2
portes : les décors et accessoires étaient
vendus aux enchères. Ce théâtre qui
avait connu un succès considérable à la
belle époque, attirant les amateurs de
sensations fortes, ne faisait plus recette,
boudé par un public marqué par les
horreurs de la seconde guerre mondiale.
Depuis 1898, le Grand Guignol avec ses
crimes, ses déments, ses tortures, son
bric à brac érotico-sadique, attirait «
certains estomacs exigeant les épices des
rebuts du Music Hall. »
3
Paula Maxa, surnommée la Sarah
Bernhardt de l’impasse Chaptal, se
rappelle dans ses mémoires avoir été «
flagellée, coupée en tranches, passée au
laminoir, ébouillantée, saignée, vitriolée,
désossée, pendue, enterrée vivante … »
Je me souviens être allé au Grand Guignol,
avoir frémi cherchant en vain les trucages
« live » et sans les moyens électroniques
actuels.
De nombreuses « piécettes » du
répertoire mettaient en scène des
médecins, surtout des neuropsychiatres et
4
des chirurgiens, et contenaient un
message critique de la médecine au début
du siècle. Plusieurs auteurs étaient
médecins eux-mêmes ou issus du monde
médical. André de Lorde, un des auteurs
les plus cotés, bénéficiait des conseils
éclairés d’Alfred Binet, physiologiste et
psychologue célèbre (1857-1911),
professeur à la Sorbonne, fondateur d’un
laboratoire de psychologie expérimentale
et inventeur d’un test d’intelligence. Il
apporta aux drames grand-guignolesques
une rigueur physiologique et une
5
pertinence nosologique et contribua à
dénoncer certaines pratiques du monde
médical. Nous en citerons quelques
exemples un peu plus loin.
6
LE GRAND GUIGNOL
Le qualificatif de Grand Guignol (adjectif
grand-guignolesque) s'applique aux
divertissements basés sur un spectacle
7
d'horreurs macabres et sanguinolentes. Le
terme est devenu péjoratif et désigne
désormais, plus généralement, des
situations exagérées, abusant d'effets
spectaculaires démesurés.
Le nom vient du théâtre situé 7 Cité
Chaptal à Paris dans le 9e arrondissement,
qui s'était spécialisé dans ce type de
spectacles. Il ouvre le 13 octobre 1897, au
fond de l'impasse Chaptal, (dans une
chapelle qui avait servi d'atelier au peintre
Georges-Antoine Rochegrosse. C'est un
certain Oscar Méténier, ancien homme à
8
tout faire d'un commissaire de police,
auteur de pièces refusées, familier de
Maupassant et surtout d'André Antoine,
créateur du théâtre naturaliste, qui lui
souffla l'idée de créer une salle
spécialisée, alternant courts drames
horrifiques et saynètes comiques.
Dans cette salle de 280 places, tout en
largeur, donc au cœur du spectacle, avec
des fauteuils verts et des loges et
baignoires "grillées", un public très varié
du quartier et des beaux quartiers vient
s'encanailler et frémir de plaisir. Mais la
9
censure veille et interdit, dès les débuts,
plusieurs pièces, dont "Lui" de Méténier
qui met en scène, pour la première fois au
théâtre, le huis clos entre une prostituée
et son assassin.
Le changement de siècle et ses angoisses
naissantes vont faire le succès du
deuxième directeur, Max Maurey, auteur
lui aussi, qui va privilégier la mise en scène
au texte, fabriquer un répertoire
spécialisé, notamment sur les
déséquilibres mentaux (y compris chez les
soignants), commencer à utiliser des
10
effets spéciaux et surtout faire appel à
des auteurs qui écriront pour ce théâtre
comme le prolifique André de Lorde (plus
de 70 œuvres à son actif), José de Bérys,
Henri-René Lenormand, Elie de Bassant,
René Berton, Charles Foley et même le
célèbre psychologue Alfred Binet). Les
directeurs se suivent, améliorant les
effets et variant les angoisses. Des stars
se créent comme Paula Maxa et René
Chimier.
Mais à partir de 1935, avec l'apparition du
parlant et surtout des films de genre
11
américains doublés comme Frankenstein,
Docteur X, et Crimes au musée des
horreurs, la concurrence devient rude, et
le répertoire s'affaiblit. Malgré tout, le
Grand Guignol franchit tant bien que mal la
période de l'Occupation et devient plus
une scène de l'érotisme et de l'exotisme.
Le théâtre ferma ses portes le 5 janvier
1963, ne pouvant soutenir la compétition
du cinéma.
12
LES DIRECTEURS AUSSI AUTEURS
Oscar Méténier est un auteur dramatique
et romancier français né à Sancoins (Cher)
13
en 19 janvier 1859 et mort en 9 février
1913 à Saint-Mandé.
Fils d'un commissaire de police, Oscar
Méténier entra d'abord dans la police
comme secrétaire du commissariat de la
Tour Saint-Jacques, où il put observer à
loisir les mœurs des bas-fonds de Paris,
pour lesquels il avait un intérêt presque
scientifique.
« Sanglé dans un harnais, écrit Laurent
Tailhade, il gardait je ne sais quoi de
fringant et d'avantageux qui décelait en sa
personne l'irrésistible sous-officier [...]
14
Un jeune homme sans jeunesse, le poil
brun, les yeux du même, inexpressifs
etronds. Sa peau huileuse avec le teint
noir jaune des hépatiques, des dents
superbes qu'il ne soignait guère, une
moustache soldatesque et pommadée. »
Suiveur de Zola, il écrivit des nouvelles
naturalistes généralement graveleuses et
des articles en argot dans Le Chat noir. Il
se fit une réputation avec des pièces
naturalistes qui mettaient en scène des
vagabonds, des apaches, des prostituées
et les faisaient s'exprimer dans le langage
15
de la rue. En 1896, Mademoiselle Fifi, qui
fut temporairement interdite par la police,
montrait pour la première fois une
prostituée sur scène. L'année suivante, Lui
! réunissait une prostituée et un meurtrier
dans une chambre d'hôtel
En 1897, Oscar Méténier acheta un
théâtre au bout de l'impasse Chaptal (IXe
arrondissement) afin d'y jouer ses pièces.
Ce fut le Théâtre du Grand-Guignol, l'un
des plus originaux de Paris, qu'il dirigea
jusqu'en 1898.
16
Les pièces d’Oscar Méténier :
La Brême, mœurs populaires, drame, Paris,
Théâtre du Grand-Guignol, 13 avril 1897
Le Loupiot, tableau de mœurs populaires,
en 2 scènes, Paris, Théâtre du
Grand-Guignol, 13 avril 1897
Lui !, drame en 1 acte, Paris, Théâtre du
Grand-Guignol, 11 novembre 1897
La Revanche de Dupont l'Anguille, drame
en 3 tableaux, Paris, Théâtre du
Grand-Guignol, 1898
Son poteau, drame, avec Raoul Ralph,
Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 10 avril
18
Max Maurey est un auteur dramatique
français né à Paris en 1866 et décédé à
Neuilly-sur-Seine en 1947. Il fut le
directeur du Théâtre des Variétés de
1914 à 1940 et de 1944 à 1947. Il fut
également directeur et fondateur du
théâtre du Grand-Guignol. Max Maurey
naît à Paris, rue Vivienne, en 1866.
Il est ingénieur de formation, diplômé de
l'École des mines et de l'École centrale
des Arts et Manufactures.
En 1897, il fonde le théâtre du
Grand-Guignol, dont il sera le directeur.
19
En 1914, il devient directeur du Théâtre
des Variétés et le restera jusqu'à sa mort.
En 1935, il est témoin lors du mariage de
Sacha Guitry et Jacqueline Delubac.
Il meurt à Neuilly-sur-Seine en 1947.
20
Camille Choisy, qui a dirigé le théâtre de
1914 à 1930, a apporté avec lui une
vingtaine d'effets spéciaux aussi bien au
niveau de l’éclairage que du son. Sous sa
21
direction, la mise en scène dépasse le
texte.
Il achètera même un bloc opératoire
entièrement équipé pour une nouvelle
pièce.
En 1917 il embauche l'actrice Paula Maxa,
qui bientôt devint connu comme «la Sarah
Bernhardt de l'impasse Chaptal." Pendant
sa carrière au Grand-Guignol, Maxa, "la
22
femme la plus assassinée dans le monde», a
été soumis à une série de tortures unique
dans l'histoire du théâtre: elle a été
abattue avec un fusil et un revolver,
scalpée, étranglée, éventrée, violée,
guillotinée, pendue, écartelée, brûlée,
découpée avec des outils chirurgicaux,
coupée en morceaux, piqué par un scorpion,
empoisonnée à l'arsenic, dévorée par un
puma, étranglée par un collier de perles,
elle a également été étouffée par un
bouquet de roses, embrassée par un
lépreux, et soumise à une métamorphose
23
très inhabituel, qui a été décrite par un
critique de théâtre: "Deux cents
représentation de suite, elle a simplement
été décomposée sur scène devant un public
qui n'aurait pas échangé sa place pour tout
l'or du Monde. L'opération dure deux
bonnes minutes au cours de laquelle la
jeune femme se transforme peu à peu en
un cadavre abominable ».
Si le Grand-Guignol était un théâtre
populaire dans les deux sens du terme - il
était fréquenté par les habitants du
quartier ainsi que par le public qui allait à
24
la Comédie Française. Aller au
Grand-Guignol était un acte privé et
certains membres du public
préfèreraient ne pas être vus.
25
Avec l'arrivée de Jack Jouvin, qui dirige le
théâtre de 1930 à 1937, le répertoire
passe de gore au drame psychologique.
Voulant avoir un contrôle complet sur le
théâtre, Jouvin évince Maxa, qui, à son
avis, était en train de lui voler la vedette.
Le manque de talent de Jouvin et son
ambition personnelle précipite la chute du
Grand-Guignol. L'exagération des éléments
terrifiants dans le jeu des acteurs n’est
devenue plus du tout crédibles et même
parfaitement ridicules. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, le théâtre
26
commence à vaciller, emporté par son
propre excès. La guerre lui porte un coup
fatal. Au printemps de 1958, Anaïs Nin a
commenté le déclin dans son journal: «Je
me suis rendu au Grand-Guignol qui sert à
provoquer des frissons d'horreur. Tous
nos cauchemars que ce soit de sadisme ou
de perversion sont joué sur scène.... Le
théâtre était vide.
27
Dans une interview menée immédiatement
après que le Grand-Guignol est fermé en
1962, Charles Nonon, son dernier
directeur, explique: «Nous n'avons jamais
pu rivaliser avec Buchenwald. Avant la
guerre, tout le monde croyait que ce qui
était arrivé sur scène était purement
imaginaire, maintenant nous le savons. ces
29
André de Lorde, né à Toulouse le 11 juillet
1869 et mort à Antibes (Alpes-Maritimes)
en 1942, est un écrivain et auteur
dramatique français.
30
André de Latour, comte de Lorde, issu
d'une famille noble dont le nom était plus
impressionnant que la fortune, devint
l'auteur emblématique des pièces de
Grand Guignol du début du XXe siècle.
Employé le jour à la Bibliothèque de
l'Arsenal, il se transformait la nuit venue
en dramaturge de l'obscène et de la
terreur. Son œuvre comprend 150 pièces
de théâtre, toutes dévolues à la mise en
scène de l'horreur, et quelques romans.
Certaines de ses pièces furent écrites
avec l'aide de collaborateurs, et
31
notamment avec le physiologiste Alfred
Binet, qui le secondait lorsque le sujet de
la pièce traitait de sujets médicaux
comme l'hystérie ou l'aliénation.
C’est Max Maurey qui découvre le
romancier et dramaturge André de Lorde
- «le prince de la terreur." Sous
l'influence de de Lorde (qui a collaboré à
plusieurs pièces de théâtre avec un ami le
psychologue expérimental Alfred Binet), la
folie est devenue le thème favori du
Grand-Guignol. À une époque où la folie
commençait à peine à être étudiée
32
scientifiquement ou des cas individuels
étaient recensés le répertoire du
Grand-Guignol explore les goûts
particuliers proches de la folie comme les
manies. André de Lorde présente
L'Homme de la Nuit (The Man of the
Night) qui conte l’histoire d’un nécrophile,
qui ressemble étrangement au sergent
Bertrand, un homme condamné en 1849
pour avoir violé des tombes et mutilé des
cadavres. L'horrible passion par André de
Lorde et Henri Bauche, dépeint une jeune
nourrice qui avait étranglé l'enfant dont
33
elle s‘occupait. Comme Méténier, de Lorde
a souvent été la cible de la censure, en
particulier en Angleterre où des tournées
avaient été programées et ou deux de ses
pièces ont été annulés par les censeurs de
Lord Chamberlain. Le théâtre de l'époque,
qui se complait dans les vaudevilles ne
pouvait souffrir la vue du sang ou des
cadavres sur scène.
Œuvres d’André de Lorde
34
Théâtre
Monsieur, Madame et... les autres, pièce
en 1 acte, en prose, Paris, Cercle d'art, 22
mars 1891
Une bonne farce, pièce en 1 acte, d'après
la nouvelle de Jean Reibrach, Paris,
Théâtre de la Roulotte, 9 novembre 1897
Dans la nuit, pièce en 5 actes, avec Eugène
Morel, Paris, Cercle des Escholiers, 18
novembre 1897
Madame Blanchard, comédie en 1 acte, en
prose, Paris, Théâtre du Vaudeville, 9
novembre 1898
35
Loreau est acquitté, pièce en 1 acte, avec
Eugène Morel, Paris, Comédie-Parisienne,
22 décembre 1898
Rêves d'un soir ! comédie en 1 acte, avec
Jean Marsèle, Paris, Nouveau-Théâtre, 11
mars 1899
Old Nubian's Black ! bouffonnerie en 1
acte, Paris, Théâtre de la Roulotte, 18
novembre 1899
La Lettre, pièce en 1 acte, d'après une
nouvelle de Gustave Guiches, Paris, Grand
Guignol, 7 avril 1900
La Dormeuse, pièce en 2 actes, Paris,
36
Théâtre de l'Odéon, 9 février 1901
Doux espoirs ! comédie en 1 acte, avec
Jean Marsèle, Paris, Théâtre de la Gaîté,
16 avril 1901
Hermance a de la vertu ! comédie en 2
actes, avec Claude Roland, Paris, Théâtre
du Gymnase, 27 septembre 1901
Ma négresse ! vaudeville en 1 acte, avec
Claude Roland, Paris, Théâtre Déjazet, 27
octobre 1901
Au téléphone... pièce en 2 actes, avec
Charles Foley, Paris, Théâtre Antoine, 27
novembre 1901
37
La Vieille, pièce en 2 actes et en prose,
tirée d'une nouvelle de Guy de
Maupassant, Paris, Grand Guignol, 10
novembre 1902
Le Système du docteur Goudron et du
professeur Plume, drame en 1 acte,
d'après Edgar Poe, Paris, Grand Guignol, 3
avril 1903
Attaque nocturne, pièce en 2 actes et 3
tableaux, avec Alfred Masson-Forestier,
Paris, Théâtre Antoine, 6 mai 1903
L'Idiot, drame en 2 actes, Paris, Théâtre
de l'Odéon, 29 octobre 1903
38
La Dernière torture, drame en 1 acte, avec
Eugène Morel, Paris, Grand Guignol, 2
décembre 1904
L'Obsession, drame en deux tableaux,
avec Alfred Binet, Paris, Grand Guignol, 17
mai 1905
Madame Hercule, comédie en 1 acte, avec
Georges Montignac, Paris, Scala, 7 octobre
1905
La Nuit rouge, drame en 1 acte, avec
Charles Foley, Paris, Nouvelle-Comédie, 21
octobre 1905
La Victime, ou l'Affaire de l'impasse des
39
Trois-Poulets, comédie en 1 acte, avec
Michel Carré et Jean Marsèle, Paris,
Nouvelle-Comédie, 23 février 1906
Baraterie, drame en 2 actes, avec Alfred
Masson-Forestier, Paris, Grand Guignol, 27
février 1906
À qui le tour ? comédie en 1 acte, avec
Jean Marsèle, Paris, Théâtre Fémina, 10
mai 1907
Terre d'épouvante, pièce en 3 actes, avec
Eugène Morel, Paris, Théâtre Antoine, 17
octobre 1907
Cordon sanitaire, vaudeville en 1 acte, avec
40
Georges Montignac, Paris, Eldorado, 29
février 1908
Une leçon à la Salpétrière, tableau
dramatique en 2 actes, Paris, Grand
Guignol, 2 mai 1908
Un concert chez les fous, pièce en 2 actes,
avec Charles Foley, Paris, Grand Guignol,
29 janvier 1909
L'Horrible expérience, drame en 2 actes,
avec Alfred Binet, Paris, Grand Guignol, 29
novembre 1909
L'Innocent, comédie en 1 acte, avec
Eugène Morel, Paris, Théâtre Antoine,
41
1909
Sur la dalle, drame en 1 acte, avec Georges
Montignac, Paris, Théâtre Moderne, 1909
Bagnes d'enfants, drame en 4 actes, avec
Pierre Chaine, d'après le roman En
correction de Édouard Quet, Paris,
Théâtre de l'Ambigu, 1er juin 1910
L'Homme mystérieux, pièce en 3 actes,
avec Alfred Binet, Paris, Théâtre
Sarah-Bernhardt, 3 novembre 1910
Figures de cire, drame en 2 actes, avec
Georges Montignac, Paris, Grand Guignol,
25 novembre 1910
42
Le Cœur de Floria, ballet, Paris, Théâtre
de la Gaîté, 7 mai 1911
La Petite Roque, drame en 3 actes,
d'après la nouvelle de Guy de Maupassant,
avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre de
l'Ambigu, 2 octobre 1911
Sous les marronniers... farce en 1 acte,
avec Jean Marsèle, Paris, Théâtre des
Mathurins, 15 octobre 1911
L'Amour en cage, comédie en 3 actes, avec
Jean Marsèle et Frantz Funck-Brentano,
Paris, Théâtre de l'Athénée, 23 novembre
1911
43
Les Invisibles, tableau dramatique en 1
acte, avec Alfred Binet, Arènes de Nîmes,
23 juin 1912
Ernestine est enragée ! vaudeville en 1
acte, avec Georges Montignac, Paris,
Théâtre Impérial, 7 février 1913
Le Truc d'Adolphe, vaudeville en 1 acte,
avec Léon Michel, Paris, Concert Mayol, 6
décembre 1913
La Maffia, drame lyrique en 2 actes, avec
Jean Marsèle, musique de Georges de
Seynes, Nice, Opéra, avril 1914
Un crime dans une maison de fous, drame
44
en 2 actes, avec Alfred Binet, Paris, Grand
Guignol, 17 juin 1915
La Visiteuse, pièce en 1 acte, avec Henri
Bauche, Paris, Théâtre Impérial, 27 avril
1916
Le Château de la mort lente, pièce en trois
actes, avec Henri Bauche, Paris, Grand
Guignol, 27 mai 1916
La Bonne amie, comédie en 1 acte, avec
Henri Bauche, Paris, Théâtre Impérial,
Grand Guignol, 15 juin 1916
Le Laboratoire des hallucinations, drame
en trois actes, avec Henri Bauche, Paris,
45
Grand Guignol, 29 novembre 1916
L'Enfant mort, rame en deux actes et
trois tableaux, avec Eugène Morel, Paris,
Grand Guignol, 17 mars 1917
Napoléonette, pièce en 5 actes et 1
prologue, d'après le roman de Gyp, avec
Jean Marsèle, Paris, Théâtre
Sarah-Bernhardt, 29 mai 1919
Forfaiture, comédie musicale en 5
épisodes, d'après le film de Hector
Turnbill, avec Paul Milliet, musique de
Camille Erlanger, Paris, Théâtre de
l'Opéra-Comique, 9 février 1921
46
L'Homme de la nuit, drame en 2 actes,
avec Léo Marchès, Paris, Grand Guignol,
1er octobre 1921
Un beau tableau, comédie en 1 acte, avec
Oscar Bouwens Van der Boijen, Paris,
Grand Guignol, 10 mars 1922
Mon p'tit Tom ! comédie en 1 acte, avec
Léon Michel, Paris, Moulin de la Chanson,
10 avril 1922
Le Cercueil de chair, drame en 2 actes,
avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol,
18 mars 1924
L'Homme aux chèques, pièce en 1 acte,
47
avec José de Bérys, Grand Guignol, 1924
Le Feu de joie, comédie en 3 actes, avec
Claude Roland, Gand, Théâtre royal, 22
octobre 1924
Mon curé chez les riches, pièce en cinq
actes, d'après le roman de Clément Vautel,
avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre
Sarah-Bernardt, 4 mai 1925
Le Cabinet du Docteur Caliguri, drame en 7
tableaux, avec Henri Bauche, d'après le
film de Karl Meyer et Janowitz, Paris,
Grand Guignol, 2 décembre 1925
L'Étrangleuse, drame en un acte, Paris,
48
Grand Guignol, 1er juillet 1926
Les Nuits rouges de la Tchéka, drame en 2
actes, avec Henri Bauche, Paris, Grand
Guignol, 14 décembre 1926
La Chambre ardente, drame en deux actes,
avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol, 7
janvier 1928
Une nuit d'Edgar Poe, cauchemar en 1
acte, Paris, Théâtre Saint-Georges,
février 1929
Mon curé chez les pauvres, pièce en 5
actes, tirée du roman de Clément Vautel,
avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre
49
Sarah-Bernhardt, 28 avril 1930
L'Horrible passion, pièce en trois actes,
avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol,
22 juin 1934
Jack l'éventreur, pièce en trois actes,
avec Pierre Chaine, Paris, Grand Guignol,
30 septembre 1934
Magie noire, drame en trois tableaux, avec
Henri Bauche, Paris, Grand Guignol, 14
février 1935
Pour jouer la comédie de salon, guide
pratique du comédien mondain, 1908
50
Cauchemars, 1912
Rosette, ou l'Amoureuse conspiration,
avec Frantz Funck-Brentano, roman, 1912
Les Maîtres de la peur, avec Albert
Dubeux, 1927
L'Étrange amant du mal, avec Maurice
Landay, 1928
La Galerie des monstres, 1928
Le Second crime de la dame en noir, avec
Maurice Landay, 1929
Dernière conquête, 1942 ; 2002
Contes du Grand-Guignol, édition établie
par Jean-Claude Bernardo, Paris : Fleuve
52
commence à publier des poèmes sous les
noms de José Colb ou José Bloch.
À vingt ans, il choisit de monter à Paris
pour y faire carrière. Il collabore à
Comœdia, Fantasio, L’Humour, Le Journal,
Les Lectures, Le Lyon mondain, Madame
est servie, La Nouvelle revue, Paris-Soir,
Le Radical, Séduction, La Vie parisienne et
d'autres revues. Il fonde, avec Pierre
Chaine et Robert de Beauplan, La Revue du
temps présent. Il est en 1914, avec Louis
Payen, le directeur scientifique du Journal
d’un parlementaire d'Édouard Millaud et,
53
en 1918, l’adaptateur du Poème à la France
de Rudyard Kipling.
Avant et après la Seconde Guerre
mondiale, il occupe divers postes de
secrétaire général dans plusieurs théâtre
où il monte des revues : Théâtre du
Grand-Guignol, Bataclan, théâtre des deux
ânes, Gaieté Rochechouart à Paris ; Casino
des Fleurs à Vichy. Il écrit des romans,
des pièces de théâtre et des pièces
radiophoniques.
De son mariage avec Méda Palm, il a une
fille, Francine Bloch, qui est la quatrième
54
épouse d'Émile Danoën. Il est enterré à
Meudon, au cimetière des Longs Réages.
La Bibliothèque historique de la Ville de
Paris conserve un fonds José de Bérys
composé de lettres autographes, de
manuscrits de ses œuvres, d'articles de
presse, de partitions musicales, de livres
et de programmes de spectacle, et de
papiers de famille concernant notamment
le parlementaire Edouard Millaud
(1834-1912). Ce fonds, provenant de
Francine Bloch, sont entrés par don en
2006.
55
Œuvres représentées au Théâtre du
Grand-Guignol :
1914 : Master Tom ou l'Étalon,
vaudeville, en collaboration avec Pierre
Chaine
1916 : Quart-ville de Paris, comédie,
en collaboration avec Johannès Gravier
1923 : J'veux voir Virginie, comédie
1935 : Un cri dans la nuit, drame
1935 : Les Ondes tragiques, drame
1937 : L'Étrangleur invisible, drame
1937 : On a volé une voiture, comédie,
en collaboration avec François de Rèze
56
1938 : Lizette en ménage, comédie, en
collaboration avec Daniel Jourda
1939 : L'Égorgement de Mme Praslin,
drame
1952 : Un saint homme, comédie
1952 : J'ai une touche, comédie
58
fils du musicien René Lenormand. Il a
épousé Marie Kalff qui a créé la plupart de
ses pièces à Paris.
Il a écrit les pièces de théâtre suivantes :
1909 : Les Possédés, Théâtre des Arts
1913 : Terres chaudes
1914 : Poussière mise en scène Firmin
Gémier, Théâtre Antoine
1919 : Les Ratés, mise en scène Georges
Pitoëff, Salle communale de Plainpalais
1919 : Le temps est un songe, mise en
scène Georges Pitoëff, Salle communale de
Plainpalais
59
1920 : Les Ratés, mise en scène Georges
Pitoëff, Théâtre des Arts
1920 : Le temps est un songe, mise en
scène Georges Pitoëff, Théâtre des Arts
1920 : Le Simoun, mise en scène Gaston
Baty, Comédie Montaigne
1922 : Le Mangeur de rêves, mise en scène
Georges Pitoëff
1924 : L'Homme et ses fantômes, mise en
scène Firmin Gémier, Théâtre de l'Odéon
1924 : À l'ombre du mal, mise en scène
Gaston Baty, Studio des Champs-Elysées
1925 : Le Lâche, mise en scène Georges
60
Pitoëff, Théâtre des Arts
1926 : L'Amour magicien, mise en scène
Gaston Baty, Studio des Champs-Elysées
1927 : Mixture, mise en scène Georges
Pitoëff, Théâtre des Mathurins
1928 : L'Innocente, mise en scène Camille
Corney, Théâtre Antoine
1930 : Le Simoun, mise en scène Camille
Corney, Théâtre Pigalle
1931 : Les Trois Chambres, Théâtre
Edouard VII
1932 : Sortilèges, mise en scène Camille
Corney, Studio des Champs-Elysées
61
1936 : La Folle du ciel
1937 : Le Simoun, mise en scène Camille
Corney, Théâtre des Célestins
1952 : Arden de Feversham, mise en scène
Gaston Baty, Comédie de Provence Casino
municipal d'Aix-en-Provence
La Dent rouge
L'Homme et ses fantômes
Crépuscule du théâtre
Asie
La Maison des remparts
Terre de Satan
Il est aussi l'auteur de :
62
Confession d'un auteur dramatique, édité
en 1949
Les Pitoëff, souvenirs, édité en 1943
Marguerite Jamois.
Les Diables du Brabant (récits)
L'Armée secrète (récits)
A l'Ecart, le Penseur et la crétine (récits)
Ciels de Hollande
Adaptation
1936 : Le Merveilleux Alliage de Vladimir
Kirchon, mise en scène Georges Pitoëff,
Théâtre des Mathurins
Aujourd'hui presque oublié, Lenormand fut
63
un des auteurs les plus célèbres de
l'Entre-deux-guerres. Ses pièces furent
montées par les plus grands metteurs en
scène dont Georges Pitoëff. Depuis sa
mort, la plupart d'entre elles n'ont jamais
été rééditées. Le journal d'Arthur
Schnitzler nous permet de penser qu'il a
influencé ce dernier pour écrire sa
Nouvelle rêvée, dont Stanley Kubrick a
fait une célèbre adaptation : Eyes Wide
Shut.
66
Charles Foley est né à Paris le 9 janvier
1861. Il fit ses études au lycée Condorcet.
Ce fut sans doute un fort mauvais élève,
67
car, depuis l'âge de 8 ou 10 ans, il était
décidé à faire de la littérature.
Contrairement, d'ailleurs, à l'usage, son
père, qui était médecin, l'encouragea
vivement dans cette voie et facilita les
débuts de son fils. C'est à « la Revue
Bleue » que parut la première nouvelle de
Charles Foley.
Peu après, à 19 ans, il publie chez l'éditeur
Monier, sous le titre « Les Saynètes » son
premier volume : des vers.
Comme les peuples heureux, Charles Foley
n'a pas d'histoire.
68
Nous retrouvons le jeune poète sous
l'uniforme de volontaire. Etre soldat, cela
vous allège de ce « duvet autour de l'âme
» dont parle Rostand dans l'à-propos qu'il
prononça au collège Stanislas, avant une
représentation de Cyrano.
Et, à son retour du régiment, Charles
Foley n'écrira plus de vers.
Mais cela ne l'empêche point de demeurer
poète.
Ses deux premiers romans sont «Guerre
de Femmes» et « La Course au Mariage »
qui parût à la Justice de Clémenceau.
69
Le jeune écrivain faisait alors partie du
cercle Volney où Dieudonné, Dumény,
Madame Amel, Matrat, Maria Legault
jouent quelques-unes de ses pièces,
Depuis, Charles Foley n'a cessé de
produire roman s et pièces de théâtre.
Parmi les romans, nous citerons d'abord
ses beaux récits vendéens : Les Colonnes
Infernales, l'Otage, Vendée ! Cœur de Roi,
Guilleri Guilloré, les Mauvais Gars, Jean
des Brumes, plusieurs romans historiques,
Le Roi des Neiges, Fleurs d'Ombre,
l'Histoire de la Reine de Bohème et de ses
70
sept châteaux, puis, parmi les études de
vie contemporaine et de mœurs modernes :
les Cornalines, Monsieur Belle-Humeur,
Mulot et Gendres, Drames de coulisses,
Joles Ames, etc., etc...
Femina a publié Tuteur et l'auteur a connu
de non moindres succès avec son roman de
haute portée sociale et de thèse toute
actuelle sur l'argent intitulée
L'Ecrasement.
M. Charles Foley est aussi l'auteur du
Vieux de la Rouquine, de la Nuit Rouge, et
d'Un concert chez des Fous, en
71
collaboration avec André de Lorde, drames
qui furent accueillis avec une grande
faveur au Théâtre du Grand Guignol.
Dans le même ordre d'idées tragiques,
rappelons les titres des grands Romans
mystérieux de cet écrivain, romans
traduits, dans toutes les langues : Kowa la
Mystérieuse, La Chambre du Judas. Des
Pas dans la Nuit, etc., etc.
Cette oeuvre, déjà considérable, a mis
Charles Foley au premier rang, des
romanciers contemporains. Et il occupe,
parmi eux, une place vraiment bien à lui.
72
Conteur fertile, il a, d'une part, été pour
la Vendée, le Maine, pour les soulèvements
chouans et les complots royalistes, un
autre Dumas, aussi ardent, aussi
mouvementé, aussi pittoresque, plus
soucieux toutefois de la vérité historique.
Psychologue délicat, nuancé et profond, il
a, d'autre part, étudié, les âmes et peint
la société moderne avec une exquise
sensibilité.
Charles Foley a publié successivement ses
contes ou ses romans à l'Illustration, à
Femina, au Temps, au Gaulois, aux Annales
73
Politiques et Littéraires à la Revue Bleue,
au Conteur Populaire, à la Revue
Hebdomadaire, etc., etc.
Enfin, depuis plusieurs années déjà, M.
Charles, Foley qui est un érudit profond et
un bibliophile qui sait extraire des livres
tous les enseignements qu'ils dégagent,
donne à l'Écho de Paris, des Causeries
d'Histoire extrêmement goûtées.
Plusieurs de ces études ont été traduites
et ont paru dans des Revues de Vienne et
de Berlin.
Charles Foley est enfin l'auteur d'Au
74
Téléphone, ce drame poignant dont le
tragique moderne, nouveau, imprévu,
assura le triomphe.
Au Téléphone fut joué plus de douze cents
fois dans toute l'Europe, en Amérique, etc,
etc. Ce drame est resté au répertoire du
théâtre Antoine.
75
Alfred Binet (Alfredo Binetti), né le 8
juillet 1857 à Nice et mort le 18 octobre
1911 à Paris, est un pédagogue et
76
psychologue français. Il est connu pour sa
contribution essentielle à la psychométrie.
Alfred Binet est le fils d'un médecin et
d'une artiste-peintre. À la fin de ses
études secondaires au Lycée
Louis-le-Grand à Paris, il débute des
études de droit. Admis au barreau de Paris
en décembre 1878, après l'obtention de sa
licence de droit, Binet démissionne six ans
plus tard en évoquant des « circonstances
indépendantes de sa volonté ». Il engage
ensuite des études de médecine qu'il ne
terminera pas. Il complète sa formation
77
éclectique par des cours de
psychophysiologie et de clinique
psychiatrique.
En 1883, Joseph Babinski présente Binet à
Charles Féré avec qui il publie Le
Magnétisme animal et Les Altérations de
la personnalité.
En 1884, Alfred Binet épouse la fille de
l'embryologiste Édouard-Gérard Balbiani
et commence des études de sciences
naturelles à la Sorbonne sous la direction
de son beau-père. Encouragé par Théodule
Ribot à poursuivre ces études dans le
78
domaine de la psychologie, il travaille avec
Jean-Martin Charcot à l'Hôpital de la
Salpêtrière où l’hypnose et la suggestion
sont des thèmes d'expérimentation
nouveaux et fertiles. La naissance de ses
deux filles, Madeleine (1885) et Alice
(1888), lui fournit un sujet d'études.
En 1890 il rencontre Henri Beaunis qui a
créé l'année précédente le Laboratoire de
psychologie physiologique de la Sorbonne,
rattaché à l'École pratique des hautes
études. Binet l'y rejoint et se voit nommé
directeur adjoint en 1892. En 1892,
79
Théodore Simon, interne de psychiatrie à
la colonie de Perray-Vaucluse, le contacte
au sujet des enfants anormaux dont il a la
charge. Ils débutent une collaboration.
En 1894, Alfred Binet fonde avec Henri
Beaunis la revue L'Année psychologique.
L'année suivante, il devient directeur du
laboratoire de psychophysiologie à la place
d'Henri Beaunis. En 1895, il donne une
série de cours à l'Université de Bucarest,
en Roumanie.
En 1905, à la demande du gouvernement
français, Alfred Binet publie une échelle
80
métrique de l'intelligence qu'il a élaboré
conjointement avec Théodore Simon.
Cette échelle a pour but de mesurer le
développement de l'intelligence des
enfants en fonction de l'âge (âge mental).
Il opte d’emblée pour une stratégie
ouverte, c’est-à-dire qu’il n’écarte a priori
aucun indicateur. Il s’intéresse ainsi
notamment à la graphologie ainsi qu’à la
céphalométrie ou encore la chiromancie. Il
ne retient que les indicateurs
suffisamment pertinents pour évaluer
l'intelligence. Dans les années suivantes, il
81
proposera des améliorations. Ce travail
sera le point de départ de nombreux
autres tests, en particulier le quotient
intellectuel (QI).
Alfred Binet meurt d'une congestion
cérébrale le 18 octobre 1911.
Il est l'inventeur des premiers tests
psychométriques. Le peuple qui a les
meilleures écoles est le premier peuple.
S'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera
demain. (Jules Simon).
Suite à la loi de l'enseignement obligatoire
de 1882, Binet fut chargé de mission en
82
1904 par le ministre de l'Éducation. Le
ministère de l'instruction publique fait
appel à ses compétences pour imaginer un
outil qui permettrait de repérer les
enfants susceptibles de rencontrer les
plus grandes difficultés scolaires. Alfred
Binet s'adjoint les services du médecin
Théodore Simon. L'échelle psychométrique
Binet-Simon vise à un diagnostic rapide
d'arriération en comparant les
performances de l'enfant à celles de sa
classe d'âge. Binet refusait l'exclusion des
débiles légers. Loin de chercher à éliminer
83
certains écoliers du circuit scolaire au nom
d'une idéologie ségrégationniste, Binet
entend en réalité organiser pour eux une
structure d'accueil pour leur permettre
de réintegrer au plus vite les classes
normales. L'espoir de cette réinsertion se
fortifie avec l'ouverture, en octobre 1905,
de son laboratoire de pédagogie normale, à
l'école de la rue de la Grange-aux-Belles à
Paris. Qui plus est, Binet est le premier à
souligner la différence sociale des
variations cognitives dans les résultats
des performances intellectuelles, mais
84
aussi physiques. Son échelle
psychométrique conduira pourtant à des
interprétations naturalistes et raciales,
plus simplistes, notamment aux États-Unis.
Sa modification par Lewis Madison Terman
en fera un instrument de sélection et
d'élitisme.
Pièces de théâtre
Alfred Binet écrivit des pièces de théâtre
en collaboration avec André de Lorde.
L'Obsession
Une leçon à la Salpêtrière
L'Horrible Expérience
87
Maxa, nom de scène de Marie-Thérèse
Beau, (7 décembre 1898 - 23 septembre
1970) était une actrice de théâtre
française, spécialisée dans les rôles de
victimes dans les pièces du Grand Guignol,
de 1917 à 1933.
Surnommée la "Sarah Bernhardt de
l'impasse Chaptal" et "la femme la plus
assassinée au monde" pour avoir été mise à
mort 30 000 fois sur scène, son jeu
scénique se caractérisait par l'outrance
des gestes, les cris d'épouvante, les yeux
exorbités, les larmes ou la simulation de
88
crise de nerfs.
Selon ses souvenirs, elle aura en effet été
"flagellée, martyrisée, coupée en tranches,
recollée à la vapeur, passée au laminoir,
écrasée, ébouillantée, saignée, vitriolée,
empalée, désossée, pendue, enterrée
vivante, bouillie au pot-au-feu, éventrée,
écartelée, fusillée, hachée, lapidée,
déchiquetée, asphyxiée, empoisonnée,
brûlée vive, dévorée par un lion, crucifiée,
scalpée, étranglée, égorgée, noyée,
pulvérisée, poignardée, revolvérisée et
violée".
89
Son principal partenaire de scène au Grand
Guignol était Georges Paulais.
Il lui est arrivé de quitter ses rôles
fétiches pour des productions moins
sanglantes, des comédies de boulevard et
quelques rôles au cinéma. En 1933, elle fut
directrice d'un théâtre voisin de Pigalle, le
Théâtre du Vice et de la Vertu, rue
Fontaine.
91
Georges Paulais est un acteur français né
le 16 septembre 1884 à Guimps et mort le
12 décembre 1967 à Chabanais.Après une
belle carrière au théâtre où il était
92
l'interprète fétiche des drames d'André
de Lorde, le cinéma fait appel à lui et à sa
voix de basse profonde dès le début du
parlant. Son impressionnante filmographie
est composée en grande partie de
modestes apparitions marquantes, elle
s'étend de 1910 à 1968.
94
« Le système du docteur Goudron et du
professeur Plume » (1905) critique les
libérations précoces des aliénés, qui par
ailleurs sont souvent traités comme des
bêtes curieuses et parfois comme des
bêtes sauvages. De même, «L’obsession
ou les deux forces » (1905) embraie sur le
même thème et met en lumière les conflits
de l’époque entre les tendances libertaire
et répressive. Un célèbre aliéniste ne
diagnostique pas la folie d’un patient qui
décrit ses pulsions meurtrières en les
attribuant à son beau-frère avec lequel il
95
serait très intime : insomnie,
amaigrissement, colères subites, peurs
injustifiées.
« La leçon à la Salpetrière » (de Lorde,
1908) est une critique acerbe des
expérimentations de Charcot sur
l’hystérie. Alfred Binet a certainement
inspiré cette pièce. Les internes, pour
plaire au patron, apprennent aux patientes
à jouer la comédie et à simuler les
symptômes de la folie (léthargie,
catalepsie par exemple). Ces mêmes
internes imaginent, à l’insu du patron, des
96
expériences proches de la torture.
Toutefois l’un d’eux a des conceptions très
neuves pour l’époque : « nous exagérons
nos droits vis-à-vis des malades : les
malades de l’assistance publique ne sont
pas soignés comme ceux qui paient. Nous
faisons de la science : il vaudrait mieux
faire de l’humanité. »
« Le concert chez les fous » (1910) montre
que les psychiatres ne se préoccupent
guère de la réinsertion des malades
mentaux après la sortie du milieu
hospitalier. Une folle est renvoyée chez
97
elle, soi-disant guérie, sans prévenir son
frère et sans l’avertir de la mort de son
père. Lors du concert organisé à l’asile
par le directeur, les fous ne participent
pas à la fête et sont l’objet de la risée des
invités : l’un se prend pour une locomotive,
un autre se croit en porcelaine et le
troisième croit être Lamartine.
Dans « Le labo des hallucinations » (1916)
l’auteur critique les expériences sur le
cerveau pour étudier les mécanismes de la
douleur ; un chirurgien, pour se venger de
l’amant de sa femme, efface son
98
intelligence et sa mémoire, sans le tuer.
Un cas de « folie circulaire » et périodique
est remarquablement analysé dans « Les
détraquées », pièce signée par Olaf et
Palau : une institutrice morphinomane est
atteinte de folie meurtrière et de
perversion sexuelle. La mise en scène et
le texte scientifique suggéraient qu’un
médecin se cachait sous le pseudonyme de
Olaf. Ce n’est qu’en 1956 qu’André
Breton, neuropsychiatre lui-même, révèle
dans le premier numéro de la revue « Le
Surréalisme » qu’Olaf n’était autre que
99
Joseph Babinsky (1857-1932), neurologue,
qui avait décrit le syndrome pyramidal et
notamment le fameux signe qui porte son
nom.
Dans le même ordre d’idées, le couple de
Lorde – Binet a commis une autre pièce
intitulée « Crime dans une maison de fous
» (1925) ; le corps médical d’un asile se
révèle négligent, tandis que les religieuses
apparaissent uniquement préoccupées par
leur rituel et par les devoirs à rendre aux
morts, laissant les aliénés sans
surveillance la nuit pour se consacrer au
100
service de la chapelle. Les folles non
pratiquantes sont négligées : « Les gens
sans religion, c’est comme les animaux. »
proclame la sœur supérieure. Cette même
paire d’auteurs avait écrit « L’horrible
expérience » en 1909, qui stigmatisait la
vivisection psychologique . Un demi siècle
avant le choc électrique externe et les
pacemakers, le héros de la pièce, le
docteur Charrier, avait inventé une
machine avec roue dentée, crémaillère et
bobine, munie d’une électrode qui poussée
jusqu’au cœur, pouvait y être « plantée »
101
et permettait de « stimuler » le cœur
pendant plusieurs heures, la fréquence et
l’intensité étant réglables.
Si la neuropsychiatrie est le sujet le plus
souvent traité parce que les « conseillers
» Binet et Babinsky appartenaient à cette
spécialité, le théâtre « médical » du Grand
Guignol dénonçait d’autres abus dans le
domaine de la médecine.
« Le chirurgien de service » (1905) est une
satire violente du carcan administratif de
l’Assistance Publique de Paris. Sous peine
de sanctions, un interne ne pouvait opérer
102
hors la présence d’un chirurgien. Une
jeune femme est admise à l’hôpital pour
une grossesse extra-utérine rompue.
L’interne refuse de l’opérer en l’absence
du chirurgien et elle meurt exsangue.
Cette scène illustre en outre la saleté de
la salle de garde, l’insensibilité peut-être
apparente des médecins et le langage
cynique et grossier des internes.
« Le professeur Verdier » (1907) ne
retrouve plus une pince en or qu’il
considère comme son fétiche : « Dans quel
ventre l’ai-je laissé ? » Il projette de
103
réopérer plusieurs patients sous les
prétextes les plus divers, mais
heureusement il finit par retrouver la
pince dans un sucrier !
« Après coup » (1908) de René Berton,
médecin en Périgord, est une pantalonnade
ridiculisant l’idée de Charcot selon laquelle
les tics sont des signes avant coureurs de
maladie nerveuse.
Enfin, en 1911 une pièce « La dichotomie »,
scandalise le corps médical et entraîne la
démission du médecin de service qui
soignait les malaises des spectateurs
104
impressionnables. C’est l’histoire d’une
femme riche qui a un nodule au sein. Le
chirurgien et le généraliste, poussé par
une épouse dépensière, y décident
d’opérer avant d’avoir reçu le résultat de
la biopsie et s’accordent sur les honoraires
et leur répartition. Lorsqu’ils apprennent
qu’il s’agit d’une tumeur bénigne, ils
persistent dans l’intention d’opérer et
transfèrent la patiente dans une clinique
d’Auteuil. Comme nous sommes au Grand
Guignol et qu’il faut de l’émotion et de
l’horreur, la patiente mourra d’une syncope
105
« blanche » lors de l’induction de
l’anesthésie par le chloroforme.
Malgré les outrances, les
invraisemblances, le mérite du Grand
Guignol est d’avoir mis en évidence
certains abus et erreurs de la médecine au
début du siècle.
106
La peur de «l'autre» est apparu au
Grand-Guignol en d'innombrables
variations: la peur du prolétariat, la peur
de l'inconnu, peur de l'étranger, peur de la
contagion certains avaient la rage. La lèpre
107
a décimé les passagers de la pièce de Max
Maurey Le Navire et les serviteurs dans
L'Auberge ont été la proie d'une maladie
mystérieuse. Dans plusieurs pièces un
visiteur d’une maison close a été exposé à
la syphilis.
Mais ce qui portait le Grand-Guignol à son
plus haut niveau ont été les états de
conscience altérée par les drogues ou
l'hypnose. Perte de conscience, perte de
contrôle, panique, des thèmes avec
lesquels les spectateurs du théâtre
pouvaient facilement s’identifier.
108
Quand un théâtre affiche régulièrement
des amputations, brûlures à l'acide,
éviscérations, coups de poignards et
toutes sortes d'autres actions violentes,
une personne peut demander mais
comment étaient fait ces nombreux effets
aussi réalistes ?
L'un des secrets les mieux gardés du
Grand Guignol était leur faux sang.
Plusieurs sources disaient qu'il se figeait
après quelques minutes comme le sang
réel. Mel Gordon, un professeur de
109
théâtre à l'université de Berkeley et
expert dans les trucages du Grand Guignol
affirme que la base est faite d'un mélange
chauffé à parts égales de carmin et de
glycérine. Le carmin est un pigment rouge
vif en faisant bouillir des insectes séchés,
on peut d’ailleurs trouver des peintures qui
utilisent ce pigment mais le trouver dans
sa forme pure est plus difficile et
nécessite la recherche de magasins
spécialisés.
Afin de livrer les marchandises, une
variété d'appareils et d'accessoires, des
110
astuces ont été nécessaires. Il s'agit
notamment des couteaux en caoutchouc,
vessies cachées, des tubes grands et
petits, des conduites de vapeur, un
poignard qui fait gicler "du sang" à partir
d'un flacon caché dans la main d'un acteur,
poudres rapidement enflammé, une table
avec des accessoires cachés dans tiroirs.
Bien sûr il existe des couteaux qui sont
comme les classiques "flèche-dans-la
tête » où les deux moitiés sont séparées
par un fermoir en métal qui s'adapte
autour du membre de l'acteur.
111
Couper la main d'un homme est plus facile
que ça en a l'air. Il faut d’abord raidir un
gant avec de l'eau et de la colle de sorte
qu'il obtienne la même forme et le peindre
comme une vraie main. L'acteur qui porte
le gant doit être encore capable de bouger
ses doigts . Lorsque la main est coupée
l’acteur enlève le gant et déplace sa main
dans sa manchette dans laquelle est
dissimulée un tube en carton munie d'une
poche de sang. Le gant raidi lui, garde sa
forme identique.
112
Une grande partie du développement des
effets du théâtre sont dus aux pièces du
Grand Guignol mentionnées ci-dessus et
plus particulièrement à Paul Ratineau le
régisseur. Beaucoup de trucs ont été
gardés secrets, certains ont même été
brevetés. La plupart étaient finalement
très simple. La puissance et l'intelligence
de Paul Ratineau ne faisait pas tout. Il a
surmonté un certain nombre de défis.
Premièrement, la scène elle-même était
petite avec le public suffisamment près
113
pour serrer la main des acteurs . Et donc il
fallait dissimuler suffisamment les
trucages pour qu’il ne soit pas vu du public.
Il ne faut pas s'étonner alors, que
Ratineau ait également travaillé beaucoup
sur les éclairages du Grand Guignol. Ainsi
l'éclairage pouvait cacher les
imperfections mais aussi amener le regard
des spectateurs ailleurs afin qu’il ne voit
pas le trucage. De même, l'agencement des
décors et des objets sur scène était
combiné de façon à détourner l'attention
du public. Les effets sonores (également
114
mis au point par Ratineau) avaient bien sûr
leur importance. En d'autres termes, les
accessoires et les astuces que l’on
trouvaient extraordinaires pouvaient
paraître fort simple dès qu’on les
étudiaient un tout petit peu en tenant
compte de la mise en scène.
Lorsque l'argent s‘est fait rare, le théâtre
a préféré les femmes poignardées plutôt
que les hommes, parce que leurs costumes
étaient moins chers car plus petits à
nettoyer. Pour les blessures à la tête, les
hommes étaient les victimes parce que
115
leurs cheveux courts étaient plus facile à
laver.
Naturellement, tout ceci est illusion mais
le simulacre n'est pas toujours dénuée de
risque. Une fois, une actrice qui devait se
pendre fit que le dispositif de protection a
éclaté et elle a failli vraiment se pendre.
Un acteur avait été brûlée par les
flammes d'un revolver. Dans "Orgie dans
le phare," l'héroïne a souffert encore plus
que prévu ayant presque pris feu; dans une
autre pièce , son partenaire masculin a
commencé à croire à son rôle un peu trop
116
et l’a vraiment battu de sorte qu'elle a été
forcée d’aller à la campagne pour soigner
une dépression nerveuse.