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levé la menace hypothétique qui pesaitsur le Japon de ce côté (bien que lecontentieux territorial entre Tokyo etMoscou sur les îles Kouriles n’ait pasencore été résolu). Toutefois, cetteancienne menace a été remplacée pardeux nouvelles, qui semblent plus effec-tives encore, vues de Tokyo.

La montée en puissance de la Chine,jadis martyrisée par l’empire nippon,inquiète d’autant plus celui-ci qu’il s’agitd’une puissance nucléaire. Tokyo s’abritedonc derrière le parapluie américain, enéchange duquel Washington exige unengagement militaire japonais accru. En1992, le Japon a adopté une loi permet-tant la participation non-combattante deses forces armées à des opérations demaintien de la paix des Nations unies,inaugurée au Cambodge en 1992-1993.Depuis 1996, la révision du traité de sécu-rité nippo-américain, conclue après latension sino-américaine autour deTaiwan, prévoit un soutien amplifié–bien que non-combattant– du Japon encas de conflit engageant les Etats-Unis

dans son «aire limitrophe» (qui inclu-rait Taïwan, si l’on se réfère à la zone éco-nomique des 200 milles marins autour desîles japonaises). Enfin, après le 11sep-tembre 2001, Tokyo a dépêché des naviresmilitaires dans l’océan Indien, participantainsi, pour la première fois, à un dispo-sitif guerrier, contre l’Afghanistan.

L’autre menace vient de Corée duNord. En fait, en cherchant d’abord à sedoter d’un potentiel nucléaire, puis pardiverses provocations militaires, dont lelancement d’un missile au-dessus duJapon en 1998, Pyongyang vise surtoutà extorquer des financements à ses adver-saires. Le Japon compte ainsi parmi lesbailleurs de fonds de la Korean PeninsulaEnergy Development Organization(KEDO), créée en 1994 avec Washingtonet Séoul afin de doter le Nord de réac-teurs nucléaires ne produisant pas de plu-tonium convertible.

Si l’on ajoute à ces considérations quele Japon dépend aussi de Washingtonpour la garantie de son approvisionne-ment pétrolier (il importe plus de 60%

de ses besoins en combustibles duProche-Orient), on comprend que Tokyoqui a réglé 25% de la facture de l’opé-ration de 1990-1991 contre l’Irak,finance les bases des Etats-Unis sur sonterritoire, en dépit de manifestationshostiles, et collabore à leurs recherchespour la défense antimissile. ■

A près 1945, le volet extérieur dela réorganisation de l’empirenippon sous tutelle américainese fonda sur trois documents :

la Constitution de 1947, dont l’article 9proclame que le Japon renonce à faireusage de la force ainsi qu’à se doter demoyens guerriers ; le traité de paix signéà San Francisco en 1951, par lequel ilabandonnait toutes ses conquêtes, ainsique l’archipel des Ryükyü (principale île:Okinawa) qui lui sera néanmoins resti-tué en 1972 par les Etats-Unis, lesquelsy maintinrent leurs bases militaires ; etle traité de sécurité nippo-américainsigné le même jour, scellant l’allianceentre les deux pays.

En 1951, en réaction à la guerrefroide et à la guerre de Corée, les Etats-Unis autorisèrent le réarmement nip-pon. Les Forces d’autodéfense, nomofficiel de l’armée japonaise, se sontlimitées cependant à un armement défen-sif – à l’exclusion de certains typesd’armes stratégiques et, bien sûr, del’armement nucléaire, banni du sol nip-pon, cible des deux seuls bombarde-ments atomiques de l’histoire. Le payss’est engagé à ne pas consacrer annuel-lement plus de 1% de son produit inté-rieur brut (PIB) aux dépenses militaires,ce qui suffit à le placer au troisième rangmondial dans ce domaine.

PRÉSENCE DES ÉTATS-UNIS

Marqué par son passé régional,aggravé par sa répugnance à faire actede contrition, le Japon entretient sur leplan politique un profil bas qui contrasteavec sa prépondérance économique, dansce qui fut, avant 1945, sa « sphère decoprospérité » en Asie orientale. Ilcoopère avec l’Association des nationsde l’Asie du Sud-Est (Asean en anglais),conjointement avec la Chine et la Coréedu Sud (Asean + 3).

La présence militaire des Etats-Unisau Japon répond à la demande desanciennes victimes du militarisme nip-pon, soucieuses de se prémunir contre larésurgence de ce dernier. Mais, du pointde vue de Tokyo aussi, l’importance dela protection américaine n’a pas diminuéavec la fin de la guerre froide : elle s’estmême accrue. La fin de l’URSS a certes

Japon, la puissance chancelante

Deux facteurs clés déterminent l’attitude du Japon à l’égard du reste du monde depuis 1945 : l’engagement pacifique,qui a remplacé son expansion militaire du demi-siècle 1894-1945 par une formidable expansion commerciale et financière, et l’alliance avec les Etats-Unis, son protecteurmilitaire. Cette alliance est plus que jamais fondamentale pour Tokyo au vu de la montée des tensions en Asie orientale.

Le monde vu de Tokyo

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gMinistère japonais des affaires étrangères :www.mofa.go.jp/policy

g The Japan Times online :www.japantimes.co.jp

g Taiwan Security Research :taiwansecurity.org

gAsia Times online :www.atimes.com/index.html

gAsia Pacific Media Network :www.asiamedia.ucla.edu

Sur la Toile

Lire aussi pages 96, 138, 156.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE | 153

0 500 1 000 km

CHINE

RUSSIE

CORÉEDU SUD

CORÉEDU

NORD

FO

SS

ED

ES

BO

NI N

S

FO

SS

ED

UJ

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ON

OCÉAN

PACIFIQUE

MER DE L’EST(MER DU JAPON)

Sakhaline(Russie)

F O S S ED ES

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ArchipelYaeyama

ArchipelAmami

Takeshima(Tokto)

Tsushima

Etorofu

IlesKouriles

Kunashiri

Cheju-do

Okinawa

Minamidaito-jima

Okinotori-shima

ArchipelIo-jima Minamitori-

shima

MER DE CHINEORIENTALE

MERDE CHINE

MÉRIDIONALE

JAPON

Kamtchatka(Russie)

Habomai

Shikotan

MER DESPHILIPPINES

ArchipelSenkaku

PHILIPPINES

TAÏWAN

Hokkaïdo

Hokkaïdo

Honshu

Shikoku

Kyushu

MERJAUNE

Tokyo

CHINE

Limite des 200 milles marinsdu domaine marin japonais

Différends frontaliers

Source : adapté d'après Pierre Gentelleet Philippe Pelletier, Géographie univer-selle : Chine, Corée, Japon, Belin-Reclus,Paris, 1994.

de 0 à -200

de -200 à -2 000

de -2 000 à -6 000

de -6 000 à -11 000

Profondeur sous-marine (en mètres) :

Bases ou facilités militairesaméricaines

Pyongyang

Séoul

Vladivostok

Taïpeh

Zone maritime internationale« enclavée » dans le

domaine marin japonais

Le domaine marin du Japon

Mariannes du Nord(Commonwealth

américain)

Guam(E.-U.)

Diego Garcia(R.-U.)

Alaska(E.-U.)

TIBET

XINJIANG-OUÏGOUR

MONGOLIEINTÉRIEURE

Merd'Oman Golfe du

Bengale

Océan

Indien

Mer

d'Okhotsk

Océan Pacifique

Merde Chine

méridionale

MONGOLIE

CHINE

KAZAKHSTAN

IRAN

INDEPHILIPPINES

MALAISIE

INDONÉSIE

VIETNAM

CAMBODGE

THAÏLANDE

LAOS

BIRMANIE

BANGLADESHBHOUTAN

NÉPAL

PAKISTAN

AFGHANISTAN

OUZBÉKISTAN

TADJIKISTAN

KIRGHIZSTAN

CORÉEDU NORD

CORÉEDU SUD

JAPON

TAÏWAN

SALOMON

NAURU

BRUNEI

MALDIVES

PAPOUASIE-NOUVELLE-

GUINÉE

SINGAPOUR

SRILANKA PALAU

ÎLES MARSHALL

ÉTATSFÉDÉRÉS

DEMICRONÉSIE

TIMOR-LOROSAE

TURKMÉNISTAN

IRAK

ARABIESAOUDITE

KOWEÏT

YÉMEN

OMAN

EMIRATSARABES

UNIS

BAHREINQATAR

SOMALIE

ÉTHIOPIE

ÉRYTHRÉE

KENYA

TANZANIE

RUSSIEEn nombre de personnels militaires2 300 000

1 000 000

100 000

500 000

Bases ou facilités militairesaméricaines

En nombre de personnels militaires2 300 000

1 000 000

100 000

500 000

Bases ou facilités militairesaméricaines

0 1 000 km

VIIe Flotte américainePacifique-Ouest

Source : The Military Balance 2002-2003,International Institute for Strategic Studies(IISS), Londres, 2002.

Les forces armées nationales

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