgho, mil, les fruits et quelques légumes.

3.3. Evaluation de l’efficacité des techniques traditionnelles de dissuasion

Les agriculteurs adoptent quelques techniques ou méthodes traditionnelles pour repousser les animaux de leurs champs. Il s’agit entre autre de la garde dans les champs en faisant du bruit a la vue des primates (babouins, singes rouges et vervets), les épouvantails, les bouts de feuilles de tôles accrochées a des arbres qui font du bruit suivant la direction du vent, une odeur (mélange d’eau et de graines de néré « Parkia biglobosa ») qui est insupportable pour les phacochères. Il

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faut noter que quelques autres méthodes ont été utilisées par les paysans pour éloigner les éléphants telles que les barbelés ou du piment autours des champs, les petits feux. Toutes ces techniques ont échouées ou n’ont pas fonctionné pendant longtemps et les paysans trouvent que faces aux grands mammifères comme l’éléphant il n’y a rien à faire et ne montent que des gardes pour les primates, phacochères et oiseaux.

Ces méthodes traditionnelles de dissuasion sont des méthodes d’efficacité à moyen terme. Les animaux s’habituent à ces méthodes et comprennent vite que ces méthodes ne leur posent aucune menace à causer des dommages dans les champs. Toutefois la méthode de surveillance dans les champs lorsqu’elle est bien pratiquée au cours de la journée peut être très efficace. Comme inconvénients, c’est une méthode qui consomme beaucoup de temps et demande un effort de vigilance élevé. Elle entraine la perturbation de la scolarisation des jeunes enfants qui sont beaucoup sollicités. Aussi cette méthode n’est efficace que dans la journée et inefficace la nuit. Elle est beaucoup efficace contre les envahisseurs diurnes comme les babouins, patas, vervets, phacochères et oiseaux. Certains animaux comme les éléphants qui pénètrent dans les champs beaucoup plus la nuit que dans la journée ne font face à aucune difficulté car le terrain devient totalement libre pour eux. En Ouganda, par exemple, les propriétaires des grandes fermes emploient des gardiens pour protéger leurs fermes, mais cette option n’est pas réalisable par les agriculteurs de subsistance qui n’ont pas les moyens de payer des gardiens (Naughton-Treves, 1997). Les conflits hommes faunes ont donc beaucoup d’impacts sociaux négatifs dont l’absence à l’école et au travail, des coûts de travail supplémentaires, la perte du sommeil et bien d’autres (Hoare, 1992).

Pour une meilleure gestion des conflits des méthodes d’atténuation à long terme comme la recherche scientifique, l’installation des clôtures, la conservation communautaire et l’aménagement du territoire sont nécessaires (Hoare, 2012). Dans le cas spécifique des éléphants, bien que leur population dans la RBP soit estimée à 1808 individus (Sinsin et al., 2006), plusieurs évidences ont montré que les mâles sont plus représentés dans les conflits hommes éléphants et ces conflits sont menés par une petite portion de la population (Sukumar, 1991 ; Hoare, 1999 ; Ahlering et al., 2011 ; Hoare, 2012). Ces individus sont qualifiés de « habitual raiders » et sont généralement constitués d’un nombre limité de mâles qui sont plus fréquents que les occasionnels « occasional raiders ». En plus de tout ceci, il semblerait que les éléphants mâles impliqués dans les dégâts de cultures aient une concentration élevée de glucocorticoid métabolite (hormones de stress) qui suggère que les dégâts de culture peuvent avoir un lien avec le stress chez les éléphants (Ahlering et al., 2011). Etant donné que les éléphants mâles sont plus impliqués dans les attaques des cultures, il a également été démontré que ce sont les mâles les plus âgés qui sont à la base des problèmes et sont suivis d’autres mâles plus jeunes. Les vieux mâles apprennent aux jeunes mâles à consommer les cultures vivrières en leur montrant par l’exemple qu’ils donnent (Chiyo et al., 2012). Ceci revient à dire que si les éléphants à problème sont tirés ou blessés lors des conflits hommes éléphants, cela ne servirait vraiment pas à grand-chose car ils auraient déjà transmis ce comportement aux jeunes mâles qui les accompagnent lors

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des raids. Aussi les facteurs environnementaux comme l’habitat, les points d’eau, l’emplacement des villages et les pratiques agricoles (Hoare, 1999 ; Chiyo et al., 2005 ; Sitati et al., 2005) jouent également un rôle dans l’occurrence des conflits. En parlant de facteur environnemental, nous avons remarqué lors de cette étude que les éléphants font rarement irruption dans les champs pendant les périodes humides à cause de la terre qui devient très humide et cause leur enfoncement dans le sol. Par conséquent ils s’introduisent dans les champs en juin-juillet quand l’igname est presque prêt et en octobre, novembre et décembre quand le maïs, le sorgho et le mil sont prêts. Ils s’attaquent aux champs de sorgho, coupent l’épi en haut et passent dans les champs causant du coup des pertes en cultures. Comme les mois d’octobre et de novembre sont les mois de grandes déprédations des cultures, les paysans autour de la réserve de Biosphère de la Pendjari expérimente une mesure qui semble porter ces fruits. Cette expérimentation consiste à ce que tous les paysans d’une même localité s’entendent systématiquement pour procéder à la récolte des restes de leurs cultures pendant cette période. Si par mégarde un agriculteur omet de faire ses récoltes lorsque tous les autres paysans sont entrain de le faire, sa culture devient la cible principale de tous les envahisseurs et ce dernier pourrait donc enregistrer de grandes pertes.

Beaucoup de méthodes d’atténuations ont été développés pour venir en aide aux agriculteurs qui sont victimes des raids des animaux (FAO, 2009 ; Hoare, 2012). L’efficacité de ses méthodes dépend de beaucoup de paramètres. Pendant qu’une méthode à base du piment (chilli) peut être efficace contre les éléphants, elle peut ne pas être efficace pour des babouins qui ne trouvent aucune difficulté à traverser des champs de piments. Des combinaisons de méthodes doivent donc être utilisées pour une efficacité dans la résolution des conflits. Certaines de ces méthodes aussi non seulement sont efficaces dans la prévention des conflits, mais aussi peuvent générer des sources de revenus supplémentaires comme à travers l’apiculture et la vente du piment (King et al., 2011 ; Hoare, 2012). Toutes les méthodes que ce soient les méthodes traditionnelles ou les méthodes d’atténuations développées souffrent du problème d’habituation et deviennent moins efficaces avec le temps (Muruthi, 2005), ce qui suggère à nouveau l’utilité de combiner plusieurs méthodes. En plus de l’agriculture qui est l’activité principale, les paysans dans la RBP pratiquent également l’élevage (Bœuf, moutons, chèvres, volaille). Dans cet élevage ils sont également confrontés aussi à des attaques des grands carnivores tels que l’hyène (plus fréquent) le lion et même les babouins. Par ailleurs les conflits hommes faunes autour de la réserve de Biosphère de la Pendjari revêtent plusieurs aspects dont les plus importants sont les dommages sur les cultures et la déprédation du cheptel par les carnivores.

Conclusion et implication sur la conservation de la faune

Les animaux sauvages comme les éléphants et les babouins sont souvent abattus lorsqu’ils engendrent des dégâts sur les cultures, des blessures ou mêmes des morts d’hommes. Mais les

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tueries ont elles jamais résolu le problème des conflits hommes faunes ? Une personne avertit ne répondrait que par la négation. Il est donc important de développer des approches de conservation durable qui sont culturellement et financièrement acceptables par les communautés à la base. Cette étude a contribué à compléter des informations dans la base de données sur les conflits hommes faunes spécifiquement dans la zone de la Réserve de Biosphère de la Pendjari. Elle permet bien d’avoir une vue d’ensemble sur les conflits en matière de destruction des cultures, d’identifier des zones géographiques d’occurrence des conflits et les espèces qui sont les plus impliquées dans ces conflits. Une application des résultats obtenus peut permettre une gestion efficace des conflits car les gestionnaires de la réserve et des paysans peuvent désormais anticiper sur la survenue des conflits et les prévenir. En outre ces résultats peuvent permettre le développement des mesures appropriées à la gestion des conflits.

Du point de vue conservation de la faune, les méthodes durables peuvent être proposées et cela est longtemps compris par les gestionnaires de la RBP. En effet les nombreuses sensibilisations ont entrainé une acceptation de certains animaux comme les éléphants dans la zone et cette cohabitation est maintenue un peu par l’absence de mort d’homme. Le grand problème demeure encore le braconnage. Nous recommandons que des techniques d’atténuation qui comportent différentes mesures soient mises en œuvre au lieu des méthodes qui se simplifient à une seule mesure. Aussi comme l’a suggéré Chiyo et al., (2012), il faut que les conservationnistes concentrent leur énergie à chasser au loin les vieux mâles dans le cas des éléphants car ces derniers enseignent les mauvais comportements aux jeunes. Il faut aussi qu’au moins tous les agriculteurs utilisent des techniques pour protéger leur cultures car lorsque certains protègent leurs cultures, les animaux trouvent de la facilité à pénétrer dans les champs des autres qui n’ont pas été protégés et ne peuvent donc pas apprendre aux jeunes animaux que les champs cultivés sont toujours protégés et d’éviter les raids.

Remerciements

Cette étude a été financée par MAB UNESCO que nous tenons à remercier spécialement. Merci également aux populations locales et les agents de la Direction de la Réserve de Biosphère de la Pendjari pour leur collaboration.

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Références bibliographiques

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Annexes : Quelques photos prises

Dégâts dans un champ de maïs

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Feuille de Tôle accrochée à un arbre de karité se balançant sous l’effet du vent et produisant du bruit (mesure préventive #1)

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Mélange à base de graine de néré et d’eau pour chasser les phacochères (mesure préventive #2)

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Sorte d’épouvantails (mesure préventive # 3)

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Utilisation de sachets plastiques pour créer des bruits (mesure préventive # 4)

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Agriculteurs dans leurs champs

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Assistants de terrain

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Dégâts dans un champ de maïs

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Champ de mil ayant subi des intrusions d’animaux (babouins)

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Ecole dans une des localités riveraines de la RBP.

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Ecoliers qui sont souvent chargés de la surveillance dans les champs

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Champs de piments autour des champs de maïs et de sorgho (initiative du projet piment).

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Crottes d’éléphants contenant des noix de karités, balanites et des graines d’espèces cultivées.

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Entrée de la direction de la Réserve de Biosphère de la Pendjari

Martial Kiki au niveau de la stèle de l’UNESCO MAB-Benin. Le Parc National de la Pendjari est devenu Réserve de Biosphère depuis le 16 Juin 1986.


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