Je mange à la carte, MOA, Monsieur !(Encyclopédie de la Lacune, tome II)
L Gransec
Je mange à la carte, MOA, Monsieur !(Encyclopédie de la Lacune, tome II)
Interlivre hypertexte (puisque) 6
Médecine exotique 11
Année 40 16
Traduction 21
Saint Bouddha d’Assises et la psychanalyse 32
Diagonale du vide 40
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textes proposés par eric ledru 4 villa saint michel 75018 paris
3
Petit Larousse 1960
grève n.f. (emprunt à un mot pré-lat.). terrain plat et uni, couvert de gravier et de sable,
le long de la mer ou d’un cours d’eau.
l
Interruption concertée du travail.
Par ext . Refus
d’accepter quelque chose : grève de la faim.
4
Je mange à la carte, MOA, Monsieur !
MOA, c’est lui, l’horrible repu retraité d’une longue carrière d’honorable exploitation,
qui fait à l’habitude honneur à la terrasse du grand, non, disons, moyen restaurant fruits-
de-mer jouxtant le Champ de Mars, le soir quand il n’y a plus trop d’enfants en rire.
Mars, Dieu de la guerre, de l’économie, et du travail des hommes. Enfin, du travail des
autres.
MOA, c’est toi, gros dégoûtant nanti, qui vient d’acheter mon bouquin. Du Bhoutan au
Burkina, on découpe en deux des cahiers d’écolier, dans toutes les écoles primaires,
dans les bons cas, pour que l’enfant puisse apprendre à l’école des MOA. « Il exagère »,
pense déjà le MOA-toi, regrettant ses 17 Euros bêtement perdus dans un navet. Attend,
MOA-toi, attends, peut-être as-tu investi (ah..... ???) ces 17 Euros, car MOA-toi c’est
moi et je vais me marrer / te narrer comment tu en es arrivé là. A moins que déjà ... ton
apéritif préféré (que-tu-prends-un-peu-plus-souvent-en-ce-moment), déjà n’ait calmé ta
rage contre moi (pas MOA-toi, oui, je dis moi) ? Tu préfères glisser ailleurs ? Tu crois
que de toutes façons, au point où tu en es de tes rêves noyés d’île déserte construite en
famille sous le vent qui te donnera gloire et charisme, ce MOA en toi n’a plus d’effet sur
ton Moi ? Déjà dans le métro t’es-tu imaginé abrité sous un recoin de béton jauni et
suintant, chantant le mantra-métro :
« A ... vot ... bon ... coeur ... __ A ... vot ... bon ... coeur ... __ A ... vot ... bon ...
coeur ...»?
Voilà. Non, je n’ai pas dit voâla, Monsieur, vos huîtres N°16, oui, N°24, non, ça n’est
plus juteux. Avec le couteau, ou la petite cuillère, les huîtres ? Mais je plaisantais, je
plaisantais, Monsieur...
Il n’y a pas là de haine, Monsieur. La haine ne se cultive que par jalousie, dépit, ou
résignation. Par économie de la sensation. Il n’y a pas de haine chez les solitaires, les
handicapés sociaux ou économiques, les transportés par les livres ... ou par les mots,
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peut-être.
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Une résonance
De quoi es-tu rempli, de quoi es-tu vide ? Tu resteras, héros, inconnu tout au long de ces
pages, de rien je ne te chargerai d’emblée. Les lieux resteront immuables et dans le
temps tu ne pourras te repérer. Souvenirs ou rencontres ? Syntonisation, syzygie.
« Quand Bernard arrêta de courir en cercles, s’accrochant de la main droite à la
margellle de la fontaine, l’eau avait cessé de jaillir. D’ailleurs Régine avait déjà chaud et
ne reviendrait plus ».
Comme coincé par la fièvre qui envahit l’espace abandonné de l’action. Comme guidé
par chaque souffle, chaque chemin et chaque mur à abattre, aux 1000 coins du monde.
Comme poussé par tous ceux qui t’ont déjà cherché sur ce chemin qui n’existe pas
encore.
Résoner. Verbe imaginaire rétrocréé de résonance, qui se désine en résonant ou
résonnant.
Résonance : « effet, écho produit dans l’esprit, le coeur ». Effet d’union spontanée.
Une voie, histoire de la rencontre
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Interlivre hypertexte
... se sont évanouies toutes les illusions d'une totalité représentable, il nous faut
réinventer de nouveaux modes de représentation.
Enrique Vila-Matas
Interlivre hypertexte. Jeu des possibles sur les failles de l'aujourd'hui incertain, autour
d'une origine rappelée des brumes. Et quelques autres autosics pour poser en ce premier
jour une étagère de non-installation. Pourquoi vaguer dans les pages des autres alors
qu'il est si doux de voguer dans ses propres plages ? Dans ses laisses de vie.
Intemporelles et pourtant si proches de vous, mes fils. Espace et horizon. C'est tout ce
dont j'ai besoin. Renaître de la maladie, sortir de l'informe de la fièvre ou du mal, pauses
obligées au non-temps, et retour sur soi. Une fièvre bleue, sans maladie: l'enfance.
L'espace empli, 1000 directions sauf le temps. Comme une grande pièce claire ou un
jardin d'été ombragé. Il est quand-même bien clair que la littérature parle vraiment de
toutes ses lettres dès qu'on a un ou deux champignons hallucinogènes dans les narines.
Lecteur, trouve ton propre fil. Respire une page blanche. Respire. Et voit. Voit tant de
voyages pour un si petit bagage. Et l'intuition d'un monde vrai si simple, simple,... le
chaos. Un cadre ouvert encercle l'infini.
On pourrait abandonner l'écriture devant les signes de lente combustion de ce qui est
grand, être son lecteur idéal, réflexif, vorace, amoureux de chefs-d'oeuvre.
Enrique Vila-Matas
Ne pas dire, ça tombe bien d'ailleurs je ne sais pas dire.
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Mais donner des plates-formes de dire.
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passants et temps long
Adieu pauvres voyageurs.
Aujourd'hui je fais le choix (?) de l'écriture fragmentaire.
Il était déjà reparti et plus rien de l'air maintenant trop léger ne pouvait se souvenir. Il
faisait beau, disaient les passants rapides. Rien que des lignes droites dans la ville.
Emboîtements, logique escalier et marches vides. Mais ça va s'ordonner tout seul.
Je ne me sentais vraiment bien que lorsque je savais le temps long devant moi. Surtout
ne pas trop tirer sur ce temps là sinon il va tomber, et les vacances seront terminées. Un
temps long, qui, aussi, vous rend inacccessible, inaccessible à tous ceux qui passent.
Mais qui vont s'arrêter avec vous, bientôt, c'est sûr, tu le sens. Temps long devant moi,
enfin. Mais...eeeehhhh....Votre attention, votre attention ! Isolateur, isolant, isoloir !!
Rapide, déjà une petite rondelle ferme, noire et oxydée s' est formée sur la banane
tranchée. See you... Retravailler Bergson, explorer la durée. Retrouver comment
s'abandonner dans l'instant. En écarquillant la brume de ses yeux sur la poignée de la
porte vitrée. Vitrée et vide. De grandes heures vides, avant de pouvoir goûter ce
pourquoi de l'instant. Inutile prozac qui fait glisser dans un temps neutre mais n'est pas
la pilule des vacances en entre-deux. Sérénité sans honte à flotter chimiquement libre
dans le monde de l'entre-deux. Au petit matin rare, ou dans l'air déjà épais d'un
printemps-automne, ou piégé dans un petit instant de grand bonheur partagé. Résigné à
ne pas s'ancre dans l'immobile activité à racines d'ego-metro-etc... Curieux pourtant
comme le pschitt du flacon d'eau de toilette de fin de toilette ramène d'un coup et sans
déplaisir - une sorte de vrai réveil, sans déplaisir- au monde ancré qu'à la seconde
précédente, flottant, je n'imaginais même plus. Terrible force de ce monde ancré, force
des espoirs, engobe d'illusion, patine forcée, ivresse amnésiante. D'où il faudra un peu
d'alcool pour s'échapper, un soir.
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Je me sens bien comme le vent
Et ouvert comme la brume étrange
Qui cache la route-nuit
En ces lundi d'avec vous encore
Où tout est permis.
Combien d'essais marqués?
Mouettes perforées par le ballon jailli de la mêlée.
Elan sublimé des hommes d'en bas.
Et nous y sommes.
Des voix
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deux ?
Nous avons tous deux vies, et ça tombe bien, comme fait exprès il y a deux mondes.
Sauf que...Sauf que ce foutu deux restera toujours une usurpation, pas seulement une
abstraction bien plus folle que le zero. Une usurpation bien plus lourde à dissoudre. A
dissoudre en forces d'envol et forces de chute unies à l'origine et unies à résonner
jusqu'au bout de toujours.
Le retour du refoulé, la lumière blanche
« Entrée du sujet dans son texte (...), à la manière d’une insurmontable lacune qui porte
au jour un manque et fait sans cesse marcher ou écrire encore ».
Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire.
« Bernard tomba dans le puits ».
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oxymoron
Des cas d’intoxication à l’eau consécutifs à une forte consommation hydrique sans
apports adaptés aux besoins en sels minéraux ont été signalés chez des personnes âgées
soucieuses de prévenir les conséquences possibles des fortes chaleurs de ces derniers
jours.
la mort, d'abord
(accepter l'angoisse de mort, accepter de mourir, écrire geste de mourant)
Vers la Cure. Procédure ou Hauts-plateaux ?
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Médecine exotique
Une bonne âme improvisée l'avait ramenée, brouettée plutôt, à la DDASS du XVe.
"Merci, merci, Monsieur. Vous les autres, je vous emmerde, vous voulez que je crève,
hein, c'est ça, merde !" Maintenant elle ressortait, son diplôme sublimé dans son alcool.
Le corps abandonné mais la voix fière. Elle était médecin et très dûment enregistrée, 75
66212 A. Elle se cassait encore une fois la gueule sur le seuil, et ce ne serait pas la
dernière. La Gare Saint Lazare et sa consigne perpétuelle la ramenaient chez elle par le
TER du Grand-Quelque-chose. Chez elle ?
Elle posait 20 fois la même question aux immigrants 1000 fois inquiets. Sans-papiers ?
Elle s'en foutait. Elle, elle voulait sentir mille réponses, comme : "Just for the job". Ou
bien : Là-bas, la rébellion, ici, "un petit travail juste pour monter la côte, et après on
verra". Papa là-bas, Sup. de Co. ici. Rien là-bas, le froid ici. Administrateur là-bas,
sexeur ("ben oui, trieur de poulets mâles, femelles, quoi !") ici. Beauté là-bas, beauté
fragile ici. Ou encore un là-bas bien à l'abri dans la poche du gros blouson vert usé, il lui
montrait bien vite, la photo du champ trop sec, des moutons, de la fierté et de l'espoir.
Un bonze orange dans la salle d'attente. Un champion dans son pays, récompensé-
boursier ici. Un pianiste à jeun depuis longtemps. Cheveux gris et "broken" de partout,
mais "ça va aller hein docteur maintenant ?" Il le faut. Faute de quoi. "Je suis venue
rejoindre les enfants, là-bas j'ai eu trop de décès, j'ai dû faire le saut, et j'ai encore mal".
Elle, elle à côté, juste à côté des migrateurs totaux, elle, l'erratique, elle, elle, médecin et
nomade bloquée, perdue, enlisée dans l'entre-deux. "Au revoir, Monsieur". Sentir et
Survivre. Apte à sur-vivre ici, l'autre. Mais elle ?
Entre routine et Mission, entre famille et projets, elle ne savait plus très bien. Ou bien
plutôt, à chaque aller-retour, elle se perdait, en enfance ou dans les étoiles. Chaque
voyage était magnifique. Chaque retour un désespoir. Elle préférait les Corails et les
Michelines aux TGV, bien sûr. Elle les regrettait déjà alors qu'ils étaient encore bien là.
Il fallait regretter pour survivre.
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Elle ne recueillait que le non-dit. Ses dossiers étaient vides. Son tampon très officiel
déclenchait la fabrication de cartes de séjour. Mais comme à regret, regret jubilatoire.
C'était encore trop. Quelquefois elle parvenait à saisir un peu de la peur, du ras-le-bol ou
de l'espoir. Souvent le beau certificat qu'elle délivrait arrachait un grand sourire. Un
sourire à côté d'elle, elle qui savait. Laisser-passer et statistiques. Zones d'attente. Chaos
de tous les espoirs. Encore trois réfugiés résignés, là-bas professeurs, ici nettoyage,
bâtiment et sécurité, intérim de l'espoir. Plus d'amnistie possible pour elle.
Elle renonçait enfin à partir. Elle coupait le portable toute la journée, le docteur B. de
"Sauver le Laos" ne cessait de vriller des messages courroucés, hautains, déjà lointains.
Elle sentait toutes les routes et savait tout regarder, maintenant. Il n'y avait plus de
temps à perdre, elle était ailleurs et de ce dedans-là elle ne réclamait plus rien d'autre.
Elle s'énervait sur la femme voilée jusqu'aux ongles. Elle était, comme elle, réfugiée.
Enfin. Plus de compromis. "Arrête de tricher", lui lançait souvent un collègue du soir,
au bout d'un monologue devenu rituel. "Je sentais qu'il avait compris. Pourquoi est-il
mort, lui ?", pensait-elle parfois. Message reçu. Dans la chute. Quand la poussière vive
de tous les là-bas reste collée aux chaussures. Quelquefois le bus 62 semble rentrer dans
la terrasse chauffée du café, et elle vit ses allers-retours sur place. Cristal de Mission.
Elle reviendra quand-même, pour la Saint Nicolas, qui est aussi le patron des marins en
détresse. C'est le seul bon côté des adeptes du Titanic.
Seule dans le hall bondé de la gare. Des phrases lues repassent. "Randonner c'est
résister". "La marche solidaire commence toujours en solitaire". Attendre qui, attendre
quoi ? Allez, une dernière fois... Une dernière fois, elle arrache un billet des mains d'un
n'importe qui en n'importe quelle gare. Et elle se retrouve côté couloir, non fumeur,
compartiment à l'ancienne, dans le Paris-Clermond. On l'aide (bien sûr !) à monter sa
grosse valise depuis longtemps coincée en position "on". Et avec, le sourire... Boule de
Suif, on the road again... Et elle observe beaucoup, timide, et elle se sent enfin bien,
bien presque à parler. Dans la vieille boîte où on peut se déplier et s'entrecroiser de
partout, même si ça tangue. C'est le loft Bobo de la SNCF. Mais au toit crevé. Tu es
morte et tu vas enfin pouvoir voyager. Comme allégée par la fièvre qui envahit l'espace,
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dedans, dehors. Mais où vagabondes-tu quand les habitudes ne sont plus ? Comme
poussée par tous ceux qui t'ont déjà cherchée.
Et ils sont tous là, sauf qu'ils ne regardent plus rien, ou pas encore.
Ils sont tous là dans le TER du Grand Quelque-chose.
On est tous las dans le TER du Grand Quelque-chose.
Trop jolis yeux bleus, portables d'affaires, migrants, migrés, dépéchés, retenus, attendus.
Dernier train pour la mer, aussi, parfois, vacancés.
Les travaillés, eux, regagnent les maisonnés.
Tout le monde s'est casé, casquettes, baskets, nez à trop grandes lunettes, cheveux
blonds trop nets.
Achats compulsés, aussi.
Le vieux blouson vert trop droit est là. Mais la photo maintenant rangée est invisible,
dedans, car personne ici ne parle, tout le monde attend.
Dans l'imprévisible. Car de Barbès aux Halles le TER du Grand Quelque-chose ne va
jamais droit et personne ne sait combien de tours, de retours, d'arrêts, de sorties,
d'entrées, de départs, de pannes, de chocs, d'espoirs et de rechocs, avant ... avant que....
Tu te cherches au cœur des hommes, tu te crois hors des normes.
Dans ton angoisse la plus basse, dans ton alcool le plus haut, jamais tu n'avais osé
imaginer le dire ce Passage...
Et pourtant maintenant tu vibres alors qu'à l'instant tu les aperçois tous, tout à côté, un
peu en haut, ta vieille boîte frôlant maintenant le trop neuf éclat du Grand Quelque-
chose. Tu désespérais de faire le lien, trop de pistes. Le Corail accélère et tu files bientôt
en touriste des étoiles. Mais maintenant tu sais. Tu sais qu'un jour tu t'arrêteras et que
c'est toi, qui n'est plus obligée de partir pour être, qui dira la vie.
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... une vallée d'attracteurs étranges
INFORMATION
A signal émis
B signal reçu
Quand nous nous téléporterons notre probabilité d'être nous à l'arrivée ne dépendra plus
que faiblement du voyage dont le bruit sera minime (A= B).
Le voyagé n'est pas lui, bruit énorme, A indépendant de B.
Le voyageur peut se retrouver car il choisit B. Il aime le bruit. Il le provoque.
Dépéchez-vous de voyager, encore.
B construt à partir de A.
Ou l'inverse, au repos,un jour de calme et de soleil pâle enfin accepté.
L'information fait suite au chaos.
Cette nuit j'ai de nouveau rêvé de mon père, il venait s'assurer de quelque chose dans ma
vie, de père à son fils, sans interrogatoire, s'informer. (enfin) ! Cybernétique et société.
Mouvement brownien.
"Il est clair que plus on se donne de contraintes et plus le contenu informationnel d'une
production s'affaiblit (...). Mais, d'un autre côté une création effrénée sans aucun souci
d'harmonie risquerait de produire une oeuvre tout simplement incompréhensible"1.,
Quelque part entre TOTALITE et RIEN.
Quel degré minimal d'allusion faut-il tolérer dans l'information ? Développer dans la
communication ? Privilégier dans l'illusion ? Wittgenstein ...Entropie d'un style. tend
vers un maximum, désordre absolu ou ordre ? Absence du vide ou plénitude du Tao ?
"Tamises le sable, tu trouveras les grains de l'univers". Le point le plus entropique
encore pourvu de sens. Transformateur d'énergie en information. La vie en machine à
1 Emmanuel Dion, Invitation à la théorie de l'information, Seuil, 1997
18
remonter le temps.2
2 Jacques Monod, Le hasard et la nécessité, Seuil, 1970.
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... et une femme,
jeune, belle, à la poitrine fière et tendre, sans enfants (l'enfant n'est pas tendre et la
femme lui donne tout, et toute la force de son sourire vierge) coeur croisé en sortie de
brume, chaque matin, et pas sur le trottoir d'en face.
Un sourire
échangé.
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Quelques hommes à Marseille. Et « une fille gentille »3.
Il lui fait trois fois l'amour dans la nuit,
Elle discute technique, quelques gémisements seulement.
Elle lui parle beaucoup, après.
Goudron noir du matin détesté, jamais je ne vivrai.
Mais je suis à Marseille4 et la cité me parle, et je parle. Je donne procuration, même si
je ne pense pas revenir.
Simples paroles du soleil. « Marseille n'est plus à un miracle près ». Je suis confiant ici
en l'attente multiple.
L'angoisse file aux Danaïdes.
Quel voyage plus nécessaire ?
« L'âme féminine est si déchirée entre des contraires ! »
Les femmes plus entre-deux, entre Amour et société ? Les femmes plus frontales. Les
hommes sous-corticalement exclusifs.5
Une ville ne ment pas, et le temps n'y peut rien.
De quoi nous réfugions-nous aujourd'hui ? Etre en danger justifierait ma retraite.
Sympathie gênée pour cette jeune fille riche... son billet de retour (la jeunesse est un
billet de retour, aussi la nature) et son tri des communistes ? A suivre.
Elle, Empathie sans Communion. Vivre le monde, ne pas s'ennuyer, d'abord !6 « Je ne
voulais pas rentrer, je commençais à avoir des connaissances à marseille, et là-bas ma
famille ne me comprenait pas ». Et une passion « malgré quelques coups de canif » !!
... Mondains, artistes, intellectuels: même Gotha... Et quelque chose d'envieux comme
l'adolescence dans cette aventure désirée à Marseille, le héros que l'on aurait voulu être
hante cette ville, comme un espoir d'une tourmente, d'une guerre anti-libérale pleine de
chemins secrets et glorieux. Justifier presque l'assassinat du petit caporal qui se prépare
à diriger la « Nouvelle France » depuis son club privé. Mais de toutes façons je suis de
3 Crossroads Marseille 1940, Mary Jayne Gold, 19804 22 avril 2007, 1er tour des dernières élections libres5 P.M. Rees et al., The Lancet 2007, 369:512-256 La petite bande est complétée par (...) Mary Jayne Gold, qui visiblement s'amuse beaucoup, y compris
du danger que nous courons. » Varian Fry, Surrender on demand, 1945
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plus en plus mort, elle est de plus en plus nulle. Seul et absolu dans l'attente d'elle.
Le silence de la mer7
Il n'y avait qu'un marque-pages bien maigre cette fois:
« Pas de choixpeau. Plein de chapeaux. Question de X. »
Et peut-être aussi quelque chose comme une place de village de cette époque, si proche
et lointaine, où l'on montait encore aux mats de cocagne. Il en restait tous les petits
drapeaux triangulaires de couleurs simples et vives, irradiant aux quatre coins du
monde. Des familles venaient là et déchargeaient leur âme à la brouette, des enfants
campaient dans leur monde et ne se posaient pas la question de l'adulte. L'adulte avait
dû vivre là plusieurs vies. Depuis le souci unique, aux pires jour du désastre, qu'avait
eut un chef indigne de préparer les voies de son ambition. Une économie coopérative,
altruiste, théorise-tu. Tu rêves en temps de paix. Tu manges sans inquiétude. Tout est
ouvert, mais peu le savent, endormis, et ça tu voudrais le crier. Mais tu ne cries qu'entre
les murs déjà brûlés d'hier, tu reviens dans la maison flamboyante de rien de l'enfance,
tu attends que tes propres enfants reviennent eux aussi à leurs 17 ans. Tu attends car tu
sais que le temps jouera pour ce monde que tu cherches en perdant. Comme d'un amour
l'autre tu sens un chemin. Comme d'une élection l'autre les journalistes n'annonceront
pas le matin brun que tu redoutes, tu te dis « peut-être j'exagère », mais tu nous sais tous
prisonniers déjà. Quatre canetons fanfarons et candides parodient assez bien ce qu'il y a
de pire dans les sentiments des hommes en groupe, comme aussi ce qu'il y a de meilleur
en eux. (...) Au fond, j'aime mieux le mystère. Il tombait bien, ce livre, après Marseille
année 408 et son miroir D'un château l'autre. Quelques hommes, un réseau qui se
trame, des mailles parfois ouvertes et parfois fermées. Et puis il fallait se décider vite,
l'eau montait... et pourtant beaucoup fermaient les yeux... le souci unique de soi... mais
J'ai retrouvé Mary Jayne depuis... et peut être avec elle la Cause... « Mais qui parle? » se
7 Vercors, 1941/1951. Brocante de Montmorillon, Août 2007.8 Où il y avait c'est évident cette ambiance amoureuse au sud de moi, ces tensions entre hommes et
femmes en direct; ici avec Vercors c'est très masculin, ce serait presque dans l'enfance où coule quelque chose d'évident, où circule la vision, où s'affrontent circonstances et systèmes et seulement indirectement les individus. Une cause commune. L'amour est-il souci unique de soi ?... Années 40...
22
demande-t-on à chaque chapître commençant ? ... se passer de main en main un fragile
flambeau pendant près de 1000 ans... « Nous en sortirons »... Ce fut comme lorsqu'on
voit la reliure d'un livre que l'on connaît bien. Un homme jeune. Un vieil homme. Un
jeune père. Retour à l'homme jeune sans doute, songe, souvenir, puis une histoire. Au
dernier chapître, on ne sait pas bien.
Faire rappel dans 5 ans (2007) puis tous les 10 ans CELINE9
... la chancellerie du Grand Reich avait trouvé pour les Français de Siegmaringen une
certaine façon d'exister, ni absolument fictive, ni absolument réelle, qui sans engager
l'avenir, tenait tout de même compte du passé...
Au début ça a réveillé ma rancoeur anti-F. Même Rancoeur agressive que dans Les
damnés de la terre de Fanon (!). moi aussi diable j'attends qu'ils crèvent! qu'une petite
artériole leur pète !espoir! espoir!... Caron leur défonçant la gueule ! Rancoeur envers
l'IVG-fin. Seul l' « amour égalitaire » réussit à me faire discuter. Merci. D'un château
l'autre. C'est aussi Bataillien. On va souvent vers la faille, surgit la lumière... mais « je
l'imaginais beau » dit à sa copine (b) la voisine de table, déçue du copain de sa copine
(c). Je ne voyage plus sans ma table pliante, mon Akaru10 et mon ordinateur. Bataillien
mais... les mots sont noirs. Céline n'imagine pas, lui, il est le total scrupule. Fusion
paludéenne11, certes, mais « je vis encore plus de haine que de nouilles ». Nid de foutus
en attente de la fin. Pourquoi on s'était battus ? Un style aux Perdants magnifiques12,
aussi ? Au détour de plusieurs pages saccadées, une explosion réaliste, descriptive, et
puis une félure, revenante, et le fil retrouvé. Exercice. Si donc y avait une certaine
lueur, elle ne venait pas de la lune... Je suis le médecin du total scrupule! ... je supporte
pas l'anormal !... certes!... j'admets!... je me ressents fort de certains chocs... j'ai le style
émotif, intérieur!... oui! mon privilège!... mais de telles hallucinations? Littérature! (...)
9 L.F. Céline, D'un château l'autre, 1957, printemps-été 200710 Yaka ben Akaru, chameau des Emirats, éternel privé de désert, descendant d'assoiffés, regard intense à
presque 360°. Presque.11 j'ai attrapé la « fusion » au Cameroun 1917 12 L. Cohen, Les perdants magnifiques
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j'étais trop vieux et fatigué pour trouver une chose impossible... tout de même une chose
sûre certaine, j'allais foutre le camp! Une certaine façon d'exister, ni absolument
fictive, ni absolument réelle, c'aurait été la fabuleuse histoire d'amour que j'aurais vécue
avec N. si j'avais fermé la conscience sur notre conflit de valeurs, si j'avais accepté son
contrat de mariage avec carte d'infidélité, et supporté de parler dans le vide une minute
sur deux. Dommage, dommage, sans doute, pour l'intensité de l'autre minute; l'éternité
des réveils à deux, et les orgasmes par salves de textos. Conscience des seins, leur
image mentale, la Vie. Plus profondément sous leur surface.
... je réfléchis d'en haut de mon jardin... l'endroit du vraiment grand point de vue...
l'endroit vraiment admirable si vous avez les « moyens »... mais si vous êtes juste
l'angoissé nerveux anxieux de tout!... alors au diable les points de vue! vous avez pas à
révasser !... délinquant le fauché qui rêve !
Je suis le médecin du total scrupule (...) d'abord je peux me détacher de rien, ni d'un
souvenir, ni d'une personne, à plus forte raison d'une chienne... je suis doué fidèle...
fidèle, responsable... responsable de tout !... une vraie maladie...
J'étais finalement arrivé ici, je devais venir ici, après tant de velléités de renoncement à
vivre l'oeuvre, tant de re-plongeons dans la tentative d'activité ! Tenter enfin de l'écrire,
cette encyclopédie du Tout à trous bleus à la Georges Bataille ? Et quand replanter un
arbre ? Continuer à refuser les autres ou accepter d'être enfin seul ? Tricher, plonger,
être ? Un grand lecteur du Tout est indispensablement à venir, merde ! Alors j'ai pris un
billet et tu m'as suivie mais tu n'arrives que demain ou après-demain et j'ai trouvé les
arbres déjà plantés et on ne m'a pas mis une pelle dans les mains et on ne vient pas me
chercher par la main pour travailler à l'hôpital et je sue à pédaler sur les chemins et je
suis perdu en anglais. Mais je suis ici.
... les chiens savent (quand elle descend du train)... j'ai toujours cherché à savoir
comment ils savaient? ils savent, c'est tout!... nous on se tape la tête dans les murs, on
24
est des idiots mathématiques...
CRISE DE PALU
L'endoctriné nazi: « L'âme!... l'âme, notre arme, la bombe... je l'ai! je l'aurai!... une
bombe de concentration! De foi!... une terrible bombe morale!... ». Les bombes morales
sont très loin de l'Amour. Je fuis un amour en lui opposant mes préceptes moraux. Les
fascismes sont retours aux sources. Seules les origines rayonnent. Jusqu'au seuil,
jusqu'au trop grand nombre, jusqu'à l'excès de disciples. On se casse la gueule sur le
seuil, on constitue un Empire en place de la révélation, et on coupe les têtes à ceux qui
osent buter. Il faut revivre aux communautés multiples. En fait ce n'est pas elle que je
fuis mais la mégapole et le RER. J'étais déjà en route, avant elle, pour la diagonale du
vide, aux marges de l'écovillage, à une encablure d'une ville humaine et TGV quand-
même. On voulait y aller ensemble. Ma morale et sa ville ont eu déraison de notre nous.
« Oh certainement! certainement monsieur Abetz! » Nous étions tous bien de son
avis... Bisou et/ou adieu, N. Je la trouve un petit peu exigeante... Je suis homme à
contredire.
... le monde sera seulement tranquille toutes les villes rasées! je dis!c'est elles qui
rendent le monde furieux, qui font monter les colères, les villes!13 plus de music-halls,
plus de bistros, plus de cinémas, plus de jalousies! plus d'hystéries!... tout le monde à
l'air! cette cure pour l'humanité folle! Enfin nous n'y sommes pas encore... notre
train!... notre wagon brinquebale, hoque, retombe, comme d'un pavé l'autre!
13 l'absence de l'aimée aussi fait monter la colère
25
Traduire, un mot pénible de l'adolescence.Un outil sévère de l'adulte.le complexe de l'Etranger.l'inutile du chanteur.la vibration du poète.NdT. Empire sur le lecteur.
BREVE POSTFACE DU TRADUCTEUR
le casque du simultané.le manque de la notice14
Ce livre est une fiction et il a donc été traduit comme tel.E.B.15
Best of Marseille*Les couleurs unissent, le décodage sépare.La recette ne fait que traduire le gâteau.La sauce papille.
Il ne faut pas traduire tout de suite une chanson. Troisième dimension.Face-à-face.(Auteur-compositeur) L'interprèteNe plus réussir à sortir de l'autre, l'inducteur.Je bois un porto dans un verre à champagne. Ca ne le fait pas à la première gorgée.Fantasme: apprendre le portugais.Il ne faut jamais réaliser ses fantasmes.
*le meilleur de Marseille
14 made in China15 Eric Beaumatin, in Abrégé d'histoire de la littérature portative Enrique Vila-Matas, Christian Bourgois éditeur, 1990
26
Cornures de Dondog16
« Est-on dedans ou dehors? » aurait dit J. Semprun...(« le mort qu'il faut »). On est dans
le Bardo, et seuls les lieux ont de l'importance, pourtant. Seuls les lieux et les femmes.
Je n'avais conservé que le seul instinct sexuel après ces plusieurs décennies de camps,
alors que la révolution mondiale s'était peut être effondrée, dehors. {J'ai 46 ans.} La
vie, c'est simplement savoir qu'une femme existe. C'est tout. Le temps n'a pas cette
réalité première.
Qu'est-ce-que vous faites ? Rien, vous essayez de vous tenir droit dans l'obscurité. Vous
êtes là, au bord du rien. Dans le silence médiocre pourtant, quelque chose s'est produit,
quelque chose oublié maintenant: une concrétion subversive, comploteuse, puis tout
avait repris comme avant, les solitudes l'une à l'autre additionnées qui finissaient par
constituer une rumeur. Et une prise de parole bizarre mais sans conséquence. Sans
conséquence ? C'était il y a longtemps, avant ta mort, avant ta naissance, et même
avant encore. Tu ne peux pas continuer à exister ici, à faire la révolution sans t'occuper
de rien et loin de tout, alors que dans le monde réel se prépare... Il faut que tu retournes
là-bas, près des tiens. Il y a les camps, une fois qu'on a appris à y survivre, on peut s'y
installer durablement. C'est moins risqué qu'à l'extérieur. N'idéalise pas les camps.
Métaplasie: conversion d’une cellule déjà différenciée en une autre, durant la vie post-
natale. Ce phénomène survient lors d’une régénération tissulaire, après une modification
hormonale par exemple. Plus la métaplasie touche une cellule jeune, plus elle aura de
chance de se maintenir, le nouveau tissu rentrant en compétition avec celui qu’il
remplace. La frontière entre le tissu d’origine et celui issu de la métaplasie est
mouvante, elle dépendrait d’une concentration précise de molécules informatrices au
niveau de cette interface. La métaplasie est une conversion complète, et non la
dérégulation de seulement quelques caractères comme dans un cancer. Corollaire, la
métaplasie ne rend pas la cellule immortelle. La métaplasie peut aboutir à des sécrétions
inappropriées. Elle n’est pas fixée et susceptible de réversion.
16 Antoine Volodine, Dondog, 2002
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La dernière chose que j'aie enregistrée d'elle, c'est une phrase. Je ne savais pas si je
devais la croire, mais j'aimais sa voix. Plus rien n'existe, tout le monde est mort, mais
ma promesse reste. Dans la Cité, je ne suis plus rien. Les être aimés disparaissent, la
révolution mondiale s'éparpille en poussière, le sens de l'histoire s'inverse, les passions
dérivent vers le rien, la signification des mots s'évanouit, les rêves trahissent la réalité,
mais... un chicot irréductible... qui n'a plus aucune justification... En cas d'enquête,
maintenant, elle ne retiendrait pas l'hypothèse du crime gratuit.
Conversion post-natale de conscience.
C’était pourtant l’évidence.
Switch phénotypique de ton vivant, rien du stock génétique commun, rien des
migrations. Ici et tout simplement. Métaplasie de conscience. Juste un passage dans le
bardo pour trouver la bonne concentration. Plus la peine de lire le Yoga intégral. Ca
n’était pas un saut qu’il fallait tenter, ça ne nécessitait pas de course, c’est ici.
J’ai enfin le retour de ma voix.
Du roman subsistait sur ce mur, et peut-être aussi ailleurs, dans d'autres endroits non
moins stratégiques pour la culture humaine et assimilée. J'aurais aimé en savoir plus
sur mes livres. Je dénombrai les femmes à l'instant même où je franchissais le seuil. Il
est vrai qu'ensuite je me comportais d'une façon qui eut sans doute déçu mes
prédécesseurs forts et barbares, car je ne me précipitais sur personne, je ne violais
personne et me maintenais dans une rêverie inoffensive, sans rien entreprendre ni
espérer.
Tu es là, dans le tournant, près du téléphone géant, celui qui de la route te parle toujours,
ce tournant, après le bel arbre, qui va au béton, mais celui de Roissy. Tu la retrouves,
toute petite, tu n’as pas le temps de lui dire grand chose de toi, entre le café et l’avion de
sa fille. Elle, se livre. Elle est le présent, entre la mort et l’argent, elle a de l’amour. Toi
tu mélanges tout. Tu ne prends que son reproche qui te blesse et qui t’accroche, petite
voix rapide et continue. Toi, gamin, tu veux soit tout tout de suite, soit la fuite. Soit tout
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tout de suite soit la fuite. Et tu as besoin d’une éternité pour te livrer. Ca laisse ouvert le
voyage.
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Autre échelle...17
« l'Inde est l'inconscient de l'occident »
Sudir KAKAR18
D'ailleurs la propreté anale n'y est surtout pas tabou, il faut savoir inviter. C'est donc
plus freudien que jungien ? Kakarien. Plus indien que sémite. Une origine ? Quête
d'antériorité à la Grêce et à la tradition juive. Mythe d'une Inde immobile et préservée
du modernisme. Sur les ghats, déesses grecques et gymnastes. Un lieu fusionnel qui
permettra une renaissance orientale de l'Europe. Platon, Kant19, les Védas.
Bouddhisme,
et Nietzsche, Schopenhauer, Wagner. Et la menace du Néant. Schopenhauer s'en
accommode20 fort bien. Reviendront bien plus tard le « new age » et les éditeurs de
développement personnel à bon marché. Entre deux, politique: Ambedkar, premier
leader des parias. L' « Intouchable » qui conserve son regard seul s'en sortira, dit
Catherine, souvenirs d'ambassade. Les autres sont les « musulmans » de J. Semprun,
déjà morts au camp21. Il y a un tout petit million de bouddhistes en Inde aujourd'hui.
Lamas incultes, manuscrits enfouis, traduits il y a deux siècles et trop bien vénérés...
Orientalisme indien en produit occidental, la réponse dans S. Rushdie, « Les enfants de
minuit », retour à un style autochtone, peut-être, tournant célinien littéraire ? Et puis
Tagore et Gandhi se feront piéger par Mussolini, mais est-ce que ça aussi ne ferait pas
partie d'un folklore indien bien occidental ? Aurobindo fustigeait le nazisme, en tout
cas. Enfin il me semble. Les nazis ont lu « Horizons perdus » et s'y sont précipités. Moi
aussi. Les contraires qui sommeillent en tous, que l'Inde gère, que nous travaillons en
« on-off », faute de mieux. A suivre. Tiens, mais pourquoi donc la semaine dernière
encore Le Pen s'en prenait-il aux Tamuls, « envahisseurs » du Sri Lanka ??? Sanskrit
contre Dravidien. D'où lui vient cette anti-culture historique ? Tagore sombre et
lumineux. Oui. ET. « L'Inde, contrairement à la science, plus on en sait plus on en
17 Conférence de Catherine Clément et Roger Pol-Droit, BNF, mars 2007, Magazine Littéraire à la main18 « Les Indiens, portrait d'un peuple »19 Je n'ai pas encore de label à lui mettre, à celui-là.20 Deux « m » comme dans commodités.21 Jorge Semprun, « Le mort qu'il faut ».
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rêve ». Sauf le contraire. Fascines ?
Dos Pasos, Cendrars, Londres, A. Cohen, Guez Ricord.
Impossibilité du quotidien et liberté de la fièvre qui lâche.
Au sud d'Eden en passage obligé, chaos ethnique et porte sur l'Orient.
D'un sens ou l'autre. Le Sud en antidote à la prohibition, aux violences raciales, et à
Joséphine Baker. La Canebière, Champs-Elysées du monde entier, foyer des migrateurs,
Mecque des voyageurs, ville de détatoueurs. Sur les traces de Marie-Madeleine. Plus
loin que le cliché de quelques isolés. Psychologiquement atteint. Prophétie en partage.
Nier les croyances et faire venir le rêve. Cantique.
On peut « faire » Houellebecq, aussi.
Pour se décider à ne pas l'acheter, malgré la posibilité d'une île, parce que extrémisme
médiatique. Il est antilibéral. Ah ?? Il est dégoûté du monde et de la vie, de la vie
biologique. La vie est absurde. Lovecraft est son influence, fantastique et poésie. Ca a
l'air bien, ce Lovecraft. Shopenhauer est son maître à penser. Vers des élans néonazis.
L'assistance est vieille: est-ce un indice ? Au moins j'apprends des choses. Mais « La
femme n'est plus un tunnel à révélation ». Perd des points, là. L'analyse augmente
l'autonomie et diminue l'amour. Lui recherche la fusion et non la liberté individuelle.
Unité, origine, avant le deux. La j'adhère. La salle remarque que cela concerne plus la
psychothérapie comportementale que l'analyse proprement dite. Il connait très mal
l'analyse qu'il assimile à la confession. Il connaît très mal le tunnel aussi, sans doute.
Extension du monde des SANS: sans-domicile fixe, sans-papiers, sans- travail, SANS-
SEXE. « Avec un handicap sexuel, on est mal barré pour se vendre ». Ah, enfin le point
de départ. Il me re-devient intéressant. Je ressents la même répulsion / attrait pour
l'analyse et pour Houellebecq. Etonnante résonance. Mais la politique ? Compassion,
mais de quelque piédestal d'exception ? Quelle solution ? « la science, le génome
humain, etc... ». Là il s'enfonce grave. Sympathies raéliennes: « shunte » l'acte sexuel,
clonage-refuge ! Evolution, vers des surhommes... Tiens, tiens... Faut-il l'excuser pour
sa provocation ? Le littérateur peut-il ne pas être un penseur ? Attention, les mots...
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Manquant de sécurité au début de sa vie, il recherche l'amour sans risque, celui qui
reçoit mais ne donne pas. Il reste en surface en voulant créer un « cocon de bonheur ».
Il a été bien long, le début de ma vie.
Redresser ou copier.
Ce soir le lecteur est écouteur
Ici sur la plage de Goa
Plein de femmes et la porte (ouf !?) se fermera, laissant entrer la quête et le désir.
Ambre. Automne. Soir. Anglais.
Il y a bien plus dans l'espace entre ta langue et mon écoute que dans ton histoire
racontée par l'autre.
Traduction.
Jeunes et fumées. Bar et noeud pap.
Seules et belles, jeunes, en noir et argent.
A la table un peu à l'écart du champ de vision, derrière. Belle.
Les femmes proclament leur dépendance.
Fière, fragile, et cheveux racines.
Tenancière de son bordel et religieuse de son rôle.
Et offre sa vérité, sans paradoxe. On the borders of the society. On the borders of the
society.
She says « Hello ! at the innermost door »22.
Une liberté en devenir dans toute rencontre entre elle et moi.
« L'écrivain ne doit pas se laisser impressionner par la réalité ».
22 Anjani Thomas & Leonard Cohen, Blue Alert, 2006
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Cul-de-Sable23
Au propre comme au figuré. Cul-de-sac de la vie, terminus de l'érosion, et elle juste
vêtue d'une double peau de sable, la face contre terre, les reins soulevés, offerte à son
« hôte ». Un « amour » qui ne dira pas son nom, un « amour » inégal, mais un couple
qui naîtra par intérêt réciproque des Moi entecroisés, et offrira à chacun des partenaires
le rapport social dont il désespérait. Lui on l'a descendu dans le trou puis on a retiré
l 'échelle, et l' « autre » vie l'a déclaré disparu. Lui le cherchait, ce sable. Mais il veut
vite le fuir.24 Et elle ne sera pas complice de son évasion, bien au contraire.25 Le
lecteur croit à un géniteur pris au piège, pour renforcer l'effectif de la secte. Il se trompe.
L'enfant n'est pas indispensable au couple. Mais bien la descente jusqu'à l'eau du moi, et
la remontée de cette eau vers la société, par le partage semi-imposé et déséquilibré d'un
quotidien dérisoire: économiser un poste de radio et construire un faux piège à
corbeaux. L'enfant perdu qui retenait la femme prisonnière et renonçante au plaisir
meurt une deuxième fois et fait prendre conscience au mâle de son amour, même s'il se
voile les yeux. L'optimisme forcé de l'anti-héros se délite face à la terrible rationalité
des villageois gardiens du trou, à la terrible rationalité du sable-temps. Bien proche de
nos « survilles » minérales de travailleurs consuméristes obligés. Jusqu'au jour où...
« K. » arrêtera de résister pour s'autoriser à vivre dans ce monde absurde. 26 Quête
initiatique et syndrome de Stockholm à la fois. Entre amour et couple, aussi. Mais
l'amour est-il piège, outil ou quête ? Spasmes répétitifs ou billet double, double pour
que chacun puisse atteindre avec l'autre sa propre gare ? J'aime que tu aimes mon cul.
Seul le maître est condamné à la même immobilité qu'une pierre. Le sable est cet
23 « La femme des sables », Kobo Abe, 1962, traduction Georges Bonneau (Stock)24 Qu'est ce que mon grand-père faisait fuir à son fils en 1940 ? La crainte d'un non-avenir sous
l'occupation ? Le réel danger des bombes et d'une longue guerre ? L'excessivité de l'emprise parentale ? Fuit-on pour éviter un danger immédiat, ou sous l'effet d'une peur confuse, ou parce qu'aller ailleurs est nécessaire pour se trouver ?
25 Un miroir d' « Horizons perdus » que l'on quitte à contre-coeur mais avec la complicité de la femme qui veut vivre son sexe. Deux mêmes ambiances d'arrivées forcées dans un monde clos où on ne fait que répondre à vos questions par: « pensez-vous réellement repartir ?» Amour dans le quotidien plutôt qu'immortalité, c'est dans les deux cas le pacte faustien de la femme face au vide existen-ciel. Mais « La femme des sables » ajoute le couple en moulin à Eau de la société.
26 A l'opposé de « Venin » de Sangsuk où cesser de résister c'est sombrer dans la folie, se mettre en retrait du « social » ou d'une certaine raison.
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élément qui, en continu, prend naissance du profond de la terre puis va partout, ne
repose jamais, tranquille et sûr de sa victoire, alors que les humains ne font que se tenir
cramponnés les uns au autres. Le sable, négation pure de toute espèce de forme... le
sable-qui-coule! Pour flotter sur le sable, seule une double maison-bateau, un tonneau
interne, maison-berceau sur un axe fixe, un tonneau externe tournant constamment sur
lui-même... Ce qui, dit-on, donne au prisonnier la perception réelle de la cellule où il
est enfermé, ce n'est pas la porte de fer, ce ne sont pas les murs: c'est le petit judas par
où on le surveille...
Pierres amassées gnose sable
Du vent
Cette toile-là ne t’étouffe pas, elle brise le toit et te tire
Tu sors au grand seuil de la quête
On n'a pas à s'aimer
Quelques affaires en grand partout
Hôtel
Mais dehors...
Bon retour sur ta planète !
(et n'oublie pas le chat au passage dans l'escalier)
Quel trajet a-t-on répété plus souvent que celui de l'école ? Et vers la maison descendait
la pression, hélas sans désespoir.
L'homme avait senti s'écouler le plus profond de son être. Les sujets de conversation
étaient bien restreints. Pourtant, dès qu'on entrait dans le cercle de son existence à elle,
on ne la reconnaissait plus, si forte était la vie qui animait ses propos... Mais retourner
dans la maison, près de la femme, lui paraissait être une décision à laquelle, d'aucune
manière, il ne pouvait se résoudre. A rester près de la femme, il y avait danger. Tout à
l'entour se jouait une lumière fadement laiteuse: cette vague lumière seulement. « Vous
sentez-vous bien, mon hôte ? »
Le 7e, c’est souvent par l’escalier de service, et c’est soufflant, haut, nuages et beau,
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presque au-dessus de la fausse lumière de la ville, et le rire arrive d’en bas, débarrassé
de toutes les coques. Mais seulement on peine dans l’escalier accroché au vide, dehors.
Mais bientôt frappe, cogne, fait grincer la porte, vibre de très loin dans un grand rire
déguisé-espoir. Deux vieux Monsieurs, l'un aime voir tomber la pluie, l'autre demande si
le journal reposé sur la table est disponible. Sur les toits, des petits yeux qui ne vous ont
certainement pas épargnés. N'est-il pas permis de demander de quelle façon mon chat a
été exécuté ? Envisagez-vous que je revienne ? Ou sont les autres lettres ? Où y-a-t-il le
moins d'étouffe-dit dans la vie d'un homme ? Autour de son péché originel amoureux ?
Y-at-il des gares ?
Il se remit à la besogne... pourquoi chez lui ce changement d'âme ? Besoin d'eau ?
Dette contractée envers la femme ? Vertu du travail accompli de ses mains, en secours
dans la lutte contre la fuite du temps ? Plutôt cette dernière explication, se dit-il. Une
sorte d'accord s'était établi.
Blessures pour le nanti de l’habitude.
Grand feu qu’un jour tu ne souhaiteras plus allumer.
Glisse jusqu’à ta place. Un procès dans la cour de la maison natale. Bastille trouillarde.
Il ne s'agit pas d'un parasite adapté à l'espèce humaine (psychose du trou de balle,
doublée d'un besoin d'exister: « ... je suis habitée... »). Ver rien.
Blues de l'aller simple. Chantez ça si ça vous amuse27. Une vie où il n'y a que brisure
entre l'hier et l'aujourd'hui, entre l'aujourd'hui et le demain. Mais regarde-les donc, ces
peuples nomades qui ne connaissent, tout au mieux, que leur honnête billet d'aller
simple ! Pour ceux-là qui, dès le départ, croient dur comme fer que rien n'existe d'autre
que des billets d'aller... oui, bien sûr, pour ceux-là du moins, les choses se simplifient:
ils finissent le voyage sans jamais s'être sentis obligés de tenter cette chose impossible:
adhérer au sable qui coule! Alors croyez-moi, les seuls capables de trouver là motif à
fredonner sont ceux qui serrent fermement dans leur main un billet d'aller et retour:
27 Un hymne bobo, dirait-on aujourd'hui.
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c'est la règle, invariablement.28 Une chose est sûre: c'est que la réalité ne m'est pas
favorable.
Ta voix est grave à tout résonner, mais tu n'y crois pas. Un certain regard, et me sentir si
près du Tout quand je suis près de toi, longtemps déjà, une seule journée pour toujours,
Nathalie. Je suis venu ici grâce à toi. Un peu d'eau ? Donnants / Donneurs ? Liants et
solitaires ? Clowns et Dépressifs ? Nous sommes tous des vedettes. Tous,
communiquants malgré nous, illusion de nos handicaps. Un jour pour changer, élargir
nos limites, ressentir la limite commune qui s'étend. Et toi le rire du sacré. Sourire.
Sacré rire. Besoin de ton épaule pour vaguer, pour couver nos absolus. Toutes nos
aventures de nos 17 ans, avant-tu, nos vies inventées, nos mondes germent ici - après
des ruptures, ou au cours d'expériences continues - et toi tu es mon retour ici. Je l'ai
déjà dit ? Les linéaires, ceux qui n'ont pas de difficultés à être forts car ils restent dans
un seul plan de vie, y verront perte. Mary Jayne... Gold! Mais c'est déjà le demain du
jour sans fin, tu as échappé à mes sourires même si je t'ai fait rire, tandis qu'avec un
autre, amoureuse, tu partageais des soupirs. « Allez file » tentais-je de te dire à
répétition, espérant tout le contraire. Mais/alors je ne savais pas encore ton épiderme
trop tendre du premier degré. Tu accepteras après coup ce ménage à trois, moi pas, mais
sans doute n'avions-nous pas le choix car j'avais encore besoin de te rencontrer pour
enfin croire en moi. Une Princesse m'avait bien hier offert son monde où je m'obligeai,
que je pleurais, que je finissais ici de cicatriser, ou plutôt de recoudre au fil de ma vie,
mais c'est avec toi, Fée que nous pouvions merveilleusement créer l'interface à l'assaut
des vies.
Curieuse journée, tu retournes là d’où tu fuyais.
Premiers progressifs. Ne plus se voir des pieds à la tête: est-ce la contre-attaque ?
Le flou là autour invite quelque hallucination à venir.
Incompétence globale en outil vrai.
T'y espère demain.
28 Et celle du journaliste, du touriste, par rapport à l'exilé (François Debré).
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De quoi ma désertion la prive-t-elle ? Disons-le clairement: tout au plus d'un si
insignifiant fragment d'existence qu'une radio et un miroir pourraient facilement
remplacer. Une obsession pour elle. Bien sûr que je la lui enverrai, sa radio !29 Mais
moi au fait , puis-je dire que je n'aurai rien perdu à te quitter ? Ca ne serait pas juste...
la chair élastique de ton entrecuisse... l'alcool... le rire... et le reste. Ca se monterait à
un joli total!... Au secours ! Et après ? Vivre, c'est tout ! Essayer d'élargir la surface
portante... L'homme se mit à pleurer. Qu'ils nous laissent en tête-à-tête, ma résignation
et moi ! Trois hommes se mirent à retourner le sol, à enlever le sable couche par couche
comme on retourne les pages d'un livre...
Délivrance par la distance.
Quelques notes font sourire le vent.
La croix du feu rouge est de travers.
Demain, amélioration de la qualité de l’air.
Instant de la lumière pourpre, l’Instant, et le fleuve gonflé et rapide et bleu acier a déjà
emporté l’image. Le travail lutte à toutes griffes. Aussi la loi. Chacun soldat
consciencieux du lisse. Quelques esprits néoténiques.
« Nous n'avons pas, nous, n'est-ce pas, à nous occuper des affaires des autres », disait-
elle. Le monde se renversait pour l'homme, il était dans le trou et déjà hors du trou. Un
moi tout neuf, qu'il avait réussi à en faire sortir. Elle le voyait prendre une attitude
positive eu égard à elle. Un but auquel, ensemble, ils aspiraient, mais destination et lieu
de retour laissés en blanc.
Que sentir de plus ?
La gêne et l'excitation de l'encre sur les doigts.
Comme une odeur retrouvée.
Cris-réveils de la forêt-galerie tropicale.
29 Pourquoi en sortant du train à Lyon ai-je eu cette certitude et cette joie de vouloir offrir une télévision (et une galette des rois) à mon amour de Chouchou parti ?
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Alors je surgirai et je te soufflerai dans les yeux. Tu les fronceras. C'est ainsi que je
t'aime. Tu comprendras que tu es bien. Que l'on t'aime. Et tu aimeras. Pas moi. Je sais
même comment tes enfants s'appelleront. Je serai dans tes cheveux.
Irina Denejkina
Vodka-Cola
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Saint Bouddha d’Assises et la psychanalyse
La psychanalyse à ma portée. Judaïsme est psychanalyse. Bouddha ou l'Abbé Pierre, le
sacré peut jaillir de partout30. 22 Février 07. Journée de merde ! Ne m'attends pas, je ne
pense pas que je viendrai, dit-elle. Elle attend de moi une emprise. Or rien de
compatible. Des mots sans consistance dans ce que je tente. Seuls ceux des autres
m'inspirent. Je plagie, et mal. Demain matin l'ANPE. Du matériel informatique coûteux
mais incompatible. Suzon répondra-t-elle à mon père, il y a 60 ans ?
Cette joie insensée, le contraire de la gaieté marchande. Trois épaisseurs de verre se
tiennent entre la lumière et nous, trois épaisseurs de temps: du côté du passé, l'ombre
des parents, portée loin en avant sur nos jours. Les mères ne savent aimer que de cette
façon insensée. L'enfant est seul à pouvoir tirer la conclusion logique: partir. Non pas
lutter. Ne surtout pas lutter: partir. Trois mots vous donnent la fièvre, vous clouent au
lit: changer de vie. On n'est pas devant une question, on est à l'intérieur. On en rajoute
un peu, chacun y trouve son compte: la mère et le fils. Reste l'ultime opacité, du côté du
proche avenir - la peur de mourir.
Les lettres envoyées par mon père à ses parents en zone occupée. Il était réfugié. Dans
le livre creusé dont enfant on m'avait parlé. Il est décédé. Combien cette période a
compté pour lui ? C'est la mairie qui m'a donné votre adresse. Vous vous appeliez
Suzon. Le « Club » de Bourret, aussi: « Je vais passer des vacances comme jamais je
n'en ai eu ». Il s'agissait de bien plus. Un partir. Puis le retour dans le Nord. Reprise de
tutelle. Comment ? Il a fait un pélerinage chez vous 40 ans après. Quelques années
avant sa mort. Il y avait encore tant de silence forcé entre nous, alors je ne sais pas.
Que sont devenus ? Avez-vous gardé le contact ? Raconter ? Ces années, des anecdotes,
moments heureux ou difficiles ? A-t-il quitté libre, une réelle menace, ou sous la
pression, ou encore ? Connaissiez-vous ? Toute information sur mon père, heureuse ou
décevante, est importante. Vous pourriez me dire...
30 Christian Bobin, Le Très-Bas, Gallimard, 1992.
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Douceur de vivre, amour se soi. L'amour de soi naît dans un coeur enfantin. Les
hommes, ayant une peur éternelle des femmes, se condamnent éternellement à ne
presque rien savoir d'elles. Les femmes ne sont pas tout-à-fait Dieu. Il leur manque très
peu pour l'être.
Saint Bouddha d'Assise. Eveil à la souffrance des pauvres. Immanence et enveloppe
vide. Saint Freud-Bobin. Epaisseurs de verre parentales. Sainte Femme-Cohen. Presque
Dieu.
Retrouver l'instant précis de la sortie de l'enfance, et s'autoriser à s'aimer, comme
quelqu'un d'important que l'on est. Bienveillance. Oui, Chouchou ! Garde ta douceur de
toi. C'est important aussi pour, enfin pour nous...? Va vite t'exposer au soleil, toi qui
était au Très-Bas, regagne ton sud. Relie ton rêve du Très-Bas. Parce que justement le
juxtaposé ou l'anachronique t'y posaient problème. Va vite à cette phrase de Jung que tu
devras poser à tes patients, et à tous ceux qui auront adhéré à l'évidement de leur livre:
« Dans un rêve, souvent, les choses les plus inattendues ou les plus séparées de la vie de
veille apparaissent logiques, jointives, normales. Repérez dans vos rêves des éléments,
des associations, des faits qui vous ont dérangés dans la logique du rêve, qui ne
coulaient pas de source dans ce rêve ». Inconscients blocages à votre inconscient
collectif, penseras-tu. Je n'étais peut-être pas au bon arrêt, je trouvais l'autobus grâce à
ma collègue. Mais mon téléphone portable n'était pas le mien, il sonnait, Hervé me le
réclamait assez impérativement, on pouvait l'appeler, je pensais à son amie, son amour,
amante avec des enfants, que je ne connaissais que par oui-dire. Je donnai le téléphone à
quelqu'un de l'autobus, un Black clair je crois, qui acceptait de le déposer à la loge, à
l'intention de Hervé, et je faisais le dessin d'un coeur sur ma poitrine ou la sienne, pour
qu'il comprenne bien. Mais je ne comprenais pas comment ce téléphone avait pu arriver
à la place du mien. Je refusais la surprise qu'une femme inconnue, amante superbe,
amoureuse éperdue, m'appelle ? Je partais en bateau pour un endroit où je n'étais jamais
allé, disputer une compétition de water-polo, je n'avais jamais fait ça mais ça devrait
aller, car je serai un des joueurs au milieu de l'équipe, je ne serai donc pas crucial, et je
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réussirai même quelques belles passes. Un peu d'appréhension à l'idée d'un éventuel
« passage de la ligne », y aurait-il une sorte de bizutage ? Mais je ne sais pas bien
géographiquement où on va, il y a plein de monde dans le bateau, on est sous le pont,
uniquement des jeunes hommes, genre étudiants. L'ambiance est sympathique. On
arrive en vue de l'île, on arrive sur la côte, beaucoup de jeunes femmes en tenue
traditionnelle, avec toutes des tétons extrêmement fins et longs. Elles sont belles sans
être sexuellement très attirantes. J'ai envie de téléphoner à ma mère pour dire « Je suis
en Polynésie ! ». Le bateau grimpe le long de rues très étroites et très pentues. Je me
demande comment il peut bien avancer ainsi sur terre ? On ne me répond pas. On est à
l'avant de la coque du bateau, on prend des paquets d'eau, puis la coque s'ouvre en deux
pour pouvoir mieux avancer dans ces rues très étroites, ensuite elle doit se refermer et je
risque d'avoir les jambes sectionnées. Je me retrouve dans une maison... qui est
exactement la même que ma prison natale maternelle, je vais vérifier dehors que la
porte d'entrée est la même. C'est la même, dedans aussi, à quelques nuances de déco et
d'ameublement...
J'ai refusé l'appel, il n'y avait que des jeunes hommes, je m'en remettais à mon
archétype, et je ne bougeais pas d'un pouce. Je ne comprenais pas, comment peut-il, je
vais vérifier ? Elles ne sont pas très attirantes. Où faut-il se sauver pleinement ? "Vis
dans le présent, tu seras bien plus libre » me disait-elle. Non, les amants restent, les
lieux vivent, les mots mordent, les fêtes agissent et les refus frissonnent. Jung
récapitule. Excitante chaîne. Et pourtant j'aime encore tous les ciels de tous les matins.
Viens en moi dit-il. Une mine, je l'ai pillée, et ce n'est donc plus une mine ? Bonheur de
l'ouverture de mines, puis ouvrage forcé, ou culpabilité. Suis arrivé en retard à la
réunion ANPE, il faudra que je revienne. Peut-être. Humeur au seul gré du soleil.
«Invitation valable uniquement pour 1 inconscient collectif, non accompagné". Quelque
part par ici Monsieur (ah vous savez je connais les gens mais pas leurs noms, me dit la
boulangère) on me trouvait "très bien élevé" et le reste fut censuré. "Quand devient-on
un homme ? " auquel après un long silence pensée bloquée mais j'en sais rien moi et
puis d'abord c'est pas une question on me demande jamais des trucs comme ça je devais
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avoir environ 15 ans et en lieu de copains je zombissais à Nice chez mes grands-parents
pour une semaine le blouson tâché dans le train pas rasé le duvet "je n'ai pas de mousse"
prends mon rasoir je vais te montrer, moi! m'emmenait aux arènes en ruine mais se
sauvait je suis trop vieux je suis trop vieux il voulait rester mais sa femme à protéger sa
femme qui me donnait enfin, stoppant mon malaise dans cette attente de rien, la suite de
son énigme: "quand on est responsable". Dix bonnes années plus tard dans mes
sensations je récupère ma 4L rouge - tiens quelques rouleaux à nouveau - sortie du train
à la gare, on ira voir monsieur cousin Jean par surprise à Vence "mais vous êtes fâchés
avec ton père ?" non c'est un silence normal d'abord on ne savait pas son cancer à ce
moment et d'abord il réapparaissait à peine dans ma vie, il ne réapparaît réellement que
depuis quelques mois d'analyse, nous sommes aujourd'hui, encore 20 ans plus tard. la
4L rouge fera encore quelques aller-retour nord-sud imposés avant de vendre des
journaux dans le bassin minier. Je crame en terrasse. « Ton père aurait certainement été
un (autre) homme s'il avait vécu dans le sud », disait encore le beau-père à son petit-fils.
Quelle flamme approchait-il lui dans le Sud ? Non consumé auprès de sa femme ? Et
pourquoi, toi, ne pas accepter enfin de vivre ce Sud que tu sais être selon ton coeur ?
J'observe encore les rouleaux et les femmes, à l'abri de mes lunette noires, depuis la
digue, qui me mène à toi. Ici était hier, pour moi, un autre monde.
Finalement c'est la musique philosophique de certains sermons du dimanche qui
m'attirait. Une rhétorique que je percevais un peu vaine, mais agréable, c'est tout,
envolée gratuite, et comme aujourd'hui après le yoga, une énergie positive sensible.
Restait une aura morale, bonne volonté, mais incompétence. Eckhard rodait. Ici aussi et
encore, maintenant, dense à la saisir, la voix du conférencier porte quelque chose qui
rentre et pousse la pensée. Un brouhaha, l'anti-fréquence unique. Entropie, anti-bruit.
Du chaos du quotidien émerge une construction commune. Né dans un garde-meubles.
Ce que j'ai à écrire ne peut se faire que là où mon étranger et moi communiquerons. Le
seul endroit agréable à vivre ? L'odeur de vent et de lessive fraîche, et la très légère
brume jeune de soleil. Ecrire sur le corps ? Non, sur l'étrangeté, la marginalité, l'absence
de place. On voit. On ne cherche pas des signes. Peur de devenir aveugle. Des graffitis
enfoncés dans les failles des murs, l'homme d'état se rappelle le mendiant, à Jérusalem.
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Tu peux lire tout ce que j'écris mais pas pendant que je l'écris.
Un oeil sur la brune, un oeil sur la blonde. Belles complémentaires complices anti-
synchrones. L'une ouvre un oeil, l'autre cligne, tout dans les traits et les mimiques les
oppose et les unit, parfois les lèvres précises s'immobilisent et les deux têtes se tournent,
ensemble cette fois, vers l'orateur. Merci beaucoup.
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Mythes et Fantasmes: l'Utérus de Paris XVIII
è
Oscillations métaphoro-métonymiques
Le merveilleux et le constant des jardins et parcs parisiens, c'est la butte, artifice qui
croise parfois les morts et autres chtoniens. D'où l'on voit. Attention Extase et Danger
Scéances SM programmées « plein de petites pinces » et des fouessées Jubilation contre
Jouissance. Attention Danger Fantasmes réalisés ? Attaché volontaire Attaché forcé
volontaire. Je suis venu ici aussi en direct des mythes31. Porteurs d'une origine ? Ou
simples structures littéraires ? Influençables ? Et alors peut-on créer un mythe ? En tuer
un autre ? Je suis fonciérement en opposition avec la notion qui voudrait que chaque
décès d'homme dans le monde soit une perte pour chacun pris individuellement32.
Chaque décès est un nouveau canal ouvert sur Dieu pour les autres. S'il y a un dessin
intelligent, il nous pousse par derrière, nous le nourrissons et puis nous le lâchons en
route. Il n'y a perte que si l'on nie la mort. Le glas sonne d'abord pour soi, oui, mais c'est
un cri d'élargissement, une violente lumière, même au prisme des larmes. Sculpture du
vivant, oui, amputation, non. Même si la mort du père. « Les milliards et les milliards
des habitants de la mer n'ont que l 'amour vague (sic) encore »33. Nous ne sommes plus
amibes.
Le sens de Scène n'est pas univoque. Coït originel. On y vient par fantasmes interposés.
Je ne peux évoquer une chambre: elle était disjointe. Ensuite c'est plus classique, la
mère transmet à l'immature les mythes en vigueur, en sa vigueur. L'inconnu est cet
originaire dont surgit le sens, l'invention, le jeu chez l'enfant. (...) Le travail de l'analyse
s'appuie sur les chaînes métonymiques et dégage les repères métaphoriques que portent
les mythes toujours actifs, les lois, les idéaux collectifs. (...) Oscillations métaphoro-
métonymiques. Approche-t-on dans la laborieuse remontée une quelconque vérité, ou
31 Les fantasmes originaires et leurs mythes correspondants , Guy Rosalato, in La scène primitive et quelques autres, Nouvelle Revue de Psychanalyse, automne 1992, numéro 46.
32 J.C. Ameisen, in Esprit, La santé, question de justice, juillet 2007.33 Jules Michelet, La Mer, 1861.
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explore-t-on seulement l'inconscient, autre construction? Pour un sujet le fantasme et
pour la communauté le mythe viennent suppléer, par un scénario imaginaire, dans
l'illusion d'un savoir, à l'inaccessible de l'inconnu. La psychanalyse de Freud voudrait
s'arrêter à la frontière de la gnose. Ne remonter qu'à l'origine du sujet, mais considérée
comme une fusion d'origines, une « co-naissance ». Quête, au travers de fantasmes
originaires: scène primitive, castration, retour au sein maternel. Et monothéismes
baignant l'occident. Jung est sans doute plus proche (« Une paranoïa collective » à
l'origine des mythes, légendes, et des superstitions, selon Freud). Une maîtrise magique
sur l'origine elle-même, par sa connaissance, selon Eliade34. Et la langue en re-création,
« épiphanie de l'être »... ou signifiant !
Scène originaire, impossibilité de son observation, souvenirs, images. Un désert bien
longtemps pour moi. La Genèse introduit dès son tout début la mort de l'Orient: Dieu
coupe les androgynes, sépare le jour de la nuit. On m'a fait peur avec le communisme
comme avec le sexe. On a profité de mon enfance. Et l'Eglise ne libère qu'en cultivant le
non-révélé. Différenciation sexuelle, interdits, perte de l'immortalité, et aspiration à la
connaissance perdue... Sanctions, aussi, en plus de la mort: la douleur de l'enfantement
pour la femme, le travail pour l'homme. La première procréation a dû franchir l'interdit
de Dieu. Ensuite, se multiplier, obligés. Commence la quête de la cause, artistique,
métaphorique, poétique. « Elle est retrouvée. Qui ? L'éternité » (Rimbaud, L'éternité). A
l'orient, alchimie taoïste: la divine pilule d'or associe le mercure, représentation taoïste
du sperme, et le cinabre35, pour le sang menstruel. En résulte une métamorphose
intérieure, et non comme le croient certains une quête de l'immortalité du corps.
« La rétention du sperme, voilà la clef du mystère pour Guy. Limer sans
fin, éjaculer à l'intérieur, et ressentir au plus profond l'orgasme d'une
femme, programme excitant des nuits auprès de Sunshine au royaume de
Siam »36.
34 Le mythe de l'éternel retour, Mircéa Eliade, 1966, Gallimard35 Cristal minéral (sulfure de mercure), colorant vermillon. Toxique. 36 Kung-Fu (l'amour est un sport de combat), François Armanet, Grasset, janvier 2007
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Castration. Pulsion de mort. Violence sans pensée du rut, que le sexuel humain devine
être son terrifiant point d'origine et d'abîme ? Souhait de mort du père... et culpabilité:
La mort est commuée en une castration par une grâce de l'autorité. Dieu exige la
circoncision aux fils d'Abraham. Sacrifice d'Isaac. Jésus mis à mort. On démontre en
2006/2007 que la circoncision protège du virus du SIDA. Instinct de mort et névrose
traumatique de guerre, aussi: Voyage au bout de la Nuit37. Une « vocation de meurtre »
que Bardamu repère en Robinson. « Il n'existe pas d'autres véritables réalisations de nos
profonds tempéraments que la guerre et la maladie, ces deux infinis du cauchemar ».
Nathalie le sait bien. Je suis en de bonnes mains. « Faites chauffer les pinces. Attachez-
le ». « Tuer et se tuer (...). Cette espèce d'agonie différée, lucide, bien portante, pendant
laquelle il est impossible de comprendre autre chose que des vérités absolues, il faut
l'avoir endurée pour savoir à jamais ce qu'on dit » (L.F. Céline).
Et le sein maternel. Immortalité. Originaire. Chtonien. Des utérus partout. Une tente
cocon dans notre salon, pour Nathalie qui se protège. Un sommeil sans rêves dans
l'assurance d'un réveil. Une attente. Deuxième naissance. Et comme c'est fini ici,
comme on m'a posé la seule question que j'attendais, celle que je suis, que je suis
convaincu de croire en ma voix de pauvre, j'ai très envie de redérouler un grand tapis
dans une grande et claire et calme pièce, d'y mettre quelques belles piles de BD, de
pouvoir s'y étendre dans une lumière jaune, s'y cacher, s'y perdre, reposer où l'on veut, y
revenir quand on veut.
37 Voyage au bout de la nuit, un roman de la compassion démocratique ? M.H. Boblet, Esprit, Août-Sept. 2007.
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Récapitulons.
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La fête médiévale est aujourd'hui sur la place. La Chaise Dieu. Mais nous cherchons
l'obscurantisme en la basilique d'hier, pas si derrière. Et scouts d'Europe oriflammés.
Pour Saint Robert, énorme temporel. « Qu'est-il écrit dans la loi ? » demanda Jésus dans
la bouche du vieux prêtre honoré en ce jour. « L'autre répondit: »................ .................
Mais personne ne répondit en la basilique d'hier, tellement derrière. Encore un jubé. Et
on s'était trompé d'Evangile derrière le rideau de fumée d'encens. Vieillesse ou retour.
Un plus jeune vint tourner la page. Aujourd'hui il n'y avait pas de spectacle. Le vieux
prêtre re-démarra au rituel du bon jour, et tout le monde feignit d'ignorer le blanc de la
minute perdue, tout le monde inventa une réponse là où le Christ voulait
l'interrogation38. On prétendit en la basilique. Pourtant c'était dimanche et on avait
ouvert le choeur, l'an prochain Benoît XXX aura sans doute scellé le jubé sur les
dernières reliques. J'aime les reliques, les porte-reliques, faire luire les reliques. Tu ne
sais que fumer, laisse les autres bâtir ! Le gothique est trop haut pour lire les chapîteaux.
D'ailleurs il n'y en a pas, lumière nue, cathédrale élite. Les ténèbres, avant, permettaient
toutes les procédures. Ici Saint Robert a tant rayonné qu'on a fait le jubé. La statue à la
mître dorée paraît au moins aussi vivante que le clergé blanc tout-à-côté. Heureusement
la parole est chaude même si les mots sont vides et obligés. « Nous demandons l'aide
des anges ». Récapitulation, magie, mais aussi Jeanne d'Arc en beauté. Récapitulation,
tissée aux murs énormes. Heureusement, juste à côté, joue vrai la danse macabre, happy
bouddha des marchands, ocre sur enduit et pierre. Mais ici on se croit ailleurs et mieux.
Pas de fresque, mais Pierre Joubert39 dans la salle. Mais prêtres noirs que dites-vous ?
« Prions pour l'Afrique, continent où encore sévit la haine »... Rien, le vieux prêtre a
dit... Heureusement garçons et filles maintenant dans les rangs chahutent, peut être une
faille dans la récapitulation. Récapitulation de la théophanie du pain. Mais où est le
drapeau de mon groupe ? Celui de la troupe se prosterne devant Jeanne-la-Récupérée, la
trahie, la parole pure était. Théophanie du pain. Récapitulons. Récapitulons. Très fort,
Source, Retour. Pierre sous pierre et pierre sous pierre, clarté d'en bas, démontage et
38 Jésus était bien juif, l'Eglise inventa les certitudes. Voir C'est pour cela qu'on aime les libellules, Marc-Alain Ouaknin, Calmann-Lévy, 1998.
39 Illustrateur génial des signes de piste, fleurons du roman scout, envolées que je dévorais à 13-16 ans. Membre ou proche du Front National... Merde ! Un peu le même choc que quand, plus tard, j'ai appris Tom Dooley, le bon Dr America, homosexuel caché, un autre de mes fondateurs (c'est-à-dire de mes héros d'avant 17 ans) jouxtant ce qui m'était pourtant défendu au moment où je le vénérais et où il me construisait. La mort d'Eric ?
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joints blancs. Litanies à Saint Robert d'été.
J'apprends à aimer sur le long terme, petits arrangements et grand défi, petits abandons
et réalisation, vers le vert, vers l'arbre, vers les mots, les écrire, tes maux que d'autres tu
ne sais aborder, le vivre, cet espace du mythe, cette pièce unique que tu sais pouvoir
rejouer, espérant la première ligne. Nomadisme obligé, caché en air de vacances.
Yourtes en Haute-Loire, papillons de festivals, logistique de clown, de Craponne en
Aurillac et Aubrac. Toujours crise en Avignon, sans toi. Mais aujourd'hui le soleil n'a
pas prévenu. Pourtant on avait fermé le square pour le festival: des chiens ont attrapé
des canards, l'an dernier. L'interne bobo que tu critiquais et que tu jalousais en même
temps, puis reconverti à l'écriture de la mort, aura-t-il demain posé son gros stéthoscope,
celui-là même qu'il n'utilisait pas, seul instrument de démarcation? Regrettes-tu encore
de n'avoir pas eu son ascendant et ses ancêtres ? Cela même que tu souhaites pourtant à
tes fils ? Et pourtant tu es sincère ! Alors pour le festival on ferme le square. Regarde, il
prend son élan ! Rastas, non red locks loques, skin-heads non punks? cueillent des
mûres aux limites aux très près de leurs campements interdits en plein vert. Empruntent
le mégaphone pour approcher sans toucher. Car au centre-ville, les pierres du palais de
justice sont bien grises naturellement pas de pollution ici soleil inespéré palais de justice
silencieux inespéré, bien meilleur encore. Mais les chiens alignés et beaucoup et colliers
et contre la palissade qui leur interdit le square et vers les passants en noir propre et
moulant mais les chiens braillent, et leur maîtres. Un survivant vaudrait plus qu'un
réfugié. Un survivant regarde les réfugiés, et leurs chiens. Se défendent. Lui examine.
Tout stéthoscope perdu, trop chétif d'emblée, jouet encore longtemps, puis perdu, enfin.
Il lui suffit de savoir (de voir) la montagne au bout de la rue principale: brutalement,
une petite maison, et derrière, tout de suite, la douce montagne et verte et eau dans ses
entrailles aujourd'hui. D'être sorti ce matin, d'y être monté crée la ville. Comme des
seins nus offerts sur la plage, douceur gratuite, sans l'affront accroche de la nudité
totale. Et puisque le paradis est polygame40. Ici, il y a diachronie des âmes. Ne
t'inquiètes pas, ou plutôt soit patiente, il me faudra quelques jours, quelques vies pour
40 L'Eglise remarie les veufs.
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retrouver nos marques, car encore plus que d'habitude j'ai été acculé encerclé en folie,
deux grandes mutiques du plaisir, et logorrhéiques du désir, auto-condamné moi-même
à simuler leur espace geignant de fuites avortées par avance et de geignements cognants
les bords soudés à ma croyance. Ne t'inquiètes pas car la très belle courbe expérimentale
me manque, même si ici r2 = -0.81. j'espère toujours en une injection intracorticale. Je
fouille toujours mes auto-citations à venir. Un tuberculome intracérébral est possible. Ca
ferait un beau diagnostic. J'aime les revues généralistes. Je vais évacuer mon extase.
Ergastoplasme, orgasme, beau titre pour une poésie. Heureusement, je ne pense pas que
l'étant puisse altérer l'être41. Ou alors je suis un autre.
Et après, dans la nuit, mon chien (un Poussy) mourrait en extase: c'était l'heure, il me
demandait mes mains, il mourait heureux, ça n'en finissait pas de mourir en bonheur.
Le problème est sans doute que je suis sexuellement là où je voulais aller. Merci aux
analystes et autres sexologues et à mon coup de foudre pour F. Tout est venu. En-fin ? Je
la fais jouir, je l'encule et jeux SM. Mais le désir ? Mais les peaux ocres qui fondent
dans la nuit, le long de la courbe des seins fermes et veloutés ? Le désir des corps pas-
encore ? Manquent seulement à l'appel les forts seins très ronds. Angel et c'est tout ? Et
surtout son cou qui frissonne sous mon doigt, et son sourire quand elle me dit au-revoir,
ou me dit simple complicité, je ne sais.
Et ben voila je viens d'aller rechercher mes affaires chez la vieille fille mytho et nympho
avec qui j'ai partagé du mytho et du nympho. Rupture par coup de magnifique salope
exposée aux hormones de mec a côte d'une encore plus jeune quiproquo sur un joint ou
deux et quelques verres de rouge, dénonciation elle - sûr pourtant qu'elle a fait de
l'ocytocine - pour se sauver aux yeux du clown, exit le vieux, d'ailleurs il n'a pas
cherché à se battre, tout le monde espérait la sortie, et l'ex de garde était venu bien
docile mais inquiétant de discipline à l'appel de la blessée. Blessée, sûr, mais on échappe
tous deux à la mort, peut-être, et à l'esprit qu'on allait chercher non pas ensemble mais
41 Faut vraiment que je m'attaque à Heidegger.
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côte à côte. Elle trop mytho quand-même, et moi trop raisonnable et vraiment pas assez
amoureux donc. Et pourtant orgasme, et pourtant longs limages premiers. Qui est-ce qui
m'expliquera ? J'étais allée la chercher chez un autre, te souviens-tu, elle le papillon.
Elle, d'amours en tranches emballées pré-decoupées, elle s'invente un gâteau bio. Moi je
veux tout le gâteau et toutes les saveurs qui y sédimentent et toute la chaleur qui en sort
encore.
Bourg-la-Reine, septembre 2007
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