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LES FEMMES SYNDICALISTES SOUS SURVEILLANCE
Etude sur les femmes syndicalistes et leur accès aux postes de décision Cas : UMT, FDT, SNESUP
AL MOTAMASSIK AHMED
2
Sommaire
Introduction ……………………………………………………………………………… 4
PARTIE I- Données d’ancrage ........................................................... 8
Chapitre I- Eléments de contexte : ............................................................................. 9
Chapitre II- Méthode d’investigation : ....................................................................... 14
Chapitre III- Armature conceptuelle ou penser et agir autrement ............................ 20
Chapitre IV- Données quantitatives .......................................................................... 28
PARTIE II- Le syndicat au féminin : enjeux et freins ..................... 34
Chapitre I : les motivations et les attributs associés au vocable« syndicat » et au
« profil de la femme syndicaliste idéale » ................................................................. 37
CHAPITRE 2 - Les femmes syndicalistes « SUR LA CORDE RAIDE » ................. 44
Carrousel des freins dans « le travail syndical au féminin » .................................... 44
CHAPITRE 3 - analyse des mécanismesde fonctionnement des freins .................. 57
Chapitre 4 : LEVER LES FREINS EN MOBILISANT DES LEVIERS PERTINENTS 63
Bibliographie/ Webographie
Annexes
Conclusion
Liste des abréviations
Glossaire
3
PREAMBULE
Nous tenons à remercier les membres du comité de pilotage
pour leur disponibilité et leur confiance dans la conduite de ce
projet.
Nous souhaitons également remercier les responsables de
KVINFO pour leur aide et leur confiance.
Nous voudrions enfin remercier les femmes et les hommes
des focus groupes et des interviews individuelles, qui ont
accepté volontairement et sans réserve de nous fournir les
informations nécessaires en vue de mener ce projet à bien.
4
INTRODUCTION
"Là où les femmes sont respectées et respectables, là résident les dieux de notre bien-être"
(Proverbe sanskrit)
Lieu d’enjeux importants et espace d’affrontements socio-politiques, la
question de la femme est devenue constitutive et structurante du champ
idéologique, politique et culturel du Maroc. De ce fait la question de l’intégration
genre (Gender mainstreaming) est devenue un leitmotiv de tous les acteurs
politiques, sociaux et économiques (partis politiques, syndicats, société civile,
patronat, gouvernement…)1
Trois éléments sont à prendre en considération en vue de jauger cette situation :
- Le développement durable ne peut opérer sans l’intégration genre. Par
son dynamisme, la société civile œuvre dans ce sens. 2De plus
l’impact est perceptible sur la participation politique des femmes dans
les instances élues comme le parlement et les collectivités locales.
- L’écart entre les textes et les pratiques au quotidien.
- Le fait que cette situation est plus favorable aux femmes des partis
politiques qu’aux femmes syndicalistes.
1On ne compte plus les rapports publiés par les pouvoirs publics, par les organisations internationales et la société civile sur
les inégalités entre hommes et femmes. Par contre, sur la femme syndicaliste et sa position dans les organisations syndicales, il n’existe presque pas de travaux touchant cet aspect à l’échelon national. 2 Tous les crédits octroyés à l’état marocain sont conditionnés par la prise en compte de l’intégration de
l’approche genre
5
Partant de ce dernier constat, trois remarques sont à soulever :
1 -Le constat d’un processus spectaculaire et continu de féminisation du
salariat, depuis les années 2000, cohabite avec celui d’une insertion
différenciée et inégalitaire des hommes et des femmes sur le marché du
travail.
2 -Le recul de l’impact des syndicats et la possibilité de les régénérer en
encourageant les femmes à y adhérer 3
3 - Le nombre infime de femmes dans les postes de décision des
instances syndicales détonne avec / dans un univers syndical censé être
porteur des valeurs d’égalité, de justice et de solidarité. N’est-il pas plus
judicieux que cette inégalité flagrante au sein de leurs propres entités soit
interpellée et traitée ?
Nous relevons aussi les particularités du travail syndical qui, par son imprécision,
pèse sur la nature et le volume des tâches nécessaires à l'exercice de l'activité de
militant(e). Ceci mène souvent à un surinvestissement, à de nombreux
engagements avec une grande pression qui, dans la majorité des cas, génère du
stress et de l’invisibilité.
Par ailleurs, si les revendications concernant les conditions de travail des femmes
sont mises en valeur au niveau du cahier revendicatif, leurs besoins et leurs
spécificités ne sont pas pris en charge ni dans l’entreprise ni dans les organisations
syndicales proprement dites.
Toutefois, nous notons dans les derniers congrès de certaines centrales syndicales
une volonté d’appliquer le quota avec des mesures positives.
Qu’en est-il dans les faits ? Les pratiques syndicales indiquent, en reprenant la
fameuse expression d’un article, que « les syndicats n’ont pas la fibre féminine »4,
sachant que l’univers syndical reste un monde organisé et façonné selon un regard
masculin- un monde social androcentré-.
Le résultat reste en deçà des attentes. « Le nombre des femmes dans les postes
de responsabilité est inversement proportionnel à l’importance des postes.
Autrement dit, plus les postes de responsabilité sont importants, moins ils
sont accessibles aux femmes. » 5
3Le nombre d’affiliés n’a pas évolué depuis l’indépendance. On peut même dire qu’il a régressé (650000 au lendemain de
l’indépendance soit 6% de la population active et actuellement à peine 15% de la population marocaine. Cf. le rapport d’El Amri, opus cité p. Nous assistons aussi à la naissance d’autres formes d’organisation comme les « coordinations » qui concurrencent les syndicats 4 BULARD MARTINE : « les syndicats n’ont pas la fibre féministe », le monde diplomatique, juin 2000, pp.18-19
5 El amri p.33
6
Cela signifie que plus on monte dans les instances décisionnelles, plus faible est le
pourcentage de femmes.
Quelles sont les causes de cette situation? Qu’est- ce qui empêche les femmes
d’accéder aux postes de décision malgré les discours affichés ? Pourquoi les
syndicats restent un bastion masculin ?
Cette étude tente d’y apporter des réponses. Elle s’inscrit dans un projet impulsé par
KVINFO et le comité de pilotage composé de militantes de trois syndicats (UMT,
FDT et SNESUP).
L’objet de l’étude est défini dans les termes de références suivants :
« La relative faiblesse de la présence des femmes au sein des syndicats ;
Certains travaux réalisés au sein des syndicats sur la faiblesse de la
représentativité de la femme aux postes de prise de décision ;
leur faible représentation au niveau des diverses instances décisionnelles, il
s’avère nécessaire de donner un aperçu de la situation actuelle sur les
femmes syndicalistes aux postes de décision ; d’identifier les contraintes et les
obstacles entravant leurs missions et faire une appréciation des perceptions
des différents rôles des femmes syndicalistes en tenant compte des données
disponibles comme référence. »
Les objectifs de l’étude sont :
« Identifier les obstacles et les freins à l’accès des femmes aux
instances décisionnelles des syndicats
Définir des pistes d’action d’une manière participative en vue d’un plan
d’action pertinent. »
Nous nous basons sur trois principes directeurs qui commandent l’arrière-plan de
notre investigation :
1. La régénération du syndicalisme et le développement de l’esprit
syndical passent par l’intégration de l’approche genre dans les
institutions et les pratiques syndicales.
2. Les mesures volontaristes (le quota et les places réservées entre
autres) sont nécessaires pour donner une impulsion au projet de
« Gender main streaming » syndical.
3 - Des stratégies concourantes vers « l’empowerment » peuvent
accélérer le processus de l’égalité homme/femme dans les instances
syndicales.
7
Nous allons donc nous atteler –en utilisant des méthodes d’investigation pertinentes-
à cerner les contours de la motivation d’adhésion aux syndicats, les représentations
associées au mot syndicat, les activités afférentes des femmes syndicalistes, leurs
valeurs et leurs idéaux, leur conception des freins et des actions en vue de les
dépasser.
Nous ciblons essentiellement la perception des acteurs-ces de leur travail syndical,
ainsi que les entraves qui bloquent leur évolution au sein de leurs organisations
respectives. Il est à noter que toute perception est toujours partielle et partiale mais
agissante. Une occultation de cette dimension pourrait aussi hypothéquer
l’intégration de l’approche genre dans les pratiques syndicales.
Nous allons, dans un premier temps, consacrer une partie aux données d’ancrage.
Elle comporte quatre volets :
- Eléments de contexte
- Méthode d’investigation
- Armature conceptuelle
- Données quantitatives
Dans un deuxième temps, nous traiterons les freins proprement dits en quatre plots
phares :
- Les motivations et les attributs associés au vocable « syndicat » et au profil « de
la femme syndicaliste idéale »
- Les freins : la femme syndicaliste « sur la corde raide »
- L’analyse des mécanismes de fonctionnement des freins : on ne naît pas
dominant, on le devient.
- La levée des freins en mobilisant des leviers pertinents.
9
Chapitre I - Eléments de contexte :i
Malgré certaines avancées incontestables (progression de l’activité féminine,
augmentation du niveau de diplômés féminins, accès plus nombreux à des emplois
qualifiés), différents indicateurs montrent la persistance d’inégalités de genre.
En fait il faut distinguer deux logiques : une logique de production des textes
juridiques 6 et une logique des pratiques qui est en retrait par rapport au déclaratif
susdit.
1- La logique de production textuelle : nous notons une avancée importante
au niveau de la production des textes législatifs consacrant la prise en compte
des droits des femmes. Quatre paliers commandent le champ de la production
de ce florilège de textes : la constitution, le code de la famille, le code du
travail et les mesures positives en vue de promouvoir la participation politique
des femmes.
a- La constitution de 2011 notamment dans les dispositions qui :
- Consacre l'égalité entre les sexes dans tous les droits ;
- Préconise des mesures d’action affirmatives et des mécanismes de mise en
œuvre de l‘égalité ;
- La prohibition de la discrimination et la création de l’instance la garantissant
(l’APALD) article 19;
- Reconnaît la suprématie des conventions internationales ratifiées par le Maroc et
l’obligation d’harmonisation avec les lois nationales.
b- Le code de la famille a apporté des dispositions nouvelles :
- La restriction de la polygamie par des conditions qui la rendent difficile et
presque impossible.
- La coresponsabilité des deux époux au sein de la famille.
- La soumission du divorce à une procédure judiciaire.
6 Fondée sur l’effet d’annonce c.-à-d. il suffit de le dire pour créer un impact. En d’autres termes le déclaratif
devient un objectif en soi.
10
- L’égalité des époux en matière de capacité de contraction du mariage (âge de 18
ans).
- L’égalité des droits et des devoirs des époux (abrogation du droit d’obéissance
de la femme)
- Uniformisation de l’âge de choix de vivre avec l’un des parents en cas de
divorce pour la fille et le garçon (15 ans).
- Bénéfice des legs obligatoires aux petits enfants de la fille au même titre que les
petits enfants du garçon.
- Admission du partage des biens acquis durant le mariage après séparation des
époux et soumission du partage à l’appréciation du juge.
c- Le code de travail : l’adoption du Code du travail, en juin 2003 a permis
l’introduction d’un certain nombre de dispositions tendant à l’amélioration de
l’objectif d’égalité (art. 9 et 346).7
Article 9 « Est interdite toute atteinte aux libertés et aux droits relatifs à l'exercice syndical à l'intérieur de l'entreprise, conformément à la législation et la réglementation en vigueur ainsi que toute atteinte à la liberté de travail à l'égard de l'employeur et des salariés appartenant à l'entreprise. Est également interdite à l'encontre des salariés, toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation conjugale, la religion, l'opinion politique, l'affiliation syndicale, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, ayant pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement. Il découle notamment des dispositions précédentes : 1° le droit pour la femme de conclure un contrat de travail ; 2° l'interdiction de toute mesure discriminatoire fondée sur l'affiliation ou l'activité syndicale des salariés ; 3° le droit de la femme mariée ou non, d'adhérer à un syndicat professionnel et de participer à son administration et à sa gestion. »
d- Les mesures positives concernant la participation politique des femmes :
- La loi organique de la chambre des représentants (parlement) adoption de la
liste nationale en 2002 (30 femmes), 2007 pas de progrès, en 2011, après la
constitution 60 femmes (liste).
- Le code électoral qui adopté la liste additionnelle de 12% pour les femmes.
2- La logique des pratiques qui relève de la tactique de « trois pas en
avant, deux pas en arrière » atteste d’un retrait par rapport aux effets
d’annonce des textes. Cela est décelé dans les réactions de la société civile 7Est interdite toute discrimination relative au salaire entre les deux sexes pour un
travail de valeur égale.
11
qui, à travers des mémorandums adressés aux instances concernées, attire
l’attention sur les faits suivants :
- « Le code de la famille : maintien de la polygamie, de la répudiation, inégalité
dans l’héritage, non reconnaissance de la capacité juridique des femmes en
matière de tutelle légale sur leurs enfants, les articles 20 et 21 autorisant le
mariage à partir de 16 ans. »
- « Exiger l’adoption de mesures qui garantissent la représentation paritaire
dans toutes les instances élues »
- « La loi organique sur les nominations aux hautes fonctions a introduit la
parité, mais dans la mise en œuvre on est déjà très loin du tiers ».
Toutefois, le plus flagrant sont les chiffres concernant les femmes et leur insertion
économique. Les statistiques indiquent que « le degré d’intégration économique des
femmes, et partant de là, leur propension à l’autonomie, l’émancipation et la
négociation de leurs droits, est en chute libre, pour ne pas dire qu’elle s’est
nettement détériorée »8.
Les chiffres démontrent que :
- Le taux de participation des femmes au marché de travail est passé de 30%
en 1999 à 25% en 2012 malgré une amélioration de la scolarisation des filles
et une baisse importante de la fécondité.
- Les femmes occupent des emplois rémunérés, principalement dans les
activités de services et essentiellement dans le secteur privé.
- En milieu urbain, les femmes sont deux fois plus exposées au chômage par
rapport aux hommes (21% pour les femmes et 11%pour les hommes).
- La durée moyenne de chômage est plus longue pour les femmes (75% des
femmes chôment plus de 12 mois contre 60% pour les hommes).
A partir de ces chiffres, le rapport du CESEM fait trois remarques :
- La première concerne les conditions d’exercice des femmes de leur emploi
dans le cadre du marché formel, qui compte dans l’ensemble une population
de pas plus de 2 millions d’individus (affiliés à la CNSS), contre 10.5 millions
recensés en activité professionnelle. Parallèlement, en matière de
rémunération, à poste égal, les femmes urbaines touchent, selon les
estimations des Cahiers du Plan, 27% en moins que leurs homologues
masculins.
- La deuxième remarque touche le taux de féminisation de la fonction publique
civile qui est de 31% en 2012. Ce taux a très peu évolué puisqu’il était de 29%
en 2003.
8CESEM comment aller vers l’égalité économique hommes/femmes P.3
12
Le taux de féminisation le plus élevé se trouve dans le département de la
santé avec 53% (ce qui exprime une présence des femmes légèrement plus
élevée que celle des hommes). Ce même taux baisse à 36% dans l’éducation
nationale, 35% dans le département de la justice et 29% dans l’enseignement
supérieur. Les femmes restent par contre très peu représentées dans le
département de l’intérieur avec un taux de 8.6%.
Partant de ces considérations, on peut affirmer que les femmes restent concentrées
dans des activités peu valorisantes sur le marché de travail. Elles sont aussi victimes
de la discrimination salariale. Celles qui ont reçu une éducation sont plus exposées
au chômage. De plus, Les entreprises privées respectent très faiblement les
engagements contenus dans le code du travail. Finalement, la fonction publique
reste très peu féminisée et l’accès des femmes aux postes de décisions très limité.
En somme, le paradoxe entre ce qui est annoncé et le silence sur les questions de
fond est toujours présent, les inégalités, moins patentes, plus complexes, perdurent.
Le tableau suivant synthétise la fragilité de la situation des femmes dans le champ
professionnel :
1- Discrimination dans l’emploi
Le taux de chômage féminin est plus élevé que celui
des hommes quel que soit le niveau d'éducation et
l'âge des femmes.
2- Discrimination du salaire Le niveau de salaire moyen des femmes est plus
faible.
3- Discrimination dans la
promotion
La progression des femmes dans la carrière est plus
lente que celle des hommes.
4- Discrimination dans le
processus de mobilisation des
actifs productifs (capital)
Le nombre de femmes chefs d'entreprise est plus
faible que celui des hommes quelles que soit la taille
et la nature de l'entreprise.
Tableau 1 : fragilité de la situation de la femme dans le champ professionnel
De ces considérations tirées de l’évocation du contexte, il est nécessaire de s’arrêter
sur quelques points :
-Le rôle ambivalent joué par la situation du marché du travail qui est en même
temps facteur favorable à « l’affiliation syndicale » (du fait de la participation
croissante des femmes à l’activité professionnelle), et un frein à leur
« syndicalisation, de par la nature des emplois » qu’elles occupent (emplois
de services notamment qui ont un taux de syndicalisation faible).
13
Il faut souligner aussi la croissance des emplois atypiques (emplois
temporaires, à temps partiel) qui ne favorise pas l’adhésion aux syndicats et, a
fortiori, l’accès aux postes de responsabilité.9
- L’inégalité de la répartition de la féminisation de l’encadrement ainsi que les
discriminations à l’égard des femmes dans l’accès aux postes de
responsabilités dans les organisations, hypothèquent la fragile syndicalisation
des femmes et leur accès à des postes de responsabilité.10
- Enfin, la culture syndicale (éthos masculin des syndicats11) et son mode de
fonctionnement interne jouent aussi en défaveur de l’entrée des femmes
dans le syndicalisme. De par l’histoire du mouvement syndical qui a
développé une forte culture ouvrière et masculine, l’égalité femmes/hommes
est toujours à l’ordre du jour. De ce fait, la prise en compte de thèmes
revendicatifs concernant les femmes ne figure pas dans le registre des
responsables syndicaux.
9Cf. Anita ARDURA, Rachel SILVERA : « l’égalité homme/femme : quelles stratégies syndicales » p .8
10 « Les femmes à l’inverse des edelweiss, tendent à disparaître au fur et à mesure de la montée dans l’échelle du pouvoir »
(Meynaud, 1998), 11
Ethos : terme utilisé par P. Bourdieu pour exprimer « un ensemble objectivement systématique de dispositions à dimension éthique, de principes pratiques (l'éthique étant un système intentionnellement cohérent de principes explicites).»
14
Chapitre II - Méthode d’investigation :
Nous entendons par méthode d’investigation les stratégies déployées pour
atteindre les résultats escomptés, les techniques et les outils mobilisés, la
justification et la pertinence de ces choix.12
Nous avons procédé par triangulation13 en optant pour trois types de données que
nous considérons pertinents pour analyser le sujet et répondre aux questions de
départ.
1. L’analyse documentaire des travaux concernant la participation des femmes
syndicalistes et leur représentation dans les instances de décision. Nous nous
sommes heurtés, à ce niveau, à la rareté des travaux sur la question (le peu qui
existe est parcellaire ou incomplet)14. Par contre, à l’échelle internationale les
travaux sont en avance, croisant ainsi les approches juridiques, économiques,
historiques, psychologiques et surtout anthropologiques et sociologiques.
Toutefois, nous avons privilégié, dans ce foisonnement de production, les travaux
concernant l’anthropologie et la sociologie du genre (cf. bibliographie). Ce choix
est motivé par le fait que l’approche juridique est plutôt normative alors que
l’approche sociologique est explicative. Or notre étude cible le comment et le
pourquoi « les femmes ne sont pas représentées dans les instances
syndicales » ?
2. Les données quantitatives. Notre choix méthodologique s’est orienté vers le
croisement des données et des méthodes d’investigation (cf.note12 triangulation).
De ce point de vue une démarche qui conjugue l’approche qualitative et
12
Du grec methodos, formé de méta et hodos qui signifie « route, voie », « direction qui mène au but ». Methodos signifie donc « cheminement, poursuite », 13
La stratégie de triangulation est considérée, actuellement, comme la plus pertinente dans l’épistémologie des sciences humaines. Elle est considérée comme une approche analytique qui intègre des données de sources multiples afin d'améliorer la compréhension d'un problème de partage de pouvoir, de guider la prise de décisions programmatiques pour traiter ces problèmes. 14
Nous visons les travaux concernant les syndicats au Maroc sous la perspective de l’intégration de l’approche genre dans le travail syndical.
15
l’approche quantitative ne peut être que judicieuse pour la pertinence de l’étude.
Nous nous sommes encore une fois heurtés à la rareté des données dans le
domaine de la participation des femmes syndicales. Cependant, il est significatif
pour l’étude de s’arrêter sur ce constat en vue de l’interroger et de voir ses
implications.
L’indisponibilité des données dans les centrales syndicales et dans l’annuaire du
Haut-Commissariat au Plan qui consacre un volume intitulé la « Femme en
chiffres »15appelle les observations suivantes :
2.1. Les statistiques sexuées ne figurent pas dans le pôle d’intérêts des
responsables administratifs et syndicaux. 16
2.2. Les données chiffrées sont occultées pour des raisons d’enjeu de
positionnement dans l’espace syndical marocain voire par enjeu de pouvoir
au sein même de ces instances.
2.3. La demande de données statistiques sur la question a permis aux
départements des femmes de réaliser l’importance stratégique de
systématiser et de confectionner des annuaires statistiques genrées, qui
objectiveront la situation d’inégalité d’une manière factuelle.
2.4. Nous avons procédé dans cette étude à la consolidation et l’organisation des
chiffres disponibles en vue de les utiliser par nos syndicats, objet de l’étude.
3. Le recueil des données qualitatives : nous avons privilégié l’entretien semi-
directif pour plusieurs raisons.
3.1. L’entretien de face à face permet au chercheur de se coltiner à la population
cible et d’observer directement les interactions des personnes. Par contre, le
questionnaire et les sondages ne le permettent pas et restent abstraits et
froids, ce qui ne favorise pas l’implication des interviewés-ées.
3.2. L’entretien direct, à l’aide d’un guide, a contribué, en partie, à l’atteinte de
l’objectif de l’étude. Et ce, dans la mesure où il permet aux personnes de
réfléchir et d’objectiver leur vécu afin d’entamer le processus de
changement.
3.3. L’utilisation du guide d’entretien permet de cerner le vécu des personnes
interviewées et d’enrichir les questions au fur et à mesure de la progression
de l’enquête.
3.4. L’approche qualitative est pertinente pour explorer la dimension culturelle qui
explique en dernière instance la lenteur des changements de la condition
féminine, malgré les discours affichés.
15
« La femme marocaine en chiffres » octobre 2013 16
Une fédération syndicale est en train de consolider les statistiques genrées en utilisant comme base les cartes d’adhésion. L’écueil majeur est la non mention du genre dans la vente des cartes d’affiliation.
16
Le principe qui guide cette démarche dynamique est la « saturation
épistémologique » c.-à-d. chaque fois que l’information commence à être itérée,
l’investigation peut être arrêtée.
4. Le guide d’entretien :
Le guide d’entretien comporte :
4.1. Un contrat de communication où nous établissons, d’une manière
participative, l’objet de l’entretien, les règles du jeu (anonymat, confidentialité,
restitution des résultats…), la durée et les modalités de l’enregistrement.
4.2. Un premier axe sur l’itinéraire syndical à travers les récits de vie 17(motivation
d’adhésion pour la première fois, évolutions respectives, activités, tâches,
réalisations, organisation féminine au sein des syndicats, temps imparti….).
Nous avons opté pour les récits de vie qui sont actuellement considérés par
les sciences sociales comme l’outil le plus adapté en vue de recueillir les
données qualitatives et d’avoir des informations fiables et pertinentes.
Les questions posées sont :
a- parlez-moi de votre vie syndicale et de son évolution
b- Qu’évoque pour vous le mot « syndicat » ? (Les mots, les images, les
sensations, les personnes…).
c- Parlez-moi de vos activités syndicales (Lieu, tâches, qui fait quoi, à quel
moment ?)
Que pensez-vous de la réalisation de ces tâches ? Pourquoi, justifiez vos
réponses.
d- Combien de temps consacrez-vous à la réalisation de ces tâches ? (Le
nombre de femmes dans ces instances)
e- Quelles sont les structures de chaque syndicat ?
f- Quelles sont les structures essentiellement féminines ? (leur rôle, leur
périmètre d’activité).
g- Quels sont les effectifs et quel est votre avis sur ces structures par rapport à
l’ensemble ?
h- Les éléments de management (Les réunions, durée et heures de
programmation).
i- Comment conciliez-vous entre les activités privées, professionnelles et
syndicales ?
17
: L’histoire de vie des femmes syndicalistes peut nous renseigner sur les blocages vécus lors de leur pérégrination syndicale. Elle permet de dégager la logique des conduites individuelles et collectives en ce qu’elle se centre sur la mise au jour des significations attribuées à l’agir militant ainsi que sur la mise au jour de la logique collective que constitue l'activité syndicale.
17
4.3. Le deuxième axe cible la perception et l’évaluation de la situation actuelle
(rôles, satisfactions, insatisfactions…).
Il est composé des questions suivantes :
a- Parlez-moi des actions entreprises par le syndicat en faveur des femmes ?
b- Que pensez-vous de ces actions ?
c- Combien de fois vous êtes-vous présentées à une instance syndicale
(congressiste, bureau local, bureau régional, national, congrès) ?
d- Comment jugez-vous la situation de la femme dans les syndicats ? Justifier
votre réponse
4.4. Le troisième axe est consacré à la perception des freins et du devenir de la
femme au sein des organisations syndicales.
Il s’articule autour de quatre questions :
a- Quelles sont à votre avis les freins qui empêchent la femme syndicaliste
d’accéder aux postes de décision ? Justifiez vos réponses.
b- Quelles sont les actions qui sont –à votre avis –envisageables en vue de
neutraliser ces freins ?
c- Quelles sont, à votre avis, les qualités d’une femme syndicaliste ?
d- Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et que vous aimeriez que je vous
pose ?18
5. La population cible
Cette recherche a concerné les femmes de 3 syndicats marocains (UMT, FDT et
SNESUP) et notre population cible s’élève à 48 femmes.
Il est à noter l’implication de l’ensemble des femmes dans cette recherche ce qui
dénote leur motivation et leur enthousiasme pour changer leur situation. Il faut
ajouter à cela le rôle de la formation qui a permis d’établir un lien fort entre les
participantes, entre les participantes et le comité de pilotage et entre les participantes
et le consultant chargé de l’étude. Ce capital confiance entre les différents acteurs de
l’enquête a permis la réussite du recueil des données.
Nous avons aussi inclus dans notre échantillon des hommes choisis par le comité de
pilotage en vue de connaître leur point de vue sur la question (1UMT, 2 FDT, 1
SNESUP).
6. Déroulement de l’enquête
L’enquête s’est déroulée en trois phases croisées. Une phase était consacrée aux
focus groupes. Nous avons procédé à l’animation de quatre groupes de femmes.
18
Cf. le guide d’entretien (annexe 3)
18
L’intérêt de ce mode d’enquête est de créer une dynamique qui permet de produire
et de réagir aux idées annoncées. Des entretiens individuels qui ont touché 2
femmes et 4 hommes ont complété l’échantillon choisi. Par ailleurs, la portée de
cette procédure est d’approfondir les idées et d’affiner les détails des données.
Nous avons accordé au verbatim des femmes et des hommes une grande
importance. D’abord pour restituer la force des paroles énoncées et ensuite pour
aider le lecteur-ce à se faire une idée par soi-même des freins rencontrés par les
femmes dans leur ascension syndicale.
Nous avons travaillé sur les 3 syndicats sans spécifier les appartenances, partant du
fait que les situations sont les mêmes. Nous avons focalisé sur le fonctionnement
syndical dans sa globalité dans l’intégration de l’approche genre.
Trois arrières plans paradigmatiques ont profilé notre travail à savoir l’approche
genre, essentiellement le mainstreaming, l’empowerment, le plafond de verre (glass
ceiling) et la notion de stéréotype.
20
Chapitre III- Armature conceptuelle ou penser et agir autrement
L’armature conceptuelle s’articule autour de quatre domaines stratégiques : le
Gender mainstreaming ou l’intégration de l’approche genre, l’empowerment, les
différents plafonds de verre et en dernier lieu les stéréotypes. Nous avons fait ce
choix en visant un double objectif :
Afficher et spécifier notre référentiel théorique ;
Donner aux femmes syndicalistes la possibilité de penser leur propre pratique
et la réflexion sur les stratégies de changement.
Le choix de ces concepts trouve sa justification dans l’évolution de la sociologie du
genre et de l‘évolution des approches concernant ce domaine.
Au final, l’objectif de ces évocations épistémologiques est d’expliciter le paradigme
de référence et d’inscrire l’étude dans un noyau conceptuel pertinent afin de lever
aussi les ambigüités qui accompagnent l’utilisation de ces concepts.
A- Gender mainstreaming ou l’intégration de l’approche genre :
En sciences sociales et dans la sociologie du genre, le concept du gender a été créé
pour faire référence aux différences non biologiques (psychologiques, mentales,
sociales, économiques, démographiques, politiques…) distinguant les hommes et les
femmes. D’ailleurs le vocable consacré en sociologie est le « sexe social ». Il peut
aussi désigner le rapport entre les personnes de chaque sexe dans la société. On
parle alors de« rapport social de sexe ». On peut le qualifier aussi de rapport de
pouvoir, et définir le genre comme principe hiérarchique qui crée les différences
(sociales, politiques, économiques, psychologiques, etc.) entre les sexes.
Nous retenons dans notre étude l’approche sociologique du genre.
21
En vue de mieux se positionner épistémologiquement, nous distinguons entre deux
acceptations de l’approche genre que nous présentons dans le tableau synoptique
ci-dessous19.
Tableau 2 : Tableau synoptique des deux acceptations de l’approche genre. 19
Source: Gender Analysis and Gender Planning Training Module for UNDP staff (module de formation à l'analyse des spécificités par sexe et à la planification en matière d’égalité des sexes, destiné au personnel du PNUD). http://www.undp.org/gender/tools.htm
Une approche centrée sur la femme : le
problème est son insuffisante
participation
Une approche axée sur le genre, centrée sur
la personne
Priorité Les femmes
Priorité
Les relations entre les femmes et
les hommes
Problème
L’exclusion des femmes
Problème
Les relations inégales qui
empêchent le développement
équitable et la participation à part
entière des femmes et des hommes.
Objectif
Un développement effectif,
plus efficace
Objectif
Le développement équitable, avec
un partage entre les femmes et
les hommes du pouvoir
décisionnel, des responsabilités,
des opportunités et des
ressources
Solution
L’intégration des femmes
dans les structures
existantes
Solution
Transformer les relations et les
structures inégales; renforcer le
pouvoir des personnes
défavorisées et des femmes.
Stratégies
Projets exclusivement
féminins; augmenter la
productivité des femmes,
leur salaire et leur capacité
à s’acquitter de leurs
obligations familiales.
Stratégies
Identifier les besoins pratiques et
stratégiques des femmes et des
hommes, et y répondre afin
d’améliorer leur situation.
22
Nous privilégions, dans notre démarche, la deuxième acceptation. Cette dernière
considère la dimension « partage » fondée sur la perspective gagnant /gagnant,
comme la perspective la plus prometteuse de l’approche genre. En ce sens,
l’approche genre se transforme en approche intégrée genre ou gender
mainstreaming et qui devient un outil d’analyse.
En tant que tel, il consiste à interroger les relations entre les hommes et les femmes
pour repenser et agir les situations d’inégalité. « Là, on cherche des réponses à des
questions telles que : qui fait quoi ou utilise quoi, quels espaces sont occupés par
qui? Comment et pourquoi ? Etc. Parce que l’analyse différenciée de la situation des
hommes et des femmes incite à interroger la place des militants et des militantes au
sein d’une organisation syndicale ; ce qu’ils et ce qu’elles font, comment ils-elles
organisent leur temps, leurs activités…».
A partir de la différence de place des hommes et des femmes dans les entités
syndicales, il s’agit de considérer les perceptions, les analyses et les modes
d’intervention induits par cette distinction. En somme, l'objet de l'analyse par genre
concerne l’examen de toute différence de condition, de besoin, de participation, de
pouvoir de décision, et d’image entre les femmes et les hommes, par rapport aux
rôles qui leur sont assignés en raison de leur sexe20. De ce point de vue la restitution
du vécu des femmes est porteuse de sens sans, pour autant, les comparer
systématiquement aux hommes. Ce choix implique de passer d’une logique de
minorisation à une logique d’égalité. La démarche consiste, In fine, à penser l’égalité
non en termes d’ « être pareil » mais plutôt de développer des conditions égales,
pour les hommes et pour les femmes.21
Adopter donc une perspective de genre permet de considérer les réalités syndicales
avec un nouveau regard, qui permet de voir la réalité d’une manière différente.
Toutefois changer de posture c’est changer de manière d’agir. Ainsi, dire qu’on
adopte une posture, c’est dire qu’on travaille sur des processus et non sur des
réalités figées. C’est aussi s’inscrire dans une dynamique de questionnement plutôt
que dans l’apport de réponses toutes faites.
En somme l’intégration des questions de genre ou mainstreaming du genre consiste
à évaluer les implications des femmes et des hommes dans toute action planifiée
comprenant la législation, les procédures ou les programmes dans tous les
domaines et à tous les niveaux.
La question du mainstreaming et de l’égalité nous semble pertinente pour les
pratiques syndicales. En tant qu’acteur porteur de valeurs et de stratégies de
changement, le mouvement syndical intervient dans l’élaboration de règles et de
normes sociales en conjuguant différentes formes d’intervention qui vont des
20
Doit-on ne parler des femmes que lorsqu’il y a un problème syndical ? 21
C'est-à-dire de réaliser leurs pleins droits et leur potentiel, afin de contribuer à l’évolution syndicale –objectif
ultime du monde social de l’univers des militants et des militantes-
23
campagnes de mobilisation aux négociations, aux accords et aux conventions. A ce
titre, l’intégration de l’égalité dans l’action syndicale constitue une source essentielle
en vue de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail d’une grande
partie de la population marocaine. De plus, face à la désyndicalisation, prendre acte
de l’approche genre et l’intégrer pour une meilleure représentativité des femmes
dans le monde syndical est un axe de progrès majeur.
B- Empowerment :
L’empowerment est une notion polysémique et son sens gagne à être précisé en vue
de l’utiliser dans la direction voulue.
Un premier sens provient de la traduction du vocable lui-même. Il connote « la
montée en puissance - sa propre puissance- de la personne. Il désigne les
processus de développement des capacités d’une personne à occuper des fonctions
pour lesquelles elle a les compétences (y compris responsabilité et pouvoir) mais
aussi à être autonome et à se rendre acteur – actrice de sa vie.
Dans ce sens l’empowerment est considéré comme le processus d’acquisition « de
pouvoir » au niveau individuel et collectif. « Il désigne chez un individu ou une
communauté, d’abord la capacité d’agir de façon autonome, mais également les
moyens nécessaires ainsi que le processus pour atteindre cette capacité d’agir, de
prise de décision dans ses choix de vie et de société. »22
Il est aussi vu comme une construction identitaire dynamique à double dimensions :
individuelle et collective.
L'empowerment donne donc :
Le pouvoir de prendre des décisions ;
Le pouvoir de se faire entendre ;
Le pouvoir de mettre des choses à l'ordre du jour ;
Le pouvoir de négocier de nouvelles possibilités ;
Le pouvoir en soi d'affronter les coutumes du passé.
L’ensemble est synthétisé dans l’avoir, le savoir, le pouvoir et le vouloir.
AVOIR (pouvoir de) : ce concept fait référence au pouvoir économique renforcé en
termes de bénéfices matériels comme un revenu, des outils ou des technologies.
Cependant, ce pouvoir économique n’est pas limité à la possession de ressources et
richesses mais inclut également une meilleure santé, le gain de temps, l’accès à
certains services comme l’information et la formation, etc.
SAVOIR et SAVOIR-FAIRE (pouvoir de) : Le savoir renvoie aux connaissances ou
compétences pratiques et intellectuelles renforcées qui permettent de profiter de
22
Cf. L’approche de l’empowerment des femmes | Un guide méthodologique P.10
24
manière optimale des opportunités qui se présentent à l’individu ou à la
communauté. Il s’agit de la gestion des personnes (leadership), des techniques ou
procédés, des formations ainsi que du développement des capacités d’analyse
critique de la pensée et du raisonnement. Le savoir-faire met en évidence
l’importance de la mise en œuvre des connaissances ou la capacité de traduire ses
connaissances en action ou en ressources.
VOULOIR (pouvoir intérieur) Il s’agit du pouvoir interne, la force psychologique ou le
pouvoir spirituel (ses valeurs, ses peurs, sa confiance en soi, son image de soi). La
capacité et la volonté de faire soi-même des choix concernant son avenir. Prendre
conscience aussi de son propre projet de vie ainsi que les défis qui se posent à son
syndicat. Le concept “vouloir” comprend également l’état d’esprit (être) et la capacité
de l’utiliser vers l’autre (savoir-être).
POUVOIR (pouvoir intérieur et pouvoir avec) : Avoir la possibilité de prendre des
décisions, d’assumer sa responsabilité, d’être libre dans ses actes et d’utiliser ses
ressources (avoir, savoir, vouloir). La prise de décision elle-même englobe plusieurs
aspects :
Avoir la possibilité de prendre des décisions pour soi-même; avoir la
possibilité de participer à la prise de décision ; avoir la possibilité d’influencer
la prise de décision ;
Avoir la possibilité de prendre des décisions pour les autres, de commander
(dans le sens où dans certaines situations, une personne doit trancher).23
«L’approche genre participe d’une logique de transformation sociale et
rencontre la stratégie de l’empowerment. En conjuguant les deux dimensions
on peut poser des questions centrales pour la réflexion sur les stratégies de
changement syndical. Comment favoriser l’égalité de déploiement des
potentiels des hommes et des femmes quand la répartition des rôles reste
figée, pré-distribuée, quand celles-ci sont écartées de certaines fonctions de
décision et de responsabilité ? Quelle place dans les fonctions de pouvoir
syndical les hommes (majoritaires dans ces postes) voudront-ils bien partager
avec les femmes ? Quelle place les femmes voudront-elles bien prendre ?
Par ailleurs, la question n’interpelle pas uniquement les hommes, elle
concerne aussi les femmes : « En quoi les femmes sont-elles actrices et se
mobilisent-elles? Qu’est-ce qui les intéresse en matière de participation à la
vie syndicale? Comment souhaitent-elles y participer ?
Toutefois la question de Gender mainstreaming et d’empowerment sont à
compléter pour comprendre le mécanisme de fonctionnement de la minorisation des
femmes dans les postes de responsabilité syndicale.
23
Cf. l’approche de l’empowerment des femmes : guide méthodologique P. 13
25
Un troisième concept est nécessaire pour parachever l’édifice conceptuel.
C- Glass ceiling ou « le plafond de verre »
De nombreuses recherches tentent depuis une vingtaine d’années d’expliquer et
d’analyser les mécanismes intra-organisationnels à l’origine des difficultés que
connaissent les femmes dans leur progression syndicale ou professionnelle. Le
«glass ceiling» traduit en français par «plafond de verre» ou appelé ailleurs "le
plancher collant " , "l'échelon gluant" ou « ciel de plomb » est l’expression utilisée
pour décrire les barrières invisibles et artificielles, créées par des préjugés
comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d'accéder aux plus
hautes responsabilités.
Dans ce sens, les femmes ne sont pas seulement confrontées au plafond de verre
qui leur ferme horizontalement l’accès au sommet de la pyramide organisationnelle ;
elles affrontent des barrières invisibles verticales appelées parois de verre. Ces
dernières traduisent le fait que dans les entités où les femmes parviennent à
atteindre des postes de haut niveau, celles -ci se trouvent souvent dans des
filières considérées comme moins centrales ou moins stratégiques pour les
syndicats(représentation protocolaire, présence emblématique, travaux de
rédaction ; etc.).
Il est alors extrêmement difficile pour les femmes de se déplacer latéralement pour
accéder aux secteurs stratégiques, puis de s’élever «par l’allée centrale» jusqu’aux
postes clés de la structure pyramidale.
Le concept de stickyfloor ou plancher collant, complète parfois cette
représentation des freins. Il désigne la force antagoniste à la progression des
femmes dans le syndicat, qui les contraint à rester aux niveaux les moins élevés de
la pyramide organisationnelle.
A quoi sont dus ces plafonds et parois de verre ? En réalité, la «cage de verre» est
une construction subtile, faite de préjugés, concepts et associations tellement ancrés
que les acteurs en sont inconscients (Femme/Féminité/Famille versus
Homme/Ambition/Carrière).
Contrairement à ce qu’on pense, les obstacles ne sont pas uniquement des
constructions masculines. Des études ont montré que les femmes (à quelques
exceptions) se construisent ou confortent ces parois de verre.
Le résultat escompté du déploiement de cette armature conceptuelle est exprimé par
la définition de l’autonomie et l’autonomisation des femmes par les Nations Unies à
partir des cinq principaux critères :
« Le sens de la dignité, le droit de faire et de déterminer ses choix, le droit d’avoir
accès aux ressources et aux opportunités, le droit d’avoir le contrôle sur sa propre
vie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer, et la capacité d’influencer le
26
changement social afin de créer un ordre économique et social plus juste
nationalement et internationalement. »24
D- Les stéréotypes :
Un stéréotype est une croyance partagée par un groupe à propos d’un autre groupe.
Ils sont difficilement remis en question car ils font partie de notre identité.
Les « stéréotypes de genre englobent des croyances sur les différences entre les
hommes et les femmes, leurs compétences, leurs attitudes psychologiques, leurs
ambitions et leurs comportements ».
Il s’agit donc de généralisation de ce que l’on attend des hommes et des femmes
dans un contexte social spécifique. Par exemple, sont répandus les stéréotypes
selon lesquels la femme doit être serviable et douce ; tandis que l’homme doit être
fort et viril.
Ils sont classés en deux catégories principales :
1- Les qualités personnelles : « on attend souvent des femmes qu’elles soient
tolérantes, à l’écoute, sensibles, douces et séductrices alors qu’on attend des
hommes qu’ils aient confiance en eux, qu’ils fassent preuve d’agressivité,
qu’ils soient ambitieux, affirmés, compétitifs et exigeants ». 25
Qualités attribués aux Hommes Qualités attribués aux Femmes
Energiques Indépendants
Logiques Manipulateurs
Compétitifs Capables d’adaptation
Décidés
Intuitives Spontanées
Attentionnées Coopératives
Souples Emotives
Minutieuses
Tableau n°3 : les stéréotypes du genre
2- Les comportements domestiques : on considère « que les femmes
s’occupent mieux des enfants que les hommes, tandis que les hommes sont
considérés comme étant meilleurs bricoleurs. L’inconscient collectif reste
imprégné de l’idée selon laquelle les femmes seraient meilleures pour les
tâches domestiques que les hommes. »
24
Programme des Nations Unies pour le développement, Innovative approaches to promoting women’s
economic empowerment, 2008, p.9 25
Selon Morgan G. cité dans La promotion des femmes aux postes de décision, BIT, 1997.
27
Nous allons dégager les stéréotypes personnels et domestiques associés aux
femmes syndicalistes qui conditionnent la distribution des rôles au sein de leurs
organisations respectives.
28
Chapitre IV- Données quantitatives
Quelques remarques préliminaires :
Les syndicats ne fournissent pas ce type de données car il n’y a pas ou peu de
statistiques sexuées, ce qui est révélateur du désintérêt manifesté par rapport à la
question du genre.
Par ailleurs l’enquête a permis une sensibilisation à l’importance d’élaboration de ce
type de données et de leur utilisation en vue d’argumenter l’intégration de l’approche
genre dans les différentes organisations syndicales voire prévoir des actions dans ce
sens. De plus, les statistiques, qui relèvent de l’information stratégique, sont
devenues un enjeu important (l’information est considérée comme un outil de
pouvoir) souvent ignorée ou escamotée.26
Ajoutant à cela l’effort louable fourni par le comité de pilotage qui a mis à ma
disposition ces données. Elles sont approximatives mais j’ai pu vérifier les
tendances - qui concordent- avec l’information fournies par la population cible de
l’enquête.
Nous livrons ci-dessous les statistiques organisées par syndicat ou par fédération.
Nous les avons traitées en mettant en valeur les tendances générales pour éviter de
créer des dissensions syndicales autour de ce sujet.27
Nous avons aussi procédé à leur organisation sous forme d’histogrammes ou de
camemberts en vue d’une meilleure lisibilité des résultats.
26
Les enjeux de la collecte des statistiques : on n’accordait pas beaucoup d’importance à cela. Quelque part les statistiques sont implicitement escamotées comme activité et leur importance n’est pas vue alors qu’elles permettent de mettre en valeur et de rendre visible l’état de mainstreaming. Dans ce sens l’étude a permis de formaliser par les acteurs les statistiques sur la situation et de les rendre visible en vue d’objectiver la situation d’iniquité. 27
Le débat sur la légitimité syndicale est un enjeu majeur dans les positionnements politiques et sociaux des différentes organisations syndicales. De ce fait toute donnée quantitative est scrutée à l’aune de ces enjeux.
29
1- Représentativité des Femmes dans les
Fédérations et les Unions locales ayant tenu leur Congrès en 2011 et
2012 (après le Xème Congrès National UMT) :28
Congrès National Commission Administrative Bureau Fédéral Secrétariat Exécutif
Nombre
congressist
es
Nombre
des
femmes
Taux
Féminisat
ion
Effectif Nombre
femmes
Taux
féminisati
on
Effectif Nombre
femmes
Taux de
féminisatio
n
Effectif Nombre
des
femmes
Taux de
féminisatio
n
F.N.E 33 7 21% 13 2 15%
C.N.S.S 757 207 27% 214 64 30% 39 18 46% 15 2 13%
F.N.T.R 310 14 5% 117 5 4% 29 3 10% 9 1 11%
F.N.C.L 540 65 12% 136 16 12% 40 5 13%
F.N.S.I 270 56 21% 55 6 11% 15 2 13%
Marrakech 320 75 23% 72 28 39% 19 4 21%
Rabat 627 194 31% 127 34 27% 19 4 21%
Oued Zem 260 71 27% 73 27 37% 13 2 15%
Safi 170 94 55% 60 29 48% 15 5 33%
Commentaire :
Les métiers de services où les femmes sont présentes comme l’enseignement,
l’intérieur et la CNSS, ont un taux de représentativité à tendance haussière, alors
que les métiers comme le transport et les céréales ont une représentativité féminine
plutôt faible.
2- Représentativité des femmes au sein des instances de la Fédération
Nationale du Syndicat de l'Agriculture29
Congrès Date Bureau fédéral Comité
administratif
De constitution 18/5/1991 à Rabat 2/21 4/65
Second 20/05/1995 à Rabat 3/21 5/55
Troisième 28/05/1999 à Rabat 5/37 11/73
Quatrième 30/05/2003 à Rabat 5/36 15/93
Cinquième 25/05/2007 à Rabat 6/37 21/121
Sixième 27/05/2011 à Rabat 8/38 21/102
28
Source : rapport de Mme. AMAL EL AMRI, page 47. 29
Données communiquées par le Comité de Pilotage du projet.
30
Tableau n° 5 : Représentativité des femmes au sein des instances de la FNSA
Commentaire :
La FNSA connaît une nette progression de la représentativité des femmes. Il est
passé de 6% au BF en 1991 à 21% en 2011 dans un secteur où la femme ne
constitue que 22% de la masse salariale globale du secteur agricole.
Ne faut-il pas s’arrêter et voir quelles missions et quelles activités syndicales sont
attribuées à ces femmes ?
3- Représentativité des femmes dans les instances du SNESUP30
Instances Total Femmes % des
femmes
Bureau national 13 2 15,4%
Commission administrative 79 6 7,6%
30
Données communiquées par le Comité de Pilotage du projet.
31
Bureaux régionaux 152 7 4,6%
Bureaux locaux 612 78 12,7%
Tableau n°6 : Représentativité des femmes dans les instances du SNESUP
Commentaire :
L’aspect le plus frappant et qui appelle à une investigation plus poussée est le fait
que la représentativité des femmes au niveau national est plus importante que leur
représentativité au niveau régional et au niveau local.
32
4- Représentativité des femmes SNE(FDT)
2002 2007 2013
Comité administratif/Conseil National 16/166 39/205 43/191
Bureau National 3/25 3/17 5/25
Tableau n° 7 : Représentativité des femmes SNE
Représentativité des femmes SNE
5- 10ème Congrès National du SNE31 par genre et par tranche d’âge:
Total Femmes % Hommes %
Genre 662 149 22,5% 513 77,5%
Age
31
Données communiquées par Mme. BATOUL NOUJJAJI
33
Jeunes <37 ans 139 42 30,2% 97 69,8%
(38 ans ; 48 ans) 140 27 19,3% 113 80,7%
(49 ans ; 59 ans) 356 75 21,1% 281 78,9%
60 ans et + 27 5 18,5% 22 81,5%
Tableau n° 8 : 10ème Congrès National du SNE32 par genre et par tranche d’âge
Commentaire global:
- IL y a tendance à respecter les quotas de 20% ou de 25% dans certains
syndicat (SNE, FNSA ;) mais il reste insuffisant pour atteindre la parité.
- Le taux de représentativité des femmes diminue en allant vers le sommet de
la pyramide de l’organisation syndicale (du local au national).
32
Données communiquées par Mme. BATOUL NOUJJAJI
35
Le champ des perceptions du syndicat des femmes interviewées laisse entrevoir un
sentiment de désespoir. Elles ont l’impression de faire un saut d’obstacles où les
règles du jeu sont opaques et où les dés sont pipés dès le départ.
Ce sentiment provient de l’écart entre les motivations de départ et le parcours de
militante considéré plein d’embûches, d’ambitions avortées, d’espoirs déçus,
d’horizons plombés. Les propos d’une femme interviewée expriment cet état d’esprit
d’une manière éloquente :
« Pourquoi cette situation? Parce qu’il faut avoir les compétences de 10 hommes
pour que tu sois acceptée. La femme syndicaliste est jugée sur sa ‘compétence’
alors que tu es plus compétente que ceux qui détiennent les positions de décision
syndicale. Malgré cela on est toujours jaugé à l’aune de la compétence. Tu es sous
microscope et sous surveillance permanente. Ils scrutent tous tes pas, ce que tu as
fait, ce que tu as réalisé alors quand quelqu’un parmi eux est proposé, la question de
la compétence n’est pas soulevée comme s’il a la compétence innée. Il est de
nature compétent alors que la femme non. La question de la compétence se pose
que pour la femme candidate alors que cela ne se pose pas pour les hommes
candidats ».
36
De par sa posture et son positionnement33 actuels, La femme syndicaliste évolue
dans un processus et une dynamique constitués d’enjeux et de freins où les acteurs-
surtout masculins- sont dans une compétition acharnée en vue d’arriver aux postes
de décision en utilisant tous les moyens disponibles . Pour rendre compte de cela
nous avons opté pour la théorie des micros pouvoirs soutenue par M. Foucault. 34Il
explique que le pouvoir est une physique plurielle qui opère dans tous les niveaux
de la relation humaine. Effectivement, selon les résultats de l’enquête, l’enjeu de
pouvoir dans le champ syndical réside au niveau local, régional et central. De ce fait
la pratique syndicale génère des freins qui sont directement ou indirectement
discriminants pour les femmes syndicalistes. Ces pierres d’achoppement qui
bloquent l’accès des femmes aux postes de décision dans les différentes instances
syndicales trouvent en partie leur explication dans l’expression adaptée «penser
syndicat, penser masculin »35.
Nous allons nous atteler à débusquer ces freins et les élucider en les objectivant en
vue d’en prendre conscience et d’offrir aux acteurs-ces la possibilité de les traiter.
Dans cette partie nous allons restituer les perceptions, les représentations des
femmes de leur vécu syndical, de leur motivation, des valeurs qu’elles portent, de
leur espoir et leur désespoir, de leur désenchantement et des freins qui les briment
dans leur volonté de jouer un jeu syndical égalitaire. On peut résumer l’ensemble de
notre investigation sous l’expression « les femmes syndicalistes c’est beaucoup de
travail, peu de droits. »
33
Positionnement dénote « processus de construction qui permet de se positionner mais aussi d’être positionné dans un environnement défini. ». La posture exprime la manière de s'acquitter de sa mission/poste syndicale. C'est nécessairement un choix personnel relevant de l'éthique. 34
Cf. Michel Foucault : Surveiller et punir. 35
« Think union, think male »
37
Chapitre I : les motivations et les attributs associés au
vocable« syndicat » et au « profil de la femme syndicaliste idéale »
Ce chapitre sera consacré à la restitution formalisée des motivations36 et du champ
sémantique qu’évoque pour les femmes syndicalistes le mot syndicat ainsi qu’au
profil projeté des caractéristiques d’une bonne syndicaliste.
Partant de la question sur l’itinéraire syndical, les interviewés-es ont soulevé les
facteurs et les motivations qui les ont amenés-ées à adhérer au syndicat. L’objectif
de la question était de cerner l’univers des motivations en vue de vérifier si l’origine
de leur insatisfaction grandissante vis- à- vis de leurs syndicats ne trouve pas,
partiellement au moins, son origine dans l’écart entre l’élan initial et les déceptions
rencontrées dans la pratique syndicale? «J’ai vécu une amère expérience : je n’ai
pas trouvé ce que je voulais, à l’inverse j’ai trouvé des gens magouilleurs et
malhonnêtes ».
36
Motivation signifie ce qui pousse à faire et ce qui donne sens à notre action.
38
Cet aspect sera complété et vérifié par les différentes évocations qui sont associées
au mot syndicat lui-même et à l’idéaltype d’une « parfaite femme syndicaliste »
1 – l’univers des motivations initiales d’affiliation au syndicat
Quelles sont les déterminants de la cooptation syndicale? L’éventail est assez large.
Il englobe l’expérience politique antérieure, l’ambiance familiale, les convictions
personnelles, les cooptations directes ou les qualités inhérentes à la personne –
perçues comme profil adapté à une bonne militante syndicale.
a. L’ambiance familiale ou de l’environnement de proximité :
Le fait de vivre dans un milieu imprégné de militantisme a contribué à l’éveil
de la vocation syndicale. « Toute la famille était syndicalisée, mes oncles, mes
frères. Moi aussi je voulais faire comme eux... ». « J’avais un membre de ma
famille militant qui recevait des gens de la gauche. J’étais éduquée dans cette
ambiance où il y avait la politique et les discussions philosophiques ». « J’ai
assisté au 16è congrès de l’UNEM 37comme observatrice ».
b. Militantisme politique ou syndical antérieur
Une grande partie des militantes syndicales sont issues soit de partis ou
mouvements politiques, soit des organisations syndicales estudiantines. «
Mon adhésion au syndicat est un prolongement de mon militantisme au sein
des organisations estudiantines. Dans le domaine du travail il y a la souffrance
c’est pourquoi chaque fois qu’il y avait une action syndicale je me trouvais
spontanément avec les syndicalistes ». « Ils ont fait appel à moi directement
comme congressiste et je suis élue au niveau du conseil national » ; « j’étais
militante politique et je suis passé naturellement au militantisme syndical »
c. Référentiel de valeurs personnelles
Une partie des motivations portait sur des penchants subjectifs vers des valeurs
altruistes.
« Un ensemble de valeurs que je portais depuis mon enfance. Je n’aime pas que
les personnes soient traitées injustement et j’aime défendre les droits des gens… ».
« Parce que je n’ai pas cédé, les collègues m’ont fait confiance et ont voté
massivement pour moi et finalement ils m’ont choisi comme secrétaire générale».
d. Des revendications et problèmes au niveau du travail : ce sont les
conditions de travail et de statut qui ont poussé un certain nombre de femmes
à adhérer à des organisations syndicales. « nous étions occasionnelles et
nous voulons être permanentes c’est pourquoi nous nous sommes affiliées au
37
UNEM : union nationale des étudiants marocains.
39
syndicat ». « Parce que j’avais un conflit avec le directeur ». « L’autoritarisme
et l’injustice et l’esprit revanchard des responsables »
e- cooptation sur proposition des collègues :
La cooptation directe a joué aussi dans l’adhésion au syndicat sachant qu’elle fait
partie du travail d’un militant-e syndical-e.
« Je défendais les gens et je n’avais pas peur, c’est pourquoi les collègues m’ont
contacté pour adhérer avec eux au syndicat ». « Je n’étais pas présente mais les
collègues m’ont proposé et j’ai été élue. » « Les collègues syndicalistes ont détecté
en moi des qualités de quelqu’un qui peut faire une bonne syndicaliste ». « Parce
que je n’ai pas froid aux yeux et je vais jusqu’au bout dans mon travail »
f – déception du militantisme politique par rapport à la cause féminine :
Certaines militantes ont réagi négativement à la position de leurs partis politiques
concernant les femmes.38 Elles ont créé des associations féminines et ont adhéré à
des syndicats de la place. « J’étais militante de gauche et on a fait face à la thèse
que la question de la femme trouvera sa solution dans la réussite du changement
global. Nous n’étions pas convaincues de cela c’est pourquoi je me suis consacrée
au militantisme syndical ».
La vocation syndicale de départ chez les militantes syndicales est sous-tendue par
des valeurs de solidarité, de justice, de défendre le droit de tout le monde, de
réalisation d’un idéal social. L’ensemble de ces valeurs constituait un idéal qui,
confronté à la réalité des pratiques masculines, a provoqué une profonde
déconvenue et un grand désenchantement qui risquent d’obérer l’enthousiasme et
l’engagement des militantes. Cette déception se confirmera dans les connotations
du mot syndicat.
2 – les connotations associées au vocable « syndicat »
La production d’idées par la méthode associative permet de situer le champ
sémantique de la perception du mot « syndicat » en vue de cerner les contours et la
valence 39de ce vocable.
Les mots évoqués sont en vrac :
Manipulation, revendication des droits, le droit, le militantisme, conflits, slogans, les
magouilles, affirmation de soi, sit-in, accrochages, protection, les décisions, la classe
ouvrière, les droits et les devoirs, la dignité, l’opposition, l’organisation au sein des
secteurs, école, les acquis sociaux, l’évolution, défenseur, la bonne pensée,
38
N’étant pas d’accord sur la position de leurs partis concernant l’égalité hommes /femmes qui ne fait pas partie de leurs priorités. 39
Valence : puissance d’attraction (valence positive) ou répulsion (valence négative)
40
l’ambition, changement de la perception de l’autre, amélioration de la situation, petit
makhzen , trop chaud, travail collectif, magouille, chacun tire vers soi, dire sans
faire, conflits,
On peut déjà les classer en deux grandes catégories selon la valence positive ou
négative
Valence positive : le droit, le militantisme, affirmation de soi, sit-in, protection,
décision, organisation, école, acquis sociaux, ambition, bonne pensée, changement
de la perception de l’autre, les droits et les devoirs, l’évolution, amélioration de la
situation, travail collectif, la dignité, défenseur, rassembler, une ambiance
Valence négative : manipulation, accrochages, l’opposition, petit makhzen,
magouille, chacun tire vers soi, dire sans faire, conflits.
Gains
Amélioration de la
situation
Acquis sociaux
Garantir le respect
Etre entendue
Ne plus avoir peur de la
hiérarchie
Parler librement
Bonne pensée
Changement de la
perception de l’autre
Affirmation de soi
Défenseur
Formation
Protection
Ambition
Evolution
SYNDICAT
VALENCE
POSITIVE
VALENCE
NEGATIVE Valeurs
Manipulation
Chacun tire vers soi
Valeurs
Droits et devoirs
Solidarité
Militantisme
Dignité
Nature du
syndicat
Nature du
syndicat
Rassembleur
Défenseur
Ecole
Ambiance
Organisation
Le recours
Sit-in
Opposition
Conflits
Petit Makhzen
Dire sans faire
Magouille
41
Le schéma montre l’ambivalence 40du ressenti vis-à-vis des pratiques syndicales. Le
syndicat est, en même temps, une source de strokes positifs41 et de strokes négatifs
qui sont l’envers de la reconnaissance positive. Cette ambivalence peut occasionner
un conflit psychologique interne qui aura, à la longue, un retentissement réducteur
du rendement syndical de la militante.
3- La femme syndicaliste exemplaire ou l’idéal type syndical
L’idéal type est le modèle d’une perfection type construite socialement.
Quel est le modèle projeté d’une femme syndicaliste telle qu’elle est perçue par les
interviewées elles-mêmes ?
On peut le ventiler selon 5 dimensions qui englobent le savoir, le savoir-faire, le
savoir-être, les valeurs et les traits transversaux.
Les qualités idéales relevant du savoir : « Connait ce qui se passe dans son
environnement, les lois, les nouveautés concernant les aspects juridiques et
économiques. « elle doit connaitre les statuts du personnel de son secteur. Connaitre
aussi les lois qui régissent l’action syndicale notamment le statut et le règlement
intérieur parce qu’elle peut faire jouer les textes dans le traitement des conflits
qu’elle affronte. »
Les qualités idéales relevant du savoir-faire :« maitriser son dossier », savoir
analyser les conflits, être informée.
Les qualités idéales relevant du savoir-être : « Enthousiaste, patiente, curieuse, à
l’écoute, confiance en soi, « j’insiste sur la confiance en soi. Dans mon expérience
syndicale j’ai vu des hommes que je considérais brillants. J’ai compris après, la
différence entre savoir parler, être violent et la force de la souplesse qu’on me
reprochait et que je considère importante pour une bonne syndicaliste. » « Ne pas
réagir rapidement c.-à-d. prendre de la distance », être calme, le sens de l’initiative ».
Les qualités relevant des valeurs : « crédibilité, éthique, sacrifice, aller jusqu’au
bout, modestie, abnégation, incorruptible, solidaire, on ne l’achète pas. »
Qualités transversales : « compétence, efficacité, persévérance, fédératrice, a le
sens du sacrifice, dévouée, perfectionniste dans son travail professionnel et son
travail syndical », pas sensible, sûre d’elle-même, qui relève les défis, capable de
concilier entre sa vie familiale, professionnelle et syndicale. Bref « la femme qui doit
être parfaite et au fait de tout (kamlaouamakmoula) ».
40
L’ambivalence désigne la coexistence d'attitudes affectives opposées vis-à-vis d'un objet, et le plus souvent la coexistence de l'amour et de la haine pour une même personne. 41
Tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui ». Le signe de reconnaissance ou stroke en anglais est un message que j’envoie à l’autre qui lui signifie que pour moi il existe, que je sais qu’il est présent. Il peut être négatif et correspond à la dévalorisation de l'autre.
42
De ce point de vue, les personnes évoquées comme images de la bonne syndicaliste
sont Margaret Thatcher, Angela Merkel et Benazir Bhutto. Nous allons nous arrêter
sur ces trois figures qui correspondent dans les évocations de notre groupe au profil
d’une bonne syndicaliste.
Margaret Thatcher est présentée comme« une femme solide que dieu ait son âme
». Elle «correspond à notre situation. » « Qui a persévéré malgré l’opposition des
hommes et qui n’a jamais baissé les bras. Elle a guerroyé toute seule sans l’aide
d’aucune femme». L’autre figure est celle d’Angela Merkel « l’autre correspond au
monde moderne. Très pratique, elle ne pardonne pas et elle ne prend en compte
essentiellement que la cause de son pays »
La 3ème figure est« Benazir Bhutto qui a fait face aux minorités, à la diversité des
religions, aux coutumes jusqu’au martyr ».
A cette configuration de l’idéal de femme militante syndicale projetée par le groupe
des femmes fait écho l’image projetée par les hommes. La bonne militante
syndicale a « « les pieds sur terre, proche de la base et doit bien communiquer. Elle
doit être présente au quotidien sur le terrain. Elle doit respecter la société mais elle
peut affronter les idées qui ne vont pas avec son orientation. C’est la femme militante
»
Enthousiasme Patience
Curiosité
A l’écoute Confiance en soi
Crédibilité Ethique
Incorruptible
Sacrifice Abnégation
Solidaire
Profil idéal de la
syndicaliste
Perfectionniste Fédératrice
Efficacité Compétence Persévérance
Dévouée
Sens du
sacrifice
Qualités
transversales
Lois
Nouveauté juridiques
et économiques SAVOIR
Sens de l’analyse des
conflits
Maîtrise des
dossiers
Etre informée
SAVOIR- FAIRE
Valeurs
SAVOIR-ETRE
43
« Elle doit maitriser ses dossiers car nous travaillons pour les intérêts des gens. Qui
peut aussi oser tout en étant démocratique mais pas à la merci des « leaders » en
acceptant d’être dans leur « harem ». »
Les deux images se rejoignent pour décrire une femme « superwoman », dotée de
l’omnipuissance, forte, capable et qui peut faire face à n’importe quelle
situation.42Cela signifie qu’elle doit être désincarnée (privée de son corps) bref le
portrait de l’oiseau à quatre pattes. Cette exigence hypertrophiée ne lui laisse
aucune chance dans la mesure où à l’impossible nul n’est tenu.
L’image de la femme compétente est une croyance partagée par les hommes et les
femmes. Par contre elle a des conséquences funestes sur la femme syndicale dans
la mesure où elle la culpabilise et augmente sa mésestime de soi.43Par ailleurs cette
« image d’Epinal » de la femme compétente est utilisée par les hommes pour
contourner le quota en évoquant le fallacieux argument « nous n’avons pas trouvé
des femmes compétentes », « Quand nous aurons des femmes aussi compétentes
que les hommes je les mettrai dans les postes de responsabilité ».
La figure de la femme parfaite relève d’un modèle de type sacrificiel fait de
surinvestissement. Les militantes qui ont ouvert la voie en accédant aux hautes
instances syndicales se sont moulées dans le modèle du militant masculin défini par
sa disponibilité et son dévouement total à l’organisation en vue de faire face à la
surcharge de travail.
Enfin ce paradigme sacrificiel constitue un grand frein non reconnu par les deux
acteurs (homme/femme) de la pratique syndicale.
42
On est moins exigeant avec les militaires. 43
Elle va se dire « Et si je ne suis pas à la hauteur », réaction pernicieuse dans la mesure où elle va légitimer à ses yeux le fait de laisse sa place aux hommes.
44
CHAPITRE II - La femme syndicaliste « sur la corde raide»
Carrousel des freins dans « le travail syndical au féminin »
Répété à satiété le qualificatif « Exceptionnelle » ou « extraordinaire »est itéré
par les hommes et les femmes de l’échantillon de l’enquête. « « Dans une situation
de fragilité il faut des efforts exceptionnels et des personnes exceptionnelles »
(homme)
« C’est l’esprit masculin qui domine et les seules femmes qui ont résisté font
exception. Une fois devenue responsable Il faut qu’elle passe par un tri, par des
tests et des épreuves pour qu’elle soit acceptée par l’autre partie(les patrons, les
administrateurs…). Sans cela, elle aura toujours besoin d’un compagnon pour la
protéger à l’instar du compagnon imposé pour la femme quand elle accomplit son
pèlerinage à la Mecque » (homme).
« Quand la femme passe par ce tri nous aurons des femmes comme X. Finalement,
à poste de responsabilité égale, les femmes sont plus compétentes parce qu’elles
sont passées par des épreuves très dures ce qui leur donne un profil très avancé »
(homme).
« Celles qui sont arrivées c’est un coup de chance ».
Que recouvre ce terme « exceptionnel » dans l’esprit des interviewés ? Il subsume
un ensemble de conjonctures et de circonstances favorables. Cela va du sacrifice de
la vie personnelle, de la promotion dans la vie professionnelle jusqu’au sacrifice
familial. Cela peut aussi, être dû à un caractère bien trempé (volonté, ambition,
conviction).
« Ce sont des femmes combatives » « j’ai dans mon esprit le portrait d’une grande
militante, dotée d’une grande clairvoyance de vue, une grande figure du paysage
syndical qui est arrivée au directoire, qui faisait un travail colossal de masse. J’ai eu
à la côtoyer en tant que responsable politique et je me suis demandé qu’est-ce qui a
fait qu’une telle femme comme X ait ce parcours? C’est la disponibilité. Elle a eu une
disponibilité presque exceptionnelle. Pourquoi ? Parce que son mari était exilé pour
des raisons politiques. Campagne d’un militant exilé, elle était dans le rêve
révolutionnaire. Elle vivait en célibataire. N’ayant pas de problème dans son foyer
parce qu’elle n’en avait pas. Au niveau de son travail cela marchait très bien. Le seul
problème qu’elle avait c’était au niveau syndical. Les hommes ne comprenait pas ce
qu’une femme – dotée d’une telle culture et d’une telle brillance- faisait dans le
syndicat d’autant plus qu’elle les mettait en difficulté. Voilà un parcours important».
L’histoire continue. « Son mari est revenu et c’est là où les problèmes ont
commencé. Elle a pris du poids politique et syndical. Son mari, qui se considérait
avoir plus de légitimité et de valeur, n’a pas accepté qu’elle soit supérieure à lui.
C’est l’histoire d’une destruction. Quand je pense syndicat je pense à ça. Je pense
au destin de cette femme qui avait tout pour faire une carrière syndicale foudroyante
45
et ça était détruit. Elle n’avait fait ni carrière politique ni carrière syndicale, ni carrière
universitaire (pourtant elle en avait les moyens pour). Elle réussissait à merveille.
Cela a été détruit par ce rapport homme/femme. »44
Après ce témoignage le mot frein justifie tout son sens linguistique qui connote le
sens d’entrave, d’obstacle, ce qui empêche de. Qu’est-ce qui entrave donc le
parcours des femmes dans leur ascension syndicale? Quels sont les obstacles que
rencontrent les « leaders femmes » qui ont accédé aux « honneurs » des postes de
responsabilité ? Comment vivent-elles cette expérience ?
La réponse à ces questions suppose qu’on restitue, dans une première étape, les
freins vus par les intéressées elles-mêmes en les répertoriant dans une
catégorisation pertinente. Nous donnons les raisons de cette situation dans une
seconde étape, en déconstruisant le mode opératoire de ces freins par l’analyse de
l’éthos syndical, androcentré, qui les sous-tend.
1ere série de frein se cristallisant autour de la délicate conciliation du
triptyque des exigences : famille, travail, syndicat.
Ce type de frein a fait l’unanimité chez les femmes et les hommes interviewés.
« Le talon d’Achille de la femme est sa disponibilité. Dans mon expérience de 30ans
de responsable syndicale, les femmes ne dépassaient jamais une année sinon 6
mois avant d’abandonner leur poste » (homme).
Cette affirmation trouve sa confirmation dans le verbatim des femmes syndicalistes
elles-mêmes :
« J’ai une maman qui m’est chère… Toutes mes sœurs et mes frères viennent la voir
sauf moi parce que je suis prise -même le dimanche après le travail- dans des
réunions et des activités syndicales ».
«J’ai refusé une promotion parce qu’il fallait rester jusqu’à minuit et moi j’ai des
enfants… »
« Parler d’équilibre est utopique, si je fais ça c’est au détriment de ça …La femme
priorise en fonction de l’âge. »
« Dans les réunions on ne prend pas en considération les femmes. On reste jusqu’à
21h sinon 22h. Tout cela se fait au détriment de mes enfants et de mon mari. » «Si
on s’absente on est critiquée et quelquefois, ils prennent des décisions qui vont à
l’encontre de nos intérêts ».
« Heureusement que mon mari est compréhensif ».
44
J’ai tenu à relater ce témoignage intégralement parce qu’il exprime le parcours de Sisyphe des femmes militantes syndicales.
46
«Je sens que je donne au syndicat plus que ce que je donne à ma famille ».
« Une militante est obligée d’amener ses enfants avec elle dans les meetings et
quand tu leur demande (les enfants) de chanter une chanson ils te chantent les
slogans du syndicat « mes droits, mes droit…… » .
« Quelque fois je travaille le soir », « On travaille même durant les vacances ».
« En revenant chez moi d’une réunion syndicale je reste jusqu’à 2h du matin pour
finaliser les rapports ».
« Je ne faisais que travailler sans penser à moi ni à des moments de détente alors
qu’avant je pouvais me permettre cela ».
« Tout se fait au détriment de ton mari, de tes enfants, de ta santé et même de tes
loisirs (on n’a plus le temps pour. Je programme des activités pour y aller le
weekend mais je n’arrive pas. Même à la maison je fais tout en regroupant les achats
et je dois cuisiner pour la semaine. Je fonctionne comme un« traiteur ».
Ce genre de freins a deux conséquences qui impactent fortement le comportement
de la femme syndicaliste. D’abord le stress vécu dans ce sentiment de débordement
et cette impossibilité de faire l’équilibre entre les trois impératifs. « Un certain
moment je ne savais plus où j’en suis : stress, fatigue, désarroi, les
antidépresseurs ».
Cela occasionne aussi ce que les psychosociologues appellent la dissonance
cognitive. 45Par ailleurs la difficulté de choisir génère aussi un sentiment de
culpabilité très fort (perceptible, lors des entretiens, dans le ton de la voie et les
postures du corps). Taraudées par l’interpellation morale « Est-ce que j’ai le droit
de risquer l’équilibre de mes enfants et de ma petite famille? » les femmes
syndicalistes vivent un vrai dilemme éthique qui entrave leur choix et la volonté
d’avancer dans leur carrière syndicale.
45
Présence simultanée d'éléments contradictoires dans la pensée de l'individu. Cette dissonance est souvent le résultat d'un désaccord entre attitudes et comportements. La dissonance cognitive entraîne chez l'individu un état de malaise, une tension psychologique désagréable. L'individu met donc en place une stratégie permettant de réduire cette tension : > Stratégie de rationalisation : Réduire la dissonance tout en conservant attitudes et comportements. > Ajouter des éléments consonants : justifier le comportement dissonant en ajoutant un élément. > Minimiser l'importance des éléments dissonants. > Modification d'un des éléments dissonants : l'individu peut changer de comportement ou d'attitude. L'élément le moins résistant au changement est l'attitude.
47
1- Freins générés par le mode de fonctionnement managérial du travail
syndical :
Les réunions qui sont conçues et programmées selon la disponibilité masculine et
qui causent un dilemme important parce leur programmation ne tient pas compte
des contraintes du travail syndical au féminin : « les réunions commençaient à partir
de 19 h et on restait jusqu’à 22h30 et les gens ne savaient ni discuter ni gérer le
temps de la réunion ce qui embêtait sérieusement les militantes ».
Le choix inapproprié de l’espace constitue un frein.
« Les réunions se font dans les cafés et ce qui les décourage d’autant plus que les
femmes n’écrivent pas »
Les réunions dans des moments impossibles
Les réunions par exemple même pendant les vacances » « dites- moi simplement
quelle est l’heure pour les réunions ? Ils programment la réunion à 10h et ils arrivent
à midi’ « moi le samedi j’ai un programme alors qu’eux ils considèrent que c’est un
jour férié : ils restent au café, ils fument leur cigarette tranquillement » « si les choses
sont bien organisées les femmes peuvent s’organiser en vue de participer ».
Le rythme des réunions est aussi dissuasif.
« L’accumulation des réunions ».
La programmation improvisée.
« Nous les femmes on a dans notre mental le programme sinon on ne peut pas gérer
». « On t’envoie un message à l’improviste pour une réunion le lendemain à 8h30 » »
« Ou bien on l’informe à dernière minute de la réunion ».
« Elles n’auront aucune chance dans les bureaux régionaux. En plus les réunions le
soir quand il s’agit des régions en dehors des grandes villes : il faut se déplacer …. »
Quelques fois je travaille à la maison jusqu’à 2h du matin au détriment du temps
dévolu à ma famille en vue de finir le travail en instance, toujours le soir … »
2- Freins relevant des stéréotypes :
« Un stéréotype est une croyance partagée par un groupe à propos d’un autre
groupe. » Les stéréotypes de genre sont des croyances sur les différences entre
les hommes et les femmes, leurs compétences, leurs attitudes psychologiques, leurs
ambitions et leurs comportements.
Sur ce point il y a trois types :
48
Les stéréotypes sociaux qui concernent la perception de
l’environnement de l’activité syndicale.
« Mon mari n’est pas difficile mais il me dit … qu’est-ce que tu as à faire avec le
travail syndical »
« Mon père ne m’adresse plus la parole quand il voit que je viens d’une réunion
syndicale et que j’ai tardé »
« Ma mère me harcelait chaque jour en me disant de sortir du syndicat et de fonder
un foyer »
Une amie a subi une opération au cerveau et sa mère a réagi en disant « J’aurai
aimé qu’il t’enlève aussi le syndicat de ce cerveau ! »
Les stéréotypes internes des syndicats c.-à-d. comment les militants
syndicaux perçoivent la militante syndicale ;
« La femme qui vient au syndicat n’a rien à faire dans la vie de tous les jours et
qu’elle n’a pas de responsabilité, qu’elle est divorcée ou non mariée »
« Je sais pourquoi tu es là et quelles sont tes motivations quand tu viens au
syndicat ».
« La place d’une mère de famille n’est pas au syndicat »
« Elles sont fragiles et vulnérables et ne peuvent pas affronter les patrons ».
« En rentrant tardivement d’une réunion syndicale, accompagnées par des collègues
hommes, des militantes syndicalistes les ont interpellés en leur proposant d’amener
leurs femmes au syndicat. La réponse était catégorique « jamais de la vie ».
« Tu ne m’a pas posé la question, est-ce que je laisserai ma femme venir au
syndicat ? Ma réponse est non ! »
« Elle est le maillon faible qu’il faut attaquer et devient vulnérable et l’autre devient
plus agressif et il se dit qu’il ’est possible de réussir avec elle qu’avec un homme».
Des stéréotypes amenant à considérer qu’un type de travail convient
d'avantage aux hommes qu’aux femmes (ou vice-versa).
« Elles apportent la touche féminine en ornementant la salle de réunion ».
« Elles ont beaucoup d’efficacité parce qu’elles ont de la crédibilité. Dans la
mobilisation elles jouent un rôle fondamental »
« Elles sont maintenant trésorières parce qu’elles sont honnêtes »
49
3- les freins psychologiques ou l’auto-défense que les femmes adoptent
pour se protéger et l’auto censure des femmes face aux opportunités
syndicales.
Une grande partie des interviewées ont relevé cette appréhension très forte de ne
pas pouvoir être à la hauteur de la responsabilité. « Je préfère toujours être dans
l’ombre. La seule fois où je me suis fait avoir c’est d’avoir accepté d’être
responsable dans les œuvres sociales ». «Je ne voulais pas être au conseil
national et on a fait pression sur moi pour accepter ».
«Ce n’est pas parce qu’on m’empêche d’accéder aux postes de décision, mais moi-
même, j’en ai peur. (…) J’ai peur de la responsabilité. A maintes reprises j’ai eu
l’occasion de devenir secrétaire générale et j’ai décliné l’offre. ( …) Je n’ai pas
encore pris de décision et je me pose toujours des questions par rapport à cela… »
« On m’a proposé d’être secrétaire générale en me spécifiant que cela va être dur
parce qu’on reste jusqu’à 10h du soir, que je vais avoir une fatigue psychologique
…J’ai répondu effectivement je ne suis pas prête pour ce défi parce que j’ai des
enfants, la coordination dans le travail … »
« Sur le plan national, j’ai peur d’avancer parce je risque de prendre goût et de
perdre l’équilibre familial. Je suis active et je me sens capable mais j’ai peur de ne
plus assurer cet équilibre et j’aurai des remords »
« Moi, je fais du syndicalisme sans être au bureau mais ils ont insisté pour que je
sois membre du bureau »
« Je me sens bien dans le travail dans le cadre du cercle de la femme ».
4- Freins culturels ou l’ordonnancement syndical des rôles :
Englobent les rôles dévolus socialement aux masculin/féminin et intériorisés par les
deux protagonistes qui jouent inconsciemment dans l’attribution et l’acceptation des
missions et des activités syndicales. Le référentiel des activités syndicales féminines
sont ordonnées en fonction du rôle dévolu socialement à la femme. Les missions et
les postes tenues relevés dans l’enquête sont « conseillère au niveau du bureau
national, Secrétaire générale organisation femme et vice -secrétaire générale de la
fédération. Trésorière bureau régional, secrétaire administrative au niveau de l’entité
femmes, secrétaire général de l’organisation féminine de notre secteur »
A la question « quelles sont vos activités syndicales », les femmes de l’échantillon
ont mentionné les travaux de secrétariat, l’affichage, l’accueil et la réception des
revendications, le port des dossiers, répondre au téléphone,
« Au niveau central tout le Maroc appelle au téléphone »
« Écrire des rapports »,
50
« Réception et enregistrement des situations irrégulières et informer les instances du
syndicat »
« Nous organisons des voyages pour les femmes, nous allons vers les femmes
rurales, nous fêtons le 8 mars, nous accueillons les femmes et nous participons aux
manifestations concernant les femmes …
« J’assiste aux réunions, je règle les problèmes avec l’administration, nous
travaillons au niveau régional et au niveau central »
« Au niveau de l’organisation féminine je m’occupe de l’orientation des nouvelles
adhérentes.
« J’assiste aux réunions surtout »
« Le contrôle quotidien, affichage »
« Répondre au téléphone, recevoir les revendications, traité avec le bureau
national… Presque chaque semaine il faut se déplacer à Rabat ».
« Quelque fois cela dure toute la journée ».
«Moi je suis nouvelle dans le syndicat et je travaille dans les œuvres sociales. Je
consacre beaucoup de temps à cela. Quelque fois toute la journée, le soir et même
mes moments de congé »
« Les femmes ont une présence qualitative et sont très présente. » « « 3femmes sur
13 dans les œuvres sociales » question « que font les hommes ?» « Ils ont trouvé
les femmes qui travaillent à leur place »
« Qui dit le social dit les femmes au niveau national. Une grande compétence
vraiment. ».
« Je travaille tout le temps pour le syndicat. Sachant que je suis sérieuse et
engagée dans mon travail tout le monde me sollicite même les personnes qui ne
sont pas dans mon secteur plus le travail de documents à produire, les réunions ».
« Ils me proposent toujours d’écrire les rapports, alors qu’eux ils prennent leur temps
pour prendre leur café à l’aise et tranquillement en se pavanant et moi je restais
fixée à ma place et cela même m’empêche de participer à l’aise à la discussion. Ils
considèrent qu’ils sont en sont dispensés’ et que parce que je suis femme je dois
faire les rapports. Là où il y a corvée c’est pour moi»
« Les partenaires du syndicat(le patronat, les administrations) qui la regardent
comme un être inférieur et vulnérable, ce qui lui cause des obstacles pour réussir
dans sa mission ? »
« Je travaille dans une commission de l’information et de la communication qui
diffuse les réalisations et les activités du syndicat».
51
« J’ai cette mission, c’est moi qui rédige les déclarations »
« Dans les secteurs privés les syndicalistes considèrent que le syndicat c’est un lieu
de guerre ou de lutte qui sont dévolus aux hommes et non pas la femme. A part un
cas où on a une femme qu’on considère courageuse et qui ose. »
« Il y a aussi actuellement un phénomène c’est mettre les femmes dans les
organisations parallèles des femmes. J’estime que c’est une erreur. A mon avis il
vaut mettre les hommes et les femmes en constituant une commission mixte de
gestion. »46
« Mes enfants sont grands, mon mari est compréhensif ce qui me permet de relever
les défis mais j’ai la responsabilité de ma mère. Quand la femme termine sa mission
avec les enfants qui grandissent on se retrouve avec la question des parents(les
miens et ceux de mon mari) qu’il faut suivre et aider. La mission de la femme ne
s’achève jamais : quand les enfants grandissent les parents vieillissent»
5- Freins dus à l’idéal tracé et aux exigences surhumaines qu’on impose à
la femme pour accéder aux postes de responsabilité
En progressant dans la hiérarchie syndicale l’exigence augmente et le volume de
travail s’accroît. (Être au courant, présence dans différentes instances syndicales,
réunions, accompagnements ….).
La conception de la compétence chez la femme n’est pas la même que chez
l’homme. Il faut noter ici combien l’exigence devient plus bloquante chez la femme
que chez l’homme.
La femme acceptée dans ce cercle des décideurs et qui a passé les différents « saut
d’obstacles-47 sans faute ; et finalement reconnu digne d’être représentée dans le
sérail mais avec cela elle est cantonnée et confinée dans des rôles dédiées
socialement aux femmes – l’analyse des activités des femmes est significative de ce
point de vue ». Par ailleurs cette perception de la femme est symétrique dans le sens
où elle est intériorisée par les femmes et défendue par les hommes.
« On évoque la compétence pour les femmes comme prétexte pour ne pas la retenir
alors qu’on n’évoque pas cela pour les hommes ».
46
Les cercles des femmes ou les organisations parallèles féminines sont différemment appréciés : les uns estiment que cela joue un rôle de mobilisation dans la cause syndicale féminine, d’autres estiment qu’ils risquent de jouer un rôle de freins dans la mesure où cela va être un prétexte pour ne pas accélérer les mesures positives au profit des femmes syndicalistes. 47
Le saut d’obstacles consiste à enchaîner un parcours, les épreuves sont destinées à démontrer chez la femme sa franchise, sa puissance, son adresse, sa rapidité et son respect de l’obstacle (c’est la définition que donne le dictionnaire d’un saut d’obstacles.
52
« Les femmes n’ont pas le temps de lire alors que les hommes ont cela. Les femmes
ont des contraintes familiales. »
6- Freins dus aux enjeux de pouvoir exacerbés au niveau des postes de
décision
Les enjeux sont les intérêts projetés par les acteurs-ces dans une situation de
compétition. 48
« (S’agissant des mesures positives) il y a les intentions mais dans la réalité on a
rien vu par exemple moi et souvent dans les réunions je suis la seule femme parmi
les hommes ». « J’aurai aimé avoir des femmes avec moi au niveau local, régional et
national. Heureusement qu’on a actuellement 1 femme au bureau central »
« Elles étaient toujours devant et n’avaient peur de rien. On a tout fait pour l’exclure
dans la mesure où la femme tient toujours sa parole et tient à ses idées. Ce n’est pas
comme les hommes qui se détournent de leurs idées au profit d’intérêts supposés.
Elles a la liberté de pensée ».
« Cette situation se complique quand il s’agit d’hommes qui n’ont pas le même
niveau d’instruction que les femmes d’autant plus que la femme n’est jamais
complice du travail dans les coulisses.»
« Les femmes se diluent dans les bureaux locaux ».
Quand les enjeux ne sont pas importants on est tolérant sur la participation féminine.
On l’utilise pour faire avancer le travail correctement et avec compétence. Par contre
quand il s’agit de postes où l’enjeu de la décision et de pouvoir est important, la
femme est bloquée en utilisant des mécanismes de compromis ou de votes … Ainsi
les postes de décision sont verrouillés en empêchant aussi les femmes d’être
congressiste.
« Malgré le quota les régions nous répondent qu’on a pas de femmes. Si il n’y a pas
de femmes il faut les changer par les hommes ».
« Par rapport aux hommes - on augmente le nombre de membres pour arranger
certains personnes- ce qu’on ne fait pas pour les femmes »
« Quelques fois tu proposes des amendements acceptés oralement mais au niveau
du document publié ils sont escamotés »
« Elle milite doublement : contre l’administration et au sein du syndicat »
« Celle qui veut être choisie elle n’a qu’à opter pour le ‘tableau’ alors que les
membres sont déjà désignés. Dans cette situation quand une femme se présente et
48
Ce que l'on peut gagner ou perdre lors d'une action.
53
ne réussisse pas, elle va se dire qu’on ne veut pas d’elle alors que les dés sont
pipés dès le départ»
« Nous étions du côté de la légalité, les femmes ont eu une grande présence, nous
avons voté et à la fin on nous a parlé de compromis ».
« Moi au bureau national ils m’ont bloquée par contre au niveau du bureau régional
ils m’ont encouragée. »« On ne fait pas participer la femme dans les négociations. Et
quelque fois même si elle les accompagne et elle ne doit pas parler. Moi l’homme,
c’est à moi de parler. Toi tu n’assiste que symboliquement. »
« La majorité des hommes n’est pas convaincue de l’intérêt de la femme ». « Un
article du statut de notre syndicat du dernier congrès stipule 25% pour les femmes
alors que le règlement intérieur ne le mentionne pas. Il a fallu lutter pour imposer
cela » « ils ont argumenté qu’il n’y a pas suffisamment de femmes et à la rigueur
ajouter -si c’est possible- ce qui est une façon de contourner la décision. Même la
question du quota de 20% n’a pas été respectée. Il a fallu faire le suivi et les
mécanismes d’application du quota »
« Au niveau de mon institution les anciens du syndicats ont pesé de tout leur poids
pour empêcher les femmes d’être congressiste »
« Les collègues eux-mêmes qui vous empêchent d’accéder à des postes de décision
en privilégiant un collègue ancien pote à eux ou une femme proche… »
« Les hommes qui sont tout le temps dans ces postes et qui ne changent pas et qui
de ce fait ne facilitent pas l’accès des femmes aux postes de décision ». « Ils
discutent avec nous la question du genre comme s’ils ne sont pas concernés ».
« Le genre est devenu cosmétique dans les partis politiques, je t’ajoute des postes
en vue de respecter les apparence en incluant des femmes ».
« Il y a des textes en faveur de la femme syndicaliste plus que la femme des partis
politiques. Les responsables nous ont cachés le texte de la loi organique de la
chambre des conseillers qui stipule une liste comprenant une femme, un homme
obligatoirement ».
« Ce stratagème leur permet de mettre ce qu’ils veulent » « on nous a jamais
communiqué cela ». «Ils nous exploitent et nous considèrent comme de simples
votantes et quand il s’agit des femmes, on reste sur des ambiguïtés comme cela la
femme ne saura pas ses droits ; » « l’opacité, il y a des textes qui tiennent compte
des droits de la femme et ils le cachent. Ils nous considèrent comme atout à utiliser
durant les élections et ils escamotent tout ce qui va dans le sens des droits féminins
».
« Ce sont des choses inacceptables que la raison n’admet pas »
54
« Mêmes les conditions de mon ascension sont particulières : ils jouent sur la
concurrence entre les femmes. ».
« Une femme qui supervisait et jouait un rôle de blocage dans la mesure où on ne
dépassait pas les bureaux locaux. Femme contre femme. » « Cela nous empêchait
d’être visible et on restait avec la base ».
« Quelques fois il y a un pouvoir occulte qui décide à la place des autres »
« Le problème ne réside pas dans le fait d’accéder aux postes de décision mais faire
adhérer la femme au travail syndical. Mais pourquoi la femme ne participe pas ? Il y
a les contraintes que nous connaissons. Mais il y a aussi quelque chose d’important.
Le syndicat défend les revendications communes. Elle sent qu’elle n’est pas
concernée dans la mesure où elle ne se retrouve pas dans le cahier revendicatif.»
« Ils veulent nous garder sous tutelle ».
« J’étais très enthousiaste pour créer et faire avancer la cause féminine en
organisant les festivités du 8 mars. J’ai proposé qu’on nous donne un peu de budget
pour. C’était le silence total. L’un d’eux m’a répondu qu’est –ce que tu veux faire ?
J’ai compris. » ; « On est aussi située par rapport aux enjeux entre les responsables
syndicaux. »
« Quand il s’agit d’études, de corvée tu es la première à être proposée par contre
quand il s’agit de voyages ou des avantages cela leur appartient. C’est cela le
problème. Là où il y a du travail qui demande de l’effort et de la sueur c’est la femme.
Ce qui est qui est paradoxal c’est qu’ils sont convaincus de la qualité de la femme,
de son sérieux et de sa compétence et ils le disent et malgré cela ils l’occultent ».
« La femme qui arrive est immunisé contre le machisme des hommes. »
« La concurrence acerbe sur les positions et on arrive à considérer que la femme est
à exclure et la femme devient la première personne à sauter. »
« Il y a même la peur de certains militants de la compétence de la femme et quelque
fois par le biais du quota ils mettent des personnes proches ou estimées dociles. »
7- Freins relevant des dissensions internes entre militantes.
Les freins ne sont pas dus uniquement aux hommes, il y a aussi des freins générés
par les femmes elles-mêmes. Il y a peu de place au top pour plusieurs femmes,
certaines entrent en compétition au lieu d’être solidaires. »
« Un certain moment il y a eu des conflits en interne. Surtout les enjeux
interpersonnels entre les femmes. Je propose qu’elles ne travaillent pas
uniquement entre elles. Il y a beaucoup de concurrence. Le syndicat n’est pas de
venir et de se créer des ennemis. Il y a des femmes qui ont une culture masculine. »
55
« Tout le monde a voté pour moi sauf une femme ».
« Lutte des femmes pour le conseil national. Il y a des femmes qui ne font pas d’auto
- évaluation et prennent le critère d’ancienneté comme principe de choix »
9 – freins dus au harcèlement sexuel et au sentiment d’être manipulée :
Les femmes sont obligées de choisir entre être appréciée ou être
respectée.
« Le harcèlement sexuel te fait perdre beaucoup d’opportunité »
« Si tu es belle et non consentante c’est sûr que tu vas être sabotée d’une manière
systématique »
« Les hommes font des calculs, ils ont peur pour leur propre personne. De ce fait ils
exploitent l’enthousiasme de la femme qui défend les principes avec son cœur, sa
raison et tout son être. Parce que je n’ai jamais eu une vision opportuniste du travail
syndical. Le travail syndical pour moi est le fait de donner et défendre le principe de
la justice et la dignité de celui ou celle qui est affiliée au syndicat».
« Si l’homme se rapproche de toi c’est quelque part il cherche son intérêt surtout si la
femme n’est pas mariée ».
« Tu travailles plus que lui, tu réussis mieux que lui mais il a toujours cette idée
malsaine c’est que, de la femme, il peut faire ce qu’il veut ».
En ce qui concerne le harcèlement sexuel surtout dans les congrès ils vous
demandent des choses inadmissibles ».
« Pour des femmes divorcées ou non mariées on les regarde comme quoi sont
faciles. Mais en général quand ils voient le sérieux et la compétence dont témoignent
la femme ils la laissent tranquille ».
Sur le harcèlement sexuel les avis sont partagés entre celles et ceux qui admettent
son existence et celle et ceux qui ne le ressentent pas49. Par contre celles qui en
souffrent sont les femmes célibataires, les divorcés et les femmes « belles ».
Les deux parties sont d’accord sur deux aspects :
Là où il y a mixité il y a tentation des hommes : « l’homme est toujours prédisposé
à… (Interview homme). Le syndicat a un éventail très large de recrutement. Et cette
base représente toutes les couches sociales .Et aux femmes d’être immunisées et
49
Sur ce point les femmes et les hommes parlent avec gêne de cette question. Les femmes qui en parlent déclarent qu’elles laissent les choses courir. Il faut signaler que les cas déclarés d’harcèlement sexuels sont souvent imputés socialement « à la provocation féminine » (un comble !) ce qui dissuade les victimes d’en parler directement.
56
d’imposer le respect. On utilise aussi le harcèlement sexuel soit pour intimider soit
pour avoir un RV… »
« Là où il y a mixité il y aura des insinuations. Deux freins agissent : la résistance de
la femme ou le milieu avant-gardiste d’autant plus que les adhérents reflètent la
société marocaine. » « La prédisposition existe chez tout le monde mais passer à
l’acte c’est l’immunisation de la femme et les valeurs éducatives de l’organisation.
57
CHAPITRE III - analyse des mécanismes de fonctionnement des
freins
On ne naît pas dominant, on le devient
La restitution des freins qui entravent l’ascension des femmes syndicales dans la
hiérarchie de leurs organisations a montré la complexité et l’intrication de plusieurs
facteurs qui ont forgé le fonctionnement du plafond de verre (glass ceiling).50Elle
atteste que le « plafond de verre » ou « ciel de plomb » qui entrave l’ascension
syndicale des femmes constitue une réalité indéniable. La question est alors de
comprendre ce qui, à compétences égales voire supérieures, contrarie la
progression professionnelle des femmes par rapport à celle des hommes. Dans ce
sens, l’enquête a dégagé neufs freins qui émanent directement ou indirectement des
réponses de la population cible( l’impossible conciliation d’une vie syndicale active
et réussie et les responsabilités liées à la famille, les pratiques managériales des
syndicats qui ne tiennent pas compte de la vie privée et familiale des femmes, les
stéréotypes qui ordonnent socialement la places des femmes et la place des
hommes, l’image que se font les femmes d’elles-mêmes ou les freins
psychologiques, une culture syndicale traditionnellement masculine, l’impossible
image idéal typique de la femme syndicaliste, les enjeux de pouvoir qui se dénouent
au détriment de la femme syndicaliste, dissensions entre les femmes elles-mêmes
avec une compétition improductive , enfin le harcèlement sexuel dénié par les
hommes et les femmes.)
Deux conséquences fondamentales sont à relever:
a. les femmes accèdent difficilement aux postes stratégiques et/ou politiques du
syndicat. Elles sont cantonnées dans des filières techniques (trésorières,
formation, communication…) ou spécialisée (accueil, responsable de dossiers
sur des thématiques précises) c’est ce qui constitue le plafond de verre.
b. celles qui accèdent restent dans des activités et des missions subsidiaires
(rédiger les déclarations, les rapports, représentations protocolaires, organiser
les réceptions du bureau national ou central). Au plafond de verre, vient
s’ajouter également l’expression « parois de verre ». Elles traduisent une
autre mécanique, plus sournoise : quand les femmes parviennent à atteindre
des postes de haut niveau, elles se retrouvent souvent dans des filières ou
des services considérées comme moins centraux, moins stratégiques pour le
syndicat.
La figure suivante schématise le déroulement des deux processus.
50
Le plafond de verre (glassceiling) est une expression apparue aux États-Unis à la fin des années 1970 pour désigner l’ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies professionnelles. La métaphore, si elle n’explique pas le phénomène, a au moins le mérite d’être parlante : tout se passe comme si un plafond invisible empêchait les femmes de grimper les échelons.
58
Quels sont les éléments explicatifs de cette situation ?
Avant d’entamer la réponse à cette question il est nécessaire de se positionner dans
le débat actuel. En effet les travaux ont mis en exergue, pour expliquer cette
situation, les facteurs externes. Ils mettent en avant deux ordres de facteurs. Le
premier relève du constat d’une sous-représentation des femmes dans le champ
syndical .Ainsi on a zoomé sur une série de facteurs externes, comme les
caractéristiques du salariat féminin (précarité, flexibilité, temps partiel choisi ou
contraint) et la difficile implantation des syndicats dans les secteurs féminisés du
tertiaire. Le second ordre de facteurs ramène la difficulté des femmes d’accéder aux
postes de responsabilité à leurs propres difficultés pour concilier organisation du
travail et organisation de la famille occultant ainsi les facteurs inhérents au
fonctionnement syndical.51
Nous prenons acte de l’existence de ces faits et la nécessité d’augmenter le nombre
de femmes syndiquées. Nous souscrivons aussi à l’urgence de procéder à des
mesures positives et à des actions visant à libérer les femmes des tâches
domestiques en les partageants avec les hommes. Mais il n’est pas sûr que cela va
51
Tous les travaux que j’ai consultés mettent l’accent sur ces deux facteurs externes.
Staff majorité féminin
Les
militantes
syndicales
Les
militants
Syndicaux
Parois de verre
Plafond de
verre
59
régler la question de l’équité et de l’égalité dans le partage des responsabilités
syndicales. De plus, il faut prendre acte du risque que les hommes se complaisent
dans l’argument ressassé « quand la femme aura une conscience syndicale
suffisante, la question de sa représentativité trouvera sa solution » (comme par
enchantement sic).52Ajouter à cela le nombre important de variables à prendre en
considération pour prioriser des actions dans ce domaine si on se suffit de cette
option. C’est dire- si on épouse cette perspective - la question de l’égalité
hommes/femmes dans nos syndicat sera reporté sine dé.53
A l’opposé de cette démarche nous considérons que le questionnement du
fonctionnement syndical lui-même est plus pertinent en vue d’expliquer les causes
des freins, l’inclusion et l’exclusion des femmes et d’asseoir des mesures d’urgence
en vue de lever l’iniquité entre hommes et femmes dans le partage des
responsabilités syndicales.
Nous allons considérer quatre ensembles interagissant dans l’analyse du complexe
des obstacles annoncés ci-dessus.
L’histoire du syndicalisme au Maroc.
La dimension symbolique, l’imaginaire culturel et leur impact sur le
fonctionnement syndical(ou la construction de la masculinité
« virilitude » et de la féminité « féminitude »au Maroc).
La gestion des carrières dans les syndicats.
La non prise en charge des revendications féminines dans les l’agenda
et les registres des responsables syndicaux.
1- Le tracé de la configuration syndicale marocaine
Les pratiques du syndicalisme marocain ont émergé dans des terreaux de luttes
acharnées, de militantisme fait de violence et de contre violence, de militants durs
déterminés et prêts à tout. Le syndicalisme de l’époque était installé dans des
bastions industriels masculins .Quatre emblèmes configurent ce paysage syndical :
les dockers, les cheminots, les ouvriers des galeries des phosphates et les ouvriers
de COSUMAR .La sauvagerie de la répression de l’époque, l’ampleur des grèves et
leur impact retentissant sur la société urbaine et sur le pouvoir de l’époque ont donné
52
Cet argument a été ressassé dans les mouvements et les partis de gauche : « la réussite de la révolution totale réglera la question de l’égalité hommes/femmes. 53
Les taux de syndicalisation féminins sont parfois élevés et même Supérieurs à ceux des hommes, mais pour autant, leur accès aux postes de décision reste problématique, car au-delà de l’adhésion syndicale, la prise d’un mandat syndical renvoie au mode de fonctionnement interne, large- ment « androcentré » (forte disponibilité, horaires de réunions tardives, mo- bilité imposée…).
60
des militants imprégnés d’un idéal de valeurs martiales. On magnifiait les valeurs
du sacrifice, de la force, de l’abnégation, du dévouement total, du courage, du
dépouillement dans le style de vie et dans la confiance aveugle dans les dirigeants
syndicaux de l’époque. 54 Se sont donc des valeurs de guerriers ou peu de femmes –
sauf quelques exceptions - ont donc la possibilité de s’y sentir à l’aise. L’histoire et
l’activité syndicales ont été, sont encore, organisées autour de ces normes et
valeurs masculines. Par conséquent les militantes ne pouvaient pas et ne peuvent
pas avoir leur place dans un système réducteur. Or la configuration actuelle a gardé
ce référentiel de valeurs malgré les changements qui ont traversé et qui traversent
les syndicats et la société marocaine. Un changement majeur sur le plan de la
visibilité de la femme au niveau du marché du travail, de sa scolarité, de sa
participation syndicale et politique. Ce changement nécessite qu’on s’interroge aussi
sur les normes et les valeurs inconscientes qui régissent l’imaginaire et la mentalité
des deux acteurs du champ syndical.55
Cette genèse historique de l’éthos syndical va se consteller et se conjuguer avec le
mode patriarcale de la culture et de la société marocaine.
2- La trame culturelle marocaine :
Dans une étude consacrée aux représentations du féminin et du masculin, à partir de
l’analyse des proverbes, « Le féminin est identifié comme un élément de désordre et
le masculin est associé à l’ordre. Cette forme de représentation des genres
commande la totalité des idées, images et dispositions relatives aux rapports
homme/femme. » Par cette césure instaurée socialement et intégrée dans la
personnalité de base des deux interactants, chaque genre doit respecter « Les
rôles et les espaces d’action qui lui sont assignés. Selon cette répartition des tâches,
le masculin, en vertu de son rôle de garant de la vie économique du ménage, se voit
affecté à l’espace public et le féminin, à l’espace domestique et aux travaux qui lui
sont rattachés. L’observance de cette répartition, puisqu’elle permet une situation
d’ordre, est source de considération des deux interactants féminin et masculin. En
revanche, son infraction comporte le risque d’un glissement vers « l’univers
chaotique du féminin ».
54
Une lecture des slogans syndicaux est édifiante. La critique des « leaders syndicaux » était réprimée systématiquement. Il y avait même une forme de sacralité de la direction. 55
«Inclure les femmes dans la vie syndicale signifie encore aujourd'hui les intégrer sur la base du modèle
dominant - masculin- travailleur. Il ne va pas de soi pour le syndicalisme que l'apport des femmes dans la
lutte soit facteur de progrès social»
61
La primauté du masculin sur le féminin est patente culturellement ce qui atteste de la
hiérarchisation genre dans l’imaginaire et la structure de la culture marocaine.56
En somme les rôles féminins sont poussés vers le conseil et le soutien au masculin.
A l’aube du 3ème millénaire : « le champ des représentations sociales reste marqué
par des idées assimilant le féminin au désordre et à la non raison. La catégorie
« masculin » renvoie aux traits les plus nobles et les plus idéalisés socialement. Le
féminin n’est valorisé que lorsqu'il se conforme à la loi masculine. Quand il se
conforme à lui-même, i.e. lorsqu'il manifeste des signes d'émancipation, il est déclaré
facteur de désordre, si ce n'est le désordre lui-même. Ces représentations restent
dominées par l'idée de suprématie du masculin et par une distinction radicale entre
les genres se faisant au détriment du féminin. Les femmes et les hommes sont
socialisés dans cette culture de genre contraire aux principes de justice et
d'équité »57
Il faut dire, au vu de l’analogie entre les deux structures mentales décrites ci-dessus,
que les syndicats reproduisent les représentations traditionnelles des rôles sexués
qui agissent sur les comportements syndicaux. Dans les espaces fortement
ségrégués, les attentes de rôles et les représentations sociales attachées à
l’exercice du métier de syndicaliste contribuent à discriminer la catégorie minoritaire.
C’est en vertu de cette dichotomie masculin/féminin ou qualités propres aux femmes,
qualités propres aux hommes que les activités syndicales sont ordonnées. Aux
femmes donc les filières techniques (assistante syndicale, trésorière, vice-secrétaire,
conseillère…) et aux hommes la dimension politique (secrétaire général ou
responsable de l’action syndicale).
En somme, la dimension décisionnelle et stratégique reste l’apanage des hommes.
Par contre peu de femmes ont occupé ou occupent des postes considérés
stratégiques comme secrétaire général.
Les femmes syndicalistes coincées entre des modèles syndicaux auxquels il leur est
difficile de s’adapter et des archétypes de rôles, assignés socialement, qui les
contraignent à « gérer leur féminité (et leur rôle maternel) », sont renvoyées à un
nombre très restreint de rôles qui « bornent le champ des possibles » et leur marge
d’action.
L’ensemble est scellé par une dimension culturelle instituant une césure entre
homme /femme, masculin /féminin avec des rôles propres et immuables.58
56
Cf. à ce propos « le sens pratique de P. Bourdieu, Minuit 1981 57
4 CERED, Genre et développement, Rabat, 1998, p. 49. 58
Le monde tel qu’il est considéré dans cette conception est ordonné et fini. Chaque chose doit être à sa place et tout mouvement est considéré comme violence. A l’inverse du monde infini où l’ordre et le désordre cohabitent.
62
3- la gestion de carrière
L'activité syndicale présente des caractéristiques distinctes d'une activité
professionnelle traditionnelle. Elle se caractérise d’abord par son imprécision qui
intègre des tâches peu formalisées59.
L’activité professionnelle classique est organisée selon un recueil de postes précis
alors dans l’activité syndicale il n’y a « aucune limite à l’activité syndicale ». Ces deux
aspects mènent souvent à un surinvestissement, à de nombreux engagements qui
deviennent le pain quotidien de la syndicaliste engagée.
Le fait qu’il n’y a pas de contractualisation dans l’activité syndicale donne au
militant-e le sentiment d’une grande liberté dans la mesure où adhérer est un
engagement personnel qui repose, principalement sur des options individuelles. Par
contre, il n’y aura aucune visibilité par rapport au parcours ascensionnel dans
l’organisation syndicale ce qui fait subir aux militantes une grande pression.
Comparé à d’autres parcours, la carrière syndicale est moins « attractive », peu
gratifiante, les contours sont peu délimités, peu formalisée et conduit souvent à un
surinvestissement.
A la lumière de ces constats, le sentiment de déception des femmes vis-à-vis de leur
parcours syndical, empreint d’embûches et d’arbitraires, est justifié.
4- La prise en compte des revendications féminines spécifiques
Les objectifs revendicatifs des syndicats ciblent essentiellement "les questions
d'emploi", le "pouvoir d'achat" ou encore " les acquis sociaux à défendre» ?
Combien de temps encore vont-ils cloisonner à ce point leurs objectifs
revendicatifs »« Quand feront-ils enfin de l'égalité entre les sexes au travail l'objet
d'une vigilance constante et non un rituel annuel dont on ne se préoccupe vraiment
qu'un certain 8 mars ?»60
L’intégration des femmes dans le syndicalisme reste problématique du fait de la
difficulté des syndicats à prendre en charge des revendications qui seraient
spécifiques aux femmes. A l’instar de leur représentation syndicale, non seulement
les femmes sont aussi sous-représentées dans les instances de négociation, « mais
qui plus est, l’égalité comme thème de négociation est peu ou pas abordée. »
59
Correia Mario; La représentation de la carrière chez les syndicalistes in Piotet Françoise (sous la direction de); La révolution des métiers; Collection Le Lien social; Presses Universitaires de France; Paris; 2002; pp. 225-247 60
Femmes et syndicats : nouvelle donne p.62
63
Chapitre IV : LEVER LES FREINSEN MOBILISANT DES LEVIERS
PERTINENTS
1- La perception des actions
Comment briser le plafond de verre ?
Nous allons tabler sur deux ordres de propositions à savoir les propositions des
femmes elles-mêmes et quelques pistes entrevues par les résultats de l’étude.
A- Les propositions émanant des réponses établies :
Les propositions en vue de dépasser les obstacles à l’ascension des femmes sont
ventilées selon sept catégories (actions de formation et d’accompagnement, action
envers les femmes, actions envers les hommes, actions d’organisation, action
spécifiques et mesures législatives).
a- actions de formation et d’accompagnement :
« Il faut former les femmes pour renforcer ses capacités pour qu’elle soit
capable de tenir les postes de décision ».
«Faire de la formation mixte pour les femmes et les hommes ».
«Renforcer les ateliers de formation pour les femmes d’abord en vue d’un
développement personnel ».
«Former les hommes et leur dire que cette femme qu’il déconsidère c’est leur
mère, leur campagne et leur fille ».
«Renforcer les compétences des femmes ».
«Développer et évoluer par la biais de la formation. Il y a des femmes qui
n’osent pas parler de leurs problèmes »
«Instaurer des ateliers de réflexion pour les femmes et les hommes sur
l’approche genre »
«Mettre en œuvre les formations qu’on a suivi »
b- actions envers les femmes :
«Il faut encourager les femmes à adhérer en créant des clubs, des voyages,
des garderies pour les enfants et des espaces où mêmes leurs maris peuvent
venir. C’est comme cela qu’on va tisser des liens qui vont faciliter leur
participation. ».
«Trouver une stratégie de faire sortir les femmes et de les intégrer au
syndicat ».
64
«Développer l’intérêt des femmes pour le syndicalisme ».
«Aller vers les femmes pour travailler avec elles et les amener à changer ».
« Agrandir la base syndiquée des femmes en organisant des activités pour
leurs enfants et leurs maris. Avoir une base est nécessaire pour imposer la
présence de la femme. »
«L’accompagnement des femmes en les orientant vers des pratiques
psychologiques d’aide».
c- Actions envers les hommes :
«Des réunions entre nous, hommes et femmes, naturellement qu’ils nous
disent ce qu’ils nous reprochent et qu’on leur dise ce qu’on leur reproche. »
«Faire une étude sur les obstacles et mettre l’homme en face des résultats en
vue qu’il prenne conscience de son comportement ».
« Campagne de sensibilisation, ».
d- Actions d’organisation :
« Faire front ensemble comme femmes pour changer la situation »
«Constituer un réseau, seul moyen de faire face ensemble et cela va
marcher ».
e- Critères objectifs de choix
« Choisir les femmes compétentes et non adopter les critères du clientélisme
et les relations familiales »
f- actions spécifiques :
« Exceller dans son travail »
« Il faut que la femme ne soit pas dispersée en prenant en charge trop de
choses à la fois, trop de casquettes»
« Faire du plaidoyer auprès des comités exécutifs des syndicats de
l’enseignement »
«Changer les mentalités –homme et femme – pour que les deux acteurs
défendent la cause féminine »
« Le rendement dépend d’un peu de spécialisation ».
g- Amendement des textes syndicaux :
« Créer l’alternance : quelqu’un qui a passé son mandat qu’il laisse l’autre
aussi prendre sa place… »
65
« Le quota doit être obligatoire et veiller à ce qu’il soit appliqué »« le quota doit
avoir des mécanismes pour réussir comme ce qu’on a fait pour les élections
communales. »
« Le rendement dépend d’un peu de spécialisation ».
«D’abord l’application des règlements et le faire mentionner dans les textes et
les lois régissant les syndicats »
« Les textes législatifs contribuent à l’amélioration de la situation. »
2- Des pistes à explorer
Nous laissons cet aspect aux futurs ateliers des femmes en vue d’établir des
stratégies consensuelles et déterminer des plans d’action adaptés.
66
CONCLUSION
Les résultats de ce travail ont mis en évidence les contraintes spécifiques qui pèsent
sur les femmes dans les différents échelons du travail syndical. La raison principale,
de ces entraves, réside dans l’asymétrie sexuée des charges familiales et de
l’inscription de l’organisation et des modalités du travail syndical sur un modèle
masculin qui occulte la vie privée. En dépit de leur forte implication syndicale, de leur
compétence à « toute épreuve » et de leur éthique positive, les femmes restent en
première ligne dans la responsabilité quotidienne de la famille (conjoint, enfants,
parents âgés). En revanche les pratiques du travail syndical actuel requièrent plus
« d’agressivité », plus de mobilité, plus de « disponibilité », des horaires de travail
impossibles et souvent imprévisibles, des réunions tardives, qui rendent difficile la «
conciliation » avec une vie de famille.
Par ailleurs, les rares femmes qui ont accédé à des postes de décision se sont
trouvées face à deux situations qui compliquent leur mission : la forte exigence en
termes de compétence (message contraignant « Prouvez le encore une fois!61Et la
charge de travail qui s’intensifie au fur et à mesure qu’on monte dans l’échelle de la
pyramide syndicale.
Face à l’absence de femmes dans la prise de décision, différentes stratégies peuvent
être envisagées et qui peuvent être traduites dans des actions de formation (former
les femmes à des postes de responsabilité) ; renforcer les mesures positives
volontaristes (quotas, postes réservés) malgré cela une question reste toujours
posée : est-ce-que cela va déboucher sur un meilleur statut des femmes au niveau
de nos syndicats ?
Est-ce que cela va leur donner plus de partage de pouvoir syndical ?
Sur ce point, et en s’inspirant d’expérience des pays développés, nous insistons sur
les points de vigilance suivants :
1. S’il est important de veiller à une plus forte syndicalisation des femmes-, par
contre, leur seule présence ne garantit aucunement leur représentativité au sein des
instances de décision.
2. Même si une représentativité existe, les programmes d’actions positives (quotas
ou sièges réservés) exigent une politique globale d’égalité dans le syndicat et un
engagement politique des responsables syndicaux.
61
Elles doivent prouver leur compétence à chaque fois, là où les hommes bénéficient du « bénéfice du doute »)
67
3 - adopter une politique de quotas ou de sièges réservés est sans doute le seul
moyen d’assurer une représentativité des femmes, d’autant plus que l’on
renforce d’autres mesures comme des « comités femmes ». Ces attitudes
volontaires ne peuvent jouer qu’un rôle transitoire, en attendant des mesures
structurelles fondées sur le gender mainstreaming.
Par ailleurs, le souci majeur actuel des syndicats est leur capacité à assurer leur
représentativité, à augmenter leurs effectifs et à avoir plus d’efficacité. Il est temps,
à notre sens, d’explorer la possibilité de ce que pourrait apporter une approche qui
met le genre au cœur des logiques économiques et sociales. Une telle orientation
ne peut se faire que si nos syndicats se posent d’autres questions plus fondatrices.
Au lieu de ressasser la question masque « Pourquoi est-il si difficile pour les
femmes de se syndiquer ne faut-il pas passer à un autre registre de questions
« quels sont les présupposés de genre structurés dans les syndicats ? Comment
l’organisation syndicale perpétue-t-elle, recrée-t-elle ou met-elle en question les
hiérarchies de genre ? Comment est-ce que le genre a fonctionné pour définir des
intérêts syndicaux qui n’ont rien à voir avec les intérêts des femmes ?
Le but ultime reste toujours l’instauration d’une égalité qui ne soit pas seulement
formelle, mais une égalité de fait entre femmes et hommes dans tous les champs de
la société.
68
LISTE DES ABREVIATIONS
FNTR Fédération Nationale des Transports Routiers
SNE
Syndicat National de l’Enseignement
FNE Fédération Nationale d’Enseignement
FNCL Fédération Nationale des Négociants en Céréales et Légumineuses
FNSI Fédération Nationale du Secteur de l’Intérieur
CNSS Caisse Nationale de Sécurité Sociale
UMT Union Marocaine des Travailleurs
FDT Fédération Démocratique de Travail
SNESUP Syndicat National des Enseignants du Supérieur
FNSA Fédération Nationale du Syndicat de l’Agriculture
69
GLOSSAIRE
Action spécifique/positive: favoriser des groupes particuliers de femmes, ou
d’hommes. Cette action est requise en complément aux politiques d’intégration de la
dimension de genre pour éliminer les inégalités qui ont été identifiées ou pour
remédier à certains problèmes particulièrement résistants.
Analyse/évaluation de l’impact selon le genre: examine les politiques et les
pratiques en veillant à ce qu'elles soient aussi bénéfiques pour les femmes que pour
les hommes. Elle identifie l’existence et l’importance des différences entre les
femmes et les hommes et les implications de ces différences dans des domaines
politiques spécifiques. Elle évalue les politiques et les pratiques en vue de
déterminer si elles peuvent affecter de manière différente les femmes et les hommes
afin de neutraliser les discriminations et de réaliser l’égalité. Cette analyse demande
des statistiques et des indicateurs sexués.
Approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes: le fait que les
différents comportements, aspirations et besoins des femmes et des hommes soient
pris en compte et favorisés de manière identique et qu’ils ne donnent pas lieu à des
conséquences différentes qui renforcent encore les inégalités.
Autonomie, autonomisation :« Les Nations Unies définissent l’autonomie des
femmes à partir des cinq principaux critères suivants: le sens de la dignité, le droit de
faire et de déterminer ses choix, le droit d’avoir accès aux ressources et aux
opportunités, le droit d’avoir le contrôle sur sa propre vie, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du foyer, et la capacité d’influencer le changement social afin de créer un
ordre économique et social plus juste nationalement et internationalement.11
Programme des Nations Unies pour le développement, Innovative approaches
to promoting women’s economic empowerment, 2008, p.9
Dissonance cognitive ou émotionnelle
La théorie de la dissonance cognitive est l’une des théories majeures de l’harmonie
cognitive. Elle fut développée par Leon Festinger qui, dès 1957, explique que la
dissonance cognitive est le plus souvent le résultat de l’apparition de nouvelles
informations ou de nouveaux événements, ou directement le fait des contradictions
parmi les opinions et/ ou les comportements d’un individu, et qu’il cherche à réduire.
A contrario, on parlera de consistance cognitive ou de cohérence cognitive (cognitive
consistency) – Festinger utilise le terme de « consonance » – pour illustrer le
principe d’une situation d’harmonie entre ses croyances, ses convictions, ses
pensées… Jacques-Marie Aurifeille explique que : « Le besoin de cohérence
70
cognitive peut inciter les personnes interrogées à minimiser l’évolution de leurs
valeurs. Bien qu’une telle éventualité ne doive pas être négligée, on peut remarquer
que, selon la théorie des valeurs, la raison des changements de valeurs est
précisément de répondre aux sentiments de contradiction interne. Dès lors, l’individu
qui reconnaît un changement de valeur indique justement sa volonté de consistance
cognitive. »
Diversité : C’est la présence et la valorisation des populations différentes par leur
sexe, âge, leur handicap, leur origine, leur orientation culturelle….
Égalité : Principe politique, social, qui établit les mêmes droits pour tous les citoyens
L’égalité de genres ou égalité entre les sexes est l’absence de toute discrimination
basée sur le sexe. Cette égalité signifie des droits égaux dans les domaines:
politique, social, économique, civil.
L’égalité de genre ne signifie pas que les hommes et les femmes sont
« semblables » ou «identiques ».
L’égalité de genres ne se conçoit pas en dehors du renforcement des moyens
d’action, de l’autonomie des femmes et de l’amélioration de leurs conditions sur tous
ces plans.
Équité de genre : fait référence à ce qui revient à chacun, pour l’accès et le contrôle
des ressources, l’influence (responsabilité, prise de décision) entre les hommes et
les femmes. La matérialisation de l’égalité de genre se traduit par l’équité de genre
Féminisme : Mouvement social dont le but est de diminuer les inégalités entre les
hommes et les femmes et de défendre les droits de femmes dans la société
GENRE : Tire son origine du vocable anglais Gender. C’est ce qui différencie les
hommes et les femmes dans leurs relations sociales. Il exprime les rapports sociaux
de sexe, la construction sociale des caractéristiques, valeurs et normes attachées au
féminin et au masculin par la culture, l’éducation, les institutions…
Il signifie aussi un outil d'analyse employé dans diverses disciplines pour saisir la
construction sociale, culturelle, langagière et scientifique des différences entre les
sexes. Il permet de mettre en évidence et d'étudier les assignations dissymétriques
et hiérarchiques des rôles et des fonctions sociales entre les femmes et les hommes.
Ce mode d'analyse vise à comprendre comment et pourquoi, en dépit de l'égalité de
droit, persistent, voire se renforcent, des Inégalités de fait.
Le concept genre fait référence à des façons d’être particulières, à des
comportements acceptées par une société ainsi qu’à des attentes spécifiques
associées à chaque sexe
71
Il est institutionnalisé par la Famille, la Communauté, les Normes, les Organisations
et l’Etat ; Il est perpétué à travers la Religion, la Culture, les Normes et la Tradition ; Il
est Enraciné dans le Patriarcat.
C’est de cette institutionnalisation que sont créés des préjugés, des stéréotypes et la
stigmatisation.
Intégration de la dimension de genre: intégrer l’égalité entre les femmes et les
hommes dans cette tendance dominante (mainstream) au sein de la société de façon
à ce que les femmes et les hommes en bénéficient de manière égale. Cela implique
un examen de chacune des étapes de la politique – élaboration, mise en œuvre,
suivi et évaluation – en vue de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mixité : comprend des personnes des deux sexes.
Mixité professionnelle : C’est la présence de femmes et d’hommes dans un même
emploi, une
Même catégorie Professionnelle ou un métier, sans être forcément paritaire
(Exemple: 30% d’hommes et 70% de femmes) en dépit de l'égalité de droit,
persistent, voire se renforcent, des inégalités de fait.
Parité : C’est avoir le même nombre de femmes et d’hommes dans un syndicat ou
une instance de consultation ou de décision
Plafond de verre : Le plafond de verre désigne les barrières empêchant certaines
catégories de personnes, et plus particulièrement les femmes, d’avoir accès aux
niveaux supérieurs hiérarchiques dans une entité même si les femmes sont de plus
en plus diplômées et qualifiées, ce n’est pas pour cela qu’on leur attribue des postes
de pouvoir et de décision.
Relations ou rapports de genre:
Les relations sont un construit social. Une distribution égale/inégale de pouvoir entre
les hommes et les femmes qui caractérise tout système sexiste.
Rôles de genre : ce sont les rôles et aussi des responsabilités attendus par une
société de chaque individu selon son appartenance au sexe masculin ou féminin.
Les rôles selon le genre sont « socialement construits ».
On distingue le rôle reproductif, le rôle productif et le rôle communautaire.
Stéréotypes : Un stéréotype est une représentation caricaturale figée, une idée
reçue, une opinion toute faite acceptée et véhiculée sans réflexion, concernant un
groupe humain ou une classe sociale.
Stigmatisation : a été décrite par Erwing Goffman comme un processus de
discréditation qui touche un individu considéré comme «anormal», «déviant». Il
devient alors réduit à cette caractéristique dans le regard des autres.
72
Cette «étiquette» justifie une série de discriminations sociales, voire d’exclusion. Le
stigmatisé se construit alors en fonction de ces rejets en développant une
dépréciation personnelle altérant l’image de soi et légitimant ces jugements négatifs
de façon irréversible le plus souvent.
73
BIBLIOGRAPHIE/WEBOGRAPHIE
Ouvrages
L’approche de l’empowerment des femmes : guide méthodologique.
Femmes et développement, Bruxelles 2007.
FRADER L. et Sonya O. ROSE (eds.), Gender and Class in Modern
Europe, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1996.
Le Quentrec Yannick; Les obstacles aux pratiques syndicales des
femmes in Martin Jacqueline (sous la direction de); La parité. Enjeux
et mise en œuvre; Collection Féminin et Masculin; Presses
Universitaires du Mirail; Toulouse; 1998.
Maruani M. (dir), (1998), « Introduction », Les nouvelles frontières de
l’inégalité, hommes et femmes sur le marché du travail, MAGE, La
Découverte.
Wajcman Judy (1998), Managing like a man: women and men in
corporate management, Pennsylvania State University Press.
Rapports
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méditerranée : rapport de synthèse.
Résultats du rapport – «La participation des femmes aux instances de
décision des syndicats» présenté en 2000 par Trat Josette et
Zylberberg-Hocquard Marie-Hélène pour le Service des Droits des
Femmes
EL AMRI A. Participation des Femmes aux Syndicats et aux Structures
de la Société Civile au Maghreb
Etude sur les stéréotypes du genre répandus au Maroc -2013 -
Progetto Mondo MLAL en partenariat avec Amnesty International
Maroc.
Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Programme
stratégique à moyen terme pour l’institutionnalisation de l’égalité et
l’équité de genre dans le secteur de l’emploi, de la formation, de la
protection sociale et des conditions de travail. Appui à l’implantation
d’un processus d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes dans le
secteur de l’emploi, de la formation et de la protection sociale.
Novembre 2010
CGEM/GTZ 2007 – Genre et performance économique des
entreprises marocaines.
74
Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques (CERED). Genre
et développement : Aspects sociodémographiques et culturels de la
différentiation culturelle
Centre international pour la justice transitionnelle. Maroc : la
perspective genre dans le processus de justice transitionnelle.
Septembre 2011
Collectif sous la coordination de Malika Benradi. Le code de la famille :
Perceptions et pratique judiciaire. Friedrich Ebert Stiftung. 2007
Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Diagnostic de
l’état de l’égalité/l’équité dans le secteur de l’emploi, de la formation et
de la protection sociale. Appui à l’implantation d’un processus
d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes dans le secteur de
l’emploi de la formation et de la protection sociale. Juin 2010
Haut- Commissariat au Plan, 2913 -La femme marocaine en chiffres,
tendances d’évolution des caractéristiques démographiques et
socioprofessionnelles
Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes par
l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes
de développement ; GTZ
Harcourt Bernard et Garcia Ada (sous la direction de) et Lega Hervé
(avec le concours de) ; «Le «Deuxième Sexe» du syndicalisme
européen. Une recherche sur les femmes et la prise de décisions
dans les organisations syndicales. Etude de la littérature et enquête
auprès des organisations affiliées à la Confédération Européenne des
Syndicats»; Groupe de Sociologie Wallonne associé à l'UCL; 1999.
Document disponible sur le site http://www.etuc.org
LES EMPLOIS DU TEMPS DE LA FEMME AU MAROC: ENQUETE
NATIONALE SUR LE BUDGET TEMPS DES FEMMES 1997/98:
Rapport de synthèse Volume n° 2Ministère de la Prévision Economique
et du Plan. Direction de la Statistique
PROSPECTIVE « MAROC 2030 », DYNAMIQUE SOCIALE ET
EVOLUTION
DES STATUTS DES FEMMES AU MAROC, Rapport préparé par Mme
Malika BENRADI, professeur à la Faculté de Droit de Rabat-Agdal pour
le compte du Haut-Commissariat au Plan
Décembre 2006 Rapport National d’Analyse de la Situation:
Droits humains des femmes et Egalité hommes-femmes Maroc,
Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans la région
euro-méditerranéenne (2008-2011), Programme financé par l’Union
Européenne
75
Articles de revues
Laufer Jacqueline (2005), « La construction du plafond de verre : le cas
des femmes cadres à potentiel », Travail et Emploi, n°102, p.31-44.
Bender Anne-Françoise (2004), “Egalité professionnelle ou gestion de
la diversité : quels enjeux pour l’égalité des chances ?”, Revue
française de gestion, 30
ThéryLe I. « genre : identité des personnes ou modalité des relations
sociales ? Revue française de pédagogie | 171 | avril-mai-juin 2010
Landrieux-Kartochian S. (2003): « Au-delà du plafond de verre ? » Les
cahiers du CERGOR Numéro 03/01 - janvier 2003
Anita ARDURA, Rachel SILVERA ; - L’égalité hommes/femmes :
quelles stratégies syndicales ? Revue de l'IRES n° 37 - 2001/3
Catherine Le Capitaine « Nouvelles identités professionnelles des
femmes et syndicalisme : une possible compatibilité ? »
Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 66, n° 1, 2011, p. 98-
121.
Correia Mario; La représentation de la carrière chez les syndicalistes in
Piotet Françoise (sous la direction de); La révolution des métiers;
Collection Le Lien social; Presses Universitaires de France; Paris;
2002; pp. 225-247.
Deborah Α. Kapchan ; PAROLES DE FEMMES, PAROLES VOLÉES :
LES SOUKS AU MAGHREB , irevues inist fr bitstream 2042 HERMES
1998 22 143 pdf.http://documents.irevues.in ist.fr
Webographie
OIT; Le rôle des syndicats dans la promotion de l'égalité des genres et
la protection des travailleuses vulnérables. Premier rapport de l'étude
OIT-CISL; Organisation Internationale du Travail; novembre 2000; 42
pages. Document disponible sur le site suivant http://www.ilo.org.
2008-2009 Projet « Renforcement du leadership féminin et de la
participation des femmes à la vie politique et au processus de prise de
décision en Algérie, au Maroc et en Tunisie » .Etat de la situation ; UN-
INSTRAW (L’Institut International de Recherche et de Formation des
Nations Unies pour la Promotion de la Femme) concernant la
situation institutionnelle jusqu’à 2009.
Sophie Landrieux-Kartochian : « Au-delà du plafond de verre ? » Les
cahiers du CERGOR, Numéro 03/01 - janvier 2003
77
Annexe I : GUIDE D’ENTRETIEN DES FOCUS GROUPES
Le guide d’entretien comporte une introduction et 3 axes.
INTRODUCTION
Présentation par rapport à votre position syndicale. Carrière syndicale
Présentation du contexte et de l’objet de l’étude ainsi que son importance par
rapport au projet en cours.
Exposé des règles du jeu c.-à-d. la confidentialité, le respect de l’anonymat, la
manière d’utiliser les informations et la promesse de mettre à la disposition
des interviewés-ées les résultats de l’étude.
Rappel de quelques principes de discussion (pas de commentaires sur les
propos d’autrui, pas de critique, pas d’autocensure, toutes les idées sont
bonnes).
1er axe : Itinéraire syndical à travers les récits de vie ou le syndicat au
féminin (motivation d’adhésion pour la première fois, évolution au niveau de
vous syndicats respectifs, activités, tâches, réalisations, organisation féminine
au sein des syndicats, temps imparti….)
a – parlez-moi de votre vie syndicale et de son évolution
b- Qu’évoque pour vous le mot « syndicat » ? Les mots, les images, les
sensations,
c - Parlez-moi de vos activités syndicales :
Lieu, tâches, qui fait quoi, à quel moment.
Que pensez-vous de la réalisation de ces tâches ? Pourquoi, justifiez vos
réponses.
d -Combien de temps consacrez-vous à la réalisation de ces tâches ?, le
nombre de femmes dans ces instances
e –quelles sont Les structures de chaque syndicat
f -Les structures essentiellement féminines, leur rôle, leur périmètre d’activité
g – quels sont les effectifs et quel est votre avis sur ces structures par rapport
à l’ensemble ?
h -Les éléments de management :
Les réunions, durée et heures de programmation.
i-comment vous conciliez entre les activités privées, professionnelles et
syndicales ?
78
2e axe : perception de la situation actuelle (rôles, satisfaction,
insatisfactions…
a- Parlez-moi des actions entreprises par le syndicat en faveur des femmes ?
b- Que pensez-vous de ces actions ?
c- Combien de fois vous êtes-vous présentez à une instance syndicale
(congressiste, bureau local, bureau régional, national, congrès) ?
d- Comment jugez-vous de la situation de la femme dans les syndicats ?
Justifier votre réponse
3e axe : perception des freins et du devenir de la femme au sein des
organisations syndicales
a -Quelles sont à votre avis les freins qui empêchent la femme syndicaliste à
accéder aux postes de décision ?
Justifier vos réponses.
b- quelles sont les actions qui sont –à votre avis –envisageables en vue de
neutraliser ces freins ?
c- quelles sont à votre avis les qualités d’une femme syndicaliste ?
e- Est –ce qu’il y a une question que je n’ai pas posé et que vous aimeriez
que je vous la pose ?
f- Remerciements
Annexe II : Gender Mainstreaming
79
Le concept
L’intégration de la dimension de genre ne se résume pas à:
Une «affaire de femmes»
Améliorer l’accès ou équilibrer les statistiques
Des déclarations bien tournées
Reprocher à quelqu’un les inégalités existantes
Des actions exclusivement féminines
Des mesures ayant pour seules bénéficiaires des femmes
Supprimer ou remplacer des politiques et des projets d’égalité axés soit sur les
femmes soit sur les hommes
L’intégration de la dimension de genre:
Vise à réduire la pauvreté, à relancer la croissance économique et à renforcer
la citoyenneté
Est un processus proactif visant à combattre les inégalités (pouvant être)
discriminatoires à l’égard d’un des deux sexes
Vise des politiques économiques et sociales clés, qui fournissent des
ressources importantes
Se justifie pleinement sur le plan économique en garantissant la participation
active des femmes et des hommes, en utilisant l’intégralité de la population
active
Représente une nouvelle étape dans la recherche de l’égalité
Reconnaît que le genre est l’une des principales clés de l’organisation de notre
société et qu’il influence notre vie dès la naissance
Présuppose la reconnaissance d’une identité masculine et féminine
Reconnaît les différences existant dans la vie des hommes et des femmes et
donc dans leurs besoins, expériences et priorités
Implique une volonté de répartir de manière équilibrée les responsabilités
entre les femmes et les hommes
Doit s’appuyer sur une action et un soutien politiques déterminés, et être
assortie d'indicateurs et d'objectifs précis
Ne se réalise pas du jour au lendemain puisqu’il s’agit d’un processus continu
Guide EQUAL de l’intégration de la dimension de genre
L’intégration de la dimension de genre impose:
80
De ne jamais utiliser les différences entre les femmes et les hommes comme
motif de discrimination
Une refonte radicale du mode de fonctionnement des marchés du travail et de
leur impact sur l’emploi des femmes et des hommes
Des changements durables dans la société, la transformation des rôles
parentaux, des structures familiales, ainsi que de l’organisation du travail, du
temps, et même des pratiques institutionnelles
D'adapter les politiques et pratiques générales au lieu d’ajouter, en
marge, des activités pour les femmes
Un partenariat entre les femmes et les hommes en vue de garantir leur
participation à part entière au développement de la société, et leur permettre
de profiter à parts égales de ses ressources
De s’attaquer aux racines de l’inégalité et de mettre en place des mesures
correctives
De veiller à ce que les initiatives ne tiennent pas uniquement compte des
différences entre les femmes et les hommes, mais visent aussi à réduire les
inégalités entres les hommes et les femmes.
De poser les bonnes questions afin de déterminer comment affecter au mieux
des ressources limitées
De consacrer plus d’attention aux hommes et à leur rôle dans la création
d’une société plus égale
L’intégration de la dimension de genre recouvre:
L’élaboration des politiques
La prise de décisions
L’accès aux ressources
Les procédures et les pratiques
La méthodologie
La mise en œuvre
Le suivi et l’évaluation
Annexe III : la femme marocaine en chiffres
I- Structure de la population âgée de 15 ans et plus selon le type d'activité
Niveau National
2000 2012
Type d'activité Hommes Femmes Hommes Femmes
Actifs occupés 68,20% 24,50% 67,20% 22,30%
Chômeurs 10,70% 3,60% 6,40% 2,50%
Inactifs 21,10% 71,90% 26,40% 75,30%
Total 100,00% 100,00% 100,00% 100,10%
Niveau Urbain
Type d'activité Hommes Femmes Hommes Femmes
Actifs occupés 59,30% 15,60% 61,60% 14,00%
Chômeurs 14,70% 5,70% 8,00% 3,60%
Inactifs 26,00% 78,70% 30,40% 82,40%
Total 100,00% 100,00% 100,00% 100,00%
Niveau Rural
Hommes Femmes Hommes Femmes
Actifs occupés 79,90% 36,80% 75,80% 34,90%
Chômeurs 5,50% 0,60% 3,90% 0,70%
Inactifs 14,60% 62,50% 20,30% 64,40%
Total 100,00% 99,90% 100,00% 100,00%
Structure de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le type d’activité au niveau national
82
Structure de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le type d’activité au niveau urbain
Structure de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le type d’activité au niveau rural
83
II- Taux d'emploi (en %) de la population âgée de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le sexe
2000 2012
Etat matrimonial Hommes Femmes Hommes Femmes
Ensemble
Célibataires 55,6 25,7 51,6 22
Mariés 81,3 24,1 80,6 22,7
Veufs 34,1 17,4 22,2 15,8
Divorcés 69,9 37,5 71,3 38,7
Total 68,2 24,5 67,2 22,3
Urbain
Célibataires 43,4 19,1 43,6 17,7
Mariés 76,5 11,8 76,6 10,9
Veufs 24,8 12 18,2 10,2
Divorcés 67,1 37,7 67,3 38,4
Total 59,3 15,6 61,6 14
Rural
Célibataires 72,7 36,2 63,3 29,1
Mariés 87,3 38,9 86,7 38,8
Veufs 44,1 25,7 28,8 26,1
Divorcés 75,8 36,9 81,4 39,4
Total 79,9 36,8 75,8 34,9
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le sexe au niveau national
84
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le sexe au niveau urbain
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le sexe au niveau rural
85
III- Taux d'emploi (en %) de la population âgée de 15 ans et plus selon le niveau de diplôme
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le niveau de diplôme au niveau national
Niveau de diplôme 2000
2012 Hommes Femmes Hommes Femmes
Ensemble
Sans diplôme 77,2 25,7 77,9 23,9
Niveau moyen 50,5 15,5 53,8 13,1
Niveau Supérieur 59,8 37,1 62 35,4
Total 68,2 24,5 67,2 22,3
Urbain
Sans diplôme 68,2 12,6 71,2 9,8
Niveau moyen 47,1 15,2 52,3 11,7
Niveau Supérieur 60,5 37,2 62 35,8
Total 59,3 15,6 61,6 14
Rural
Sans diplôme 84,3 37,7 83,8 37,5
Niveau moyen 60,6 17,5 57,3 18,2
Niveau Supérieur 52,7 33,3 62,3 24,8
Total 79,9 36,8 75,8 34,9
86
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le niveau de diplôme au niveau urbain
Comparatif du taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 ans et plus selon le niveau de diplôme au niveau rural
87
Taux de féminisation de l'emploi (en %) selon les secteurs d'activité économique:
2000 2012
Niveau National
Secteur d'activité Agriculture, forêt et pêche 35,1 39,9
Industrie y compris l'artisanat 37,7 26,7
Bâtiments et travaux publics 0,7 0,7
Services 17,1 18,5
Total 27,1 26,1
Milieu urbain
Secteur d'activité Agriculture, forêt et pêche 22,3 21
Industrie y compris l'artisanat 36 26,1
Bâtiments et travaux publics 0,9 1,1
Services 19,4 20,9
Total 21,7 19,5
Milieu rural
Secteur d'activité Agriculture, forêt et pêche 35,8 41,2
Industrie y compris l'artisanat 45,2 29,5
Bâtiments et travaux publics 0,1 0,1
Services 5,2 7,2
Total 31,6 32,8
89
IV- Taux de féminisation de l'emploi (en %) selon les branches économiques:
niveau national 2000 2012
Agriculture, forêt et pêche 35,1 39,9
Industrie alimentaire, boissons et tabacs 26 27,7
Industrie textile 63,5 49,2
Electricité, gaz, eau et autres industries 10,3
Bâtiments et travaux publics 0,7 0,7
Restauration et hôtellerie 15 20,1
Banques, assurances et affaires 26,8 28,9
Services personnels et domestiques 39,4 33,6
Services sociaux fournis à la collectivité 34,3 41,6
Administration générale 18,4 18,1
Autres services 6,2
Activités mal désignées 15,5 27,5
Total 27,1 26,1
milieu urbain
Agriculture, forêt et pêche 22,3 21
Industrie alimentaire, boissons et tabacs 27,6 27,6
Industrie textile 60 45,9
Electricité, gaz, eau et autres industries 8,2
Bâtiments et travaux publics 0,9 1,1
Restauration et hôtellerie 16,9 21,4
Banques, assurances et affaires 27 29,7
Services personnels et domestiques 42,6 36,7
Services sociaux fournis à la collectivité 37,1 44,6
Administration générale 20,1 20,2
Autres services 7,3
Activités mal désignées 20,4 27,9
Total 21,7 19,5
milieu rural
Agriculture, forêt et pêche 35,8 41,2
Industrie alimentaire, boissons et tabacs 16,5 28,6
Industrie textile 80,5 66,6
Electricité, gaz, eau et autres industries 17,6
Bâtiments et travaux publics 0,1 0,1
Restauration et hôtellerie 3 12,8
Banques, assurances et affaires 16,6 15,7
Services personnels et domestiques 18 18,9
Services sociaux fournis à la collectivité 14,6 17,7
Administration générale 3,3 3,6
Autres services 2
Activités mal désignées 4,3 23,7
Total 31,6 32,8
91
V- Taux de féminisation de l'emploi (en %) selon la profession principale: niveau
Taux de féminisation de l'emploi en 2000 selon la profession principale au niveau national
Niveau National
Profession principale 2000 2012
Membres des corps législatifs, élus, responsables hiérarchiques 11 8,8
Cadres supérieurs et membres des professions libérales 26,2 31,4
Cadres moyens 32,8 41,9
Employés 23,6 23,1
Commerçants, intermédiaires commerciaux et financiers 5 5,7
Exploitants agricoles, pêcheurs, forestiers, chasseurs… 12,8 21,4
Artisans et ouvriers qualifiés des métiers artisanaux 24,8 14,2
Ouvriers et manœuvres agricoles et de la pêche 45,2 51
Conducteurs d'installation-machines et de l'assemblage 3,8 2,1
Manœuvres non agricoles, manutentionnaires et travailleurs des petits métiers 21,8 17,7
Total 27,1 26,1
92
Taux de féminisation de l'emploi en 2012 selon la profession principale au niveau national
VI- Taux de féminisation de l'emploi (en %) selon la situation dans la profession
principale
Niveau national
Situation dans la profession principale 2000 2012
Salariés 21,9 20,3
Indépendants 14,3 14,7
Employeurs 6,6 8
Aides familiales 48,7 57,3
Apprentis 16 11,2
Membres coopératives ou associés 7,3 12
Autres 27 44,2
Total 27,1 26,1
milieu urbain
Situation dans la profession principale 2000 2012
Salariés 26 24,6
Indépendants 14,9 9,2
Employeurs 7,7 8,8
Aides familiales 21,7 24,3
Apprentis 17,9 15,6
Membres coopératives ou associés 7,1 7,8
Autres 33,1 38,8
Total 21,7 19,5
milieu rural
Situation dans la profession principale 2000 2012
Salariés 9,2 8,2
93
Indépendants 13,9 18,9
Employeurs 2,7 3,1
Aides familiales 51,2 60,1
Apprentis 9,9 5
Membres coopératives ou associés 7,6 17,8
Autres 6,8 52,7
Total 31,6 32,8
94
Taux de féminisation de l’emploi (en %) selon le secteur d’emploi
niveau national
Secteur d'emploi 2000 2012
Secteur public et semi public 22,1 25,6
Secteur privé 26,7 25,5
Autres secteurs 80,3 63,8
Total 27,1 26,1
milieu urbain
Secteur d'emploi 2000 2012
Secteur public et semi public 23,5 27,7
Secteur privé 18,8 16,6
Autres secteurs 83,8 68,8
Total 21,7 19,5
milieu rural
Secteur d'emploi 2000 2012
Secteur public et semi public 8,6 8
Secteur privé 32 33,2
Autres secteurs 51 41
Total 31,6 32,8