1
La scolarité des enfants adoptés
Comparaison avec des enfants non adoptés
Enfance et Familles d’Adoption
221 rue La Fayette - 75010 Paris
Décembre 2006Ce rapport rédigé par Denise Fichcott et Jacques Vaugelade a bénéficié des conseils deMichel Duyme pour l’analyse des données et leur interprétation.
Résumé .......................................................................................................................................2Introduction ................................................................................................................................31. Problématique de l’étude ........................................................................................................32. Méthodologie..........................................................................................................................4
2.1. Echantillonage ..................................................................................................................42.2. Analyses ...........................................................................................................................5
3. L’échantillon...........................................................................................................................53.1. Description de l’échantillon .............................................................................................53.2. Validité de l’échantillon ...................................................................................................7
4. Cursus scolaires ......................................................................................................................74.1. La scolarisation dans le pays d’origine.............................................................................84.2. L’entrée à l’école élémentaire ..........................................................................................94.3. Le redoublement à l’école élémentaire...........................................................................104.4. La scolarité au collège ....................................................................................................114.5. Orientation après le collège ............................................................................................134.6. L’orientation selon l’origine, le genre et l’âge à l’adoption ...........................................144.7. Les diplômes selon l’origine et l’âge à l’adoption .........................................................16
5. Les difficultés et leurs résolutions ........................................................................................175.1. Influence de l’âge à l’adoption et du genre ....................................................................195.2. Analyse des difficultés par année d’âge .........................................................................19
6. L’attente des parents et des enseignants ...............................................................................216.1. Enseignants et parents : des attentes très diverses..........................................................216.2. L’attente des parents.......................................................................................................21
7. Discussions : comparaison avec d’autres études ..................................................................227.1. Crèche ou famille d’accueil ? .........................................................................................227.2. Pour en finir avec : « à un âge donné, une classe donnée »............................................227.3. La suite de la scolarité est trop hypothéquée par un échec au CP..................................237.4. L’adoption favorise la réussite scolaire ..........................................................................237.5. Les différences entre garçons et filles ............................................................................257.6. Adoption nationale et adoption internationale ...............................................................257.7. Les différences selon le continent d’origine...................................................................25
8. Conclusion............................................................................................................................27Bibliographie ............................................................................................................................29
2
Résumé
Les parents adoptifs ressentent des difficultés qui n’apparaissent pas quand on compare les
résultats scolaires des enfants adoptés à la moyenne nationale. Pour faire un état des lieux,
l’association « Enfance et familles d’adoption » a réalisé une enquête auprès de familles
volontaires. L’étude s’est limitée au parcours scolaire, le développement affectif n’a pas été
étudié. Quoique ce ne soit pas un échantillon aléatoire, la distribution des variables (genre,
âge à l’adoption, continent d’origine) ne montre pas de biais important. L’enquête concerne
890 enfants adoptés et 180 enfants biologiques dans les familles adoptives qui servent
d’échantillon de référence pour des comparaisons à milieu social identique.
Alors que 92% des enfants biologiques de l’échantillon sont bacheliers, cette proportion est de
63% pour les enfants adoptés, la même que la moyenne nationale. La réussite de la scolarité
des enfants adoptés dépend de plusieurs facteurs : une grossesse sans risque, une adoption non
tardive, une absence de stigmatisation de l’enfant. Ces conditions sont mieux remplies
simultanément pour les enfants nés en Asie, dont 80% sont bacheliers, que pour les autres
origines.
Pour les enfants nés en France, de probables conditions défavorables de grossesse pour une
partie des enfants se répercutent sur la scolarité dès l’école élémentaire (voir figure 4.4), elles
sont aussi possibles pour les enfants des autres origines.
Pour les enfants nés en Afrique ou en Amérique latine, ainsi que pour une partie des enfants
nés en France les difficultés observées au collège, à l’époque de l’adolescence, pourraient
s’expliquer par une stigmatisation liée aux différences ethniques (voir tableau 8.2).
Malgré des handicaps de départ que les familles adoptives comblent du mieux qu’elles
peuvent, les enfants adoptés ont une scolarité « normale » c’est-à-dire dans la moyenne
nationale. On sait que l’adoption favorise le développement intellectuel, les résultats des
enfants de l’aide sociale à l’enfance, inférieurs à la moyenne des adoptés, montrent que
l’adoption favorise aussi la réussite scolaire.
3
Introduction
Les enfants adoptés réussissent aussi bien que les autres : « pour ce qui est des diplômes
égaux ou supérieurs au baccalauréat, les proportions entre adoptés et jeunes français sont
sensiblement les mêmes » (Hallifax, 2001). Le constat est le même au Québec (Tessier et al.,
2004).
Or, les parents adoptifs sont d’un milieu plus diplômé que la moyenne, près de la moitié ont
fait des études supérieures contre un quart des Français (Hallifax, 2005) ; les résultats
scolaires des enfants étant liés à ceux des parents, on devrait donc trouver pour leurs enfants
des résultats scolaires supérieurs à la moyenne nationale. Aussi les difficultés scolaires
éventuelles de leurs enfants adoptifs sont mal vécues par leurs parents qui comparent leurs
enfants à ceux de leur milieu social, et pensent que ces difficultés sont liées à l’adoption.
Pour connaître les spécificités éventuelles de la scolarité des enfants adoptés, l’association
« Enfance et Familles d’Adoption » a réalisé une enquête auprès de familles sur la scolarité de
chacun de leurs enfants.
1. Problématique de l’étude
L’adoption n’est pas la seule caractéristique des enfants adoptés. Ils ont aussi souvent des
spécificités visibles, pour beaucoup d’entre eux une origine ethnique minoritaire : 80% des
adoptions se font à l’étranger et les pupilles de l’Etat adoptés en France ont souvent une
ascendance étrangère, l’adoption est donc le plus souvent interethnique.
Les enfants adoptés ont aussi des spécificités invisibles : de possibles traumatismes affectifs
liés à l’abandon initial, à une maternité à risque (malnutrition, syndrome d'alcoolisation
fœtale, drogues, rejet affectif), à un maternage inadéquat, à un temps plus ou moins long passé
en institution (Chicoine et al, 2003).
Il est connu que l’âge à l’adoption a une influence sur toute la vie de la personne, en général
plus il est tardif, plus le risque de difficultés ultérieures est important. Nous n’avions pas
d’autres hypothèses, l’objectif étant de décrire la situation pour faire un état des lieux et
comprendre le déroulement de la scolarité en fonction des aides sollicitées et obtenues. Plus
généralement, la mesure de la réussite scolaire permet de questionner l’adaptation et
l’insertion de l’enfant dans sa famille et dans la société : « la phobie scolaire constituerait
l’expression d’un trouble de l’attachement pour l’enfant surdépendant de ses parents »
(Pierrehumbert, 2003, p.85).
4
2. Méthodologie
2.1. Echantillonage
Les études sur l’adoption sont souvent soumises à des biais dus aux non-réponses, ainsi
l’enquête au Québec a enregistré 56% de non réponses, après exclusion des non réponses pour
adresse incorrecte (Tessier et al., 2004). Il en est de même dans l’enquête réalisée auprès
d’adultes adoptés essentiellement en Asie (Hallifax, 2001) : 59% des parents n’ont pas
répondu et ensuite 36% des adoptés de plus de 18 ans n’ont pas donné suite, soit un taux
global de non réponse de 64%.
Lorsque le taux de réponses est trop faible, l’échantillon final n’est pas une image fidèle de
l’échantillon prévisionnel et n’est donc plus représentatif. En effet, on ne sait pas si parmi les
personnes qui n’ont pas répondu, les réussites sont surreprésentées et les échecs sous-
représentés ou l’inverse :
- les parents d’adoptions réussies et sans histoire peuvent négliger de répondre aux
enquêtes car leur histoire leur paraît sans intérêt ;
- les familles avec des difficultés peuvent répondre plus volontiers car l’enquête leur
offre un espace d’expression qui leur faisait défaut ;
- inversement, les familles en difficulté peuvent ne pas répondre par honte de montrer
ce qu’elles considèrent comme un échec.
Face à ces difficultés et en l’absence d’une base de sondage, l’enquête s’est adressée à des
familles volontaires, non échantillonnées. L’anonymat des réponses, l’organisation de
l’enquête au sein d’une association où les parents savent qu’ils ne seront pas jugés, peut
laisser espérer que les biais sont faibles.
Étant donné l’objectif d’abord descriptif, aucune sélection n’a été faite sur les caractéristiques
de la famille adoptive ou de l’enfant, excepté l’âge, d’au moins 6 ans. Les parents adoptifs qui
ont répondu à l’enquête ont rempli eux-mêmes un questionnaire pour chacun de leurs enfants
de 6 ans au moins.
Une particularité est d’avoir étendu l’enquête aux enfants biologiques des familles adoptives,
ce qui fournit un échantillon de référence qui permet des comparaisons avec des enfants non
adoptés à milieu social identique.
Aucune question dans l’enquête n’a été posée sur le type physique des enfants. Pour ceux qui
sont nés à l’étranger, le pays de naissance fournit une indication ; par contre pour les enfants
nés en France, tous les types physiques sont possibles. Les paramètres principaux retenus sont
le sexe de l’enfant, l’âge à l’adoption, le continent d’origine et il est bien entendu tenu compte
de l’âge au moment de l’enquête. La durée entre l’abandon et l’adoption qui est une variable
5
aussi importante que l’âge à l’adoption (Vinay, 2003) n’a malheureusement pas été introduite
dans le questionnaire qui est rétrospectif (voir Annexe A1).
2.2. Analyses
Les variables utilisées dans l’analyse sont : le continent d’origine, l’âge lors de l’adoption, le
genre. Des analyses descriptives permettent de lier les variables d’analyse et les résultats
scolaires. Comme le continent d’origine et l’âge à l’adoption sont liés, pour séparer
l’influence de chaque variable, une régression multiple est ensuite utilisée ; une régression
linéaire généralisée, étendue aux variables binomiales car les variables à analyser sont
dichotomiques, pour un enfant chaque variable est vraie ou fausse :
- l’âge d’entrée au collège (9-11 ans ou 12 ans et plus) ;
- l’orientation après le collège (cycle long, lycée général ou technologique d’une part ; cycle
court, lycée professionnel ou apprentissage, d’autre part).
3. L’échantillon
3.1. Description de l’échantillon
Les 595 familles (85% sont adhérentes de l’association) qui ont répondu, totalisent 1070
enfants d’au moins 6 ans, parmi ceux-ci, 180 sont biologiques (16%).
Tableau 3.1. Age des enfants au moment de l’enquête
Ages 5-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20 ans et plus TotalBiologiques 24 47 58 51 180Adoptés 350 299 131 110 890
Les enfants biologiques sont majoritairement âgés de plus de 15 ans (61%, tableau 3.1), alors
que les enfants adoptés sont majoritairement âgés de moins de 15 ans (73%). Le plus souvent,
la famille s’agrandit par adoption quand les enfants biologiques sont grands. C’est aussi
parfois après un divorce et un remariage que le nouveau couple découvre sa stérilité,
l’adoption complète alors la famille recomposée.
Les 21 enfants nés en Polynésie (soit 2% de l’effectif), trop peu nombreux pour être étudiés
seuls, ont été intégrés dans le continent asiatique, la procédure d’adoption qui est spécifique
est plus proche d’une adoption internationale que d’une adoption en France.
Sauf en Asie où les filles sont majoritaires, il y a une minorité de filles (41% à 44%) pour les
autres origines (figure 3.1). Les origines des enfants enquêtés sont par ordre décroissant
l’Amérique latine, l’Asie, l’Europe, la France et l’Afrique. Pour les enfants biologiques, les
nombres de filles (92) et de garçons (88) sont presque égaux.
6
0
50
100
150
200
250
300
Am. Latine Asie Europe France Afrique
Effectifs
garçons
filles44% 54% 44% 44% 41%
Figure 3.1. Effectif total et proportion de filles selon le continent d’origine (annexe1 A4.1)
Tableau 3.2. Age des enfants au moment de l’adoption
Moins d’un an 1-3 ans 4-6 ans 7 ans et plus Total38 % 27 % 23 % 12 % 100 %
Les âges des enfants à l’adoption sont plus concentrés dans les jeunes âges, mais tous les âges
sont représentés (tableau 3.2).
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Asie France Am-lat Afrique Europe
7+ ans
4-6 ans
1-3 ans
0 an
Figure 3.2. Ages à l’adoption selon le continent d’origine (annexe A4.1)
L’adoption avant l’âge d’un an domine pour les enfants nés en France (62 %) ou nés en Asie
(59 %). Pour les enfants africains ou nés en Amérique latine, la répartition est assez équilibrée
(Figure 3.1). L’Europe de l’Est se caractérise par la petite proportion des adoptions avant un
an.
Parmi les enfants adoptés à l’étranger, 45 % l’ont été par l’intermédiaire d’un organisme agréé
pour l’adoption (OAA) dont 10 % par Médecins du Monde. Alors que les OAA
1- Les tableaux annexés sont à l’annexe 4.
7
n’interviennent que pour un quart des adoptions à l’étranger ; cette surreprésentation est dû en
partie à l’OAA, Médecins du Monde qui a relayée cette enquête auprès de ses adhérents2.
Pour les enfants nés à l’étranger, la majorité (68 %) vivait en structure collective (orphelinat
ou pouponnière) : c’est le cas pour 92 % des enfants d’Europe de l’Est et 83 % des enfants
d’Asie ; 24 % étaient en famille d’accueil et 8 % vivaient dans leur famille d’origine.
Parmi les 890 enfants adoptés, douze sont handicapés dont trois sont nés en France et trois en
Roumanie.
3.2. Validité de l’échantillon
La comparaison de la distribution des différentes variables (genre, âge à l’adoption, origine
géographique) avec les sources disponibles ne fait pas apparaître beaucoup de discordances
(voir Annexe A3). Il faut cependant se garder d’extrapoler les résultats qui ne sont
qu’indicatifs, à l’ensemble de la population des enfants adoptés.
D’autre part, même à partir d’un total de 890 enfants adoptés, certaines catégories sont peu
représentées et les résultats les concernant sont donc peu significatifs.
Par contre les comparaisons entre les catégories enquêtées offrent des résultats interprétables.
4. Cursus scolaires
Pourquoi les parents adoptifs ressentent des difficultés non perçues par les statistiques ?
La performance scolaire des enfants adoptés mesurée par la proportion de bacheliers est
identique à la moyenne nationale (63% de diplômés). La proportion de bacheliers (y compris
BAC professionnel) parmi les enfants biologiques (92% de diplômés3, voir tableau A4.2) qui
est supérieure aux 63% de diplômés parmi les enfants adoptés, est un indicateur des difficultés
scolaires relatives des enfants adoptés.
Les conclusions diffèrent selon que l’on compare la scolarité des enfants adoptés à la
moyenne nationale ou à celle de leur milieu social (Lindblad et al, 2003) car les résultats
scolaires sont liés au milieu social des parents : les enfants adoptés vivent en majorité dans
des familles de milieu socioprofessionnel élevé, 10% seulement appartiennent à la catégorie
socioprofessionnelle employé ou ouvrier4, contre environ la moitié dans la population active
française.
L’ensemble des enfants adoptés a des résultats scolaires inférieurs à ceux des enfants
biologiques du même milieu, mais identique à la moyenne nationale (figure 4.1).
2- ce dont nous la remercions.3- Le taux d’accès au BAC général ou technologique (non compris les bac professionnels est de 87%pour les enfants de cadre.4- Résultats proches de ceux de l’étude des familles de 634 adoptés via « Amis des enfants dumonde » (Halifax, 2001).
8
0%
20%
40%
60%
80%
100%
biologiques adoptés Population France
néant
Brevet BEP
BAC & +
Figure 4.1. Diplômes obtenus pour les plus de 20 ans selon l’origine (Annexe A4.2)
Les résultats au Baccalauréat sont le résultat du parcours scolaire décrit ci-dessous. Les
résultats bruts ne peuvent tenir compte à la fois de l’origine, de l’âge à l’adoption et du sexe.
Il ne faut pas l’oublier dans l’interprétation, que les statistiques sont des moyennes qui n’ont
pas de valeur prédictive individuelle.
4.1. La scolarisation dans le pays d’origine
Tableau 4.1. Proportions d’enfants scolarisés à l’étranger avant leur adoption et proportionssachant lire parmi les scolarisés adoptés à 7 ans et plus
Age au moment del’adoption
Asie Amériquelatine
Afrique Europe del’Est
Ensemble
de 4 à 6 ans 48 % 36 % 50 % 6 % 33 %7 ans et plus 69 % 62 % 78 % 43 % 66 %% sachant lire parmiles scolarisés adoptés à7 ans et plus
62 % 18 % 67 % 41 % 46 %
Si une proportion importante des enfants nés en Amérique latine est scolarisée (62% à plus de
7 ans), seul un faible nombre parmi les enfants scolarisés (18%) sait lire et écrire avant
l’adoption, alors qu’en Afrique ou en Asie, deux tiers des enfants scolarisés savent lire. Peu
d’enfants sont scolarisés avant 7 ans en Europe de l’Est où l’école obligatoire commence
souvent à 7 ans.
Parmi les enfants adoptés à l’étranger à plus de 7 ans, le taux de difficultés ultérieures (voir 5)
est de 48 % pour ceux qui savaient lire, alors qu’il est de 67 % lorsqu’ils ne savaient pas lire à
leur arrivée en France. Les enfants ayant acquis les bases de la lecture, éprouvent moins de
difficultés au sein du système scolaire en France, malgré la différence de langue.
9
4.2. L’entrée à l’école élémentaire
L’âge d’entrée au cours préparatoire (CP) n’est pas toujours la sixième année, il est d’autant
plus tardif que l’âge au moment de l’adoption est élevé, sauf pour les enfants nés et adoptés
en France qui sont tous scolarisés avant leur adoption quand elle a lieu après 6 ans (figure
4.2).
Pour ceux qui sont adoptés à l’étranger après 7 ans, certains entrent directement dans une
classe supérieure au CP. Leur proportion augmente avec l’âge à l’adoption (figure 4.3). Après
9 ans, 80% ne font plus de CP.
Des parents estiment que la date de naissance de leur enfant est incertaine : cela concerne
18% des enfants adoptés à l’étranger à 5 ans et plus (annexe A.14). Des parents pensent que
leur enfant a été rajeuni pour pouvoir être plus facilement adopté. Inversement, l’enfant peut
apparaître plus jeune à cause d’un retard de croissance ou d’un retard psychomoteur qui est
fréquent pour des enfants ayant subi des carences nutritionnelles ou affectives. Dans ¾ des
cas, l’écart est de un an. Cette interrogation qui vient au moment où il faut inscrire l’enfant à
l’école constitue une complication supplémentaire (voir A5-14, 27, 33, 34 et 91 5).
0%
20%
40%
60%
80%
100%
biolog
ique
0 an
1-3
ans
4-6
ans
7 ans &+
a sautéCP2+ ans
1 an
Aucun
Retard
Age à l'adoption
Figure 4.2. Entrée à l’école élémentaire selon l’âge au moment de l’adoption (annexe A4.3)
5- Le numéro renvoie à celui du témoignage dont l’intégralité est donnée en annexe 5.
10
0%
20%
40%
60%
80%
100%
5 6 7 8 9 10 11 12
âge à l'adoption
Figure 4.3. Proportion d’enfants adoptés à l’étranger ayant sauté le CP selon l’âge àl’adoption (annexe A4.4)
Un soutien pour élève non francophone (CLIN - classe d’initiation pour enfants non
francophones, FLS, etc.) a été demandé pour 40 enfants mais n’a été accordé qu’à 30, soit par
manque de place, soit à cause de l’éloignement géographique.
4.3. Le redoublement à l’école élémentaire
Parmi les enfants entrés au CP à 6 ans, 4% des enfants biologiques ont redoublé à l’école
élémentaire et sont donc entrés en retard en 6ème. Cette proportion est plus élevée pour les
adoptés et augmente avec l’âge à l’adoption (figure 4.4).
Si les enfants adoptés avaient les mêmes taux de redoublement que la cohorte nationale des
enfants entrés au CP en 1997, la proportion d’enfants qui auraient dû entrer en retard en 6ème
serait de 9% en tenant compte des CSP des familles adoptives (Annexe A4.5a). Il est de 8%
pour les enfants adoptés à l’étranger avant 1 an. Par rapport aux enfants biologiques, le taux
de redoublement à l’école élémentaire des enfants adoptés avant un an n’est significativement
plus élevé que pour les enfants nés en France avec 16% de redoublement.
Pour les enfants adoptés après un an, la progression des redoublements est presque générale
mais faible. Elle n’est significativement accrue qu’en France.
Pour l’Europe de l’Est, la progression ne doit pas être interprétée car basée sur de trop faibles
effectifs. Les nombreuses études portant sur les enfants adoptés en Europe de l’Est, montrent
les difficultés d’attachement (O’Connor et al, 2003) et les difficultés cognitives en relation
avec les antécédents prénataux (Landgren et al, 2006, Van Beveren et al, 2000) et la durée
passée en institution (Rutter et al, 2001). Si les enfants adoptés en Europe de l’Est après un an
présentent des difficultés scolaires, les enfants adoptés en France ont plus de difficultés
(différence significative).
11
0%
20%
40%
145bio
56 39Asie
10 22Afrique
52 35Am-lat
56 37France
3 21Europe
0 ans 1an et +âge à l'adoption
effectif
Figure 4.4. Parmi les élèves entrés à 6 ans au CP, proportion des redoublants à l’écoleélémentaire selon l’âge à l’adoption et l’origine (annexe A4.5)
Tableau 4.2. Risque de redoubler à l’école élémentaire après un début à 6 ans.
Variable Catégorie Risquerelatif
Intervalle deconfiance à 95%
Genre féminin 1,00 référencemasculin 0,97 0,59-1,57
Age à 0 an 1,00 référencel’adoption 1 an et plus 2,19♦ 1,30-3,70
Asie 1,00 référenceFrance 2,80♦ 1,39-5,63
Origine Europe-Est 1,29 0,43-3,86Am latine 1,47 0,66-3,30Afrique 0,54 0,12-2,41
les catégories avec un risque relatif supérieur à 1 sont associées à uneentrée au collège plus tardive – redoublement à l’école élémentaire –par rapport à la catégorie de référence dont le risque relatif =1♦ significativement différent de 1
L’âge à l’adoption est la principale variable qui influe sur l’âge d’entrée au collège, les
enfants adoptés après un an entrent au collège deux fois plus souvent à 12 ans et plus que les
enfants adoptés avant un an (tableau 4.2). Les enfants originaires de France redoublent plus
souvent que les enfants d’autres origines et presque trois fois plus souvent que les enfants nés
en Asie.
4.4. La scolarité au collège
L’âge d’entrée au collège dépend de la scolarité à l’école élémentaire, plus l’entrée au CP est
tardive, plus l’entrée au collège l’est (figure 4.5) :
- 99% des enfants biologiques sont entrés au CP à 5-6 ans et 96% à 10-11 ans au collège
(annexe A4.5) ;
12
- 77% des enfants adoptés sont entrés au CP à 5-6 ans et 68% au collège à 10-11 ans ;
- pour les enfants adoptés entrés au CP à 5-6 ans, 85% sont entrés au collège à 10-11 ans ;
- 15% des enfants entrés à 7 ans au CP rattrapent leur retard et entrent en 6ème à 11 ans.
96%85%
15%6% 11%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
5-6 5-6 7 8 et + sauté
13 et +
12
9-11
âge entréeau collège
bio adoptés : âge au cp
Figure 4.5. Age d’entrée au collège selon la scolarité au primaire (annexe A4.6)
91%70%
54%73%
55%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
≤11 ≤116
127
12sauté
abandon
5 ans et+
4 ans
collège
bio adoptés
âge CP
âge 6ème
Figure 4.6. Scolarité au collège selon les âges d’entrée au CP et en 6ème (annexe A4.7)
Le déroulement de la scolarité au collège est lié à celle de l’école élémentaire. Pour ceux qui
sont entrés en 6ème à 11 ans, 91% des enfants biologiques accomplissent le cycle en 4 ans et
70% des enfants adoptés (figure 4.6).
Pour ceux qui sont entrés à 12 ans au collège :
- s’ils sont entrés au CP à 6 ans et ont donc redoublé une classe à l’école élémentaire, 54%
accomplissent le cycle du collège en 4 ans,
- s’ils sont entrés au CP à 7 ans, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas redoublé, 73% accomplissent le
cycle du collège en 4 ans, mais la différence n’est pas statistiquement significative.
13
Pour les adoptés, la différence n’est significative qu’entre ceux qui ont fait l’école élémentaire
en 5 ans donc sans redoubler (qu’ils y soient entrés à 6 ou 7 ans) et ceux qui ont redoublé.
Entrer en retard au CP est donc moins pénalisant que redoubler à l’école élémentaire.
Plus que la durée pour accomplir le cycle du collège, c’est l’orientation après le collège qui
est discriminante.
4.5. Orientation après le collège
L’orientation après le collège est fortement déterminée par l’âge d’entrée au collège (figure
4.7). Les enfants biologiques sont presque tous entrés au collège à 11 ans, 90% ont fait le
collège en 4 ans et 91% sont orientés vers le cycle long (lycée général ou technologique).
Pour les enfants adoptés, 73% de ceux qui sont entrés en 6ème à 11 ans sont orientés vers le
cycle long. Parmi ceux-ci, 86% des enfants adoptés qui sont entrés en 6ème à 11 ans et qui ont
fait le collège en 4 ans, sont orientés vers le cycle long, ce qui est proche du taux observé pour
les enfants biologiques. L’ensemble des adoptés est proche de la moyenne française (MEN,
2004).
91%73%
18%
56% 60%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
bio 11 ans 12 ans Ensadoptés
Popul.France
abandon
prof+app
gen+techno
âge d'entrée au collègeadoptés :
Figure 4.7. Orientation des adoptés après le collège selon l’âge d’entrée au collège comparésaux enfants biologiques et à la moyenne française (annexe A4.8)
Au fur et à mesure que les retards s’accumulent, l’orientation vers le cycle professionnel
devient prépondérante (figure 4.8), les abandons augmentent simultanément.
L’orientation après le collège est un bon indicateur du résultat du cursus scolaire.
14
86%
46%28%
6%0%
20%
40%
60%
80%
100%
11+4 11+5 12+4 12+5
abandon
prof+app
gen+techno
âge d'entrée au collège + nb d'années (5=5 & +)
Figure 4.8. Orientation des adoptés après le collège selon l’âge d’entrée et le nombred’années au collège (annexe A4.8)
4.6. L’orientation selon l’origine, le genre et l’âge à l’adoption
L’orientation est très différente selon les continents d’origine des enfants. Les enfants
biologiques sont les plus nombreux à être orientés vers un cycle long, suivis par les enfants
originaires d’Asie, puis ceux de France, d’Amérique latine et enfin d’Afrique (figure 4.9).
L’adoption en Europe de l’Est étant plus récente les effectifs sont trop faibles pour être
significatifs. La moyenne de l’ensemble des adoptés est proche de la population française
(figure 4.7).
Parmi les filières professionnelles, l’apprentissage est considéré le plus souvent comme une
voie pour enfants en difficultés scolaires : les enfants biologiques ne passent pas par
l’apprentissage, et un très faible pourcentage d’enfants adoptés en Asie le font, par contre
c’est le cas de 16% des enfants adoptés en France et dans les autres continents.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
bio Asie France Am-lat Afrique
abandon
prof+app
gen+techno
Figure 4.9. Orientation après le collège selon l’origine comparée aux enfants biologiques(annexe A4.9)
15
Par genre, les filles sont plus souvent orientées que les garçons en cycle long (figure 4.10).
Par origine, la seule différence significative entre garçons et filles concerne la France
Garçons
0%
20%
40%
60%
80%
100%
bio Asie France Am-lat Afrique
gen+techno prof+app abandon
Filles
0%
20%
40%
60%
80%
100%
bio Asie France Am-lat Afrique
Figure 4.10. Orientation après le collège selon l’origine et le genre (annexe A4.9)
L’orientation dépend aussi de l’âge à l’adoption. L’orientation en cycle long est moins
fréquente lorsque l’âge à l’adoption augmente (figure 4.11) sauf pour les enfants adoptés entre
un et trois ans qui sont plus souvent orientés en cycle long que les enfants adoptés avant un an
(augmentation non statistiquement significative), constat qui rejoint celui fait par Lafosse-
Marin (2005) d’après l’étude de 105 adolescents adoptés. Mais la prise en compte de
l’ensemble des variables (tableau 4.3), notamment l’origine, montre que la probabilité d’être
orienté en cycle long est identique pour le groupe des 0 an et celui des 1-3 ans (risque relatif
0,98).
0%
20%
40%
60%
80%
100%
bio 0 an 1-3 ans 4-6 ans 7 ans &+
abandon
prof+app
gen+techn
âge à l'adoption
Figure 4.11. Orientation après le collège selon l’âge à l’adoption (annexe A4.10)
16
Tableau 4.3. Régression de l’orientation en lycée général ou technologique.
Variable Catégorie Risquerelatif
Intervalle deconfiance à 95%
Genre féminin 1,00 référencemasculin 0,74♦ 0,60-0,910 ans 1,00 référence
Age à 1-3 ans 0,98 0,81-1,17l’adoption 4-6 ans 0,76 0,52-1,11
7 ans et + 0,50♦ 0,29-0,88Asie 1,00 référenceFrance 0,70♦ 0,55-0,90
Origine Europe Est 0,31 0,10-1,05Am. latine 0,66♦ 0,49-0,90Afrique 0,45♦ 0,23-0,88
les catégories avec un risque relatif inférieur à 1 sont associées à uneprobabilité plus faible d’être orientées en cycle long par rapport à lacatégorie de référence dont le risque relatif =1.♦ significativement différent de 1
La régression, avec comme variable à expliquer l’orientation en cycle long, montre que seules
trois variables ont une influence statistiquement significative (tableau 4.3) :
- le genre, les garçons sont moins souvent orientés en cycle long que les filles ;
- l’âge à l’adoption au delà de 7 ans, ils sont alors moins souvent orientés en cycle long
que les adoptés à 0 an (avant 12 mois) ;
- le continent, les enfants nés en Asie sont plus souvent orientés en cycle long que ceux
qui sont nés et adoptés en France ou dans les autres continents, les différences sont
significatives, sauf pour l’Europe de l’Est.
Le coefficient 0,74 pour les garçons signifie que les garçons ont 26% moins de chance
d’accéder au cycle long que les filles qui sont la catégorie de référence avec un intervalle de
confiance de 9% à 40%.
4.7. Les diplômes selon l’origine et l’âge à l’adoption
Chez les adoptés la proportion de diplômés décroît quand l’âge à l’adoption croît, elle est
moindre que pour les enfants biologiques (figure 4.12). A 20 ans les différences selon l’âge à
l’adoption sont moindres qu’à 15 ans, ce qui signifie que les enfants adoptés plus âgés ont
besoin de plus de temps.
17
20%
40%
60%
80%
100%
biologique 0-5 mois 6-23 mois 2-6 ans 7 ans & +
diplôme à 20 ans
BAC à 20 ans
diplôme à 15 ans
âge à l'adoption
Figure 4.12. Diplômes selon l’âge à l’adoption (annexe A4.11)
Au sein des enfants adoptés la proportion de bacheliers varie selon l’origine géographique
(figure 4.13) : 80% pour les enfants d’origine asiatique contre 54% pour les enfants
originaires de France, 43% pour les enfants nés en Afrique ou Amérique latine. La répartition
des âges au moment de l’adoption, qui est à peu près la même pour l’Asie et la France ne peut
expliquer à elle seule ces différences (voir 7.5 et 7.6).
0%
20%
40%
60%
80%
100%
biologiques Asie France AfriqueAm-latine
néant
Brevet BEP
BAC & +
Figure 4.13. Diplômes obtenus à 20 ans selon le continent d’origine (annexe A4.2).
5. Les difficultés et leurs résolutions
Si le parcours scolaire des enfants (redoublements, diplômes obtenus) est une donnée
objective, les difficultés des enfants perçues par les parents sont moins objectives. Cependant
95% des redoublants du primaire ont été déclarés en difficultés par leurs parents à un moment
quelconque de leur scolarité, et seulement 36% des non redoublants du primaire, les
difficultés déclarées correspondent donc à une réalité. N’ont été retenues que les difficultés
durables, c’est-à-dire qu’elles ont dépassé une année scolaire. Pour les adoptés, 88% de ceux
18
qui n’ont pas connu de difficultés sont orientés vers le cycle général et 37% de ceux déclarés
en difficultés. Ceci montre que malgré des difficultés une proportion importante suit une
scolarité longue et que les difficultés ne sont pas synonymes d’échec scolaire.
Parmi les enfants en difficulté, 42% ont des difficultés d’acquisition, 14% ont des difficultés
de comportement, et 34% cumulent difficultés d’acquisition et de comportement ; 10% ont
d’autres difficultés (intégration, dyslexie, immaturité, etc.). Les difficultés qui ont le plus de
retentissement sur la scolarité sont les difficultés de comportements, 26% de ceux qui en ont
sont orientés vers le cycle long contre 51% de ceux qui ont d’autres difficultés.
L’enquête montre que pour ceux qui ont des difficultés, elles apparaissent le plus souvent dès
le début de la scolarité – maternelle ou CP – pour un enfant sur deux aussi bien pour les
enfants biologiques que pour les enfants adoptés (tableau 5.1).
Tableau 5.1. Cycle scolaire où se manifestent les premiers signes de difficultés
cycle de débutdes difficultés
Maternelle/CP
CE/CM Collège Lycée Total
Enfantsbiologiques
10 % 3 % 6 % 1 % 20%
Enfants adoptés 30 % 8 % 12 % 5 % 55%
Par ailleurs :
- 105 enfants ont bénéficié du RASED (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté)
soit 22 % des enfants en difficulté ;
- 24 enfants ont été scolarisés en CLIS (classe d’intégration scolaire spécialisée) soit 2,7% des
adoptés, la moyenne en France étant de 1,8% ;
- 17 en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté) ;
- 5 en IME (institut médico-éducatif).
Parfois les parents sont réticents pour une orientation qui peut s’avérer bénéfique : « Je
craignais beaucoup le changement mais finalement je dois reconnaître que cette année
scolaire en CLIS se passe vraiment bien. Il reprend confiance en lui et a plaisir à aller à
l’école » (A5-106).
Comme pour tous les enfants handicapés ou en très grande difficulté, il n’est pas toujours
facile d’abord de trouver une solution, et ensuite de trouver une place : « Mon fils a été sorti
de l’enseignement public avec une mauvaise orientation en institut non adapté et j’ai dû
chercher pendant trois ans avant de trouver quelque chose de correct » (A5-117), « …a été
scolarisé en Belgique, faute de place dans une structure spécialisée » (A5-118).
19
80 % des parents considèrent qu’il y a eu amélioration. Les principaux soutiens qui permettent
une amélioration sont : le soutien psychologique (25% des cas), le soutien des parents et des
enseignants (21%) ou un suivi orthophonique (20%). Les divers types de difficultés varient
peu avec l’âge à l’adoption
5.1. Influence de l’âge à l’adoption et du genre
0
20
40
60
80
biologiques Avant un an de 1 à 6 ans 7 ans etplus
âge adoption
Garçons
Filles
Figure 5.1. Proportions d’enfants en difficulté selon le genre et l’âge au moment del’adoption comparé aux enfants biologiques (annexe A4.11)
Les garçons biologiques ont deux fois plus de difficultés que les filles. Cet écart s’atténue
pour les enfants adoptés. La proportion d’enfants en difficultés augmente sensiblement avec
l’âge au moment de l’adoption (figure 5.1). Ce qui peut s’expliquer par un maintien plus long
en institution ou famille d’accueil ou un parcours affectif plus chaotique. Ces traumatismes
peuvent rendre plus long ou plus difficile un développement harmonieux dans lequel les
relations aux parents sont sécurisées et le stress mieux géré (Vinay, 2004).
5.2. Analyse des difficultés par année d’âge
Pour obtenir les résultats bruts, il faut chaque fois restreindre l’échantillon aux enfants qui
sont en cours ou ont terminé le cycle. Une autre procédure statistique permet de mieux tenir
compte des durées en cours de cycle en utilisant les courbes de Kaplan-Meier selon l’âge. Ces
taux cumulés ne tiennent pas compte des difficultés résolues. Ainsi, à 18 ans, 63% des filles
adoptés ont – ou ont eu – à un moment quelconque de leur scolarité des difficultés.
Les courbes de Kaplan-Meier (figure 5.2) montrent que les taux cumulés de difficultés à 18
ans qui sont de 11% pour les filles biologiques et de 32% pour les garçons biologiques
(différence significative, probabilité <1%) s’élèvent à 63% et 72% respectivement pour les
enfants adoptés (différence non significative entre garçons et filles adoptés).
20
0%
20%
40%
60%
80%
5 7 9 11 13 15 17 âge en années
adopt-garçon
adopt-fille
bio-garçon
bio-fille
Figure 5.2. Proportion cumulée d’élèves en difficulté par genre (biologiques et adoptés)
0%
20%
40%
60%
80%
5 7 9 11 13 15 17 âge en années
Europe
Am-lat
France
Afrique
Asie
Figure 5.3. Proportions cumulées d’élèves adoptés en difficulté selon l’origine
Les proportions cumulées d’élèves adoptés en difficultés selon l’origine géographique (figure
5.3) sont semblables (différence non significative) pour l’Amérique latine, l’Afrique et la
France. Les difficultés sont moindres pour l’Asie et plus élevées pour l’Europe de l’Est dont
la courbe s’arrête à 14 ans car il n’y a plus assez d’enfants plus âgés. Mais pour l’Europe de
l’Est, il s’agit le plus souvent d’enfants adoptés plus âgés que pour les autres origines, or la
proportion cumulées de difficultés croît avec l’âge à l’adoption, 55% de difficultés pour les
enfants adoptés avant 1 an, 60% pour ceux qui ont été adoptés entre 1et 3 ans, 73% entre 4 et
6 ans, 89% pour les adoptés à 7 ans ou plus.
21
6. L’attente des parents et des enseignants
6.1. Enseignants et parents : des attentes très diverses
« Pour les parents, la réussite scolaire signifie capacité d’insertion dans la vie sociale, pour de
nombreux enseignants, elle s’apprécie avant tout au travers des savoirs qui ouvrent à une
culture commune » (Thélot, 2004). L’attente des parents est diverse, des parents dont les
enfants n’ont pas poursuivi leurs études au-delà d’un BEP ou même un CAP semblent
satisfaits, alors que d’autres parlent d’échec scolaire pour des enfants poursuivant un
enseignement général en lycée. Certains parents sont déçus du parcours scolaire de leurs
enfants malgré leurs capacités normales.
Ce sont les parents qui ont le plus confiance dans les capacités scolaires de leurs enfants,
parfois, ils constatent à regret, combien leurs enfants manquent de confiance en eux. Les
enfants sont considérés en échec par 13% des parents contre 17% des enseignants et 18% des
enfants eux-mêmes. Seuls 9 % des enfants sont considérés en échec scolaire par tous les
acteurs.
Pour la majorité des parents (61%), les enseignants montrent compréhension et écoute :
« Notre fils a maintenant 8 ans et demi, en CP, vers la fin du mois d’octobre, la maîtresse
nous disait qu’il faudrait peut-être le laisser jouer un an de plus, plutôt que de le faire
travailler à la maison » (A5-11) ; « les enseignants ont su être à son écoute, s'adapter à son
caractère entier, enthousiaste et elle a évolué de façon étonnante » (A5-115). D’autres
parents sentent les enseignants démunis et désemparés face aux difficultés de leurs enfants
(voir A5-58 et 71).
6.2. L’attente des parents
« Dans la population française la proportion de diplômés du supérieur croît avec la CSP, dans
la population enquêtée la profession du père adoptif ne semble pas avoir d’effet sur la
proportion de bacheliers » (Hallifax, 2001). Ceci explique que des parents adoptifs diplômés
puissent être déçus par les choix de leurs enfants :
« Notre fils (adopté à 2 ans, âgé de 26 ans) vit actuellement en couple avec une jeune fille
diplômée IUT. Ils ont une petite fille de deux ans et il est bien intégré dans la société,
pensons-nous. Nous avons toujours été persuadés qu'il avait beaucoup de possibilités
intellectuelles mais qu’elles ont été gaspillées. » (A5-128)
« Considéré avant l'adoption, à 8 ans en France, comme épileptique, n’a plus eu aucun
problème de santé après l'adoption. […] Pour nous, ses parents il semblait que malgré les
difficultés rencontrées, il était intelligent, énergique et débrouillard. Actuellement, à 18 ans, il
22
a un BEP de couvreur-zingueur, une intégration sociale excellente, des relations normalisées
avec tout le monde. » (A5-138)
Ces exemples montrent que l’attente des parents pour que l’enfant réussisse sa scolarité n’est
pas nécessairement un facteur de déséquilibre pour l’enfant.
7. Discussions : comparaison avec d’autres études
7.1. Crèche ou famille d’accueil ?
Pour les enfants nés en France, 31% de ceux qui ont été adoptés avant l’âge de un an étaient
en famille d’accueil et 69% de ceux adoptés après un an. Pour les enfants adoptés avant un an,
ce sont le plus souvent des enfants abandonnés à la naissance, le taux cumulé de difficultés est
supérieur pour les enfants en pouponnière (64%) à celui des enfants en famille d’accueil
(43%). Bien que l’écart soit non statistiquement significatif, il est en faveur de ce que Malek-
Yonan (2005) recommande pour les enfants adoptés avant un an : une famille d’accueil
formée permet une prise en charge plus stable et continue et favorise l’attachement ultérieur
de l’enfant. On peut s’étonner que cette pratique ne soit pas évaluée et généralisée si elle
s’avère bénéfique.
La situation est complètement différente à l’étranger où les orphelinats prédominent, sauf en
Amérique latine.
7.2. Pour en finir avec : « à un âge donné, une classe donnée »
Ceux qui sont entrés en retard au CP ont des résultats légèrement meilleurs que ceux qui ont
sauté le CP (différence statistiquement non significative). Ainsi pour ceux qui ont été adoptés
à l’étranger à 8 ans :
- sur 5 qui ont sauté le CP, 2 sont entrés au collège à 11 ou 12 ans,
- sur 8 qui ont fait un CP en retard, 6 sont entrés au collège à 11 ou 12 ans .
La tendance étant de faire sauter le CP à ceux qui étaient scolarisés avant l’adoption, ce qui se
révèle plutôt négatif.
Les témoignages vont dans ce sens :
« Notre fils arrivé à l’âge de 5 ans a eu un début de scolarité difficile en raison de son trouble
de l’attention et de son agitation […] Il a redoublé la grande section de maternelle car il était
impensable de lui apprendre à lire alors qu’il ne parlait pas le français. Le CP a été
chaotique, le CE1 bon, et le CE2 très bien. […] Aujourd’hui, à 9 ans il est devenu posé,
calme et concentré. » (A5-23).
« Antoine est arrivé à 9 ans de Pologne ne sachant ni lire ni écrire et avec des problèmes de
dyslexie.[…] il est rentré directement au CE1 vu son âge. Il a été ballotté d’école en école et
ne s’est jamais adapté correctement à la vie scolaire. » (A5-93)
23
Les commissions scolaires assimilent parfois à un retard mental, un retard dû aux conditions
de vie des enfants, avant leur arrivée en France (Chicoine, 2003, p.16) ; on cherche trop
souvent à les orienter (à tort) vers des sections spécialisées : « L’Académie nous a convoqués
devant une commission qui a décidé d’orienter notre fils en CLIS. Nous avons refusé et
l’avons inscrit en grande section de maternelle dans une école privée. L’année suivante il a
intégré un CP et a appris à lire sans difficulté. » (A5-97).
« Le plonger d’emblée, s’il est arrivé à l’âge de la scolarité, dans cet univers d’acquisitions
revient à lui demander de courir, de sauter, de franchir des obstacles ou de lancer un poids
sans se préoccuper de lui fournir les préalables osseux et musculaires sans lesquels de tels
mouvements sont évidemment impossibles. Aider le jeune sur le plan cognitif, consiste donc
avant tout à le mettre dans des situations où il puisse exercer les mécanismes de pensée qu’il
devrait posséder en fonction de son âge réel mais qu’il possède peu ou mal » (Lemay, 1993).
Ces résultats, comme les exemples cités ci-dessus, amènent à préconiser que tout enfant
puisse débuter le cycle élémentaire au CP, et ce quel que soit son âge, comme au collège où
tous les élèves commencent par la 6ème, quel que soit leur âge. Ensuite, il peut sauter des
classes et rattraper partiellement son retard. Cette pratique, déjà très répandue, mérite d’être
généralisée.
7.3. La suite de la scolarité est trop hypothéquée par un échec au CP
Les résultats montrent que le CP est une classe déterminante pour la suite de la scolarité. Un
retard au CP entraîne un retard au collège qui se traduit souvent par une orientation en cycle
court (lycée professionnel ou apprentissage). Or les enfants adoptés qui sont en retard parce
qu’adoptés tardivement n’ont a priori aucune raison d’avoir des capacités intellectuelles
diminuées. On retrouve le constat fait dans la population scolaire générale : parmi les
redoublants du CP, seul un enfant sur dix obtiendra le BAC, 4 sur 10 n’obtiendront aucun
diplôme (Caille, 2004). Les statistiques nationales confirment que « la réussite de la scolarité
élémentaire dépend avant tout du niveau de compétences à l’entrée au CP » (Caille et
Rosenwald, 2006).Ces observations posent le problème de la capacité du système scolaire à
s’adapter à des élèves « différents ».
7.4. L’adoption favorise la réussite scolaire
Une conclusion erronée serait de penser que l’adoption est défavorable aux enfants. Des
enfants adoptés entre 4 et 6 ans après avoir été victimes de maltraitance et de lourdes carences
ont gagné 13,8 points de quotient intellectuel (QI de 77,6 avant l’adoption à 91,4 en moyenne,
5 à 10 ans après l’adoption). Parmi les difficultés, les faiblesses d’acquisitions spatio-
temporelles sont celles qui sont le mieux résorbées. Celles du langage le sont également, mais
24
dans une moindre mesure (Duyme et al, 1999). Des enfants nés en France dans les années
1960 et adoptés avant l’âge de 6 mois ont des QI et des réussites scolaires proches de ceux
obtenus par les enfants biologiques dans les mêmes classes sociales (Schiff et al, 1978).
Les enfants nés et adoptés en France ont des performances supérieures aux enfants placés à
l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et non adoptés. Dans une étude sur le devenir de 49 jeunes
adultes de 19 à 34 ans ayant quitté l’ASE, seuls 32% ont au moins un CAP, alors que les deux
tiers ont été séparés de leur famille avant l’âge de 3 ans (Mouhot, 2001). Parmi les enfants nés
en France et adoptés 71% ont au moins un CAP, s’ils ont été adoptés à partir de l’âge de 3 ans
et 83% de ceux qui ont été adoptés avant l’âge de 3 ans (tableau 7.1). Une autre étude sur 131
adultes passés par l’ASE (dont 15 adoptés) nés autour de 1950 et étudiés 35 ans plus tard
montre que seuls 25% ont un diplôme supérieur au certificat d’études (Corbillon et al, 1990).
Seulement 40% des jeunes ayant quitté l’ASE ont un degré de socialisation qui paraît
suffisant ; Mouhot, psychologue de l’ASE met en avance les traumatismes liés aux relations
pathologiques à leurs parents et la séparation d’avec eux qui « touchent fondamentalement au
désir de vivre, à la confiance dans la parole et à l’estime de soi ». Les traumatismes sont
ressentis très différemment par chaque enfant, mais la double appartenance familiale
(biologique et d’accueil) est insupportable pour beaucoup et les amènent, dès qu’ils le
peuvent, à rompre avec une des deux familles (Mouhot, 2001).
Tableau 7.1. Proportion des adoptés nés en France de plus de 18 ans ayant obtenu un diplômeà partir du CAP (annexe A4.13), comparés aux enfants non-adoptés de l’ASE.
âge à l’adoption non adoptés, ASE0-2 ans 3 ans et + Mouhot, 2001
au moins un CAP à 18 ans 83% 71% 32%Effectif 36 14 49
Une méta-analyse à partir de 62 études montre que le quotient intellectuel (QI) des enfants
adoptés est plus élevé que celui de leur fratrie non-adoptée et leurs performances scolaires
sont meilleures. L’adoption a donc un impact positif sur le développement cognitif des
enfants. Cependant une partie des enfants adoptés connaît des problèmes d’apprentissage
(IJzendoorn et al, 2005).
Même pour des enfants adoptés en Russie ou en Roumanie ayant souffert de privation,
l’environnement protecteur des familles adoptives permet un développement général et dans
certains cas un rattrapage du retard (McGuiness et al, 2005 ; Beckett et al, 2006).
25
7.5. Les différences entre garçons et filles
La meilleure réussite scolaire des filles s’observe dans tous les pays (Ouellet et Lamonde,
1999). Parmi les enfants biologiques, les garçons sont logiquement déclarés plus souvent en
difficultés que les filles. Pour les enfants adoptés, l’écart se réduit pour les difficultés
déclarées par les parents (figure 5.1). Pourtant, les filles adoptées réussissent mieux que les
garçons adoptés comme cela s’observe en général.
Une différence concerne les problèmes de comportement déclarés plus souvent pour les
garçons que pour les filles. Ils dépendent de la sécurité d’attachement qui présente « une
différence statistiquement significative au désavantage des garçons. Cette différence n’est pas
liée au pays d’origine, ni à l’âge des enfants, ni à la durée depuis leur adoption. Il s’agit d’un
fait particulier puisque cette différence liée au sexe n’a pas l’habitude d’apparaître dans les
populations d’enfants non adoptés » (Tessier et al, 2004, p.17).
Dans les résultats scolaires, l’écart entre garçons et filles n’apparaît pas pour l’âge d’entrée au
collège, par contre l’écart est significatif pour les orientations après le collège, c’est donc
entre 11 et 16 ans, au moment de la puberté que cela devient manifeste.
Ces constatations sur l’adaptation différente des garçons et des filles à la situation d’adoption
nécessite des études complémentaires.
7.6. Adoption nationale et adoption internationale
Des études ont comparé les enfants adoptés à l’étranger aux enfants adoptés au niveau
national. Aux États-Unis, les enfants adoptés, nés aux États-Unis, connaissent plus de
problèmes de comportement que les enfants adoptés à l’étranger (Juffer et al, 2005). Pour les
enfants nés en France, on peut penser que pour certains les conditions prénatales ont pu être
défavorables, pour d’autres, il se peut que la stigmatisation liée à leur apparence physique
conduise à des problèmes de comportements et à des difficultés scolaires à l’adolescence
quand ils prennent conscience de leur altérité.
7.7. Les différences selon le continent d’origine
Un résultat inattendu concerne la réussite scolaire inégale selon le continent d’origine des
enfants. Au niveau des diplômes, la seule différence significative se trouve entre les enfants
adoptés en Asie et tous les autres ; les différences entre enfants adoptés en Afrique, Amérique
latine ou France ne sont pas statistiquement significatives.
La meilleure réussite des enfants adoptés en Asie se retrouve au Québec (Tessier et al, 2004).
Dans l’étude des enfants adoptés par l’intermédiaire de l’association « Amis des enfants du
Monde » où 95% des enfants viennent d’Asie, leur réussite scolaire est bonne, environ 70%
ont atteint le BAC. Les raisons de cette réussite sont certainement multiples mais les enfants
26
asiatiques bénéficient d’un a priori positif conséquence peut-être de la tradition confucéenne
qui pousse les enfants élevés dans cette tradition à aller toujours plus loin dans le
perfectionnement de leurs qualités intellectuelles6.
Cet a priori positif bénéficie aux enfants adoptés en Asie. Le tiers des adoptés devenus adultes
qui ont ressenti une différence d’attitude à leur égard déclare que l’attitude des enseignants est
ressentie trois fois plus souvent positive que négative (Halifax, 2001). C’est aussi ce que
témoigne Peyre (2003, p.20), adopté de 33 ans, d’origine coréenne : « un a priori relativement
positif dans la société française ».
Par contre pour les enfants noirs ou maghrébins, il existe une stigmatisation raciale7, la façon
dont ils sont perçus, qui est différente de la discrimination raciale, la façon dont ils sont traités
(Loury, 2003a et b). Les enfants adoptés en Amérique latine ont souvent la peau foncée, et
ceux adoptés en France ont souvent une origine étrangère8, ils sont donc concernés par ces
stigmatisations.
L’orientation après le collège des élèves entrés à 11 ans au collège et ayant accompli le cycle
en 5 ans au lieu de 4 ans peut fournir une indication sur la prise en compte des origines. Ces
élèves avec de légères difficultés qui ont redoublé une fois au collège sont majoritairement
orientés en cycle long (lycée général) s’ils viennent d’Asie, en cycle court professionnel s’ils
viennent d’Afrique ou d’Amérique latine, et de façon égale entre les deux cycles pour les
originaires de France (tableau 7.2). La différence est statistiquement significative (p=0,01, test
unilatéral de Fisher) entre Asie et autres, non significative entre France et Asie (p=0,08) et
entre France et autres (p=0,20). Les enfants originaires de France occupent une position
intermédiaire qu’on peut lier à leur origine partiellement étrangère.
Tableau 7.2. Orientation après le collège selon l’origine des élèves entrés à 11 ans au collègeet ayant accompli le collège en 5 ans.
Orientation Asie France Autres TotalCycle long 8 7 2 17Cycle court 2 9 8 19Total 10 16 10 36
6- Pr Lê Mông Nguyên, Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, juriste et politologue.7- Loury utilise le concept de race comme un concept social basé sur les différences physiques et non
comme une classification biologique.8- Parmi les enfants nés en 1961-62, abandonnés avant l’âge de 6 mois et adoptés, toutes les mèressont françaises, 58% des pères sont d’origine inconnue. Pour ceux d’origine connue, dans les deuxdépartements étudiés, la moitié sont d’origine africaine dans l’un et un tiers dans l’autre (Duyme,1981). La proportion d’enfants abandonnés de mère et/ou père d’origine africaine a augmentée depuis(Corbillon et al, 1990).
27
Kibria (2000) considère le groupe ethnique d’appartenance lié à la reconnaissance du partage
d’une histoire commune. Alors que les Américains asiatiques ont une certaine latitude pour
exprimer leur identité ethnique, les Américains avec un ancêtre africain, par contre, n’ont
qu’une seule option, l’identité noire. La situation en France n’est-elle pas similaire ?
L’enfant adopté peut avoir une image négative de ses parents qui l’ont « abandonné ». Cette
image négative peut être renforcée par une stigmatisation, liée à son apparence physique, de
son origine qui est aussi celle de ses parents naturels. L’enfant adopté peut alors ressentir de la
honte et une perte d’estime de soi, parce que l’image qu’a la société de ses parents naturels est
négative (Okun et Anderson, 1996). Or l’estime de soi et la réussite scolaire sont liés (Alles-
Jardel et al, 2000). On peut donc comprendre que la réussite des enfants dépend en partie de
ce que les adultes (les parents, les enseignants, etc.) leur offrent comme image d’eux-mêmes.
Parmi les a priori, certaines personnes présupposent des compétences liées à la culture
d’origine d’un enfant adopté. On peut évidemment s’interroger sur les parties de sa culture
qu’un enfant va conserver alors même qu’il a parfois été adopté bébé. Comme la rose du
« Petit Prince » : « Là d’où je viens… Elle était venue sous forme de graine. Elle n’avait rien
pu connaître des autres mondes ». La culture n’est pas innée, elle est induite par
l’environnement, y compris l’environnement in utero, les enfants adoptés ne sont pas venus
sous forme de graine, sans minimiser cet héritage, notamment affectif, il ne faut pas en
exagérer l’importance. La société est encline à attendre et donc à induire des comportements
culturels qui résultent de son type physique : l’enfant africain aurait le rythme dans la peau !
On peut espérer que l’école s’affranchisse de ces préjugés.
Des différences initiales dépendent des conditions de vie de chaque enfant avant son
adoption : les conditions de grossesse, les traumatismes ou les épreuves vécues avant
l’adoption, etc. Ces différences entre les enfants peuvent être initialement minimes, mais de
petits changements durables dans le comportement peuvent avoir des conséquences sur les
capacités cognitives et débuter un cycle multiplicatif qui entraîne des divergences importantes
dans les capacités cognitives futures (Dickens, 2005).
8. Conclusion
Alors qu’on pourrait penser que les enfants adoptés bébés vont avoir une scolarité semblable
aux enfants biologiques des familles adoptives, cela n’est pas toujours le cas. Les conditions
d’une égale réussite scolaire sont multiples : une grossesse sans drogue, sans alcool, sans
malnutrition, sans stress excessif ; une adoption non tardive après un séjour dans une famille
ou une institution où les besoins physiques et affectifs de l’enfant sont satisfaits.
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Quand l’une de ces conditions n’est pas remplie, la famille adoptive a une fonction
thérapeutique qu’elle accomplit avec l’aide de professionnels (enseignants, orthophonistes,
psychologues, etc.). Les enfants adoptés doivent d’abord acquérir une sécurité affective avant
d’entreprendre les apprentissages fondamentaux. Comme pour d’autres enfants affectés par
les circonstances de la vie, leur âge affectif peut être en retard sur leur âge légal. Ils ont alors
parfois besoin de plus de temps pour leur permettre de suivre une scolarité normale plutôt que
d’être orientés vers des institutions spécialisées.
Le problème de la langue n’est pas déterminant, preuve en est que les enfants nés en France
ont des performances scolaires moyennes. Pour les enfants adoptés après 7 ans, le fait de
savoir lire facilite beaucoup l’intégration scolaire même s’ils ont changé de pays et donc de
langue.
Contrairement à certaines idées reçues, adoption n’est pas synonyme de difficultés scolaires ;
près de la moitié des adoptés n’en ont pas. Si les problèmes augmentent avec l’âge de
l’adoption, on constate cependant que cette progression reste modérée ; par contre il serait
illusoire de croire qu’un enfant adopté en bas âge ne risque pas d’avoir plus de problèmes
scolaires qu’un enfant biologique. Ceux qui sont adoptés tardivement peuvent aussi obtenir
des résultats scolaires très honorables dès lors qu’on accepte qu’ils puissent avoir un ou deux
ans de « retard », voire plus, dans leur cursus scolaire, et qu’on leur reconnaît le droit de
« prendre leur temps » pour se construire. Cela nécessite une transformation de l’école car
« penser que l’école – et encore plus une école fondée sur la non-reconnaissance des
différences – puisse être un lieu de compensation des inégalités préexistantes est un paradoxe
logique. » (Gilles Brougère Professeur de sciences de l’éducation à l’université Paris-13 et à
l’Arizona State University).
Le très grand investissement des parents adoptifs, l’attention de tous les instants qu’ils portent
aux études de leurs enfants et la confiance qu’ils ont en leurs capacités, permet à la plupart
d’entre eux de surmonter les obstacles qu’ils rencontrent.
Si tous les enfants adoptés avaient les mêmes conditions prénatales et postnatales que les
enfants nés en Asie, y compris l’absence de stigmatisation, ils auraient des résultats scolaires
similaires à ceux des enfants biologiques. Pour cela, l’accent doit être mis sur le soutien
médical, parental et psychologique.
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