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Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 19 septembre 2012

Sur les traces de Tolstoï à velo

Du classique et du moderne au théâtre

Grand amateur de la petite reine, l’écrivain a inspiré une expédition clyclotouristique.

Diverses versions de « La Mouette » mais aussi du neuf à l’affiche de la saison théâtrale russe en France.

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« La palette russe »

C’est le titre d’une exposition à la galerie parisienne « Russkiy Mir » de peintures, sculptures et photos réalisées par six artistes russes résidant en France. Jusqu’au 28 septembre.

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La nageuse russe Oxana Savchenko a remporté la médaille d’or

aux Jeux paralympiques de Londres dans ses cinq disciplines,

dont le 100 m dos avec un nouveau record du monde (1’07’’99).

PHOTO DU MOIS

Super Oxana, 5 fois en orLa grande vitesse reste sur les bons rails

La nouvelle a franchi les fron-tières à la vitesse d’un TGV. Le gouvernement russe n’aurait pas budgété les 84 milliards d’euros nécessaires pour lancer la construction des lignes Moscou Saint-Pétersbourg et Moscou-Ekaterinbourg. Le chantier de-vant être terminé pour la Coupe du monde de football de 2018,

IOULIA KOUDINOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La société des Chemins de fer

russes (RZD) dément les

rumeurs d’un retard sur le

financement par l’État de la

construction de deux lignes à

grande vitesse.

Transports Doute levé sur le financement des infrastructures

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La petite république d’Adygué peut être fière non seulement de ses mon-tagnes, de ses rivières et de son fromage, mais aussi de sa culture tolérante.

rejetant l’argument du quotidien d’affaires Vedomosti qui rappe-lait que « pour le fi nancement du projet de construction de lignes à grande vitesse par le budget de l’État, il est indispen-sable que soit établi un acte lé-gislatif – un appel d’offres. En l’absence actuelle d’un tel docu-ment, les moyens fi nanciers ne peuvent être mobilisés ».

L’article de Vedomosti en ques-tion avait eu une grande réso-nance à l’étranger, car des contrats importants sont en jeu pour plusieurs grands groupes, dont des entreprises françaises.

Il y a 200 ans, la bataille de Borodino

L’envers de la popularité de Poutine

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ÉVÉNEMENT

La Russie célèbre cette année le bicentenaire de la bataille de Borodino (ou bataille de la Moskova), qui a opposé en sep-tembre 1812 les armées russe et française. Le terrible affron-tement, qui a fait 75 000 morts sur 250 000 hommes engagés, avait ouvert le chemin de Mos-cou à Napoléon, avant que la contre-attaque russe ne mette fi n à sa campagne. L’anniver-saire de Borodino a fait l’objet d’une reconstitution historique.

Malgré la stabilité de la cote présidentielle, qu’analyse le so-ciologue Alexeï Levinson, les Russes attribuent majoritaire-ment à Poutine la responsabi-lité des difficultés du pays.

Produit de Russia Beyond the Headlines

SUITE EN PAGE 2

OPINIONS

EN LIGNE SURLARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Un colosse nucléaire au pôle Nord

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/15651

La place de la religion en question

Trois jeunes femmes du col-lectif Pussy Riot viennent d’être condamnées à deux ans de prison pour avoir dé-clamé, dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, une « prière punk » invoquant « Mère de Dieu, débarrasse-nous de Poutine ». Le patriarche Cyrille a par-lé d’« abomination » et de « blasphème » tandis que de nombreux Russes ont été cho-qués. D’autres ont vu dans la démarche une dénonciation des liens qu’ils jugent trop étroits entre le pouvoir poli-tique et l’autorité religieuse. L’affaire Pussy Riot et son ver-dict très sévère ont placé le clergé au centre d’une polé-mique qui enflait depuis plu-sieurs mois. En cause : le train de vie luxueux du haut clergé, son influence politique gran-dissante et les valeurs très conservatrices qu’il défend. Quel regard les Russes portent-ils sur une Église à laquelle une majorité de la population dit appartenir ? L’Église ortho-doxe est-elle toujours en phase de « renouveau » ou bien est-elle confrontée à sa première crise depuis la fin de l’ère so-viétique ?

Prière publique pour la protection de la foi devant la cathédrale du Christ-Sauveur, le 24 avril 2012.

Le Parlement a voté une loi interdisant aux officiels de posséder des propriétés immobilières à l’étranger. La fonction publique en sortira-t-elle plus patriotique ?

Porte du Caucase

de grosses dépenses devaient être engagées dès cette année pour l’achat des terrains.

Dans un communiqué de presse datant du 29 août, la RZD a remis les pendules à l’heure en

Fonction patriotique

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02LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA

GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• EUROPEAN VOICE, UE • THE DAILY TELEGRAPH,

GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE •GEOPOLITICA, SERBIE • THE WASHINGTON POST ET THE NEW YORK TIMES, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, INDE • YOMIURI SHIMBUN, JAPON • CHINA BUSINESS NEWS, CHINE •

SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DO SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • POLITIKA,

SERBIE • TODAY, SINGAPOUR • UNITED DAILY NEWS, TAÏWAN.

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POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR.

LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79,

RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP

2011)

IGOR SEDYKHLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Le procès des Pussy Riot a

scindé la société en deux camps

distincts, mais la légère baisse

de confiance envers l’Église ne

se constate qu’auprès d’une

petite partie de la population.

Le clergé orthodoxe en questionReligion La position du Patriarcat de Moscou provoque des remous au sein de la population russe

Des gros bras surveillent les abords de la cathédrale du Christ-Sauveur, lieu du « délit » des Pussy Riot. Sous un ciel de plomb, ils passent au crible les fi dèles pour repérer les suspects, à savoir ceux qui viendraient soutenir les trois « punkettes » condamnées à deux ans de camp.

Le procès des Pussy Riot est le refl et de bouleversements dans la société. Deux camps radica-lement opposés se sont affrontés lors des audiences, laissant rares les indifférents. D’un côté, ceux qui revendiquent la séparation de l’Église et de l’État et de l’autre, les activistes orthodoxes qui prônent une présence accrue de l’Église à tous les niveaux.

Parfois, les positions sur-prennent. Le leader du parti communiste Guennadi Ziouga-nov s’est joint à l'Église en affir-mant qu’elle était victime d’une « puissante attaque psychique ». Il a même soutenu que « Staline a beaucoup fait pour la renais-sance de la croyance orthodoxe dans le pays ». À l'inverse, nom-breux sont les chrétiens qui ont estimé que l'Église aurait dû faire preuve de miséricorde.

Le haut clergé s'est prudem-ment tenu à l’écart de l’affaire, attendant le verdict pour deman-der une plus grande indulgence envers les Pussy Riot - tout en se gardant bien d'aller jusqu'à contester la sentence. De son côté, la frange othodoxe radicale a beaucoup fait parler d’elle. « Le bien doit avoir de bons poings », lance Ivan, 23 ans, persuadé d’être du côté de la vérité et de

Nombre d'orthodoxes ont été choqués par le manque de miséricorde du haut clergé.

L’AVIS D'UN EXPERT

Deux réformes indispensables

L'Église orthodoxe est confron-tée à deux réformes. La pre-mière consiste en une prise de conscience de la primauté de ses caratéristiques chrétiennes sur sa spécificité orthodoxe, une récon-ciliation avec le progrès social et les droits de l'homme. Dans la se-conde, le pouvoir politique devra tenir compte de la nature mul-ticonfessionnelle de la société russe, avec la création de partis et d’associations chrétiennes. Leur absence favorise les extrémismes de toutes sortes. Pour éviter une révolution, l'Église et le pouvoir se voient obligés de faire un pas vers le peuple, et pas unique-ment l'une vers l'autre.

Viatcheslav

InozemtsevDOCTEUR EN

SCIENCES ÉCONOMIQUES

Les Russes soutiennent-ils l'église ?

Quelle est votre appartenance

religieuse ?

L'État doit-il intervenir dans les

questions religieuses ?

Les activités du clergé suscitent-

elles votre mécontentement ?

" À l’époque soviétique le pou-voir était très cruel avec les représentants des confessions

religieuses. Désormais, l’État se doit de protéger la sensibilité des croyants".

"  Il ne s’agit pas de cléricalisa-tion, mais de l’influence crois-sante de l’Église sur la vie de

notre peuple et de notre société. Et c’est le cas : c’est notre tâche, et nous nous efforçons de la remplir".

ILS L'ONT DIT

Vladimir Poutine CyrillePRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE PATRIARCHE DE MOSCOU ET DE TOUTE LA

RUSSIE

Dieu. Ses camarades et lui font la ronde dans les rues, traquant les t-shirts inspirés de Pussy Riot. Plusieurs villes ont déjà leur « service de sécurité orthodoxe ».

Vladimir Poutine et l'Église

orthodoxe russe n'ont jamais caché entretenir des relations étroites et cordiales. Les autori-tés ont soutenu le retour de terres de l'Église et des monastères, confi squés par les autorités so-

viétiques. L'Église n’a jamais cri-tiqué le pouvoir et a même ac-cordé une origine sacrale au pouvoir de Vladimir Poutine. Les autorités ont donné le feu vert à l’enseignement des bases de l'orthodoxie à l’école, suscitant une controverse. Cette « compli-cité » a été particulièrement évi-dente quand Cyrille a pris ses fonctions de Patriarche, appe-lant les orthodoxes à ne pas par-ticiper aux manifestations de l'opposition, puis à voter pour Poutine aux présidentielles.

Une autre polémique enfl e sur les aspects matériels. Aucune in-formation ne fi ltre sur la fortune de l'Église. Chacune de ses pa-roisses, dont le nombre est esti-mé à plus de 30 000, constitue

une entité juridique indépen-dante, ce qui est aussi le cas des 160 éparchies et du Patriarcat de Moscou. « Où prennent-il cet argent ? Cela demeure un mys-tère », commente Nicolai Mitro-chine, spécialiste du Centre d'études sur l'Europe orientale de l'Université de Brême.

La discrétion qui règne ex-plique que le nombre de scan-dales liés à l'argent de l'Église orthodoxe soit moindre au-jourd'hui que dans les années 90. Mais le débat reste vif sur la res-titution des biens de l'Église. Selon une loi de 2010, toutes les organisations religieuses peuvent exiger le retour de la propriété à usage religieux. Autrement dit, l'Église pourrait redevenir le plus

grand, ou l'un des plus grands propriétaires du pays - comme avant la Révolution de 1917.

Les scandales liés au patri-moine du clergé, y compris la montre à 30 000 euros de Cyrille, n'ont pas trop nui à la foi en l'Église. Le représentant du Pa-triarcat de Moscou, Vsevolod Tchapline, a déclaré que la ri-chesse de l'Église refl ète son pres-tige social. Et pour l'archiprêtre, ce prestige doit être « le plus vi-sible possible et refl éter la place de l'Église dans la vie sociale, que chaque croyant estime être centrale ». Quant à ceux qui re-prochent au clergé son goût du luxe, l'archiprêtre Tchapline voit tout simplement en eux des « en-nemis » de la religion.

SERGUEÏ GORIACHKO, ANASTASIA NOVAKKOMMERSANT

Deux projets de loi ont été

soumis en juillet à la Douma.

L’un oblige les officiels russes à

déclarer leurs actifs étrangers,

l’autre leur interdit la possession

de biens immobiliers à

l’étranger.

Une loi pour forcer les hauts fonctionnaires à donner l’exemple

Fonction publique Des députés veulent obliger les officiels à déclarer, voire rapatrier leurs avoirs étrangers

Les députés de quatre factions ont proposé d’interdire à tous les fonctionnaires de posséder des biens immobiliers à l’étranger. D’après la déclaration des reve-nus 2011 des membres de l’As-semblée, gouverneurs, hauts fonc-tionnaires et membres de l’administration du président ainsi que de leur famille, 52 d’entre eux ont déclaré être pro-priétaires de 107 biens immobi-liers hors de la Russie.

Le projet de loi devrait en-

Les pays favoris des fonctionnaires

gatoire la déclaration d’actifs étrangers, « les officiels vont sim-plement mieux [les] cacher, d’au-tant que la plupart en ont déjà l’habitude ». Le député commu-

niste Valéri Rachkine trouve plus raisonnable d’obliger seulement à déclarer les biens immobiliers étrangers. « La Russie a ratifi é de nombreux accords commerciaux avec différents pays. Devrait-on tous les annuler à cause de ce pro-jet de loi ? »

Un sondage du Fonds Opinion publique indique que la popula-tion veut des mesures plus sé-vères : 66% sont pour l’interdic-

tion des comptes en banque et des biens immobiliers à l’étran-ger. Pour 16% des citoyens, cette loi est nécessaire car ils pensent que les fonds que les fonction-naires transfèrent à l’étranger est de l’argent détourné, issu de la corruption. Seuls 4% estiment que chacun doit être libre de gar-der son argent où il le souhaite.

Article publié dansKommersant

EN BREF

Les cabinets d’architecture français Grumbach et Wilmotte ont remporté le concours pour le développement du Grand Moscou, en association avec les Américains de Urban Design Associates. La proposition des architectes et urbanistes fran-çais, inspirée du Grand Paris, prévoit le développement du territoire le long de la chaus-sée de Kalouga, avec des lignes ferroviaires à grande vitesse re-liant directement les régions au Kremlin. La gare Kievski sera entièrement rénovée, et deux autres gares seront construites, l’une près de l’université MGU, l’autre aux abords du Kremlin.

Grand Moscou,

idées françaises

joindre aux fonctionnaires, à leurs épouses et leurs enfants mineurs de se débarrasser des biens im-mobiliers et de leurs comptes ban-caires étrangers dans les six mois qui suivent. En cas d'infraction, la loi prévoit une amende de 125 000 euros et jusqu'à 5 ans de prison.

L’un des auteurs du projet, Viatcheslav Lyssakov, a ajouté que ces mesures vont être durcies en seconde lecture : réduction des délais pour se débarrasser des ac-tifs étrangers, élargissement du cercle familial et interdiction d’envoyer ses enfants étudier à l’étranger. Les sanctions en cas d’infraction risquent également d’être renforcées. Le député ex-plique ces mesures draconiennes par « le volume pour le moins important des actifs cachés sur des comptes offshore » et les nom-breuses astuces permettant de ne

pas déclarer le gros de la fortune possédée.

Mais pour Ilia Ponomarev, au-teur du premier projet de loi qui préconisait juste de rendre obli-

Les officiels risquent de simplement mieux cacher leurs actifs étrangers - la plupart en ont déjà l’habitude

AFP/EASTNEWS

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03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Dossier

Pas de vraie bataille sans Napoléon !

EMILY WRIGHTLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le musée « La bataille de Boro-

dino » offre une vue saisissante

du combat de 1812 que les

Russes jugent décisif entre

l’armée napoléonienne et celle

du tsar Alexandre Ier.

Borodino, prélude à la retraite de Russie

Bicentenaire Un musée rénové relance le débat sur la célèbre bataille qui ouvrit la voie de Moscou... et de l’échec ultime de Napoléon

Ce n’est pas tout à fait ce qu’on a appris à l’école ». Pour Syl-vestre, il s’agit surtout d’une « grande boucherie ». En effet les pertes humaines sont esti-mées à environ 30 000 morts du côté français (sur 130 000 soldats) et à près de 45 000 du côté russe (sur 112 000 com-battants).

Au soir du 7 septembre, les deux armées revendiquent la victoire. Car d’un côté, la ba-taille de la Moskova ouvre la voie de Moscou que Napoléon prend le 14 septembre, mais le repli de l’armée russe permet à cette dernière de contre-at-taquer quelques semaines plus tard et de faire reculer la Grande Armée. « Au fi nal, c’est le maréchal Hiver qui l’a em-porté », conclut Sylvestre, im-putant au froid l’échec ultime de Napoléon concrétisé par la désastreuse retraite de Russie.

Un guide du musée insuffle aux enfants des valeurs patrio-tiques, en s’arrêtant devant de fl amboyants costumes que l’ar-mée russe portait en 1812.

« La bataille de Borodino », son troisième panorama, est consi-déré comme l’apogée de son œuvre. Les origines de Roubaud ne sont pas la seule chose qui lie cette fresque à la France. En effet, le gouvernement de Ni-colas II, pour ne pas raviver de vieilles querelles avec la France, demande à Roubaud de s’ins-pirer du panorama « La bataille de la Moskova » du peintre français Jean-Charles Langlois.

La biographie de Franz Rou-baud (signée O. Fedorova) af-fi rme que le but de l’ œuvre de Roubaud était de montrer « l’es-prit du combattant russe », tan-dis que celle de Langlois dé-pe igna i t «   la f o rce des Français ».

La récente modernisation du musée inclut des écrans tactiles aidant le visiteur à identifi er les troupes, sans quoi, trouver Napoléon (qui est sur sa mon-ture) ou Koutouzov (qui est à pied) reviendrait à chercher une aiguille dans une botte de foin.

Devant la partie du panora-ma représentant un régiment polonais, deux visiteurs fran-çais se sont arrêtés. Bernard et Véronique sont à Moscou pour la reconstitution de Borodino. Celle-ci se déroule chaque année en septembre sur les lieux de l’affrontement avec ca-valiers en costumes d’époque. Les deux Français monteront des chevaux russes afi n de jouer le rôle des cavaliers-lanciers polonais, engagés par Napoléon dès 1807.

Ces deux cavaliers-acteurs en ces années de bicentenaires des victoires et défaites napoléo-niennes passent leur temps sur des champs de bataille à rejouer l’histoire. Durant le combat fi c-tif, la question du vainqueur et du vaincu n’est plus d’actuali-té ; seule compte la commémo-ration de la vaillance des com-battants russes et français.

La fresque réalisée par le peintre Franz Roubaud en 1902 détaille toute l’ampleur de la confrontation qui porte aussi le nom de bataille de la Mos-kova et qui, comme le panora-ma mural en forme de boucle, semble sans issue concrète. Le musée, construit en 1962 et tout récemment rénové, offre aux vi-siteurs une vision de « Boro-dino » qui fait revivre l’histoire et relance le débat : 200 ans après le combat, la question du vainqueur et du vaincu est loin d’être résolue.

Dans le musée, les avis fusent. Romain, un jeune Suisse ro-mand venu en Russie avec son grand-père Sylvestre, est scep-tique  : «  Ils présentent ça comme une grande victoire…

Une partie du musée est dédiée au général Koutouzov qui commandait les troupes russes.

« Eh bien, les enfants, vous pré-férez notre armée ou l’armée française ? ». « La nôtre ! », ré-pondent les jeunes en chœur.

La fresque retraçant l’épique bataille est elle-même gigan-tesque (15 mètres sur 115). Commandée par le tsar Nico-las II pour le centenaire de la bataille, elle a été réalisée en neuf mois. Le peintre, Franz Roubaud (1856-1928), né à Odessa dans la famille d’un commerçant français, s’est tou-jours revendiqué « artiste russe peignant des tableaux russes ».

Moscou retrouve son Arc de triomphe

Après une « toilette » majeure, l’Arc de triomphe de Moscou re-mis à neuf a été inauguré début septembre. Le monument commé-morant la victoire russe sur Napo-léon avait été construit en 1829-1834 par l’architecte Joseph Bové et installé sur la place Tverskaïa Zastava, par où passait l’empe-reur russe lors de ses voyages de Saint-Pétersbourg à Moscou.

À l’époque de Staline, le centre de la capitale russe a été l’ob-jet d’une rénovation d’envergure, dont l’Arc de triomphe fut l’une des « victimes », puisqu’il fut dé-monté en 1936. Le monument n’a été réinstallé qu’en 1968, cette fois-ci sur l’avenue Koutouzovski, près de l’endroit ou Napoléon at-tendit en 1812 en vain qu’on lui re-mette les clés du Kremlin.

Borodino (1812-2012).

Bicentenaire d’une bataille his-

torique. L’exposition a ouvert ses portes à la Résidence de l’Am-bassade russe à Paris, où elle se poursuit jusqu’au 23 septembre. › www.info-russes.com

Nous avons préparé pour vous

une documentation multiforme

complète sur la question de Bo-

rodino : articles, diaporamas et

vidéo sont disponibles sur notre

site Web.

› www.larussiedaujourdhui.fr/14809

À L’AFFICHE

EN LIGNE

REGARD SUR LA MODE RUSSE D’ÉPOQUE

UNE VERSION CONTESTÉE

Les styles vestimentaires au XIXe siècle

Napoléon vaincu par l’hiver ?

Au début de la période de la guerre de 1812, les dames sont passées des corsets rigides aux semi-rigides. Indépendamment de la couche so-ciale à laquelle elles appartenaient, les femmes portaient une blouse couverte d’une robe fine et lé-gère, appelée en russe « chemise » (une robe avec la ceinture sous la poitrine et à manches bal-lon). Les robes étaient princi-palement en mousseline ou en batiste. Pour se réchauffer, les dames portaient des spencers, vestes courtes à manches

On dit que Napoléon Bonaparte a quitté la Russie avec précipitation en raison du temps très froid qui régnait en cet hiver 1812. Quelle est la part de vérité dans cette af-firmation ?Le lieutenant général Denis Davi-doff, qui a participé à la guerre patriotique de 1812, a écrit un ar-ticle en 1835, dans lequel il rejette l’existence d’un lien entre l’hiver russe et la défaite de Napoléon. Selon ses dires, en 1812, il ne ge-lait pas à pierres fendre. De nombreux autres témoignages relatent qu’au moment de la re-

longues, ainsi que des châles.Chez les hommes, il était presti-gieux de porter un uniforme mili-taire, mais on s’habillait également en queue-de-pie. Un costume ty-pique se composait d’une chemise, d’un gilet (avant la guerre il était à la mode de porter deux gilets), d’une queue-de-pie et d’une re-

dingote, accompagnée de temps en temps d’un manteau. Le pantalon avait une forme plus ou moins mo-derne ; ni sa couleur ni sa longueur n’avaient d’importance, car il était caché par des bottes.

traite napoléonienne, la tempéra-ture ne descendait pas en dessous de -10°. D’après les relevés ther-mométriques de l’observatoire as-tronomique Vilenskaïa, en 1812, la température la plus basse (-9,2°) a été enregistrée le 14 novembre.Le lieutenant général Davidoff note juste que « l’hiver a été un allié des Russes et non pas, comme on l’a parfois pensé, leur unique allié ». Bonaparte aurait donc décidé de battre en retraite à l’arrivée de l’hiver après avoir compris que la guerre ne faisait que commencer !

CAROLINE GAUJARD-LARSONLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le 7 septembre 1812, la bataille

de Borodino, dite aussi bataille

de la Moskova, fut la plus

sanglante du 19ème siècle. Elle

a été recréée 200 ans plus tard.

Reconstitution historique sur le champ de bataille

Chaque année, c’est une défaite qui est commémorée en Russie, car elle marque aussi le début de la déroute de Napoléon. Le 200ème anniversaire de la bataille de Borodino a donc été célébré en grande pompe le 2 septembre dernier.

Dans le cadre d’une spectacu-laire reconstitution historique, la Russie et ses invités ont pu revivre

l’événement sous le regard atten-tif de Vladimir Poutine. Juste avant, le président russe a dépo-sé une gerbe à la mémoire des morts de Borodino (75 000 en tout) puis le chef de l’État s’est entre-tenu avec ses invités, dont l’an-cien président de la République française Valéry Giscard d’Es-taing, rappelant que la France et la Russie avaient plus souvent combattu côte à côte que l’une contre l’autre.

Trois mille fi gurants en habit militaire de l’époque ont évolué devant quelque 200 000 specta-teurs massés aux abords du champ de bataille, tandis que, 300 cavaliers donnaient la charge et

que retentissaient une trentaine de canons. Une reconstitution des plus fi dèles, les acteurs connais-sant bien les tactiques de combat, les règlements militaires de 1812 et le maniement tant des armes à feu que des armes blanches.

En marge de la reconstitution, une autre cérémonie a eu lieu de-vant le monument dédié aux sol-dats de Napoléon. Vladimir Pou-tine a remis aux habitants de Mojaïsk et de Maloïaroslavets (tout près de Borodino) des cer-tifi cats attestant l’attribution du titre de « Ville de gloire militaire », la population de ces deux villes s’étant distinguée pendant la guerre de 1812. Les festivaliers ont pu par ailleurs visiter le musée local et sa nouvelle exposition – « Gloire à Borodino ! ».

« La nation s’est soulevée pour lutter contre les envahisseurs, a déclaré Vladimir Poutine. Son cou-rage a été sans précédent, son âme forte, son amour sincère pour le pays natal, tout cela a caractérisé notre pays comme jamais, notre pays qui a manifesté une force gi-gantesque. Il était inutile d’y ré-sister, il était impossible de gagner contre nous ». Une bonne occa-sion pour le président, dont la po-pularité est en baisse dans les son-dages, de galvaniser les foules.

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RUSLAN SUKHUSHIN

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Une reconstitution des plus fidèles, les acteurs connaissant bien les tactiques de combat, les rè-

glements militaires de 1812 et le maniement des armes à feu et armes blanches.

Page 4: La Russie d'Aujourd'hui

04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

Croissance des échanges par rapport à 2010

25%

Exportations vers la France

Import ations depuis la France

13md

15 md

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES – PARTENAIRE MÉDIA DU FORUM

ÉVÉNEMENT FORUM INTERNATIONAL D’INVESTISSEMENTS

Parmi les sujets principaux

cette année : la compétitivité de

l’économie russe, la mise en

œuvre de technologies inno-

vantes, la modernisation de l’in-

frastructure russe, etc.

Sotchi, pôle d’attraction

" En général mes impressions sur le Forum (Sotchi-2011) sont très positives. La discussion avec Vladimir Poutine était la partie la plus utile. Je me rappelle ses déclara-

tions sur la nécessité de réduire le rôle du gouvernement dans l’économie. Et je crois que c’était une bonne décision  ".

Nicolaï PrianichnikovPRÉSIDENT DE MICROSOFT RUSSIE

Échanges France-Russie (en 2011, en milliards d’euros)

Le Forum International d’Inves-tissements de Sotchi se tiendra cette année du 20 au 23 sep-tembre. En 2011, il a accueilli 548 parti-cipants étrangers de 47 pays. À cette occasion, 105 accords ont été signés pour un montant glo-bal de 11,4 milliards d’euros.www.forumkuban.com

Total des échanges

28md

MAURICE LEMAIRELA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La coopération entre la Bulgarie

et le groupe français Areva, qui

devait fournir deux réacteurs de

troisième génération pour la

centrale de Kozlodouï, risque

d’être interrompue.

La Bulgarie coupe ses réacteursNucléaire Rosatom demande un milliard d’euros à Sofia pour l’annulation d’un contrat qui pénalise aussi Areva

La Bulgarie a annoncé son refus de poursuivre le projet de construction de la centrale nu-cléaire de Béléné. Elle est sur le point de perdre non seulement beaucoup d’argent mais aussi la confi ance des investisseurs. Le russe Rosatom a engagé une pro-cédure pour exiger la somme non négligeable d’un milliard d’eu-ros de compensation à la Com-pagnie électrique nationale bul-gare pour le travail déjà réalisé.

Le projet de construction de la Centrale nucléaire d’une puis-sance de 2 gigawatts a connu une histoire mouvementée depuis sa naissance en 1981. Il semblait en bonne voie en 2006, lorsqu’à la suite d’un appel d’offres inter-national, un contrat a été signé entre l’électricien national bul-gare NEK et la société russe AtomStroïExport (fi liale à 100% de Rosatom). Mais suite à l’arri-vée au pouvoir de Boïko Boris-sov, chef de la droite bulgare, le projet fut gelé, les parties ne par-venant pas à s’accorder sur le coût ni les conditions de l’exé-cutin des travaux. Après cinq ans de négociations infructueuses, en mars 2012, le Premier ministre décide d’annuler le contrat, de-vant rapporter près de 6,3 mil-liards d’euros à la Russie. Il ex-plique cette décision par le coût trop élévé (la Bulgarie avait in-

Bolchov, directeur de l’Institut de la sécurité et de développe-ment nucléaire en Russie et membre de l’Académie des sciences russe. Bolchov affirme que Rosatom a de fortes chances de gagner son procès car le groupe agit dans le cadre de la Cour d’arbitrage internationale.

Pour la Bulgarie, Béléné était le symbole du retour à sa posi-tion de leader énergétique dans les Balkans et le moyen de créer des milliers d’emplois. Quatre réacteurs de la centrale de Kozlo-douï construits à l’époque sovié-tique avaient été fermés sur de-mande de l’Union européenne pour des raisons de sécurité, pro-

Le contrat dont l’annulation doit être confirmée aurait des conséquences non négligeables pour Areva.

voquant une vague d’indigna-tion dans tout le pays. Le projet de Bénélé avait reçu en 2007 toutes les autorisations néces-saires. Son annulation a provo-qué une nouvelle levée de bou-cliers : plus de 700 000 personnes ont signé une pétition adressée exigeant un référendum pour re-lancer la construction de la cen-trale. Selon l’ex-Premier ministre bulgare Simeon II, « ce sujet est devenu trop politisé. La construc-tion de cette centrale stratégique est très importante pour notre secteur énergétique, mais elle ne doit pas être un instrument uti-lisé poir réunir le parti ou se pré-parer pour les éléctions ».

Areva, qui avait racheté la part de Siemens dans la coentreprise des deux groupes dans le nu-cléaire, était resté seul sous-trai-tant de la société russe Atoms-troyexport pour les systèmes de sécurité, selon un accord signé en 2008. Le projet prévoyait la construction de deux réacteurs à 1 000 MW chacun jusqu’à 2017, selon une technologie russe mo-derne qui devait être mise en ser-vice pour la première fois dans un pays de l’Union européenne.

Sofi a doit prendre une déci-sion définitive et la très forte amende réclamée par Rosatom pourrait s’avérer catastrophique pour l’économie du pays, sur la-quelle planerait par ailleurs le risque d’une « famine énergé-tique » selon certains. La pro-position de Boïko Borissov en-visageant la construction d’une centrale à gaz sur le site de Bé-léné laisse les experts perplexes du fait de l’absence d’infrastruc-ture gazière dans la région.

CHIFFRES CLÉS

2 GW, c’est la capacité (2 gigawatts) que de-vait atteindre la cen-

trale de Béléné. La construction avait débuté en 1981, été gelée en 1991, puis relancée en 2002 et en 2006.

Rosatom a de grandes chances de gagner son procès dans le cadre d’une cour d’arbitrage internationale

EN BREF

L’Union Européenne a lancé une enquête anti-monopole concernant le géant gazier en Russie. Gazprom risque d’éco-per d’une amende allant jusqu’à 10 milliards d’euros. L’UE sus-pecte Gazprom d’enfreindre au développement d’un marché ga-zier unique en Europe en gê-nant la diversifi cation des li-vraisons de gaz. Le groupe russe estime que la Commission eu-ropéenne cherche à exercer sur lui des pressions politiques.

Bruxelles attaque

Gazprom

La banque russe joint ses forces à celles de BNP Paribas pour accélérer le développement de Cetelem en Russie. Sberbank a payé 128,4 millions d’euros pour une part de 70% dans Cetelem Russie contre 30% pour BNP Paribas Personal Finance France, qui possède les droits sur la marque Cetelem. Ce spé-cialiste du crédit à la consom-mation développera son offre sur les points de vente. L’objec-tif de la banque est d’atteindre 25% des parts du marché des crédits à la consommation d’ici trois à quatre ans.

Sberbank

resserre ses liens

avec Cetelem

La grande vitesse reste sur de bons rails politiques

Moscou à Saint-Pétersbourg en deux heures 30 (le Sapsan de Sie-mens met aujourd’hui un peu plus de trois heures 45).

Le président russe veut un train circulant entre 350 et 400 km/h, sur des voies séparées. L’ investissement nécessaire est chiffré à 28 milliards d’euros.

Vladimir Poutine avait aussi annoncé une seconde ligne re-liant Moscou à Ekaterinbourg (dans l’Oural) en 8 heures contre 26 aujourd’hui pour le train le plus rapide, cette deuxième ligne devant coûter le double de la pre-mière, soit 56 milliards d’euros. Les deux lignes devaient être

Il s’agit en premier lieu des fran-çais Alstom et SNCF, de l’alle-mand Siemens, du sud-coréen Hyundai et le chinois CRCC. Pour les uns, il s’agit de fournir du matériel roulant (la Russie ne dispose pas pour le moment de fabricant proposant du ma-tériel roulant à 400 km/h).

Pour les autres (des opérateurs comme la SNCF), il s’agit de vendre du savoir-faire relatif à la mise en place de réseaux à très grande vitesse. La mise au point de RZD a rassuré les ac-teurs du rail, qui fi nalisent ac-tuellement leurs projets pour l’appel d’offres, dont le lance-ment est prévu début 2013.

Le projet est d’autant plus sur les rails que Vladimir Poutine, alors Premier ministre, avait en 2011 annoncé la construction d’une ligne permettant de relier

prêtes pour 2018, date à laquelle la Russie organise la Coupe du monde de football dans huit villes différentes (dont cinq re-liées par ces lignes).

La construction des deux lignes à très grande vitesse, d’une longueur totale de 3 000 km, sera fi nancée à 70% par l’État et pour le reste, par des investisseurs pri-vés. Il s’agira du plus grand pro-jet public-privé dans le pays. Le PDG de RZD, Vladimir Iakou-nine, a proposé en août au gou-vernement un nouveau calen-drier des dépenses permettant d’alléger le poids du projet sur le budget fédéral russe.

D’ici à 2030, un total de 6 500 km de lignes à très grande vi-tesse doit être construit, d’après la RZD. Le groupe vient de nom-mer le 3 septembre dernier un nouveau directeur pour sa fi liale OAO « Skorostnye Magistrali », dédiée à la très grande vitesse. Alexandre Micharine, ancien gouverneur de la région de Sver-dlovsk, occupera aussi la fonc-tion de premier vice-président de RZD. L’homme a fait prati-quement toute sa carrière dans les Chemins de fer russes.

Au niveau international, RZD a confi rmé son intention de par-ticiper à la reprise du groupe de logistique français GEFCO, une fi liale à 100% du constructeur automobile PSA. Le PDG de RZD Vladimir Iakounine justi-fie son intérêt par le fait que « RZD est une compagnie de transport, dont la tâche est de livrer à la porte du client. Or, dans le contexte actuel, cela n’est pas possible sans une offre logis-tique étendue ».

Selon des sources citées par la presse française, RZD serait la société la mieux placée pour prendre 75% de GEFCO, pour une transaction de 945 millions d’euros. L’objectif est d’obtenir une synergie avec Transcontai-ner, la fi liale logistique de RZD, et la création d’un grand corri-dor eurasiatique.

Les rames à grande vitesse n’ont pas encore de voies séparées.

diqué ne pas vouloir dépenser plus de 5 milliards d’euros).

« Areva et Siemens étaient avec Atomstroïexport les prin-cipaux sous-traitants pour la centrale de Béléné. Les compa-gnies française et allemande ont créé un consortium devant four-nir à Rosatom des systèmes au-tomatiques de gestion de la sé-curité de la centrale. L’annulation de ce projet a enlevé à Areva une importante source de revenus et la possibilité de s’implanter sur le marché du nucléaire bulgare, ainsi que de continuer à déve-lopper ses compétences en ma-tière de nouvelles technologies nucléaires », considère Leonid

Poutine veut un train circulant à 400 km/h sur des voies séparées, soit un investissement de 28 milliards d’euros

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Régions

DARIA GONZALESLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Cette petite république du

Caucase fait peu parler d'elle.

Pas de violence, pas de drames.

Au contraire, une tradition

d'hospitalité qui devrait en faire

un pôle d’attraction touristique.

Voyage L'Adygué, une destination méconnue qui recèle sa grande diversité de paysages et de cultures

L’air du petit matin est imprégné d’effluves de mimosa et de prunes mûres. Le monastère orthodoxe Saint-Michel de l’Athos se noie dans la brume ; un homme à la grande barbe vêtu d’une soutane noire empile des caisses de pain frais au pied d’un mur.

Les habitants de l’Adygué, au sud de la Russie, ne ferment ja-mais leur porte à clef. « Ne te presse pas. Tu auras le temps de tout faire, et ce que tu n’as pas le temps de faire n’est pas indispen-sable » : c’est la phrase entendue le plus souvent dans les hameaux perdus dans les montagnes.

Les chevaux grimpent vers le plateau Lago-Naki. Le palefre-nier Serioja fait bruyamment cla-quer sa langue et cravache la croupe de son cheval avec une branche d’érable. Quand les pistes de montagnes ne sont pas trop mauvaises, le camion tout-terrain GAZ-66, préféré des militaires, devient une bonne alternative au cheval. Deux Tcherkesses en cha-

Privée de mer, l’Adygué est pourtant truffée de fossiles marins et de coquillages préhistoriques

1. Le canyoning est l'une des activités les plus popu-

laires des amateurs d'extrême dans la république.

2. La mosquée Sobornaïa à Maïkop.

3. Le monastère orthodoxe Saint-Michel de l’Athos.

4. Le marché aux puces sur l'un des itinéraires tou-

ristiques.

Le fromage adyguéen sent la fl eur

La meule de fromage a une bor-dure traditionnellement ornée de motifs caractéristiques imprimés à l’aide de branches d’osier pen-dant la préparation. La recette est simple : le lait de vache filtré est mis sur le feu ; lorsqu’il commence à bouillir, on y ajoute du petit-lait aigre. Le caillot obtenu repose cinq minutes, puis on retire la moitié du petit-lait. Ce fromage se mange frais, fumé ou séché.

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Où se restaurer Il y a peu de cafés à Khadjokh, mais les chambres d’hôtes font

aussi table d'hôte. Si vous n'ai-mez pas déjeuner au grand air, le café « Pechernii Tchelovek », installé à l’intérieur de la masse rocheuse du village de Khadjo-kh, propose un menu du jour.

Où se loger

Le village de Khadjokh regorge de chambres d’hôtes. C’est le type de

logement le plus agréable. Les prix démarrent à 20 euros par personne. Les budgets serrés opteront pour le camping : les endroits où planter sa tente ne manquent pas dans la région.

Pour s’y rendre

Le meilleur moyen d’al-ler jusqu’au cœur de l'Adygué est offert par la

ligne aérienne Moscou-Krasno-dar, puis par car jusqu'à Khad-jokh ou "Krasnodar-Maikop". Le billet d'avion aller-retour coûte 250 euros et le trajet jusqu’à Krasnodar prend environ 2h30.

Un État de grâce sur le versant nord du Caucase

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peaux à longs poils bouclés des-cendent à sa rencontre. Serioja les salue d’un hochement de tête amical.

La région compte 80 nationa-lités, dont les Adyguéens, la po-pulation de souche. Ils vivent dans des hameaux isolés, dans les plaines du nord, tandis que les régions montagneuses sont peu-plées d’un mélange multieth-nique : Russes, Tcherkesses, Grecs, Gitans, Arméniens et Kurdes, au-tant de mentalités, de religions et de traditions différentes.

« Il n’y a pas de confl its entre nous, tout ça c’est dans les villes », raisonne Serioja, en regardant pensivement les crêtes. « Tout le monde s’est dispersé dans les ha-meaux et on se fi che ici de savoir quel dieu tu pries. Là-bas, dans le village de Temnolesskaya, vivent des vieux croyants. Des jupes jusqu’au sol, des foulards. Ils ont planté la croix sur la mon-tagne. Elle protège toute notre val-lée, les musulmans, les chrétiens, y compris les baptistes ».

Le directeur de l’office du tou-risme régional, Serguei Choubine, explique que « les locaux sont pleins d'initiatives. Ils connaissent les meilleurs chemins, les villages, les noms de crêtes et les endroits dangereux. À la fi n des années 1990, les gens ont commencé à

ouvrir des maisons d’hôte et de petites structures de tourisme sportif. Beaucoup d’entreprises familiales ».

Rouslan est diplômé de la fac de mathématiques de l’université de Maïkop. N’ayant pas trouvé de travail dans sa spécialité, il a fi ni par monter la première entreprise de tourisme dans le village de Khadjokh. Aujourd’hui, il emploie sept moniteurs professionnels, dont sa petite sœur de quatorze ans Suzanna, sa mère qui prépare les paniers repas et son père qui

emmène les touristes dans les montagnes à bord du fameux GAZ-66.

Peu de gens viennent s’instal-ler en Adygué, et peu quittent leur terre natale. La république res-semble à un monde parallèle où la principale nouvelle, depuis des mois, n’est « ni le procès des Pussy Riot, ni la crise syrienne ou les JO, mais la rivière Blanche, d’ha-bitue cristalline, qui est devenue trouble à cause des crues ».

Le soir tombe. Le soleil, appa-ru une minute, se couche quelque part au loin, derrière les mon-tagnes. L’air est rempli d’arômes de pomme. Dans la pommeraie, les tentes s’amassent autour du feu. Les étudiants en archéolo-gie viennent ici toute l’année pour examiner les vestiges de la ré-gion, les dolmens qui parsèment

la terre d’Adygué. Le « Khadjo-kh-1 » se trouve ici, au bout de la pommeraie, sur un petit talus, parmi des arbres fantasques. Il pleut de nouveau, mais l’archéo-logue Igor Ogaï, qui préside la Société de géographie russe, mal-gré la foudre et le tonnerre, pour-suit son récit sur cette petite mai-son et sa désignation : peut-être un tombeau, un temple, ou une indication routière. À Khadjokh, Igor étudie des monuments du mégalithique et anime des visites de l’exposition privée du village Kamennomostski, deux petites pièces contenant tout ce que les archéologues de Maïkop ont réus-si à dénicher. « Ce casque de sol-dat nazi date du milieu du XXe siècle, et celui-là, techerkesse, du XVIIe. Des lances, des espadrilles en paille, des accessoires de coif-fure, des amulettes en os. Si vous devinez le nom de cette pierre, je vous offre un aimant : c’est une améthyste ». Igor déverse sur les visiteurs une avalanche d’infor-mations. Il virevolte entre les fos-siles étalés par terre, des collec-tions d’espèce adyguéennes, et des aurochs et sangliers empail-lés, écarquillant d’un air mena-çant leurs yeux de verre. Un cha-ton gris ronronne dans le casque allemand.

« On vient du monde entier

pour voir nos dolmens. Nos mo-numents de 5 000 ans d’âge ont été conservés, miraculeusement, en très bon état. Nous aimerions constituer ici un parc mégali-thique en liant tous les monu-ments en un circuit unique, mettre à jour les infrastructures, augmen-ter le fl ux de visiteurs, et donc de moyens pour continuer les fouilles archéologiques et entretenir les dolmens existants. Nous nous en occupons à nos propres frais mais ce n’est pas suffisant ». Une nuit pleine de senteurs s’est installée. Un vieux landau tcherkesse se balance doucement devant une porte ouverte. Il y a plusieurs siècles déjà, les Tcherkesses y at-tachaient les bébés avec de pe-tites sangles de cuir, pour éviter qu’ils ne tombent. Ils s’amusent à dire qu’ils devraient recevoir le Prix Nobel pour l’invention de la ceinture de sécurité.

Khodja, un riche Tcherkesse de Gouzeriple, a construit, à côté de sa maison, une mosquée, une sy-nagogue et une église. Elles scin-tillent dans la nuit de petites lu-mières bleues. Khodja, lui, est assis, l’air maussade, au bord de la rivière Blanche. La truite a quit-té les eaux troubles. La seule chose dont il rêve aujourd’hui, c’est de voir de l’eau claire couler dans la rivière près de sa maison.

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06LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

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Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSELA RUSSIE REGARDE VERS LE PACIFIQUE

Du 2 au 9 septembre, Vladivostok a accueilli le sommet de la Coo-pération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), qui a réuni 21 dirigeants des pays de la région. En se préparant à l’événement, la Russie a investi des sommes considérables dans la construc-tion d’infrastructures manquantes jusqu’alors. Mais les coûts ont pu paraître injustifiés à certains ob-servateurs. Et l’avenir d’une ré-gion en difficulté ne semble tou-jours pas s’être éclairci.

TROP CHER PAYÉ

ÉditorialGAZETA.RU

UNE ZONE VITALE

Vladislav InozemtsevOGONIOK

ET APRÈS ?

ÉditorialVEDOMOSTI

Le principal objectif de l’APEC était de flatter l’ego de son hôte, Vladimir Poutine. L’organisation de la manifestation mondaine la plus chère de la planète n’appor-tera presque rien à notre pays. Le prix approximatif du sommet s’élève à 16,7 milliards d’euros. Rien ne présageait que des déci-sions importantes allaient être prises à Vladivostok. Parce que le Kremlin n’a pas d’idées quant au rôle nouveau que la Russie pour-rait jouer dans une région aux puissances émergentes et au com-merce gigantesque. Le sommet n’est qu’une fête fabuleuse pour les dirigeants de 21 pays. Un évé-nement certainement agréable et inoubliable, mais trop coûteux.

La présence de la Russie dans cette région est vitale. Il est inac-ceptable que notre pays soit si peu impliqué dans l’économie et la politique du Pacifique. Le pro-blème n’est pas tant que notre pouvoir n’accorde pas assez d’im-portance au vecteur asiatique, mais que la Russie n’a rien à pro-poser à ses partenaires. Pour ten-ter de restaurer notre statut de grande puissance du Pacifique, nous avons besoin d’un projet à grande échelle de mise en valeur de toute la Sibérie. Mais pour le réaliser, il faut prendre en compte l’expérience asiatique, au sein de laquelle les seuls avantages stra-tégiques de la Russie sont les res-sources naturelles bon marché.

Bientôt, personne ne fera plus grand cas des gigantesques ponts, désormais partie du décor. Les fé-déraux qui ont apporté 16,7 mil-liards d’euros à Vladivostok et ses alentours sont repartis, les batail-lons de maçons ont rejoint d’autres chantiers. Comment vivra désor-mais l’Extrême-Orient ? Aussi pas-sivement qu’avant, mais avec la canalisation et une université sur une île ? Ou bénéficiera-t-il d’une vie nouvelle pour exploiter son po-tentiel économique ? Les habitants haussent les épaules, mais les res-ponsables sont catégoriques : Vla-divostok est devenue la fenêtre sur l’Asie ; d’ailleurs, le président Pou-tine a promis des avantages fis-caux aux entreprises locales.

VLADIMIR POUTINE RATTRAPÉ PAR LA RÉALITÉ

Alexeï

LevinsonVEDOMOSTI

Ces derniers temps, on entend de plus en plus souvent dire que la cote de popularité du pré-

sident russe Vladimir Poutine est en baisse. Et il est vrai qu’en août dernier, elle a chuté de quatre points par rapport au mois de juillet. Toutefois, il faut noter qu’elle n’a régressé que d’un seul point par rapport à juin 2012.

En effet, 63% des personnes interrogées se sont dites satis-faites de l’action du Président Poutine, et en douze ans de sa gouvernance, ce résultat a été observé à plusieurs reprises. Il serait pertinent de préciser que cet indice, appelé « cote de po-pularité de Vladimir Poutine », ne refl ète pas la réputation du dirigeant russe, mais plutôt l’état de la société à un moment donné.

Chamboulée par l’apparition du pluralisme dans la vie poli-tique au cours des années 1990, la société russe avait besoin d’une fi gure unifi catrice, et c’est Vladimir Poutine qui, dès l’an-née 2000 et jusqu’à nos jours, répond à ce besoin. C’est pour cette raison que sa cote de po-pularité n’a jamais ressemblé à celle de la plupart des dirigeants dans le reste du monde et c’est ce facteur d’unifi cation qui lui

procure une stabilité inédite. Alors qu’un indice de popula-rité refl ète généralement les suc-cès et les échecs de la politique menée par les dirigeants, ce n’est pas le cas de Vladimir Pou-tine, dont la cote invariable a été qualifi ée de « téfl on ».

Laissons de côté l’ensemble des éléments mystiques conte-nus dans les propos de diverses

personnalités selon lesquels Poutine serait pour la Russie un cadeau du ciel ; le sens de telles affirmations se résume à l’idée que, pour la plupart des Russes, la fonction présiden-tielle dépasse le cadre de l’ac-tivité d’un simple mortel. La vo-cation du chef de l’État est de renforcer le prestige de son pays, non de se mêler de politique et d’économie comme quelque autre dirigeant.

Viennent confi rmer cette idée les deux questions que nous avons posées au public depuis l’année 2001 : « à qui attribuez-vous les succès rencontrés par la Russie ? » et « qui jugez-vous responsable des problèmes du

pays ? », chacune appelant cinq réponses possibles.

À la première question, une ma-jorité écrasante des répondants ont désigné Vladimir Poutine. En réponse à la seconde question, le public a préférédonner tort au « gouvernement » ou à Dmitri Medvedev (quand il était encore président) plutôt qu’à M. Poutine.

Comme nous l’avons précédem-

ment indiqué, la cote de popula-rité de ce dernier montre que l’at-titude à son égard n’a pas changé. C’est la même impres-sion que l’on ressent en étudiant les réponses à la première des deux questions citées.

Près de 60% des personnes in-terrogées considèrent que M. Pou-tine est le principal responsable des « réussites de la Russie dans les domaines de la politique in-ternationale, de l’économie et de l’augmentation du bien-être du peuple ».

Au fi l des ans, nous avons en-registré ce résultat à plusieurs re-prises, mais en ce qui concerne la seconde question, selon nos ex-perts, c’est la première fois qu’une

majorité de Russes, soit 51%, es-timent que Poutine est respon-sable « des problèmes existant dans le pays et de la hausse du coût de la vie ».

Lors des sondages précédents, ce taux ne dépassait pas 31%, et l’année dernière, il se chiffrait à 29%, tandis que 40% des per-sonnes interrogées accusaient le gouvernement (mais non son chef), et que 41% considéraient M. Medvedev, président à l’époque, comme le responsable des problèmes du pays. En août 2012, le nombre des Russes re-jetant la responsabilité des dif-fi cultés sur le Premier ministre était trois fois moindre que celui des personnes donnant tort au président.

Cette évolution pourrait signi-fi er que les temps ont changé et qu’aujourd’hui, près de la moitié des Russes perçoivent Vladimir Poutine comme un président or-dinaire qui mérite leur gratitude pour ses succès, mais qui doit éga-lement assumer la responsabili-té des problèmes non résolus du pays.

Alexeï Levinson, sociologue, chef du département de re-cherche socioculturelle du centre d’étude de l’opinion publique du centre Levada.

Article publié dansVedomosti

LES « CRÉTINS D’AMIENS »

BORIS

KAGARLITSKI

THE MOSCOW TIMES

En août dernier, des émeutes ont éclaté dans la ville d’Amiens pendant que je passais mes vacances en

France. Quelques jours après les confrontations entre les jeunes et la police, les autorités ont arrêté deux adolescents qui avaient pro-fité du désordre pour mettre le feu à une école. Au cours de l’en-quête, les deux garçons parais-saient avoir des difficultés à lire le rapport de la police, et ont dé-claré avoir agi par colère envers leurs professeurs qu’ils jugeaient trop stricts.

Jean-Luc Mélenchon a très vite trouvé un surnom aux deux jeunes : les « crétins d’Amiens ».

Le fait que Mélenchon se soit montré plus furieux que les autres politiciens en exprimant son in-dignation est très significatif. Pourtant, le système d’enseigne-ment français reste l’un des meil-leurs d’Europe et, alors que la gauche française tente de mettre les institutions éducatives à l’abri des coupes budgétaires, les deux « crétins d’Amiens » ont mis le feu à leur école pour se venger d’enseignants qu’ils considéraient comme trop sévères. Il ne fait ce-pendant aucun doute que ces « pyromanes » viennent de classes sociales défavorisées.

Le problème est que même le meilleur système d’enseignement ne peut résoudre les problèmes de société. Pire, le contraste entre la discipline, la rigueur et l’effi-cacité du système scolaire et la désorganisation grandissante de la vie sociale devient source de tensions.

Pour la génération précédente, tout était clair. L’école servait d’as-censeur social pour les jeunes des classes moins favorisées. Les en-fants issus de l’immigration ou de familles pauvres savaient qu’ils devaient faire de bonnes études pour réussir dans la vie. Les écoles françaises ont toujours été strictes,

... Pour la première fois, une majorité de Russes attribuent à Poutine la responsabilité des difficultés rencontrées

Le président incarne l’unité du pays et continue d’être crédité des succès de la politique russe, mais...

autoritaires et difficiles. Et il doit d’ailleurs en être ainsi. Proposer des études faciles et amusantes ne sert à rien. La maxime selon laquelle « en s’entraînant dur, tout devient plus facile » reste la clé de toute bonne formation, les ef-forts étant récompensés par des perspectives professionnelles.

Tout cela a changé ces vingt dernières années. L’éducation française est restée aussi stricte. Les écoles continuent d’exiger des élèves qu’ils maîtrisent leur sujet au lieu de mémoriser bêtement ou de copier sur Wikipédia. Mais la société française n’offre plus les mêmes chances aux diplômés. Le chômage chez les jeunes ne cesse de grimper, et les études ne garantissent plus la même ascen-sion sociale.

Il n’y a pas si longtemps, un enseignant à cheval sur la disci-pline et testant rigoureusement les connaissances de ses élèves

était respecté à la fois par les élèves et les parents. Désormais, une telle rigueur est perçue par beaucoup relevant du sadisme. Le niveau baisse car les apprenants fuient les difficultés intellectuelle et, par la même occasion, le sa-voir. On remarque ainsi que plus le système scolaire devient exi-geant, plus le gouffre se creuse entre les autorités et certains jeunes comme les « crétins d’Amiens ». Et cette situation n’est malheureusement pas propre à la France.

Boris Kagarlitski est directeur de l’Institut d’études sur la mondia-lisation.

Article publié dans The Moscow Times.

Jadis, les efforts paraissaient justifiés car la société récompensait les diplômés par des postes prestigieux

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Page 7: La Russie d'Aujourd'hui

07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

v

Culture

Zakhar Prilepine, l’enfant ter-rible de la littérature russe - il vient d’écrire une lettre à Sta-line qui fait grand bruit - re-vient avec un roman écrit à la première personne. Même si Prilepine ne donne pas, comme il le fait souvent, son prénom au héros qui restera sans nom tout au long de cet étrange roman, ce dernier lui ressemble, ne serait-ce que parce que comme lui, il est écrivain, jour-naliste et fasciné par les faits de société qui agitent la Rus-sie, ici les enfants assassins. Il est à un moment où sa vie pa-tine. Pataugeant dans ses rela-tions amoureuses, entre une maîtresse qui fi nit par le congé-dier, une prostituée qui se fait tuer, il fuit son épouse et sa fa-mille se délite. Espérant collecter un précieux matériau pour son prochain livre, notre héros se lance dans une enquête sur les enfants as-sassins. Les enfants sont dé-nués de pitié, « ils ne connaissent pas la peur … ni les … catégo-ries du bien et du mal… ils ne comprennent pas ce qu’est la cruauté. » Le phénomène des enfants assassins récurrent dans l’histoire semble pouvoir aider le héros à répondre à son questionnement : « Qu’est ce qui est le plus inhérent à la na-ture humaine : la résignation ou la révolte ? Quand la rési-gnation fait-elle d’un saint un pauvre type ? Et quand la ré-volte fait-elle d’un héros natio-nal un psychopathe paroxys-tique ? ». Refl et du chaos du monde et de l’univers du héros, la nar-ration est saccadée. On ne sait jamais exactement quand ni où l’action se situe, dans un im-meuble où toute la population aurait été massacrée par des enfants sauvages, au Moyen-âge, sur un champ de bataille où déferlent des hordes d’en-fants, dans des lieux où ils sont objets d’étude : laboratoire se-cret ou terrarium ; ou encore dans la déambulation du nar-rateur à travers les cours de la ville ou dans ses souvenirs d’en-fance et de jeunesse, à moins que ce ne soit dans son délire morbide ? Comme toujours chez Prilepine, quelques pépites poétiques viennent éclairer un récit bru-tal comme le monde qu’il dé-peint : sanguinaire et malade, peuplé d’enfants innocents et sauvages et d’adultes imma-tures, « mous comme des pommes pourries », incapables de protéger leur progéniture. Malgré les thémes habituels, le lecteur aura peut–être du mal à retrouver dans ce roman, l’au-teur prometteur de Pathologies et du Péché, consacré en 2011 en Russie meilleur auteur de sa décennie.

Christine Mestre

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Innocents et sauvages

TITRE : LE SINGE NOIRAUTEUR : ZAKHAR PRILEPINE ÉDITION : ACTES SUD TRADUIT PAR JOËLLE DUBLANCHET

Découvrez d’autreschroniques surlarussiedaujourdhui.fr

Plus d’un millier de musiciens et d’artistes venus de 11 pays différents, ain-si que la Musique de l’Armée Blindée Cavalerie de Metz, se sont rassem-blés à Moscou début septembre pour la 5ème édition du festival de mu-sique militaire Spasskaïa Bachnia. À lire sur larussiedaujourdhui.fr/15617.

FESTIVAL DE MUSIQUE MILITAIRESPASSKAÏA BACHNIA : EN FANFARES SUR LA PLACE ROUGE

GROS PLAN SUR LE...

IRINA KORNEEVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Plus de vingt œuvres réalisées

par six artistes d’origine russe

résidant de longue date dans la

capitale française font l’objet de

l’exposition « La palette russe »

à la galerie « Russkiy Mir »*.

« La palette russe » dans toute sa diversité

Art Une exposition à voir jusqu’au 28 septembre à Paris

seul critère partagé par ces ar-tistes, qui n’ont par ailleurs rien en commun, qu’il s’agisse de leur technique, de leur vision de l’art ou de leurs thèmes. Le sol fran-çais leur a sans doute inspiré cette liberté d’expression qui les diffé-rencie. L’historienne de l’art Chris-tinne Sourgins, présente au ver-nissage le 5 septembre, affirme que l’école russe telle qu’on la connaissait dans le passé n’existe plus : ne subsisteraient que des peintres œuvrant indépendam-ment, chacun dans son style. « Au-jourd’hui on ne connaît que quelques linéaments, mais qui nous dit qu’il n’y a pas dans un atelier quelqu’un qui a réalisé une œuvre absolument magnifi que, attendant d’être suffisamment montrée ? », s’interroge-t-elle.

Oscar Rabine, Igor Chelkovski, Boris Lejeune, Vladimir Sichov, Vladimir Titov et Vladimir Kara font aujourd’hui partie du cercle des artistes connus et reconnus. « Nous sommes arrivés en France il y a vingt ou trente ans et for-mons une « secte » d’artistes pos-sédant la culture russe mais dont le talent se développe sur le sol français », explique Vladimir Kara, à l’origine du projet.

Ils sont tous Russes : là est le

Boris Lejeune, l’un des artistes à l’affiche de l’exposition pari-sienne, se consacre surtout à la sculpture. Auteur d’une plaque dédiée à Ossip Mandelstam rue de la Sorbonne, il explique avoir trente projets de sculptures à achever prochainement. Pour-tant, ce sont des peintures qu’il expose à la galerie Russkiy Mir. Parmi elles, Annonciation et Ré-surrection, qui touchent à des sujets religieux. L’artiste estime que « tout ce qui s’est passé der-nièrement autour de la religion en Russie est affreux ».

Oscar Rabine, 84 ans, chef de file des artistes non confor-mistes, est surtout connu à Paris comme le « patriarche » des peintres russes installés en France. Il expose quelques-uns des ses tableaux à la galerie Russkiy Mir tout en continuant à travailler avec passion dans son atelier situé à quelques pas du Centre Georges Pompidou. Il ne manque pas de faire part, les yeux brillants, de ses nou-veaux projets : « Cela fait long-temps que je travaille sur un… hache-viande ! Il est très vieux, noirci et hors service ; je l’ai acheté l’été dernier dans un mar-ché aux puces à Marseille. Voyez-vous, il y a énormément de non-dits, y compris politiques, derrière cet objet de la vie quo-tidienne ».

* 7 Rue de Miromesnil, Paris

À L'AFFICHE

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

L’auteur évoque avec humour sa vie dans la Russie contemporaine. Mise en scène de Christophe Gau-zeran, avec Géraud Andrieux. › www.fahrenheit451.fr

« COMMENT J’AI MANGÉ

DU CHIEN », D’EVGUENI

GRICHKOVETS

DU 29 SEPTEMBRE AU 25 NOVEMBRE, THÉÂTRE DU RANELAGH, PARIS

ALEXANDRA REGNIERLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En dépit de la richesse du

répertoire russe, l’offre théâtrale

reste figée à la frontière du XIXe

et du XXe siècles. La saison

2012-13 réserve néanmoins

quelques surprises.

L’inévitable Mouette, mais aussi des nouveautés

Théâtre Choix de pièces russes en France

Cette saison, ce ne sera pas juste une Mouette, mais plutôt Les Oi-seaux de Hitchcock tant les ver-sions de la pièce de Tchekhov sont nombreuses.

« Peut-on vivre sans l’art ? » « Qu’est-ce qu’un artiste ? ». À l’heure où la place de la culture se rétrécit comme une peau de chagrin, ces deux questions es-sentielles posées par la pièce en 1896 tourmentent de nouveau les metteurs en scène. Entre l’ins-titutionnalisation de l’art et l’évolution des goûts du public vers des œuvres plus « divertis-santes », qu’advient-il de la li-berté de l’artiste ?

C’est du moins le questionne-ment d’Arthur Nauzyciel dont La Mouette a été présentée en clôture du Festival d’Avignon cet été et qui tournera dans toute la France dès le mois de septembre. Traitée comme la descente aux enfers d’un artiste (le spectacle commence d’ailleurs par le sui-cide de Tréplev), la pièce évoque la nécessité d’un nouveau théâtre pour échapper à la « dévastation politico-culturelle » qui, selon le

Christian Benedetti lors d’une répétition de « sa » Mouette.

Les Estivants : 2-6 octobre au Théâtre Garonne de Toulouse, 10-11 octobre au Théâtre de Nîmes, 19-26

octobre au Théâtre National de Strasbourg, 30 octobre-17 novembre au Théâtre de la Bastille à Paris.

metteur en scène, caractérise notre époque. À ce spectacle au-dacieux jugé « prétentieux » et « décevant » par la presse, d’au-cuns préféreront une autre réé-criture de la pièce, Los hijos se han dormido de l’Argentin Da-niel Veronese, toujours en tour-née en France après sa création au Festival d’automne à Paris en 2011. Le spectacle, resserré par Veronese autour des quatre pro-tagonistes, explore les liens qui unissent La Mouette à Hamlet de Shakespeare. La version de Christian Benedetti, unanime-

ment saluée par la critique et plus proche de l’esprit de Tchekhov, sera reprise à l’au-tomne au Théâtre de l’Athénée à Paris, en alternance avec Oncle Vania.

Enfi n, en novembre, ce sera le tour de Frédéric Bélier-Garcia de réinventer La Mouette dans une très attendue mise en abîme familiale : le metteur en scène y dirigera sa propre mère, (Nicole Garcia) dans le rôle d’Arkadina (le spectacle sera créé à Angers, puis partira en tournée).

La version française du très réussi Les Estivants de Gorky par le collectif tg STAN à Tou-louse, Nîmes, Strasbourg et Paris explore elle aussi un monde en train de disparaître, celui de la culture classique… Des échos de fi n de siècle repris par Les Trois soeurs de Tchekhov à la Comé-die Française (par Alain Fran-çon) et au Théâtre National de Strasbourg (version hongroise d’Attila Vidnyánszky).

Mais c’est en dehors du tan-

dem Tchekhov-Gorky que se si-tuent les événements les plus marquants de la saison. L’intro-duction d’Oblomov au répertoire de la Comédie Française est ainsi d’une importance majeure. Là aussi, la réfl exion du metteur en scène est nourrie par l’actuali-té : Volodia Serre se servira du roman de Gontcharov pour s’in-terroger sur la pertinence du mo-dèle de développement occiden-tal. La croissance doit-elle être le moteur de notre civilisation ?

Ce sont aussi des metteurs en scène russes qui font leur entrée sur la scène dramatique fran-çaise. Dmitry Tcherniakov, l’un des metteurs en scène d’opéra les plus en vue en Europe, signe ici sa première réalisation théâ-trale hors de Russie. Et ce n’est point au répertoire russe, mais à Phèdre de Racine que s’attaque le scénographe connu pour ses révisions des classiques, ce qui, conjugué à la modernité de ses mises en scène, est une réelle au-dace pour la Comédie Française.

Au Théâtre de la Ville, c’est un metteur en scène ukrainien, Vla-dimir Troitski, qui abordera une autre vache sacrée du répertoire occidental : Le Roi Lear (le pro-logue), donné en parallèle avec un spectacle d’après le Vii de Gogol. Là aussi, on retrouve deux mondes en voie de disparition, celui de l’Ukraine rurale dans laquelle est transposée l’intrigue du Roi Lear, et celui, fantasque, du Vii, entre la mystique païenne et chrétienne. Entre Tchekhov en espagnol et en hongrois et Sha-kespeare en ukrainien et en fran-çais, le théâtre est devenu un tout petit « village global ».

En dehors du tandem Tchekhov-Gorky, des metteurs en scène s’attaquent au répertoire contemporain

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Page 8: La Russie d'Aujourd'hui

08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Loisirs

larussiedaujourdhui.fr

17 Octobre

P o u r c o n t a c t e r l a r é d a c t i o n : r e d a c @ l a r u s s i e d a u j o u r d h u i . f r S e r v i c e d e p u b l i c i t é s a l e s @ r b t h . r u t é l . + 7 ( 4 9 5 ) 7 7 5 3 1 1 4

Présidentielles aux États-Unis : selon le verdict, quelles retombées pour la Russie ?

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Les Pussy Riot méritent-elles deux ans de

prison ?

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MORITZ GATHMANNLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Entre les melons d’Astrakhan et

les nids de poule de Toula, le

cyclotourisme en Russie ne

manque ni de charme ni

d’écueils. Trois compagnons ont

suivi la voie tracée par Tolstoï.

Poursuivre Tolstoï à la force des molletsDécouverte Grand amateur de bicyclette, l’écrivain russe a inspiré une expédition cyclotouristique dans les régions de Kalouga et Toula

Derrière nous retentit un klaxon, puis un camion Kamaz passe à toute allure. Transporte-t-il du gravier, des melons d’Astrakhan ou du raisin de Moldavie ? Nous n’avons pas le temps d’y réfl é-chir : devant nous apparaît la côte suivante et un nouveau ca-mion approche.

Nous sommes sur la chaussée de Simferopol, la vieille route qui va de Moscou jusqu’en Crimée. Après une semaine en selle, c’est la pire route possible pour des cyclistes : à double voie, emprun-tée par des camions, n’offrant, pour éviter les véhicules, que des bas-côtés jonchés de gravier.

Nous sommes trois, un Alle-mand russe, un Berlinois et un ami originaire de Kalouga, à ef-fectuer à vélo le trajet de Toula jusqu’à la rivière Oka. Nous avons parcouru 350 kilomètres et arrivons au terme de notre pé-riple qui nous mène « sur les traces de Tolstoï ».

Léon Tolstoï avait la bou-geotte : depuis son domaine de Iasnaïa Poliana près de Toula, il parcourait souvent 170 kilo-mètres pour aller jusqu’à Mos-cou et aimait se rendre au mo-nastère d’Optina Poustyne dans l’oblast voisin de Kalouga, pour discuter avec les moines de son rapport compliqué avec Dieu.

Optina Poustyne est notre pre-mière destination en arrivant de Kalouga. Le monastère, qui vit du mythe selon lequel il repré-sentait une source de spiritua-

Deux des trois compagnons qui

ont découvert à vélo les lieux

parcourus par Lev (Léo) Tolstoï

(photo de gauche). À droite,

une photo d’époque montre

l’écrivain et son propre vélo.

Ivan Berezoutski dans le feu de l’action sur la Croisette.

lité avant la révolution, fait plu-tôt une impression « profane » aujourd’hui. Des cars sont garés devant l’entrée, l’atmosphère est rythmée par un va-et-vient constant, et dans le réfectoire du monastère, le mot « prix » sur les étiquettes des sandwiches au caviar a été remplacé par la for-mule « don » (de 20 euros).

Une ambiance très différente règne au couvent de Chamardi-no. C’est ici, où sa sœur était re-ligieuse, que Tolstoï s’est rendu lors de sa dernière fugue. À quelques kilomètres d’Optina Poustyne, les murs en brique rouge du couvent nous saluent depuis une colline bucolique au

pied de laquelle des sources d’eau froide et claire jaillissent entre les hêtres et les bouleaux.

Tout autour des sources ont été construites de petites cabanes en bois. En cette chaude après-midi d’été, les visiteurs font la queue pour un bain dans l’eau rafraîchissante et la pénombre d’une cabane. On entend à l’intérieur des bavardages animés et à l’extérieur, les Russes, qui ne sont pas par-ticulièrement réputés pour par-ler facilement aux inconnus, semblent gagnés par l’énergie positive du lieu : l’ambiance est joyeuse. Une odeur de pommes séchées provient d’un four situé sur les terres du couvent : les re-ligieuses se préparent pour le ca-rême et le long hiver à venir.

Le lendemain, nous quittons

Avis aux amateurs

cyclotouristes

Saisons du goût

Mieux vaut venir avec sa propre bicyclette et suffisamment de chambres à air et de rayons de rechange : en-dehors des villes comme Kalouga ou Toula, il est difficile de trouver des pièces dé-tachées en cas de besoin. Atten-tion : il n’y a pas grand monde qui s’y connaisse en moyeu à vitesses intégrées en Russie.Hébergement : on peut camper presque partout en Russie. Pe-tit conseil : pas trop près des vil-lages, car la jeunesse locale risque de vous faire passer une soirée fort arrosée à la vodka !

La France a accueilli la troisième édition des « Saisons de la Gas-tronomie franco-russe ». Organi-satrice et créatrice de la manifes-tation, Natalia Marzoeva précise que le but recherché est de pré-senter la gastronomie russe mo-derne aux Français. Les Saisons sont bilatérales et se déroule-ront aussi à Moscou et Saint-Pé-tersbourg cette année, tout en se poursuivant à Monaco, à la brasse-rie Café de Paris et au restaurant de l’hôtel Monte Carlo Bay.

la région de Kalouga. Nous pas-sons au milieu de champs de fl eurs aux parfums exquis, de-vant des kolkhozes en ruines et dans de petits villages paisibles. Tantôt la route est un chemin à travers champs, tantôt nous nous

frayons un passage dans le gra-vier, puis soudain, la voie est de nouveau goudronnée. Il semble n’y avoir aucune logique appa-rente dans cette alternance.

La ville de Beliov, dans l’oblast de Toula, présente une image

choquante : à gauche de l’artère urbaine apparaissent des dépo-toirs fumants, à droite, du métal amassé attend d’être évacué. Les usines sont barricadées, des or-dures s’amoncellent le long de la rue Karl Marx. Dans cette lo-

calité de 14 000 habitants, nous cherchons pendant une bonne heure avant de trouver un en-droit où manger. Beliov, cité vieille de 850 ans, souffre du lourd handicap d’une « ville cul-de-sac » : le chemin qui mène à Toula, capitale administrative de l’oblast, est long et mal bitumé, et celui qui mène à l’oblast de Kalouga est non carrossable.

Nous cherchons à nous éloi-gner rapidement d’ici. Un vent du soir favorable et chaud nous emmène sur la petite route de Toula ; des deux côtés de la voie, des peupliers nous offrent leur ombre. Cette route-là ne suit pas le cours des rivières, mais passe par des collines. Nous arrivons à Toula dans la soirée et mobi-lisons nos dernières forces pour atteindre Iasnaïa Poliana, à l’ex-térieur de la ville.

Ceux qui ont lu le roman de Sophie Tolstoï À qui la faute ? pour se mettre dans l’ambiance d’Iasnaïa Poliana (littéralement   « la clairière lumineuse ») recon-naîtront l’allée des longues pro-menades, bordée de peupliers, les écuries, les habitations du personnel domestique et de la famille Tolstoï elle-même. Der-rière, dans le parc, à l’ombre des arbres, se trouve un monticule de peu d’apparence, recouvert de pelouse : la tombe de l’écrivain. C’est à Iasnaïa Poliana que Tols-toï a écrit Guerre et Paix, il re-cevait ici ses admirateurs venus du monde entier, il s’y disputait avec son épouse, et c’est d’ici qu’il est parti pour une dernière er-rance, qui s’est achevée dans une gare du sud de la Russie, où il est décédé. Pour nous aussi, le voyage se termine. Le retour à Kagoula se fera en train depuis Aleksine, au bord de l’Oka : plus confortable mais moins exotique.

La route alterne sans logique apparente entre chemin à travers champs et voie goudronnée

MARIA AFONINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les Saisons gastronomiques

franco-russes ont fait découvrir

des produits du pays accom-

modés à des sauces originales.

Authenticité et innovation au menu de la relève russe

Gastronomie Le jeune chef pétersbourgeois Yvan Berezoutski utilise des ingrédients typiques, tels les bourgeons de bouleau...

encouragé dans cette voie. L’an dernier, un stage de trois mois en Espagne, y compris aux four-neaux du célèbre El Bulli (3 étoiles au Michelin), a confi rmé sa vocation. Après un premier mois passé à Salamanque « où l’on a fait le tour des fermes et des usines de fabrication du fro-mage et des jambons crus », re-late Ivan, la formation s’est pa-rachevée sur la Costa Brava à El Bulli, « dont le chef, Ferran Adrià, est considéré comme l’un des meilleurs au monde ».

Pour les Saisons gastrono-miques, Ivan avait choisi de pré-senter des produits russes peu connus en France, selon des ac-commodements originaux. Il en avait au préalable envoyé la liste à Sébastien Broda : écorce de bou-

Ivan Berezoutski a de quoi sou-rire. Déjà auréolé d’un prix au concours international « Les goûts de l’Espagne », il vient à 26 ans d’exercer son talent sur la Côte d’Azur, où il a travaillé en duo avec Sébastien Broda, chef du restaurant étoilé Park 45, dans le cadre des Saisons gastrono-miques franco-russes. Ivan a abandonné ses études de maçonnerie pour une école de cuisine. Son frère, qui a travaillé depuis plusieurs années dans la restauration aux États-Unis, l’a

leau, groseille verte, tvorog (fro-mage frais russe). Au menu : crabe du Kamtchatka au pollen de fl eurs ; fl étan au popcorn de sar-rasin, carottes et groseilles vertes ; lapin cuit au four dans de l’écorce de bouleau et bonbons à la vodka, bourgeons et feuilles de bouleau, girolles (apportées de Russie) ; et un dessert rafraîchissant compo-sé de betterave en trois textures différentes, avec tvorog et jus de baies.

« J’ai fait découvrir beaucoup de choses aux Français, se féli-cite Ivan. Les Français savent très bien faire la pub de leurs produits et nous avons beaucoup à ap-prendre d’eux. Tout le monde connaît le homard français qui ratisse la charogne des fonds ma-rins, mais pas le ragondin qui se

nourrit d’herbes propres dans des rivières claires. En Russie, nous n’osons parfois ni manger nos propres produits, ni en faire la réclame. L’éperlan n’est pas très connu à Moscou, alors qu’à Saint-Pétersbourg on en mange beau-coup », regrette le jeune chef.

Ivan Berezoutski a prévu de re-tourner en France en février 2013,

invité à participer au festival de la jeune gastronomie Omnivore. En attendant, il doit relever un défi dans sa ville natale : depuis juin, il travaille dans les cuisines du Flying Dutchman, à bord du navire du même nom sur la Neva. « Ma mission est d’améliorer la qualité dans quatre directions : haute cuisine, poissons-viandes,

cuisine russe et cuisine japo-naise ».

Ses projets d’avenir  ? Des étoiles Michelin, plaisante Ivan. En attendant, il souhaiterait tra-vailler aux États-Unis, comme son frère, et dans le restaurant espagnol Mugaritz, aux côtés d’Andoni Luis Aduriz. Puis ou-vrir un restaurant avec son frère.

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