Le rle de la tectonique des plaques sur le climat
Leon doption Secteur C agrgation
Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez, Agrg prparateur, Ens
Introduction :
Lide de liens entre climat et tectonique merge ds les prmices de la thorie de la drive
des continents, dans une publication par Wegener et Kppen ds 1924.
La thorie de la tectonique des plaques a pour objet les mouvements horizontaux et verticaux
des plaques lithosphriques, sous leffet des forces aux limites de plaques et des forces de
volume. La mobilit des plaques est la consquence de la gravit (traction du slab au niveau
des zones de subduction, forces de volume) et de la dissipation du flux de chaleur interne.
Le terme climat drive du mot grec signifiant inclin. Linclinaison de laxe de rotation de la
terre par rapport au plan de lcliptique, de lordre de 23, influe sur linsolation et ainsi sur la
quantit dnergie reue en fonction de la latitude. En mtorologie, le climat est dfini par
lvolution annuelle des prcipitations et de la temprature sur une rgion donne
(diagramme ombrothermique).
Les grandes ceintures climatiques actuelles correspondent aux grands biomes (climat tempr,
continental, ocanique, aride). La distribution de la vgtation reflte le climat. Une
caractristique du climat actuel est la prsence de glaciers aux deux ples. Il sagit dune
situation irrgulire dans lhistoire de la Terre, seules 5 grandes poques glaciaires ayant t
reconnues (Huronienne, ~2.3 Ga ; terre boule de neige entre 600 et 900 Ma ; glaciation
ordovicienne, glaciation Permo-Carbonifre, et Cnozoque-Quaternaire). La prsence de
calottes rsulterait de la conjonction de conditions climatiques et tectoniques particulires,
quil sagit de dterminer.
La Terre est actuellement le sige de changements climatiques (augmentation de leffet de
serre, et de la temprature globale au cours de lre industrielle ; augmentation gnrale du
niveau eustatique). Il nexiste pas de corrlation entre les changements climatiques initis
au cours des derniers sicles et le mouvement instantan des plaques, tel que mesur par le
GPS. Les montagnes agissent la faon de barrires topographiques sur la circulation
atmosphrique, et contrlent la distribution des prcipitations (systme Himalaya-Mousson ;
Andes-El Nino). De faon transitoire, une ruption volcanique peut influencer le climat sur
quelques mois/annes, les arosols librs dans latmosphre lors des ruptions volcaniques
affectant leffet de serre et le bilan radiatif de la Terre (ex. Laki, Islande, 1786 ; Krakatau,
Indonsie, 1883). Les changements climatiques au cours du dernier cycle glaciaire-
interglaciaire ont eu lieu sans quaucun changement cinmatique significatif nait t dtect.
Lhistoire rcente de la Terre (~derniers 100 000 ans), telle que nous la connaissons, ne
semble pas indiquer de relation claire et durable entre la dynamique de la terre solide et la
mailto:[email protected]
dynamique atmosphrique/ocanique Mais quen est-il si on regarde au-del, sur une
chelle de temps plus tendue, de lordre du million dannes?
Les interactions entre tectonique et climat sont complexes. Il ne sagit pas ici dvoquer dans
les dtails comment le climat (et les diffrents agents rosifs quil contrle) influence les
processus tectoniques, mais de se concentrer exclusivement sur le rle des processus
tectoniques sur lvolution climatique. Il est cependant difficile de discriminer dans certains
cas si un changement climatique est lorigine dun changement tectonique, ou linverse.
Discuter ces limites est un point important de la leon.
Problmatique :
Est-ce que les changements climatiques lchelle du million dannes sont contrls par la
tectonique des plaques ? Comment la tectonique des plaques peut-elle influencer le climat
(par quels processus ; influence directe de la tectonique sur le climat ; influence indirecte de la
tectonique sur le climat) ? Nous limitons ici le sujet au Phanrozoque, avec une brve
incursion la fin du Protrozoque pour discuter de lhypothse de la Terre Boule de Neige.
Dmarche :
Dans un premier temps nous identifierons les principaux changements climatiques qui se sont
succd au cours du Phanrozoque, partir de quelques proxies clefs. Aprs avoir expliqu
comment le palomagntisme permet dtablir des reconstructions palogographiques, nous
chercherons identifier les phnomnes associs la tectonique des plaques, contemporains
ou proches dans le temps des changements climatiques identifis au pralable. La
contemporanit entre des processus tectoniques et climatiques majeurs suggre un lien de
cause effet, quil faut cependant remettre systmatiquement en question, lenregistrement de
tels pisodes gologiques autorisant bien souvent plusieurs interprtations.
!!! Prendre garde toujours prciser lge des vnements mentionns, et la dure des effets
de la tectonique sur le climat, surtout concernant le volcanisme !!!
1. Reconstructions paloclimatiques et palogographiques : la recherche de
relations temporelles entre tectonique et climat
A- Reconstruction des climats passs, lchelle du Phanrozoque
-Rappel du principe du 18O : le fractionnement des isotopes de lOxygne est fonction des
variations de la temprature. Utilisation des foraminifres benthiques pour reconstructions
paloclimatiques lchelle du Cnozoque/Msozoque. Laugmentation du 18O des
benthiques correspond une diminution de la temprature.
-Courbe de la variation du 18O au cours du Phanrozoque : Identification dun
refroidissement global au cours du Cnozoque, ds 30-35 Ma, 18O des benthiques augmente
de -1 5.
En 65 MA: augmentation (alourdissement) de 5.8 du 18O:
3.1 : refroidissement des eaux de fond
1.2 : dveloppement inlandsis en Antarctique
1.1 : dveloppement inlandsis dans lhmisphre nord
Le refroidissement Cnozoque vu par les isotopes de loxygne et du carbone
-Concentration en CO2 ; multitude de proxies : degr de saturation des alknones, indice
stomatique, variations du 13C de la matire organique et des carbonates, modles GCM
(Indice stomatique = nombre de stomates/nombre de cellules pidermiques : diminue avec
laugm. du CO2 atm)
-Identification dune chute du CO2 durant le Palozoque et durant le Cnozoque.
Augmentation du CO2 durant le Crtac suprieur. A la fin du Crtac, la valeur du CO2 atm
tait de 5000 ppm ; la valeur actuelle est de ~400 ppm (280 ppm avant industrialisation).
Au tableau : courbes simplifies de lvolution du 18O et du CO2 au cours du Phanrozoque
Evolution du CO2 atm au Cnozoque et au Phanrozoque. Chutes du CO2 contemporaines
des orognes.
B- Reconstructions palogographiques : le palomagntisme.
- Le principe de l'interprtation des anomalies magntiques a t tabli partir de mesures
ralises au niveau de la dorsale de Carlsberg par Vine et Matthews. Il est le suivant : les
basaltes sont mis au niveau de l'axe de la dorsale, se solidifient et cristallisent rapidement au
contact de leau et acquirent une aimantation (lie leurs minraux ferro-magnsiens), qui
enregistre la polarit du champ magntique terrestre au moment de leur formation. Le
plancher ocanique est ensuite repouss de part et dautre de la dorsale quand du nouveau
magma arrive en surface, laxe de la dorsale. Le champ magntique terrestre subit des
inversions de faon irrgulire au cours du temps. Ces inversions sont fossilises par le
plancher ocanique, et induisent des anomalies du champ magntique par rapport au champ
actuel. Les inversions de polarit ont t dates par des forages (tude de lge des sdiments
recouvrant le plancher) et des datations radio-chronologiques des basaltes et fournissent un
calendrier de louverture des ocans. Les profils d'anomalies magntiques et les cartes des
fonds ocaniques permettent ainsi de reconstituer la gomtrie des dorsales un moment
donn, et de dduire certains paramtres du mouvement relatif entre deux plaques (migration
du ple de rotation, taux d'ouverture ocaniques et asymtrie de l'accrtion).
-Les tudes de palomagntisme des roches permettent aussi de retrouver les anciennes
latitudes d'un continent, avec cependant de plus fortes incertitudes par rapport aux anomalies
magntiques du plancher ocanique. Au-del de 180 Ma, le palomagntisme est la seule
mthode pour contraindre la position des continents. Les sdiments dtritiques contiennent
eux aussi des minraux ferro-magnsiens capables de fossiliser le champ magntique au
moment de leur formation. La mesure de linclinaison du champ magntique fossile permet
davoir accs la palolatitude du milieu de dpt, selon la relation tan (inclinaison) = 2 tan
(latitude). En revanche, il est difficile de contraindre les palo-longitudes. Les incertitudes
dans les estimations des palo-latitudes varient de 1 plusieurs dizaines de degr de latitude,
selon la qualit de lenregistrement palomagntique. Ainsi, il existe une incertitude de 500
1000 km sur la position de lInde avant sa collision avec lEurasie, ce qui a de fortes
implications sur les scnarios de convergence Inde-Eurasie, et le timing prcis de la collision
en particulier.
-Au cours du Phanrozoque, 2 cycles de Wilson majeurs (i.e. ouverture, fermeture ocan,
orogne sur ~500 Ma) ; correspondant la fragmentation du supercontinent Rodinia pour le
Palozoque, et la fragmentation de la Pange pour le Msozoque et le Tertiaire. Episodes de
formation de chanes de montagnes autour de 300-400 Ma ; et au Cnozoque, avec la
fermeture de la Neotthys et de ses branches.
Au tableau : indiquer priodes douverture des ocans et priodes dorogense, avec un code
de couleur diffrent
C- Datations des provinces magmatiques gantes
-Principe de la radiochronologie (K/Ar ; Rb/ Sr) : la dsintgration des lments radioactifs
depuis la fermeture du systme considr est fonction du temps.
-Identification de plusieurs pisodes de volcanisme intense : trapps de Sibrie, Deccan,
Provinces magmatiques gantes du Parana/ Etendeka ; Otong-Java Episodes Crtac
essentiellement, forte dissipation du flux de chaleur.
Au tableau : indiquer les pisodes magmatiques principaux
Ages des principales provinces magmatiques gantes (Large Igneous Provinces) partir de
la fin du Palozoque
D- Reconstitution des flux sdimentaires
-Estimation des volumes de sdiments dans les bassins, par sismique rflexion, forages et
calages stratigraphiques. Mais seule une fraction des sdiments rods arrive dans les ocans
(50%), le reste est pig sur la plate forme continentale ou sur les terres merges. Limit
des tudes rgionales.
Flux terrigne au cours des 30 derniers MA Plusieurs interprtations possibles :
augmentation exponentielle du flux terrigne ou problme de probabilit de prservation des
sdiments ?
-Traceurs gochimiques :
-Le traceur gochimique qui permet de retracer les variations du flux sdimentaire plus
grande chelle de temps est le rapport 87Sr/86Sr dans les carbonates ocaniques (ex. test des
foraminifres). Le Sr est issu de la dsintgration du Rb. Les ions Sr2+ dans locan
proviennent soit de laltration des continents, soit de laltration du plancher ocanique au
niveau des dorsales. Les ions Sr2+ sinsrent en substitution du Ca2+ dans les carbonates, et
sont donc bien prservs lchelle des temps gologiques. Le temps de rsidence du Sr est
de lordre de 3 5 Ma, ce qui permet de mettre en vidence des variations de laltration
grande chelle de temps. Les variations du rapport 87Sr/86Sr dans les ocans peut tre
interprt de 2 faons. Les roches plutoniques, formes lentement et en profondeur, ont un
fort rapport 87Sr/86Sr, le 87Rb ayant tout le temps de se dsintgrer en 87Sr. Une augmentation
du 87Sr/86Sr ocanique correspond donc une augmentation de laltration continentale ; suite
la surrection de relief et lexhumation de roches plutoniques, ou suite un changement
climatique. Les roches volcaniques, comme les basaltes ocaniques, cristallisent rapidement,
et ont par consquent un 87Sr/86Sr faible. Une chute du 87Sr/86Sr ocanique correspondrait
donc aux pisodes de formation des dorsales ocaniques. Linterprtation de ce signal doit
donc tre couple aux reconstructions palogographiques.
-10Be : isotope cosmognique; permet dtudier les flux sdimentaires sur les 10 derniers Ma
seulement, mais avec une meilleure rsolution.
Au tableau : une courbe simplifie des variations du 87Sr/86Sr lchelle du Phanrozoque ;
courbe des flux sdimentaires du Cnozoque
Evolution du rapport 87Sr/86Sr au cours du Phanrozoque
Corolaire - Relations temporelles, synchronicit entre certains pisodes
volcaniques/tectoniques et des changements climatiques majeurs : simples concidences ou
relations de causes effet ?
Etudier les variations climatiques lchelle du cycle de Wilson/ effet de louverture-
fermeture des ocans ? de la formation des chanes de montagne ? du volcanisme ?
(Je prfre commencer par le rle des chanes de montagnes car cest plus compliqu mais
on peut commencer aussi bien par louverture des ocans.)
2. Orogenses et climat
Hypothse dun lien orogne-climat du fait de la concidence temporelle entre les priodes de
diminution du CO2 atm, les priodes de refroidissement global sur plusieurs dizaines de
millions dannes et cycles orogniques Hercynien-Alpin.
A- Laltration des chanes de montagne : un pige CO2 atmosphrique ?
Comment la formation dune chane de montagne peut-elle entraner pigeage du CO2 ?
-Un mcanisme propos est laltration des silicates, qui selon lquation chimique
suivante, permet de piger 2 molcules de CO2 par molcule de silicate altre :
Altration des silicates:
2CO2 + H2O + CaSiO3 = Ca 2+ + 2HCO3
- + SiO2
Les produits de laltration sont ensuite transports vers les ocans, o ils vont prcipiter sous
la forme de carbonate :
Prcipitations des carbonates:
Ca2+ + 2HCO3- = CaCO3 + CO2 + H2O
Le bilan final est de 1 molcule de CO2 pige pour une molcule de Silicate altre.
CO2 + CaSiO3 = CaCO3 + SiO2
Dans le cas de laltration des carbonates, le bilan est neutre.
Laltration chimique est module par dautres facteurs, troitement lis au climat :
-la temprature : une augmentation de la temprature de 10 double la vitesse
daltration des silicates.
-le rgime de prcipitations, et ltendue des glaciers.
-Une premire faon de voir le problme est de considrer quune augmentation du taux
daltration continentale aurait pour consquence la consommation de CO2 atm, et ainsi une
diminution de leffet de serre et un pisode de refroidissement climatique. La surrection
dimportants reliefs (formation de chanes de montagnes) entranerait une altration accrue
des continents, et favoriserait le pigeage du CO2 atm.
-Cependant, un refroidissement climatique, dclench par un facteur indpendant de
lvolution des chanes de montagnes, peut avoir pour consquence un rgime de
prcipitations accru dans une rgion de chane de montagne. Au niveau de la chane de
montagne, lexhumation des roches est entretenue par les phnomnes de compensation
isostatique qui accompagnent lrosion, et laltration des reliefs pige le CO2 atm. Rappelons
ici que 80% de la topographie des chanes des montagnes sont dus lrosion et la
compensation isostatique : lrosion nest pas une rponse passive la formation des reliefs
mais un acteur majeur de leur formation et volution. Il se met alors en place une boucle de
rtroaction positive, le refroidissement climatique initial tant alors amplifi par le pigeage
de CO2 atm par les processus daltration.
-Nous pointons l le problme majeur des interactions tectonique-climat : qui du changement
climatique ou tectonique a eu lieu en premier ? La rponse gologique (flux
sdimentaire)/climatique tant au final identique Les incertitudes sur le timing des pisodes
de collision et sur la mise en place des changements climatiques ne permettent pas toujours de
rpondre cette question, et il est alors facile de senfermer dans des raisonnements
circulaires (problme de poule et duf) du fait des boucles de rtroaction.
B- Signification des changements du flux sdimentaire
-Les estimations du flux sdimentaires montrent des variations qui concident temporellement
avec les pisodes de formation de chanes de montagne. Par ex., rapport 87Sr/86Sr augmente
lors des pisodes de formation de chane de montagne des cycles alpin & hercynien.
-Une augmentation du flux sdimentaire peut tre interprte soit comme le rsultat du
changement climatique, soit comme la surrection dune montagne, ou les deux, lorsque le
soulvement topographique est li la compensation isostatique qui fait suite un pisode
rosif. Du fait des boucles de rtroaction positive gouvernant les interactions tectonique-
climat, il est donc difficile de discriminer partir des seules variations du flux sdimentaire
laction de la tectonique sur le climat, ou linverse.
-Les estimations du volume total (i.e. global) de sdiments dlivr aux ocans au cours du
Cnozoque semblent premire vue en accord avec ce modle. Le volume de sdiments
terrigne augmente de faon exponentielle depuis 30 Ma environ, avec un pic au Plio-
Plistocne. A premire vue, cela est cohrent avec le refroidissement initi il y a environ 30
Ma lOligocne, correspondant au dveloppement dune calotte glaciaire au ple sud et la
formation des principales chanes de montagne associes la fermeture de la Notthys, et
avec lacclration du refroidissement global initi il y a 2.5-3 Ma par le dveloppement de la
calotte du ple nord. Cependant, les variations du 10Be sur 10 Ma ne montrent pas
laugmentation du flux espre au cours du Plio-Plistocne. Un problme important dans
lestimation du flux sdimentaire est que les sdiments terrignes sont remobiliss au cours du
temps. Plus un dpt est ancien, plus il a de chance dtre remobilis (i.e. sa probabilit dtre
prserv dans lenregistrement sdimentaire baisse). Il existe un dbat pour savoir si
laugmentation du flux sdimentaire au Cnozoque est relle, ou si elle reflte simplement la
probabilit des sdiments dtre prserv.
Si laugmentation exponentielle du flux terrigne au cours du Cnozoque venait tre
rejete, cela impliquerait de reprendre entirement la problmatique de lorigine du
refroidissement climatique entam lOligocne.
C- Le rle de la formation dune chane de montagne sur le climat : la collision Inde-
Eurasie et la mousson
La plus clbre controverse relative cette leon est celle des interactions entre le
soulvement de lHimalaya-Tibet, et les variations dintensit de la mousson indienne au
cours du Cnozoque.
Dans la situation actuelle, le rchauffement de la surface du Tibet influence le gradient de
pression atmosphrique, et donc le climat. Quen tait-il par le pass ?
Au dbut des annes 90, les datations disponibles faisaient tat dun pisode de soulvement
majeur de lHimalaya autour de 8 Ma (+/- 1 Ma), marqu par lactivation du dtachement sud
tibtain. En parallle, lenregistrement palontologique venait de rvler un changement
cologique majeur lchelle du continent indien, marqu par le remplacement des plantes
mtabolisme photosynthtique en C3 par les plantes en C4. Les mesures du 18O alors
disponibles indiquaient un appauvrissement autour de 8-10 Ma, interprt comme une
intensification des prcipitations saisonnires associes la mousson. En mer dArabie, les
sdiments plagiques de la Ride dOwen, une srie de rides bathymtriques longeant la limite
de plaque Inde-Arabie, enregistrent 8-9 Ma une augmentation majeure des abondances en G.
bulloides, le foraminifre qui, lchelle du Quaternaire, est considr comme le proxy clef
pour retracer les variations dintensit de la mousson.
Au dbut des annes 90, tout indiquait quun pisode de soulvement majeur de lHimalaya
avait eu lieu en mme temps quune phase dintensification majeure de la mousson, au
Miocne suprieur. Est-ce le soulvement de lHimalaya qui a boulevers la circulation
atmosphrique et dclench une intensification de la mousson ? Ou est-ce lintensification de
la mousson qui a provoqu lacclration du soulvement de lHimalaya ? Ce fut la premire
fois que la notion de rtroaction positive entre processus atmosphriques et tectoniques fut
propos.
Depuis, de nombreuses observations sont venues remettre en cause le scnario expos ci-
dessus, sans toutefois remettre en cause fondamentalement les mcanismes des interactions
tectonique-climat et le concept de rtroaction positive entre les processus.
Tout dabord, de nombreuses expditions de terrain ont permis de dater lactivation des
diffrents accidents de lHimalaya. Si le dtachement sud tibtain se met bien en place au
Miocne sup., de nombreuses failles se mettent en place au cours du Miocne et du Plio-
Plistocne, refltant la construction progressive du prisme orognique. Les progrs de la
thermochronologie et la densit des chantillons prlevs en diffrentes rgions ont permis de
mettre en vidence que les pisodes majeurs dexhumation des roches au sein de lHimalaya
et du Tibet avaient eu lieu autour de 35-40 Ma et de 15-20 Ma. Il reste difficile destimer les
palo altitudes dune chane de montagne. La seule mthode peu prs valide est base sur le
fait que le fractionnement de lOxygne est fonction de laltitude. Les mesures du 18O dans
les lacs Eocne-Oligocne au sommet du plateau tibtain montrent que laltitude du plateau
tait dj de lordre de 4000-5000 m il y a 35-40 Ma. Le soulvement topographique de
lHimalaya et du Tibet a donc eu lieu bien avant lintensification de la mousson 8 Ma.
Comment se fait-il quun tel dcalage temporel (au moins 10 Ma) existe entre le changement
tectonique et le changement climatique?
Plusieurs observations ont pos un doute sur la ralit dune intensification de la mousson
autour de 8 Ma, de nombreux enregistrements sdimentaires tudis au cours des annes 2000
montrant au contraire un affaiblissement de la mousson sur cette priode. De plus, le
soulvement de la ride dOwen, o le pic en abondances de G. bulloides avait t observ, a
t r-valu 8 Ma suite la collecte de nouveaux profils sismiques. Dans ce cas l, le pic de
G. bulloides ne reflte pas une intensification de la mousson, mais simplement le soulvement
de la ride dOwen au dessus de la CCD, impliquant une meilleure prservation des
foraminifres Il semblerait donc quil ny ait pas eu dintensification de la mousson 8 Ma.
Cependant, lorigine du changement cologique des plantes en C3 vers les plantes en C4
lchelle de lInde reste encore mal explique
Le dbat mousson vs croissance de lHimalaya-Tibet : synthse des observations
Les interprtations des observations lorigine du modle dinteraction tectonique-climat
propos au dbut des annes 90 ne sont donc plus valides, pour lessentiel. Faut-il cependant
rejeter les mcanismes proposs lpoque ? Des tudes rcentes montrent que la mousson se
serait initie il y a 35-40 Ma, lors des tous premiers stades de soulvement des reliefs. Le
mcanisme de rtroaction positive entre tectonique et climat reste donc valide, mais transpos
prs de 30 Ma auparavant !
Les tudes cinmatiques les plus rcentes, bases sur les anomalies magntiques de lOcan
indien, et la datation de certains vnements gologiques, suggrent que la collision Inde-
Eurasie a eu lieu il y a 47 Ma. La croissance du relief aurait donc dbut peu aprs, en mme
temps que linitiation de la proto-mousson.
Il y a en revanche eu plusieurs variations dintensit de la mousson depuis 40 Ma, qui ne
correspondent pas, de faon directe, des vnements tectoniques marqus, mais qui suivent
au premier ordre le rythme du refroidissement global.
Reconstruction de la convergence Inde-Eurasie, incertitudes lies la forme de la grande
Inde avant la collision
(-Autre exemple possible : le rift est africain, le dveloppement de la topographie associe, et
le passage la savaneetc.)
3. Cycle de vie dun ocan, volcanisme, et climat
Dans cette partie, nous abordons comment les processus tectoniques qui affectent un ocan au
cours de son histoire peuvent influencer le climat, de son ouverture sa fermeture. Nous
nabordons ici que le volcanisme associ au cycle de vie de locan, les pisodes volcaniques
lorigine des provinces magmatiques gantes tant discuts dans une partie ultrieure.
A- Le volcanisme associ au cycle de vie dun ocan et les provinces magmatiques
gantes (LIPs : Large Igneous Provinces)
-Les fortes concentrations en CO2 atm du Crtac sont corrles aux forts taux de production de
crote ocanique correspondant louverture de la Notthys et de lAtlantique, culminant
lAlbo-Aptien ; et aux pisodes de formation des provinces magmatiques gantes du
Msozoque. Le CO2 dgag au cours de ces pisodes volcaniques entrane une augmentation
de leffet de serre.
-De nombreux processus de dchirure continentale sont associs la formation de provinces
magmatiques gantes. Par exemple, la mise en place des CFB (continental flood basalts) de
lAtlantique central ds 200 Ma sur plus de 7.106 km a caus une augmentation de CO2 atm
telle que les tempratures globales ont augment de +3-4C.
-Le volcanisme intraplaque, type trapp, est aussi associ des changements climatiques,
comme ce ft le cas lors de la formation des trapps du Deccan (65 Ma) et de Sibrie (250
Ma).
-Volcanisme de subduction : continu lchelle des temps gologiques, tant que la subduction
perdure ; pas de grande variabilit compar aux LIPs etc
-Les pisodes de formation de provinces magmatiques gantes peuvent indirectement
dclencher un changement climatique. Par exemple, la province Nord Atlantique mise en
place autour de 55 Ma au niveau de la Norvge a induit un changement climatique et un
rchauffement des eaux ocaniques, qui ont eu pour consquence la dstabilisation dhydrates
de gaz pigs dans les sdiments. 1500 gigatonnes de C auraient ainsi t dlivres dans
latmosphre suite au changement climatique initial, causant lpisode de rchauffement
climatique Palocne. Laugmentation de temprature a t telle que laltration des
continents aurait t amplifie, tout comme la pompe biologique, pompant ainsi lexcs de C
dlivr dans latmosphre.
-Les pisodes volcaniques jouent sur le climat diffrentes chelles de temps : la libration de
sulfure et des cendres lors de lruption affecte linsolation lchelle de quelques
mois/annes ; la libration de gaz effet de serre affecte le climat lchelle de 105-106
annes. Dans le plus long terme, lrosion des produits du volcanisme joue le rle de pige
CO2.
Comment les ruptions volcaniques influencent le climat (diversit des interactions et
processus impliqus)
B- Les connections inter-ocaniques
-La tectonique contrle louverture et la fermeture des connections entre ocans, et ainsi le
circuit de la circulation ocanique, et le transfert de chaleur associ.
-Actuellement, la circulation ocanique est gouverne par le systme de circulation
thermohaline, qui contrle les transferts de chaleur entre les ples, sur une chelle de temps de
lordre de 1000-1500 ans. Le plongement des eaux de surface au niveau de lAtlantique Nord
constitue un puits de Carbone fondamental dans le systme climatique actuel.
-Cependant, la mise en place de la circulation thermohaline est un phnomne rcent
lchelle de lhistoire de la Terre, et fait suite la fermeture de diffrents isthmes et
connections entre les ocans, qui ont forc le dveloppement dune circulation N-S dans
lAtlantique. La fermeture des diffrentes connections sopre au cours du Miocne et du
Pliocne ; la circulation thermohaline actuelle nexiste que depuis le dbut du Plistocne
(~2.5 Ma). Le dveloppement de la calotte Arctique favorise elle-mme lisolement des
diffrents ocans, du fait de la chute drastique du niveau marin quelle a entran, et de
lmersion des terres au niveau des diffrentes connexions
Synthse des ges de fermeture des connections interocaniques
-La fermeture de la Notthys a aussi caus la fermeture de nombreuses connections. Par
exemple, la collision Arabie Eurasie entre 20 et 30 Ma a ferm la connexion entre la
Mditerrane et lOcan Indien. La consquence est la mise en place de la circulation des
Aiguilles au large de lAfrique du Sud ; entre les ocans Indien et Atlantique, enregistre par
de vastes dpts contouritiques. Une mer picontinentale a persist au front du Zagros : la
Paratthys, qui a continu dinfluencer le climat jusqu sa disparition autour de 10 Ma.
Reconstructions palogographiques et palocanographiques : fermeture de la paratthys
entre Arabie et Eurasie : dbut du dveloppement dune circulation N-S dans locan Indien
-A contrario, louverture de connections peut aussi influencer le climat. Par exemple :
-Louverture du dtroit de Gibraltar autour de 5.3 Ma a rtabli une connexion entre la
Mditerrane et lAtlantique.
-Louverture du passage de Drake entre lAntarctique et lAmrique du sud il y a
environ 30 Ma aurait permis le dveloppement dune circulation circum-polaire, qui
aurait isol thermiquement le continent antarctique, et aid la croissance de la calotte
antarctique. Louverture du passage de Drake aurait donc pu initier le refroidissement
Cnozoque ds 30 Ma, et les interactions tectonique-climat dtailles ci-
dessusMais le timing de son ouverture est soumis controverses.
-Lorsque lensemble des ocans tait connect, au Crtac, la circulation tait mridienne
(direction E-W). LOcan mondial avait une T moyenne de 15C ; 10 aux ples, pas de
glaces. Ainsi le gradient de temprature ple-quateur tait trs rduit au Crtac (p/r
lactuel), le brassage des eaux quasi inexistant (pas de circulation thermohaline), entranant
des conditions anoxiques et le pigeage de matire organique (sans grande consquence sur le
climat au vu de leffet de serre qui rgnait lpoque). La situation au Crtac tait donc
diffrente de celle du Plistocne, avec absence totale de circulation thermohaline, et
labsence de transfert de chaleur dun ple lautre. La connexion des ocans, contrle par la
tectonique, est donc un facteur majeur dans lvolution des climats.
-Les variations du niveau marin influencent aussi les connections ocaniques (favorises en
priode de haut niveau). La hausse majeure du niveau marin au Crtac, en lien avec le
dveloppement des dorsales, a eu pour consquence lextension des mers picontinentales et
locanisation du climat. Ex. Mer de Craie du Crtac en Europe.
-Au Palozoque, les variations du niveau marin contrles par la tectonique (fermeture du
rhique) + glacioeustatisme ont permis lenfouissement des forts du Carbonifre et le
pigeage de CO2 sous forme de charbon ( la limite du sujet, ne pas trop dvelopper).
4. Cycles de Wilson, Latitude des masses continentales et climat
Le palomagntisme, et ltude de la distribution des traces sdimentaires des glaciations
passes, montrent que la plupart des glaciations se sont dveloppes lorsque des continents
taient rassembls aux ples (Ordovicien, Permo-carbonifre, Cnozoque-Quaternaire).
Cependant, la prsence de continents aux ples nest pas une rgle absolue pour quune
priode glaciaire prenne place. Les tudes palomagntiques ont montr que les vestiges de la
glaciation dil y a 600-900 Ma taient pour la plupart de basses latitudes, proches de
lquateur, une poque o aucun continent ntait prsent aux ples. Cela signifie que la
Terre tait lors de cette priode entirement recouverte de glace, on parle de Terre Boule de
Neige.
La prsence de lensemble des continents aux basses latitudes a probablement favoris une
altration continentale accrue, et le pigeage de CO2. Des modles montrent que si les glaces
atteignent des latitudes de 35, alors lalbdo est tel que la machinerie semballe, et le
refroidissement permet le dveloppement de glace sur lensemble de la plante.
Conclusions : rle du climat sur la tectonique
-Les mouvements tectoniques susceptibles dinfluencer le climat seffectuent sur plusieurs
millions dannes. Difficult de dater et quantifier les mouvements tectoniques et les
changements climatiques, fortes incertitudes associes la quantification des diffrents
phnomnes. Etablir des relations de synchronicit entre vnements tectoniques et
climatiques permet de poser la question dun lien de cause effet. Parfois difficile de dire qui
de la tectonique qui du climat a contrl un changement environnemental, en particulier pour
le rle des chanes de montagne.
-Tectonique : cause directe des changements climatiques (ex. fermeture des isthmes), ou
indirecte (volcanisme, et effets associs, ex. optimum climatique du palocne). Tectonique
peut accentuer une tendance vers un changement climatique, qui a t dclench
indpendamment de la tectonique. Ex. fermeture des connections inter ocaniques au Pliocne
acclre le refroidissement global initi auparavant au dbut du Cnozoque.
-Ouverture : rle du climat sur la tectonique, sur la formation des chanes de montagnes.
Ex. Schma bilan