Ministère de l’Economie et des Finances
(MEF)
Séminaire-Atelier Stratégie de Croissance économique Note d’orientation/Budget 2014-2015
Pour Actionner les leviers d’une croissance forte. Pour la modernisation économique et sociale et la création d’emplois décents et durables.
Intervention du Ministre de l’Economie et des Finances
24 mars 2014
Discours de lancement
Monsieur le premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres et Secrétaires d’Etat,
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les représentants des Partenaires
Techniques et Financiers et Organisations Internationales,
Mesdames et Messieurs les représentant du Secteur Privé,
Mesdames et Messieurs les représentants de la Société Civile
Honorables invités,
Nous voici donc enfin réunis pour débattre tous ensemble
durant ces deux jours du sujet qui, à n’en point douter, est
l’un des plus brûlants en Haïti aujourd’hui. Le défi pour notre
pays, en effet, car il s’agit en vérité du défi majeur qui se pose
à notre génération, est de générer de la croissance forte
équitablement bien répartie et particulièrement riche en
emplois durables et décemment bien rémunérés pour
satisfaire les besoins de la population en général et de la
jeunesse en particulier. A en juger par l’importance et la
diversité de l’assistance, je ne doute pas que nous aurons ici
réuni les meilleurs esprits pour progresser dans ces réflexions
et ces propositions et je remercie par avance chacun des
contributeurs et des participants à cet événement.
Alors, encore un atelier sur la croissance ? N’en a-t-on pas
déjà parlé tant de fois, sans d’ailleurs que cette croissance
tant attendue ne se manifeste vraiment ? Où est cette
croissance à deux chiffres que nous appelons tous de nos
vœux et qui seule serait à même de nous sortir de l’état de
détresse dans lequel le pays se trouve plongé depuis si
longtemps ?
Nous n’en serions qu’à ce stade que je serais le premier à
penser que nous allons perdre notre temps. Nous en sommes
fort heureusement très loin et le contexte particulier de cet
atelier doit nous inspirer.
L’objectif, en effet, est d’inscrire cette réflexion dans le cadre
très précis de la préparation du budget 2014-2015,
autrement dit au cœur du levier principal de l’action publique
qu’est le budget de la Nation.
En effet, concevoir puis mettre en œuvre le Budget de l’Etat,
ce n’est pas seulement compiler des ressources nationales et
étrangères destinées à financer des dépenses publiques
dénuées de tout lien avec le monde économique et social.
C’est d’abord formuler une politique budgétaire qui s’inscrive
au centre d’une politique économique plus large qui vise à
l’atteinte des objectifs de la Nation, qu’ils soient de long,
moyen ou court terme. C’est aussi le moyen de définir un
cadre de dépenses qui renforceront la demande intérieure,
l’orienteront et détermineront des effets directs et indirects
porteurs – ou non – de croissance et d’emplois.
C’est enfin l’occasion de cristalliser un certain nombre
d’actions convergentes, dont certaines financières et d’autres
du domaine de la décision ou de la réglementation, en faveur
de politiques sectorielles conduisant à de réelles avancées en
matière de création d’entreprises, de valorisation des actifs
de la population en général et plus spécifiquement des
acteurs économiques, et partant, de valeur ajoutée,
d’emplois et, je ne voudrais pas l’oublier ici, de revenus pour
la collectivité à travers les impôts et taxes collectés. C’est sur
ce dernier point que je voudrais que vous consacriez tous vos
efforts au cours de ces deux jours.
Mesdames, Messieurs,
Nous avons déjà débattu et démontré l’importance de la
commande publique dans le développement du tissu des
Petites et Moyennes Entreprises nationales qu’il convient de
renforcer et de rendre apte à profiter de la manne de l’argent
public pour promouvoir la production nationale de biens et
de services. Les outils existent et nos pratiques doivent s’y
conformer pour que la dépense publique devienne
véritablement un levier de croissance économique. C’est le
sens de l’initiative que nous avons prise en faveur des achats
groupés pour l’ensemble des administrations de ce pays, en
vue d’en optimiser l’impact économique et social.
Nous avons également soutenu l’importance d’adapter notre
dispositif fiscal et douanier. Cet effort a été engagé dès
l’élaboration du projet de budget 2013-2014. C’est ainsi que
des aménagements fiscaux importants ont été engagés et
doivent être amplifiés. Ainsi nous avons entamé une
profonde révision de notre tarif douanier qui favorisait
paradoxalement les importateurs de produits finis et
désavantageait les transformateurs d’intrants pour une part
importés. Désormais ce sont les producteurs nationaux qui
doivent, à travers le tarif, être incités à produire et être
protégés, autant que faire se peut dans le cadre des accords
de la CARICOM qui nous lient à nos partenaires les plus
proches comme à ceux de l’Organisation Mondiale du
Commerce. L’adoption d’une politique tarifaire appropriée
est une condition essentielle pour attirer des investissements
de qualité et créer les emplois que tout le monde attend dans
le pays.
Dans le cadre de l’élaboration du prochain projet de budget
2014-2015 cet effort sera poursuivi et étendu à d’autres
champs de la fiscalité. Notre stratégie est d’utiliser cet
instrument comme emblème pour attirer les investissements
dans le pays en général et dans les régions en particulier
comme par exemple :
la défiscalisation totale des investissements en capital
effectués dans des fonds communs de placement
destinés à drainer l’épargne des haïtiens en général et
de la diaspora en particulier et à l’orienter vers les
programmes stratégiques définis par le gouvernement ;
Une politique de défiscalisation agressive sur les
bénéfices des entreprises réinvestis en Haïti, plus
particulièrement en région;
la suppression de l’impôt sur le revenu pendant un
certain temps pour les membres de la diaspora qui
reviennent investir et s’installer au pays ;
l’élimination de la taxe sur les bénéfices distribués aux
ouvriers sous forme de participation jusqu’à hauteur de
20 % .
La croissance, c’est également le cadre des affaires, appelé à
faciliter la vie des entreprises et les attirer dans le cadre de la
compétition internationale. Le chantier reste ici entier.
Beaucoup d’initiatives sont prises dans l’administration qui
attendent pour donner leur plein effet. C’est par exemple
l’inauguration prochaine du projet de création d’une Société
Anonyme presqu’entièrement en ligne. Les tests en interne
ont commencé depuis quelques semaines et cet outil va être
opérationnel et ouvert au public incessamment pour réduire
à deux ou trois jours le délai de création d’une SA. C’est la
révision de la législation des affaires, travail immense
effectué par la Commission Présidentielle pour la
Modernisation du Droit des Affaires. Les projets de loi
élaborés attendent d’être votés au Parlement. C’est aussi
l’adoption d’une manière d’accéder à la terre pour réaliser
par exemple les projets agricoles ambitieux suivant des
modalités que nous appelons le « remembrement foncier par
capitalisation » où les petites parcelles sont mobilisées dans
le cadre d’un projet comme des actifs porteurs de dividendes
ou d’intérêt. Des expériences sont entrain d’être menées
dans le NE qui méritent à être connues. C’est aussi
l’établissement d’un « catalogue de projets » réalisés ou à
réaliser à l’initiative du gouvernement ou des opérateurs
privés ou en partenariat entre les deux en vue de réduire les
couts de transaction en systématisant et en diffusant toutes
les informations pertinentes sur le projet et les modalités de
son développement. La liste est longue de ces initiatives et
les deux jours de l’atelier vous permettront de les découvrir.
L’enjeu, Mesdames et Messieurs, et je veux revenir là à
l’objet même de cet atelier, c’est aussi de réfléchir ensemble
et de proposer des solutions pour refonder notre modèle
économique en nous fondant sur nos atouts et potentiels et
sur les leviers qu’ils représentent en termes de croissance.
C’est également de déterminer les actions et réformes
prioritaires, qu’elles relèvent des domaines transversaux ou
qu’elles soient plus spécifiquement sectorielles, qui vont
accélérer et amplifier les résultats escomptés.
L’enjeu c’est également de concevoir puis de mettre en place
les dispositifs adéquats pour développer un cadre d’actions
coordonnées et concertées en vue de maximiser l’impact du
budget et au delà de l’action publique, lequel cadre doit
définir également les mécanismes à identifier et animer pour
assurer les meilleures cohérence et synergie entre le budget
de la République et la promotion des initiatives privées.
Concrètement, je vous propose d’abord de débattre sur les
stratégies mises en œuvre dans d’autres pays et qui seraient
susceptibles de nous inspirer, en apprenant tant des réussites
que des échecs. Sur la base de ces éclairages, je vous convie
ensuite à une réflexion sur notre modèle actuel de
développement, tel que fondé par le Programme Stratégique
de Développement d’Haïti, lui-même décliné en cadres
stratégiques triennaux. Une fois cette base mesurée et
comprise, nous pourrons alors nous pencher sur les questions
générales des principes directeurs fondant une croissance
forte et durable, avec notamment la problématique de
l’investissement générateur de croissance et d’emplois mais
aussi susceptible de lever les contraintes qui pèsent sur le
développement du secteur privé. Je pense ici notamment aux
liens qui doivent être consolidés entre croissance rapide et
création d’emplois durables et décemment rémunérés, aux
dispositifs d’appui à l’investissement mais également au
financement de l’économie et tout particulièrement au
fonctionnement du secteur financier.
Dès lors que ces considérations générales auront été mises
en évidence, il sera temps pour vous de vous pencher plus
spécifiquement sur les secteurs porteurs proposés à vos
analyses et recommandations. La liste, qui demeure
naturellement ouverte, concernera ici les filières agricoles
étendues à l’élevage et à la pêche, le tourisme, le secteur de
la construction et des travaux publics, les industries
culturelles, le secteur du textile, des petites industries et de
l’artisanat et enfin de l’énergie. La question centrale sera de
mettre en évidence les chaines de valeur concernées, qu’elles
existent et alors il faut les développer ou qu’elles soient à
créer. Elle sera également de définir le cadre de l’action
publique, l’Etat pouvant être à la fois régulateur, soutien,
voire acteur, notamment à travers les partenariats public-
privé.
Une fois que les analyses de filières auront été conduites, il
sera temps de vous consacrer aux aspects thématiques et
transversaux. Quatre thèmes ont été sélectionnés dans le
cadre de cet atelier : la compétitivité de nos produits face à la
concurrence internationale, les ressources humaines dont la
formation doit être rapidement renforcée, la mobilisation de
sources de financement innovantes, notamment en rapport
avec la diaspora et enfin la question cruciale du pilotage de
ces politiques en faveur de la croissance accélérée et de
l’emploi, le suivi étant un des éléments fondateurs de leur
succès pour garantir le déploiement des moyens et des
correctifs qui peuvent s’avérer nécessaires.
L’atelier ne se terminera pas sur ces premiers acquis. En effet,
une fois tous ces travaux consolidés, je ne doute pas que
nous disposerons enfin d’un cadre de réflexion et d’analyse
mais plus concrètement de définition des outils nécessaires à
la mise en œuvre de ces politiques pro-actives en faveur de la
croissance et de l’emploi. Ces cadres formalisés constitueront
en effet le support de la politique économique dont le projet
de budget 2014-2015 sera le levier principal de mise en
action, nous inscrivant non seulement dans une logique de
moyens, mais bien davantage dans une logique de résultats,
sur lesquels nous pourrons être jugés.
La folie disait Einstein c’est se comporter de la même
manière et s’attendre à un résultat différent! Je sais que nous
ne sommes pas fous. Cet atelier doit être pour vous
l’occasion d’oser penser différemment la manière de
conduire la politique économique en Haïti en vous en
donnant les moyens.
Donnez-moi un levier, un point d’appui et je soulèverai le
monde disait Archimède. Notre travail au cours de cet atelier
est de concevoir et donner naissance à un modèle haïtien de
croissance basée sur quelques points d’appuis solides et
quelques leviers d’action simples que toute la population
active puisse facilement comprendre et s’approprier, un
modèle qui nous remette très vite sur le chemin de la réussite
à court terme !
Un modèle original d’économie sociale solidaire qui permette
d’associer les haïtiens aux revenus du travail et du capital.
La tâche est immense mais je suis certain que vous saurez y
consacrer utilement votre temps et votre énergie pour que
cet atelier soit effectivement productif et nous éclaire sur le
chemin de l’amélioration durable du cadre budgétaire. Soyez
en chaleureusement remercié par avance.
Je voudrais pour finir saluer le travail de toute l’équipe du
Ministère de l’Economie et de Finances et du MPCE qui ont
préparé et rendu possible cet atelier. Merci de les applaudir.
Je voudrais également demander à l’assistance de bien
vouloir applaudir tous les intervenants et panélistes qui ont
accepté de venir échanger et partager avec nous au cours de
ces deux jours. Ces remerciements et félicitations sont aussi
pour notre conférencier principal, Monsieur Fritz JEAN,
ancien Gouverneur de la Banque Centrale et actuel Président
de la Chambre de Commerce, d’Industries et des professions
du Nord-Est. Il vient de publier un bouquin très instructif et
bien fouillé dont la lecture vous permettra de bien
comprendre les raisons de l’échec du modèle économique
traditionnel et les voies de modernisation possibles. Merci de
lui présenter nos plus chauds applaudissements.
A vous tous et vous toutes je vous dis donc bon travail et bon
séminaire.
Je vous remercie !