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Page 1: LASOCIÉTÉ L’assiette des Belges sera scannée · 2013. 6. 11. · la plus vaste jamais lancée au ni-veau européen. Vendredi, la ministre franco-phone de la Santé Fadila Laanan

Le Soir Samedi 8 et dimanche 9 juin 2013

10 LASOCIÉTÉ

D e très nombreusesétudes scienti�quesmontrent que l’alimen-

tation joue un rôle majeur dansla santé, en la menaçant ou en laprotégeant : cancers, maladiescardiovasculaires, obésité, dia-bète, hypertension, voire déclincognitif sont directement in-�uencés par ce qui se trouvedans notre assiette. « C’est sur-tout une cause que l’on peut di-rectement in�uencer en chan-geant ses habitudes, alors qu’onne peut pas modi�er son patri-moine génétique », explique leprofesseur Jean Nève (ULB), undes coordonnateurs du voletbelge de l’étude Nutrinet-Santé,la plus vaste jamais lancée au ni-veau européen.

Vendredi, la ministre franco-phone de la Santé Fadila Laanan(PS) a o�ciellement parrainé lelancement de l’opération auprèsde 50.000 citoyens qui accepte-ront de scanner le contenu deleur assiette pour permettred’améliorer la politique publiquede santé. C’est en e�et en analy-sant les apports nutritionnels demilliers de personnes, enconnexion avec leur mode de vie(sport, tabagisme, antécédentsfamiliaux…) que l’on peut établirun lien clair entre ceux-ci et desconséquences pour la santé. « EnFrance, l’étude, qui a été lancée ily a quatre ans, a déjà mis en évi-dence de nombreux résultats.Ainsi, nous avons pu constaterla diminution de la consomma-tion du sel, de 10 à 8,5 g. Très ré-cemment, nous avons pu déter-miner l’insu�sance des apportsen �bres alimentaires. Nous pou-vons aussi poser des questionsspéci�ques aux participants, cequi a permis de conclure à l’inef-�cacité, voire même aux dangersdes régimes alimentaires com-merciaux comme le Dukan ou leDetox » , explique le professeurSerge Hercberg, de l’UniversitéParis 13, qui a élaboré le pro-gramme dont le volet belge estouvert aujourd’hui. En outre, le

programme permet aussi d’éva-luer l’e�et de politiques de santécomme la récente taxation dessodas et boissons sucrées dansl’hexagone.

« De manière assez surpre-nante, les dernières données surnotre alimentation dont nousdisposons datent de 2004 , ex-plique l’autre coordonnateur, leprofesseur Véronique Maindiaux(Institut Paul Lambin). Or, de-puis, la façon de se nourrir a évo-lué. Nous mangeons plus sou-vent hors de la maison, au restoet au fast-food. On constate aussil’émergence du néovégétarisme etplusieurs crises alimentaires ontmodi�é, parfois durablement,notre alimentation. Il y a aussil’impact de la crise écono-mique. »

Pour participer, les volontaires(www.etude-nutrinet-sante.be)remplissent via internet plu-sieurs questionnaires de santé,qui décrivent notamment leurétat physique, d’éventuelles ma-ladies et traitements ainsi queleurs habitudes (activité phy-sique, tabagisme). « Ces donnéessont traitées de manière con�-dentielle et protégées par des ré-seaux sécurisés » , explique leprofesseur Serge Hercberg. Es-sentiel : toute l’étude est �nan-cée et réalisée par des institu-tions scienti�ques renommées,dont le ministère de la Santéfrançais. Aucun intérêt privé,notamment issu de l’industrieagroalimentaire, n’y est associé.

Trois fois par an, via un tirageau sort, il est demandé au volon-

taire de décrire avec grande pré-cision les di�érents repas de lajournée : non seulement ce quiest bu et mangé, mais les quanti-tés précises.

Soda toujours admis à l’école« Ils peuvent mentionner la

marque exacte d’un produit, cequi nous permet de connaîtreexactement la composition dé-taillée de ce que le témoin aconsommé. Certains produitscomportent davantage de sucreou moins de calcium qued’autres » , explique Serge Herc-berg. « Le Conseil supérieur de lasanté édicte régulièrement des re-commandations d’apports ali-mentaires minimum ou maxi-mum. Il est essentiel de pouvoirvéri�er si elles in�uencent la

consommation réelle des ci-toyens » , explique Jean Nève.

La ministre de la Santé FadilaLaanan a insisté vendredi surl’utilité de disposer de telles don-nées pour aider à une meilleureprévention des maladies et àproduire « des bilans analysésdans l’espoir de contribuer à deschangements durables de notrealimentation » . En pro�tera-t-elle pour prendre des mesuresplus concrètes, comme l’inter-diction des distributeurs de sodadans les écoles ? « Ce n’est pas àl’ordre du jour. Ce débat a eu lieu.En priver les écoles serait les pri-ver de ressources qui ne peuventêtre remplacées pour l’instant. Cesera à la prochaine législature detrancher. » �

FRÉDÉRIC SOUMOIS

L’assiette des Belges sera scannéeSANTÉ 50.000 Belges sont appelés à témoigner de ce qu’ils mangent

Que mangeons-nousexactement ? Trop outrop peu ?

Le savoir permettra demieux prévenir des mala-dies comme l’obésité oule diabète.

Trois fois par an, le témoin consigne en détail dans une base de données tous les aliments choisis dans une journée. © D.R.

L e détail ne manque pas desel. Le logiciel des experts

français est très détaillé : desphotos aident par exemple le té-moin à quanti�er les quantités,s’il ne sait pas préciser combiende grammes son repas com-porte. « On peut aussi utiliserdes termes ménagers » , expliquele professeur Véronique Main-diaux, diététicienne à l’InstitutPaul Lambin. Mais la base dedonnées ne comportait aucunedes « spécialités belges »,comme les « boulettes lié-geoises » ou « boulets sauce la-pin », pas davantage que le wa-terzooi, l’anguille au vert, le �letd’Anvers ou le cuberdon. « Leschicons au gratin non plus, queles Français appellent des en-dives. Nous avons aussi dûprévoir des spécialités de bou-langerie et pâtisserie. Notresandwich mou est appelé painau lait, ils ne connaissent pasnotre pistolet du dimanche, pasplus que le craquelin ou le cou-gnou. Et n’ont qu’une vague idéede ce que nous appelons descouques à la crème. »

Pourquoi être si précis ?« Parce que si l’on écarte unepartie de ce que l’on mange,l’image de la réalité nutrition-nelle devient déformée. Or laforce de cette étude est de porter,à terme, sur un demi-million depersonnes dont, nous l’espérons,50.000 Belges francophones.C’est la taille de l’échantillon quidonne de la force aux conclu-sions que l’on peut établir surles liens entre alimentation etconséquences, négatives ou posi-tives, sur la santé. Si, faute depouvoir décrire su�sammentles aliments consommés, on né-glige un quart des apports enénergie ou en sel, on passe à côtéde l’objectif. Par exemple, beau-coup de questions se posent surles édulcorants et leur lien éven-tuel sur la prise de poids. Il estdonc essentiel de savoir qui enconsomme et en quelle quanti-té. » �

Fr.So

Cuberdon et« bouletssauce lapin »

Poisson : 70 %D’après la dernière enquête de consom-mation alimentaire, qui date de 2004,c’est le pourcentage de Belges qui neconsomment pas les quantités recom-mandées de poisson. Le Belge enconsomme en moyenne 24 g par jour etdeux Belges sur trois en consommentune fois par semaine. Mais, depuis 2004,les choses ont sans doute bien évolué…

Légumes : 10 %Selon la même enquête, la consomma-tion moyenne de légumes, crus, cuits ouen jus et potage est égale à 138 g parjour. Mais cela cache d’importantesdisparités, comme le fait que 10 % desconsommateurs en mangent plus de300 g par jour et qu’un seul Belge surtrois en mange tous les jours, ce qui esttrès recommandé pour la santé…

Graisses : 3 %Seuls… 3 % des consommateurs res-pectent les consommations maximumsde graisses saturées, soit 10 % desbesoins énergétiques. On trouve cesgraisses dans de nombreux aliments,comme le lait et le fromage (quicontiennent d’autres nutriments utiles),mais aussi dans les viennoiseries.

FR.SO

MAIS QUE MANGEONS-NOUS ?

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