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L’anorexie mentale, fréquente et parfois méconnue

PAR LYDIA BOUCHER

L’anorexie, du grec anorexia (perted’appétit), est un trouble du compor-tement alimentaire (TCA) pour lequelon peut considérer deux types princi-paux : • l’anorexie psychique ;• l’anorexie physiologique

(perte d’appétit liée notamment à la perte de goût).

L’anorexie psychique ou anorexiementale est un trouble lié à une res-triction alimentaire déterminée volon-tairement, même si les causes de ces privations auto-infligées restentinconscientes pour les personnes quien souffrent. Elle est l’expressiontyrannique de l’apparence physiqueet touche en majorité les adolescentesde 12 à 20 ans. Il ne faut pas confon-dre anorexie mentale et anorexie.Dans le premier cas, le patient luttecontre la faim, tandis que, dans lesecond, il a perdu l’appétit.L’anorexie survient fréquemment à lasuite d’un régime amaigrissant quin’est pas forcément justifié du pointde vue médical. Le culte excessif de laminceur conduit les jeunes filles à sepréoccuper de plus en plus tôt de leurpoids. Toutefois, cette préoccupationprend racine chez les sujets en souf-france psychologique. L’anorexiementale résulte d’un manque deconfiance en soi et d’autonomie.

Lorsque l’adolescent ressent unecarence affective, l’anorexie est pourlui une manière de se faire remar-quer, d’attirer l’attention sur lui.Ce trouble survient souvent peu aprèsla puberté, origine de profonds bou-leversements tant physiques que psy-chiques (poussée de croissance,maturation sexuelle, passage au sta-tut d’adulte), qui sont souvent difficilesà gérer pour l’adolescent.Les troubles du comportement alimen-taire sont typiquement féminins,même si on les rencontre aussi chezles garçons, mais dans une moindremesure (1 garçon pour 10 filles).

Une vision déformée de son imageLes jeunes anorexiques ne visualisentpas leur image corporelle. Elles setrouvent toujours trop grosses et ontpeur de prendre du poids. La maigreur s’exprime par l’indice demasse corporelle (rapport du poidssur le carré de la taille) inférieur à 18.Ainsi, si l’on mesure 1,65 m, on estmaigre à 49 kg. Les anorexiques per-dent au moins 15 % de leur poidsnormal.

Le comportement anorexique estaussi fréquemment lié à une hyperac-tivité physique et intellectuelle, un tropfort investissement scolaire ou profes-sionnel, des difficultés relationnelleset souvent une humeur dépressive.

Un trouble du comportementalimentairePour la jeune anorexique, la prised’aliments est vécue comme uneagression, alors que le jeûne est vécucomme du plaisir.Ces restrictions alimentaires peuventêtre associées à de la potomanie,c'est-à-dire une consommation exces-sive d’eau, et à la prise de laxatifs,toujours en vue de perdre du poids.Certaines anorexiques souffrent ausside crises de boulimie pendant les-quelles, hors contrôle, elles avalent,en très peu de temps et sans plaisir,d’énormes quantités de nourriture et,dans la plupart des cas, se fontensuite volontairement vomir.La privation alimentaire entraîneassez vite de nombreux déficits enminéraux, en vitamines et autres élé-ments essentiels. Ceux-ci, ainsi que laperte de poids, vont induire des dérè-glements, voire des dommages, surl’organisme : perte de muscles, chutede la tension artérielle, malaise, pertede connaissance, chute des cheveux,

Il y a plusieurs causesd’anorexie. L’anorexie

mentale est de plus en plusfréquente et touche des

adolescents de plus en plusjeunes, une prise en charge

spécialisée s’impose.

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anxiété, insomnie, fatigue, frilositépermanente, perte de mémoire, dis-parition des règles (aménorrhée),décalcification. Ces dérèglementsphysiques peuvent, à terme, menacerla vie de la personne. La mortalité estproche de 6 % par décade, dans lecas de cette maladie

Toutes les classes socialesIl y a de plus en plus d’anorexiquesen France. Autrefois diagnostiquéedans les familles de classe élevée oumoyenne, l’anorexie se rencontredésormais dans toutes les couches dela population. Elle débute le plus sou-vent entre 12 et 18 ans au lieu de 15à 25 ans autrefois. En milieu hospita-lier, les thérapeutes reçoivent desanorexiques dès 8 ou 9 ans. EnFrance, 1 % des jeunes sont touchéspar l’anorexie. Il peut aussi existerune anorexie du nourrisson, qui esttrès différente. Elle est le signe d’uneperturbation fonctionnelle des centres

réflexes situés dans le cerveau. Sil’enfant n’est pas prématuré, cetteperturbation est due à des lésionscérébroméningées. L’enfant ne tirepas ou refuse le sein et la tétine.Le diagnostic et la cause de l’ano-rexie sont du ressort du spécialiste.Des adolescents présentent parfoisdes conduites alimentaires qui sem-blent anorexiques, mais qui ne sontque passagères, relevant d’un pro-blème d’attitudes d’identification àdes camarades, à des vedettes ouautres mannequins. Lorsque le troublepersiste, il doit faire l’objet d’un avisspécialisé.

La prise en chargeL’hospitalisation, souvent nécessaire,a pour objet d’aider à la reprise dupoids. L’équipe d’accompagnementcomprend un médecin, une diététi-cienne et un psychothérapeute.L’objectif de la consultation étant decombattre la peur de grossir chez la

patiente, la principale difficulté est ledéni de la maladie, avec en consé-quence un refus des traitements ; lapremière étape consiste donc à aiderla patiente à prendre consciencequ’elle souffre d’une maladie qui peutse soigner.Le traitement donne souvent desrésultats positifs, tant sur le plan psy-chologique que physique. On estimeque la guérison survient dans 50 %des cas. Les rechutes sont très fré-quentes, mais elles font partie de laprise en charge et sont prises encompte dans la démarche thérapeu-tique. Les malades gardent plus oumoins des troubles alimentaires, unpoids trop bas et une peur de grossirtrès forte. La démarche demande unegrande patience aux équipes soi-gnantes et parfois des années de luttecontinue. Il n’existe pas de traitementmédicamenteux ayant prouvé unequelconque efficacité dans cettemaladie.

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