Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III Faculté d’Economie Appliquée
Le groupe ARCELOR
Pierre EVEN Professeur : Monsieur Fabrice Mazerolle Mémoire de Master I, Stratégies et Finances d’Entreprise, 2005/2006
2
Table des matières
Table des matières _______________________________________________________2
Introduction _________________________________________________________3
Partie I : Le Groupe ARCELOR et sa politique industrielle ___________________5
A. Aperçu historique du groupe ____________________________________________6 L’ARBED___________________________________________________________________ 6 Aceralia_____________________________________________________________________ 8 Usinor ______________________________________________________________________ 9
B. Le groupe ARCELOR aujourd’hui ______________________________________11 Portrait synthétique du groupe __________________________________________________ 11 Chiffres clés de l’année 2005 ___________________________________________________ 15 La politique d’expansion du groupe ARCELOR à travers l’exemple de Dofasco ___________ 18
Partie II : l’avenir incertain du groupe ARCELOR_________________________19
A. Le secteur de l’acier sur un plan mondial _________________________________20 Le groupe Mittal Steel ________________________________________________________ 22
B. l’offre publique d’achat déposée par Mittal Steel___________________________24 Le fonctionnement d’une OPA __________________________________________________ 24 L’offre de Mittal _____________________________________________________________ 25 Le rôle du gouvernement luxembourgeois _________________________________________ 26
Conclusion _________________________________________________________30
Bibliographie _______________________________________________________32
3
Introduction
L’histoire de la sidérurgie Luxembourgeoise remonte à l’année 1842. On trouve au
Luxembourg les premiers gisements miniers et le Luxembourg connaît depuis cette
date une forte croissance économique. Dans la même année, le Luxembourg devient
membre du Zollverein Allemand, ce qui lui permet d’améliorer sa situation
économique.
Avec la découverte du minerai, on installe le chemin de fer afin de transporter plus
facilement le charbon. L’annexion de la Lorraine à l’Allemagne permet de faire du
Luxembourg est de la Lorraine un important bassin minier. De fortes migrations de
main-d’œuvre sont liées à cette évolution.
C’est en 1882 que fut constituée la société mère de ce que deviendra en 1911
l’ARBED. L’ARBED est la plus ancienne société du groupe ARCELOR qui lui est
officiellement fondé le 18/02/2002.
La sidérurgie fut essentielle dans le développement du Grand-Duché du Luxembourg.
C’est notamment grâce au secteur métallurgique que le Luxembourg, faisant partie
des pays les plus pauvres de l’Europe avec une population principalement rurale, a su
devenir un des pays les plus riches de l’Europe en seulement un siècle et demi. Mais
les Luxembourgeois ont payé cher l’aventure de l’ARBED. Si l’Etat Luxembourgeois
possède aujourd’hui 5,6% du capital du groupe ARCELOR ce n’est pas un hasard.
Lors de la crise du secteur métallurgique, le gouvernement luxembourgeois a jugé
nécessaire de venir à la rescousse de l’entreprise championne nationale, en instaurant
un impôt spécifique pour subvenir aux besoins financiers de l’ARBED et pour assurer
le niveau de l’emploi de l’entreprise.
Bien que le groupe ARCELOR est aujourd’hui une multinationale présente sur tous
les continents, le siège du groupe est toujours à Luxembourg. Et même dans le futur,
comme l’a récemment confirmé Guy Dollé, président de la direction générale du
groupe ARCELOR, dans une interview donnée au Luxembuger Wort, l’ARCELOR
4
ne compte pas déménager son siège social. Le groupe ARCELOR est un groupe à
tradition européenne, qui compte profiter de ce patrimoine culturel et social pour
implanter non seulement des entités productives, mais aussi un savoir-vivre
professionnel, dans ses usines dans le monde.
En tant que numéro deux des plus grands producteurs d’acier dans le monde, le
groupe ARCELOR a récemment beaucoup fait parler de lui. La bataille entre le
groupe ARCELOR et son concurrent allemand, le groupe Tyssen-Krupp, pour le
producteur Canadien Dofasco a engendré une présence médiatique énorme, du moins
au Luxembourg et en Allemagne.
Ni la taille, ni le succès industriel et financier du groupe ARCELOR ne le protègent
de ses concurrents. Le 27 janvier 2006, le groupe Mittal Steel, principal concurrent
d’ARCELOR, fait part de ses intentions de lancer une offre publique d’achat (OPA)
sur ARCELOR. Dans une Europe, qui connaît des difficultés économiques et ou les
délocalisations sont à l’ordre du jour de beaucoup d’entreprises, cette OPA a fait
beaucoup parler d’elle. D’autant plus que la possible fusion des deux groupes, Mittal
et ARCELOR, influencerait sensiblement les positions et les équilibres entre les
grands acteurs du marché mondial de l’acier.
Les perspectives de la note européenne, mais surtout luxembourgeoise, du groupe
ARCELOR restent pour l’instant plus que jamais incertaines.
6
A. Aperçu historique du groupe
L’ARBED
La création d’ARBED remonte à 1882. L’ARBED est un groupe international
appartenant aux plus grands sidérurgistes du monde.
C’est en 1911 qu’est créée la société mère ARBED S.A. Il s’agit d’un holding dont
les principaux sous-groupes sont ACERALIA, SIDMAR, ProfilARBED,
TradeARBED, Belgo-Mineira et TrefilARBED.
Les composantes du groupe exercent des activités industrielles complémentaires afin
de renforcer le pouvoir et l’autonomie du groupe. Le groupe ARBED occupe une
position de leader dans beaucoup de domaines, notamment sur le marché des
palplanches et des poutrelles. Une grande partie de l’activité du groupe ARBED est
proche de l’industrie automobile. Le groupe ARBED est considéré comme un des
leaders européens dans la production d’aciers plats. Plus récemment, le groupe
ARBED a su s’imposer dans le domaine des aciers inoxydables, secteur très
prometteur.
La politique d’expansion du groupe ARBED est étroitement liée au désir de
consolider son rôle dans la production mondiale de l’acier et du traitement du métal.
C’est dans cette optique que le groupe a décidé de s’implanter en Amérique latine et a
réussi, à travers cette implantation, à devenir l’un des premiers producteurs mondiaux
de « steelcord »1.
Le siège du groupe ARBED était au Luxembourg dès le début de son activité. Même
après la fusion avec Usinor et Aceralia pour former ARCELOR, le siège social du
groupe est resté à Luxembourg Ville.
1 Fil de fer
7
Chronologie
1882 : Constitution de la société-mère sous le nom de Société Anonyme des Hauts
Fourneaux et Forges de Dudelange2 (Grand-Duché de Luxembourg).
1886 : Début de la production d'acier Thomas à Dudelange
1911 : La Fusion des 3 sidérurgistes les plus importants du Luxembourg résulte dans
la création des l’Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelande (ARBED). L’ARBED
opère dès à présent 21 hauts-fourneaux et atteint une production de 824 500 tonnes
d’acier en 1912.
1920 : Création de TradeARBED3 et premiers pas vers l’internationalisation
1922 : Création de la Cia Siderurgica Belgo-Mineira au Brésil. L’ARBED achète des
parts sociales de la société Luxembourgeoise Paul Wurth SA, spécialisée dans
l’élaboration et la construction de machines pour le traitement du métal.
1962 : Création de SIDMAR en Belgique
1978 : Établissement de TrefilARBED en Corée
1982/83 : Restructurations importantes dans le secteur sidérurgique au Luxembourg
1985 : Participation majoritaire dans ALZ à travers SIDMAR
1991 : Inauguration d’une entreprise de TrefilARBED en Arkansas aux Etats-Unis
1992 : Prise de contrôle de l'ancienne Maxhütte (ex-RDA) et constitution de
Stahlwerk Thüringen
1993 : Réorganisation du groupe en secteurs d'activité. ProfilARBED, une filiale a
100% de ARBED, contrôlera les activités du groupe dans le secteur des aciers longs.
1993 : Reconversion vers la production d'acier électrique au Luxembourg. Le passage
à la production électrique commencera a Esch-Schifflange en 1993 en passant par
Differdange et Stahlwerk Thüringen en 1995 pour être achevé en 1997 avec Belval.
1995 : Participation majoritaire dans Klöckner Stahl, aujourd'hui STAHLwerke
BREMEN
1997 : Partenariat stratégique avec ACERALIA (anciennement CSI) en Espagne
1998 : Intégration d'ARISTRAIN en Espagne - Participation majoritaire dans Belgo-
Mineira
2 Dudelange, situé au sud du Grand-Duché de Luxembourg, triple sa population en trois décennies. Elle est élevée au rang de ville en 1907 et compte alors 10.000 habitants. 3 Le nom initial fut Columeta.
8
1999 : Reprise d'UCIN en Espagne
2000 : Cession de la participation dans Samitri
Aceralia
La fusion de trois entreprises espagnoles en 1902, à savoir Altos Hornos de Bilbao,
La Vizcaya et La Iberia, donne naissance à Altos Hornos de Vizcaya (AHV) et forme
ainsi le début de l’histoire d’Aceralia.
L’entreprise fraîchement créée devint tout de suite la plus grosse entreprise
d’Espange. Elle était située aux environs de Bilbao, proche des principales ressources
en minerai de fer, à proximité d’un port de mer.
Dans les années 1950, une deuxième société sidérurgique est fondée dans les
Asturies, la société Ensidesa. Elle renforcera davantage le développement
économique de l’Espagne dans les années ’60. En 1973, elle absorbe Uninsa et
devient une entreprise majeure sur le plan national.
En 1994 est élaboré un plan afin de renforcer la compétitivité de la sidérurgie
espagnole. Le « Plan de Competitividad Conjunto AHV – Ensides » mène en
décembre à la constitution du groupe CSI (Corporación Siderurgia Integral). La
réorganisation du groupe CSI en 1997 donne naissance à Aceralia Corporación
Siderurgia.
La privatisation du groupe rend possible l’alliance stratégique avec l’ARBED. Le
groupe va s’agrandir en reprenant le groupe Aristant, premier fabricant espagnol de
profilée ainsi que par l’achat du groupe Ucin, premier fabricant de rond pour le
bâtiment et de fil machine.
La production de 10 millions de tonnes d’acier confère à Aceralia la première place
en tant que fabricant Espagnol du secteur.
9
Chronologie d'Aceralia
1902 : Création de AHV
1950 : Création de ENSIDESA
1973 : ENSIDESA (absorption de UNINSA)
1991 : Constitution de CORPORACION de la SIDERURGIA INTEGRAL
1994 : Constitution de CSI Corporacion Siderurgica, par la mise en valeur des actifs
rentables de Corporacion de la Siderurgia Integral. Début des activités en 1995.
1997 : Création de ACERALIA CORPORACION SIDERURGICA et alliance
stratégique avec le groupe Arbed.
Usinor
En France, après la seconde guerre mondiale, afin de pourvoir faire face à la demande
de plus en plus grande en acier et en tôles, il a fallu des capitaux de plus en plus
importants. C’est donc en 1948 que naît Usinor (Union sidérurgique du Nord de la
France) qui résulte de la fusion des Forges et aciéries du Nord et de l'Est et la Société
des forges et aciéries de Denain et d'Anzin. L’outil de production de cette nouvelle
entreprise peut mieux répondre aux demandes du marché.
À la même époque, les aciéries lorraines créent, avec l’aide du plan Marshall, la
société coopérative lorraine de laminage continu, Sollac qui deviendra par la suite
Sacilor.
Les deux sociétés se sont rapidement développées dans les années 1950 et ce jusqu’à
la crise des années 1970. C’est au cours des années 70 à 80 que des concentrations
successives se sont organisées autour des deux pôles : Usinor et Sacilor.
Afin de garantir le maintien de l’activité sidérurgique en France, l’Etat français
nationalise progressivement Usinor et Sacilor en 1978 et 1981. Les entreprises sont
publiques à presque 100% à la fin de l’année 1982. Afin d’améliorer les performances
du secteur sidérurgique français que se partagent deux entreprises concurrentes dans
de nombreux domaines, l’Etat décide de fusionner les deux entreprises. Le nouveau
groupe qui porte le nom d’Usinor Sacilor fera un travail énorme afin de pouvoir
10
assurer sa propre survie. La rationalisation des outils de production ainsi que le
recentrage de la palette des produits vers le haut de gamme fera que le groupe Usinor
Sacilor pourra s’imposer en tant que troisième plus grand producteur d’acier
européen. Le groupe sera à nouveau privatisé en 1995 afin de lui donner le moyen de
poursuivre sa croissance dans les meilleures conditions.
Le groupe prend le nom d'Usinor en juin 1997. Durant la décennie 1990, Usinor fonde
sa croissance sur le resserrement de son éventail de produits vers le haut de gamme, le
renforcement de ses positions européennes, le déploiement à l'international,
notamment au Brésil, en Thaïlande et aux Etats-Unis, ainsi qu'au Japon à travers une
alliance stratégique avec Nippon Steel.
Chronologie d'Usinor
1948: Création d'Usinor, qui prend la suite des Forges et Aciéries du Nord et de l'Est
et des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de Denain-Anzin
1948 : Création de Sollac, qui prend la suite de la sidérurgie lorraine
1964 : Création de Sacilor, dont l'origine remonte au groupe Wendel
1981 : Nationalisation d'Usinor et Sacilor
1986 : Fusion d'Usinor et Sacilor
1990 : Absorption de Sollac par Usinor
1991 : Absorption d'Ugine par Sacilor
1994 : Regroupement des aciers spéciaux au sein de la holding Aster
1995 : Privatisation d'Usinor-Sacilor
1997 : Usinor-Sacilor devient Usinor
1998 : Acquisition de Cockerill-Sambre, propriétaire d'EKO Stahl
1999 : Nouvelle organisation du groupe Usinor
11
B. Le groupe ARCELOR aujourd’hui
Portrait synthétique du groupe
Le groupe ARCELOR est né en févier 2002 par la volonté de trois sidérurgistes,
Aceralia, Arbed et Usinor afin de créer un leader mondial dans l’industrie de l’acier.
Le groupe se compose de quatre secteurs principaux, à savoir Aciers Plats Carbone,
Aciers Longs Carbone, Aciers Inoxydables et ARCELOR Steel Solutions & Services
(A3S).
Le groupe ARCELOR emploie près de 95 000 personnes de 60 nationalités dans 60
pays différents.
Le groupe ARCELOR est dirigé par une direction générale composée de 8 membres.
Les pouvoirs de la direction générale sont définis par le conseil d’administration. Les
missions de la direction générale sont notamment de définir et de suivre les objectifs
stratégiques du groupe ainsi que la responsabilité des performances opérationnelles et
du respect de l’identité du groupe. Le groupe est piloté selon quatre axes principales
qui sont : les orientations stratégiques, le management du progrès, les ressources
humaines et la coordination et l’intégration.
L’organisation managériale comporte trois niveaux :
- Au niveau de la société de tête du groupe, la direction générale
- Les secteurs d’activités
- Les unités opérationnelles à l’intérieur des secteurs
Chaque secteur d’activité ainsi qu’unité opérationnelle est responsable de ses
résultats. Ceci inclut la rentabilité des capitaux employés ainsi que la maîtrise du
besoin en fonds de roulement. Les unités opérationnelles couvrent soit une zone
géographique, soit une gamme de produits ou services.
12
La structure de l’actionnariat
L’Etat Luxembourgeois est le plus gros actionnaire connu du groupe ARCELOR avec
5,62% des parts. Comme on peut le constater sur le graphique, presque 90% des
actions du groupe sont dispersées. Ce fait va jouer un rôle primaire dans la
perspective de rachat d’ARCELOR par le groupe Mittal Steel, traité dans la deuxième
partie.
4
La stratégie d’ARCELOR
Le passé récent a montré une forte concentration des clients du groupe sur certains
marchés comme l’automobile, l’emballage ou encore l’électroménager. Due a une
diminution régulière des prix de vente du secteur métallurgique en Europe, les
mesures de réduction de coûts et des politiques de restructuration n’ont pu engendrer
une augmentation des bénéfices.
Actuellement, c’est sur les marchés a fort potentiel et a forte demande de produits
métallurgiques que le groupe ARCELOR s’implante. Il s’agit avant tout du marché
sud américain et du marché chinois. La Chine a augmenté de 20% sa production
d’acier dans les années 2003 et 2004, tendance qui s’est prolongée en 2005 et semble
toujours se prolonger au cours de l’année 2006.
4 Source : www.ARCELOR.lu
13
Le groupe ARCELOR est très présent en Amérique du sud, et plus spécifiquement au
Brésil. C’est notamment au Brésil que le groupe a réalisé en 2005 plus de 25%5 de
son bénéfice net. Le Brésil constitue aujourd’hui pour l’ARCELOR l’un des
principaux sites ou le groupe investi fortement afin de consolider sa position face à la
concurrence. Environ 1/5 de la production totale d’acier du groupe ARCELOR
provient du Brésil. Actuellement, le groupe est en train de construire de nouveaux
hauts-fourneaux afin de faire face à l’augmentation des besoins en acier du Brésil,
estimé à 9% pour l’année 2006. Les 15 sites que le groupe ARCELOR gère par
l’intermédiaire de sa filiale CST au Brésil ne bénéficient pas uniquement du boom du
marché sud américain. Les usines les plus importantes sont situées très proche de
l’océan Atlantique, ce qui facilite le ravitaillement en matières premières, mais aussi
le transport des produits finis vers des destinations du monde entier. Le groupe
ARCELOR compte doubler ses capacités de production sur le marché brésilien au
cours des prochaines années.
Le groupe ARCELOR compte prolonger sa stratégie de concentration dans le moyen
et long terme. Le groupe ARCELOR poursuit une stratégie d’acteur global, tant sur la
présence géographique des composantes du groupe que sur les produits proposés par
le groupe. L’objectif durable est de bénéficier de l’effet de taille pour proposer une
offre globale en réduisant les coûts et les risques financiers. La création de valeur
pour les actionnaires, les clients et les salariés est essentielle, surtout dans le climat
actuel d’incertitude face à l’OPA de Mittal Steel.
Quelques éléments clés de la mise en œuvre de la stratégie d’ARCELOR sont :
- L’optimisation du schéma industriel européen qui est actuellement en déclin. Ceci
dans le but d’augmenter la flexibilité et la compétitivité sur le marché européen.
- Réorganiser les investissements afin de désinvestir des secteurs non stratégiques
afin de pouvoir réinvestir ses fonds dans des domaines plus rentables
- Afin de répondre aux demandes de clients globaux, offrir les mêmes produits et
services partout dans le monde
5 Source : émission télé « Top Tema » de RTL Télé Lëtzebuerg du 30/03/06
14
- Assurer la croissance du groupe par des acquisitions, ciblées dans le but de
renforcer la présence géographique
À part la politique purement industrielle et la localisation des entreprises de
production, le groupe ARCELOR mise sur ARCELOR Steel Solutions and Services
(A3S) pour son développement futur. La production de produits métallurgiques est
pour la plupart standardisée. Les producteurs de plus petite taille, surtout dans les
pays émergeants, n’ont pas de difficultés à produire ces produits. Les grands groupes
comme ARCELOR doivent de se fait réorienter leur production vers le haut de
gamme, mais surtout vers les produits de service. Ces produits sont souvent très
intensifs en recherche et développement, surtout avec la panoplie de normes
environnementales qui s’imposent depuis quelques années dans tous les secteurs.
Le groupe ARCELOR et le développement durable
La politique industrielle du groupe ARCELOR est fortement liée au concept de
développement durable, comme il est défini dans le rapport Brundtland de 1987. La
protection de l’environnement constitue un défi majeur, surtout pour les industries
lourdes souvent confrontées à de gros investissements financiers et humains afin de
respecter les régulations très strictes. Le groupe ARCELOR, depuis sa création en
2002, a poursuivi sa politique environnementale et atteint aujourd’hui un taux de
valorisation des déchets de 95%. Le groupe ARCELOR a réduit de 18% ses émissions
en CO2 en Europe depuis 1990 afin d’être conforme aux exigences des plans
nationaux.
Le groupe ARCELOR a récemment signé un accord avec les syndicats européens et
mondiaux stipulant l’application des mêmes normes sociales et environnementales
partout au sein du groupe. Ainsi, le taux de fréquence d’accidents du travail a pu être
baissé au cours de l’année 2004. La politique de responsabilisation de chaque ouvrier
du groupe, débutée en 2003, semble porter ses fruits.
Mais le groupe ARCELOR se préoccupe aussi des conditions de vie des personnes
avoisinant ses sites de production. ARCELOR soutient des projets culturels et
15
pédagogiques aux alentours de ses usines dans les pays ou les systèmes de sécurité
sociale n’existent que peu ou pas du tout.
Chiffres clés de l’année 2005
Pour le groupe ARCELOR, l’année 2005 fut une année excellente en matière de
résultats. Le résultat net consolidé du groupe ARCELOR au 31 décembre 2005
s’élève à 3 846 millions d’euros contre 2 314 millions d’euros pour l’année 2004. Le
chiffre d’affaires consolidé du groupe augmente de 8,1% (3,9% à périmètre
comparable) de 30 176 millions en 2004 à 32 611 millions d’euros en 2005. La figure
suivante reprend le chiffre d’affaires réalisé par secteur principal.
6
La hausse du chiffre d’affaires réalisé en Amérique du Sud s’explique principalement
par la consolidation d’Acindar (Aciers long au Carbone, Argentine) et de CST (Aciers
plats au carbone, Brésil) pour l’ensemble de l’année. La figure suivante reprend la
répartition géographique du chiffre d’affaires en 2005.
6 Source : www.ARCELOR.lu
16
7
Évolution de l’endettement financier net
Les dépenses d’investissement s’élèvent à 1,1 milliard d’euros pour l’Europe et à 2
milliards d’euros pour l’expansion du Groupe au Brésil. L’endettement total fut
considérablement réduit en passant de 2 512 millions d’euros pour 2004 à 1 257
millions d’euros au 31 décembre 2005.
Aciers plats au carbone
Le chiffre d’affaires de l’activité Aciers Plats au Carbone augment de 3,3% pour
l’année 2005. C’est l’effet de prix de 12,7% qui a largement compensé l’effet volume
négatif de 9,4%. Il reste à noter que la baisse des volumes a concerné l’industrie
générale en 2005.
Le groupe ARCELOR a volontairement baissé les expéditions afin d’ajuster l’offre du
groupe à la consommation. La consommation a baissé durant les deuxième et
troisième trimestres de l’année 2005.
L’augmentation du chiffre d’affaires s’explique entre autres par une meilleure gestion
des coûts, à travers les stocks et des mesures de restructurations. Les prix de vente
moyens, quant à eux, furent supérieurs à ceux de 2004.
La production d’acier brut du groupe ARCELOR passe de 31,9 millions de tonnes en
2004 à 32,9 millions de tonnes pour l’année 2005. 7 Source : www.ARCELOR.lu
17
Aciers longs au carbone
Pour les aciers longs au carbone, les volumes totaux restent stables, tandis qu’un effet
de prix de 10,7% explique l’augmentation du chiffre d’affaires de presque 400
millions, ce qui revient à 12% à périmètre comparable. Les exportations de l’Europe
ont chuté de 17,5% tandis que ceux du Brésil et de l’Argentine ont augmenté
sensiblement.
Aciers inoxydables, alliages et plaques spécifiques
Le chiffre d’affaires de ce secteur baisse de 12% pour l’année 2005. Une demande
faible ainsi que l’érosion des prix de base expliquent la baisse de volumes. Le résultat
brut opérationnel qui passe de 258 millions d’euros en 2004 à 173 millions pour
l’exercice 2005 s’explique par la hausse des coûts du Nickel de 15% ainsi que par le
niveau élevé des stocks et de ce fait une production très faible.
ARCELOR Steel Solutions & Services (A3S)
Malgré une forte baisse des volumes, le secteur A3S se porte plutôt bien avec un
chiffre d’affaires qui augmente de 4,7%. Cette hausse est notamment due à une
augmentation des prix de vente et une gestion active du portefeuille d’activités d’A3S
par des cessions mineures et la consolidation de nouvelles unités.
18
La politique d’expansion du groupe ARCELOR à travers
l’exemple de Dofasco
Le groupe ARCELOR est sans interruption en train de consolider sa position de
leader mondial dans la production de l’acier. Le récent exemple concernant le rachat
du groupe canadien Dofasco illustre très bien le désir d’expansion afin de maintenir
les parts de marchés mondiaux.
À côte d’une gamme de produits métallurgiques complets, Dofasco est la clé du
marché automobile nord américain. C’est notamment ce rôle très important du
producteur d’acier Dofasco qui a fait que les offres du groupe ARCELOR et du
groupe Allemand ThyssenKrupp s’enchaînaient.
Les infrastructures de Dofasco sont en effet très récentes et Dofasco est le premier
producteur d’acier au Canada. Dofasco exploite aussi des sites aux Etats-Unis et au
Mexique. Dofasco détient 98,7% de Quebec Cartier Mining (QCM). QCM exploite
des sites d’extraction minière non négligeables au Canada.
Le marché nord américain est un marché très prometteur et l’implantation sur ce
marché constitue un avantage majeur pour ARCELOR par rapport à la concurrence.
En effet, le groupe TyssenKrupp compte toujours s’implanter sur le marché nord
américain. Cette implantation sera par contre nettement freinée vu qu’il lui faudra soit
construire lui-même des sites d’exploitation, soit racheter des entreprises plus
anciennes qu’il faudra par la suite moderniser.
Le rachat de Dofasco a coûté à ARCELOR la somme de 3,95 milliards d’euros, soit
71 dollars canadiens par action. ARCELOR, au 21 février, avait acquis 88,38%8 des
parts de Dofasco.
L’action d’ARCELOR a connu une hausse immédiate de 2,31% suite au rachat.
8 Source www.dofasco.ca
20
A. Le secteur de l’acier sur un plan mondial
Le secteur de l’acier est un secteur actuellement que peu concentré. Les besoins
grandissants des puissances émergeantes, et plus particulièrement de la Chine, font
cependant qu’il s’agit d’un secteur d’activité qui connaît une forte croissance. Les
besoins en produits métallurgiques, ainsi qu’en matières premières, croissent à un
niveau sans comparable depuis une vingtaine d’années.
Le secteur est en perpétuelle évolution due à des rachats et des cessions de sites de
production. La préoccupation majeure de tous les acteurs du secteur est de s’implanter
durablement sur les marchés jugés a fort potentiel. On l’a clairement vu pour le
groupe ARCELOR avec les sites au Brésil et les alliances stratégiques, notamment
avec Nippon Steel.
Le tableau suivant reprend les 10 premier producteurs au monde.
Production (Millions de tonnes)
Mittal Steel 59 ARCELOR 51
Nippon Steel 32 JFE 31
Posco 31 Shangai BaoSteel 21
US Steel 21 Corus 19 Nucor 18
ThyssenKrupp 18 9
Il faut remarquer que les deux leaders du tableau, le groupe ARCELOR et le groupe
Mittal Steel, ne représentent que 10% de la production mondiale d’acier.
En termes de bénéfices réalisés en 2005, le groupe ARCELOR occupe la première
place suivie de Nippon Steel qui a augmenté son bénéfice de 84% sur les 9 premiers
mois de 2005. Les prix élevés des produits d’acier sont la raison principale pour ce
9 Source : Valeurs actuelles numéro 3610, 3/9 février 2006
21
résultat extraordinaire. Mittal Steel n’occupe que la troisième place du classement en
termes de bénéfice.
Les deux plus gros producteurs se livrent des batailles économiques sans cesse.
ARCELOR, qui est présent surtout en Europe de l’Ouest à cause de son histoire, se
voit concurrencé par Mittal Steel dans les pays de l’ex-Union Soviétique. Mittal Steel
s’est implanté très rapidement et très largement en Europe de l’Est. Nippon Steel
pourra connaître, dans les prochains ans, une très forte croissance vu qu’il a
l’avantage géographique sur le marché le plus intéressant pour l’instant.
Il est très difficile de brosser un portrait durable du secteur, car il évolue
quotidiennement. Les fusions et les rachats sont très nombreux depuis début 2006,
vraisemblablement stimulés par la fusion qui s’annonce entre Mittal Steel et
ARCELOR.
Il est cependant clair que les besoins en produits métallurgiques suivent les taux de
développement et d’industrialisation. Au début du siècle dernier, le bassin de la Ruhr
et l’Alsace furent les centres européens, sinon mondiaux, de la production d’acier. Ce
n’est évidemment plus le cas aujourd’hui. Les sites de production se rapprochent de
plus en plus des consommateurs, bien que la main d’œuvre meilleure marché y joue
aussi son rôle. Le syndicalisme en Europe, et les contraintes légales et réglementaires,
ont sans doute facilité l’émergence des entreprises originaires de pays moins
développés où personne ne connaît les 35 heures.
La mondialisation est une réalité dans le secteur sidérurgique. La survie à moyen et
long terme des entreprises pionnières du secteur dépendra de leur capacité à rester
concurrentiels face aux entreprises émergeantes comme Mittal Steel, et de leurs
stratégies d’implantation sur de nouveaux marchés.
22
Le groupe Mittal Steel
Selon le site officiel du groupe, Mittal Steel serait le plus grand et les plus global
producteur d’acier mondial. Le groupe Mittal Steel emploie actuellement 225.000
personnes de 45 nationalités différentes.
L’histoire du groupe Mittal est en fait celle de son PDG, Lakshmi Mittal. Depuis
environ 16 ans Monsieur Mittal crée son empire par des rachats et des fusions
successives. Le rachat de l’aciérie de Trinidad et Tobago en 1989 marque le début de
cette aventure. Mittal s’est spécialisé sur le rachat d’entreprises en difficulté, souvent
a bon prix, pour après les moderniser et les rentabiliser. Grâce a cette technique, le
groupe a pu se développer très rapidement et générer des bénéfices non négligeables.
Ce n’est qu’en 2004 que le groupe Mittal Steel naît de la fusion de LNM Holding et
de Ispat International ainsi que du rachat simultané de l’Américain International Steel.
L’ancien numéro un mondial dans la production d’acier, ARCELOR, doit céder sa
place à Mittal Steel. Le chiffre d’affaires du groupe Mittal Steel pour l’année 2005 est
aux environs de 22 milliards d’euros.
La particularité du groupe Mittal Steel est qu’il est détenu a hauteur de 87% par la
famille Mittal.
Le groupe Mittal Steel est originaire d’Inde, comme son PDG Lakshmi Mittal. Le
groupe est une société de nationalité nerlandaise, cotée sur le NYSE et Euronext.
Le groupe Mittal Steel doit son succès à la ténacité de son PDG dans les veines
duquel « coule de l’acier liquide », selon Businessindia.
Le groupe Mittal Steel produit la même gamme de produits que son concurrent
ARCELOR. La gamme regroupe tous les produits d’acier courants.
En ce qui est de la représentation géographique, le groupe Mittal Steel occupe des
lieux légèrement différents du groupe ARCELOR. Le groupe Mittal, après sa fusion
avec Ispat International en 2004, est très fort sur le continent nord américain. Le
groupe ARCELOR, rappelons-le, s’est implanté très fortement au Brésil, mais a réussi
23
à prendre pied au Canada avec la société Dofasco. En Europe, Mittal a misé sur les
pays de l’est de l’Ex Union Soviétique. ARCELOR reste prédominant dans l’ancienne
Europe, du fait de ses origines hispano-franco-luxembourgeoises.
Si l’on croit Guy Dollé, ARCELOR produit le parfum de la branche et Mittal Steel se
contente de produire l’eau de Cologne : analyse réductrice du potentiel réel de Mittal
Steel. Le groupe Mittal Steel possède des installations très modernes en Amérique du
Nord, mais bénéficie surtout d’une croissance énorme et d’une liquidité
qu’ARCELOR n’a pas. Le fait que Mittal Steel est géré à 80% par la famille Mittal
rend le groupe beaucoup plus flexible et facilite le processus de décision. Les
dirigeants d’ARCELOR doivent avant tout rendre compte aux actionnaires et ont de
ce fait une marge de manœuvre limitée par rapport à Mittal Steel.
24
B. l’offre publique d’achat déposée par Mittal Steel
Peu après la nouvelle que le rachat de Dofasco avait été remporté par ARCELOR et
non par ThyssenKrupp, le groupe Mittal Steel a fait savoir qu’il avait l’intention de
racheter le groupe ARCELOR.
L’annonce de cette offre n’a pas mal choqué les esprits européens. Tant sur un plan
sentimental que sociale, l’opinion publique ne savait pas que penser de cette offre
bien que financièrement alléchante, apparemment sans projet industriel clairement
défini.
Le fonctionnement d’une OPA
Il s’agit de la procédure qui permet a une personne physique ou morale de faire
connaître publiquement son intention d’acquérir tout ou partie des titres d’une société
cotée en bourse. Le projet est déposé auprès de l’autorité des marchés financiers et la
cotation des titres de l’incitateur et de l’entreprise qu’il veut acheter sera suspendue
par Euronext. L’offre doit porter non seulement sur les actions mais sur tous les titres
qui donnent accès au capital de l’entreprise. L’AMF examinera les informations
procurées par l’incitateur à destination des investisseurs ainsi que les conditions de
recevabilité du projet d’OPA. Elle donnera par la suite son avis sur l’OPA.
Il faudra déposer une offre publique sur la totalité des titres si l’on a dépassé le seuil
d’un tiers du capital ou des droits de vote d’une société cotée sur un marché
réglementé. Euronext publie un récapitulatif de l’offre ainsi qu’un calendrier. Les
actionnaires pourront alors transmettre leurs ordres à leurs intermédiaires. Les ordres
sont révocables jusqu’à la date de clôture de l’offre, permettant aux actionnaires de
profiter d’éventuelles surenchères.
Il n’y a pas d’obligation pour les actionnaires d’apporter leurs titres à l’OPA.
Cependant, une OPA est souvent synonyme de plus-value pour les actionnaires.
Souvent après une OPA, les cours baissent du manque de liquidité de l’action. De ce
fait, les actionnaires ont intérêt à apporter leurs titres, même si l’OPA semble peu
25
attrayante. Il s’agira d’une simple précaution afin de garantir le maintien de la valeur
de son portefeuille.
Remarquons par contre qu’il s’agit d’un raisonnement purement théorique.
L’offre publique d’échange (OPE)
L’OPE comme son nom l’indique ne porte pas sur du cash, mais sur un conversion de
titres d’une entreprise dans ceux d’une autre. Cette conversion peut s’accompagner
d’une prime, qui elle est payée en liquide. L’OPE permet à des entreprises de
bénéficier de croissance externe sans trop vider leurs caisses. Le bénéfice net par
action de l’initiateur est cependant fortement dilué du fait de l’augmentation du
nombre de titres. Pour l’actionnaire, cette pratique a l’avantage qu’il échappe a la
taxation de plus value réalisées lors de l’opération, vue que les titres qu’ils reçoit ne
sont pas imposables.
L’offre de Mittal
Mittal Steel a annoncé un plan d’OPA sur ARCELOR à la date 27 janvier 2006. Le
montant global de la transaction s’élève à 23 milliards de dollars, soit 18,6 milliards
d’euros. Mittal offre une prime de 35,25 euro et l’échange de 5 actions ARCELOR
contre 4 actions Mittal Steel. L’action ARCELOR se trouve de ce fait valorisée à
28,21 euros, bien en dessous de son cours actuel de 32,56 euros.10 Il faut cependant
clarifier que le cours de l’action, avant l’annonce des plans de Mittal, fluctuait autour
des 21 euros.
Le conseil d’administration du groupe ARCELOR c’est tout de suite prononcé contre
cette offre, caractérisé d’hostile.
L’offre de Mittal, bien qu’elle ait choqué les esprits du grand public, na guère
impressionnée les spécialistes, les stratégies d’ARCELOR et de Mittal Steel étant
comparables sur de nombreux points. Il est clair que les numéro un et deux de la
10 Cours Bourse de Paris au 3/4/’06
26
production d’acier ont un objectif commun : atteindre la taille qui leur permette d’être
le leader global sur le marché de l’acier. Le chiffre clé que l’on retrouve souvent dans
la littérature est la production totale de 100 millions de tonnes par an. Actuellement,
les deux groupes font chacun à lui seul un peu plus que la moitié de ce chiffre : en
l’additionnant tout simplement, on l’atteindrait facilement.
Le cours de l’action d’ARCELOR qui n’a su augmenter que légèrement pendant
l’année 2005 invitait Mittal à lancer cette OPA. Le cours de l’action ARCELOR a
grimpé après la réapparition du titre sur la bourse jusqu’à une valeur de 29,43 euros. Il
semble donc que l’offre de Mittal cerne assez bien la valeur réelle de l’action
qu’ARCELOR n’a malgré des résultats financiers excellents, jamais su approcher.
La proposition de Mittal n’est pas accompagnée d’un plan industriel. Ce fait suscite
les principales critiques, mais aussi inquiétudes de la part des salariés du groupe
ARCELOR. Cependant, Monsieur Mittal a fait quelques remarques à ce sujet. Selon
ses propres propos, il n’envisage pas de plans de restructuration autres que ceux déjà
prévus par ARCELOR, en cas de réussite du rachat. En ce qui est du pôle recherche et
développement, il sera basé en Europe et non aux Etat-Unis comme c’est actuellement
le cas pour le groupe Mittal.
Le rôle du gouvernement luxembourgeois
Le Grand-Duché de Luxembourg est intimement lié à l’entreprise ARCELOR. De par
le passé du groupe Arbed et du fait que le siège du groupe ARCELOR est toujours au
Luxembourg, les Luxembourgeois s’identifient avec la « success story » de ce leader
de l’acier.
ARCELOR au Luxembourg représente aujourd’hui, bien que loin du temps des hauts-
fourneaux qui sillonnaient le sud du pays, plus de 5000 emplois dans des branches
différentes. Comme partout en Europe, le ralentissement économique et les
délocalisations de grandes entités de production vers des pays ou la main d’œuvre est
meilleur marché, font peur aux Luxembourgeois.
27
La nouvelle de la reprise éventuelle du groupe ARCELOR par le groupe Mittal Steel
a suscité de nombreuses réactions. L’Etat luxembourgeois, avec 5,6% de parts de
capital du groupe ARCELOR, et la position du gouvernement luxembourgeois face à
l’offre de Mittal Steel était attendue avec impatiente, non seulement des
luxembourgeois, mais aussi de tout l’actionnariat du groupe ARCELOR.
Le Premier Ministre luxembourgeois, Monsieur Jean-Claude Juncker, a tenu un
discours solennel en luxembourgeois devant la chambre des députés (Parlement) du
Grand-Duché du Luxembourg à la date du 31 janvier 2006 :
« (…) C’est de l'OPA de Mittal sur ARCELOR qu'il est question. Je sais que,
dans notre pays, on attend une prise de position claire. Or je sais également
que les marchés financiers, les analystes et les observateurs à l'étranger
attendent un discours porteur de mille nuances, un discours soi-disant
intelligent, qui tienne compte du paysage réel dessiné par la mondialisation.
C’est pour un discours clair que j’ai opté. Ce qui ne veut pas dire que ma
démarche s’inscrit dans une logique exclusivement à court terme, négligeant
les risques à moyen terme. Bien au contraire, je suis tout à fait conscient des
risques à moyen et à long terme, peut-être mieux que certains de ceux qui
prendront la parole après moi ou qui prendront la plume demain.
Cependant, dans la vie, et cela vaut tant pour la vie privée que pour l'État, on
ne peut tenir qu’un seul discours, un discours qui doit prendre en
considération tous les facteurs, tant les chances et les opportunités que les
risques. Il faut voir les chances, les chances qui se présentent clairement, et il
faut bien peser, plutôt que de les négliger, les risques qu’on pressent.
Cependant, la promenade à travers le monde du risque ne doit pas nous faire
oublier les chances et les opportunités qu'on voit nettement.
Pour le dire clairement, le gouvernement luxembourgeois n’est pas favorable
à l’OPA hostile de Mittal sur ARCELOR. (…)»
La deuxième partie du discours, prononcée en français, était destinée aux étrangers
qui suivaient avec attention le discours :
« Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
28
L’OPA de Mittal sur ARCELOR nous inspire des préoccupations très vives.
Celui qui veut construire, et celui qui veut construire ensemble avec d’autres,
bien sûr, doit construire non pas contre les autres, il se doit bâtir non pas
contre les autres, mais il doit construire et bâtir ensemble avec les autres.
Le gouvernement luxembourgeois, partenaire stratégique de la société
ARCELOR et qui veut rester partenaire stratégique, et non pas financier, de
ce grand champion de la sidérurgie européenne, n’est pas au courant et n’a
pas été mis au courant d’un quelconque concept industriel qui pouvait nous
apparaître comme pouvant être porteur.
Par conséquent, à cette OPA hostile, nous opposons l’hostilité de ceux qui
croient que l’industrie sidérurgique européenne a besoin de champions
européens (…). Par conséquent, il n’est pas dans l’intention du gouvernement
luxembourgeois, en absence d’un concept industriel national et européen qui
nous paraîtrait convaincant d’accompagner de façon positive et amicale de
l’offre publique d’achat que Mittal vient de lancer sur ARCELOR.
Nous avons dans ce pays lutté, et les Luxembourgeois dans leur ensemble et
surtout les Luxembourgeois modestes, par les moyens classiques de la
politique nationale, c’est-à-dire par l’alourdissement de la charge fiscale
reposant sur tout un chacun, à faire en sorte que la sidérurgie
luxembourgeoise reste une réalité dans ce pays. (…) »11
Les paroles du Premier Ministre furent claires et nettes. Le gouvernement français,
par l’intermédiaire de son Ministre de l’Economie, Monsieur Thierry Bretton, a pris
une position similaire accusant le groupe Mittal Steel d’une logique purement
financière et d’une reprise du groupe ARCELOR sans concept industriel.
Il faut cependant différencier le discours politique du discours économique. Le
gouvernement luxembourgeois, en refusant l’offre de Mittal Steel, a refusé une plus
value se chiffrant aux alentours d’un milliard d’euros, ce qui est équivalent au double
du budget de l’Etat réalisé en deux ans. Cette décision, si le groupe ARCELOR est
effectivement repris par Mittal, pourrait s’avérer d’erreur.
11 Source : Poratail Internet du gouverement du Grand-Duché, www.gouvernement.lu
29
Il faut aussi tenir compte du fait que ni le gouvernement luxembourgeois, ni le
gouvernement français, ne seront en mesure de s’opposer efficacement à l’OPA de
Mittal Steel si les actionnaires indépendants, qui représentent plus de 80% du capital
d’ARCELOR, sont favorables à l’OPA.
Le discours, à part de la position politique prise par le gouvernement, fait part des
interrogations qui se posent face au concept industriel de Mittal Steel.
Mittal Steel a entre-temps présenté son concept aux gouvernements Luxembourgeois,
Français et Espagnols, et des voix distinctes se font entendre. Bien que le
gouvernement luxembourgeois ne soit toujours pas convaincu du projet de Mittal
Steel, Monsieur Robert Goebbels, ancien Ministre Luxembourgeois et actuellement
député européen, a jugé qu’au contraire d’ARCELOR qui tente de rassurer ses
actionnaires par des discours prometteurs en matière de dividendes, le groupe Mittal
Steel aurait un réel projet industriel pour les composantes d’ARCELOR.
Malheureusement, le projet exacte de Mittal Steel n’est connu que par quelques rares
individus et ni les actionnaires, ni le grand public, ne pourront en juger en toute
connaissance de cause.
Suite à l’OPA de Mittal sur ARCELOR, le Parlement luxembourgeois est chargé
d’examiner le projet qui transpose en droit luxembourgeois la directive 2004/25/CE
du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques
d’acquisition. Une fois voté et à partir de son entrée en vigueur, le texte devrait
également s'appliquer aux OPA en cours, a indiqué le ministre du Budget Luc
Frieden. Dès l’adoption de cette loi, les documents d’une OPA ne devront pas
contenir que des informations financières, mais faire part également des intentions de
l'offrant sur l'activité de la société, le maintien des emplois et des dirigeants.
Il est plus que révélateur que ce texte soit soumis au Parlement peu après l’offre de
Mittal Steel, sachant que le Luxembourg est loin d’être un champion en ce qui est de
la transposition en droit national des directives européennes.
La loi devra être votée dans les premières semaines d’avril pour entrer en vigueur dès
mai 2006. Le gouvernement a par contre condamné les dispositions rajoutées par les
parlementaires qui pourraient bénéficier au groupe ARCELOR. La clause la plus
discutée, interdit à un auteur d’une OPA de soumettre à nouveau une offre sur une
société cotée au Luxembourg dans un délais de 12 mois, suite a un échec.
30
Conclusion
Comme nous avons pu le constater, le secteur de l’acier est un secteur très actif, en
perpétuel mouvement et vraisemblablement d’ici 5 a 10 ans fortement changé… ou
peut-être pas ?
Lors de son assemblée générale ordinaire du 28 avril 2006, les actionnaires du groupe
ARCELOR ont approuvé les comptes du groupe ainsi que le dividende de 1,85 euro
par action à verser aux actionnaires. Est-ce que le soutien majeur apporté au conseil
d’administration par les actionnaires est révélateur de la tendance qu’adopteront les
mêmes actionnaires face à l’OPA de Mittal Steel ? Il faut remarquer que lors de
l’assemblée générale n’étaient présents que 35% du capital environ. La vraie bataille
de survie d’ARCELOR reste à gagner.
Le groupe Mittal, selon ses propres propos, ne compte pas revoir à la hausse son offre
qui devrait être déposé aux institutions compétentes dans les prochaines semaines.
Ensuite, la balle sera dans le camp des actionnaires. À eux, et à eux seuls, de décider
s’ils souhaitent apporter leurs actions à l’offre de Mittal ou s’ils préfèrent profiter de
leur part du gâteau de 5 milliards d’euros que leur promet ARCELOR en cas de non
aboutissement du plan de Mittal. Actuellement, ils n’ont pas à se plaindre. Les actions
ARCELOR ont réalisé une performance exceptionnelle grâce à l’annonce de Mittal, et
le conseil d’administration gâte les actionnaires par un dividende énorme par rapport
à celui de l’année précédente.
Si Mittal ne parvient pas à reprendre le groupe ARCELOR, la performance de l’action
est pour le moins incertaine.
En ce qui est de la responsabilité des gouvernements, et surtout du gouvernement
luxembourgeois, elle est très discutable. Le fait de prendre parti activement dans une
procédure de marché, et de prendre officiellement position pour l’une des parties,
pour ne pas dire contre l’autre, n’arrange certainement pas les choses. Les discours
des responsables politiques n’ont en rien apporté un soutien aux actionnaires à qui
incombera la lourde responsabilité de décider de l’avenir de la sidérurgie européenne.
31
Il est tout à fait légitime de se demander si le gouvernement luxembourgeois n’avait
pas mieux fait d’adopter une position plus sage dans ce dossier, au lieu de ce
précipiter dans le refus de la proposition de Mittal dès le début. La position prise par
le gouvernement luxembourgeois est une position purement protectionniste et
politique, et ceci, sans avoir pris en considération tous les facteurs économiques et
sans considérer toutes les éventualités qui peuvent se poser dans l’une ou l’autre
hypothèse à court, moyen et long terme.
Le prix à payer pour la performance est le succès dans un monde globale est là
justement : l’on ne peut plus protéger les anciens champions nationaux. Les modèles
et les valeurs que l’on avait tant de mal à construire peuvent êtres absorbés a tout
moment et par tout le monde. Les deux egroupes, ARCELOR et Mittal, font de leurs
mieux pour tenter de convaincre l’opinion des actionnaires et l’opinion public du bien
fondé de leurs actions et de l’avenir de leur projet industriel. Laquelle des deux aura
le souffle pour jouer le jeux jusqu’à la fin, et finalement, en sortir vainqueur ?
Dans le climat actuel, l’on ne peut que spéculer sur la question si d’ici 3 à 6 mois, le
logo du groupe ARCELOR sera remplacé sur la façade de l’un des plus anciens
bâtiments du quartier de la gare du Luxembourg, ou si rien n’aura changé, du moins
pour l’instant. Mais soyons très clairs sur un point : peu importe la réussite ou la
défaite de l’OPA de Mittal en 2006, le secteur de l’acier ne cessera de bouger dans les
années a venir.
32
Bibliographie
• Sites Internet :
www.ARCELOR.lu
www.mittal-steel.com
www.rail.lu
www.wort.lu
www.rtl.lu
www.lemonde.fr
www.archivesnationales.culture.gouv.fr
www.dofasco.com
www.tageblatt.lu
www.lesechos.fr
• Rapport d’activité du Groupe ARCELOR, année 2004
• Rapport d’activité du Groupe ARCELOR, année 2005
• Rapport d’activité du Groupe Mittal Steel, année 2005
• Brochure du Groupe ARCELOR, présentation du Groupe, éditions 2004 et
2005
• L’ARBED dans la société Luxembourgeois, M. Gilbert Trausch, année 2000