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1 > grimpE > numéro 5, juin 2013

À VOS COINCEURSPORTRAIT DE “GRIMPE-TROTTERS”

L’ABITIBI, MECQUE DE L’ESCALADE ?

LA GRIMPE À COUP DE POINTS

DANS NOTRE MAGAZINE

...ET BIEN PLUS !

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La grimpe a le vent dans les voiles. Du moins, c’est ce que semble indiquer la prolifération des gyms intérieurs et leur achalandage. Juste dans la grande région de Montréal, on compte pas moins de cinq centres d’escalade et/ou de blocs intérieurs et la rumeur court que d’autres pourraient ouvrir leurs portes sous peu. À l’extérieur, les sites populaires regorgent de monde les beaux weekends d’été. Même la glace attire son lot de manieurs de piolets. Et pourtant…

Le nombre de boutiques offrant du matériel d’escalade est stable. Pire, certaines réduisent même l’espace plancher dédié à l’attirail de grimpe. Les grimpeurs prolifèrent, mais le membership de la FQME stagne. La présente revue voit son lectorat augmenter à chaque numéro, mais les annonceurs se font toujours aussi rares.

Pendant ce temps, la course à pied - autre sport très en vogue actuellement – convertit les boutiques plein air instantanément. En effet, la Cordée et MEC offrent désormais du matériel de course. Les compétitions pullulent aux quatre coins de la province. Les revues gratuites regorgent de publicités et assurent la pérennité à long terme. Évidemment, la course à pied compte beaucoup plus d’adeptes que la grimpe, mais comment se fait-il que l’escalade n’arrive pas à mieux tirer son épingle du jeu?

Pendant longtemps j’ai pensé que les grimpeurs étaient fondamentalement cheaps, ce qui devait évidemment se refléter dans tous les aspects commerciaux liés à l’escalade. Hypothèse personnelle qui ne tient pas la route, car la grande majorité des grimpeurs dépense allègrement. Que ce soit dans leurs abonnements aux gyms, dans du matériel de grimpe, dans des voyages, etc. Évidemment plusieurs rechignent à devoir payer des accès dans certains sites des Laurentides (et acceptent pourtant sans dire un mot dans les Gunks), mais en fin de compte la majorité débourse beaucoup de sous afin de pratiquer son sport favori. Cet apport

monétaire doit profiter à quelqu’un, mais à qui puisque ça ne parait nulle part? Malgré des moyens très limités, Grimpe vous propose le plus gros numéro depuis sa renaissance, il y a un an. Les articles de cette édition devraient contenter tout le monde : des tradeux aux bloceux en passant par les estropiés et les sportifs. Le tout, gracieuseté d’un rédacteur en chef dédié, de collaborateurs passionnés et de deux annonceurs visionnaires. Bonne lecture, bon été, bonne grimpe!

par Ian Bergeron Éditeur [email protected]

Ventes et publicités: EscaladeQuebec.com [email protected]

Mise en garde : L’escalade comporte desrisques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités.

Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.

Édito

Page couverture Crédit photo : Ghislain Allard

POPULAIRE, L’ESCALADE?

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Ils ont tous les deux une approche différente par rapport à la performance en escalade sportive, et pourtant, ils rejoignent tous deux sur plusieurs points. Voici deux grimpeurs qui vous parlent de leur approche.

JULIEN BOURASSA-MOREAU

Que préfères-tu : enchaîner une voie rapidement ou enchaîner une voie plus difficile après beaucoup de travail, et pourquoi ?Je préfère enchainer une voie que j’ai travaillé depuis longtemps. Ça a plus de signification de réussir une voie après plusieurs jours de travail. Par contre, c’est un processus exigeant. Donc, en général, j’essaie des voies que je peux réussir rapidement. C’est plus ludique et ça permet de voir plus de rocher. En voyage, je ne cherche pas à pousser ma limite après travail, mais plutôt à voir plein de voie et à découvrir des styles de grimpe qu’on a pas trop autour de Montréal.

Quelle est ta stratégie pour les flash ou le à-vue ?À vue, je prends mon temps d’observer la voie de différents angles, d’identifier des repos potentiels et de séparer la voie en section. Par exemple : la voie commence avec un dévers à trou, ensuite il y a un repos passé le bombé. Une section qui a l’air facile puis une section de léger dévers jusqu’au relais. Parfois, on peut identifier la section crux mais ça peut être un piège de s’enfermer dans une séquence imaginée du sol. J’essaie de rester objectif dans mes observations. Pour le flash, c’est bien de voir quelqu’un dans la voie et d’avoir quelqu’un qui va dire les méthodes au fur à mesure.

Comment te prépares-tu mentalement ?Je visualise beaucoup les voies dures avant un essai après travail. En général je préfère être impatient et agité avant d’essayer une voie. À l’inverse, j’évite d’être trop relax avant un essai. Pour bien grimper, il faut avoir la rage. Afin de me préparer physiquement à une voie dure, j’essaie de recréer certains mouvements sur résine et de travailler la filière qui correspond à la voie.

Quel conseil donnerais-tu aux autres grimpeurs ?Je conseille au grimpeur de lire le plus possible à propos de l’escalade, des livres d’entrainement, des livres sur la prévention des blessures, des blogues, regarder des vidéos, lire des revues. Le plus j’en sais à propos de l’escalade, le plus ça deviens intéressant et je découvre plein de petits trucs faciles à mettre en oeuvre.

MIKAËL « BETA-MIKE » FORTIN

Que préfères-tu : enchaîner une voie rapidement ou enchaîner une voie plus difficile après beaucoup de travail, et pourquoi ?J’aime mieux travailler une voie longtemps. Ça convient mieux à ma situation. Je ne pouvais pas voyager souvent jusqu’à récemment et j’ai accès rapidement à pas mal de voies trop difficiles (ou anciennement trop difficiles) pour moi. Pour enchaîner rapidement des voies, il faut pouvoir en essayer beaucoup de chaque niveau. Malheureusement, c’est logistiquement un peu difficile de bâtir une pyramide de voies très large à chaque niveau en restant toujours dans le coin, en Estrie. De plus, mettre fin à un objectif à long terme offre une satisfaction importante

Quelle est ta stratégie pour les flash ou le à-vue ?Dans les deux cas, c’est une question d’information. Pour un à vue, j’essaie d’obtenir le plus d’information possible en observant la voie au sol, de plusieurs angles,

Face à face >

JULIEN BOURASSA-MOREAU Grimpe depuis : 8 ans Faits saillants : flash de V9, ouverture de 5.14a

VS.

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démystifier les sections, échafauder des plans et des stratégies, prévoir mes décisions à l’avance. Pour un flash, je pose beaucoup de questions! En flash, ça va nécessairement pas mal mieux, je peux habituellement bien m’imaginer comment se déroulera l’enchaînement et je peux avancer à mon rythme étant donné que je n’ai pas à trouver quoi faire. C’est aussi bien plus facile d’en donner un peu plus quand quelqu’un t’a dit que tu allais attraper un « jug » dans deux mouvements !

Quelle est ta stratégie pour l’enchaînement ?Ça dépend de la durée du projet. Si je tombe une fois ou deux durant la première montée, en redescendant, je refais les passages qui peuvent poser problème à l’enchaînement pour la fois suivante, et ça passe normalement en peu d’essais. Si je me traîne jusqu’en haut pendu à chaque dégaine à comprendre les mouvements, la stratégie d’enchaînement va venir plus tard. J’essaie de contrôler les mouvements les plus durs. Ensuite, de les faire en séquence avec d’autres. Ensuite, en étant pompé. Après, j’essaie de faire le crux du sol. C’est toujours une question d’identifier les raisons pour lesquelles on tombe et d’essayer de notre mieux de corriger le problème. Après, il ne reste plus qu’à blâmer la météo et le mauvais sort, le fait qu’on a des gros genoux ou qu’on est peigné de travers ce jour-là, puis rester patient, et continuer à essayer.

Comment te prépares-tu mentalement ?J’essaie d’atteindre le maximum de détachement par rapport à mon projet. Ce n’est pas grave si je ne l’enchaîne pas. J’aurai une autre occasion, ou sinon, je tomberai en amour avec une autre voie. C’est plus facile d’être concentré à faire de l’escalade sur le moment quand c’est la seule chose qu’on a à gérer. La pression d’enchaîner? Non merci! Être impatient et impulsif m’a causé d’être nerveux, déçu et même blessé plus d’une fois, alors je

préfère me concentrer à avoir du plaisir en grimpant la voie. Je redescends presque toujours d’un essai dans une belle voie avec le sourire !

Comment te prépares-tu physiquement pour les voies difficiles que tu veux faire ?Je ne suis pas le champion de la préparation physique. J’ai appris lentement à coup de blessures et d’échecs, jusqu’à avoir quelque chose qui fonctionne pour moi. Si j’ai fait un long sentier d’approche, ça fait une partie de l’échauffement. Sinon, je choisis une voie idéalement surplombante avec des grosses prises. Ce n’est pas toujours possible, sur certains sites ou avec des contraintes de temps, alors il arrive encore que je prenne le risque de grimper dans un projet sans échauffement.

Quel conseil donnerais-tu aux autres grimpeurs ?La première étape pour transformer quelque chose d’impossible en possible c’est de l’essayer. Il ne faut pas s’empêcher de le faire. Ensuite, il vous reste beaucoup de temps, d’essais, d’erreurs et de travail pour raffiner le processus de transformation d’impossible à possible. Mais bon, il faut toujours bien l’entamer en premier lieu! Ensuite, écoutez les conseils des autres grimpeurs expérimentés qui ont déjà fait cet apprentissage. Ça va probablement accélérer le processus !

par David Savoie

MIKAËL « BETA-MIKE » FORTIN Grimpe depuis : 14 ans Faits saillants : première ascension d’une 5.13d l’année dernière, après 75 essais, enchaînement d’une 5.14a

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L’entraînement croisé

Demandez à l’entraîneur >

Crédit photo : David Savoie

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Comme dirait Bernard Adamus : « Y fait chaud». Je ne sais pas pour vous, mais à 35 degrés, avec des moustiques de surcroît, je n’ai pas tellement envie de tirer sur des prises aussi souvent que lorsqu’il fait 10 degrés! Dame

nature planifie bien les saisons de grimpe, en fonction de la périodisation, chanceux que nous sommes. En effet, vous vous êtes entraîné tout l’hiver, le printemps vous a permis d’enchaîner tous vos projets, et maintenant, il fait trop chaud pour penser à bien grimper des trucs difficiles! Cela tombe bien, vous avez besoin de repos, et votre corps a besoin d’une diminution d’intensité. Il y a de cela bien des années, les précurseurs de la périodisation en entraînement avaient démontré les bienfaits d’un regain de la quantité et de la diminution de l’intensité après la première portion de l’année. Pendant cette période, optez pour une diversification de vos activités. Cela vise à atteindre deux buts. Premièrement, un repos spécifique – ces parties du corps que vous utilisez en escalade: doigts, épaules, etc. Deuxièmement, un rappel de la phase de volume du début de votre macrocycle d’entraînement. En effet, en juillet la musculation ou autre activité de janvier est déjà très loin et votre corps s’en ressent. Voici une suggestion d’activités et d’entraînements complémentaires pour tous les goûts.

« Plusieurs activités peuvent vous aider à augmenter votre capacité physique

à grimper. »

LE YOGAQuoiqu’une suggestion très peu originale, il est bien de vous rappeler que le yoga est une activité complémentaire à l’escalade. Tant par l’augmentation de vos capacités de flexibilité, que par le travail mental qu’il vous demande. Par contre, garder à l’esprit que le yoga assouplit vos muscles, mais ne les renforcit pas. Donc, dans le cadre d’une réadaptation suite à une blessure, le yoga serait le «l’entraînement croisé de l’entraînement croisé».

MUSCULATION, CROSSFIT ET L’ÉCURIEPlusieurs activités peuvent vous aider à augmenter votre capacité physique à grimper. Il y a bien entendu la musculation, une activité très traditionnelle. Une autre option, c’est le crossfit, qui est une bonne façon de développer une bonne endurance physique ainsi qu’une chaîne abdominale en santé. Par contre, il faut

faire très attention. Les blessures peuvent survenir rapidement, surtout lorsque vous êtes fatigués et que vous faites des mouvements exigeants. Et enfin, L’écurie, un centre d’entraînement de type semi-privé de Montréal, qui se spécialise en entraînement pour faciliter la vitesse de réaction. Deux pour un, bon entraînement complémentaire à la grimpe et en plus, vous allez pouvoir augmenter votre capacité physique et donc, grimper plus !

LA «SLACKLINE»Depuis maintenant plusieurs années, ce sport grandit en popularité et est maintenant une activité à part entière, non plus celle que l’on pratique en journée de repos ! La slackline est excellente pour développer une coordination œil-pied, en passant par la partie de notre corps vital à sa pratique, le «core». De plus, plusieurs centres de yoga offrent maintenant des cours dirigés de «slackline», ce qui vous permettra de développer une meilleure technique et d’apprendre les rudiments de base.

LA COURSE ET LE VÉLOExcellents moyens de transport et de déplacement de la vie de tous les jours, ces deux activités ont la cote à l’heure actuelle! Quoique bon pour l’environnement et une bonne façon de récupérer entre deux grosses sessions de grimpe ou d’entraînement, il faut faire attention à une chose: prendre de la masse au niveau des jambes. Certains diront que ce n’est pas grave pour eux et je serai d’accord. Pour ceux d’entre vous qui visent la performance ultime, pratiquez ceux-ci à de grandes intensités et moins longtemps.

LES ARTS-MARTIAUXJu-jitsu, « grappling », AMM, karate, judo et autres sont d’excellents entraînements complémentaires à l’escalade. Tant au niveau physique que mental, ces disciplines vous demanderont un bon entraînement physique pour arriver à vos fins. Petits bémols. Si vous pensez que l’escalade est un sport extrême ou les risques de blessures sont élevés, repensez-y bien ! Ligaments déchirés, oreilles boursouflées et doigts fracturés sont assez communs. La plupart de ces disciplines sollicitent les mêmes groupes musculaires que l’escalade, et donc, par le fait même, il faut y aller avec modération. Le point le plus positif de ce type d’entraînement croisé est définitivement l’aspect créatif de ces sports. Trouver une solution à un problème vous rappelle-t-il quelque chose ?

par Guillaume Raymond

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L’épaule est une articulation particulière: la plus mobile du corps et une des plus complexes. La grande mobilité de l’épaule compromet en partie sa stabilité. La stabilisation de l’épaule est majoritairement assurée par des structures

actives, entre autres les muscles de la coiffe des rotateurs, étant donné la fragilité des ligaments. La plupart des autres articulations du corps sont stabilisées majoritairement par des structures passives telles les surfaces de l’articulation et les ligaments, permettant plus de stabilité, mais moins de degrés de mouvement. La stabilisation de l’épaule se fait en deux parties: la stabilité scapulaire (celle de l’omoplate sur la cage thoracique) et la gléno-humérale (celle de l’humérus avec l’omoplate). La coiffe des rotateurs, constituée de quatre muscles, stabilise l’articulation gléno-humérale devant, derrière et au-dessus de l’épaule. Les muscles rhomboïdes, les différentes portions des trapèzes et le dentelé antérieur sont des stabilisateurs scapulaires. Plusieurs désavantages accompagnent la stabilisation par des muscles. Premièrement, la fatigue musculaire rend l’articulation vulnérable. De plus, une importante coordination musculaire est nécessaire. Finalement, un déséquilibre musculaire ou une faiblesse induisent une instabilité dans certaines positions. Un ou l’autre de ces problèmes engendrent une dysfonction. La dysfonction peut engendrer une butée entre le bras et l’acromion (la partie osseuse du dessus de l’épaule) ce qui peut provoquer une inflammation du tendon du supraépineux ou de sa bourse (coussin permettant le glissement du tendon). Cette dysfonction provoque une douleur à l’avant de l’épaule et une difficulté à élever le bras apparaissant de façon subite ou progressive. Vous connaissez l’aile de

poulet ? Ce mauvais mouvement exécuté lors de fatigue musculaire consiste à élever le coude afin de barrer l’épaule pour passer un mouvement. Identifiez-le et évitez-le, car il augmente la tension dans la coiffe et place l’épaule dans une position vulnérable. Si on répète le mouvement

fréquemment on peut développer une tendinopathie de l’infra-épineux, grand stabilisateur gléno-huméral, ce qui provoque une douleur derrière l’épaule et lors de plusieurs mouvements. Comme l’épaule est une articulation assez superficielle, la glace

est efficace pour calmer les moments d’inflammation. Gardez en tête que les blessures proviennent d’une dysfonction et que le corps produit de la douleur en guise d’alarme. Une guérison complète consiste en l’élimination des symptômes et la correction de la dysfonction. Le renforcement musculaire et la coordination sont les atouts les plus importants dans la récupération et la prévention des blessures à l’épaule. Les étirements actifs peuvent être un ajout intéressant à votre routine d’entraînement, puisque l’escalade sollicite déjà une grande amplitude de mouvement.

par Guillaume Gelderblom

AVOIR LA TÊTE SUR LES

ÉPAULES

CONSEIL DU DOC >

« Le renforcement musculaire et la coordination sont les atouts les plus importants dans la récupération et la prévention des blessures à l’épaule. »

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LES BEAUX JOURS DE L’ÉTÉ SIGNIFIENT LA FIN DE LA SAISON DE COMPÉTITION. PETIT RETOUR SUR L’ÉDITION 2013, LA QUATRIÈME ANNÉE DU CIRCUIT COUPE QUÉBEC.

LA GRIMPE À COUP DE POINTS

Compétition >

Crédit photo : François Lebeau

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Après des mois d’entraînement et de compétitions, c’était le clou de la saison. La portion de bloc déjà complétée, la finale qui allait consacrer les champions québécois d’escalade se déroulait à

Allez-Up, à Montréal, avec les voies. Avant la tenue de la compétition, plusieurs grimpeurs ont fait entendre leurs récriminations sur les médias sociaux. Des compétiteurs estiment que le prix pour participer était assez élevé. En raison du nombre de participants, l’événement s’est déroulé sur deux jours. Et il y avait beaucoup plus de participants dans les catégories junior que sénior.Les grimpeurs de tout âge ont pu apprécier les voies, le fruit du travail de l’ouvreur en chef, Adrian Das. Pour plusieurs, cette compétition était un passeport pour les nationaux qui se tenaient à Vancouver quelques jours après.***

La poussière est depuis retombée. Même si dans l’ensemble, la saison a été un succès, plusieurs regardent maintenant ce qui a fonctionné et ce qui devrait être amélioré.

À la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), le directeur technique, Éric Lachance, n’a pas pris le temps de souffler après la fin de la saison

pour se lancer dans un bilan.

Au chapitre des compétiteurs juniors, tout va pour le mieux. C’est chez les adultes que les choses se corsent. Déjà, la FQME va se pencher, cet été, sur les façons d’attirer davantage de compétiteurs séniors pour la prochaine année, ce qui pourrait inclure une baisse des prix. La prochaine saison va être aussi plus « standardisée », que les formats varient moins. « À la

base, c’est un circuit compétitif dans le but de classer des athlètes au niveau provincial », explique-t-il. « Pour ce qui est la question de l’argent, ce n’est pas l’unique raison d’après moi. »

Il y a aussi une certaine adaptation nécessaire pour les compétiteurs, notamment dans les catégories, estime-t-il. D’ici quelques années, ou même quelques mois, les séniors vont se mesurer à des jeunes de 18 ans qui pourraient complètement les déclasser dans la catégorie élite. Il faudrait donc que les participan ts séniors songent à s’inscrire dans une catégorie où ils ont de meilleures chances d’un podium, plutôt que de

s’inscrire systématiquement dans la catégorie « élite ». « C’est comme ça dans la plupart des sports », fait valoir Éric Lachance. Au chapitre de la compétition de bloc, il n’est pas surpris par le peu de participants, parce qu’il s’agit d’une nouveauté.

Dans les bureaux d’Allez-Up, Jean-Marc De la Plante estime que les compétitions ont atteint un certain plateau au Québec, et pour dépasser ce stade critique, il faudrait quelques changements.

Notamment au chapitre des commanditaires, dit-il. À l’heure actuelle, les compétitions et les équipes représentent surtout des dépenses pour les gymnases, « mais c’est un investissement dans l’avenir », dit-il. Chaque événement est, la plupart du temps, une perte d’argent pour les gyms qui l’organisent.

« Il faut un changement de mentalité, estime Jean-Marc De la Plante. On fait des belles compétitions, mais on ne fait aucune publicité pour attirer des spectateurs. »

À son avis, il faudrait aussi que les athlètes, surtout chez les adultes, s’engagent au début de l’année à participer aux compétitions, beau temps, mauvais temps. « On n’a pas encore bâti la mentalité de compétition chez les adultes au Québec, d’après moi. »

Autre élément manquant, selon lui, c’est l’aspect promotionnel. La Coupe Québec manque encore un peu de prestige, l’événement étant un peu moins connu, pense-t-il. « On a de la difficulté à s’organiser, en tant que sport, la fédération et les gyms, à créer quelque chose d’attrayant pour des commanditaires. Le circuit aurait besoin d’une équipe de relations publiques pour aller chercher des participants, et acquérir une certaine visibilité. Il faut aller chercher rapidement des commanditaires pour absorber le coût de ces compétitions-là. »

De son côté, l’entraîneur de l’équipe Délire, à Québec, ne prend pas de gants blancs. Denis Mimeault ne veut pas entraîner des seniors. « Je mise sur la génération qui connaît les compétitions », explique-t-il. « La mentalité de certains ‘vieux grimpeurs’, ceux qui sont des dirtbags, qui économisent tout le temps pour partir en voyage », dit Denis Mimeault. « Il n’y a rien de mal à ça, sauf que ce n’est pas ça, le circuit de compétition. Si on veut devenir sérieux, ce n’est plus ça. »

Beaucoup ont été habitués aux événements du Tour de bloc, où les prix sont un peu moins élevés, mais c’est un mauvais comparatif selon lui. L’un est événement privé, l’autre ne l’est pas. Il faut aussi respecter les normes internationales, pour permettre aux grimpeurs de faire partie du circuit mondial. « Les gens ne font pas le lien entre les coûts, ils ne connaissent pas le prix d’une compétition. »

Restera donc à voir quelle participation il y aura lors de la prochaine saison.

par David Savoie

Crédit photo : François Lebeau

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Coinceurs : dégainez plus vite que votre ombre!

Dans un monde où rapidité ne rime pas toujours avec efficacité, « vite fait » ne veut pas toujours dire « bien fait ». L’escalade traditionnelle, contrairement à l’escalade sportive, demande une réflexion de tous les instants : quelle protection choisir? Où et comment l’installer? Rapidement, mais calmement, ça va de soi. Le grimpeur se questionne

sans cesse : non seulement pense-t-il à ses mouvements, mais il doit aussi protéger sa progression en installant des coinceurs, mécaniques ou non, aux endroits stratégiques. Ce guide abrégé vous aidera à dégainer rapidement, et efficacement!

Conseils pratiques >

Crédit photo : Rébecca Ouellet

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1. CONNAÎTRE SON MATÉRIEL SUR LE BOUT DE SES DOIGTS• Lisez en détail la notice du fabricant pour connaître les limites et applications de chaque coinceur;

• Sachez à quelle taille correspond chaque couleur, pour chaque marque; par exemple, un coinceur CamalotMC no2, de couleur jaune, convient aux fissures à main; cela dit, la sangle jaune du Camalot C3 ou X4, beaucoup plus petits, pourraient vous induire en erreur. Apprenez à les distinguer en un clin d’œil, et assurez-vous de les placer judicieusement sur votre harnais, en fonction de la voie que vous allez grimper. Avec le temps, vos coinceurs doivent devenir une extension de vos doigts.

• Si vous commencez à grimper avec des coinceurs, il est préférable de vous en tenir à votre propre matériel et à prendre le temps nécessaire pour le maitriser.

2. BIEN PRÉPARER SON MATÉRIEL AVANT DE GRIMPER• Une bonne lecture du livre-guide vous donnera des pistes sur le matériel à apporter. Certains ouvrages vous dressent littéralement une liste d’épicerie! Il ne vous reste qu’à placer le matériel! Plusieurs grimpeurs estiment toutefois que cette pratique enlève un peu de mystère à l’aventure.

• Un mot : organisation. La fissure verticale parallèle que vous vous apprêtez à grimper a une largeur de 3 cm pendant 40 mètres, avant de se terminer par une cheminée étroite? Ça va aller, votre Camalot no 5 peut rester derrière votre harnais pour servir plus haut. Par contre, n’hésitez pas à garnir vos porte-matériel de petits coinceurs accessibles à droite et à gauche, ou sur une sangle en bandoulière.

• La voie est en ligne droite? Allégez votre matériel en installant chacun de vos coinceurs mécaniques sur un seul mousqueton, avant de les relier à votre corde. Les mousquetons à doigt-fil sont particulièrement légers.

• Sachez exactement où se trouve chacune de vos pièces d’équipement sur votre harnais et sur votre sangle en bandoulière; ce n’est pas au crux de la voie qu’il faut chercher la pièce dont vous avez besoin!

3. SAVOIR RECONNAÎTRE, EN UN RAPIDE COUP D’ŒIL, QUEL TYPE DE PROTECTION CHOISIR• La fissure présente une forme en « V »? Optez pour un coinceur passif. Elle est parallèle? Un coinceur mécanique s’impose.

• Si votre position vous permet de vous reposer, que la cote de la voie est raisonnable ou que vous aimez jardiner ou bricoler, un hexcentric ou un tricam pourraient convenir. Ils prennent généralement plus de temps à placer qu’un coinceur mécanique, par contre. Certains grimpeurs préfèrent tout simplement les éviter. Sachez toutefois que certains sites d’escalade semblent avoir été « conçus » pour recevoir des types de protection en particulier (les parois de Looking Glass Rock, en Caroline du Nord et des Shawangunks, dans l’état de New York avalent les tricams.)

4. PRATIQUER, PRATIQUER, PRATIQUER• Il pleut aujourd’hui? Résistez à la tentation d’aller grimper au centre d’escalade intérieure… Rendez-vous à Val-David, à Val-Bélair ou ailleurs pour pratiquer la pose de coinceurs. Travaillez au sol. Donnez-vous des objectifs précis. Tentez de placer vos coinceurs le plus rapidement possible, en tenant compte des notions essentielles déjà bien connues : choix de l’emplacement, analyse de la qualité du rocher, utilisation optimale du coinceur selon les normes du fabricant, etc.

• En progression, trouvez toujours la position la plus stable possible pour augmenter votre niveau de confiance en installant vos coinceurs.

• Évitez de placer des coinceurs dans les bonnes prises! S’il y a beaucoup de magnésie autour d’une prise, n’y mettez pas un coinceur! Optez plutôt pour placement légèrement plus haut ou plus bas, en vous laissant de la place pour travailler.

• Ne développez pas une obsession sur un endroit : « il faut que je place quelque chose ici! » ni sur un coinceur : « il faut absolument que je place ce coinceur-là! ». Faites vos devoirs, mais gardez l’esprit ouvert.

• Au lieu de vous lancer dans la populaire « chasse aux cotes », procédez par étapes. Commencez par grimper les cotes que vous maitrisez parfaitement. Faites toutes les 5.7 dans un rayon de 300 km de votre lieu de résidence! Puis les 5.8, et ainsi de suite. Vos aptitudes à reconnaître les endroits où placer rapidement et efficacement de la protection seront décuplées.

• Changez régulièrement de site pour connaître le plus de types de rochers possibles et savoir comment se comporte votre matériel dans ces divers environnements.

N’oubliez jamais, comme disait un jour le vieux sage Peter Croft, que vous grimpez d’abord et avant tout pour vous et pour avoir du plaisir. C’est la meilleure façon de vivre centenaire, comme le grand Walter Bonatti. Pour épater la galerie, il restera toujours d’autres grandioses événements comme les concours de dégustation de hot dogs.

* Reconnaissance et acceptation des risques : ce court aide-mémoire s’adresse aux grimpeurs d’expérience ayant déjà suivi une formation auprès d’un instructeur qualifié.Ilneremplaceniuneformationexhaustive, ni plusieurs années de pratique et n’a nullement laprétentiond’êtrecomplet.L’escaladeestunsport dangereux et vous seuls êtes responsables de votresécurité.

par Loïc Briand

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Avec son immense territoire, ses nombreux lacs et sa faible population, l’Abitibi-Témiscamingue est une destination idéale pour les amateurs de plein air. Peu de grimpeurs savent toutefois que l’escalade prend de l’expansion dans la

région. « Ce qui est extraordinaire en Abitibi, c’est que lorsque tu vas grimper, tu as le site pour toi tout seul. Je ne connais pas beaucoup d’endroits au Québec où tu as ça! » s’exclame Matthieu Côté, grimpeur. L’Abitibi est l’endroit idéal pour le grimpeur explorateur et aventureux. Un groupe de grimpeurs du coin a fait de ses parois rocheuses son terrain de jeu.

DESTINATION >

A BI TIBIL’ABITIBI NE FIGURE PAS AU RANG DES DESTINATIONS DE GRIMPE PRISÉES AU QUÉBEC. MAIS DES GRIMPEURS MOTIVÉS DE LA RÉGION POURRAIENT BIEN FAIRE CHANGER LES CHOSES.

Grâcieuseté de Pascale Bernier

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UN CHAMP DE BLOC IMPOSANT

Le principal attrait de la grimpe en Abitibi, c’est le champ de bloc des collines Kekeko à proximité de Rouyn-Noranda, un des plus imposants au Québec. « Il y a une centaine de voies à faire seulement dans le secteur de la Grande falaise » explique John Michael Cotgrave, un des grimpeurs les plus aventureux de la région. Les niveaux de blocs y sont plutôt élevés, les débutants trouveront quelques blocs intéressants (je recommande « Salamande »,) mais feront vite le tour. Un topo détaillé des blocs du secteur de la Grande falaise est disponible en ligne (voir lien plus bas). Il est toutefois recommandé d’y grimper avec des « crash pads » et des accompagnateurs. « À la Grande falaise, les « landing » ne sont pas toujours évidents », mentionne Marc-André Dupuis, un des instigateurs de l’escalade en Abitibi.

Bien que la Grande falaise contienne un bon choix de blocs et qu’un topo détaillé existe, des blocs intéressants se trouvent ailleurs également. « Selon moi, les plus beaux blocs des Kekeko se trouvent dans le champ d’éboulement du secteur des Remparts, donc un peu plus bas que la falaise des Remparts. Quelques-uns se trouvent sur le sentier des Remparts, mais la plupart sont dispersés dans le bois, il faut être prêt à chercher », explique Matthieu Côté. Certains grimpeurs projettent toutefois de rendre le secteur plus accessible au courant de l’été. Quant à Marc-André Dupuis, même s’il a une préférence pour les blocs de la Grande falaise, il apprécie beaucoup ceux du sentier pédestre des crevasses, des blocs très « high balls ». Les explorateurs pourront découvrir des blocs éparpillés un peu partout dans les collines. Les informations sur les sentiers et les différents secteurs sont disponibles en ligne (voir lien plus bas).

DES PAROIS EN DÉVELOPPEMENT

L’endroit le plus accessible en Abitibi pour la voie reste les collines Kekeko. Les topos et des explications sur l’accès aux sites sont disponibles en ligne sur le site d’escalade Abitibi (voir lien plus bas). Le niveau y est plutôt élevé, la majorité des voies de haute difficulté (5.12-5.13) ont été ouvertes par le pionnier de l’escalade en Abitibi, François Roy. L’escalade aux Kekeko se divise en quatre secteurs. L’endroit classique est le secteur de la Grande falaise, c’est aussi l’endroit offrant les voies les plus hautes (jusqu’à 45 mètres), certaines ayant des plaquettes installées sur deux longueurs. « La Grande falaise, c’est le meilleur endroit pour l’ambiance », explique Marc-André Dupuis. Effectivement, l’endroit offre le meilleur panorama des quatre secteurs, surplombant le lac Beauchastel et ses environs. De belles voies de trad y sont également nettoyées, « selon moi les plus belles se situent dans l’amphithéâtre à environ 150 mètres à gauche du secteur décrit par le topo, à gauche de “Mont Vénus”», une voie qui ne se trouve pas encore sur les topos.

Toutefois, le secteur favori de bien des grimpeurs reste Les Remparts, « c’est là qu’on trouve la meilleure qualité de

voie, des voies techniques, certaines de très haut niveau » selon Marc-André. Le grain de la roche, composé de grès, y est plus agréable que dans les autres secteurs. La Corne est le secteur idéal pour initier des gens à l’escalade, il est facile d’y installer des voies en moulinettes et le secteur offre quelques voies faciles. Quelques voies de trad y sont également nettoyées, la favorite se situant sur la Corne directement (la partie la plus haute), dans la fissure à gauche des plaquettes.

Au printemps, les grimpeurs se retrouvent souvent dans le secteur de La Source. De par la forme du secteur, en cuvette, il y fait chaud plus rapidement qu’ailleurs. Le secteur sèche également plus vite après une pluie. Les voies y sont plus courtes, de niveau avancé, offrant un style s’apparentant à de l’escalade de bloc. La marche d’approche est facile et les cotes se déterminent bien.

Pour ceux souhaitant explorer un autre secteur que celui des Kekeko, Philippe Larouche, un grimpeur passionné et motivé, s’est donné pour mission de développer des voies d’escalade près de la ville d’Amos : « J’ai installé des plaquettes dans près d’une dizaine de voies, et je prévois continuer à développer le secteur ». Il y a également nettoyé cinq voies de trad et installé une trentaine de moulinettes. Aucun topo n’est disponible pour l’instant, mais Philippe prévoit l’avoir terminé et le rendre accessible d’ici la fin de l’été. « Les niveaux sont divers, entre 5.7 et 5.11c. Dans le dernier secteur, quand tu es au haut de la paroi, tu es à un des plus hauts points de la MRC d’Abitibi, tu as même une vue sur le Mont-Vidéo, situé à une quarantaine de kilomètres! » Les voies, d’une hauteur d’entre 10 et 25 mètres, sont situées au bout du rang 6 à St-Félix-de-Dalquier (municipalité voisine d’Amos). La meilleure façon de découvrir le secteur est de partir à la recherche de Philippe Larouche à Amos : « Les gens ont des chances de me croiser en se rendant dans le secteur des voies, et ça me fait plaisir de servir de guide! »

POUR LES AVENTUREUX

Les adeptes de trad qui ont envie d’aventure peuvent tenter leur chance au Mont Chaudron, un des plus hauts sommets de l’Abitibi. Cette montagne à la forme particulière facilement reconnaissable (un chaudron à l’envers) se situe à une vingtaine de kilomètres de Rouyn-Noranda, à la frontière avec l’Ontario. On y accède par la route 117, en tournant sur le dernier chemin avant la frontière. « La vue y est vraiment unique. À cause de

Grâcieuseté de Pascale Bernier

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DESTINATION >

A BI TIBI

LE GRIMPEUR LE PLUS FORT DU QUÉBEC ?

Si le nom de Robert Girard ne vous dit rien, c’est tout à fait normal. Le grimpeur originaire de l’Abitibi évitait toute médiatisation de ses exploits. C’est que les voies qu’il a enchaîné lui aurait peut-être valu le titre du grimpeur le plus fort du Québec – et peut-être même du Canada, à l’époque. Il avait notamment enchaîné en 2007 « De l’autre côté du ciel », une voie cotée 5.14d (9a), ouverte par Fred Roulhing, ainsi que six ou sept autres voies du même calibre, selon le site Kairn. Le Québécois avait aussi réussi l’enchaînement de plusieurs blocs très difficiles dans la forêt de Fontainebleau, en ouvrant notamment un problème de traverse qui serait coté entre V15 et V16 (8c/9a) – bien que les traverses soient perçues différemment en Europe en terme de difficulté pure. Il était réputé pour son humour décalé et une rare ténacité. Malheureusement, l’ingénieur de formation est mort dans un accident de la route en 2010. Peu de choses ont été publiées à son propos, et il est très difficile de retrouver des gens qui le connaissent au Québec. Comme le dit l’expression, nul n’est prophète en son pays.

par David Savoie

Grâcieuseté de Pascale Bernier

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LIENS : Escalade Abitibi, site et topos créés par Claudia Mercier :http://escaladeabitibi.wordpress.comTopo des blocs aux Kekeko (créé par Marc-André Dupuis et Steve Cotes) :http://qc.drtopo.com/pdf/kekeko.pdf

la forme particulière de la montagne, on a une vue à 200 degrés, dit John Michael Cotgrave. Avec les couleurs à l’automne, c’est magnifique. Et ce qui est bien l’été, c’est qu’avec le vent, il n’y a presque pas de mouches. » Marc-André Dupuis concède que la vue y est plutôt unique, il met toutefois en garde les grimpeurs inexpérimentés : « C’est de la grimpe très exposée, il ne faut pas avoir peur de s’engager. De plus, la roche est souvent pourrie dans le début des parois, ça peut être dangereux ». John Michael Cotgrave y a nettoyé l’année dernière quelques voies de trad, les cotes oscillent entre 5.8 et 5.11 et les voies font jusqu’à une soixantaine de mètres. « Le site est impressionnant. Lorsque tu te retrouves au bas de la paroi, tu es déjà plus haut que les arbres, il faut grimper une centaine de mètres avant d’arriver à la paroi. » John Michael Cotgrave est à écrire un plan détaillé de l’accès à ces falaises, pour l’instant, la meilleure façon d’y accéder est de s’y hasarder.

Il vaut également la peine pour les adeptes de trad d’explorer Devil’s Rock, situé à environ 130 kilomètres de Rouyn-Noranda, à la frontière avec le Témiscamingue. Les conducteurs passant par l’Ontario pour se rendre en Abitibi peuvent s’y arrêter en chemin. Les falaises plongent directement dans le lac Témiscamingue et s’élèvent à une centaine de mètres, offrant ainsi une vue imprenable sur l’immense lac. « Certaines des voies de Devil’s Rock font partie des meilleures voies d’Ontario, explique John Micheal Cotgrave. “Seigfreid’s Difficult way to Brunhilde”, un 5.8 de quatre longueurs avec les

« Un grimpeur qui touche à tout et qui n’a pas peur

d’explorer va s’y amuser longtemps! »

relais installés aux 15 mètres est une voie à laquelle je donnerais cinq étoiles. La fissure est très facile à trouver. Sinon, “Bombay Sapphire”, un 5.11b, est une des meilleures voies de la région. Les plus avancés apprécieront “Pilier des immortels”, un 5.12+ de 90 mètres sur trois longueurs. Des plaquettes y sont posées, la grimpe y est très exposée. » La roche, du gabbro, offre plusieurs belles fissures pour le trad. Bien que des plaquettes y soient installées, ce sont surtout les amateurs de trad qui y trouveront leur compte. « La qualité des voies est élevée à Devil’s rock, c’est un peu la mecque du trad. Il faut toutefois descendre en rappel pour grimper les parois, le site est recommandable pour les grimpeurs expérimentés seulement », avertit Marc-André Dupuis. Il existe un topo de Devil’s Rock, il faut fouiller un peu pour le dénicher.

L’EXPLORATION CONTINUE

La communauté de grimpeur continue de fouiller l’Abitibi et ses environs pour étoffer le choix de voies. Le coin de Ville-Marie, au Témiscamingue, offre des falaises magnifiques avec un potentiel que certains grimpeurs espèrent bien pouvoir développer. Marc-André Dupuis croit au futur de la grimpe en Abitibi, à condition que des grimpeurs aventureux continuent de s’y investir : « Il faut être motivé en Abitibi pour grimper. Un grimpeur qui touche à tout et qui n’a pas peur d’explorer va s’y amuser longtemps! »

par Marie-Andrée Denis-Boileau

Grâcieuseté de Pascale Bernier

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NORMAND HÉBERT (57 ANS) ET GINETTE CHARBONNEAU, (58 ANS)

Lui a 57 ans, elle, 58 ans. « C’est elle, la vieille », précise Normand Hébert à la blague. Il a commencé à grimper à 42 ans. Sa conjointe Ginette, elle, s’initie au sport à 51 ans. Aujourd’hui, le couple grimpe sur une base régulière et leur passion du sport s’est aussi transportée dans les voyages. Au cours des sept dernières années, ils ont fait, chaque année, de longs voyages un peu partout dans le monde: la Chine, l’Espagne, la Grèce, la France, plus d’une dizaine d’États américains, et une bonne partie du Québec. « L’âge change quelque chose à nos voyages de grimpe, car nous sommes à notre retraite donc nous avons encore plus de temps pour grimper. Par exemple, au printemps l’année dernière, nous avons fait un « road trip » de quatre mois dans l’Ouest américain. La grosse différence est que nous avons tout notre temps, nous faisons moins de voies chaque jour, nous ne sentons plus l’urgence de grimper un certain nombre de voies pour rentabiliser notre voyage. Et malgré notre âge, nous nous améliorons encore », explique Normand. « Nous avons l’intention de grimper jusqu’à l’âge de 99 ans, donc, nous n’avons pas terminé notre tour du monde de l’escalade. »

Cet automne, le couple s’envolera pour la Turquie...

PORTRAIT >

GRIMPE TROTTERSLES GRIMPEURS QUÉBÉCOIS SONT RÉPUTÉS POUR ÊTRE DE GRANDS VOYAGEURS. IL NE FAUT PAS S’ÉTONNER D’EN RENCONTRER DANS TOUS LES SITES D’ESCALADE DU MONDE. MAIS POUR CERTAINS, CE SONT DES VOYAGES FRÉQUENTS QU’IL LEUR FAUT. QUELQUES PORTRAITS DE « GRIMPE-TROTTEURS ». LE MAGAZINE GRIMPE N’EST PAS RESPONSABLE DU BESOIN SOUDAIN QUE POURRAIENT RESSENTIR LES LECTEURS DE VOYAGER POUR L’ESCALADE...

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PHILIPPE ARCAND

Le jeune homme de Gatineau grimpe depuis une dizaine d’années et fait l’envie de tous ses amis à force de voyager pour l’escalade. Il a au compteur plus d’une vingtaine de pays, sans compter les provinces canadiennes et les États américains. Ce qui représente une cinquantaine de sites, et plus de deux cents secteurs et parois. « Je n’avais jamais voyagé avant de grimper. La première fois que j’ai pris l’avion, c’était pour aller grimper en Slovaquie. J’ai immédiatement eu la piqûre du dépaysement et de grimper dans divers endroits paradisiaques. » Il choisissait auparavant ses destinations en voyant des photos, mais c’est désormais c’est la météo qui a le dernier mot. « Après être allé suer en Thaïlande, avoir cuit à Kalymnos durant la canicule de 2004, avoir subi les pluies incessantes à Rodellar en mai 2008, je mets les chances de mon côté. Je voyage donc seulement lors des meilleures conditions climatiques d’une destination. La météo c’est important, mais l’esthétisme, non seulement des voies et des mouvements sont aussi importants pour moi. » Les difficultés sont nombreuses en voyage, dit-il. Parfois de trouver un partenaire, bien organiser le voyage en fonction de l’entraînement, éviter les blessures ou de tomber malade. Avec le temps, il a renoncé au « dirtbagging » - payer le moins cher possible pour la nourriture et un endroit pour dormir. « Maintenant, je veux donc avoir accès à une cuisine, un lit et une douche en tout temps! Plus question de dormir sur un oreiller humide chez Miguel’s (à Red River Gorge) pendant 1 mois! »

JEAN-PIERRE DANVOYE

Ce guide organisme des voyages d’aventure et d’alpinisme depuis 1996. Ce qui signifie de cinq à sept voyages, qui varient entre une à trois semaines, qu’il s’agisse de trekking en haute altitude, des sommets de 6000 mètres ou de courts périples dans les Alpes. Il compte à son actif 25 visites au Kilimandjaro, 16 périples à l’Aconcagua, et il se rend chaque année au Népal pour des randonnées dans la région de l’Everest et des 6000 mètres des environs. C’est sans compter la Patagonie, l’Équateur, l’Elbrouz, précise-t-il. Certains pays sont plus difficiles que d’autres pour y guider. « Au Pakistan et au Tibet, ce n’est pas toujours facile. Soit la bureaucratie, les restrictions ou le climat politique compliquent l’organisation du voyage. » Se déplacer aussi souvent en tant que guide change un peu la notion du voyage, selon lui. « Nous devons minimiser les impacts négatifs que nous pouvons avoir sur les populations rencontrées, les coutumes locales. Avec un groupe, la responsabilité du guide est grande.

Avec des clients, les horaires, l’itinéraire de voyage doivent être prévus. Comme j’aime partir avec des personnes qui aiment la différence, j’essaie de laisser une place à l’instant présent. » Il compte parmi ses plus belles expériences de voyage ses deux sommets du Cho Oyu (8201 mètres) au Tibet, l’ascension de l’Ama Dablam, traverser l’hiver en vélo le parc Auyuittuq, à Terre de Baffin, faire partie de la première expédition hivernale au K2 ainsi que des voyages dans les régions rurales d’Haïti.

par David Savoie

Crédit photo : Pablo Durana

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OLIVIER TURGEON ET CATHERINE VAILLANCOURT

Le couple de Québec est parti sur la route, tout simplement, pour plus de huit mois. « Le ‘road trip’, c’est le rêve de beaucoup de grimpeurs. C’est l’occasion de se pousser à fond et de découvrir des endroits magnifiques sans contrainte de temps. Dans notre cas, ce n’était pas notre première expérience; on est un peu accrocs aux voyages d’escalade longue durée! Le plus difficile, c’est de se donner les moyens de partir. Que ce soit à cause du travail, de la famille ou du budget, ce n’est pas toujours évident de pouvoir quitter son quotidien pendant plusieurs mois. Dans notre cas, nos emplois

respectifs (et certains de nos choix de vie) nous facilitent la tâche », explique Catherine.

Ils ont décidé de documenter leur voyage sur un blogue (goneclimbing.wordpress.com) et même de faire des vidéos de leurs ascensions. « J’ai eu envie de créer un blogue pour partager les meilleurs moments de notre voyage avec nos amis. Ça nous permet de garder un contact avec « l’extérieur », de nous sentir un peu moins isolés », explique Catherine. « J’adore les films d’escalade. J’en regarde souvent pour avoir du « beta » dans une voie ou un bloc. J’aime bien aussi avoir un avant-goût du style d’escalade qu’on retrouve dans un secteur que je vais visiter. J’avais le goût depuis un bon moment de m’investir plus sérieusement dans la réalisation de petites vidéos. C’est ma façon de donner au suivant! L’idée du blogue à Catherine et le voyage ont été l’occasion idéale de m’y mettre », renchérit Olivier. Et c’est aussi une bonne façon d’occuper ses journées de repos. Les préparatifs ont été brefs: seulement une réservation, pas d’itinéraire, une date de départ, et le couple se laissait guider par la météo. Il y a eu des arrêts par Hueco Tanks, au Texas, Bishop, en Californie, Red River Gorge, au Kentucky – parce qu’en tant qu’enseignant, « j’ai rarement l’occasion de visiter ce paradis de la pompe », précise Olivier. Si l’escalade leur a donné de bons moments, ce sont aussi les soirées entre amis, le soleil qui réchauffe par un matin glacial de janvier au Texas, les longues heures de route passées à regarder le paysage qui leur ont apporté de bons moments.

ÉMILIE PELLERIN

Elle grimpe depuis quatre ans, et cela fait un peu plus de trois ans qu’elle est sur la route à temps plein, passant d’une falaise à une autre. « C’est arrivé un peu comme par surprise. J’ai pris un vol dernière minute vers l’Espagne

en pensant y rester deux ou trois semaines, puis j’ai fait la rencontre de grimpeurs qui voyageaient à travers l’Europe et je suis embarquée avec eux. On a voyagé pour un bout de temps, et j’ai rencontré mon copain. Par la suite, on a suivi la migration naturelle des grimpeurs européens dans notre beau petit WestFalia. J’y ai finalement passé deux ans et demi! » Elle est maintenant de retour en Amérique du Nord depuis un an, à revivre le même genre de vie. La jeune femme de 23 ans vit dans une minifourgonnette avec son copain, et elle se promène d’un site à un autre. « J’ai toujours un partenaire et un toit sur la tête », dit-elle. Ses voyages sont guidés par la température, mais « de toute façon, j’ai ma maison avec moi, partout où je vais. » En Europe, elle vivait avec une moyenne de 5 $ par jour, alors qu’en Amérique du Nord, elle dépense un peu plus de 20 $ quotidiennement pour subvenir à tous ses besoins – équipement, nourriture, varappes, cordes et harnais ! Côté escalade, c’est le corps qui impose son rythme. Elle grimpe généralement deux jours d’affilée, mais chaque site est particulier. Il lui est arrivé de grimper 12 jours en ligne dans les fissures d’Indian Creek, mais peiner à grimper trois journées de suite sur les parois déversantes de Rodellar. Même si c’est la vie rêvée pour plusieurs grimpeurs, il y a malgré tout des aspects difficiles. « Je suis toujours séparée entre 2 mondes, d’un cote j’ai ma passion, c’est plus fort que moi, c’est ça que j’aime, puis de l’autre cote, j’ai une très belle famille, des amis qui m’aiment, et qui me manquent beaucoup. Peu importe où je suis, j’ai toujours une petite

pensée pour eux. » Elle trouve difficile de ne pas pouvoir grimper autant qu’elle le veut si elle reste dans le même coin de pays pendant plusieurs mois. Elle voudrait aussi trouver un moyen pour travailler, peu importe où elle se trouve. Elle songe à faire son cours de guide, ou encore trouver des commanditaires.

GRIMPE TROTTERS

PORTRAIT >

Crédit photo : Raul Sauco

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grimpE < 2 1GRIMPE TROTTERS

Certains d’entre vous les connaissent déjà, d’autres en connaissent certains... Chose certaine, tous ces objets vous facilitent ou vous faciliteront la vie cet été.

1- le « stick-clip »: il a fait l’objet de réprobation par le passé, mais il est aujourd’hui considéré comme vital à certaines parois. Le « stick-clip » vous permet d’accrocher vos dégaines à des plaquettes, et donc de faire en sorte que vos départs soient tout à fait sécuritaires. Il peut aussi servir à décrocher les dégaines difficiles à retirer. Trango fait un modèle qui remplit ses deux fonctions, alors que le Super Clip est l’essence de la simplicité et difficile – voire impossible à briser. Vous pouvez aussi en fabriquer un maison pour une vingtaine de dollars.

2- le « knee-pad »: comment rendre un coincement de genou absolument béton ? En y ajoutant un peu de caoutchouc. L’utilisation du « knee-pad » est assez répandue, et grimper à certaines parois pourrait paraître absurde sans cet outil. Il est désormais aussi utilisé en bloc. Bref, s’il ne compte pas encore dans votre trousse, ajoutez-en un ou deux. Vous pouvez acheter « local »: la compagnie Délire en fait de très bons.

3- les lunettes d’assurage: il n’y a pas si longtemps, cet accessoire était considéré comme un peu étrange, mais surtout coûteux. Heureusement, l’usage des lunettes d’assurage s’est répandu et la production également. Ce qui fait en sorte qu’elles sont aujourd’hui beaucoup plus accessibles. Le principe est simple: un jeu de miroirs vous permet de voir votre grimpeur sans avoir à vous lever la tête constamment. Si elles ne sont pas recommandées dans toutes les circonstances, ces lunettes pourraient vous soulager le cou durant une bonne partie de l’été.

4- les gants: nul besoin de faire des « multi-pitchs » pour les utiliser. Même en falaise ils vous seront utiles. Assurer avec des gants nécessite un peu de temps d’adaptation, mais plus jamais vous ne vous brûlerez les mains en attrapant une chute ou en descendant vos partenaires. Autre bénéfice par la bande: terminées aussi les mains sales et un peu graisseuses à force de manipuler la corde. L’essayer, c’est l’adopter.

CES ACCESSOIRES QUI VOUS FACILITENT LA VIE

Conseils pratiques >

par David Savoie

Crédit photo : Sébastien Préseault-Céré

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BRIN DE VIE >

PRENDRE SON MAL EN PATIENCE

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Je répète souvent aux gens que dans le monde de l’entrainement et de la performance la ligne est très mince entre en faire trop et juste assez. On essaie tant bien que mal d’équilibrer un amalgame d’éléments afin d’arriver en pleine forme à tel ou tel

moment de l’année, mais il arrive parfois des malchances, même en étant prudent. La pratique d’un sport est souvent parsemée d’accidents mineurs ou majeurs qui influenceront notre implication. Ce sont les risques inhérents au sport et il faut les accepter.

En mars dernier, je suis tombée du haut du dernier bloc de finale lors d’une compétition Coupe Québec. Jusque-là, rien d’anormal. Le hic, c’est que j’ai atterri directement sur le béton sur mon pied gauche. Je me suis immédiatement effondrée au sol en me tortillant de douleur. Ça fait longtemps que je fais du sport de compétition. J’ai eu des blessures de toutes les sortes. Je suis devenue habile à différencier les niveaux de douleurs. Cette fois-là, je me suis dit : « Merde, je me suis vraiment fait mal ». J’espérais avoir tort. Dans des moments comme ceux-là, tu te demandes si tu es juste « moumoune » d’avoir aussi mal. J’ai ravalé mes larmes rapidement, mais j’ai vite compris que ça n’allait pas être facile. Verdict: un talon cassé, des contusions osseuses et des ligaments endommagés de chaque côté de la cheville, qui m’ont donné droit à huit semaines de béquilles, quatre de plus en canne. Ça fait maintenant plus de 3 mois. Ça va de mieux en mieux. J’essaie de retrouver de la mobilité et de la force, mais tout ça se fait à pas de tortue.

« C’est dur être blessé, autant physiquement, mentalement

qu’émotionnellement. À chaque blessure, c’est la panique. »

Toute personne qui a l’habitude de faire de l’activité physique sait très bien qu’on y devient accrocs. Toutes ces fameuses hormones du bien-être auxquelles nous sommes habituées. Pour moi, bouger c’est vital. Je m’y sens dans mon élément. Mes pensées deviennent claires et mes tracas s’évaporent. Quand du jour au lendemain on se retrouve complètement sédentaire, il y a inévitablement un petit sevrage. En plus de tout ça, il y a tous ces objectifs qu’on s’était fixé qui perdent leurs significations. J’ai dû faire le deuil des miens puisque je voulais terminer ma

saison de tour de bloc avec le régional, le national et la coupe du monde à Toronto. Personnellement, j’ai besoin d’objectifs, en grimpe ou dans la vie, pour me donner une direction. Durant les derniers mois, j’ai accepté d’être un électron libre.

Sachant que j’allais vivre des moments houleux, j’ai décidé de prendre sur moi et d’accepter mon sentiment de vulnérabilité. Je ne flotte pas sur un nuage, mais j’ai essayé d’utiliser mon temps de convalescence pour faire toutes ces choses que je ne faisais pas parce que j’étais trop occupée à bouger. J’ai lu, j’ai écouté des documentaires, j’ai cuisiné de nouvelles recettes, je suis allée voir plusieurs spectacles, j’ai passé plus de temps avec des bons amis. En plus, j’ai la chance d’avoir ma meilleure amie, Liliane Moussa, comme physiothérapeute. Ceci dit, ma blessure m’a forcé à ralentir considérablement mon rythme de vie, mais j’ai su y trouver mon compte.

C’est dur être blessé, autant physiquement, mentalement qu’émotionnellement. À chaque blessure, c’est la panique. Arrivera-t-on à retrouver notre forme, notre niveau? Ou est-ce la fin? Par contre, cette fois-ci, j’étais beaucoup plus anxieuse de redevenir fonctionnelle que de regrimper. Il y a quelques années, si j’avais eu le même accident, j’aurais continué à m’entrainer d’une façon quelconque. Cette fois-ci, je n’en avais pas envie. Au début parce que j’avais trop mal, ensuite parce que j’avais besoin de prendre du recul. Ma vision de la performance a grandement évolué durant les dernières années. Je me suis beaucoup questionnée sur ce désir de vouloir tout donner dans un domaine précis. Depuis quelques années, je suis beaucoup moins impliquée qu’avant dans ma performance en escalade. J’essaie davantage de trouver l’équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle. Je varie mes activités. Je reproche parfois aux athlètes (pas tous) d’être trop centrés sur leurs nombrils. Il est stimulant de se donner à fond dans ce que l’on fait, mais je crois qu’il faut aussi être capable de faire la part des choses et de mettre les choses en perspective. La marge n’est pas très grande entre la passion et l’obsession.

Malgré tout, j’attends avec impatience le moment où je pourrai aller faire mon jogging, prendre une longue marche et grimper comme si rien n’était arrivé. La beauté dans tout ça, c’est que je me rends compte que, performance ou non, grimper reste sacré pour moi. Je me demandais parfois si je grimpais juste parce que c’est ce que je suis habituée de faire. Je recommence tranquillement et je comprends mieux pourquoi j’y ai investi autant d’énergie durant la dernière décennie. Les casse-têtes corporels, les combats physiques et psychologiques me manquent beaucoup. Je pense que des fois ça ne fait pas de tort de se rappeler les raisons fondamentales de notre motivation.

par Mélissa Lacasse

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