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Page 1: Le congrès international de Genève

crim es q u ’un m isérable orgueil m ’a fait com m ettre. Venez, très-chers confédérés, me déliv rer des soucis du trône. Vous ob li­gerez vo tre frère , cousin, allié et confédéré repentan t

G u il l a u m e .

Je vis encore l’em p ereu r de Russie ren ­d an t la liberté aux Polonais et aux Circas- siens; l’em p ereu r d ’A utriche cédant la Vé- nétie aux Italiens et la H ongrie aux Hon­grois (ce qui é tait très beau de sa part, car il ne lui resta it pas g ran d ’chose de son em pire au trefo is si étendu). Je vis aussi le roi d ’Italie abd iquan t la couronne et enga­geant ses ex-sujets à élire G aribaldi p rési­dent de la rép u b liq u e italienne. Gela m ’étonna m oins que ce que j ’avais vu a u ­paravant, parce que je connais les goûts de V ictor p o u r la chasse. Avec des goûts pa­reils, peu t-on a im er le trône?

Enfin, ayant jeté un regard au-dessous de m oi, je vis Jean-P ierre Milaine contem ­p lan t d ’un œ il a ttendri sept ta illeurs ta il­lant dans de m agnifiques draps vert et blanc, avec un zèle et un courage digne d’éloges.

— Braves gens, s’écria Jean-P ierre Mi- laine, vous êtes de crânes b û ch eu rs; je vous félicite, vous avez bien m érité de la patrie. Seulem ent, visez à l’économie. Mon gousset se vide à vue d’œ il, et m a foi, j ’a i­me à m esurer mes dépenses à la pesan teur de m on porte-m onnaie.

Vous savez que le p roverbe d it:Suivant ta bourse G ouverne ta bouche.

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Or, c’est ici la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence devine quand ces belles choses se passeront.

R am inagrobis pense que ce sera en l’an de grâce m il-neuf-cènt-noinante neuf.

Je crois que ce sera plus tôt.Les tem ps s’approchent.A m endez-vous !

M ia o û .

Le c o n g r è s in te r n a tio n a l de G en ève.

Depuis la publication p a r le Morning Post des dépêches volées au roi de Prusse, la rédaction de la Griffe no dorm ait plus. Il fallait à tou t p rix q u ’elle m it la m ain su r quelque docum ent précieux et inédit, ou q u 'e lle fut la p rem ière à révéler au m onde le secret des délibérations d ’un Congrès quelconque.

Ce souci nous faisait m aigrir à vue d ’œil, Ram inagrobis, Rodilaril et moi. Nous étions tous trois devenus m élancoliques comme des bonnets de nu its, tristes com m e un casque à m èche su r la tête d’un gendarm e, som bres com m e le spectre de Banco su r la plage de Cour.

Sam edi passé, au m om ent o ù , des b u ­reaux d ’expédition de la Griffe, nous su r­veillions le d ép art de nos tro is-cen t-lren te- trois p o rteu rs, se présente tout-â-coup â nos youx, sans avoir frappé ii la porte, sans s’être fait annoncer, un grand escogriffe au regard m éphistophélesque, aux doigts cro ­chus, â la taille d ro ite com m e un 1.

— M essieurs, nous dit-il d ’une voix m é­ta llique don t les sons aigus v ibren t encore a m on ore ille , je connais vos soucis, vos alarm es, et je viens y p o rte r rem ède. Lundi se réu n it â Genève le Congrès in ternational p o u r l’organisation d’un service d ’infir­m iers m ilitaires. Je suis l'un des p lén ipo­tentiaires qui y assisteront e tje vous propose de transm ettre à la Griffe, jo u r par jo u r, les décisions qui y seront prises.

— Oh! ciel, m ’écriai-je.— Oh! bonheur, hu rla R odilard.— Oh! transpo rts , rug it Ram inagrobis.— M odérez votre en thousiasm e, m es­

sieu rs; je m ets une condition à ce service.— Quelle est-elle! vociférâm es-nous

d ’une seule voix.— Vous me payerez 230000 francs contre

rem ise du com pte-rendu de la dern ière séance.

Nous nous regardâm es altérés. Nous avions I fr. 73 en caisse.

M éphistophèles vit notre em barras et en so u rian t:

— M essieurs, dit-il, j ’accepte votre signa­tu re p o u r cette som m e si vous ne l’avez pas à votre disposition.

Et nous signâmes; et voilà com m ent nous pouvons vous faire connaître au jo u rd ’hui la p rem ière partie des décisions du Con­grès de Genève. J ’espère que cela va nous valoir une réputation un peu européenne.

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A l’ouvertu re de la séance de lu nd i, le secrétaire du Congrès annonce que le Con­seil fédéral invite les m em bres de la confé­rence à de grandes nopces et festins qui doivent avoir lieu au jo u rd ’hui m êm e à l’hôtel des Trois Suisses. Le reste de la séance est consacré à la validation des pou ­voirs des plénipotentiaires. M ardi, m er­credi, jeudi et vendredi, les résolutions suivantes ont été prises.

Art. I. Il sera créé au tan t de bataillons d ’infirm iers q u ’il: existera de bataillons de com battants dans un corps d ’arm ée.

Art. 2. Chaque bataillon d ’infirm iers se com posera de six com pagnies.

La p rem ière p o rte ra les seringues.La seconde, le baum e Chiron.La troisièm e, le thé suisse (qui sera seul

adm is com m e boisson dans les am bu lan ­ces).

La quatrièm e, les onguents.La cinquièm e, les instrum ents de ch i­

rurgie.La sixièm e, rien du tout. E lle se tiendra

tou jours p rête à a ider aux cinq au tres.Art. 3. II sera créé un corps sanitaire

com posé d ’au tan t de m édecins et de vété­rinaires, q u ’il y au ra d ’anim aux ou d ’hom ­m es blessés d u ran t la cam pagne. Comme le chiffre ne peu t en être établi d 'avance d ’une m anière tou t à fait exacte, on p rend ra po u r base la p roportion d’un blessé su r cinq com battants. Si ce nom bre venait à ê tre dépassé, le com m andant en chef de l’arm ée oii la p roportion ne serait p lus conform e à ces calculs, est autorisé à ap p e le r dans le corps sanitaire tous les maiges, rebontenrs. sorciers et au tre s industriels de l’espèce qui se trouveron t dans le pays.

Art. 4. L’exercice d ’une fonction sani­taire en tem ps de guerre n’em portera pas p o u r les m aiges , rebontenrs et sorciers le d ro it de p ra tiq u er en tem ps de paix.

Art. 3. P our le cas où ces m esures ne suffiraient pas, les com m andants en chef des corps belligérants sont autorisés à en ­

voyer tou te l’arm ée à l’Ecole de m édecine afin d’y ap p ren d re l’a rt de se g u érir soi- inèm e.

Art. G. A cet effet, une trêve de tro is ans sera conclue entre les belligérants. A l’ex ­piration de la trêve, les hostilités seront reprises et le corps san ita ire spécial dis­sous.

Les conférences continuent.(La suite nu prochain num éro .)

L’O b serv a teu rest charm ant. En voilà une feuille qu i n ’est pas dévergondée ! On s’aperço it q u ’elle puise ses aspirations dans le m êm e seau que MM. Pipo et Pipette, et que si elle se reconnaît les droits d ’ab îm er les gens, elle n ’entend pas concéder à ceux q u ’elle a b î­m e celui de répondre à ses am énités.

Laissons lui la parole.« Nous ne suivrons pas la Griffe su r le

te rra in méprisable où elle veut nous am e­ner, et su r lequel nous lui cédons l’ho n n eu r des arm es. Nous nous bornerons à p u b lie r p a r condescendance envers cette feuille plus banale que publique, la correspondance suivante à son adresse, et à m otiver no tre silence fu tu r vis-à-vis de ce jo u rn a l sans pudeur, en lui rappelan t que si, m êm e dans le m étier b ru ta l du troup ier, une h onora­bilité ne se bat pas avec le p rem ier chena­pa n venu, à plus forte raison la dignité de la presse n ’im plique pas à un jo u rn a l qu i se respecte l’obligation d ’en tre r en lice avec la p rem iè re fouillé dévergondée venue.

» Toutefois, com m e la Griffe, en nous tendant sa pa tte d ’origine p lus que suspecte a l’a ir de nous donner am icalem ent ses conseils. Nous lui rappellerons en re to u r, parod ian t ce petit quatra in bien connu :

0 Griffe I nu su is p o in t ton c a p r ic e fo lâ tre .Au p lu s b eau de te s jo u rs so u v ie n s-to i de la fin ;P e u t-ê tre v e r ra s - tu ton so ir d an s ton m a tin ,E tP l i iv e r d e ta v ie au p r in te m p s de ton âg e . »

Puis vient la correspondance en ques­tion qui est, en fait d ’esprit, de clarté et de correction , le superla tif du genre.

Ainsi, on y trouve les lleu rs littéraires suivantes: Q u e l b r o u il l a m i! p o u r quel b rouillam ini. A m f ig o u r iq u e s , p o u r am p h i­gouriques. Puis encore celle phrase m iro ­bo lan te:

» Je m ’abstiens de vous faire toucher de la patte tou t ce q u ’il y a de saugrenu dans votre article Eglise libre et Nouvelliste, e t je m e perm ettra i encore de vous faire o b se r­ver tiue lo rsq u ’on a six jo u rs de la sem aine e lle p récieux avantage d ’être deux ou tro is an im aux d ’accord p o u r b a rb o u ille r d ’encre une feuille de chou, on doit avoir du tem ps de reste p o u r résumer à l'aise aux m oyens d 'u tiliser ses doigts crochus d’une m anière, p lus profitable à soi-m êm e et au x p rinc ipes q u e l’on représente. Les jo u rn a u x sérieux seront à coup sû r de cet avis. »

Blague dans le coin, ce r é s u m e r a l ’a i s e m érite le p rem ier prix de rhéto rique . J ’e s ­père que l’académ ie de Tolochenaz n ’o u ­b lie ra pas les d ro its de M. L. B. à cette d is ­tinction !

Enfin, le sp irituel L. B., a u teu r de la lettre don t j ’ai lait, les ex tra its qui p récé­dent, term ine p ar un post-scrip tum m agi­que, qui a la prétention d ’être excessive­m ent sp irituel mais qui n ’est q u ’am pln- g o u riq u e (non avec un f, m ais avec ph). Le voici dans tou te sa gloire.

« P.S. S’il prenait fantaisie à la Griffe de m e d em an d er quel p rinc ipe elle représen te ,

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