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INTRODUCTION

I. Le virus HTLV-1

1) Description gnrale

Le virus de la leucmie cellules T de l homme (HTLV-1, human T-cell leukaemia

virus) est un rtrovirus complexe de la famille des deltaretrovirus. C est le premier rtrovirus

humain isol sparment en 1980 et 1981 par des quipes amricaine et japonaise. Ce virus

est l agent tiologique de la leucmie cellules T de l homme (ATL), une leucmie des

cellules T CD4+ matures, htes du virus. L infection par HTLV-1 induit galement des

manifestations inflammatoires incluant un dsordre neurodgnratif appel mylopathie

associe HTLV-1 (HAM) ou paraparsie spastique tropicale (TSP). Aujourd hui, 10 20

millions d individus au monde sont infects par HTLV-1. Ce virus est endmique au Japon,

en Afrique centrale, dans les Carabes et en Amrique du Sud. La leucmie cellules T de

l homme ne se dveloppe que chez des individus infects par HTLV-1 et toutes les cellules

leucmiques issues de ces individus contiennent un provirus intgr, impliquant ce virus

comme agent causal de la leucognse. Nanmoins, seul 5 10% des individus infects

dveloppent une leucmie cellules T de l homme et ce aprs une priode asymptomatique

de plusieurs dcennies. Cette leucmie est aigue et une fois dclare, le temps de survie

moyen des patients est de moins d une anne. Aucun traitement efficace n est actuellement

disponible. La transmission du virus se fait principalement par l allaitement maternel, les

rapports sexuels et les transfusions sanguines. Deux autres virus apparents ont t mis en

vidence : HTLV-2 et HTLV-3. Le premier a t isol dans un cas de leucmie cellules

chevelues mais n a jamais t clairement associ au dveloppement de dsordres

lymphoprolifratifs. Le deuxime a t rcemment isol et la squence nuclotidique de son

gnome indique qu il est plus proche d HTLV-1 que d HTLV-2. Nanmoins, peu

d informations sont actuellement disponibles sur les pathologies associes ce virus12.

2

2) Cycle de vie d un rtrovirus

La particule virale (Figure 1) est enveloppe et sphrique avec un diamtre de 110 140

nm. L enveloppe virale est issue, lors du bourgeonnement du virus, de la membrane

plasmique de la cellule hte dans laquelle sont insres les glycoprotines de surface et

transmembranaire. Le centre du virion est constitu d une nuclocapside icosadrique

(polydre rgulier 20 faces triangulaires et 12 sommets) qui contient le gnome viral

constitu de deux molcules d ARN simple brin de polarit positive d environ 9 kb, la

transcriptase inverse, l integrase et la protase.

Figure 1 : Structure d une particule virale du virus HTLV-1 (adapt de Maniez-Montreuil, 1989)

La premire tape du cycle de vie du rtrovirus inclut l entre du virus dans la cellule, la

rtrotranscription de l ARN gnomique en ADN complmentaire double brin, la migration de

cet ADN dans le noyau et enfin, l intgration de cet ADN dans le gnome de la cellule pour

former un provirus stable. L intgration virale se fait prfrentiellement dans des gnes, des

sites de dbut de transcription et dans des ilots CpG18,74

. La seconde tape du cycle viral

3

utilise les machineries cellulaires de transcription et de traduction pour permettre l expression

des gnes viraux. Ces processus sont rguls par les protines Tax et Rex codes par le virus.

Enfin, les protines de structure du virus et son gnome sont assembls la membrane

plasmique pour le bourgeonnement des nouvelles particules virales123

.

La transmission de HTLV-1 se fait par contact de cellules cellules. Lorsqu une cellule

infecte entre en contact avec une cellule non infecte, le centre d organisation des

microtubules (MTOC) est polaris la jonction cellulaire et une synapse virale se forme

l interface entre les cellules. Ensuite, les protines de structure et l ARN gnomique viral

s accumulent au niveau de cette synapse et passent dans la cellule non infecte. La molcule

d adhsion intercellulaire (ICAM-1) et l antigne associ la fonction des lymphocytes

(LFA-1) sont importants pour la formation de cette synapse et donc l infection par HTLV-1.

Comme LFA-1 est exprime dans les lymphocytes T, ce mcanisme est en accord avec une

infection de ces lymphocytes par HTLV-1 in vivo. D autre part, la protine de transport du

glucose (GLUT-1) et le protoglycan chane hparane sulfate (HSPG) ont t impliqus

dans le transfert de cellules cellules du virus HTLV-1 ainsi que pour la liaison avec la

protine d enveloppe virale, permettant l entre du virion. Nanmoins, les mcanismes

impliqus dans la fonction de ces rcepteurs ne sont pas encore connus16,103

.

3) Le gnome d HTLV-1

La forme intgre du gnome du virus HTLV-1 ou provirus (Figure 2) contient les

gnes gag, pol, pro et env qui codent pour les protines virales enzymatiques et de structure,

communes aux rtrovirus. Il est flanqu aux extrmits par les longues rptitions terminales

ou LTR qui sont cres lors de la rtrotranscription du gnome d ARN en ADN

complmentaire. Le LTR 5 contient le promoteur viral tandis que le LTR 3 contient le site

de terminaison de la transcription ainsi qu un promoteur permettant l expression d un gne

rcemment identifi (HBZ) sur la fibre anti-sens. La rgion pX, localise entre le gne env et

le LTR 3 , code pour plusieurs protines rgulatrices virales (Tax, Rex, p21, p12, p13 et p30).

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Figure 2 : Reprsentation schmatique de la structure du gnome de HTLV-1 et des ARN messagers

correspondants. (Adapt de Matsuoka, 2007) Carte du gnome du provirus HTLV-1 ainsi que des ARN

messagers correspondants avec les sites d pissage.

Le gne gag code pour un prcurseur qui est cliv par la protase virale pour former les

protines de structure du virus : la matrice (MA, p19), la capside (CA, p24) et la

nuclocapside (NC, p15). Le gne env code pour un prcurseur glycosyl qui, aprs clivage,

gnre les glycoprotines de surface et transmembranaire. Le gne pol code pour les protines

enzymatiques du virus, la transcriptase inverse, l intgrase et la protase. Ces diffrentes

protines sont traduites partir d ARN messagers viraux non pisss (gag, pol) ou

simplement pisss (env).

La rgion pX contient 4 cadres ouverts de lectures (ORF I IV) qui codent pour 6

protines rgulatrices grce un systme d pissage alternatif des transcrits primaires et de

multiples sites d initiation de la traduction. Parmi ces protines rgulatrices, la protine Tax

est un facteur de transcription pliotrope qui joue un rle majeur dans la rgulation de

l expression des gnes viraux et dans l induction de la transformation lors de l infection par

HTLV-1. Ce point sera dvelopp dans le paragraphe II. La protine Rex est une

phosphoprotine de 27 kDa qui est localise dans le nuclole et le nucloplasme. Elle est

implique dans l export slectif des ARN messagers viraux non pisss ou incompltement

pisss du noyau vers le cytoplasme, permettant ainsi l expression des protines virales

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enzymatiques et de structure. Elle joue donc un rle essentiel de rgulateur post-

transcriptionnel. La fonction de Rex est contrle par un domaine de liaison l ARN riche en

arginine dans sa partie amino-terminale, qui se superpose un signal de localisation nuclaire

et un domaine d activation riche en leucine qui comporte un signal d export nuclaire. Rex

interagit par son domaine amino-terminal avec l lment de rponse Rex localis

l extrmit 3 des ARN messagers viraux et via son domaine d activation avec le facteur

cellulaire d export nuclaire CRM-117,37,124.

Les protines p30II, p12

I, p13

IIcontribuent galement l tablissement de l infection

persistante in vivo. La protine p12 est prsente dans le rticulum endoplasmique et le Golgi

et elle interagit avec la calreticuline et la calnexine. Elle augmente la quantit de calcium

cytoplasmique conduisant l activation des facteurs de transcription de la famille NFAT,

influenant ainsi la prolifration et la diffrentiation des lymphocytes T19

. Les fonctions de la

protine p13, qui est localise dans la mitochondrie, ne sont pas claires prsent. Enfin, la

protine p30II est prsente dans le nuclole. Cette protine a t implique dans l inhibition de

l expression des ARN messagers codant pour Tax et Rex. Deux mcanismes ont t proposs

pour cette inhibition : l un implique l interaction de p30II

avec la jonction d pissage de

l ARN messager codant pour les protines Tax et Rex, induisant sa rtention dans le noyau et

l autre implique l interaction de p30II

avec les complexes forms par Rex et CRM-1, induisant

leur rtention dans le nuclole7,81

.

Rcemment, un cadre ouvert de lecture a t mis en vidence sur le brin anti-sens du

gnome d HTLV-1. Ce cadre ouvert de lecture est transcrit en ARN messager grce un

promoteur fonctionnel prsent dans le LTR 3 du gnome d HTLV-1 et code pour la protine

HBZ (facteur bZIP d HTLV-1) qui contient un domaine d activation de la transcription dans

sa partie amino-terminale et un domaine leucine zipper dans sa partie carboxy-terminale.

Cette protine compte avec Tax pour l interaction avec CREB et induit ainsi une inhibition

de l expression des gnes viraux. D autre part, il semblerait que l ARN messager de HBZ

puisse stimuler l expression du facteur E2F1, contribuant la prolifration cellulaire, mais les

donnes ce sujet sont encore fort controverses76,92

.

6

II. La protine Tax

Tax est un facteur de transcription pliotrope qui active l expression des gnes viraux

partir du LTR 5 ainsi qu un ensemble de gnes cellulaires impliqus dans la prolifration et

la diffrentiation des lymphocytes T. Cette activit transcriptionnelle rsulte de la capacit de

Tax d activer diverses voies d activation cellulaires incluant la voie des facteurs de

transcription ATF/CREB (activating transcription factor/cAMP response element binding

protein), NF-B (Nuclear factor B) et SRF (serum response factor). Outre les voies

d activation transcriptionnelle, la protine Tax affecte de multiples processus biologiques

contrlant la progression du cycle cellulaire, l activit de suppresseurs de tumeurs et

l efficacit des systmes de rparations de l ADN.

L hypothse que Tax joue un rle primordial dans les premires tapes qui mnent la

transformation des lymphocytes T et au dveloppement de la leucmie cellules T de

l homme lors de l infection par HTLV-1 rsulte des observations suivantes. L expression

dans des lymphocytes T humains primaires de la rgion pX du gnome de HTLV-1, qui code

pour l ensemble des protines rgulatrices virales parmi lesquelles Tax, dtermine

l immortalisation de ces lymphocytes29. L immortalisation des lymphocytes T primaires est

galement obtenue suite la transfection d un provirus HTLV-1 clon. Cependant, des

provirus fonctionnels prsentant des gnes tax muts incapables d activer l expression de

gnes cellulaires par la voie des facteurs NF-B sont dfectifs pour l immortalisation des

lymphocytes T88. Tax coopre galement avec le proto-oncogne Ras pour transformer des

fibroblastes de rat86

. L ensemble de ces travaux indique que l activation par Tax de

l expression de gnes cellulaires par la voie NF-B est une des fonctions critiques de Tax

pour permettre la transformation cellulaire88,118. Enfin, l expression de la protine Tax

dtermine le dveloppement de tumeurs dans des souris transgniques79. En particulier, des

souris transgniques exprimant le gne tax sous le contrle du promoteur du granzyme B

permettant son expression dans les cellules NK dveloppent un type particulier de leucmie

(LGL : large granulocytic leukemia)30

.

7

Le processus oncognique induit par le virus HTLV-1 (Figure 3) s effectue en plusieurs

tapes.

Figure 3 : Schma des diffrentes tapes conduisant au dveloppement de l ATL. (Adapt de

Mesnard, 2006). La transmission du virus se fait de cellules cellules et l accroissement du nombre de cellules

infectes est d une prolifration clonale de ces cellules infectes. Les cellules exprimant de haut taux de la

protine Tax sont la cible d une rponse immune intense, conduisant la slection de cellules exprimant peu de

Tax. Celles-ci subissent des altrations gntiques et pigntiques conduisant finalement l ATL.

Chez les patients infects, la prolifration clonale des cellules infectes assure

l accroissement du nombre de cellules infectes plutt que la propagation du virus de cellule

cellule. Au cours de la longue priode asymptomatique qui suit l infection, les capacits de

Tax d activer la prolifration des cellules T, d interfrer avec la rparation de l ADN et

d empcher l arrt du cycle cellulaire (Figure 4) induisent des altrations gntiques et

pigntiques menant une rplication cellulaire incontrle. Il faut cependant noter que la

prsence d ARN messager exprimant Tax n est dtecte que dans 40% des cas d ATL,

indiquant que Tax n est pas ncessaire pour le maintien du phnotype transform. L analyse

des provirus et des transcripts de Tax dans les cellules ATL indique que la perte de

l expression de Tax rsulte de l accumulation de mutations non-sens dans le gne tax, de

dltions du LTR 5 ou encore de l hypermthylation du provirus. Il faut aussi noter que les

cellules exprimant Tax sont les cibles d une rponse immunitaire intense menant la slection

des cellules exprimant peu ou pas la protine Tax.

8

Figure 3 : Schma des diffrentes fonctions de Tax dans la transformation.

Tax semble donc ncessaire pour l initiation de la transformation mais pas pour le

maintien du phnotype transform. Dans le processus de transformation, on distingue deux

stades, l immortalisation qui mne la prolifration dpendante de l interleukine-2 (IL-2) des

lymphocytes T infects et la transformation o la prolifration des cellules devient

indpendante de l IL-2.

1) Rle de Tax dans l activation de l expression des gnes du virus HTLV-1

La protine Tax active l'expression de l ensemble des gnes du virus HTLV-1 en

recrutant des facteurs de transcription cellulaires appartenant la famille ATF/CREB au

niveau du promoteur viral dans le LTR 5 (Figure 5). Le promoteur viral contient trois

rptitions imparfaites de 21 pb dans la rgion U3 du LTR, appeles lments de rponse

Tax (TRE). Ce sont des lments enhancer agissant en cis requis pour l activation par Tax de

ce promoteur. Chacune de ces rptitions contient un domaine central prsentant des

homologies de squence avec l lment de rponse l AMP cyclique (CRE) flanqu de

9

courtes squences riches en guanine et cytosine. Des analyses de gel retard indiquent que Tax

interagit avec les facteurs de la famille ATF/CREB pour augmenter leur affinit de liaison aux

lments enhancer TRE. Dans ce complexe, Tax interagit par son extrmit N-terminale avec

le domaine leucine zipper commun aux facteurs ATF/CREB et contacte le sillon mineur de

l ADN au niveau des squences riches en guanine et cytosine permettant la stabilisation du

complexe form63. La formation du complexe Tax/CREB sur le promoteur sert alors de site de

haute affinit pour le recrutement des co-activateurs transcriptionnels CBP, p300 et P/CAF.

Le recrutement de p300 et CBP par le complexe Tax/CREB ncessite la phosphorylation de

CREB sur la srine 13323,57

et l interaction de Tax avec 3 domaines distincts des co-

activateurs CBP/p300 : le domaine CH-1, KIX et SRC-136,57,93

. Diffrents domaines de Tax

ont galement t caractriss pour leur interaction avec les co-activateurs CBP et p300.

Ainsi, un domaine amino-terminal de Tax, caractris par la mutation K88A, mdie

l interaction avec CBP36

tandis que la rgion carboxy-terminale de Tax, caractrise par la

mutation M47 (L319A, L320S) a t montr ncessaire pour la liaison P/CAF45

. Cette

rgion a galement t implique dans l interaction avec CBP. De plus, la rgion centrale

caractrise par la mutation M148 (G148V) a t implique dans l interaction avec p30011

.

Figure 4 : Schma du complexe prsent sur le promoteur viral. (Adapt de Kashanchi, 2005). La protine

Tax interagit avec le domaine bZIP des facteurs de la famille ATF/CREB au niveau de l lment de rponse

Tax (TRE) prsent dans le promoteur viral. Ce complexe permet le recrutement des co-facteurs CBP et p300, qui

actylent les histones et se lient aux facteurs gnraux de la transcription, conduisant l activation de

l expression des gnes viraux.

D autre part, l activit du promoteur HTLV-1 intgr dans la chromatine est fortement

stimule par la surexpression de p300 ou de CBP mais pas de P/CAF. Les activits

actyltransfrases des co-activateurs p300 et CBP, mais pas celle de P/CAF, sont donc

10

requises pour l activation de l expression des gnes viraux par Tax45,82. Plusieurs tudes

utilisant un modle de chromatine reconstitue ont permis de montrer que les activits

actyltransfrases de p300 et CBP facilitent la transcription partir du promoteur viral en

prsence de Tax et CREB. La protine p300 actyle les histones des nuclosomes localiss

dans le promoteur et cette actylation est accompagne d une augmentation de la liaison du

facteur de transcription TFIID et de l ARN polymrase II25,70. De plus, des expriences

d immunoprcipitation de la chromatine (ChiP) sur des cellules transformes par HTLV-1 ont

permis de montrer que les protines p300 et CBP, ainsi que des facteurs de transcription de la

famille ATF/CREB et le composant TAFII250 du complexe TFIID, sont associs au LTR

d HTLV-1 in vivo61

. Il est intressant de noter que les co-activateurs CBP et p300 sont

galement capables d actyler des facteurs de transcription mais ce rle n a encore jamais t

dcrit dans l activation de la transcription partir du promoteur viral par Tax.

Les composants du complexe de remodelage de la chromatine SWI/SNF semblent

galement importants pour l activation de la transcription des gnes viraux par Tax. Tax

interagit avec diffrents composants de ce complexe et l activation du promoteur viral est

inhibe en prsence de petits ARN interfrants (siRNA) empchant l expression de la sous-

unit BRG-1 de ce complexe dans des cellules transformes par HTLV-1112

. Une tude plus

rcente montre que les sous-units BRG1 et Brm du complexe SWI/SNF sont prsentes sur le

promoteur viral en l absence de la protine Tax. Lorsque Tax est exprim, ces deux sous-

units sont dplaces avec le nuclosome associ au promoteur. Tax induit alors un fort

recrutement de l ARN polymrase II au niveau du promoteur62. Enfin, les promoteurs viraux

silencieux sont associs l histone dactylase 1 (HDAC1). Une tape pralable dans

l activation du promoteur viral requererait l interaction directe de Tax avec HDAC170

.

2) Rle de Tax dans la transformation cellulaire

a) Tax active de manire constitutive la voie des facteurs NF-B

La voie des facteurs de transcription de la famille NF-B est implique dans la rponse

inflammatoire, dans diverses rponses au stress et elle participe l activation antignique des

lymphocytes B et T. Les 5 membres de la famille NF-B chez les mammifres, p65 ou RelA,

RelB, p50/p105 (NF-B1) et p52/p100 existent sous forme d homo- ou d htrodimres.

Dans les cellules de mammifres, le complexe le plus ubiquitaire est l htrodimre

11

RelA/p50. Ces protines sont caractrises par un domaine d homologie Rel conserv dans

leur partie amino-terminale qui est responsable de la dimrisation et de la liaison l ADN.

Dans les cellules au repos, ces protines sont lies aux protines inhibitrices de B (IB).

Cette interaction masque le signal de localisation nuclaire des facteurs NF-B et est

responsable de leur squestration dans le cytoplasme. L activation de cette voie par de

nombreux stimuli requiert l activation du complexe des kinases de IB ou IKK. Ce complexe

est constitu de deux sous-units catalytiques IKK et IKK et d une sous-unit rgulatrice

IKK, aussi appele NEMO26,64,117.

L activation de ce complexe (Figure 6) implique la polyubiquitination de la sous-unit

IKK avec branchement sur la lysine K63 de l ubiquitine (branchement en K63). La

modification des protines par ubiquitination est dtaille au paragraphe III. Cette

modification constitue un site de liaison pour d autres molcules requises pour l activation

des kinases IKK et IKK. Plusieurs ubiquitine E3 ligases peuvent ubiquitiner diffrentes

lysines de IKK en fonction de la voie d activation implique. Par exemple, l activation du

rcepteur de cellules T (TCR) rsulte en la polyubiquitination de IKK sur la lysine 399 par le

facteur 6 associ au rcepteur TNF (TRAF-6). Ce facteur ainsi que les facteurs de la mme

famille, TRAF-2 et TRAF-5, induisent la polyubiquitination de IKK en rponse au facteur

ncrosant des tumeurs (TNF) et la voie de signalisation lie au rcepteur de l IL-1. Lors de

cette activation, les facteurs TRAF-2 et TRAF-6 s auto-polyubiquitinent et induisent la

polyubiquitination de la kinase RIP-1 (receptor interacting protein 1) avec branchement en

K63. Ces polyubiquitinations permettent l oligomrisation des facteurs du complexe IKK et le

recrutement de diverses kinases capables d activer ce complexe. La kinase active par le

TGF- (TAK-1), implique dans l activation de la voie NF-B en rponse la liaison des

rcepteurs du TNF, de l IL-1, de cellules T (TCR) ou de Toll (TLR), est la mieux caractrise.

Cette kinase est associe aux protines adaptatrices TAB2 et TAB3 qui lient les chanes

polyubiquitines branches en K63. TAK-1 est ds lors recrut grce TAB2 et TAB3 dans les

complexes IKK suite la polyubiquitination de IKK par TRAF2 et peut activer la kinase

IKK par phosphorylation sur les srines activatrice en position 177 et 181. Le complexe IKK

actif est alors comptent pour la phosphorylation de IB et l induction de la voie NF-B.

12

Figure 5 : Schma des vnements cytoplasmiques conduisant la translocation du facteur NF-B dans le

noyau. (Adapt de Haglund, 2005). Lors de l activation cellulaire par diffrents stimuli, une cascade

d ubiquitination et de phosphorylation conduisent l activation du complexe de kinases IKK. La kinase IKK

phosphoryle l inhibiteur IB conduisant son ubiquitination et sa dgradation par le protasome, librant ainsi

les facteurs NF-B qui migrent dans le noyau.

La kinase IKK phosphoryle l inhibiteur IB sur les srines 32 et 36, crant un

domaine de liaison au complexe ubiquitine E3 ligase SCF-TrCP. Ce complexe

polyubiquitine alors IB sur les lysines 21 et 22 avec branchement sur la lysine K48 de

l ubiquitine. Cette polyubiquitination conduit la dgradation de IB par le protasome,

permettant la translocation de p50/RelA dans le noyau. En rponse au TNF, l association de

IKK avec IKK et sa phosphorylation sur les srines activatrices 177 et 181 est suivie de sa

monoubiquitination. Cette modification est importante pour l activation de IKK13

.

L activation de l expression de gnes cellulaires spcifiques suite l activation de la voie NF-

B en rponse de multiples signaux d activation requiert non seulement des vnements

cytoplasmiques menant la migration de la sous-unit RelA du facteur NF-B vers le noyau

mais elle requiert aussi de multiples modifications post-traductionnelles de la sous-unit RelA

elle-mme. Ainsi, la phosphorylation de RelA par IKK sur la srine 276 augmente son

13

affinit pour les co-activateurs CBP/p300. Cette interaction permet l actylation de RelA sur

les lysines 218, 221 et 310 et l accroissement de son affinit pour l ADN.

Dans les cellules non transformes, l activation de la voie NF-B est un processus

transitoire. Plusieurs systmes de contrle rgulent la terminaison de cette activation (Figure

7). Tout d abord, l expression de l inhibiteur IB est contrle par un promoteur prsentant

un lment enhancer d interaction avec le complexe p50/RelA, permettant l expression de

IB lorsque la voie NF-B est active. D autre part, IB peut tre sumoyl sur les lysines

21 et 22, et cette modification entre en comptition avec l ubiquitination de ces mmes

rsidus lysine (pour plus de dtails sur la modification des protines par sumoylation, cf.

paragraphe III). Cette sumoylation est inhibe par la phosphorylation sur les srines 32 et 36,

contrairement l ubiquitination qui est favorise par celle-ci. La sumoylation de IB

participe la terminaison de la rponse en permettant IB de migrer vers le noyau o il

interagit avec les complexes NF-B84. Cette succession d vnements rtablit le pool des

complexes p50/RelA squestrs par IB dans le cytoplasme.

Figure 6 : Evnements conduisant la terminaison de l activation de voie NF-B. L activation de la voie

NF-B est un processus transitoire qui est rgul par diffrents mcanismes. L inhibiteur IB est sumoyl et

interagit avec les complexes RelA/p50 prsents sur les promoteurs pour induire leur relocalisation et leur

squestration dans le cytoplasme. D autre part, les protines TRAF-2, TRAF-6 et IKK sont dsubuquitines par

l enzyme CYLD tandis que la protine RIP-1 est dsubiquitine par l enzyme A20 et ubiquitin avec des

branchements en K48 par Itch. L activit des enzymes A20 et Itch est rgul par leur association avec la

protine Tax-BP1.

14

En plus de ce contrle li l expression et la sumoylation de IB, deux enzymes de

dubiquitination A20 et CYLD bloquent l activation de la voie NF-B en hydrolysant les

chanes d ubiquitine branche en K63 des protines contrlant l activation de la voie NF-

B105. L expression de ces deux enzymes est contrle, tout comme celle de IB, par des

squences enhancer B prsentes dans leur promoteur. A20 cible les chanes de

polyubiquitine de RIP-1 et CYLD, celles de TRAF-2, TRAF-6 et IKK. De plus, le complexe

cytoplasmique contenant l enzyme A20 inclut une E3-ubiquitine ligase, Itch, qui

polyubiquitine RIP-1 avec des branchements sur la lysine K48 induisant sa dgradation par le

protasome95,105. Il est intressant de constater que A20 et Itch sont cibls sur RIP-1 par une

protine adaptatrice TAX1BP1 (Tax-1 binding protein 1), une protine initialement identifie

comme un partenaire de la protine Tax du virus HTLV-148.

Dans les cellules transformes par HTLV-1, la voie NF-B est active de manire

constitutive comme c est le cas dans de nombreuses cellules transformes. La protine Tax

joue un rle critique dans cette activation constitutive en agissant deux niveaux : la

stimulation de la dgradation de l inhibiteur IB et le blocage des mcanismes de

terminaison (Figure 8). Tax interagit directement avec IKK via son domaine central et cette

interaction permet le recrutement des sous-units catalytiques IKK et IKK114, la

phosphorylation et l ubiquitination conscutive de IB, sa dgradation par le protasome et

la prsence de la sous-unit RelA active dans le noyau de toutes les cellules infectes par

HTLV-1 ou exprimant seulement la protine Tax98. L activation de la voie NF-B par Tax

ncessite la kinase TAK-1 et la protine adaptatrice TAB2. Tax augmente l activit de la

kinase TAK-1 et sert d adaptateur entre TAK-1 et IKK125. Mais, cette activation ne ncessite

pas les protines RIP-1, TRAF-2 et TRAF-615,24

. La protine Tax induit la polyubiquitination

de IKK avec branchement en K63 mais cette modification ne semble pas intervenir dans

l activation de la voie NF-B par Tax28. Tax induit galement la monoubiquitination de la

sous-unit IKK13

.

15

Figure 7 : Effets de Tax conduisant l activation constitutive de la voie NF-B. La protine Tax induit

l activation de la voie NF-B en interagissant avec la sous-unit IKK du complexe IKK et avec la kinase TAK-

1. De plus, Tax inhibe le complexe Itch/A20/Tax-BP-1.

L activation constitutive de la voie NF-B dans les cellules exprimant la protine Tax

ne peut tre uniquement explique par l activation des kinases IKK, la dgradation de IB et

la translocation de RelA dans le noyau. En effet, la consquence directe de ces deux

vnements est l activation de l expression des protines responsables de la terminaison de

l activation de cette voie. En effet, la protine Tax est galement capable d inhiber la fonction

de ces protines. Par exemple, la protine Tax empche la formation des complexes forms

par A20-Itch et TAX1BP1, inhibant ainsi l effet de rgulateur ngatif de ce complexe95.

16

b) Perturbations de la progression du cycle cellulaire par Tax

Le dclenchement, le contrle et la succession harmonieuse des diffrentes phases du

cycle cellulaire sont rguls par la formation et l activation squentielle de complexes

protiques constitus chacun d une kinase de la famille des CDK (cyclin dependent kinase) et

d une sous-unit rgulatrice appartenant la famille des cyclines (Figure 9). Des complexes

CDK/cyclines spcifiques rgulent chaque phase du cycle cellulaire.

Figure 8 : Complexes CDK/cyclines et CDKI impliqus dans la rgulation du cycle cellulaire.

(Adapt de Meijer, 2003). La progression du cycle cellulaire est rgule par la formation de complexes CDK

(cyclin-dependant kinase) et cycline spcifiques chaque phase du cycle, ainsi que par les inhibiteurs de la

famille INK4 ou p21 et p27.

Les CDK sont exprimes de manire constitutive tandis que les cyclines sont exprimes

de manire priodique au cours du cycle cellulaire. L activation des CDK dpend de leur

liaison une cycline ainsi que d une phosphorylation activatrice sur des rsidus thronine.

Ainsi, les cyclines D et E interviennent lors du passage de la phase G1 la phase S ; la cycline

A s accumule et est active pendant la phase S et les cyclines B sont actives pendant la mitose.

A certaines tapes critiques du cycle (G1/S, G2/M et M), des inhibiteurs des CDK (CDKI)

peuvent bloquer le cycle cellulaire. Le cycle cellulaire est donc rgul par plusieurs

processus : la formation des complexes CDK/cycline, la squestration des CDK par les CDKI,

la phosphorylation et la dphosphorylation des CDK et la stabilit des complexes

CDK/cycline.

17

La protine Tax acclre la progression de la phase G1 la phase S en intervenant dans

plusieurs mcanismes (Figure 10).

Figure 9 : Effets de Tax sur la progression des phases G1 et S. (Adapt de Meijer, 2003). La protine

Tax interagit et active le complexe CDK4/Cycline D et empche l action des inhibiteurs de la famille INK4 et de

p21. Ces effets conduisent l acclration de la progression de la phase G1 et du passage la phase S.

Premirement, Tax interagit directement via son domaine N-terminal avec CDK4 et

CDK6. Tax stabilise et active les complexes CDK4/Cycline D33

. De plus, Tax induit la

phosphorylation de la cycline D380

. Deuximement, Tax active l expression de la protine

p21CIP1

implique dans le transport des complexes CDK4/cycline D vers le noyau et dans leur

stabilisation. De plus, l effet inhibiteur de la protine p21CIP1 sur les complexes CDK4/cycline

D est contrecarr par la prsence de Tax dans ces complexes. Troisimement, la protine Tax

interagit directement via son extrmit C-terminale avec la protine Rb hypophosphoryle et

par son extrmit N-terminale avec le protasome. Cette double interaction permet la

dgradation directe de la protine Rb. L interaction de Tax avec CDK4 ou le protasome

s effectue diffrents moments du cycle cellulaire : Tax est principalement associ au

protasome en dbut de phase G1 et est associ CDK4 du milieu de la phase G1 au milieu de

la phase S51

. Ces effets conjugus conduisent la phosphorylation et la dgradation de la

protine Rb, librant ainsi les facteurs de transcription de la famille E2F et permettant

l activation des gnes impliqus dans la rplication de l ADN. Quatrimement, Tax interagit

directement avec les motifs ankyrines des protines inhibitrices de CDK, p16INK4A et

18

p15INK4B, empchant ainsi leurs effets inhibiteurs sur CDK4. En outre, Tax rprime

l expression de p18INK4C via un lment E-box prsent dans le promoteur de ce gne99,100

.

Au niveau de la phase S, les complexes CDK2/cycline A limitent la rplication de

l ADN un seul cycle par la phosphorylation de composants du complexe de pr-rplication.

Tax rprime l expression de la cycline A, ce qui contribue l aneuplodie observe dans les

cellules infectes par HTLV-153

.

La phase de mitose (M) est divise en 5 tapes successives conduisant la sparation

effective du matriel gntique rpliqu entre les cellules filles. La protine Tax induit un

blocage de la progression et de l accomplissement de la mitose ou de la cytokinse. Les

tapes de la transition entre la mtaphase et l anaphase sont dcrites dans la figure 11.

Figure 10 : Description du rle de Mad2 et du complexe APC/C lors du passage l anaphase.

(Adapt de Meijer, 2003). La protine Mad2 squestre la sous-unit rgulatrice Cdc20 du complexe promouvant

l anaphase APC/C tant que les kintochores ne sont pas correctement attachs au fuseau. Cette squestration

inhibe l activit ubiquitine-ligase du complexe APC/C.

Au stade de la mtaphase, les chromatides restent associes grce des complexes

protiques appels cohsines. Une caspase, la sparase, qui est maintenue sous une forme

inactive par association avec la scurine, dtruit les cohsines lorsqu elle est active et permet

ainsi la sparation des chromatides et l accomplissement de l anaphase. L activation de la

sparase implique l ubiquitination de la scurine par le complexe de stimulation de

19

l anaphase/cyclosome (APC/C : anaphase promoting complex/cyclosome) et sa dgradation

par le protasome. APC/C est un complexe de protines possdant une activit ubiquitine E3

ligase qui ncessite la sous-unit adaptatrice Cdc20. Cette activit est contrle par

squestration de la sous-unit Cdc20 par la protine Mad2, associe, en complexe avec Mad1,

au systme de contrle de l assemblage du fuseau. Cette squestration prend fin lorsque tous

les kintochores sont attachs aux microtubules du fuseau. Lors de cette tape, le complexe

APC/C induit galement l ubiquitination dgradative de la cycline B. L inactivation

conscutive de CDK1 dtermine la formation d une nouvelle enveloppe nuclaire, la

disparition du fuseau, le dclenchement de la cytokinse et la transition vers la phase G1.

L association de APC/C la sous-unit rgulatrice Cdh1, au lieu de Cdc20, cible l activit

ubiquitine E3 ligase de APC/C sur Skp2, une sous-unit d une autre complexes ubiquitine E3

ligase impliqu dans la dgradation des inhibiteurs de CDK, p21CIP1 et p27KIP1 73,75.

Tax perturbe les mcanismes qui contrlent la division cellulaire et ces effets

dterminent la formation de cellules gantes multi-nucles et l apparition de micro-noyaux

forms par la condensation de fragments de chromosomes ou de chromosomes entiers. Cette

dernire proprit ncessite l extrmit C-terminale de Tax. L apparition de cellules multi-

nucles suite l expression de novo de la protine Tax a t tudie dans plusieurs systmes

cellulaires diffrents y compris dans des lymphocytes T35,50,56,65,67,68

. De plus, lors de

l infection de lymphocytes T CD4+

ou CD8+

par co-culture avec des cellules infectes par

HTLV-1 issues de patients atteints de TSP/HAM, la formation de cellules multi-nucles est

significativement plus importante dans les lymphocytes T CD4+, ceux-l mmes qui sont la

cible de la transformation97

. L apparition de ces cellules multi-nucles peut tre attribue

un blocage dans la progression et l accomplissement de la mitose ou une inhibition de la

cytokinse. L expression de la protine Tax induit une activation prmature du complexe

APC/C lors de la phase S (Figure 12) conduisant la dgradation prmature de la scurine,

de la cycline B1 et de la cycline A. La protine Tax se lie directement aux sous-units

rgulatrices Cdc20 et Cdh1 du complexe APC/C56,67,68. Cette dgradation de la cycline B1

conduit l inactivation de CDK1 et donc la formation d une nouvelle enveloppe nuclaire.

Par contre, le droulement de la cytokinse ncessite d autres protines comme les kinases

AuroraB et Plk1 (Polo like kinase) en plus de l inactivation de Cdk1 et aucunes donnes sur

les effets de Tax sur ces protines ne sont actuellement disponibles.

Un autre effet de Tax sur le droulement de la mitose est l inhibition de la protine

Mad1 par sa translocation dans le cytoplasme. Cette inhibition permet le passage de la

20

mtaphase l anaphase sans le contrle d un attachement correct des kintochores, induisant

l aneuplodie observe dans les cellules exprimant Tax. En effet, les cellules transformes par

HTLV-1 sont rsistantes l arrt en mtaphase induit par le nocodazole, une drogue qui

dstabilise les microtubules50

.

Figure 11 : Effets de Tax sur la transition mtaphase-anaphase. (Adapt de Meijer, 2003). La protine Tax

induit la relocalisation cytoplasmique de Mad2 et active le complexe APC/C de manire prmature lors de la

phase S.

On peut remarquer que cette inhibition de Mad1 pourrait galement conduire

l activation du complexe APC/CCdc20 puisqu elle ne pourrait plus squestrer la sous-unit

Cdc20 de ce complexe. Actuellement, aucune tude montrant une activation indirecte

d APC/C par l inhibition de Mad1 lors de l expression de Tax n est disponible.

Tax active galement le complexe APC/CCdh1, dterminant une dgradation prmature

de Skp2 et une stabilisation des inhibiteurs p21CIP1

et p27KIP1

. Normalement, la dgradation de

p21CIP1

et p27KIP1

se droule durant la phase S et est rgule par le complexe ubiquitine E3

ligase SCF (Skp/Cullin/F-box) associe sa sous-unit Skp2, qui permet la reconnaissance

spcifique du substrat. Cet effet induit l arrt des cellules exprimant Tax en phase G1 aprs un

seul cycle cellulaire. Il faut remarquer que les cellules transformes par HTLV-1 expriment de

21

haut taux de p21CIP1, mais peu de la protine p27KIP1 et de l ARN messager correspondant. Il

semble donc que l absence de p27KIP1

soit ncessaire pour permettre aux cellules exprimant

Tax de lever l arrt du cycle en phase G156,67,68

. La perte de l expression de p27KIP1

pourrait

tre une des tapes importantes dans la transformation cellulaire par HTLV-1.

Paralllement aux drgulations induites dans la progression du cycle cellulaire, la

protine Tax induit la multiplication anormale des centrosomes. Tax est localise dans ces

structures durant la mitose et interagit avec la protine Ran-BP1. Cette protine fait partie

d un complexe protique qui rgule la stabilit des centrosomes durant la mitose, la

nuclation des microtubules et la formation du fuseau. L interaction de Tax avec RanBP1 est

ncessaire pour sa localisation dans les centrosomes et l induction de centrosomes

surnumraires. Ce mcanisme est en partie l origine de l aneuplodie observe dans les

cellules ATL87

.

c) Tax inactive le suppresseur de tumeur p53

Le suppresseur de tumeur p53 joue un rle important dans la rgulation du cycle

cellulaire et induit l apoptose suite des stress gnotoxiques et des signaux oncognes. Le

gne de p53 est mut dans environ 50% des cas de cancers. Cependant, ce gne est intact et

p53 est exprim et stabilis dans les lymphocytes T transforms issus de patients ATL. Tax

maintient p53 dans un tat inactif et cette inhibition fonctionnelle s effectue par deux voies

distinctes. Premirement, l activation par Tax de la kinase IKK dtermine la phosphorylation

de la sous-unit RelA sur la srine 536 (RelA S536P) et la formation d htrodimres RelA

S536P/p53 sur les promoteurs contrls par p53 inhibe l activit transcriptionnelle de p53.

Cette voie d inactivation de p53 ne ncessite pas l activation de l expression des gnes par la

voie NF-B mais uniquement la translocation de RelA phosphoryl dans le noyau44

.

Deuximement, l activit transcriptionnelle de p53 requiert son actylation par les co-

activateurs transcriptionnels CBP/p300. Tax interagit avec ces co-activateurs limitant leur

disponibilit au niveau d autres promoteurs parmi lesquels ceux contrls par p534.

d) La rgion carboxy-terminale de Tax est importante pour la transformation.

Un domaine de liaison aux protines domaine PDZ a t identifi l extrmit

carboxy-terminale de la protine Tax (PBM : PDZ binding motif 350ETEV353). La protine

Tax interagit par son domaine PBM avec plusieurs protines domaine PDZ parmi lesquelles

22

la protine DLG (Discs Large Tumor Suppressor)60,91. Cette protine est un membre de la

famille de protines MAGUK (membrane-associated guanylate kinase homologous)

caractrise par des domaines SH3, PDZ et une rgion homologue la guanylate kinase

(GuK). Les domaines PDZ sont des modules de reconnaissance permettant l assemblage de

complexes multiprotiques de signalisation des sites spcialiss dans la membrane

plasmique. Dans les cellules pithliales, DLG co-localise avec la cadhrine E aux sites

d interactions entre cellules. Ces complexes pourraient tre impliqus dans une connexion

entre l organisation pithliale et le contrle de la croissance cellulaire. La protine DLG

interagit via son domaine PDZ l extrmit carboxy-terminale de la protine APC

(adenomatous polyposis coli) dont le gne est mut dans de nombreuses tumeurs colorectales.

APC est associ des composants du signal de transduction Wnt/Wingless, la -catnine,

l axin et la conductine/axil. La surexpression de la protine APC bloque le cycle cellulaire

la transition G1/S via l inhibition de l activit kinase de CDK2. Cette inhibition du cycle

cellulaire par APC ncessite la formation de complexes APC/DLG5,42

.

En interagissant avec le domaine PDZ de DLG, Tax empcherait la formation des

complexes APC/DLG par comptition et lverait ainsi l inhibition du cycle cellulaire en G1/S,

vnement favorable l induction de la transformation cellulaire101

. Les arguments qui

suggrent que l interaction du domaine PBM de Tax avec le domaine PDZ de DLG pourrait

participer la transformation cellulaire par HTLV-1 sont les suivants. La protine Tax du

virus HTLV-2 (Tax-2), quoiqu elle possde plus de 70 % d homologie avec la protine Tax

du virus HTLV-1 (Tax-1), ne prsente pas de motif PBM. Des expriences utilisant l infection

de lapins avec des clones molculaires de HTLV-1 ou de HTLV-2 reconstitus avec le gne

Tax-1 dlt de son domaine PBM ou le gne Tax-2 fusionn au domaine PBM de Tax-1 ont

permis de montrer que la prsence du domaine PBM augmente la prolifration des cellules T

infectes et qu il est ncessaire pour permettre la persistance de l infection in vivo 115. Il est

intressant de noter que le mcanisme d interaction impliquant un domaine PBM et le

domaine PDZ de DLG est galement utilis par d autres protines virales oncognes. Ainsi, la

protine E6 du papillomavirus interagit avec DLG mais, la diffrence de Tax, cette

interaction conduit la dgradation par le protasome de DLG55

.

D autre part, l extrmit carboxy-terminale de Tax a t implique dans la formation de

micro-noyaux. La comparaison de l extrmit carboxy-terminale des protines Tax1 et Tax2

indique que la protine Tax1 possde 13 acides amins de plus que Tax2. Cette diffrence a

t implique dans la capacit de Tax1 de former des micro-noyaux. De plus, lorsque la

23

protine Tax1 est dlte des 16 acides amins carboxy-terminaux, elle perd la capacit de

former des micro-noyaux94

. Cette mme rgion a t implique dans l inhibition de

l hmatopose suite l activation de l expression des inhibiteurs p21CIP

et p27KIP

. Cette

inhibition est observe lorsque la protine Tax1 est transfecte dans des cellules

hmatopotiques primaires CD34+, mais pas lorsque la protine Tax2 est transfecte.

Lorsqu un mutant chimrique contenant les 300 premiers acides amins de Tax2 et les 53

acides amins carboxy-terminaux de Tax1, ce mutant rcupre les proprits de la protine

Tax1107

.

e) Tax perturbe la rparation de l ADN et induit une instabilit gnomique

Les cellules transformes par HTLV-1 prsentent une grande gamme d anomalies

chromosomiques. La protine Tax ne semble pas capable d induire directement des

dommages l ADN mais inhibe plutt les mcanismes de rparation de l ADN suite des

dommages introduits par des sources externes. La protine Tax rprime l expression de

l ADN polymrase qui est implique dans la rparation des dommages l ADN par

excision de bases (BER : base excision repair), par excision de nuclotides (NER : nucleotide

excision repair) et par rparation des bases non apparies (MMR : mismatch repair) et

diminue l efficacit de ces mcanismes de rparation de l ADN dans les cellules infectes par

HTLV-1. De plus, au cours des tapes prcoces du processus de transformation par HTLV-1,

Tax rduit l expression de la tlomrase (hTERT) et l addition de rptitions tlomriques

l extrmit des chromosomes. Tax supprime aussi l effet protecteur du facteur KU80 sur les

cassures double-brin de l ADN (DSB). Ces effets peuvent mener des anomalies

chromosomiques par fusion de chromosomes43,71,73

.

Une autre source d anomalies chromosomiques est due l inhibition par Tax de points

de contrle qui sont sensibles l intgrit de l ADN lors du cycle cellulaire. Comme nous

l avons dcrit plus haut, Tax inhibe p53 dont une des fonctions est de bloquer le cycle

cellulaire en cas de dommages l ADN. Un autre mcanisme de contrle de l intgrit de

l ADN requiert l activation de la kinase Chk2, induisant un blocage en G2/M. La protine

Tax est capable de squestrer cette kinase dans les corps Tax (qui seront dtaills dans le

paragraphe 3) et de permettre le passage de la phase G2 la mitose malgr des dfauts dans

l ADN31,35

.

24

3) Localisation intracellulaire de Tax et domaines fonctionnels de Tax

La protine Tax est prsente la fois dans le noyau et le cytoplasme et possde un

signal de localisation nuclaire (NLS) dans son extrmit amino-terminale et un signal

d export nuclaire (NES) dans son domaine central (Figure 13). Les 60 acides amins N-

terminaux de Tax sont importants pour sa localisation nuclaire, mais il n existe aucune

similitude entre cette squence et celle d autres NLS connus. Le transport des protines dans

le noyau passe par les complexes des pores nuclaires (NPC) et implique dans la plupart des

cas un signal de localisation nuclaire (NLS) prsent dans la protine transporte. La majorit

des transporteurs appartiennent la famille des importines et ce transport ncessite de

l nergie qui est fournie par la petite GTPase Ran. Une tude rcente montre que le transport

de Tax du cytoplasme vers le noyau ne ncessite pas d nergie et se fait par interaction directe

avec la protine p62 des complexes des pores nuclaires. Des mutants de Tax dont le NLS est

mut (C29A et C36A) perdent la capacit d interagir avec p62 et de transloquer dans le

noyau108

. L export de Tax du noyau vers le cytoplasme n est pas facilit par le transporteur

CRM-12

sauf dans des situations de stress22

.

Dans le noyau, Tax prsente une distribution ponctue sous forme de corps nuclaires

ou corps Tax. Des expriences d'immunofluorescence ont montr que Tax colocalise dans

ces structures nuclaires avec des facteurs de transcription cellulaires directement impliqus

dans l activation de l expression des gnes par Tax, les sous-units du facteur NF-B, p50 et

RelA, un membre de la famille ATF/CREB, ATF-1, et les co-activateurs transcriptionnels

CBP et p300. Ces corps nuclaires contiennent galement des sous-units de l'holoenzyme

ARN polymrase II incluant la grande sous-unit de l'ARN polymrase II et une kinase

dpendant d une cycline CDK8, ainsi que des facteurs d pissage tels que SC-35, un facteur

intervenant dans l assemblage des complexes d pissage, et un ensemble de facteurs

d pissage prsentant un pitope commun (Sm) composant les snRNP. Enfin, ces corps

nuclaires comprennent galement de l'ARN messager nouvellement synthtis et plus

prcisment l'ARN messager correspondant un gne activ spcifiquement par Tax. La

microscopie lectronique (Figure 13) a mis en vidence que ces corps nuclaires Tax sont

forms de fibres et de granules prsentant une structure semblable aux granules prsents dans

les amas de granules interchromatiniens (IGC : interchromatin granule clusters). De plus ces

corps sont en contact direct avec diverses structures : les IGC impliqus dans le stockage des

25

facteurs d pissage et leur redistribution aux sites de transcription, les corps PML et la

chromatine dcondense qui tablit des contacts la surface de ces corps7. La formation de

ces corps nuclaires semble jouer un rle important pour l activation de l expression des

gnes induite par Tax8,9.

Figure 12 : Image d un corps Tax par microscopie lectronique. CN : corps nuclaire Tax ; IGC : amas

de grains interchromatiniens ; CH : chromatine ; NU : Noyau ; CY : Cytoplasme; PML : corps PML

Les diffrentes proprits des corps nuclaires assembls par Tax sont en accord avec la

structure et l organisation de domaines de transcription o l ensemble des facteurs gnraux

de transcription, les facteurs de maturation des transcrits ainsi qu un assortiment spcifique de

facteurs de transcription sont concentrs et fixs la matrice nuclaire dans une distribution

discrte. Les gnes transcrire sont localiss dans des boucles d ADN en contact avec la

surface de ces domaines de transcription20,72

.

26

Des travaux antrieurs du laboratoire ont montr que la protine Tax tait phosphoryle

sur les srines 300 et/ou 301. Cette proprit a t mise en vidence grce deux mutants : le

mutant F2 o les deux srines en position 300 et 301 sont substitues respectivement par une

leucine et une alanine. Ce mutant est dficient pour la phosphorylation, ne forme pas les corps

nuclaires et est incapable d activer l expression des gnes par les deux voies ATF/CREB et

NF-B. La substitution des rsidus srines critiques pour la phosphorylation par des acides

aspartiques, rsidus qui miment les srines phosphoryles, dans le mutant F9 restaure

partiellement la capacit de ce mutant d activer l expression des gnes par les deux voies

d activation. La phosphorylation de Tax sur les rsidus srines 300/301 est donc critique pour

les activits transcriptionnelles de Tax10

.

L analyse de phnotypes d un ensemble de mutants de Tax a permis de dfinir plusieurs

domaines fonctionnels. Ceux-ci sont schmatiss dans la figure 14.

Figure 13 : Reprsentation schmatique des domaines fonctionnels de Tax et localisation des principaux

mutants. (Adapt de Wu, 2004). Les mutants K88A et M47 sont dfectifs pour l activation de la voie ATF/CREB

tandis que les mutants M22 et M148 sont dfectifs pour l activation de la voie NF-B.

La protine Tax contient dans sa partie centrale un domaine de dimrisation qui est

important pour ses activits transcriptionnelles6,47. L incapacit du mutant M22 d interagir

avec IKK met en vidence l importance la rgion centrale de Tax dans cette interaction.

L extrmit amino-terminale de Tax est implique dans son interaction avec les facteurs de

transcription de la famille ATF/CREB, tandis que son extrmit carboxy-terminale contient

un domaine de transactivation impliqu dans l activation de l expression des gnes viraux,

27

caractris par la mutation M47. Ce mutant est capable d interagir avec p300 mais pas avec

CBP. Il est dfectif pour l activation de l expression des gnes par la voie ATF/CREB mais

pas pour l activation de l expression des gnes par la voie NF-B. Il existe un autre mutant, le

mutant M148, qui lui est capable d interagir avec CBP mais pas p300. Ce mutant M148 est

dfectif pour la voie NF-B mais pas pour la voie ATF/CREB11

. Le mutant M47 est

galement dfectif pour l interaction avec P/CAF45

. La rgion comprise entre les acides

amins 81 et 95 a galement t montre comme ncessaire pour l interaction avec CBP, la

mutation K88A tant suffisante pour empcher cette interaction36. Ces diffrents mutants sont

repris dans la figure 14. Le domaine de localisation nuclaire se situe dans la partie N-

terminale de Tax tandis que le signal d export nuclaire se situe dans le centre de la protine.

Enfin, le domaine de liaison aux protines PDZ, aussi appel PBM, est localis l extrmit

carboxy-terminale de Tax.

28

III. Les modifications post-traductionnelles des protines

La plupart des protines eucaryotiques sont modifies aprs leur traduction de manire

covalente et transitoire et ces modifications jouent un rle important dans la rgulation des

fonctions de ces protines. Ces modifications contrlent l activit intrinsque de ces protines,

leur localisation intracellulaire, leur interaction avec d autres protines ou l ADN ou encore

leur stabilit. Les modifications post-traductionnelles des protines sont nombreuses et

impliquent diffrents rsidus. De plus, certaines protines sont modifies sur plusieurs acides

amins diffrents. La multiplicit des sites de modifications sur une protine corrle avec son

importance biologique et la complexit de l organisme dont elle est issue (ex : le suppresseur

de tumeur p53, la sous-unit RelA du facteur NF-B, l ARN polymrase II, les histones).

Outre la multiplicit des sites de modifications dans une protine, certaines modifications

peuvent cibler le mme acide amin. Le cas du rsidu lysine est particulirement complexe

puisque cet acide amin peut tre la cible d une actylation, d une ubiquitination, d une

sumoylation, d une mthylation, d une neddylation, d une biotinylation ou encore d une

hydroxylation121

. Nous n exposerons dans ce travail que les modifications par actylation,

ubiquitination et sumoylation.

1) L actylation

L actylation consiste en l addition d un groupement actyle sur le groupement -

amine d une lysine ou sur le groupement amino-terminal de la protine. Cette raction est

catalyse par les actyltransfrases. Les histones ont t les premires protines reconnues

comme cibles d actylation. L actylation sur les queues amino-terminales des histones

diminue leur affinit pour l ADN et permet l ouverture de la chromatine et l expression des

gnes. Depuis, de nombreuses autres protines parmi lesquelles de nombreux facteurs de

transcription ont t montres comme tant actyles. Les consquences de l actylation sur

ces facteurs de transcription sont aussi diverses qu opposes. En effet, cette modification peut

augmenter l affinit pour l ADN et augmenter les activits transcriptionnelles (RelA, lysines

221 et 310) ou au contraire diminuer l affinit pour l ADN et inhiber les activits

transcriptionnelles (RelA, lysines 122 et 123). L actylation peut galement favoriser ou

empcher les interactions entre protines. Le bromodomaine est un domaine de

reconnaissance spcifique pour les lysines actyles. Enfin, l actylation peut altrer la

stabilit des protines. Elle permet la stabilisation des protines en comptant pour une lysine

29

cible d une ubiquitination, une modification post-traductionnelle dterminant la dgradation

de la protine par le protasome (voir ci-dessous).

Il existe plusieurs familles d actyltransfrases dont certaines sont conserves de la

levure aux cellules humaines120. Nous dcrivons ici plus spcifiquement les actyltransfrases

CBP et p300, vu leur l importance dans les fonctions de la protine Tax de HTLV-1. Ces

actyltransfrases interagissent la fois avec les facteurs de transcription associs aux

squences enhancer dans les promoteurs d une part et les facteurs de transcription basale

(TBP et TFIIB, qui s associent avec la TATA box et l ARN polymrase II) d autre part. Elles

fonctionnent comme des ponts qui stabilisent le complexe de transcription et permettent

l actylation des histones (activit HAT : histone acetyltransferase) et le remodelage de la

chromatine, des tapes importantes pour l initiation de la transcription. Enfin, ces

actyltransfrases actylent aussi des facteurs de transcription (activit FAT : factor

acetyltransferase).

CBP et p300 prsentent un haut degr d homologie et sont interchangeables comme co-

activateurs pour au moins 40 facteurs de transcription diffrents. Cependant, de nombreux

travaux indiquent que ces deux enzymes ne sont pas compltement redondantes mais ont aussi

des rles uniques in vivo. Ces diffrences fonctionnelles semblent dues leur association

diffrentielle avec d autres protines ou des diffrences dans la spcificit de substrats de ces

deux enzymes49

. Ainsi, des souris knockout pour le gne p300 ou CBP ne prsentent pas le

mme phnotype. En outre, les activits actyltransfrases de ces protines sont actives par

phosphorylation par des kinases distinctes. La protine p300 est phosphoryle par les kinases

AKT ou par HIPK21,40. Par contre, CBP, mais pas p300, est phosphoryl par IKK et cette

phosphorylation augmente son affinit pour le complexe p50/RelA au dtriment de l affinit

pour le suppresseur de tumeur p5341

.

L actylation est rversible et est enleve par les dactylases. Ces dactylases

appartiennent quatre classes selon leur degr d homologie avec leurs quivalents chez la

levure. La classe I est compose de la dactylase RPD3 et des histones dactylases HDAC

1, 2, 3 et 8 ; la classe IIa est compose des histones dactylases HDAC 4, 5, 7, 9 ; la classe

IIb est compose des histones dactylases HDAC 6 et 10 ; la classe III est compose par les

sirtuins (SIRT 1-7) et la classe IV est compose de l histone dactylase HDAC 11. Les

dactylases des classes I et II sont inhibes par la trichostatine A tandis que celles de la

classe III sont inhibes par la nicotinamide.

30

2) L ubiquitination

L ubiquitine est un polypeptide de 76 acides amins qui est li de manire covalente au

groupement -amin d une lysine de la protine cible. Les premiers travaux concernant

l ubiquitination ont mis en vidence que cette modification ciblait les protines pour la

dgradation par le protasome. Cependant, des travaux plus rcents indiquent que

l ubiquitination a aussi un rle dans la rgulation de la fonction de certaines protines. La

conjugaison de l ubiquitine une protine implique plusieurs tapes enzymatiques (Figure

15). L ubiquitine est synthtise en tant que prcurseur et doit tre clive son

extrmit carboxy-terminale par une hydrolase spcifique pour produire un motif

diglycine d attachement la protine cible. Lors de la premire tape, l enzyme activatrice

E1 utilise de l ATP pour former un lien ubiquitine-adnylate via la glycine carboxy-terminale

de l ubiquitine avant de former un lien thioester de haute nergie entre la mme glycine de

l ubiquitine et une cystine interne de l enzyme E1. L ubiquitine est alors transfre par une

raction de transestrification pour former un lien thioester entre l ubiquitine et l enzyme de

conjugaison E2. Lors de la troisime tape, l ubiquitine est transfre de l enzyme de

conjugaison E2 sur le groupement -amine d une lysine spcifique de la protine cible. Cette

raction est catalyse par une des multiples enzymes de ligation E3 qui dterminent la

spcificit du substrat. Les enzymes E3 appartiennent deux familles selon qu elles possdent

un domaine HECT (Homologous to E6-associated protein C-Terminus) ou un domaine RING

(Really Interesting New Gene). Enfin, les enzymes E4 facilitent la multimrisation des

chanes d ubiquitine3.

31

Figure 14 : Cascade enzymatique implique dans l ubiquitination des protines. E1 : enzyme activatrice,

E2 : enzyme de conjugaison, E3 : enzyme de ligation.

L ubiquitine possde 7 lysines (K6, K11, K27, K29, K33, K48 et K63) qui sont elle-

mme la cible d ubiquitination formant ainsi des chanes de polyubiquitine85. Le branchement

de molcules d ubiquitine sur la lysine 48 conduit la reconnaissance de la protine

polyubiquitine par le protasome et sa dgradation. Ce type d ubiquitination joue un rle

majeur dans l activation de certaines voies de signalisation (dgradation de l inhibiteur

IB lors de l activation de la voie NF-B) et dans la rgulation du cycle cellulaire

(dgradation des cyclines et de la scurine). Le branchement de molcules d ubiquitine sur la

lysine 63 est impliqu dans l activation de kinases (la polyubiquitination de la sous-unit

rgulatrice IKK permet le recrutement de TAK-1 et la phosphorylation activatrice de IKK),

l activation de l endocytose et la rparation de l ADN32,77

. Cette modification est rversible et

est enleve par les dubiquitinases, et la dsubiquitination joue un rle important dans la

terminaison de l activation de la voie NF-B (dsubiquitination de RIP-1 et TRAF-6 par A20

et CYLD).

32

3) La sumoylation

SUMO (Small-Ubiquitin Modifier) est un polypeptide d une centaine d acides amins

qui, comme l ubiquitine, est li de manire covalente au groupement -amin d une lysine de

la protine cible par un lien thioester. Il existe 3 isoformes SUMO (1,2 et 3) dans les cellules

de mammifres. Cette modification implique une cascade enzymatique comportant 3 tapes,

qui sont mcanistiquement similaires celles de l ubiquitination mais qui impliquent des

enzymes distinctes (Figure 16). Lors de la premire tape, l enzyme activatrice E1 utilise de

l ATP pour former un lien SUMO-adnylate via la glycine carboxy-terminale de SUMO

avant de former un lien thioester de haute nergie entre la mme glycine de SUMO et une

cystine interne de l enzyme E1. Le peptide SUMO est alors transfr par une raction de

transestrification pour former un lien thioester entre SUMO et l enzyme de conjugaison E2.

SUMO est ensuite transfr de l enzyme de conjugaison E2 une lysine spcifique de

protine cible. En gnral, cette lysine cible est prsente dans un consensus KxE, o est

un rsidu hydrophobe et x n importe quel rsidu. Chez les mammifres, l enzyme E1 est

compose d un htrodimre de SAE1 et SAE2, et la seule enzyme E2 connue est Ubc9. Dans

certains cas, une enzyme E3 ligase a t montre comme permettant d augmenter l efficacit

du transfert de SUMO de l enzyme Ubc9 la protine cible. PIAS, RanBP2 et la protine

Polycomb (Pc2) font partie de la famille des SUMO E3 ligases. Les enzymes Ubc9 et

RanBP2 se localisent au niveau des complexes des pores nuclaires et sont impliques dans la

sumoylation de nombreuses protines lors de leur migration dans le noyau. Enfin, les

isoformes SUMO-2 et SUMO-3, contrairement SUMO-1, possdent dans leurs squences

des lysines qui peuvent tre elles-mmes sumoyles126

.

33

Figure 15 : Cascade enzymatique implique dans la sumoylation des protines. (Adapt de Zhao, 2007) E1 :

enzyme activatrice, E2 : enzyme de conjugaison, E3 : enzyme de ligation.

La sumoylation est rversible et le lien thioester peut tre hydrolys par des enzymes de

dsumoylation, appeles protases spcifiques de sentrines/SUMO (SENP). Il y en a 6 (SENP

1,2,3,5,6 et 7) qui ont des localisations nuclaires distinctes selon la nature de leur extrmit

N-terminale. Ainsi SENP2 se trouve au niveau des pores nuclaires tandis que SENP1 est

prsente dans le noyau. Les enzymes SENP3 et SENP5 se trouvent dans les nucloles et

dconjuguent prfrentiellement les isoformes SUMO-2 et SUMO-3. Ces diffrences de

localisation et de spcificit montrent le degr de rgulation de ces enzymes38

.

La sumoylation joue un rle critique dans la capacit de certaines protines nuclaires

de former des corps nuclaires et d y recruter un ensemble de facteurs. La sumoylation de la

protine PML (promyelocytic leukemia protein), par exemple, dtermine la formation des

corps PML127 o sont recruts un ensemble de facteurs impliqus dans la fonction de ces

corps tels que le suppresseur de tumeur p53 et le co-activateur transcriptionel CBP128. Le

trafic de certaines protines entre le noyau et le cytoplasme est contrl par leur sumoylation

et explique l association des enzymes de sumoylation et de dsumoylation avec les complexes

des pores nuclaires. La sumoylation de facteurs de transcription rgule galement leur

activit soit de manire ngative (ex : Elk-1119

), soit de manire positive (ex : NFAT104

). Cet

effet de la sumoylation sur la transcription peut galement cibler des co-activateurs ou des co-

rpresseurs. Ainsi, les fonctions de p300 sont inhibes par sumoylation en permettant le

34

recrutement de HDAC6, une histone dactylase27. Enfin, de nombreuses protines associes

la rplication et la rparation de l ADN sont galement rgules par sumoylation. Dans

certains cas, la sumoylation cible la mme lysine que l ubiquitination et permet ainsi la

stabilisation de la protine (ex : IB). Les effets de la sumoylation sur les protines

nuclaires sont repris dans la figure 17.

Figure 16 : Rle de la sumoylation dans les fonctions nuclaires des protines. (Adapt de Zhao, 2007)

Les modifications multiples d une protine forment donc un programme complexe pour

le contrle qualitatif et quantitatif de sa fonction. Ces diffrentes modifications peuvent tre

indpendantes, chacune ayant simplement un effet positif ou ngatif sur la fonction de la

protine. Mais dans de nombreux cas, les diffrentes modifications et dmodifications d une

mme protine sont interdpendantes et impliquent une succession programme de chacune

de ces modifications121.


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