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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2010 - Vol. 4 - N°2

Correspondance :

Charles-Yannick GuezennecInstitut de médecine aéronautique du service de Santé des ArméesB.P. 7391223 Bré[email protected]

Les effets physiologiques de l’activité physiquePhysiological effects of physical activity

C.-Y. GuezennecInstitut de médecine aéronautique du service de Santé des Armées, Brétigny-sur-Orge.

© 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

RésuméLa physiologie de l’activité musculaire peut être envisagée sous l’aspect de la physiologie intégrée qui décrit les relations entre les différents organes qui assurent la motricité. Le muscle squelettique tient une place centrale, car il est le seul organe à pouvoir assurer la transformation de l’énergie biochimique en travail mécanique externe. Pour assurer ce rôle, il a besoin d’un apport adapté de substrats énergétiques et d’oxygène. Ces fonctions sont remplies par les organes de stockage, comme le foie et les adipocytes, et par l’ensemble du système cardio-circulatoire. À partir des méca-nismes de la contraction musculaire, il est possible de décrire les différentes voies métaboliques qui sont successivement mises en jeu pour assurer l’apport d’énergie en fonction de la durée et de l’intensité de l’exercice musculaire. La réponse hormonale à l’effort permet de réguler les apports de substrats énergétiques entre les organes de stockage et le muscle. L’étude de la réponse cardiovas-culaire à l’effort doit être envisagée en relation étroite avec celle du métabolisme intramusculaire. L’augmentation de la dépense énergé-tique, liée à la contraction musculaire, nécessite une augmentation de la consommation d’oxygène. Ces adaptations sont indispen-sables pour apporter aux muscles un débit suffisant d’oxygène et de substrats énergétiques. L’entraînement en endurance induit une amélioration de la convection de l’oxygène vers ces muscles. Une des orientations majeure de la physiologie de l’exercice musculaire consiste à déterminer, avec les méthodes modernes d’études de l’expression du génome, dans quelle mesure la réponse à l’entraîne-ment est influencée par le polymorphisme de certains gènes et quelle est la relation avec les effets de l’activité physique sur la santé.

Mots-clés : Exercice physique – métabolisme – muscle squelettique.

SummaryPhysical exercise physiology is mainly determined by skeletal muscle functions. Skeletal muscle activity is supported by energy fuel regulation and oxygen availability. Energy fuel is stored in muscle, liver and adipose tissue; the regulation of the energy substrate fluxes is under the influence of hormonal response to physical exercise. Physical exercise training improves the sensiti-vity to hormones actions on the mobilization and substrates use. One of the interesting effects in the scope to prevent metabolic diseases is the enhanced insulin sensitivity at the muscle level.

Key-words: Physical exercise – metabolism – skeletal muscle.

tique tient une place centrale, car il est le seul organe à pouvoir assurer la trans-formation de l’énergie biochimique en travail mécanique externe. Pour assurer ce rôle, il a besoin d’un apport adapté de substrats énergétiques et d’oxy-gène. Ces fonctions sont remplies par

Introduction

La physiologie de l’activité musculaire peut être envisagée sous l’aspect de la physiologie intégrée qui décrit les rela-tions entre les différents organes qui assurent la motricité. Le muscle squelet-

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les organes de stockage, comme le foie et les adipocytes, et par l’ensemble du système cardio-circulatoire. La majorité des axes endocriniens sont impliqués dans la régulation immédiate de ces dif-férents systèmes et leur adaptation au long cours. Nous verrons que l’entraîne-ment physique améliore considérable-ment les capacités de travail musculaire en agissant à ces différents niveaux.

La contraction musculaire

Elle est la base de l’activité physique, elle résulte de la transformation d’éner-gie chimique en énergie mécanique par glissement des filaments de protéines contractiles, l’actine et la myosine [1]. L’énergie chimique est fournie par l’hydro-lyse d’adénosinetriphosphate (ATP) sous l’influence de l’activité ATPasique de la tête de myosine. L’importance de cette activité enzymatique hydrolysante règle la vitesse de glissement des myofilaments entre eux. Ce processus contractile est principalement sous la dépendance de la commande nerveuse qui règle la motricité à l’échelon central de l’organisme. Cette commande nerveuse est le facteur d’ex-citation de la contractilité qui repose sur une transmission de l’information de la périphérie du muscle à l’intérieur de la cellule, par le biais d’un couplage entre l’excitation et la contraction. Ce couplage et le cycle de contraction-relaxation de la fibre musculaire, sont directement liés à une augmentation de la concentration du calcium ionisé intracytoplasmique. Cette montée du calcium produit une interaction entre les molécules d’actine et la tête de la myosine qui conditionne le glissement des filaments et assure ainsi le phénomène mécanique de la contraction musculaire. Le relâchement fait suite à la contraction, après avoir été mis en contact avec le site ATPasique de la tête de la molécule de myosine, l’ATP est hydrolysé, et la liaison entre actine et myosine se trouve rompue. Ce temps correspond à la recaptation du calcium par le réticulum sarcoplasmique, ces différentes étapes consomment de l’énergie. La puissance, la résistance à la fatigue, la vitesse de contraction sont dépendantes de la nature des protéines contractiles et de l’équipement métaboli-que de chaque fibre musculaire. On distin-

gue plusieurs types de fibres musculaires. Les unités motrices peuvent être classées en différents types sur la base de leurs propriétés contractiles et métaboliques [2]. Il existe deux grandes classes d’unités motrices : les unités motrices de type lent (slow), caractérisées par la lenteur de leur vitesse de contraction, la faible valeur de leur puissance mécanique, et leur résis-tance à la fatigue. À l’opposé, les unités motrices de type rapide (fast) sont carac-térisées par leur contraction rapide et leur puissance élevée. Elles sont rangées en rapides-fatigables ou rapides-résistantes, en fonction de leur résistance à la fati-gue. Il est maintenant établi qu’un certain nombre de ces propriétés contractiles, et en particulier la vitesse de contrac-tion de l’unité motrice, sont étroitement dépendantes de la vitesse d’hydrolyse de l’ATP. Cette propriété est sous la dépen-dance d’un polymorphisme des protéi-nes contractiles. Cette variabilité est en grande partie déterminée par les différents types de chaînes lourdes de la myosine. Chaque molécule de myosine est formée par l’association de deux chaînes poly-peptidiques dites lourdes (chaînes lour-des : Myosin Heavy Chains, MHC, dans la terminologie conventionnelle) et de quatre chaînes polypeptidiques légères (Myosin Light Chains, MLC). Pour chacune de ces protéines, il existe des isoformes avec des propriétés ATPasiques rapides ou lentes.Les propriétés métaboliques dépendent de l’équipement enzymatique et de la densité mitochondriale. Les fibres de type I (ou slow twitch) possèdent une forte densité mitochondriale et des enzymes orientant le métabolisme vers les voies oxydatives. Elles sont capables d’utiliser des substrats glucidiques ou lipidiques, elles sont aussi le siège de l’oxydation de certains acides aminés lors du travail musculaire. Les fibres de type rapides sont classées en deux sous-groupes qui diffèrent par leurs capacités méta-boliques. Les fibres rapides résistantes à la fatigue sont capables d’assurer un métabolisme oxydatif important, elles sont désignées sous les termes de fibres de type Fast Twitch Resistant type IIA ; les fibres rapides fatigables ont un méta-bolisme essentiellement anaérobie, elles sont désignées sous les termes de fibres de type Fast Twitch Fatigables type IIB.

Effets de l’entraînement physique sur les structures du muscle : concepts récents

Il a été bien démontré que les structures des muscles d’athlètes très entraînés diffèrent de celles de sujets sédentaires [3]. Les modifications de la typologie musculaire sous l’effet de l’entraînement résultent de trois facteurs principaux, qui sont le type de stimulation nerveuse, la nature des contraintes mécaniques résul-tantes de chaque type d’activité physi-que, et la réponse hormonale à l’effort. La nature de la commande nerveuse joue probablement le rôle principal, des expérimentations sur des modèles ani-maux ont bien indiqué qu’il est possible de transformer la typologie d’un muscle en faisant varier la nature de la stimula-tion nerveuse [4]. Le type de nutrition, notamment la nutrition protéique, est censé jouer un rôle sur les transforma-tions musculaires de l’entraînement. Mais ce point soulève encore de nombreuses discussions [5]. Lorsque l’on essaie de schématiser les effets de l’entraînement sur le muscle, on oppose la pratique des sports d’endurance à celle des sports de force/vitesse. Les athlètes endurants présentent une augmentation de la pro-portion de fibres lentes de type I dans les muscles locomoteurs associées à un réseau capillaire plus dense. Il existe aussi une augmentation de la densité mitochondriale, qui est bien corrélée avec l’amélioration de la consommation maximale d’oxygène. Les athlètes entraî-nés dans des sports de force présentent une augmentation de la surface des fibres musculaires et, dans certains types d’ac-tivités, on a pu relever une augmentation de la proportion de fibres de type rapides. Cependant, la discussion reste ouverte pour savoir dans quelles proportions ces modifications observées chez des athlè-tes, qui réussissent dans leur discipline, sont le résultat de leur entraînement ou bien reflètent leur patrimoine génétique. Cette question fait l’objet d’études uti-lisant la méthode de comparaison des jumeaux monozygotes et dizygotes [6], les résultats indiquent que 25 à 50 % de la variabilité de typologie musculaire est liée à l’hérédité. Plus récemment, l’étude HERITAGE menée par l’équipe

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de Bouchard, au Canada, indique que le polymorphisme de l’expression du gène de la créatine kinase musculaire joue-rait un rôle significatif sur l’adaptation métabolique du muscle à l’entraînement [7]. Un des développements importants, qui fait l’objet de nombreux travaux en cours et qui devrait se concrétiser par des avancées conceptuelles, consistera à préciser le rôle exact des différents facteurs myogéniques (MyoD, Myf-5) et des facteurs de croissance (fibroblast growth factor, FGF ; insulin-like growth factor IGF-1 et IGF-2 ; nerve growth fac-tor, NGF) sur la régulation de l’expres-sion du message génétique musculaire en réponse à l’entraînement physique [8]. Une hypothèse très novatrice est soutenue, elle suggère que les lésions musculaires inflammatoires provoquées par l’entraînement physique pourraient par le biais de la régénération, à partir de cellules précurseurs des fibres mus-culaires adultes, participer au processus d’adaptation à l’entraînement [9].

L’apport d’énergie au muscle

Les substrats énergétiques sont stockés dans le foie, le muscle et les adipocytes. Ils sont représentés par les réserves en hydrates de carbone, les réserves lipidi-ques et le pool d’acides aminés mobi-lisables. Leur niveau d’utilisation et le choix du type de substrat dépendent du type d’activité musculaire. On distingue les activités physiques très courtes et intenses qui sollicitent principalement le métabolisme anaérobie, des activités prolongées qui mettent en jeu exclusive-ment le métabolisme aérobie. La sollici-tation des différentes sources d’énergie dépend des conditions de l’effort, de son intensité, de sa durée et de l’état initial du stock des différents substrats. De façon schématique, deux systèmes fonctionnent sans apport d’oxygène, le système ATP-créatine phosphale (ATP-CP) et la glycolyse. La description du rôle des différentes voies métaboliques dans le cadre de l’exercice musculaire repose sur deux notions essentielles qui sont la puissance et la capacité. La puissance définit la puissance maximale qui résulte d’une voie métabolique don-

née, alors que la capacité correspond à la totalité de l’énergie qui peut être mobilisée. Deux questions principales intéressent les physiologistes de l’ac-tivité musculaire : la première consiste à savoir dans quelle mesure le niveau des réserves et leur vitesse d’utilisation conditionne la performance physique ; la seconde consiste à déterminer dans quelle mesure l’entraînement modifie le métabolisme énergétique.

Le métabolisme anaérobie

Le métabolisme anaérobie alactique, qui consiste à utiliser exclusivement les sources en phosphagène intramusculaire, est la seule source de substrat pour les efforts intenses d’une durée inférieure à quelques dizaines de secondes [10]. La quantité d’énergie fournie peut atteindre une valeur de 250 Kcal par min pendant 7 à 10 secondes chez des athlètes entraî-nés dans des sports de force vitesse, comme le sprint. Ce qui correspond à une consommation de 150 ml d’oxygène par min et par kg. Sa capacité est faible, elle ne dépasse pas en théorie 100 Kcal mobi-lisables pour un homme de 70 kg. Les substrats énergétiques utilisés par cette voie sont les réserves intramusculaires en phoshagène : ATP et créatine phos-phate. L’énergie disponible est complète-ment épuisée au cours d’un effort intense et bref de 10 secondes, tel un sprint de 100 mètres. L’entraînement, qui déve-loppe la masse musculaire et augmente la concentration de créatine phosphate musculaire, majore la capacité du proces-sus anaérobie alactique. Lorsque l’effort dépasse cette durée d’une dizaine de secondes, le muscle met en action le métabolisme anaérobie lactique [11, 12]. Cette voie métabolique qui aboutit à la production d’acide lactique est capable de produire 120 à 130 Kcal par min chez des athlètes entraînés à ce type d’effort. Ainsi, par exemple, un coureur à pied réalisant une course de 400 mètres en 44 secondes, ce qui représente le meilleur niveau mondial, dépense 90 Kcal. Cette puissance correspond à une consomma-tion d’oxygène de 100 ml.min-1.kg-1. Elle est nettement moins importante chez le sujet non entraîné (50 Kcal.min-1) ; ainsi, le facteur limitant de ce type d’exercice

maximal dans le domaine du métabolisme anaérobie lactique n’est pas l’épuisement du glycogène, mais l’augmentation rapide de l’acidose musculaire qui bloque les voies métaboliques [12].

Le métabolisme aérobie

Les efforts plus prolongés utilisent essen-tiellement le métabolisme aérobie ; les substrats glucidiques et lipidiques cou-vrent la majorité des dépenses, l’oxydation des acides aminés est quantitativement moins importante, mais joue un rôle déter-minant sur les processus de fatigue. Les facteurs limitants de la performance sont l’épuisement des réserves glycogéniques qui survient entre 90 et 120 min à 75 % du VO2max. [13, 14]. L’épuisement du gly-cogène musculaire est responsable d’une fatigue locale musculaire. La consomma-tion en glucose du muscle est de 0,7, 1,4 et 3,4 mmoles.kg-1.min-1 à 50, 75 et 100 % de la consommation maximale d’oxygène, respectivement [15]. Il existe une relation entre l’épuisement du glycogène et la dimi-nution de la capacité à produire un exer-cice physique de niveau élevé.La libération de glucose hépatique augmente progressivement au cours de l’exercice musculaire et lors d’un exercice intense, le débit peut être de quatre à cinq fois supérieur au débit de repos [16]. Deux voies métaboliques contribuent à la production de glucose hépatique : la glycogénolyse et la néo-glucogenèse. Leur contribution relative dépend de l’intensité et de la durée de l’exercice. En début d’exercice, la gly-cogénolyse est la voie prépondérante. La néoglucogenèse devient majeure lors d’un exercice prolongé. Cependant, ces deux voies métaboliques, contrairement à de nombreux autres mécanismes méta-boliques, ne se succèdent pas selon une loi du tout ou rien. La néoglucogenèse est probablement stimulée bien avant l’épuisement du glycogène hépatique, elle remplace progressivement la gly-cogénolyse hépatique lors de l’exercice physique prolongé et assure la pres-que-totalité de la production de glucose lorsque l’exercice physique dépasse 3 ou 4 heures ; 20 g de glycogène sont utilisés par kilogramme de foie lors d’un exercice à 70 % du VO2max. Dans la

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mesure où la concentration moyenne de glycogène hépatique se situe à 50 g.kg-1 chez l’homme, ce type d’exercice conduit à l’épuisement du glycogène hépatique en 2 heures.Lors de la diminution et de l’épuisement du glycogène hépatique, la stimulation progressive de la néoglucogenèse repré-sente la seule possibilité de maintenir la production de glucose.Lors de l ’exercice prolongé, on constate un déséquilibre entre la capa-cité maximale de la néoglucogénèse et la consommation par les muscles, entraînant une baisse modérée de la glycémie et, dans certains cas, une hypoglycémie nette. L’ensemble de ces données métaboliques tendrait à indiquer que la diminution importante du glycogène hépatique, de par ses conséquences sur la glycémie, serait le principal facteur de l’épuisement. Ceci peut être modulé en fonction de l’intensité de l’exercice, l’épuisement du glycogène musculaire étant certai-nement un facteur limitant de la pour-suite de l’exercice au-dessus de 70 % du VO2max. Pour des exercices de faible intensité et de très longue durée (course de 100 km, triathlon long, marche de fond...), l’utilisation des lipides permet en partie de suppléer à la diminution des réserves en hydrates de carbone. La capacité de mobilisation et d’utili-sation des acides gras libres circulants (AGL) est essentielle lors de l’exercice physique de longue durée [17]. Ils rem-placent les substrats glucidiques dans le métabolisme musculaire. Ainsi, le pourcentage de l’énergie fournie par l’oxydation des lipides augmente en fonction de la durée de l’effort. Pour une durée de course de 30 minutes, le pourcentage est de 10 %, il passe à 30 % pour 2 heures, et dépasse 60 % au-delà de 3 h 30. Une partie des lipi-des utilisés lors de l’exercice muscu-laire provient des triglycérides stockés dans le muscle, ils sont métabolisés en premier lieu, l’autre partie provient des lipides circulants. En dernier lieu, il faut évoquer l’incorporation des acides aminés dans le métabolisme aérobie. Le métabolisme protéique est principa-lement mis en jeu par le biais de l’oxy-dation des acides aminés branchés (leucine, isoleucine, valine). L’oxydation

de la leucine augmente en fonction de l’intensité de l’exercice ; à peu près 900 mg de leucine sont oxydés pen-dant 2 heures d’exercice à 50 % du VO2max. Cette oxydation aboutit à une transamination du radical NH3 sur le pyruvate. Cette transamination qui produit de l’alanine est à la base du cycle alanine-glucose. Ce cycle a été initialement décrit par Felig. L’alanine produite dans le muscle est exportée par le torrent circulatoire vers le foie, qui utilise ce substrat pour produire du glucose par la voie néoglucogénique. Ce même glucose sera ultérieurement dégradé dans le muscle et le pyruvate sera alors recyclé en alanine. Cette voie métabolique permet de maintenir l’homéostasie glucidique aux dépens du catabolisme protidique. D’autres aminoacides sont probablement oxy-dés pendant l’exercice musculaire. La contribution des aminoacides oxydés dans le métabolisme énergétique de l’exercice physique prolongé serait de 5 à 10 % de la production totale d’éner-gie. Afin de réguler harmonieusement l’approvisionnement en substrats éner-gétiques et en oxygène, il faut assurer de façon conjointe la régulation hormo-nale des flux de substrats et l’adapta-tion du débit cardiaque.

Régulation hormonale du métabolisme énergétique

La réponse hormonale à l’effort est par-faitement décrite [18-20] ; elle est influencée par la durée et le niveau de l’effort. Viru [20], distingue deux méca-nismes d’activation de la réponse hor-

monale à l’effort. Un premier mécanisme d’action rapide serait lié à une action d’anticipation du système nerveux central, un second mécanisme mis en jeu plus tardivement serait asservi au besoin métabolique, tels que la disponi-bilité en glucose ou l’apport d’oxygène au tissu. Dès le début de l’exercice musculaire, il se produit une élévation des catécholamines circulantes, cette réponse rapide est l’exemple de l’acti-vation du système nerveux central. Il en résulte une stimulation β-adrénergique des îlots de Langherans qui, à l’issue de plusieurs minutes, induit une baisse de l’insuline circulante et une élévation du glucagon. L’ensemble de ces actions coordonnées régule la libération du glu-cose hépatique. Selon Galbo [18], lors de la prolongation du travail musculaire au-delà de plusieurs dizaines de minu-tes, les mouvements hormonaux et plus particulièrement ceux du couple insu-line glucagon, suivent la disponibilité en glucose circulant ; ce phénomène est bien mis en évidence par les effets d’un apport nutritionnel pendant l’ef-fort. L’ingestion d’aliment glucidique permettant de maintenir la stabilité du glucose fait baisser les concentrations de catécholamines et élève les concen-trations d’insuline [13]. L’augmentation de la lipolyse est sous la dépendance des mêmes orientations hormonales, telles que l’élévation des catécholami-nes et la baisse de l’insuline, mais avec en plus un rôle facilitateur de l’élévation de l’ACTH (adrenocorticotrophic hor-mone) et des concentrations circulantes d’hormone de croissance. Les don-nées récentes concernant l’influence du métabolisme lipidique sur la leptine ont suscité de nombreux travaux afin de

Le muscle squelettique est le seul organe capable de transformer l’énergie biochimi-

que en travail mécanique permettant d’assurer la locomotion.

Pour assurer cette fonction, il doit disposer d’une régulation intégrée des flux de

substrats énergétique.

L’entraînement physique améliore considérablement la capacité de mobiliser les subs-

trats énergétiques à partir des organes de stockage, comme le foie et les adipocytes,

et la capacité du muscle à capter et utiliser ces substrats.

Une grande partie de ces adaptations résulte d’une amélioration de la sensibilité des

tissus aux différentes hormones impliquées dans les régulations métaboliques.

Les points essentiels

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savoir si l’inhibition de la libération de ce peptide par les adipocytes pouvait infor-mer l’organisme sur le niveau de déficit énergétique [21], les résultats obtenus ne mettent pas en évidence une action significative pour des efforts isolés, mais un travail récent montre que dans la situation de la répétition d’un effort prolongé sur plusieurs jours, on observe une diminution très importante de lep-tine qui, dans ce cas, pourrait devenir un des acteurs de l’asservissement des apports alimentaires au niveau des besoins. L’entraînement physique modi-fie à la fois les réserves énergétiques et la régulation des voies métaboliques. Une partie de ces adaptations passe par une augmentation de la sensibilité aux actions hormonales [22].

Rôle des adaptations cardiovasculaires

L’étude de la réponse cardiovasculaire à l’effort est bien souvent dissociée de celle du métabolisme. Cette séparation n’obéit pas à une logique d’intégration. Depuis longtemps, les théoriciens des régulations essaient de relier une partie de la réponse cardio-respiratoire aux flux de substrats intramusculaires [23]. Bien que les voies d’intégration soient encore hypothétiques et que la nature des métaborécepteurs intramuscu-laires reste à déterminer, il existe de nombreuses preuves indirectes d’un couplage entre le métabolisme intra-musculaire et le système cardio-circula-toire. Les modèles explicatifs suggèrent que le couplage entre le système car-diorespiratoire se ferait au niveau de l’activité du système créatine kinase

mitochondriale [24]. L’augmentation de la dépense énergétique liée à la contraction musculaire nécessite une augmentation de la consommation d’oxygène. Ces adaptations sont indis-pensables pour apporter aux muscles un débit suffisant d’oxygène et de substrats énergétiques. L’entraînement en endurance induit une amélioration de la convection de l’oxygène vers ces muscles. L’accroissement des capaci-tés de transport en oxygène du sang passe par une augmentation du débit cardiaque. L’exposition chronique à ce type d’exercice conduit, à terme, à des modifications structurales du cœur et du système de convection de l’oxy-gène. Les étapes concernées sont :

L’étape de convection et de diffusion pulmonaire ;

L’étape de convection circulatoire ;L’étape de diffusion de l’oxygène de

l’hémoglobine du sang du capillaire à la mitochondrie de la fibre musculaire ;

L’étape mitochondriale, de phospho-rylation oxydative.Des études récentes portant sur les déterminants génétiques de la réponse à l’entraînement éclairent d’un jour nou-veau ces questions posées de longue date. Il existe des différences interindi-viduelles importantes dans la réponse du système cardiovasculaire et de l’augmen-tation de la consommation d’oxygène maximale à l’entraînement physique [25]. Les résultats de ces études mettent en évidence des associations positives entre la réponse à l’entraînement et le polymorphisme des gènes codant pour le système des créatines kinase muscu-laires [26]. Le gène codant pour l’activité de l’enzyme de conversion a lui aussi été proposé comme un candidat au détermi-

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nisme de la capacité maximale aérobie, les résultats sont sujets à discussion, et il semblerait qu’ils influenceraient plus la réponse tensionnelle à l’effort [27]. Ce dernier point illustre une des orientations fortes de l’étude de la physiologie des gènes impliqués dans la réponse à l’ac-tivité physique qui devrait s’attacher à mettre en relation la réponse à l’entraî-nement et son effet sur la santé.

Conflits d’intérêtL’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt

relatif au contenu de cet article.

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La physiologie de l’activité physique chez l’homme étudie depuis pratiquement plus

d’un siècle l’adaptation du corps humain sous un aspect très mécanistique. Sous

ce point de vue, le muscle squelettique est considéré comme une machine thermi-

que dont il est possible d’étudier la capacité, la puissance et le rendement, comme

pour toute autre machine. En revanche, elle possède une caractéristique propre au

vivant qui est de s’adapter en permanence en fonction des contraintes qui lui sont

imposées. Les méthodes modernes d’étude de l’expression génomique permettront

de faire de grands progrès dans la compréhension de la plasticité d’adaptation à

l’activité physique.

Conclusion

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