BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES
SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL
99 9 tiPN
LES EAUX SOUTERRAINES DANSLA PLANIFICATION DES RESSOURCES EN EAU
Communications présentées par le B . R . G . M .
au Colloque International
Coblence (R.F.A.) 2 8 août • 3 septembre 1983
Département EAU
Rapport du B . R . G . M .
83 SGN 223 EAU
BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES
SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL
B.P. 6009 - 45060 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.80.01
LES EAUX SOUTERRAINES DANSLA PLANIFICATION DES RESSOURCES EN EAU
Communications présentées par le B . R . G . M .
au Colloque International
Coblence (R.F.A.) 28 août - 3 septembre 1983
Département EAU
B.P. 6009 - 45060 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.80.01
Rapport du B . R . G . M .
83 SGN 223 EAU M « ,
Réalisation : Département des Arts Graphiques
P R E S E N T A T I O N
La tenue d'un colloque international sur les eaux souterraines dans la
planification des ressources en eau, organisé à l'initiative de l ' U N E S C O et du
Comité national de la République fédérale d'Allemagne pour le "Programme
hydrologique international", à C O B L E N C E (28 août - 3 septembre 1983) a offert
l'occasion d'exposer par des contributions du Service géologique national, nos
démarches et nos actions sur un sujet qui se situe à la fois en aval des tradi-
tionnels inventaires et évaluations de ressource à caractère monographique, et à
l'échelle de l'économie de l'eau régionale, ce qui la distingue des études à objectif
plus local et spécifique.
Il a paru opportun de réunir les cinq communications présentées, respec-
tivement par les S G R Alsace, Bretagne, Lorraine, Nord-Pas de Calais (en colla-
boration avec le Centre d'Informatique géologique de l ' E N S M P ) , le département
E A U et J. M A R G A T , en un rapport anticipant et amplifiant leur diffusion, car les
matériaux des colloques U N E S C O / P H I de ce genre, sont généralement peu distribués
et accessibles.
Les cas concrets présentés relatifs à la gestion d'importants aquifères
régionaux (nappe d'Alsace, Grès du Trias inférieur de Lorraine, calcaire carbonifère
et craie de la région de Lille) ou aux conditions particulières aux "régions de
socle" (Bretagne), illustrent bien la possibilité d'intégrer les eaux souterraines dans
la gestion régionale de la ressource en eau globale - thème du colloque - et aussi
nos capacités, encore trop méconnues, et nos approches pour analyser les conditions
et les moyens de cette intégration.
Ces contributions à "l'économie de l'eau", au plein sens du terme, s'ins-
crivent bien dans la mission de service public du B R G M / S G N dans le "domaine de
l'eau", et les concours que nous s o m m e s appelés à apporter à l'élaboration des
schémas d 'aménagement des eaux les rendent d'actualité.
J . M .
S O M M A I R E
P A G E
M A R G A T (J.). - Condition d'une implantation réelle des eauxsouterraines dans la planification de l'utilisation des ressources en eaux. 1
B E C K E L Y N C K (J.), BESBES (M.) , C O M B E S (P.), H U B E R T (P.), de M A R -SILY (G. ) ,TALBOT (A.). - Gestion des ressources en eau souterraineet superficielle - le cas de l'alimentation en eau potable de la métro-pole lilloise. 15
R I C O U R (J.), M A I A U X ( C ) . - Intégration de la mise en valeurdu réservoir des grès du Trias inférieur dans l'aménagement de laLorraine. 27
R O C H E (P.A.), T A L B O (H.), T H I E R Y (D.). - Aspects quantitatifsdes ressources en eau en région de socle - Méthodes récentes appli-quées au cas de la Bretagne, en France. 45
V A N C O N (J.P.). - Gestion de la nappe phréatique de la plaine d 'Al -sace au moyen d'une banque de données et de modèles de simulation. 63
_ 1 _
CONDITION D'UNE INTREGATION REELLE DES EAUX SOUTERRAINES
DANS LA PLANIFICATION DE L'UTILISATION
DES RESSOURCES EN EAU
par
J. MARGAT
RESUME
Les spécificités physiques de la partie souterraine des systèmes de
ressource en eau et leurs conséquences pratiques- accessibilité, modes
techniques d'exploitation et coûts de production afférents, sensibilité
aux impacts en amont comme en aval des usages- expliquent, sans cependant .
les justifier, des différences dans les statuts juridiques respectifs
des eaux superficielles et souterraines, des partages de responsabilité
et des objectifs séparés d'intervention administrative ou "économique"
sur leur gestion, voire encore des approches techniques dissociées et
non concordantes de leur évaluation en tant que ressource. Ces formes
d'"hydroschizophrénie" encore vivace sont en opposition avec l'unité
physique des systèmes, de ressource en eau qui rend les actes d'utilisation
interdépendants et elles contrarient la planification de cette utilisation
dans le réel.
L'intégration des eaux souterraines dans la "planification des ressources
en eau" risque de s'en tenir au stade de la conception et de rester sur
le pavé des bonnes intentions, sans une compréhension claire des obstacles
créés par ces cloisons superstructurelles et sans un effort pour les
réduire. On en esquisse les voies sur le triple terrain., juridique, adminis-
tratif et économique.
• • • £ •
- 3 -
INTRODUCTION
Dès lors que la phase souterraine de la ressource en eau d'un territoire
défini n'est pas négligeable et que l'exploitation d'eau souterraine
participe de manière appréciable à la mobilisation de la ressource,
le planificateur conscient de l'unicité de la ressource en eau dans
le milieu naturel et de 1'interdépendance des actes d'exploitation
qui en découle, a le souci d'intégrer les eaux souterraines dans la
"planification des ressources en eau" -c'est-à-dire la planification des
actions d'aménagement, d'exploitation et d'utilisation des eaux.
Cette attitude, conforme à une "approche systémique" est à l'opposé
de celles qui, soit négligent les eaux souterraines en tant que matière
à planification, soit les vouent à une planification séparée : ces
pratiques encore bien vivaces se relient à 1'"hydroschizophrénie" dénoncée
par B.L. NACE (1972) puis R. LLAMAS (1974).
La volonté de ne pas dissocier l'eau souterraine d'un système de ressource
en eau dont on se propose de planifier l'utilisation, ne conduit pas
cependant sur le terrain de la facilité.
Cette intégration se heurte à des obstacles de différentes natures qui
tiennent aux caractères physiques propres aux eaux souterraines, à leurs
conséquences pratiques et économiques, et à leurs répercussions juridiques,
voire culturelles : il convient de ne pas sous-estimer ces difficultés et
de bien les cerner pour les surmonter.
L'analyse des spécificités des eaux souterraines en tant que ressource,
que l'on rappellera d'abord brièvement, est un préalable à la recherche
des-voies et moyens, esquissés en conclusion, capables de créer les
conditions de leur intégration effective dans la "planification des eaux",
lorsque celle-ci est jugée souhaitable et qu'elle est voulue.
1. Spécificités des eaux souterraines en tant que sous-système de ressource
1.1. Ces spécificités tiennent d'abord aux conditions physiques propres
aux eaux souterraines, à leur occurence et à leur régime dans le milieu
naturel . Celles-ci sont bien connues et on se bornera à les énumérer :
- grande variété de dimensions (étendue, épaisseur, profondeur)
et de caractéristiques (perméabilité, porosité) des "gisements",
les réservoirs aquifères ;
- extension spatiale relativement continue (nappes souterraines),
du moins dans beaucoup d1aquifères poreux ou micro-fissurés ;
- structure non ou peu hiérarchisée des systèmes d'écoulement souterrain*
(en contraste avec les réseaux hydrographiques de surface) ;
- conjonction des fonctions conductrices (flux) et capacitives
(stock), plus ou moins différenciées toutefois par les hétérogé-
néités géologiques, et iyiQJxXÀJL hydrodynamique relative (fonction
régulatrice) qui en résulte ;
- nette opposition de régime entre les nappes à surface libre, dont
l'alimentation est surtout tributaire des conditions hydrométéorologi-
ques (elles-mêmes fort variées et variables)) et les nappes captives
profondes, stocks d'eau peu alimentés.
1.2. Ces conditions.entraînent une série de conséquences pratiques du
point de vue de l'exploitation et de la gestion des eaux souterraines :
- l'eau souterraine est souvent accz&AÂ.bZz sans requérir un travail
important dans «Les zones étendues. Une grande variété de.disposi-
tif s d'exploitation (implantation et structure des ouvrages de
captage) est concevable et praticable ; les contraintes de site
sont moindres que celles d'un réseau fluvial, sans être pour autant
négligeables : distribution hétérogène des productivités, cas des
aquifères très discontinus...
Ainsi, en pratique, l'exploitation des eaux souterraines précède,
parfois de beaucoup, les investigations et observations concouiant
à évaluer leur ressource.
»••/•••
- 5 -
- les eaux souterraines ne nécessitent pas, au même degré que les
eaux superficielles, d'aménagement de la ressource par des ouvrages
de régularisation ou de transfert ; elles se prêtent généralement
à la "prise directe" par les utilisateurs. "
- toute action directe (exploitation, injection) ou indirecte (modifi-
cation des conditions d'alimentation ou d'écoulement) sur l'eau
souterraine JLn^hLUYidQ, à des degrés divers et plus ou moins rapide-
ment, l'ensemble du système aquifère concerné, et les effets des
actions successives se cumulent. Pour les exploitations il n'y a
pas de primauté ou d'"immunité" de l'amont sur l'aval, ni des
premiers installés par rapport aux suivants. Par contre, toute
action engage l'avenir en modifiant partout les conditions initia-
les et ses incidences peuvent être très lentement réversibles.
En conséquence, un ¿y¿£e.me. aqüÁ.^eJiZ (notion hydrodynamique, non
exactement homologue de celle de bcU>&<Ln veA&CLtlt pour l'eau super-
ficielle) constitue une unité de gestion naturelle globale des
eaux souterraines.
- Les eaux souterraines de sub-surface sont &<LYlí>Á,bZ.2A à des effets
externes d'activités humaines, d'occupation du sol (urbanisation,
agriculture, dépôts superficiels, etc...) et tout particulièrement
leurs caractéristiques déterminant leur qualité (vulnérabilité
à la pollution focalisée ou diffuse).
- Le "réglage" de l'influence que l'exploitation détermine nécessai-
rement aux limites d'un système aquifère (influence qu'il faut
parfois modérer pour respecter des.contraintes exZehnZ&) impose
aussi certaines contraintes de localisation et/ou de régime (notam-
ment à faible distance de ces limites).
- Réciproquement les incidences d'une exploitation intensive d'eau
souterraine sur le régime des eaux superficielles -notamment en
étiage - peuvent être un élément déterminant de la conception des
aménagements hydrauliques de surface : la planification intégrée
des eaux superficielles et souterraines s'impose alors par leur
liaison physique.
- 6 -
- Enfin 1'évaluation de la ressource potentielle en eau souterraine
dépend beaucoup, outre de la prise en compte d'éventuelles contrain-
tes externes, du choix d'une stratégie d'exploitation .et des parts
respectives prises par la "gestion de flux" et la"gestion de stock*
dans cette stratégie.
1.3. Ces conditions physiques et pratiques ont à leur tour des conséquences
socio-économiques.
L'accessibilité d'une grande partie des eaux souterraines (nappes
étendues et peu profondes) met leur exploitation à la portée de
nombreux agents économiques individuels ou collectifs : soit direc-
tement usagers (ménages, entreprises agricoles ou industrielles),
soit producteurs et distributeurs d'eau (publics ou privés).
Cette exploitation est favorisée par la divisibilité des investis-
sements nécessaires, par la faiblesse relative des "économies .
d'échelle" que le groupement des travaux permettrait au détriment
d'une étroite adaptation des équipements à la demande, et par
la rapidité du plein emploi des ouvrages (par rapport à ceux des
ouvrages de mobilisation des eaux de surface - hormis le cas des
prises de riverains de cours d'eau - ) . Toutefois, si les investis-
sements obèrent moins la formation des coûts de production, la part
du fonctionnement est, en général, plus grande que pour l'exploita-
tion d'eau de surface. Ces coûts restent toutefois presque toujours
purement internes et ne prennent en compte aucun effet externe.
En fait, les exploitants d'eau souterraine ne situent pas leur
action à 1'échelle du système de ressource -c'est-à-dire du
système aquifère concerné - qu'ils ne se préoccupent ni d'évaluer
ni de gérer. Leurssactes ne participent chacun¿que pour une faible
part à la "gestion" de fait globale de la ressource et leurs
critères de décision sont uniquement micro-économiques (appréciation
des coûts internes d'exploitation, en fonction de leurs propres
objectifs d'utilisation de l'eau...)
•••/•••
- 7 -
Par ailleurs, lorsqu'une autorité est constituée et mandatée pour
"gérer la ressource "•et planifier cette gestion à l'échelle adéquate,
dont le champ correspond alors à une collectivité d'exploitants, suivant
des critères macro-économiques ("allocation préférentielle" de la res-
source, globalisation des coûts externes) en accord avec des objectifs
économiques prioritaires plus généraux - y compris d'aménagement du
territoire et de politique de 1 ' environnement ...-, elle est dépourvue
de moyen d'action directe sur le système de ressource (à la différence
du "gestionnaire d'un barrage" par exemple). Elle ne peut qu'orienter
les actes des agents exploitants et influencer leur comportement,
dans le sens voulu, par des moyens indirects (administratifs, incita-
tifs financiers, éducatifs...) avec des degrés d'efficacité variés -
et à tout le moins des temps de réponse assez longs...
Cette structure à deux niveaux de décision du "système économique"
d'exploitation des eaux souterraines, un seul étant à 1'échelle du
système de ressource mais sans prise directe sur lui, et un seul -
l'autre - pouvant exercer une action directe mais n'étant pas à l'échelle
du système, conditionne fondamentalement la gestion de la ressource
en eau souterraine et sa planification.
1.4. Le caractère souvent extensif des eaux souterraines, la "facilité
relative de leur appropriation, et--le caractère peu immédiatement
visible de leurs relations avec les eaux superficielles expliquent
leur statut juridique particulier.En;-pays de droit romain, notam-
ment, comme en France, la propriété de l'eau souterraine, non
identifiée aux "eaux courantes"_, et le droit de la prélever sont
en général attachés à la propriété foncière. Les restrictions
apportées à ce droit à des dates récentes et cantonees à des
zones limitées (en France, par exemple, par le décret du 8 août
1935 et ses extensions successives, de 1958 à 1981)par le régime
d'autorisation préalable de réalisation des ouvrages de captage
(à objectif d'exploitation supérieur à un débit minimal fixé),
qui réglemente le "droit d'usage", ne porte pas atteinte à la
propriété elle-même et n'institue pas une domanialité de
l'eau souterraine.
•••/••
- 8 -
Un autre régime en vigueur dans certains pays, homologue du "droit
du premier occupant", attribue la propriété de l'eau souterraine ou
le droit de son usage au premier exploitant - indépendamment de la
propriété du sol - ce qui n'est pas plus conforme aux réalités physi-
ques et n'empêche pas les influences de captages installés ultérieu-
rement à distance d'engendrer des conflits.
Les éventuels préjudices portés par un exploitant d'eau souterraine
à un autre, par le jeu des interférences, souvent malaisés à quanti-
fier et à même à prouver sans étude précise - ressortissent alors de
l'application du code civil général et des avis d'experts plus ou
moins éclairés, plutôt que de la réglementation des usages individuels
d'un bien reconnu comme collectif.
1.5. Enfin ces particularités de conditions pratiques et.économiques
d'exploitation, de sensibilités à des effets externes, et de
statut juridique des eaux souterraines, se traduisent bien sou-
vent par un sort séparé de celui des eaux superficielles dans la
répartition des compétences et responsabilités administratives
de "police des eaux" et "d'aménagement des eaux", plus ou moins
compensé en théorie par des organes de coordination.
2. Difficultés et obstacles
Les difficultés et obstacles à une intégration réelle des eaux souter- .
raines dans la ressource en eau "à planifier" découlent directement des
particularités que l'on vient de passer en revue. Ils sont donc également
d'ordres physique et pratique, économique, Juridique et administratif :
- sur le plan physique, la non concordance fréquente des champs spatiaux
des sous-systèmes de ressource respectifs en eau souterraine et en
eau superficielle pose un problème, surtout lorsque les connexions
hydrauliques entre eux sont fortes (cas de la plupart des aquifères
à nappe libre).
- 9 -
- la dissociation fréquente des "évaluations de ressource" (potentielle)
en eau souterraine et en eau superficielle, néglige leur partie
commune et souvent les contraintes réciproques que le développement de
l'exploitation de l'une et de l'autre doit entraîner, en sous-estimant
ainsi des possibilités de conflit.
- Penchant naturellement à privilégier "l1aménagement de.la ressource"
par rapport à celui des utilisâtiOns âe l'eau sur lesquelles il a
moins prise, le planificateur concevant des "schémas d'aménagement des
eaux" tend forcément à négliger les eaux souterraines dans la mesure où
elles ne nécessitent pas d'aménagement en tant que ressource, mais
plutôt l'organisation des actes d'exploitation.
- Le contrôle effectif et régulier des exploitations d'eau souterraine,
comme celui des actions influençant leur régime et/ou leur qualité - par
un grand nombre d'agents est malaisé : tant sur le plan de leur connais-
sance (recensement périodique assez complet et précis à "faible coût"...),
que sur celui de l'application des règles et limitations imposées.
- De ce fait, les autorités de gestion compétentes manquent souvent à la
fois d'éléments d'information assez exactes.et actuelles, et de moyens
d'action efficace pour faire passer des options de planification dans
la réalité et pour s'en assurer.
- La partition des compétences administratives relatives à l'eau,
suivant une division par "milieu" commode mais contraire à l'unité
du cycle de l'eau, et non exempte de rivalités, n'est que partielle-
ment corrigée par des "coordinations" que les différences d'échelle
des problèmes et des interventions ne facilitent pas il est vrai :
De même, les instruments d'intervention plus particuliers à l'organisation
de la gestion des eaux-souterraines (réglementation, incitation financière)
ne sont généralement pas dans les mêmes mains, et leurs délais d'efficacité
s'accordent mal.
- 10 -
• - Enfin le statut juridique le plus souvent "privé" de l'eau souterraine
crée aussi une limite aux possibilités d'intervention "volontariste"
au nom de l'intérêt général. " : -
3. Voies et moyens d'une intégration
Pour créer les conditions d'une intégration effective des actes sur 1'eau
souterraine dans la "planification de la ressource en eau", il paraît
nécessaire d'agir sur les différents plans mentionnés ci-dessus, afin
d'atténuer -sinon effacer- les obstacles cités, même si, selon les cas
d'espèce, certaines mesures peuvent s'avérer plus efficaces et praticables
que d'autres.
1)- Une réforme de base sur le plan juridique, instituant une domanialité
publique de l'eau souterraine identique à celle des eaux superficielles,
même assortie de conditions d'application particulières (reconnaissance
et réglementation du "droit d'usage", éventuellement associé à la
perception de redevances financières), pourrait constituer généralement
un préalable à l'unification des structures et à la réunion des voies
d'intervention mentionnées ci-après, sans être à elle seule une--'condition
suffisante.
2)- Une unification des compétences administratives devrait attribuer aux
mêmes organes les pouvoirs de faire appliquer la "législation des eaux"
- exercice de la police des eaux -, qu'elles soient souterraines ou
superficielles, de même que la charge d'élaborer techniquement les schémas
de planification optionnels proposés aux instances de délibération et de
décision.
Leur champ de compétence territoriale devrait être assez étendu pour
minimiser les éventuelles discordances entre les sous-systèmes super-
ficiels et souterrains (bassins englobant une majorité d'aquifères entiers)
• • • / • •
- 11 -
Cette unification technico-administrative devrait être accompagnée
d'une conjontion d'emploi des instruments réglementaires, techniques
et financiers.
3)-Une telle unité d'action suppose un décloisonnement des connaissances -
et des infrastructures d'acquisition et de conservation ad hoc -
tant sur les sytêmes de ressource, que sur les structures et les
opérations d'aménagement et d'exploitation préexistantes, et que
sur les prospectives de demande de tous secteurs d'activité économique.
En particulier les organes publics de production d'informations et
d'études respectives sur les eaux superficielles et souterraines -
qui font appel à des techniques en partie spécifiques et à des profes-
sionnels différents - devraient être plus intercommunicants sinon
intégrés.
4)- La répartition des charges financières supportées respectivement
par les exploitants et usagers d'eau souterraine et d'eau superfi-
cielle devrait être rendu cohérente avec les choix d'allocation
de ressource définis à l'échelle régionale adéquate, par le jeu des
mécanismes financiers variés (crédits, redevances, taxes et primes
diverses...) afin de prévenir les contradictions entre les critères
micro-économiques des agents exploitants et les critères macro-écono-
miques des intervenants "gestionnaires" de la ressource.
En particulier, un certain "aménagement" des critères d'intervention
financière respectivement sur 1'investissement et sur le fonctionnement
selon qu'il s'agit d'eau superficielle ou souterraine (on a mentionné
la différence de proportion de l'un et de l'autre dans la formation
des coûts de production respectifs...) pourrait mieux égaliser les
compétitivités des deux phases de la ressource, sur ce plan. La priorité
communément accordée à l'aide à l'investissement handicape en effet
l'exploitation d'eau souterraine, même lorsque son développement serait
plus avantageux au plan collectif.
- 12 -
5)- Enfin des efforts d'information et d'éducation sont opportuns à
tous les niveaux - du scolaire, au "public" et à ceux des autorités
techniques et administratives de gestion des eaux comme des responsa-
bles politiques - afin de développer une image plus réaliste de ce
que sont les eaux souterraines - encore trop méconnues - ainsi qu'une
compréhension plus juste des conditions et des conséquences de leur
exploitation.
Des progrès sur ce plan devraient faciliter l'acceptation et l'appli-
cation de la discipline collective que suppose la planification des
actes des nombreuses parties prenantes d'eau souterraine.
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C°, 483 p, New-york)
- 15 -
GESTION INTEGREE DES RESSOURCES EN EAU SOUTERRAINE ET SUPERFICIELLE
LE CAS DE L'ALIMENTATION EN EAU POTABLE
DE LA METROPOLE LILLOISE
par
J. BECKELYNCK, M. BESBESt P. COMBES,
P. HUBERTt+G, de MARSILYÎ+A. TALBOT
t EWÏT,. Ecotz UaZLonaJLo. Sü.píhJjtuA.0, dej> \ki.n<¿¿, de, ?anJj>.
- 16 -
RESUME
L'agglomération lilloise esc alimentée en eau potable à partir de lanappe de la Craie et de celle du Calcaire carbonifère, mais aussi àpartir d'eaux superficielles de la haute et moyenne Lys. En utilisantles méthodes de la programmation dynamique stochastique, il a étépossible de proposer un schéma global de gestion des ressources eneaux qui minimise le coût de l'eau distribuée dans la CommunautéUrbaine de Lille. Ce schéma tient compte des contraintes techniquesde fonctionnement de chacune des ressources et aussi de la variabi-lité annuelle de la recharge des nappes et du débit de la rivièreLys.
INTRODUCTION
Pour son alimentation en eau potable, la Métropole lilloise utilise
conjointement des eaux souterraines, extraites des réservoirs de la
Craie et du Calcaire carbonifère et des eaux superficielles prélevées
dans la partie amont du bassin de la Lys, secteur peu pollué du sys-'
tème hydrologique régional.
La nappe du Calcaire carbonifère fait l'objet d'une surexploitation
permanente se traduisant par. une baisse continue des niveaux d'eau
dans les forages avec le risque de dénoyage des pompes que cela
implique.
- 17. -
La nappe de la Craie, particulièrement vulnérable, voit la qualité
de ses eaux se dégrader, ce qui risque de condamner à terme certains
champs captants.
La Lys, dont les eaux sont traitées par l'usine d'Aire-sur-la-Lys à
Moulin-le-Comte (Pas-de-Calais) avant d'être refoulées vers la Métro-
pole du Nord, présente de sévères étiages limitant la ressource mobi-
lisable.
Devant ces contraintes, il convient de s'interroger sur la pérennité
de ces équipements, et sur la possibilité de trouver des ressources
supplémentaires pour garantir, au cours des deux prochaines décennies,
la. ¿ZcuAÀté de¿ appKov¿i¿onnmznti. En effet, la demande évolue de
façon assez régulière depuis une vingtaine d'années, avec un taux de
croissance de 1,1 à 1,2Z l'an ; il est donc nécessaire de prévoir
chaque année une augmentation des volumes prélevés de 28 à 30 l/s.
Vouloir appréhender la modification des équilibres naturels sous l'ef-
fet de prélèvements importants à l'aide des seules approches conven-
tionnelles relève d'une utopie, étant donné la complexité des struc-
tures hydrogéologiques. Face à cette complexité, 1'hydrogéologue ten-
tera de donner du système aquifère une image simplifiée, un mod&JLe.,
schématisant la réalité. Un tel outil permet de tester divers schémas '
de prélèvements et de rechercher une solution optimale, en définissant
soigneusement les critères véritables - en termes physiques et/ou
financiers - qui permettent de choisir le meilleur schéma. Il cons-
titue de ce fait l'intermédiaire indispensable à la bonne gestion du
capLtaJL &CLU de la région lilloise. Il doit permettre aux décideurs
d'éclairer leur choix ; il a pour rôle, en particulier, de traduire
les effets réciproques des demandes et de mettre en évidence l'incom-
patibilité pouvant exister dans certains choix.
L'étude ici résumée, propose une stratégie d'exploitation des res-
sources existantes visant i m¿yum¿¿eA 1&. COÛX dz pKoducXÂ.on de l'eau
distribuée dans la Communauté urbaine de Lille.
A QUEL COUT PEUT-ON SATISFAIRE AU MIEUX LES BESOINS EN EAU POTABLE ?
Plusieurs systèmes de ressources participent à l'alimentation en eau
de la région lilloise ; eaux de surface, nappe de la Craie, nappe du
Calcaire carbonifère (figure 1). En 1980, les besoins en eau potable
de la Métropole du Nord ont été satisfaits de la manière suivante :
- 8,8 Mm3 provenant de l'usine de Moulin-le-Comte (280 1/s),
- 59,3 Mm3 prélevés dans la nappe de la Craie (1880 1/s),
- 11,A Mm3 pompés dans la nappe du Calcaire carbonifère (360
«oit au total 79,5 Mm3 (2520 1/s).
. S Y S T E M E DE R E S S O U R C E ..Offre.
Eaux de surface
Nappe de la Craie du^Séno-turonien supérieur
Nappe du Calcairecarbonifère
! J
¡" ./5££1 / S - E - M e - N /
SYSTEME D'UTILISATION̂.Demande•
rod uct eu rz¡stributeuS - E - N
FIGURE 1 : Système de ressource et d'utilisation de l'eau.
La nappe de la Craie ne pouvant fournir d'importants volumes supplé-
mentaires de bonnes caractéristiques physico-chimiques, on est con-
traint de se replier sur les autres ressources : nappe du Calcaire
carbonifère, eau superficielle de la haute et moyenne Lys. L'accrois-
sement de la demande peut être satisfait en augmentant les prélève-
ments dans l'aquifêre calcaire ou ä l'usine de Moulin-le-Comte. On
examinera donc l'évolution du coût de l'eau en évaluant les investis-
sements nécessaires pour chacune de ces hypothèses.
. Hypothèse "Calcaire carbonifère"
La simulation d'un prélèvement supplémentaire de 28 1/s par an à
l'aide d'un modèle mathématique du complexe aqu¿l&iz Craie-Calcaire
carbonifère permet le calcul du niveau piézométrique dans chaque ou-
vrage actuellement exploité. Ce dernier est comparé avec la position
actuelle de la pompe et avec la profondeur à laquelle il est possible
de descendre celle-ci compte tenu des caractéristiques techniques des
forages. On détermine ainsi, pour chaque année, le nombre de pompes
i descendre (46 en 20 ans) et de forages à remplacer (33 en 20 ans
sur un parc de 123 ouvrages exploités en France). L'incidence du coût
de ces opérations est prise en compte dans l'établissement du prix
de revient de l'eau produite par les équipements captant l'aquifère
calcaire.
Aux annuités correspondant au remboursement des emprunts effectués
pour réaliser les travaux pré-cités, il convient d'ajouter les frais
de fonctionnement des forages destinés à l'alimentation en eau pota-
ble (maintenance, énergie), la taxe de prélèvement et le coût supplé-
mentaire de pompage dû à l'abaissement de la surface piézométrique.
Dans l'hypothèse d'une exploitation minière de la nappe du Calcaire
carbonifère, le coût de l'eau augmenterait dans vingt ans de près de
40% par rapport au coût actuel.
Ce résultat est établi en considérant les prélèvements belges comme
constants. Une croissance de ces derniers de 18 1/s par an majore
cette incidence financière de plus de 8%.
. Hypothèse "Lys"
Cette ressource est constituée par un ensemble d'installations exis-
tantes ou projetées dont le coeur est l'usine de Moulin-le-Comte.
L'exploitation statistique des mesures de débits montre pourquoi cette
usine ne peut traiter d'une manière permanente plus de 280 1/s (ou
avec les possibilités de stockage existantes 390 1/s sur cinq jours).
- 20 -
Elle montre également qu'une année sur deux, il est possible de pré-
lever dans la Lys 560 l/s en continu.
Il se dégage entre cette ressource mobilisable en permanence et la
ressource potentielle, une quantité, variable dans le temps, qu'il
convient de chercher à exploiter, ne serait-ce que pour rentabiliser
les investissements réalisés.
A plus ou moins court terme, le renforcement des débits disponibles
à Moulin-le-Comte est envisagé en soutenant les étiages dans le bassin
de la haute Lys (débit supplémentaire à l'usine : 150 l/s) et/ou en
dérivant 200 l/s provenant des forages artésiens qui alimentent les
cressonnières de cette région (Les Riviérettes). •
L'évolution du coût de l'eau a été établie en considérant que l'his-
torique du débit annuel de la Lys correspondant â deux pluviométries
types (année sèche et année moyenne) se reproduisait chaque année
pendant vingt ans. Les résultats soulignent qu'en année moyenne, le
soutien de la Lys en étiage est nécessaire dès la 8ème année et l'u-
tilisation des" Riviérettes à partir de la 13ème année. Cela entraîne
une augmentation du coût de l'eau de 5Z.
En année sèche, le soutien de la Lys et l'apport des Riviérettes
doivent intervenir dès la première année. La demande ne peut être
satisfaite au-delà de la 3ème année. Ceci est lourd de conséquence,
puisque la nécessité d'assurer les besoins quelles que soient les
conditions climatiques obligerait les fournisseurs d'eau à engager
dès à présent de nouveaux investissements (Riviérettes) conduisant à
une augmentation du coût de l'eau de 25Z en trois ans.
. Comparaison des deux hypothèses
Ces deux scénarios, bien que fondamentalement différents, conduisent
â exploiter l'ensemble du flux transitant vers l'aquifère calcaire,
mais aussi une partie du stock de ce réservoir (ressources non renou-
velables). Dès lors, on observera d'importants rabattements, en par-
ticulier, dans le cas de l'hypothèse "Calcaire" condamnant I court
terme un certain nombre de forages» Or, le rôle primordial de réserve
de secours doit être conservé pour l'aquifère calcaire dans la mesure
.où celui-ci s'avère â l'abri de toutes pollutions, ce qui est loin
d'être le cas de l'ensemble des sources d'approvisionnements de la
Métropole du Nord.
L'hypothèse "Lys" suppose une action d'aménagement de la ressource
conduisant réellement à une augmentation de celle-ci (soutien des
étiages et captage des Riviérettes). Son exploitation aura pour con-
séquence indirecte la vaZoAÂ&atLon des investissements qui permettent
de capter actuellement la nappe du Calcaire carbonifère.
En fait, comme nous le verrons, la solution optimale repose sur une
exptû-ÙÙltLon ¿CL¿¿onn¿&ie. de chaque ressource du fait même de leur
complémentarité«
Ayant de passer à cette solution, l'évaluation du coût de l'eau d¿¿-
tJU.bu.1Lz a été calculée en tenant compte de la part de chacune des
ressources satisfaisant la demande. Les résultats obtenus et présen-
tés sur la figure 2 montrent que l'hypothèse "Calcaire" conduit à une
augmentation du coût de l'eau plus importante que l'hypothèse "Lys"
qui présente en revanche un risque de défaillance non négligeable.
ISO
oat
.Hypothèse Calcaire carbonifère .
"8u
100
1980 . 1985
FIGURE 2 : Evolution du coût de l'eau distribuée.
- 22 -
RECHERCHE D'UN SCHEMA OPTIMAL D'ALIMENTATION EN EAU DE LA METROPOLE
DU NORD
L'accroissement des prélèvements de l'aquifère crayeux ayant été
rejeté pour des raisons déjà évoquées, on dispose pour satisfaire
l'augmentation de la demande en eau de la Métropole du Nord, de l'a-
quifère calcaire et de l'ensemble organisé autour de l'usine de
Moulin-le-Comte comprenant, outre la Lys proprement dite, les forages
de la haute Lys conçus pour soutenir le débit d'étiage de cette ri-
vière et le détournement des Riviérettes.
La figure 3 qui représente ce système de ressources différencie les
flux imposés (débit de la Lys, ressource exploitable de l'aquifère
calcaire, demande en eau) des flux que l'on peut commander (soutien
des étiages, prise dans les Riviërettes, débit refoulé par l'usine
d'Aire et enfin prélèvement dans la nappe du Calcaire carbonifère).
Soutien des étiages Riviérettes
Q*15OI/S O«2OOI/S
LYS
D e m a n d e en eau
Usine d'Airesur-la-Lys
35OI/Ss Q f 11OOI / s
Ressourceexploitable
Q«7O0l/t
Nappe du Calcaire carbonilére
FIGURE 3 : Système d'alimentation en eau potable de la
Métropole Nord.
- 23 -
Un certain nombre de contraintes s'appliquent à ces débits qui sont
des variables de décision. Le débit de la Lys impose à chaque instant
une limite supérieure au prélèvement dans cette rivière et l'on dési-
re à terme stabiliser le niveau des ouvrages captant le Calcaire car-
bonifère. Enfin, une demande en eau doit être satisfaite à tout mo-
ment. Ces contraintes laissent cependant, compte tenu de leur niveau,
une marge de liberté assez large pour autoriser des choix concernant
le« règles d'exploitation à adopter. Celles-ci auront évidemment une
incidence économique car les coûts de production des différentes res-
sources ne sont pas identiques et sont même susceptibles (pour le
système de la Lys) de varier saisonnièrement (en raison de la modula-
tion des redevances prélevées par l'Agence de l'Eau).
Les règles d'exploitation optimales, c'est-à-dire la séquence de dé-
cisions â prendre pour obtenir un coût de production global minimal,
ont été déterminées pour différentes variantes de l'évolution de la
demande en eau par une procédure de recherche systématique qui prend
en compte les contraintes évoquées plus haut. Ces décisions concernent
les prélèvements au Calcaire carbonifère calculés mois par mois pour
chacune des vingt années de l'horizon de gestion (figure 4).
700-
600-
500
j; 400
r
1981 1B851 ' ' ' '189O' '2000
Années
FIGURE A : Prélèvements au Calcaire carbonifère.
- 24 -
Dans l'exemple ici présenté, la demande en eau augmente de 55 1/s par
an au cours des huit premières années (notamment pour soulager la nap-
pe de la Craie), cette augmentation étant réduite à 30 1/s à partir
de la neuvième année. Par ailleurs, le projet du détournement des
Riviérettes a été considéré comme étant en service au début de la
11ème année.
Les débits étant introduits sous forme probabiliste, le recours au
soutien des ëtiages ou aux Riviérettes a été calculé sous la même
forme (figure 5). Dans le cas de l'hypothèse étudiée, le coût de l'eau
distribuée dans vingt ans n'augmente que de 10Z par rapport à 1980.
i
0,9
0,8-
0,7-
-•' 0,6-
Recours au soutien des étiages de la Lys
961 1985 1990 '1995 2000
Années
FIGURE 5 : Recours au soutien des étiages et aux Riviérettes.
Les règles d'exploitation optimales ont un CûAacÎète ¿auonrúzA. très
marqué, surtout au cours des premières années. Le système de la Lys
est principalement sollicité en hiver quand les débits sont importants
et que les coûts de production sont relativement bas. Au contraire,
c'est pendant l'été qu'est utilisé de préférence le Calcaire carboni-
fère qui peut de plus, en raison de l'importante réserve qu'il con-
tient, être utilisé en toute saison pour combler d'éventuels déficits
du système de la Lys. Il faut toutefois noter que ce caractère sai-
sonnier s'émousse au fur et à mesure que la demande augmente.
- 25 -
Ce schéma d'exploitation a été testé en utilisant une série histori-
que de débits moyens mensuels de la Lys. Les résultats obtenus sont
présentés sur la figure 6 ; ils confirment la validité de ce schéma.
1500
1400
1300
1200
1100
-¿»ooZ »oo
° «00-
• 7004-,
600-
500-
400-
300-
200-
WO-
0
.Contribution de la Lys(soutien des étiages (
) avec éventuellement
--Evolution de la demande.
n
_[
IS
.Contribution des Riviérettes..
800
700-
600-
500-l
J 400-
| 300-O
1 200-
100-
. Contribution de la nappe du Calcaire carbonifère _
1981 •1885 18S0 1085 2000
Anné«s
FIGURE 6 : Modalités d'exploitation des différentes ressources.
- 26 -
REFERENCES
BECKELYNCK J. et TALBOT A. - 1980 - Exploitation saisonnière de lanappe de la craie dans le bassin de la moyenne Lys (Pas-de-Calais)pour le renforcement du débit d'étiage de la rivière - Modélisationde l'aquifère -Rapp. Int. B.R.G.M. 80 SGN 840 NPC.
BECKELYNCK J. et TALBOT A. - 1982 - Contribution à l'élaborationd'un schéma optimal d'alimentation en eau de la Métropole Nord -Rapp. Int. B.R.GM. 81 SGN 142 et 559 NPC. '
BESBES M., DUERMAEL G., LEDOUX E., MARSILY G. de, TALBOT A. - 1980 -Soutien des étiages d'une rivière par pompage dans la nappe qu'elledraine : mythe ou réalité ?BulL. B.R.GM. (2), III, n° 1, 1980-81.COMBES P. - 1981 - Construction du modèle mathématique de la nappedu Calcaire carbonifère - Calage et simulations exploratoires -Rapp. Int. CI.G. - E.N.SM.P. - LHM/R1/81/17.COMBES P. et HUBERT P. - 1982 - Recherche des règles optimales degestion des ouvrages d'alimentation en eau potable et la régionlilloise -Rapp. Int. CI.G. - E.N.SM.P. - LHM/RV/82/60.'ERHARD-CASSEGRAIN A. et MARGAT J. - 1979 - Introduction à l'économiegénérale de l'eau -. 'Rapp. Int. B.R.GM. 79-SGN 329 HVV.VERNIER J., DUROUSSEAU M., DUERMAEL G. - 1977 - Alimentation en eaude la métropole lilloise - Utilisation des eaux souterraines et deleurs réservoirs -In "Le¿ zaux. óout&vuUneA et Vappsiov¿&¿onnwejit en tau. de. la F.tance",Colt. de. Hice., com. T.2, pp. 691-697, publ. S.R.G.M.
ADRESSES DES AUTEURS
BECKELYNCK J. et TALBOT A.B.R.G.M. - Service géologique régional Nord Pas-de-CalaisBP. 26 - 59260 HELLEMMES-LILLE
BESBES M.Ecole nationale des ingénieurs de TUNISBP. 37 Le Belvedere - TUNIS
COMBES P., HUBERT P., MARSILY G. deE.N.S.M.P. - Centre d'informatique géologique35, rue St Honoré - 77305 FONTAINEBLEAU
- 27 -
INTEGRATION DE LA MISE EN VALEUR DU RESERVOIR DES GRES DU TRIAS INFERIEUR
DANS L'AMENAGEMENT DE LA LORRAINE
par
J. RICOUR, C. MAIAUX
- 28 -
RESUME
L'exploitation et la gestion des eaux souterraines peuvent être confrontéesà d'autres usages économiques du sous-sol. La mise en valeur d'un réservoirsouterrain est liée à :
— ses caractéristiques physiques (structure, perméabilité, porosité, .„),.- la nature des fluides qui y transitent (température, qualité, état physi~
que... ) .
L'exemple du réservoir des Grës du Trias inférieur en Lorraine montre quecertaines utilisations du sous-sol peuvent être complémentaires ("biutilisa-tion" eau-calorie) ou antagonistes (stockage d'effluents liquides et géo-thermie). ' '
L'intégration de l'exploitation de ce réservoir des Grës du Trias inférieurâ un plan d'aménagement de la Lorraine est donc indispensable pour en per-mettre une gestion optimale face à l'intérêt général, notamment pour assurerl'alimentation en eau des collectivités et des industriels avec une sécuritéd'approvisionnement suffisante.
1 - LES PRELEVEMENTS D'EAU EN LORRAINE
La Lorraine représente environ 4,6 % du territoire français et 4,5 7, de la
population répartie de façon inégale sur les quatre départements de la
Meurthe-et-Moselle, la Meuse, la Moselle et les^Vosges.
Le tissu industriel est caractérisé par des activités traditionnelles lour-
des : exploitation minière, sidérurgie, chimie, centrales thermiques,.,
représentant plus de 4Ú % des emplois.
- 29 -
L'alimentation en eau des industries et des collectivités correspond à
un prélèvement annuel de 3,25 milliards de m3/an répartis comme suit :
- 2,7 milliards de m3 d'eaux superficielles,
- 0,33 milliard de m3 d'eaux d'exhaure de mines (bassin houiller et
bassin ferrifère) dont 0,26 milliard est inutilisé et rejeté aux cours
d'eau,
- 0,22 milliard de m3 d'eaux souterraines.
t
C'est donc au total 550 millions de m3/an d'eaux souterraines sens larpe
(exhaure + eau souterraine sens stricte) qui participent à la desserte
du' tissu économique lorrain.
«"'...
3.250 Miniaras m3/an
Centrait i thermiques
Exhaure rfe mints inutilisée
Eau potable / Industrielle
OPIOIHC DES PftElEYEHEHÎS ET UTILISATION OE L'EAU EN LORDAIHE
- 30 -•
La particularité de cette region française réside dans le fait que 30 3 •
environ de cette ressource en eau souterraine provient du seul réservoir
constitué par les Grès du Trias inférieur dont l'exploitation se rappro-
che, du point de vue des prélèvements d'eau, de l'exploitation minière.
En effet, le volume annuel prélevé est supérieur au volume de la ressource
annuellement renouvelable et engendre une baisse régulière du niveau de
la nappe depuis le début du siècle.
L'tmltr é'oxtutitit.
Srií du Tritt In 1ir/turfffi vffltarnnratt.
lahm
——V
II importe donc d'apporter une attention toute particulière à l'exploi-
tation de ce réservoir souterrain dont les ressources en eau sont limi-
tées et dont la mise en valeur doit être rationalisée.
2 - PRESENTATION SOMMAIRE DU RESERVOIR DES GRES DU TRIAS INTERIEUR . •
2.1. Limites du réservoir
La série détritique du Trias inférieur s'étend sur l'ensemble de la
- 31 -
Lorraine, des Vosges à l'Est à la limite du département de la Meuse à
l'Ouest. Vers lé centre du Bassin de Paris, le faciès détritique enva- .
hit le Trias moyen alors que le Trias inférieur est réduit à l'état de
"semelle" dont la puissance ne dépasse pas quelques metres.
2.2. Puissance du réservoir • •
De haut en bas, ce réservoir multicouche est constitué par : les Grès à
Voltzia, les Couches Intermédiaires, le Conglomérat Principal, les G.rès
Vosgiens supérieurs. •
L'épaisseur de la série diminue progressivement d'Est en Ouest ainsi que
du Centre vers le Nord et le Sud de la Lorraine. De 500 m.dans le sec-
teur de Sarrebourg - Sarre-Union, la puissance du réservoir décroît pour
n'être plus que de 250 m à Metz, 150 m à Thionville, 100 m à Mirecourt,
80 m à Verdun, 50 m à Saint-Dizier.
2.3. Structure du réservoir
Affectés de nombreuses ondulations Nord-Est/Sud-Ouest•(synclinal de Ifeu-
kirchen, anticlinoriura.Sarro-lorrain, synclinal de Sarregueraines), la •
structure de ce réservoir est compliquée localement par des accidents
importants (faille de Metz, faille de Vittel...) et d'anomalies locales
(dôme de Cerville, dôme de Vézelise, horst d'Epinal...). L'épaisseur de
couverture s'accroît progressivement d'Est en Ouest et diminue du Centre
de la Lorraine vers le Nord et vers le Sud.
COUPS SCHEMATIQUE N O R D - SUD. À B
Hone/Ctrritlt
COUPE SCHEHATIO.UE OUEiT~£ST.CD
-32--
2.4. Caractéristiques hydrodynamiques du réservoir
La série -détritique est dotée d'une perméabilité de pores â laquelle se
superpose localement une perméabilité de fissures dont la répartition
dans l'espace est commandée par les grands traits structuraux et la
granulomëtrie des constituants du réservoir.
Les niveaux conglomératiques jouent le rôle de strates conductrices au
sein de ce réservoir doté d'une forte anisotropie;
La répartition statistique des transmissivités T et des débits spécifi-
ques rapportés à l'épaisseur d'aquifëre captée Q/s/h répond à une droite
de Henry : . . .
:T m2/s ::Q/s/h m/s:•
Echantillon N-
95228
• t• t
Médiane M:Moyenne m
»•-•-•-•-———— t ————— ———1,3.10-3: 2.10"3
: l,7.10-5:3,2.10-5
Ecart-type:
0,9 :1,13 :
•
La porosité moyenne calculée par diagraphie neutron est de 10 à 15 %.
Sous couverture, le coefficient d1emmagasinement est compris entre
4.10"^ et 8.10"5 alors qu'il varie en affleurement de 5.10"2 à 5.10
(nappe libre à semi-captive).
"3
2.5. Piëzomètrie de la nappe des Grës du Trias inférieur
Au début du siècle, on assistait à un transfert naturel du haut bassin
de la Meurthe (amont-nappe à la cote 320/350 m) vers la Vallée de la
Sarre et la Boutonnière de Sierck-les-Bains (aval-nappe à la cote 170/
190 m) qui constituaient les principales sorties de ce système aquifère
complexe. Ce transfert naturel a été profondément modifié depuis 80 ans
par la mise en valeur du bassin houiller Lorrain et par les nombreux
forages d'exploitation d'eau. .
- 33 -
Unit, *',*t,nil,» du t¡itrfir
Orls i I '
.J59-
GRES DU TRIAS INFERIEUR < " /
, _ _ \J ESQUISSE PIEZOHETRIOUE EN 1977 | ¿I —I ,
EVOLUTION DE LA PtEZOMETRIE DE LA NAPPE DES GRES
DU TRÍAS INFERIEUR PERIODE 19S5J980
»50
*30
0
-10
-50.
70
.10,
ÍÍÍ5 »70
jSECTEUR DE DIEUZE
DE SXRRE6UÍHINBS (571
SECTEUR DE HAHCY ISiJ
SECTEUR DE VITTEL BUL ÍHEYILLEttt)
SECTEUR Di F0R3ACH <S7)
frtfmn V»ur tttr
- 34 -
Si on assiste toujours à un transfert du haut bassin de la Meurthe vers
la Boutonnière du Bassin Houiller Lorrain, la piézomètrie montre loca-
lement L'apparition de cônes de rabattement importants liés à la concen-
tration géographique de prélèvements par forages profonds (secteurs de
Vittel, Mirecourt, Nancy, Dieuze,•Sarregueraines, Saint-Avold en particu-
lier). La baisse de la piëzomëtrie s'est ainsi accentuée au cours de
ces dernières décennies : 7,70 m en 10 ans à Sarreguemines, 18,65 m en
30 ans à Mirecourt, 42 m en 72 ans à Nancy, 44 m en 76 ans à Dieuze...
Dans la partie Nord-Est du réservoir, le drainage des affleurements vers
l'Alsace a interdit tout transfert important de la moyenne vallée de la
Sarre vers la bordure Sud-Est du Bassin Houiller Lorrain (secteur de
Freyming-Merlebach). , ' •
2.6. Qualité* des eaux de la nappe des Grès du Trias inférieur
2.6.1. Caractéristiques chimiques
Les eaux de la nappe des Grès du Trias inférieur se minéralisent progres-
sivement d'Est en Ouest quand on s'éloigne des zones d'affleurement, si
l'on exclutla "tache" d'eaux minéralisées en bordure Sud-Est du Bassin
Houiller liée à l'absence de lessivage par des eaux douces provenant des
zones d'alimentation situées en affleurement à l'amont-nappe.
A cette répartition dans le plan de la minéralisation des eaux se super-
pose un gradient de salinité fonction de la profondeur et variable dans
l'espace. Cette variation de gradient de salinité dans l'espace est
encore mal appréciée et reste fonction du contexte géologique, structu-
ral et hydrodynamique.
Les eaux sont, en général, de faciès chloruré sodique mais des varia-
tions importantes de faciès apparaissent du toit au mur du réservoir,
. variations liées à la nature de la matrice du réservoir. De tendance
sulfatée calcique au toit du réservoir, le faciès chimique prend un fa-
ciès chloruré sodique vers la base et on constate parallèlement un enri-
chissement de l'eau en traces : Fluor, Brome, Iode, Strontium en parti-
culier. •
- 35 -
A l'Est de l'axe Boulay, Nancy, Mirecourt, Vittel, la qualité des eaux
de la nappe permet, en règle générale, de satisfaire les besoins en eau •
potable et industrielle mais nécessite le plus souvent une déferrisation
avant utilisation.
2.6.2. Température
La température des eaux de la nappe des Grès du Trias inférieur s'accroît
progressivement d'Est en Ouest : 22 °C à Lunéville, 35 °C à Nancy, 43 °C
a Toul, 55 °C à Saint-Mihiel, 62 °C à Verdun...
3 - UTILISATIONS POTENTIELLES D'UN RESERVOIR SOUTERRAIN
3.1. Généralités
La mise en valeur d'un réservoir souterrain s'appuyé sur deux fonctions :
une fonction naturelle ou artificielle de stockage qui est commandée par
la porosité et par sa diffusivité T/S (rapport de la transmissivité T
au coefficient d'emmagasinement), une fonction de transfert de flux lié,
pour l'essentiel, à sa perméabilité. . . ..
3.2. Utilisations du -réservoir des- Grès- du Trias- inférieur-en Lorraine
Dans l'état actuel des technologies mises en oeuvre, le réservoir des
Grès du Trias en Lorraine est valorisé à diverses fins.
3.2.1. Prélèvements d'eau
Depuis le début du siècle, celle-ci résulte de la mise en service pro-
gressive d'un parc de forages profonds (150 â 700 m) et de la mise en
valeur du gisement houiller Lorrain (exhaure). Sur le plan quantitatif,
cette exploitation correspond aux prélèvements annuels suivants (en
1978) : .
- 8,7 millions de m3/an (5,3 %) sur des sources,
- 71,5 millions de m3/an (43,7 %) sur des forages,
- 83,8 millions de m3/an (51,5 %) par exhaure dont 16 millions sont uti-
lisés au niveau du Bassin Houiller Lorrain.
- 36 - •
Parallèlement, il convient de noter que l'alimentation du réservoir en
zone d'affleurements est estimée à 1300 millions ra3/an et les réserves
ä 100 milliards de m3 (S. RAMON - 1978). Le bilan s'avëre, en première '
analyse, excédentaire. Toutefois, les faibles vitesses de transfert (2
à 10 m/an) entre zones d'affleurements et réservoir sous couverture,
ainsi que la concentration géographique de prélèvements, conduisent à
des déséquilibres locaux qui entraînent une baisse progressive de niveaux
piézomètriques.
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3.2.2. Stockages souterrains
Ces stockages revêtent soit un caractère naturel soit un caractère artifi-
ciel. Au premier cas se rattachent le stockage et l'exploitation depuis
1978 d'hydrocarbures liquides sur le dôme anticlinal de Vézelize - Sion au
Sud-Ouest de Nancy (1800 tonnes/an environ). Le stockage mis en place en
1971 par Gaz de France, en bordure Est de Nancy, au niveau du dôme anticli-
nal de Cerville a été réalisé artificiellement dans les couches supérieures
du réservoir ; il est contrôlé par 14 ouvrages et exploité au niveau de 36
forages, ce qui correspond en 1979 à un stock d'hydrocarbures de 1320 rail-
lions de m3. ' •
Enfin, on a étudié au niveau d'un pilote expérimental implanté au Sud-
Ouest de Toul, la possibilité d'injecter dans ce réservoir les eaux
résiduaires des soudières de la Vallée de la Meurthe, après leur avoir
fait subir un traitement préalable. Toutefois, cet essai n'a pas été
suivi d'un développement industriel en vraie grandeur.
3.2.3. Thermalisme
Cet usage du réservoir est basé sur le stockage naturel d'eaux minérali-
sées et tièdes (30 à 65 °C) dont l'âge est en général supérieur à
40.000 ans. Les sites de Nancy Thermal (1900), Sierck-les-Bains à la •
frontière Luxembourgeoise (1971), Amnéville au Nord-Ouest de Metz (1978)
ont vu progressivement la création d'établissements thermaux s'appuyant
sur la mise en valeur de la nappe des Grès du Trias inférieur par le
biais de forages dont la profondeur est comprise entre 100 et 900 m.
3.2.4. Energie .
L'utilisation énergétique du réservoir des Grès du Trias }.nférieur s'est
appuyée sur l'utilisation des eaux de basse enthalpie (15 à 65 °C) avec
ou sans le secours de pompes à chaleur eau - eau. La première réalisation
date de 1908 (piscine de Nancy Thermal). Le renchérissement des énergies
traditionnelles a permis la rentabilisation d'opérations plus récentes
(piscine de Lunéville - 1980, Essey-les-Nancy - 1982).
Aucune opération de géothermie au sens stricte n'a encore vu le jour,
faute d'utilisateurs importants, notamment dans le département de la
Meuse ou la ressource disponible a là température la plus élevée (45 â
65 °C). . _ . - . .
Du point de vue du stockage des eaux chaudes résiduaires visant à adap-
ter des flux de production à des flux de consommation, si des projets
ont été évoqués, aucun programme précis de réalisation n'a encore été
mis sur pied dans ce dernier domaine.
- 38 -
3.3. Conclusions
Dans l'état actuel de sa mise en valeur, le reservoir des Grès du Trias
inférieur contribue pour l'essentiel à assurer une part importante
(30 %) de 1'alimentation en eau potable et industrielle de la Lorraine
basée-sur l'exploitation des eaux souterraines.
Toutefois certaines utilisations antagonistes voient actuellement le
jour qu'il convient de contrôler pour préserver cette réserve en eau
indispensable au développement économique de cette région française.
A - LIMITES ET CONTRAINTES D'UTILISATION Dû RESERVOIR DES GRES DU TRIAS
INFERIEUR
Du point de vue de la mise en valeur des ressources en eaux souterraines,
l'exploitation du réservoir des Grès du Trias est soumise à des limites
physiques et à" des contraintes nécessitant une planification rigoureuse
de sa gestion. •
4.1. Limites physiques • •
Celles-ci relèvent pour l'essentiel : des caractéristiques hydrodynami-
ques de l'aquifère, de la hauteur mouillée disponible de réservoir, des
baisses rapides de pression piézomètrique.
Des échecs récents dans le secteur d'Epinal et en bordure Sud-Est du
Bassin Houiller Lorrain ont, en effet, montré que ce réservoir des Grës
du Trias inférieur pouvait présenter localement des caractéristiques
hydrodynamiques très mauvaises ou offrir des ressources en eau de quali-
té médiocre.
La hauteur utile d'aquifêre commande, par ailleurs, le débit mobilisable
sur les forages. Si celle-ci est réduite soit naturellement comme dans
le Sud des- Vosges, soit artificiellement par vidange complète du réser-
voir comme dans le Bassin Houiller Lorrain, la ressource mobilisable
ponctuellement sur un ouvrage peut être très faible, voire nulle.
\ • • .
- 39 -
Enfin, la baisse de la piëzomètrie engendre un accroissement progressif
des frais de fonctionnement liés à la hauteur.de refoulement de la res-
source mobilisée qui augmente graduellement dans le temps.
4.2. Contraintes de protection et d'exploitation
4.2.1. Contraintes de protection
Les contraintes de protection de cette ressource en eau sont particu-'
liêreinent importantes lorsque l'aquifère est en zone d'affleurement et
qu'il correspond à des zones d'activités industrielles traditionnelles.
C'est, notamment, le cas dans la Boutonnière du Bassin Houiller Lorrain
où sont apparues au cours des trois dernières décennies des contamina-
tions importantes liées soit aux activités humaines, soit à des stocka-
ges de déchets, soit à des pertes de cours d'eau de mauvaise qualité qui
sont en position d'alimentation par rapport à la nappe.
Des pollutions chlorurées, sulfatées, nitrées ou localement ammoniaquées
et phénolées, particulièrement difficiles â piéger ou à résorber compte-
tenu du pouvoir de rétention de l'aquifère, ont conduit, au cours de
ces dernières années à : • . . '
- abandonner certains forages ou à créer des systèmes de traitement
coûteux, . •
- mettre en place progressivement des mesures curatives (pièges hydrau-
liques).- visant à limiter l'extension des zones contaminées.
4.2.2. Contraintes d'exploitation . . •
II s'avère, â l'examen, que le "parc de forages" profonds sollicitant le
réservoir des Grès du Trias inférieur a été réalisé pour plus de 60 %
avant 1960 alors que la durée de vie moyenne d'un ouvrage est de 25 à
30 ans. Cette situation conduit à une perforation des tubages pleins
dans la traversée de la couverture par corrosion ; une contamination .
importante et ponctuelle de la ressource sollicitée dans les Grès du
Trias inférieur peut ainsi apparaître à partir des horizons superficiels
dont les eaux sont plus minéralisées (Lamarche au Sud-Ouest de Vittel)
ou par dissolution d'évaporites contenues dans la couverture (Sarregue-
- 40 -
mines, Créhange, Tomblaine, Essey-les-Nancy...).
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des gré» du Triai Inférieur en lorrain«
Tccnp»
19S0
De telles situations peuvent s'avérer, à terme, lourdes de conséquence
pour la ressource disponible et contribuent à réduire .la sécurité
d'approvisionnement des collectivités ou des industriels qui ne sont
alimentes qu'à partir d'un seul forage.
5 - MESURES DE PLANIFICATION.ET DE GESTION DES RESSOURCES EN EAUX
5.1. Mesures législatives •
Les divers partenaires économiques et administratifs ont.pris conscien- .
ce--.i des risques qui pesaient sur l'utilisation de ce réservoir et
qui résulteraient d'une exploitation anarchique de ses diverses oises
en valeur potentielles. L'alimentation en eau des collectivités et des
industrielles a nécessité, en particulier, l'intervention du législateur
qui par le biais de divers décrets-loi (décret-loi 81.619 du 18.05.1931
pris pour application du décret-loi de 1935, décret ministériel du S. 12.
1972 fixant les conditions de stockage de gaz à Cerville) et d'arrêtés
préfectoraux contrôle ainsi l'exploitation rigoureuse et judicieuse de
cette ressource en eaux.
- 41 -
5.2. Mesures techniques
Des mesures techniques sont mises en place depuis quelques années, soit
à la suite d'une prise de conscience des exploitants, soit en s'appuyant
sur la réglementation récente mise à la disposition de l'Administration.
Ces mesures techniques visent pour l'essentiel soit à économiser la .
ressource sollicitée, soit à la préserver sur le plan qualitatif de
manière à assurer une sécurité d'alimentation optimale des utilisateurs.
Quelques exemples illustreront l'efficacité de ces mesures techniques :
5.2.1. Mesures quantitatives '
Dans le secteur de Vittel - Contrexéville, la résorbtion des pertes de
réseau qui avaient atteint un seuil trop important, l'amélioration des
procesus industriels ont conduit à stabiliser les prélèvements depuis
quelques années et par voie de conséquence à ralentir la baisse du
niveau piézomètrique de la nappe, malgré une demande croissante.
PRELEVEMENTS
EVOLUTION DE LA NAPPE DES ORES OU TRIAS INFERIEUR.
DANS LE SECTEUR DE VITTEL (Si)
ALTITUDE N OF
COHäROTSTORICE
CLOBAUX
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t*3 priltruntnti
7J5Í So
EN
• S
.1
- 42 -
Ces mesures sont encouragées par 1-Administrâtion et sont susceptibles
d'être subventionnées. Elles sont, à l'heure actuelle, étendues progres-
sivement" à l'ensetable de l'aquifère ; outre.des économies sur la res-
source en eau mobilisée, elles conduisent, en règle générale, à des
économies substancien es.
Sur le plan de la sécurité d'approvisionnement, le raaillage des réseaux
de distribution permet de pallier localement aux risques de défaillance
de certains ouvrages dont la vétusté est liée à la durée de vie.
5.2.2. Mesures qualitatives
Sur le plan qualitatif, les mesures de sauvegarde sont diverses pour
préserver la ressource disponible.
En zone d'affleurement, notamment dans l'emprise du Bassin Houiller Lor-
rain, une première phase d'intervention a consisté à localiser les zones
contaminées et leur origine. La mise en place de mesures de dépollution
- piège hydraulique par exemple -, 1 Amélioration des process industriels
devraient conduire,, ä terme, à une amélioration de la situation actuelle.
Les efforts seront, toutefois, coûteux pour résorber un passif important.
Sous couverture, le risque de contamination reste lié I la mise en solu-
tion de chlorures provenant des morts-terrains sus-jacents au réservoir.
L'exemple.du forage des Abattoirs à Sarreguemines montre qu'il est pos-
sible de rechemiser.certains ouvrages et de les décontaminer. Dans le
cadre de ces travaux, le pompage de 200 tonnes environ d'ion chlore a
permis de décontaniner l'ouvrage perforer depuis 3 ans. Cette opération
a permis une économie de 1,7 million de FF environ (10/1982) par rapport
à la réalisation d'un forage neuf et à l'obturation de l'ouvrage actuel.
- 43 -
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- 44 -
6 - CONCLUSIONS
L'exemple du reservoir des Gris du Trias inférieur en Lorraine montre
l'importance économique que revêt la mise en valeur du sous-sol, notam-
ment en ce qui concerne l'exploitation des eaux souterraines. ;
A terme, la mise en place dTun P. A. S. S. (Plan d'Aménagement du Sous-
Sol) base sur les caractéristiques du réservoir (structure, perméabili-
té, porosité, caractéristiques des fluides qui y transitent...) devrait
permettre d'éviter des situations conflictuelles et aboutirait à une
mise en valeur rationnelle de cet aquifère.
Pour l'heure, une prise de conscience collective a conduit à mettre en
oeuvre des mesures d'urgence visant ä sauvegarder ces ressources en eaux
souterraines tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Ces mesures
sont indispensables pour assurer la sécurité d'approvisionnement en eau
des partenaires économiques de la Lorraine compte-tenu des autres res-
sources en eau disponibles par ailleurs. .
REFERENCES • • .
de Y. BABOT : Etude hydrogéologique de la nappe aquifère des grës infra-triasiques dans le Nord-Est de la France (1972). Servicede la Carte géologique d'Alsace et de Lorraine.
de Ph. DAGUE : Etude géologique et hydrogéologique de la nappe des Grèsdu Trias inférieur dans l'Est de la France (1969). Thèsede Docteur ingénieur. Faculté des Sciences de l'Universitéde Nancy. . .
de S. RAMON : Etat de la nappe des Grès Vosgiens dans le Bassin Houilleren 1977. Agence Financière de Bassin Rhin-Meuse.
de J. RICOUR et alterii : Le réservoir des Grës du Permo-Trias en Lor-raine. Utilisation actuelle et perspectives de valorisa-tion. Techniques et sciences municipales. Mars 1982.
AUTHOR'S ADDRESS • .
Jacques RICOUR et Claude MAIAUX ' 'Bureau de Recherches Géologiques et Minières - Service Géologique •Régional Lorraine1, rue du Parc de Brabois54500 - VANDOEUVRE/FRANCE
- 45 -
ASPECTS QUANTITATIFS DES RESSOURCES EN EAUEN REGION DE SOCLE
Méthodes récentes appliquéesau cas de la Bretagne, en France
par
P.A. ROCHE, H. TALBO, D. THIERY
-.46 -
RESUME
Après avoir rapidement décrit le contexte hydrologique d'une région
de socle ancien, la "Bretagne, on passe en revue les différentes méthodes dé-
veloppées récemment qui permettent, à différentes échelles d'espace, une
meilleure évaluation des ressources en eau, mobilisables en particulier gra-
.ce au développement des techniques de foration au marteau fond-de-trou.
- 47 -
INTRODUCTION.
Parmi les connaissances nécessaires ô l'évaluation des ressources
en eau, la quantification des stocks et des flux naturels est primordiale.
Dans une région de socle ancien comme la Bretagne en France, on peut défi-
nir des systèmes de ressources à deux échelles géographiques principales ;
•f
* l'aquifère où le développement des techniques de forage au marteau fond-
de-trou a considérablement accru les possibilités de captages (mais ces
aquifères liés a .la fracturation et à l'altération d'une matrice peu
perméable sont de faible extension) ;
* le bassin versant où l'aménagement des .rivières (barrages régulateurs)
permet d'importants prélèvements qui prévalent . dans l'approvisionnement
en eau de la région. .
Les données disponibles à l'échelle d'un bassin versant conduisent
à des informations riches sur le cycle de l'eau, mais peu transposables à
l'étude d'un aquifère particulier d'extension généralement plus réduite.
En rappelant brièvement le contexte climatique, hydrogéologique et
hydrographique de la Bretagne, on décrit ici des méthodes récentes d'analy-
se de l'information disponible à ces différentes échelles.
1. CONTEXTE REGIONAL
1.1. Climat et apports efficaces évalués à L'échelle régionale
Le climat de la Bretagne est généralement considéré comme l'arché-
type du climat tempéré océanique (climat armoricain). La présence des eaux
attiédies de l'Atlantique contribue à le caractériser [3] :
* Les variations thermiques sont faibles ;
* L'atmosphère est humide, mais les hauteurs de précipitations ne sont pas
exceptionnelles : en année moyenne, elles atteignent environ 1 100 mm à
- 48 -
Brest, et 1 300 mm dan9 los Monts d'Arrée, niais ne dopassent pas 700 mm
à Rennes où la massivité de la péninsule contribue déjà Ù atténuer ce
caractère océanique j les précipitations sont réparties tout au long da
l'année en épisodes peu importants (il pleut 150 à 200 jours par an en
moyenne).
La durée annuelle d'insolation varie peu du Nord (1 750 heures
' en moyenne) au Sud (2 200 heures en moyenne).
Du point de vue des ressources en eau, ce sont les apports "effi-
caces" qui caractériseront l'ensemble complexe atmosphère-sol-végétation :
ils représentent l'excédent du bilan des précipitations, de l'évapo-
transpiration et dés variations de réserve en eau du sol à cet interface.
L'évapotranspiration réelle annuelle étant peu variable régionalement ou
d'une année sur l'autre (500 à 600 mm), on peut estimer que la hauteur de
pluie efficace annuelle est reliée à la hauteur¿de pluie annuelle par une
relation d'autant mieux établie que la zone d'évaluation est plus étendue,
et présente donc une variété plus importante de sols et de couvertures vé-
gétales. Les apports efficaces apparaissent alors comme l'excédent des
précipitations annuelles à un seuil donné (de l'ordre de 500 mm), et non
pas comme un pourcentage constant de cette pluviosité. Cet effet de seuil
contribue à amplifier le contraste existant entre sécheresse et abondance
climatique en un contraste plus important entre sécheresse et abondance
hydrologique, dans l'espace (contraste Est-Ouest), et dans le temps (la
variabilité interannuelle étant cependant atténuée par les effets de
stockage).
1.2. Hydrogeologie»
La Bretagne est constituée essentiellement d'un socle ancien pro-
fondément remanié lors de la constitution de la chaîne hercynienne, puis
modelé par l'érosion. Des massifs intrusifs, de nombreuses, dislocations,
donnent une structure très complexe à cet ensemble.
En se fondant sur la lithologie, on distingue habituellement :
* des formations massives fracturées (roches cristallines, comme les gra-
nites, ou sédimentaires détritiques à grains consolidés comme les grès).
49 -
* des formations à schistosité prédominante (roches sédimontaires plus ou
moins mátamorphisées).
Il n'est pas sûr que ces distinctions soient pertinentes pour carac-
tériser la structure des aquifères considérés. Elles ont en commun la pré-
sence d'un manteau d'altération plus ou moins profond, et un système de
drains (joints, diaclases, etc..) conduisant a l'existence d'une unité de
stockage et de circulation de l'eau d'étendue assez limitée.
Certaines formations font exception : roches volcaniques ou volcano-
sédimentaires de forte porosité efficace (localisées au Nord-Ouest des
Côtes-du-Nord)-et roches sédimentaires tertiaires (sables, calcaires, fa-
luns) encaissées dans le socle.
C'est par une approche tectonique que l'on a abordé la classifi-
cation des aquifères de la région [4]. On a en effet considéré que la fa-
çon dont la fracturation, très complexe en Bretagne dans son détail, s'est
mise en place, dont elle s'est colmatée ou au contraire développée, doit
jouer un rôle essentiel uans lea caractéristiques de ces aquifères (exten-
sion et paramètres hydrauliques). Une telle classification, fondée sur
cinq domaines principaux de l'histoire géologique de la Bretagne, et où
les formations" sont différenciées secondairement selon l'importance des
remainements tectoniques, à d'ores et déjà fourni une base intéressante
pour l'analyse des débits instantanés obtenus à l'air comprimé (forages
au marteau fond-de-trou).
1.3. Hydrographie
. Les formations aquifères constituent donc en général des ensembles
d'extension assez faible, et qui sont relativement indépendants entre eux.
•Dans ces conditions, la structure du réseau hydrographique joue un
rôle prépondérant, par les liaisons qu'elle impose à l'échelle des entités
géographiques plus étendues que constituent les bassins versants des riviè-
res. .
Ces bassins versants, malgré un chevelu très dense, sont cependant
de petite taille.: ce sont essentiellement des bassins côtiers (il y en a
plus d'une cinquantaine), à l'exception du cas de la Vilaine qui présente ..
un long trajet en plaine.
— 50 -
Chacun dB CUS bassins versants, ou le regroupement de certains
d'sntre uux, fera l'objet d'un Schema d'Amonaßement des Eaux à l'occasion
duquel les questions relatives aux ressources sont traitées dans toute
leur complexité.
L'absence de formations aquifères.étendues d'échelle régionale,
susceptibles de soutenir durablement les débits de ces rivières en période
d'étiage, conduit à un régime relativement irrégulier. C'est par le stoc-
kage artificiel en surface (construction de barrages-réservoirs) qu'est
opérée .¡une. régularisation des débits, permettant d'augmenter les prélè-
vements en rivière.
Depuis ces barrages, ou depuis les principales prises d'eau, les
réseaux d'adduction d'eau potable approvisionnent des zones géographiques .
dépassant largement le cadre de ces bassins versants. Par ces aménage-
ments, on a donc modifié l'échelle des systèmes à prendre en compte dans,
l'évaluation des problèmes de ressources [4, 8].
2. APPORT DES METHODES RECENTES
2.1. Modèles pluies-débits à l'échelle du bassin.versant
Sur un échantillon de 17 bassins versants de rivières bretonnes,
ont été testés les ajustements de plusieurs types de relations pluie-débit
* relations purement statistiques entre des caractéristiques des débits
mesurés et des bassins versants associés (géologie, morphologie générale
du bassin versant, et climatologie).[5],
* relations, après, calage de deux modèles globaux à réservoirs, entre des
paramètres de ces.modèles et des caractéristiques physiographiques des
bassins versants [B],
.Les principales conclusions de ces études sont les suivantes :
* les bassins testés se distinguent nettement selon les pourcentages de
granite du sous-sol ; aux bassins granitiques sont en particulier asso-
ciés des temps de tarissement lents ;
- 51 -.
* à partir CJGS données physioßraphiques dG9 bassins versants, et des don-
nées climatiques, on reconstitue correctement les débits moyens et les
caractéristiques statistiques des débits les plus faibles (qui sont ceux
utiles pour la reconnaissance des ressources en eau).
L'intérêt de ces études est, en particulier, de distinguer l'in-
fluence due au contraste entre les régimes climatiques (en particulier
l'écart entre l'Ouest et l'Est de la région), et celle qui est due à la
structure des bassins versants. En effet, si les débits d'étiage des ri-
vières de l'Ouest de la Bretagne sont généralement plus soutenus que ceux
des rivières de l'Est, c'est à la fois parce que les pluies y sont plus
abondantes [pluie efficace annuelle, en année moyenne, de 400 mm à 700 mm.
à l'Ouest, et de 100 à 300 mm à l'Est) et parce que les bassins versants
étudiés sont plus "granitiques".
Ces méthodes, valables à l'échelle du bassin versant; ne peuvent
Être transposées qu'avec précaution à l'échelle d'un aquifère particulier,
et on identifie parfois de façon abusive les composantes d'écoulement de
base séparées sur les débits des rivières, avec les flux traversant les
aquifères. L'estimation globale qui est faite, par exemple, de l'écoule-
ment de base, n'est pas une mesure correcte du renouvellement des stocks
aquifères : d'iamont en aval, les flux de ruissellement, d'écoulement
superficiel, et d'écoulements souterrains, sont intimement liés, et la ...
décomposition faite-par;Jes'modèles- n'est valable qu'en moyenne sur le
bassin versant.
La nécessité apparaît donc, à l'échelle des aquifères des régions
de socle, de mettre en place, comme pour les rivières, des moyens de me-
sure et de contrôle permettant d'effectuer des bilans hydrologiques adaptés,
2.2. Informations susceptibles d'être utilisées à l'échelle d'un
aquifère particulier
Depuis les études préliminaires jusqu'à la phase d'exploitation,
les données disponibles évoluent considérablement.
Nous allons ici nous intéresser essentiellement à des informations
qui ont été peu valorisées jusqu'à présent, mais qui présentent un intérêt
certain, ou bien préalablement à toute recherche, ou bien encore après une
période d'exploitation. Nous laissons délibéremment de coté les méthodes
- 52 -
de recherche d'eau souterraine et d'essais de pompage, qui font l'objet
d'une abondante littératures L1, 2 , 4] ,
II s'agit essentiellement : .
* d'analyser les débits instantanés obtenus à l'air comprimé au marteau
fond-de-trou, lors des forages déjà réalisés,
* de faire le bilan de l'exploitation d'un aquifère après quelques années
de prélèvements.
2.2.1. Analyse régionale des débits instantanés obtenus à L'air
comprimé
Environ 2500 forages réalisés au marteau fond-de-trou ont été iden-
tifiés en Bretagne. Pour 1000 d'entre eux, on connaît le débit instantané
à l'air comprimé en fin de foration, la profondeur et une indication litho-
logique des terrains rencontrés. Pour 100 d'entre eux, on connaît le détail
des débits.obtenus à différentes profondeurs.
Pour les 1000 forages bien identifiés, on a essentiellement étudié
[43 les relations existant entre^un indice de productivité tdébit/profon-
deur] et les indications lithologiques, ou la classification citée précé-
demment et fondée les grands domaines tectoniques de la région. Les indi-
cations lithologiques n'ont pas fourni de résultats significatifs. En
revanche, par la classification tectonique, neuf groupes régionaux ont été
identifiés, et classés-en six modalités selon leurs indices de productivité
médians : ils sont représentés, avec l'indication de leur modalité, sur la
figure 1. Entre la région de Lannion-Paimpol [très favorable), et les mas-
sifs granitiques d'intrusion hercynienne ou la région des Landes de Lanvaux
(défavorable), un écart très significatifjapparaît pour les débits médians
(2,75 m3/h contre 7,40 m3/h) . Ce contraste apparaît également pour les in-
dices de productivité (64 1/h/mètre foré contre 178 1/h/mètre foré). Il
convient de noter que tous ces forages ont été implantés sans étude hydro-
géologique particulière, et correspondaient à de faibles débits recherchés
(consommateurs particuliers, élevage, e t c . ) .
- S3 - -
2.2.2. Analyse détaillée des venues d'eau et des débits de
100 forages
LBS résultats précédents sont directement liés à la procédure de
recherche employée. De nombreuses difficultés d'interprétation subsistent,
et ces indications ne sont qu'approximatives, en raison de nombreux biais
d'échantillonnage [4, 7].
En revanche, l'analyse des venues d'eau et de leurs débits permet
d'accéder à des renseignements indépendants de la procédure de recherche.
La méthodologie a été mise au point sur un échantillon d'une centaine de
forages, comme pour d'autres régions, et elle sera bientôt appliquée à
un millier de forages, ce qui permettra une analyse régionale comme précé-
demment.
La probabilité d'obtenir une venue d'eau semble sensiblement cons-
tante dans une large gamme de profondeurs, en-dessous d'une épaisseur va-
riable où elles sont nettement plus rares. Les venues d'eau semblent indé-
pendantes les unes des autres : le nombre de venues d'eau dans une tranche
de 10 mètres d'épaisseur est indépendant du nombre de venues d'eau dans la
tranche suivante. Les distances entre les venues d'eau suivent une loi de
répartition exponentielle, dont la médiane se situe aux environs de 7 m*
(cf figure 23. Le processus d'apparition des venues d'eau en-dessous de la
tranche superficielle peut être assimilé approximativement à unuprocessus
aléatoire de Poisson [7].
De nombreuses.-questions subsistent. En tout état de cause, cette
analyse permet d'éviter un des écueils de l'approche globale précédente :
l'indice de productivité "débit/profondeur" utilisé alors n'est pas indi-
catif d'une véritable productivité hydraulique des terrains, puisqu'il in-
clut dans la profondeur une part naturellement sèche, de ceux-ci au-dessus
du niveau de l'eau dans le forage à la date des mesures.
* Les faibles écartements sont mal estimés en raison du mode opératoire
du forage Clés tiges utilisées sont de l'ordre de 3 m de longueur).
.- 54 -
Cependant, cet indice de productivité Bst intéressant pour l'éva-
luation financière des foragos, puisqu'il permet d'évaluer la profondeur
à forer, donc le coDt de la recherche d'eau pour obtenir un débit donné
Cla question de la profondeur optimale de recherche ne pouvant en revan-
che Être résolue que par une approche détaillée)-. '
La notion de venue d'eau est elle-même relativement mal définie.
Seule l'évolution des débits, dans des conditions opératoires bien défi-
nies, constitue une information parfaitement interprétable.
Le suivi des débits à l'air comprimé en cours de foration est éga-
lement, lors d'une recherche d'eau, un guide précieux pour 1'hydrogéologue :
il permet d'identifier les principaux horizons productifs (cf figure 3).
2.2.3. Suivi des exploitations et bilan des aquifères
Peu d'exploitations font l'objet d'un suivi des volumes prélevés
et des niveaux de piézomètres de contrôle. Pourtant, à la suite de quel-
ques années de suivi, il est possible d'améliorer considérablement les
estimations fournies par. les essais de pompage grâce à un tel suivi.
Dans r* exemple illustré par la figure 4, on a simulé les fluctua-
tions de niveau d'un piézomètre de controle en tenant compte des volumes
prélevés dans un forage proche et des apports liés à la pluviométrie, grâ-
ce à un modèle inspiré.des modèles globaux de bassins évoqués ci^dessus [11],
Outre une nouvelle évaluation de l'impact des pompages, un tel
modèle permet : •
* de tester les risques de baisse des niveaux dans le cas d'années plus
sèches, . • •
* de mettre en évidence une modification du comportement des installations :
dans le cas.présenté ici, un colmatage est vraisemblable durant la période
du suivi, . "
* d'évaluer l'impact de.nouveaux prélèvements,
* de contrôler la représentativité des mesures de niveau dynamique dans
différents piézomètres.
- 55 -
De tels cas d'application sont encore rares.
Les exploitations ne font en effet généralement l'objet d'aucun
suivi susceptible de permettre un controle des termes du bilan des aqui-
fères sollicités.
Il est vrai que la complexité du détail de la structure hydrogéo-
logique conduit a des difficultés de représentativité des mesures ponc-
tuelles. A l'échelle des bassins versants, les longues séries hydrométri-
ques disponibles assurent, au problème des incertitudes de mesure près,
un controle représentatif du flux de sortie.
Mais les flux d'échanges avec l'atmosphère sont estimés par une
régionalisation (en particulier l'information pluviométrique), au mime
titre que les variations de stock des aquifères ne peuvent être évaluées
que par les fluctuations d'indicateurs pLézométriques.
CONCLUSION
Les données disponibles s'organisent selon deux échelles naturel-
les d'espace :_
* les bassins versants des principales rivières d'extension bien connue,
et pour lesquels une approche globale des flux est possible à partir des
données hydrométriques et d'une régionalisation des données climatiques,
4
* les aquifères eux-mêmes, dont l'extension généralement faible est mal
connue a priori, et où les données ne peuvent être recueillies que grSce
au suivi des exploitations.
Cependant les questions pratiques d'évaluation des ressources de
ces aquifères dépendent étroitement des prélèvements que l'on envisage
d'y réaliser.
Pour des prélèvements de faible importance [quelques m3/heure)
relativement disséminés, c'est la détermination d'une zone de productivité
notable, compatible avec les contraintes d'insertion géographique qui cons-
titue la question majeure. L'abondance des précipitations conduit à ce que
- 56 -
les problêmes liés au renouvellement de la ressource n'y soient que secon-
daires. L'analyse régionale des débits obtenus è l'air comprimé au marteau
fond-de-trou est alors directement appliquable.
L'obtention de débits exploitables plus importants (de 1D à 100
m3/h].est possible.dans des sites favorables dont la dissémination sur
l'ensemble de la région n'est pas certaine, fiais, plus encore que les
contraintes hydraulique de productivité, c'est alors l'équilibre dynami-
que de la ressource sollicitée qui impose des limites à l'exploitation,
surtout si d'autres prélèvements préexistent. Il est alors possible d'es-
timer progressivement les contraintes d'exploitation : celles-ci seront
d'autant mieux connues que l'installation aura déjà fonctionné. La procé-
dure que l'on peut proposer pour ces projets.est donc la suivante :
* recherche et essai permettent de déterminer un débit d'exploitation
provisoire relativement pessimiste ;
* équipement provisoire permettant de prélever les débits précédemment
évalués ; suivi de l'exploitation pendant quelques années et test de
la représentativité des points de contrôle ;
* définition des limites géométriques de l'aquifère sollicité, et pour ¿
cette aire de référence, bilan des flux ;
* évaluation.des contraintes éventuelles pour la conservation des flux
aux limites d'émergence de l'aquifère sollicité ; la liaison à réali-
ser avec le système hydrographique et ses usages dépend alors directe-
ment de la localisation et de la nature de la restitution i
* définition des caractéristiquesJd'une installation définitive.
- 57 - -
C l o n o 4'indic«) If« producti»lli
+ + + E22 °-+ ESS -
FIGURE 1 - CARTE DES CLASSES D'INDICES DE PRODUCTIVITE DES FORAGESAU MARTEAU FOND-DE-TROU
2a - Distance entre deux venues d'eau 2b - Profondeur de la première venue d'eau
triquín» (%)
IS-
K>
O » 20 30 «0 50 60m (n
K> 20 30 40 BO 60 •
FIGURE 2 . REPARTITION STATISTIQUE DES PROFONDEURS DE VENUES D'EAU
- 58 -
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...EIGURE 3 - QUELQUES EXEMPLES DE COURBES DE DEBIT A L'AVANCEMENT
-. 59 - .
1977 197» 1979 19B0 1981
OSO
OOO1977 1978 1979 19B0
Pluie et tvapotranspiration potentielle (mm/mois)
19B1
100
U 050
UOO
1977 1978 1979 1980 1981
1977 1978 1979 1980
Prélèvements mensuels des forages (millier de
UO1981
1977 1978 1979 1980 1981
1977 1978 1979 1980
Niveaux piézométriques simulés et observés
1981
FIGURE 4 - SIMULATION DES NIVEAUX D'UN PIEZOMETRE DE CONTROLE INFLUENCEPAR LES PRELEVEMENTS DANS UN FORAGE VOISIN
- 60 -
BIBLIOGRAPHIE "
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région Bretagne;.;-. Compte-rendu de fin d'étude .- Action concertée
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milieux fissurés - Etat des connaissances .- Rapport BRGM n°
80 SGN 855 EAU
[ á P.A. ROCHE, H. VANDENBEUSCH .- -Etude", des-possibilités de recourrir
aux eaux souterraines pour l'alimentation en eau potable en région
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la Bretagne ".- Rapport d'avancement n° 1, BRGM, mars 1982, non
publié •
[ 4! J. DELAY, P.A. ROCHE, H. TALBO .- Etude des possibilités de recourrir
aux eaux souterraines pour l'alimentation en eau potable en région
de socle : cas de la Bretagne - Synthèse des données concernant
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BRGM, .septembre 1982, non publié
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n° 81 SGN 525 EAU
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\
- 61 "-
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n° 82 SGN 644 EAU
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humaine sur les variations d'un niveau piézométrique .- Compte-
rendu du colle d'Exeter, Grande-Bretagne - A.I.S.H., juillet 1982
- 62 -
- 63 -
GESTION DE LA NAPPE PHREATIQUE DE LA PLAINE D'ALSACE
AU MOYEN D'UNE BANQUE DE DONNEES
ET DE MODELES DE SIMULATION
par
J.P. VANCON
- 64 -
RESUME
Dans le cadre de l'étude de l'aquifère de la plaine alluviale duRhin, un"outil complet de gestion des ressources en eau souterrainea été mis au point au SERVICE GEOLOGIQUE REGIONAL ALSACE DU BRGM.Il comporte les modèles de simulation (modèle hydrodynamique, hydro-dispersif et hydrothermique), appuyés sur un environnement informa-tique constitué par la banque de données des eaux souterraines et sesprocédures d'exploitation. Les modèles permettent d'optimiser lesaménagements et les prélèvements d'eaux souterraines vis à vis desproblèmes de ressources, des pollutions industrielles et des pertur-bations thermiques liées à l'utilisation des pompes à chaleur.
LA NAPPE PHREATIQUE D'ALSACE
La plaine alluviale d'Alsace s'étend sur 170 km de long, de Bâle
à Lauterbourg, et sur un maximum de 25 km de large. Les alluvions
accumulées par le Rhin et ses affluents ont une épaisseur qui dé-
passe généralement 100 mètres et qui atteint 250 mètres dans la
partie centrale de la plaine. C'est un très puissant réservoir
aquifère dont la transmissivité peut dépasser 0,5 m2/s dans les
secteurs où les alluvions sont les plus épaisses. L'exploitation
des eaux souterraines pour les besoins en eau des collectivités,
- 65 -
des industrious et des ayricu]tours, représente 0,5 milliard de rnc-
tres cubc-s par an, soit approximativement un tic-rs du débit de re-
nouvellement des eaux de la nappe.
Cette immense ressource en eau, qui paraît quantitativement inépui-
sable, présente une grande vulnérabilité face aux pollutions.. Cel-
les-ci prennent naissance, entre autres, par infiltration au niveau
des installations polluantes (terrils de résidus par exemple), par
infiltration d'eau de rivières contaminées, par pollution de l'eau
des gravières, qui provoquent une propagation vers la profondeur
lorsqu'elles traversent une épaisseur importante d1alluvions. Compte
tenu de la continuité hydrodynamique de 1'écoulement sur parfois
plus de 100 km de long, les fortes pollutions se propagent sur de
grandes distances et condamnent les ressources en eaux souterrai-
nes sur des surfaces importantes.
La grande accessibilité de l'aquifère a permis, par ailleurs, la
multiplication des doublets de forages pour pompe à chaleur, ce qui
risque de provoquer progressivement des perturbations thermiques
notables, en particulier au niveau des agglomérations.
L'importance économique vitale des ressources en eau souterraine
pour les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, liée à la
multiplication des pollutions chimiques et des perturbations ther-
miques, a nécessité la mise en oeuvre de travaux permettant de
bien connaître la nappe (réseaux d'observation, mise sur support
informatique des mesures, études interprétatives) et de modèles
hydrodynamiques, hydrodispersifs et hydrothermiques destinés à
permettre une gestion efficace des ressources en eau.
CONSTITUTION DE LA BANQUE DE DONNEES HYDROGEOLOGIQUES
De nombreux travaux ont été réalisés depuis plus de 20 ans, sous
l'égide de la Commission Interministérielle d'Etude de la Nappe
Phréatique de la Plaine d'Alsace. Ils ont permis d'aboutir à une
bonne connaissance de l'aquifère. Les opérations ont porté notam-
ment sur les points suivants :
-•66 -
- inveni.airt» complet il us points d ' r.m, t-xploi t.i's ou non
- campagnes de mosure de la pipzométrie, des caractéristiques hydro-
dynamiques, etc..
- prélèvements périodiques d'échantillons d'eau pour analyses chi-
miques ,
- utilisation de la prospection géophysique électrique pour déter-
miner les caractéristiques du réservoir ; campagnes périodiques
mettant en évidence la progression des pollutions
- réalisation de piézomètres superficiels et profonds
- mesures de vitesse, conductivité, température de l'eau à différen-
tes profondeurs •
- etc . . . . .
Toutes les données chiffrées, recueillies à l'issue des différentes
études et rassemblées à partir des réseaux de mesure existants, ont
permis de constituer la banque de données hydrogéologiques du Ser-
vice Géologique Régional Alsace. Elle comporte actuellement près de
2 millions de mesures réparties sur environ .7 5OO points d'observa-
tion. Près de 8O OOO mesures nouvelles sont introduites chaque année.
Il existe une dizaine de fichiers distincts connectés entre eux :
- fichier maitre (caractéristiques et coordonnées des
points d'observation)
- fichier piézométrie
- fichier chimie des eaux
- fichier températures
- etc..
L'acquisition des données, la maintenance des fichiers et la mise à
disposition des informations auprès des utilisateurs sont assurées en
permanence. Des procédures automatiques ont été mises au point pour
permettre de transférer ces données directement des fichiers vers les
modèles.
- 67 -
LKS MODELES DE SIMULATION Di-; LA NAPPE
Les modales hydrodynamiques ont été mis au point en premier. L'ensem-
ble du réservoir aquifère en territoire français (3 OOO km2) est cou-
vert par le modèle régional, dont le maillage est constitué d'élé-
ments carrés de 500 mètres ou 1 km de côté selon les zones. Ce mo-
dèle a permis d'améliorer nos connaissances de l1aquifère, en parti-
culier dans le domaine des échanges nappe-rivières. Il est utilisé
actuellement comme environnement hydrogéologique des modèles de dé-
tail à maillage fin qui sont mis en oeuvre pour résoudre les multi-
ples problèmes posés :
- assurer la ressource en eaux souterraines, ce qui présente
parfois des difficultés dans les zones de bordure où 1'aqui-
fère est peu épais
- réduire l'impact des inondations par les rivières ou par
les remontées de la nappe
- mettre hors d'eau des fouilles réalisées à l'occasion de
grands travaux ou des sous-sols inondés en période de hautes
eaux : pour ces problèmes, on a recours à des modèles multi-
couches, permettant de prendre en compte les mouvements de
l'eau dans les trois dimensions
- réaliser une première approche des problèmes de qualité des
eaux : les modèles hydrodynamiques permettent de tracer les
lignes de courant, c'est-à-dire la trajectoire approxima-
tive des pollutions. • ' •
Ainsi les modèles hydrodynamiques sont utilisés pour optimiser la
distribution et l'intensité des pompages, de façon à définir un
compromis entre les différentes exigences et contraintes en pré-
sence, ce qui permet d'orienter efficacement les travaux d'aména-
gement et les prélèvements. La simulation des cas extrêmes permet
de fixer les marges de sécurité des solutions choisies. Voici deux
exemples types d'utilisation de cette méthodologie :
- implantation de puits de fixation de la pollution : la zone
d'emprunt des prélèvements, tracée par le modèle, englobe
la zone des installations polluantes ; des voiles étanches
- 68 -
ou des poîiiparjus .iinont dust i ru.'s à diminuer If flux souterrain
peuvent être adjoints au dispositif
- optimisation de l'implantation de plusieurs puits, certains
(ne nécessitant pas une eau de bonne qualité) constituant
un barrage protecteur pour les autres, vis à vis des pollu-
tions situées à proximité.
Les modèles hydrodispersifs constituent une approche plus fine des
problèmes de propagation des pollutions.Ils permettent de calculer,
en tout point du domaine simulé, l'évolution des teneurs au cours
du temps, en particulier à proximité des points d'eau menacés. L'ou-
til de calcul mis au point, connecté au modèle hydrodynamique,
prend en compte les phénomènes suivants :
- la convection, liée au sens d'écoulement et à la'vitesse
effective de l'eau, '
- la dispersion longitudinale et transversale,
- les échanges avec l'eau de rétention,
- les échanges avec l'extérieur (apports ou prélèvements
d'eau douce ou d'eau minéralisée).
Les modèles hydrodispersifs ont été utilisés pour représenter les
pollutions par chlorures et sulfates qui se propagent sur de gran-
des distances. Ils ont été étalonnés sur l'historique des mesures
disponibles et ont permis de déterminer, entre autres, l'évolution
future des teneurs dans les puits d'alimentation en eau potable si-
tués sur la trajectoire de la pollution, suivant plusieurs hypo-
thèses de fixation du phénomène à sa source.
Les modèles hydrothermiques permettent de quantifier les problèmes
de température des eaux souterraines. La nappe phréatique d'Alsace
est très accessible, ce qui a permis la prolifération des doublets
de forages pour pompes à chaleur. Les modèles hydrotherraiques,
connectés aux modèles hydrodynamiques, permettent de définir les
caractéristiques des doublets pompage - rejet et leur impact
sur les doublets voisins. Par ailleurs, un modèle de gestion ther-
mique de l'ensemble de la nappe est en cours de mise en oeuvre
au droit de l'agglomération de Strasbourg et de sa région.
- tía -
PROGRAMMATION DKS MODELES
Les programmes de modélisation s'insèrent dans l'ensemble informa-
tique de la banque des données hydrogéologiques. Des procédures au-
tomatiques permettent de transférer vers les modèles lès données
actualisées extraites des différents fichiers.
La séparation des différentes tâches de la modélisation a permis
de créer un outil modulaire, qui comporte deux types de programme :
- les programmes généraux (lecture et contrôle des données ;
impression des cartes et graphiques ; statistiques ; trans-
ferts) sont utilisés par tous les modèles indifféremment
- les programmes de calcul, spécifiques de chaque type
d'équation.
Trois versions distinctes de différents modèles ont été dévelop-
pées et sont utilisées en parallèle :
- une version mini-informatique permettant de simuler des do-
maines comportant jusqu'à 3 5OO mailles
- une version micro-informatique où l'utilisateur est guidé
puissammment en mode conversationnel
- une version mixte, où les calculs sont réalisés sur gros
ordinateur, la préparation des données et l'édition des
résultats étant assurées par les programmes conversation-
nels de la version micro-informatique ; dans cette ver-
sion, les tranferts micro-ordinateur/outil de calcul ont
été réduits au minimum.
- 70 -
CONCLUSION
En conclusion, la nappe phréatique d'Alsace constitue un puissant
réservoir aquifère, dont l'accessibilité est très grande. Cela a
permis un développement important de l'exploitation des eaux souter-
raines dans tous les domaines (alimentation en eau potable des col-
lectivités, industries, agriculture avec la prolifération des puits
d'aspersion ; pompes à chaleur). Afin d'assurer une gestion cohé-
rente des ressources entre les différents usages dont les contrain-
tes sont souvent contradictoires, il a été nécessaire, au fil des
années, d'introduire de nouveau paramètres dans la banque de données
et de mettre au point une bibliothèque de modélisation permettant
de représenter les phénomènes hydrodynamiques, la propagation des
pollutions et les évolutions de température des eaux souterraines.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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J.P. VANÇON (1979) : Gestion de la nappe phréatique de la plaine'd'Alsace au moyen de modèles de simulation.Bulletin du BRGM (deuxième série) section IIIn° 1, 1979, pp. 39 à 48, 7 fig.