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Le Regard ésotérique by Jean-Pierre LaurantReview by: Françoise ChampionArchives de sciences sociales des religions, 47e Année, No. 118 (Apr. - Jun., 2002), pp. 124-125Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116635 .

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Hohoff I'intdresse particulibrement, dans la mesure

oi0 ce pritre catholique se rdfrre & la

thdorie du valeur-travail de Marx et donne i la doctrine sociale chr~tienne une orientation clai- rement anticapitaliste.

En 1926, Bauer ridige le chapitre sur la <<question religieuse >> dans le Programme approuv6 lors de l'historique Congrbs de Linz du Parti Social-D~mocrate Autrichien. Son livre de 1927, Sozialdemokratie, Religion und Kirche, le plus important qu'il ait publi6 sur ce theme, est une d6fense et illustration du docu- ment de Linz. I1 s'agit d'un appel aux croyants et non-croyants g s'unifier dans le combat contre le capitalisme, dans la lutte pour la lib6- ration des travailleurs, laissant & l'avenir la question des diff6rentes visions du monde.

Pour cela il faut que la religion cesse d'&tre une affaire publique, le monopole d'une Staats- kirche, une Eglise d'Etat, pour devenir Privat- sache, affaire priv6e. Ce qui exige deux types de mesures radicales : l'expropriation des biens de l'Eglise et sa separation d'avec l'Etat. Il ne s'agit pas, insiste Otto Bauer, d'une attaque contre la religion, mais au contraire, d'un che- min vers la libert6 et la d~mocratie, vers la lib&- ration de la religion, comme sentiment authen- tique, de sa manipulation par la politique et l'Etat. D'ailleurs, observe-t-il, l'exigence de s6paration entre l'iglise et l'Itat n'est pas n6e avec le socialisme ou la libre-pens6e : ce sont des mouvements religieux critiques, comme les anabaptistes allemands de 1500, ou les baptis- tes anglais du XVIIe si~cle qui l'ont formulke pour la premiere fois, et sa premiere concrdtisa- tion a eu lieu dans la Constitution amdricaine de 1787, sans nullement porter prejudice aux diff~rentes communaut6s religieuses des Etats- Unis.

L'orientation de plus en plus autoritaire du gouvernement social-chr6tien autrichien, dirig6 d'abord par le pr~tre Ignaz Seipel - responsable de la repression anti-ouvrirre de juillet 1927 - et ensuite par le dictateur Dolfuss, de tendance fascisante, va provoquer chez Otto Bauer, con- traint a s'exiler du pays apr~s la sanglante d6faite des socialistes dans la guerre civile de 1934, un tournant anticl6rical.

Michael L6wy.

118.24 LAURANT (Jean-Pierre). Le Regard ~sotdrique. Paris, Bayard, 2001, 256 p.

Sous une bforme editoriale visant un public plus large que celui des seuls sp~cialistes, J.-P.L. nous offre un livre dense, drudit, pas-

sionnant. H6sitant aussi quant a son interpreta- tion d'ensemble du parcours historique du a regard 6sot6rique >. Cette hdsitation offre au lecteur la libert6 de ne pas suivre l'auteur quand il pense que ce < regard >> <t resurgit d'age en age dans des attitudes constantes tant au niveau de ses buts - r~aliser effectivement l'acc~s a l'absolu - qu'au niveau des moyens specifiques mis en oeuvre pour y parvenir >>.

En parlant de << regard isot~rique >> J.-P.L. entend << qualifier l'ensemble de la d~marche 6sot~rique >, aussi bien celle qui a prolong6 a les sp6culations thdologiques comme une gnose appuy~e sur des savoirs annexes >>, que celle qui a < pris ses marques >> par rapport a << la science rationnelle >>.

L'A. reprend a son compte les quatre 616- ments fondamentaux de la pens6e 6sot6rique d6finis par A. Faivre auxquels il en ajoute un : les correspondances entre les mondes cl61estes et la terre, la nature conque comme un &tre vivant, le r6le essentiel de l'imagination et des m~diations, I'expdrience de la transmutation, la nature de la transmission - de maitre a disciple - par l'initiation (ce dernier critbre n'est pas d6cisif chez A. Faivre).

Densit6 de l'ouvrage qui r~ussit a tenir l'ambition du projet de donner a voir comment se concr~tise la d6marche 6sot6rique, de pr~ci- ser a travers quelles filibres et r6seaux elle s'est transmise et comment elle s'est a adaptie >> aux divers ages de l'histoire humaine depuis la Grace des soci6t~s phytagoriciennes a aujourd'hui et comment elle se retrouve dans les diverses tradi- tions religieuses. L'ouvrage est ainsi judicieuse- ment construit selon trois < entr6es >> : l'axe his- torique, I'axe th~matique, la question des < m~mes yeux pour connaitre aujourd'hui ? >>. Le second axe, l'aanthologie th~matique>> traite du (< maitre et de l'initiation>> (J.-P.L. distingue trois genres de maitres: le maitre divin, les maitres mythiques, la forme humaine du maitre-divin ou a le noble voyageur a), de la symbolique du corps, de a Dieue ? >a. J.-P.L. allie ici &rudition et p6dagogie en usant de lon- gues citations trbs bienvenues.

La premiere partie dresse un vaste panorama historique. Apr~s les dvocations n6cessairement braves mais trbs suggestives des << transmis- sions >> juive, arabo-musulmane, chr~tienne, il analyse particulibrement vigoureusement les << r6volutions du savoir >> travers lesquelles se sont structuries, depuis le XVIe jusqu'au XIXe sibcle, des figures diverses de la pens~e 6sot~rique. La mise en exergue de la pr~gnance de la pens6e 6sotdrique sur tous les courants de pensde qui ont invents la modernit6 (des huma- nistes aux hommes des Lumibres en passant par

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Descartes et certains protestantismes) est fort utile.

Avec la mise en perspective historique dans la longue durde effectude par l'A., I'aujourd'hui de la troisibme partie de l'ouvrage commence au d6but du XXe siacle : avec la remise en cause du << mythe de la lib6ration de l'homme par la science >>. De longues pages sont consacr6es A Ren6 Gu6non que J.-P.L. connait particulibre- ment bien, pages de synth~se remarquables s'agissant de cerner l'itin6raire de Gu6non ins- crit dans un triple h6ritage (le traditionalisme catholique, la mthode critique scientifique, l'occultisme du XIXe si~cle), sa pens~e et l'ascendant qu'elle a pu exercer. La discussion de Gu~non avec Coomaraswamy (conservateur du mus6e des Beaux-Arts de Boston, de pbre tamoul et de mbre indienne) sur la Tradition 6ternelle et la manibre dont J.-P.L. nous la rap- porte nous font bien p6n~trer au coeur des preoc- cupations des 6sot6ristes du premier XXe sidcle : < quel statut donner aux traditions pr6-hindoues des Indes mimes ? L'approche de l'historien etait plus ouverte que celle de Gu6non qui, intA- grant toute l'histoire humaine dans un systime unitaire, s'efforgait d'dtablir une hidrarchie des origines (soulign6 par moi, F.C.), rattachant les Indes A la grande Tradition polaire primordiale, alors que les Sumdriens, aux sources de la Bible, ne seraient issus que d'un centre secon- daire. Le bouddhisme ne pouvait Atre r6duit A une pure h~t~rodoxie aux yeux d'un Oriental et Coomaraswamy sut lui d6montrer texte en main, que la voie ouverte par le Bouddha 6tait partie int6grante de la Tradition a.

Parce que J.-P.L. connait moins bien les Nouveaux mouvements religieux de ces qua- rante dernibres ann6es et que je les connais bien, son chapitre E Esot6risme et nouveaux mouvements religieux >> m'apparait 16ger en donn6es et plus que discutable. Sa ligne d'inter- pr~tation essentielle - il y a << retraitement des matdriaux> mais le regard de fond reste << inchang6 >> (p. 201) - montre ici nettement ses faiblesses ... ou plut6t n'est plus com- pens6e >> par la satisfaction d'une saisie d'ensemble de la tradition 6sot6rique ind6nia- blement forte.

La question que pose de manibre particuliA- rement aigue ce chapitre est celle des r6inter- pr6tations. Qui ne concerne d'ailleurs pas seu- lement la p6riode actuelle et J.-P.L. pose lui mime la question d'entr6e de jeu, d~s aprbs son chapitre introductif (chap. 2, a La transmission, de l'h6ritage A la r~interpr~tation >>). Mais pour la p6riode actuelle il rencontre forc6ment de front la question du << bricolage >>, du trico- tage >> a dit plus ricemment D. Hervieu-Ldger 6vitant ainsi un terme qui peut poser probl~me,

de 1'<< assemblage >> de divers mat6riaux de pro- venances diverses agenc6s pour des usages vari6s dans un moment historique precis. Ce moment, J.-P.L. l'6voque, essentiellement sous l'aspect de << l'extension de l'espace et du temps >>, mais pour estimer que la nouvelle donne, loin de << remettre en cause les modes d'approche, (...) renforce les sch6mas classi- ques d'explication (... qui restent) inchang6s, abstraction faite du retraitement des mat6- riaux >>. Cette idle force de J.-P.L. ne l'empeche cependant pas, A certains moments, de sugg6rer de v6ritables mutations qui s'opbre- raient selon une logique de << compromis >>. A vrai dire ce mot n'intervient qu'une fois (p. 195): je le relive car c'est en ce sens que j'aurais aim6 voir J.-P.L. aller plus loin. Mais J.-P.L. n'est pas sociologue mais historien et 6rudit, et dans son domaine de comp6tences son apport est fondamental. I1 apporte des donnies et certaines mises en perspectives qui, peut-Atre discutables, donnent beaucoup A penser. Plus g6n~ralement, sa manibre de pr6senter l'esot6- risme est trbs stimulante, notamment, pour ma part, quand je peux y voir A l'ceuvre la centra- litA de la pens6e hi~rarchique et de la concep- tion unitaire du monde qui, manifestement, sou- tiennent non seulement des entreprises de savoir mais 6galement des aspirations sociales.

Frangoise Champion.

118.25 LOWY (Michael).

Walter Benjamin : Avertissement d'incendie, une lecture des theses < Sur le concept d'his- toire. Paris, PUF, 2001, 137 p. (coll. << Pratiques thdoriques >>).

Les < theses Sur le concept d'histoire . de Walter Benjamin sont une suite de dix-huit brA- ves propositions et, aux yeux de M.L., 1'(< un des textes philosophiques et politiques les plus importants du XXe sidcle >>. Benjamin ne comp- tait pourtant pas les publier et ne les avait mime adressbes qu'A quelques proches, aux nombres desquels Arendt et Adorno. Elles parurent d'abord en 1942, sous la forme d'une brochure confidentielle de l'Institut de recherche sociale de Francfort exilA aux Etats-Unis, suivie d'une traduction frangaise dans les Temps modernes d'octobre 1947. Mais c'est avec la publication dans le premier recueil de l'keuvre de Benjamin, 6dit6 par Adorno en 1955, que devait s'ouvrir une discussion jamais 6puis6e sur l'interpr~tation de ce propos singulier, souvent all6gorique et dont M.L. reconnait le caractbre a 6nigmatique, allusif, voire sibyllin >> ; un d6bat encore relancA en 1974 par l'Adition des notices pr6paratoires et d'une traduction frangaise par

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