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  • LES GRANDES THEORIES DU

    DEVELOPPEMENT

    Franoise Morange-Majoux, IED

    Ce cours propose de poursuivre sur lexpos des modles de la psychologie du dveloppement

    en partant de la contribution majeure de Piaget, qui comme toute thorie scientifique, volue au

    fil des dcouvertes et des questionnements. Aprs avoir list les critiques faites lencontre de

    la thorie Piagtienne et dcrit les avances scientifiques, nous exposerons 2 modles, celui de

    Pascual-Leone et celui de Case, qui tentent de faire la synthse entre certains concepts Piagtiens

    (constructivisme, stade) et les nouvelles modlisations du traitement de linformation en

    proposant de nouvelle interprtations.

  • Le contenu de ce document est strictement rserv aux tudiants inscrits

    en 3me anne de psychologie lInstitut dEnseignement Distance de

    lUniversit Paris 8.

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    la demande lauteur par mail : francoise.morange-

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  • TABLE DES MATIERES

    A- Les limites de la thorie piagetienne .......................................................................................... 4

    A. 1. le role de laffectif et de lenvironnement ......................................................................... 7

    A. 2. Les comptences prcoces du nourrisson : du bb reflexe au bb astronome et

    mathematicien ......................................................................................................................... 8

    A. 3. conclusion et limites de la thories piagtienne .............................................................. 11

    B- De nouvelles thories du dveloppement : lapres piaget ....................................................... 12

    B. 1. Le nostructuralisme ........................................................................................................ 12

    B. 1.1. Architecture du systme cognitif ........................................................................... 13

    B. 1.2. Exemples de stratgie attentionnelle pour situations piges .......................... 17

    B. 1.3. Modelisation du developpement cognitif ............................................................. 17

    B. 1.4. La capacit M : ralit ou mythe ? ......................................................................... 18

    B. 2. La thorie de Case ............................................................................................................. 19

    B. 2.1 Architecture du systme cognitif ............................................................................ 19

    B. 2.2. Les stades de dveloppement daprs Case .......................................................... 23

    B. 2. 3. modelisation du developpement cognitif : role de La mmoire de travail .......... 25

    B. 2.4 Comparaison des stades chez piaget et Case ......................................................... 27

    C- Discussion ................................................................................................................................. 28

    D- Conclusion ................................................................................................................................ 29

    Rfrences .................................................................................................................................... 32

  • A- LES LIMITES DE LA THEORIE PIAGETIENNE

    Comme nous lavons vu au cours de la premire anne (L1), la thorie

    de Jean-Piaget est une thorie de grande ampleur qui propose un

    modle cohrent du dveloppement cognitif, applicable de la naissance

    l'ge adulte. Ltude du dveloppement revient finalement tudier

    les changements qui apparaissent en comparant un ge prcoce un

    ge plus tardif. Etudier les changements revient tudier les

    discontinuits et nous avons vu que la question de la continuit du

    dveloppement tait une question centrale chez Piaget qui considre

    le dveloppement par bonds successifs.

    Le site officiel de la fondation Jean Piaget avec une foule darticles et sarchives :

    http://www.fondationjeanpiaget.ch/fjp/site/bienvenue/index.php

    Piaget propose une description de la progression dveloppementale des modes de

    raisonnement logico-mathmatique dun sujet pistmique. Pour lui, les enfants sont des

    apprenants actifs qui construisent du sens et du savoir pour eux-mmes. Ils cherchent

    sadapter leurs environnements et pour cela les individus organisent leur pense en

    structures de connaissance (schme), qui leur permettent dtre dans un quilibre cognitif.

    Le modle dvelopp par Piaget cherche (1) dterminer quels mcanismes sont l'uvre

    dans la gense et le dveloppement de l'intelligence et (2) expliquer quelles sont les

    acquisitions habituellement ralises chaque ge et comment ces acquisitions d'une

    complexit croissante s'organisent selon un processus dquilibration progressive en une suite

    dtapes qui dfinissent des stades successifs dont l'ordre reste le mme pour tous les

    enfants.

    (1) Pour Piaget le dveloppement est une adaptation ; cette adaptation est possible grce

    lquilibration (Piaget et Inhelder, 1966) entre assimilation et accommodation qui

    opre une rorganisation des schmes. Lquilibration est une suite de

    compensations actives du sujet en rponse aux perturbations expriences et dun

    rglage, a fois rtroactif (systmes en boucle ou feedback) et anticipatif constituant

    un systme permanent de telles compensations (Piaget, 1975, p. 9). Ces trois

    mcanismes fondamentaux (lquilibration, lassimilation et laccommodation) dans la

    mise en place du maniement des oprations cognitives sont infrs par Piaget en

    sappuyant sur les conceptions de la biologie. Ces mcanismes, considrs comme

    des invariants fonctionnels, permettent de passer dun tat N un tat N+ 1, bas sur

    des coordinations successives de schmes. Rappelons que lassimilation est un

    http://www.fondationjeanpiaget.ch/fjp/site/bienvenue/index.php

  • mcanisme qui permet au sujet dassimiler les objets quil rencontre ainsi que les

    vnements aux schmes prexistants quil a pu dj construire. Plus prcisment

    Piaget distingue 3 formes dassimilation : lassimilation reproductrice ou fonctionnelle

    ou un schme est rpt lenvie par plaisir ou pour lexercer. Lassimilation

    discriminative ou un schme est appliqu de faon diffrencie suivant lobjet auquel il

    est confront et lassimilation gnralisatrice ou transpositive ou un schme est utilis

    pour diffrents objets ou dans diffrentes situations. Enfin lassimilation rciproque qui

    permet de coordonner des schmes exercs sparment sur un mme contenu. Quant

    laccommodation, elle renvoie un processus dajustement des schmes

    prexistants pour les adapter aux donnes

    environnementales. Ainsi les schmes peuvent tre

    complt ou modifis.

    (2) Les stades dcrits par Piaget correspondent un

    peu des marches dun escalier, chaque marche

    correspondant un progrs, un stade bien dfini dans

    la gense de l'intelligence dite logico-mathmatique :

    ainsi, lenfant passe dune intelligence sensori-motrice du

    bb (0-2 ans), base sur ses sens et ses actions, une

    intelligence conceptuelle et abstraite de l'enfant (2-12

    ans), de l'adolescent et de l'adulte. Ces stades rpondent aux critres suivants : Il y a

    une constance dans la succession des stades ; Chaque stade a une structure

    particulire (une faon de penser) qui permet dexpliquer ce qui se passe dans ce

    stade; Chaque nouvelle structure se construit sur la prcdente et lintgre ; Au cours

    de chaque stade, on remarque une volution qui mne lquilibre final du stade.

    Toutefois le critre dge reste secondaire, ce qui est important est lordre squentiel

    des acquisitions : on peut caractriser les stades dans une population donne par

    une chronologie, mais cette chronologie est extrmement variable ; elle dpend de

    lexprience antrieure des individus et pas seulement de leur maturation et elle

    dpendant surtout du milieu social qui peut acclrer ou retarder lapparition dun stade

    ou mme empcher sa manifestation (Piaget, 1956). Enfin, Piaget dcrit le concept

    de synchronie qui renvoie aux rythmes du dveloppement dans chaque domaine.

    Piron (1968) puis Bates et al., (1979) proposent le concept dhtrochronie qui est

    dfini comme les carts diffrents dans les vitesses de dveloppement des diffrentes

    capacits mentales par rapport aux vitesses normales. Ce concept tmoigne dun

    dcalage, permet de rendre compte des variabilits phnotypiques plus ou moins

    importantes. Lhtrochronie se manifeste alors soit par un retard soit par une

    acclration de diffrents secteurs du dveloppement de lindividu. Lintrt de ce

  • concept est de donner une ouverture pour une lecture diffrentielle des profils de

    dveloppement des individus, notamment ceux prsentant une dficience.

    Interview de Jean Piaget : https://www.youtube.com/watch?v=PqO0wZllOKY

    https://www.youtube.com/watch?v=cYzcGw6QoF4

    Trs rapidement, la fin des annes 1970, un certain nombre de critiques lencontre de la

    thorie de Piaget merge. Ainsi la notion mme de systme universel doprations logiques

    est conteste, de nombreux cas de dcalages horizontaux et verticaux tant rapports mettant

    mal la notion de stade et le caractre linaire et progressiste du dveloppement intellectuel.

    Une autre critique majeure concerne labsence dexplication sur le fait quune structure plus

    puissante puisse se construire en sappuyant sur une structure moins puissante (Fodor, 1983).

    Nous reviendrons sur ces critiques en Master 1 et exposerons des modles qui proposent de

    penser le dveloppement autrement. En plus de ces deux critiques majeures, sont opposs

    un certain nombre darguments aux thses piagtiennes :

    1) Labsence de la prise en compte de laffectif : on sait que des perturbations dans ce

    domaine peuvent affecter grandement le dveloppement, sans pour autant toucher

    lintelligence pure . Or, luvre de PIAGET naborde pas le dveloppement affectif.

    Cest lun des plus gros reproche que certains chercheurs lui feront. Lenfant piagtien

    est vu comme un sujet exprimental, sans histoire et sans inconscient.

    2) La conception du dveloppement de l'intelligence de l'enfant selon Jean Piaget est

    linaire et cumulative car systmatiquement lie, stade aprs stade, l'ide

    d'acquisition et de progrs. Toutefois les recherches portant sur le dveloppement

    cognitif prcoce montrent que les bbs ont des comptences beaucoup plus

    prcoces que ce que pouvait imaginer Piaget. Les recherches actuelles montrent que

    le dveloppement de l'intelligence jusqu' l'adolescence et l'ge adulte compris (la

    dernire marche) est jalonne d'erreurs, de biais perceptifs, de dcalages inattendus,

    non prdits par la thorie piagtienne. Ainsi, plutt que de suivre une ligne ou un plan

    qui mne du sensori-moteur l'abstrait (les stades de J. Piaget), l'intelligence avance

    de faon plutt non linaire.

    3) Dans la thorie piagtienne, il ny a pas dexplications sur le pourquoi on passe

    dun stade un autre. En effet, Piaget parle dintuition et de pense intuitive qui permet

    lenfant de rsoudre un problme et donc de passer une tape mais il nexplique pas

    les facteurs de dveloppement. Cest ce que vont essayer de faire les nopiagtiens.

    Mais reprenons ces critiques plus prcisment une une :

    https://www.youtube.com/watch?v=PqO0wZllOKYhttps://www.youtube.com/watch?v=cYzcGw6QoF4

  • A. 1. LE ROLE DE LAFFECTIF ET DE LENVIRONNEMENT

    Comme nous venons de le dire, une des critiques faites Piaget est celle de ne pas avoir pris

    en compte le dveloppement affectif. Pourtant, on sait depuis les annes 60 que des

    perturbations dans ce domaine peuvent affecter grandement le dveloppement, sans pour

    autant toucher lintelligence pure .

    Par exemple, dans le concept du nombre dvelopp par Piaget, il faut attendre 6-7 ans pour

    que l'enfant russisse lexprience de la conservation du nombre. En effet, lenfant plac

    devant deux ranges de jetons en nombre gal mais de longueur diffrente en fonction de

    l'cartement des jetons considre, jusqu' 6-7 ans, qu'il y a plus de jetons l dans la range la

    plus longue. Pour Piaget, cette rponse est une erreur d'intuition perceptive (lenfant considre

    que la longueur gale le nombre) qui tmoigne que l'enfant d'cole maternelle n'a pas encore

    acquis le concept de nombre. Pourtant, Mehler et Bever (1967) ont montr que les enfants

    peuvent russir ds 2 ans cette tche si on remplace les jetons par des bonbons quils peuvent

    manger la fin sils ont trouv la bonne rponse ! Ils choisissent ainsi la range qui contient le

    plus de bonbons, au dtriment de l'autre, plus longue. L'motion et la gourmandise rendraient

    lenfant plus intelligent que ne le supposait Piaget ?!!

    Ainsi, on reproche souvent J. Piaget d'avoir nglig l'influence du milieu social et culturel sur

    le dveloppement de l'enfant. Si Piaget ne nie pas l'existence d'un ensemble d'effets lis au

    milieu social, il considre ces effets comme marginaux et non constitutifs de l'activit mentale.

    Dans une perspective totalement oppose, Vygotski considre au contraire que l'enfant grandit

    en troite interaction avec deux aspects de la culture : les outils qu'elle produit comme le

    langage et les interactions sociales qui en dcoulent (entre adultes et enfants et entre enfants).

    Ainsi, les recherches dveloppes par Bruner dcrivent par exemple comment le langage se

    construit diffremment en fonction des interactions entre l'enfant et ses parents. Mugny, Doise

    et Perret Clermont ont montr que le passage dun stade un autre varie selon que lenfant

    rsout une tche en interaction avec

    quelquun ou tout seul. Les recherches sur

    le conflit socio-cognitif soulignent galement

    ce que peut apporter au dveloppement le

    dbat et la collaboration. Enfin, nous avons

    tous lesprit la capacit d'imitation

    observe chez le bb ds la naissance par

    Andrew Meltzoff (1974) de l'universit de

    Washington (imitation nonatale des

    mouvements de la langue et des lvres, de

  • la tte et des mains). Limitation, ignore par Piaget, est sans aucun doute une base

    extrmement solide du dveloppement cognitif.

    Vido dune confrence de Meltzoff : https://www.youtube.com/watch?v=y4MCqFkbQXI

    Exemple dimitation la naissance : https://www.youtube.com/watch?v=k2YdkQ1G5QI

    Ces recherches ont le mrite de montrer que le dveloppement des structures logico-

    mathmatiques ne peut lui seul rsumer le dveloppement cognitif et que lenvironnement

    intra-sujet (les motions comme la gourmandise ; la motivation) et inter-sujet (des objets

    comme les bonbons, les adultes, les pairs, les interactions) peuvent modifier les structures de

    connaissance ce que ne souponnait pas Piaget. Ainsi, soulignons que lenvironnement ne se

    limite pas aux interactions de personne personne, il fournit galement une varit d'outils

    pour rsoudre des problmes : Par exemple, 1 an, le bb a lide d'utiliser un rteau pour

    attraper un jouet. Les recherches comparant les cultures montrent galement que

    lenvironnement peut modifier les structures de connaissance: l'utilisation du boulier influence

    la faon dont les enfants se reprsentent les nombres et lenvironnement influe la faon dont

    les peuples catgorisent les objets : les habitants de Papouasie-Nouvelle-Guine organisent

    leur univers en choses chaudes et froides tandis que les habitants de La Runion

    localisent les objets de leur environnement en mer ou montagne et pas gauche / droite.

    A. 2. LES COMPETENCES PRECOCES DU NOURRISSON : DU BEBE REFLEXE AU BEBE ASTRONOME ET MATHEMATICIEN

    Comme nous lavons vu en premire anne, Piaget a dcrit, en sappuyant sur des situations

    exprimentales ingnieuses comme les clbres preuves de conservation, d'inclusion des

    classes ou de sriation, un dveloppement allant dans le sens dun progrs :

    celui de lintelligence logico-mathmatique. En effet, selon lui, lenfant au

    cours de son dveloppement passe dune intelligence concrte une

    intelligence abstraite. Or les recherches actuelles sur les comptences

    cognitives du tout petit remettent en cause ce modle ou, pour le moins,

    indique qu'il n'est pas le seul possible (Houd, 2005). Le site dOlivier Houd

    pour voir ses travaux : http://olivier.houde.free.fr/

    Dans la thorie de Piaget, lenfant est constructeur de son dveloppement. Il tait donc

    logique quil sintresse ses constructions et donc ses actions. Lenfant passant du rel

    labstrait en grandissant, se sont les actions du bb sur le rel qui vont intresser Piaget (le

    stade dit sensori-moteur ), rservant l'tude des concepts, des principes cognitifs aux

    enfants plus grands. Or, avant lge de 6/8 mois, les actions des bbs sont encore assez

    https://www.youtube.com/watch?v=y4MCqFkbQXIhttps://www.youtube.com/watch?v=k2YdkQ1G5QIhttp://olivier.houde.free.fr/

  • souvent maladroites, et peu nombreuses. Piaget aurait-il alors sous-estim les comptences

    du bb en sappuyant sur ltude de ses actions, contraintes par le dveloppement

    maturationnel du systme nerveux ? Laction est-il le seul media permettant de mesurer le

    dveloppement cognitif ? De nombreuses recherches tendent montrer que la perception,

    moins contrainte en dbut de vie que laction pourrait tmoigner dun dveloppement cognitif

    prsent ds la naissance. Du reste, la sparation perception / action prsente lpoque de

    Piaget tend disparaitre, la perception pouvant tre envisage comme une action simule

    (Berthoz, 1997). Dans ce contexte, on comprend que le cerveau puisse tre vu comme un

    simulateur dactions.

    Ainsi, ds les annes 1980, des chercheurs sintressent la perception, et plus

    particulirement au regard1 chez le bb. Grce des moyens techniques comme la vido et

    l'ordinateur, ils mesurent les temps de regard du bb sur des scnes visuelles et montrent

    par exemple, dans lexprience de la permanence de lobjet, que la capacit du bb

    concevoir qu'un objet continue d'exister lorsqu'il disparat de sa vue est prsente bien plus tt

    (ds 4-5 mois) que ne le pensait Piaget (entre 8 et 12 mois). Pour cela, Rene Baillargeon,

    Elisabeth Spelke et Stanley Vassermann ralisent une exprience, dsormais clbre : ils

    prsentent aux bbs sur un cran de tlvision une vido dun nounours qui disparait

    derrire un cache et enregistrent leurs regards. Ils observent alors que le bb ds 4/5 mois,

    attend du regard le nounours la sortie du cache ! Preuve que le bb ne le considre

    pas comme disparu mais cach ! Baillargeon a galement montr que les bbs de 15 mois

    sont capables dinfrer des tats mentaux chez autrui (leurs

    croyances vraies ou fausses) comme par exemple, des

    connaissances physiques (sur les objets) et psychologiques (sur les

    tats mentaux) bien avant l'mergence du langage articul. On doit

    Roger Lcuyer, lexpression de bbs astronomes , c'est--dire

    dcouvrant pour tmoigner des comptences du bb dcouvrir

    l'univers et dvelopper ses connaissances l'aide de ses yeux plutt que par l'action.

    Petite confrence de Roger Lecuyer : http://webtv.univ-nantes.fr/fiche/790/roger-lecuyer-quot-

    comment-la-connaissance-vient-aux-bebes-quot

    1 Fantz (1958) est le premier montrer que les bbs regardent plus longtemps un objet nouveau. Auparavant, Il a fait le constat suivant : lorsqu'un bb observe un phnomne nouveau, par exemple une girafe en plastique qu'il n'a jamais vue avant, il fixe intensment l'objet pendant plusieurs secondes. Au bout d'un laps de temps, l'enfant s'habitue la prsence de l'objet et dtourne son regard. Si ensuite on prsente un petit lapin en bois ct de la girafe qu'il connat dj, le bb porte son attention sur le lapin. Le chercheur en dduit que le temps de fixation du regard est un bon indicateur de l'intrt que le bb porte la nouveaut.

    http://webtv.univ-nantes.fr/fiche/790/roger-lecuyer-quot-comment-la-connaissance-vient-aux-bebes-quothttp://webtv.univ-nantes.fr/fiche/790/roger-lecuyer-quot-comment-la-connaissance-vient-aux-bebes-quot

  • Confrence de Rene Baillargeon : https://www.youtube.com/watch?v=Zd7OIDm_btM

    https://www.youtube.com/watch?v=hwgo2O5Vk_g

    Dans un autre domaine cher Piaget galement, le domaine du nombre, Wynn (1992) a

    montr que les bbs ds l'ge de 4-5 mois ont des comptences numriques et peuvent

    raliser sans difficult une addition du type 1 + 1 = 2, ou une soustraction 2 - 1 = 1. La mthode

    consiste prsenter aux bbs un petit thtre de marionnettes (des figurines) o sont raliss

    sous leurs yeux des vnements possibles (par exemple 1 figurine +1 figurine = 2 figurines)

    ou magiques (1 + 1 = 1 ou 1 + 1 = 3) obtenus par trucage exprimental. La mesure du temps

    de fixation visuelle des bbs rvle que les bbs regardent plus longtemps les vnements

    magiques que les vnements possibles. Pour Wynn, cette augmentation du temps de regard

    tmoigne de leur surprise ce qui montre quils peroivent les erreurs de calcul. Cela rvle

    galement quils peuvent conserver le nombre exact d'objets attendus dans ce que l'on appelle

    leur mmoire de travail. Par leur regard, les bbs manifestent ainsi une forme lmentaire de

    raisonnement, d'abstraction bien plus tt que l'imaginait J. Piaget.

    https://www.youtube.com/watch?annotation_id=annotation_754354&feature=iv&src_vid=R89

    0raSJWYg&v=3AuHrp8hPs0

    https://www.youtube.com/watch?v=Zd7OIDm_btMhttps://www.youtube.com/watch?v=hwgo2O5Vk_ghttps://www.youtube.com/watch?annotation_id=annotation_754354&feature=iv&src_vid=R890raSJWYg&v=3AuHrp8hPs0https://www.youtube.com/watch?annotation_id=annotation_754354&feature=iv&src_vid=R890raSJWYg&v=3AuHrp8hPs0

  • A. 3. CONCLUSION ET LIMITES DE LA THEORIES PIAGETIENNE

    Lapport de Piaget la psychologie reste considrable, notamment par son pouvoir heuristique

    de susciter dbats et discussions et formulations de nouvelles hypothses.

    Deux mrites doivent dtre souligns : celui dabord davoir pens

    lintelligence sous une forme structurelle logique. Si les outils logico-

    mathmatiques ne procdent pas eux seuls lintelligence ils y participent

    incontestablement ! Loriginalit de Piaget est davoir fait lhypothse que

    laccroissement des connaissances scientifiques permettait une meilleure

    adaptation de lhomme son environnement et que cet accroissement requerrait le

    raisonnement logique. Un autre mrite est celui davoir propos une thorie ou le sujet est

    actif, construit son dveloppement, une sorte dintelligence en marche. Ce rle de laction qui

    a connu des critiques est pourtant vu comme lment majeur, en sachant quaujourdhui, la

    perception est galement un lment de laction. Dans ce contexte, le cerveau peut tre vu

    comme un simulateur dactions et ce titre, la thorie de Piaget y rpond.

    Pour autant, nous avons vu que les connaissances sur le bb, le rle de la motivation, de

    lenvironnement, ne permettent plus la thorie de Piaget dexpliquer elle seule le

    dveloppement. Elle ne permet pas non plus de rpondre la question majeure: comment

    lenfant passe dun stade un autre . La seule rponse apporte par Piaget est la pense

    intuitive : lenfant, un jour est capable de rsoudre la tchesans plus dexplications A partir

    des annes 70, deux auteurs, entre autres vont se dmarquer et proposer des mcanismes

    explicatifs du dveloppement.

  • B- DE NOUVELLES THEORIES DU DEVELOPPEMENT : LAPRES PIAGET

    B. 1. LE NEOSTRUCTURALISME

    Le nostructuralisme dont Pascual-Leone (1988) est le leader vise articuler les apports du

    structuralisme piagtien et les donnes plus rcentes de la psychologie cognitive du traitement

    de linformation. Pascual-Leone fait lhypothse quil existe une

    architecture cognitive gnrale, comprenant une mmoire

    permanente, une instance de travail et des instances de contrle

    dont lorganisation fonctionnelle est soumise certaines contraintes.

    Pascual-Lone arrive Genve en 1960 pour prparer une thse

    sous la direction de Piaget. Il sinscrit dans la mme approche

    constructiviste que lui, considrant que si la maturation ouvre de

    nouvelles possibilits de mise en relation, elle nactualise pas pour autant des structures

    prformes qui seraient restes latentes jusque-l. Cependant, il se dtache rapidement de

    lui car si Piaget dcrit les stades de dveloppement cognitif, il nexplique pas par quels

    mcanismes lenfant passe dun stade lautre.

    Nous allons prendre lexemple de la conservation de la substance. En effet, cest partir

    dexpriences comme celle-ci, imagines par Piaget, que Pascual-Lone va laborer une

    nouvelle thorie.

    Lexprience de la conservation des substances

    On montre lenfant un morceau de pte modeler en boule (Q1) et un morceau de pte tmoin (Q1) identique. On sassure que lenfant admet lgalit entre les deux morceaux de ptes. On prend Q1 devant lenfant, on laplatit en forme de boudin (Q2) et on demande lenfant si il y a la mme quantit de pate entre Q2 et Q1: jusqu 7 ans, lenfant pense quil y a plus de pte modeler dans le boudin Q2 que dans la boule Q1. Pour Piaget, lenfant active un schme dit trompeur plus fortement que le schme dit pertinent . Ces situations sont pour Piaget, typiquement propices lvolution des structures cognitives, car lenfant doit dvelopper de nouvelles stratgies mentales. Cependant Piaget nexplique pas comment lenfant cesse un jour dactiver ces schmes trompeurs pour activer le schme pertinent.

    http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?demande=desc&id=61381

    http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?demande=desc&id=61377 http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?id=61379&demande=desc

    http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?demande=desc&id=61381http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?demande=desc&id=61377http://monde.ccdmd.qc.ca/ressource/?id=61379&demande=desc

  • Pascual-Lone fait alors lhypothse qu un moment donn, les schmes pertinents sont

    activs grce une ressource cognitive lui permettant de les activer plus fortement que les

    schmes trompeurs. Ainsi, lactivation dlibre de schmes, qui ne sont pas

    automatiquement dclenchs requiert ce que Pascual-Lone appelle lattention mentale.

    Pour autant, Pascual-Leone conserve de la thorie piagtienne la notion de stades et

    dquilibration.

    B. 1.1. ARCHITECTURE DU SYSTEME COGNITIF

    Pour Pascual-Leone, lenfant est un systme de reprsentation et de traitement de

    linformation symbolique et pas juste exclusivement un sujet en dveloppement opratoire.

    Ainsi, dans la thorie des oprateurs constructifs, lenfant est un mtasujet compos dun

    systme subjectif, avec des rpertoires de schmes cognitifs (figuratifs, opratifs

    et excutifs), affectifs (motions, motivations) et personnels (styles cognitifs,

    valeurs, croyances), dclench par une situation ; ce systme subjectif pourrait

    reprsenter les logiciels dans un systme informatique si le sujet tait un

    ordinateur ;

    et dun systme mtaconstructif, compos doprateurs silencieux ou

    hardware, dactivation mentale (M), dapprentissage (C et L), de champ (F),

    dinhibition (I) affectif (A) et personnel (B) qui contrle lexcution des schmes,

    comme le disque dur dun ordinateur. Cest cet ensemble doprateurs qui

    constitue lattention mentale.

  • Un rpertoire de schmes

    ou systme subjectif

    Un rpertoire doprateurs silencieux

    ou systme mtaconstructif

    Comprend des schmes

    - cognitifs

    - affectifs

    - personnels

    Eux-mmes constitus de schmes :

    figuratifs (reprsentations mentales ;

    contenu de la pense)

    opratifs (gnrer de nouveaux objets

    mentaux)

    excutifs (programmation de calcul ;

    probabilits ; contrle interaction

    environnement oprateurs

    mtaconstructifs)

    Schme = Unit comportementale ;

    Ensemble ordonne de ractions transfrables

    6 oprateurs principaux :

    calculateur central M

    oprateurs dapprentissages C et L

    les facteurs de champ ou oprateur F

    loprateur affectif A (motions, motivations)

    loprateur personnel B (valeurs, croyances)

    Ce systme se compose de 3 instances psychologiques :

    Un oprateur excutif E ou structures de contrle (intgre la reprsentation de la

    tche et les consignes, constitue lensemble des schmes excutifs activs par la

    tche en cours). Cet oprateur est charg de dtecter les schmes pertinents ou

    trompeurs eu gard aux objectifs et mobilise les ressources attentionnelles (oprateur

    M) pour activer les schmes pertinents, ainsi que les ressources fournies par

    loprateur I pour inhiber les schmes non pertinents et les schmes trompeurs.

    Un oprateur dactivation M (nergie mentale) : sa fonction tant daugmenter, sous

    le contrle de E lactivation des schmes pertinents

    Un oprateur dinhibition I charg de dsactiver les schmes non pertinents en

    synergie avec M et lui aussi sous contrle de E

  • Les diffrents oprateurs qui interviennent pour moduler le systme sont :

    Un oprateur F 2(field, champ), premier oprateur en jeu, activ avant loprateur M.

    Il correspond lactivation contextualise pr-attentionnelle. Il est trs li aux schmes

    affectifs et aux structures automatises dapprentissage. Il est galement impliqu

    dans lactivation des schmes figuratifs et opratifs. Il est susceptible de favoriser la

    rsolution des problmes ou lentraver. Sil facilite la tche, il allge donc la charge de

    loprateur M, sil lentrave, il la rend plus difficile en activant les schmes non

    pertinents (trompeurs). Cela aura pour effet daccroitre la charge des opratuers M et

    I. Loprateur F assure une pr-assimilation :

    pr-assimilation fonctionnement automatis reposant sur un principe de

    surdtermination schmatique des performances rponses pr-attentionnelle

    Loprateur C correspond aux apprentissages des contenus et loprateur L

    lapprentissage structural. Ce sont des oprateurs qui sont en charge de

    lapprentissage. Le premier correspond aux mcanismes en jeu dans lapprentissage

    graduel de contenus par association tandis que le second correspond lapprentissage

    dlibr par la coactivation attentionnelle de schmes initialement non lis.

    Loprateur M joue un rle fondamental dans lexplication du dveloppement cognitif. Il

    correspond la capacit attentionnelle. Sa fonction est dactiver les schmes pertinents que

    la situation nactive pas ou de maintenir lactivation des schmes pertinents quand celle-ci tend

    baisser.

    Lactivation M se dfinit par :

    Un espace ou oprateur M responsable de lactivation ou du maintien de lactivation

    des schmes pertinents.

    Une puissance M qui correspond au nombre maximal de schmes qui peuvent tre

    activs dans une opration mentale. La puissance M varie avec lge.

    Pour Pascual-Leone, les schmes trompeurs (dans le cas de la conservation de la substance

    : ce qui est long contient gnralement plus de substance), comme les schmes pertinents

    (il ny a eu ni ajout ni retrait) sont automatiquement dclenchs par les aspects de la

    situation assimiler. Lorsque les schmes trompeurs sont dominants, les schmes pertinents

    2 Loprateur F peut tre illustr par le style cognitif dindpendance ou pas lgard du champ perceptif (Witkin et al., 1962). Cet auteur a montr que dans des taches comme celles dans lesquelles le sujet doit retrouver une figure simple imbrique dans une figure complexe, les sujets prsentent des stratgies varies. Les sujets peu sensibles au champ perceptif trouveront rapidement la figure, les sujets dpendants du champ perceptif ne russiront pas activer la reprsentation de la figure simple plus fortement que la figure complexe. Le concept doprateur F correspond aux effets de champ qui sont lorigine de ce style cognitif.

  • ne peuvent lemporter que si le sujet dispose dune ressource cognitive permettant dactiver

    les pertinents plus fortement que les trompeurs : cest la puissance mentale M. Le passage

    dun stade un autre sexplique par laugmentation de cette puissance avec laugmentation

    du SNC. Pascual-Leone modlise la puissance M d la faon suivante : A chaque stade de

    dveloppement il y a un nombre maximal de schmes qui peut tre activ si lnergie

    ncessaire leur activation est prsente (e). Ainsi, Pascual-Leone postule que la capacit M

    augmente avec la maturation du systme nerveux central au cours de lenfance. Il dfinit

    mme prcisment cette augmentation : elle passe de 1 (3 ans) 7 vers 16 ans, avec

    laugmentation dun schme tous les 2 ans peu prs.

    Lensemble form par linteraction de ces 4 oprateurs (M, E, I, F) constitue le systme de

    gestion de lattention mentale. Ainsi, on peut dcrire les mcanismes qui sous-tendent une

    rsolution de problme de la faon suivante :

  • B. 1.2. EXEMPLES DE STRATEGIE ATTENTIONNELLE POUR SITUATIONS PIEGES

    Conservation de la substance : Boulette transforme en saucisse activation de F

    activation dun schme quotidien dangereux : ... ce qui est long contient en gnral plus

    de substance (structure exprientielle quasi-automatise)

    Pour viter lchec il faut inhiber (oprateur I) le schme non pertinent avant dactiver des

    schmes pertinents (oprateur M) (ex. : la saucisse procde de la transformation, sans ajout

    ni retrait, dune boulette B identique A il y a donc invariance de la quantit.

    Catgorisation : On prsente un enfant un bouquet de fleurs comprenant 10 marguerites (A)

    et 2 roses (A). On demande alors lenfant de dire sil y plus de marguerites (A) ou plus de

    fleurs (B)?

    Dans cette exprience, la rponse correcte est quil y a plus de B que de A car A sont aussi

    des B. Le schme dangereux susceptible dtre activ sous laction de F est il y a plus de

    A que de B . Il faut donc inhiber ce schme avant dactiver M qui activera le schme pertinent

    (A inclus dans B) le tout est plus grand que la partie .

    B. 1.3. MODELISATION DU DEVELOPPEMENT COGNITIF

    Loprateur M joue un rle central dans le dveloppement cognitif. Le passage dun stade

    un autre sexplique par laugmentation de cette puissance avec laugmentation du SNC.

    Pascual-Leone modlise la puissance M d la faon suivante : A chaque stade de

    dveloppement il y a un nombre maximal de schmes qui peut tre activ si lnergie

    ncessaire leur activation est prsente (e). Plus prcisment, le nombre de schmes pouvant

    tre activs simultanment par loprateur M passe daprs Pascual-Leone de 1 vers 3 ans

    7 vers 16 ans.

    Le tableau suivant donne la correspondance entre les ges et la puissance dactivation

    maximale de loprateur M et les stades piagtiens. Les stades chez Pascual-Leone ne

    correspondent pas des structures qualitativement diffrentes mais un accroissement

    quantitatif du nombre maximal de schmes pouvant tre activs par un enfant mais la

    chronologie est maintenue.

  • Enfin, la thorie de Pascual-Leone fait galement la distinction entre dveloppement et

    apprentissage. Pour lui, le dveloppement est un processus endogne de maturation qui

    augmente la capacit attentionnelle et donc le nombre de schmes potentiels pouvant tre

    activs simultanment. Lapprentissage quant lui fait rfrence lexploitation de nouvelles

    possibilits dassemblages de schmes.

    B. 1.4. LA CAPACITE M : REALITE OU MYTHE ?

    Beaucoup de chercheurs se sont focaliss sur la capacit M, notamment sur sa mesure, afin

    de valider ou pas sa ralit. Une des expriences clbres mise au point pour tester cette

    capacit attentionnelle est la figure Intersection Task (FIT) dont voici un exemple (Pascual-

    Leone et Baillargeon, 1994). Lobjectif de lexprience est dactiver des schmes trompeurs,

    condition sine qua non pour mobiliser la capacit attentionnelle du sujet afin de slectionner

    les schmes pertinents. Lexprience est la suivante : On demande au sujet de placer un point

    unique lintersection totale de toutes les figures :

    Dans cette tche, les schmes trompeurs correspondent aux

    intersections partielles, dont le nombre augmente en fonction

    de la tche. Les schmes pertinents correspondent la

    reprsentation des figures simples dont il faut vrifier pour

    chacune quelle englobe bien le point situ lintersection

    totale. On comprend, que le nombre de schmes activer

    correspond au nombre de figures simples composant la figure

    complexe. Ainsi, dans cet exemple, il faudra activer 5 schmes

    simultanment, tche effectivement russie vers 11-12 ans comme le prdit la thorie de

    Pascual-Leone.

    Ages Sous-stades piagtiens

    Espace mental

    (nergie ncessaire pour activer les schmes excutifs

    + nb de schmes activs) e + K

    3-4 Pr-opratoire II e + 1

    5-6 Pr-opratoire II e + 2

    7-8 Opratoire concret I e + 3

    9-10 Opratoire concret II e + 4

    11-12 Prformel e + 5

    13-14 Formel I e + 6

    15-16 Formel I e + 7

  • B. 2. LA THEORIE DE CASE

    Comme nous venons de le voir, la thorie de Pascual-Leone (1970, 1976) apparait, la fin

    des annes 60, comme une des premires alternatives srieuses la thorie du

    dveloppement cognitif de J. Piaget. Toutefois, l'arrive des sciences cognitives la fin des

    annes 1970 apporte de nouvelles perspectives pour les recherches sur le dveloppement de

    l'intelligence et certains vont chercher concilier l'approche piagtienne et la psychologie

    cognitive.

    Le psychologue canadien Robbie Case (dcd en 2000 l'ge de 55 ans) est l'un des

    pionniers en la matire. Il propose un modle o la mmoire de travail3 (lment central de la

    psychologie cognitive), est un lment clef du dveloppement. Il garde

    toutefois de la thorie piagtienne lide que lenfant est acteur de son

    dveloppement (constructivisme), quil y a des structures lies les

    unes aux autres et la distinction entre dveloppement et

    apprentissage. Toutefois pour Case, ces structures ne se dfinissent

    plus par la logique mais par leur niveau de complexit. Enfin, disciple

    un temps de Pascual-Leone, il emprunte ce dernier lide dune

    capacit limite de traitement.

    Pour Case (1985) les performances de plus en plus grandes de la mmoire de travail

    tmoignent de la croissance cognitive. Ainsi, pour Case, la mmoire de travail pourrait tre

    compare une malle jouets dont lenfant apprend avec lexprience optimiser lusage :

    au dbut il narriverait en ranger que quelques-uns, puis avec lusage, il comprend quen les

    rangeant mieux il peut en ranger davantage. Chez Case, contrairement Pascual-Leone, ce

    nest donc pas la capacit de rangement de la malle qui serait augmente (capacit M), mais

    son utilisation qui serait simplement optimise. Nous reparlerons un peu plus loin du rle de

    la mmoire de travail, mais regardons tout dabord larchitecture gnrale du systme cognitif

    imagine par Case.

    http://www.education.com/reference/article/neo-piagetian-theories-of-development/

    B. 2.1 ARCHITECTURE DU SYSTEME COGNITIF

    Case considre le sujet en dveloppement comme un sujet problem solver cest dire

    susceptible, devant une nouvelle situation, de se reprsenter la tche comme un problme

    3 Pour les psychologues cognitivistes, la mmoire de travail (situe dans le lobe frontal) est le centre de traitement des oprations mentales les plus complexes comme la planification, les calculs, la rflexion consciente, la stratgie...

    http://www.education.com/reference/article/neo-piagetian-theories-of-development/

  • rsoudre. La thorie propose par Case est donc une thorie de rsolution de problme

    : le sujet doit se faire une reprsentation de la situation (grce des schmes figuratifs -objets

    ou situations physiques ou sociaux- reprsentatifs des tats), une reprsentation de lobjectif

    atteindre (grce aux schmes opratifs qui assurent la transformation des schmes

    figuratifs), et laborer des stratgies mettre en uvre pour atteindre le but (grce aux

    schmes excutifs)

    Ce modle gnral de fonctionnement est illustr ci-aprs pour deux niveaux de rsolution du

    problme de la balance. Rappelons que le dispositif de lexprience de la balance est compos

    dune balance qui a sur chacun de ses deux bras, diffrentes tiges sur lesquelles peuvent etre

    accroches des rondelles (toutes identiques). Ce dispositif permet de prsenter des situations

    problmes trs varis en fonction de lemplacement (loignement des rondelles par rapport au

    pivot) et du nombre de rondelles places. Lenfant doit prdire en fonction du nombre de poids

    et de la distance des poids dans quel sens la balance penchera. Les recherches montrent que

    les enfants tiennent comptent dabord dune seule dimension, celle du poids puis quils

    prennent ensuite en compte les deux dimensions, la distance et le poids, mais ne peuvent

    rpondre correctement que lorsque la dimension poids est constante. Enfin, dans un dernier

    temps, les enfants coordonnent les deux dimensions en coordonnant leurs produits. Pour

    illustrer le modle de Case, nous choisissons deux niveaux de conduite :

    Celui dans lequel lenfant ne prend en considration quune des dimensions de

    variations des configurations problmes, savoir le poids et

    Et celui o il commence prendre en considration la seconde dimension, la distance,

    mais seulement lorsque les poids sont gaux.

  • Voici la forme utilise par Case (1985, 1987) et reprise dans le cours de Jaques Lautrey, (in

    psychologie du dveloppement, Ionescu, S. et Blanchet, A. (2006), PUF) pour dcrire ces

    niveaux de conduite : chaque tape intellectuelle du sujet est symbolise par un parcours

    indiqu par des flches. Cela commence par une analyse de la situation problme qui conduit

    un objectif. Cet objectif en retour permet une analyse plus fine de la situation problme

    (notamment chercher des caractristiques sur lesquelles sappuyer pour atteindre lobjectif).

    Cette analyse de la tche en termes de buts et sous-buts dtermine la stratgie qui va pouvoir

    tre dploye pour atteindre le premier sous but puis le but.

    Stade dimensionnel, sous-stade 1: coordination opratoire (5-7 ans) :

    SITUATION PROBLEME O B J E C T I F S

    Balance avec une pile dobjets

    de chaque ct

    Chaque pile est compose

    dun certain nombre

    dunits identiques

    Prdire de quel ct la balance va

    descendre

    Dterminer le ct qui a le plus grand

    nombre dunits

    STRATEGIE

    Compter chaque ensemble dunitset notercelui qui a le plus grand nombre

    Indiquer que celui qui a le plus grandnombre pse le plus (et donc descend)

    Stade dimensionnel, sous-stade 2: coordination bifocale (7-9 ans) :

    SITUATION PROBLEME O B J E C T I F S

    Balance avec une pile dobjets

    de chaque ct

    Chaque pile est compose

    dun certain nombre

    dunits identiques

    Chaque pile est une

    certaine distance du pivot

    Prdire de quel ct la balance va

    descendre

    Dterminer le ct qui a le plus grand

    nombre dunits

    Dterminer le ct o la pile est la

    plus grande distance

    STRATEGIE

    Compter chaque ensemble dunits et noter celui qui a le plus grand nombre

    Rpter 1 pour la distance entre les tiges et le pivot

    Si poids gaux, prdire que le ct avec la plus grande distance descendra, sinon

    prdire que le ct avec le plus grand poids descendra

  • Ces stratgies sont gres par des structures de contrle excutif (SCE) qui supervisent

    les transformations effectues. Elles constituent le tissu conceptuel de la comprhension,

    sorte de rseau interne de concepts et de relations conceptuelles qui permettent aux enfants

    de rflchir sur un grand nombre de situations4.

    Chez Case, les SCE jouent un rle central ds la naissance (et peut-tre mme avant) :

    lactivation de tout schme tant expriment par le bb comme ayant une charge affective :

    neutre, positive ou ngative. Ds lge d1 mois, le bb serait capable dexercer un contrle

    par son exprience affective, sociale et cognitive. Les structures de contrle permettraient ce

    contrle. Ensuite, des structures plus spcifiques, appeles structures conceptuelles centrales

    (SCC) en rapport avec des domaines de connaissances plus spcifiques (comme celles

    permettant de rflchir sur les nombres, lespace, les narrations), permettraient dautres

    structures de slaborer ; ces structures conceptuelles centrales auraient pour objectif de

    rsoudre les nouveaux problmes lmentaires que lenfant rencontre au quotidien. Dans

    cette perspective, le dveloppement serait conu comme un ensemble de changements

    dordre qualitatif (nouvelles structures) et quantitatif (optimisation de la mmoire de travail).

    4 En 1996, Case propose dajouter les structures conceptuelles centrales qui sont pour lui une seconde contrainte (la premire contrainte tant pour lui la capacit limite de la mmoire de travail) cette fois ci smantique qui structurent le dveloppement cognitif. Ces structures sapparentent aux structures de Piaget dans le sens o elles sont un ensemble interne doprations, organises en des systmes cohrents voluant en stades et sous stades. Pour autant elles diffrent de celles de Piaget de faon majeure en ce sens que les oprations qui les composent nont pas de caractre logico-mathmatique, quelles sont universelles dans leur squence mais spcifiques dans leur forme et leur occurrence, quelles sont applicables un domaine spcifique, quelles sont acquises par lenvironnement social et enfin quelles peuvent tre enseignes.

  • B. 2.2. LES STADES DE DEVELOPPEMENT DAPRES CASE

    Dun point de vue dveloppemental, Case dcrit 4 grands stades qui diffrent par la nature

    des schmes sur lesquels portent la structuration (changements dordre qualitatif). Il dfinit 4

    SCE : le premier stade est dit sensori-moteur : il sagit doprations coordonnant des

    schmes sensori-moteurs tels carter un obstacle pour attraper un objet ; le second stade est

    appel interrelationnel. Cest le stade des oprations de relations qualitatives entre les

    objets : plus que, beaucoup, plus lourd que, . Les enfants apprennent manipuler le

    schme de comptage, sans comprendre que la quantit peut tre prcisment dtermine par

    un nombre et pas seulement par beaucoup ou peu . Le troisime stade ou stade

    dimensionnel permet lenfant de manipuler des oprations de relations quantitatives entre

    les objets, comme dans lexemple de la balance o lenfant doit apprendre coordonner deux

    dimensions quantifiables; enfin le dernier stade, le stade vectoriel correspond la capacit

    dtablir des rapports entre les variations sur les dimensions considres et comparer ces

    rapports, soit comprendre les rapports de proportions.

    En outre, chacun de ces stades comprend 3 sous-stades5 caractriss par le nombre de focus

    (lments de focalisation) qui augmentent. Ainsi le premier sous stade coordination uni-

    focale se dfinit comme la prise en compte dune seule structure de contrle la fois A ou

    B. Au second sous-stade de coordination bifocale, lenfant peut considrer en mme temps

    deux nouvelles structures de contrles A et B comme A1-B1 ou A2-B2. Elles peuvent tre

    appliques successivement mais ne sont pas intgres de manire dfinitive. Le troisime

    sous-stade de coordination labore se caractrise par le fait que deux ou plus de deux

    structures de contrle peuvent tre contrles et combines en structures fonctionnelles. Ce

    dernier sous-stade constitue le niveau zro sur lequel la structure de contrle suivante peut se

    construire.

    Les stades dcrits par Case :

    5 In Lautrey, J. Les thories no-piagtiennes, in Ionescu, S. et Blanchet, A. La psychologie du dveloppement, PUF.

  • M= e+7 structures oprations formelles

    M=e+6

    M= e+5

  • Reprenons lexemple de la balance, et illustrons avec cet exemple les sous-stades du stade

    dimensionnel : les deux schmes, construits au stade prcdent (stade interrelationnel) sont,

    dune part, celui du poids, qui permet de comprendre le fonctionnement de la balance (un

    objet lourd dun ct de la balance et un objet lger de lautre ct fait pencher la balance du

    ct de lobjet lourd) et, dautre part, celui de dnombrement (le nombre correspondant au

    dernier objet compt indique la quantit). La coordination de ces deux schmes sous la forme

    dune nouvelle structure A-B entraine la cration dune nouvelle opration qui permet de

    quantifier le poids sur une dimension continue ; Ainsi, lenfant peut compter le nombre de poids

    de chaque ct pour trouver de quel ct la balance va pencher et rsoudre le problme de la

    balance au sous-stade 1. Ainsi est constitue lunit mentale de base qui donne son nom ce

    stade, savoir la dimension. Au sous-stade 2, une place de plus en mmoire de travail permet

    de commencer coordonner les variations sur les deux dimensions, le poids (A1-B1) et la

    distance (A2-B2). La coordination reste partielle puisque quelle nest efficace que lorsquune

    des deux dimensions est tenue constante (en loccurrence le poids). Au sous-stade 3, une

    place de plus en mmoire de travail permet de construire une structure de contrle plus

    labore qui permet de coordonner des variations sur les deux dimensions, comme faire la

    fois la diffrence entre les poids et entre les distances et comparer ces diffrences. Cette

    nouvelle opration de mise en relation des variations sur deux dimensions, qui ne permet pas

    encore de traiter les rapports de proportionnalit, sera lunit de base de la structure de

    contrle du stade suivant, le stade vectoriel, o le problme de la balance sera rsolu au

    niveau le plus lev en comparant le rapport entre les poids au rapport entre les distances.

    Exprience de la balance avec des enfants de 6 14 ans :

    https://www.youtube.com/watch?v=xbkZLiJOQ3o&index=5&list=PLC8592F221933DA4C

    B. 2. 3. MODELISATION DU DEVELOPPEMENT COGNITIF : ROLE DE LA MEMOIRE DE TRAVAIL

    Selon la thorie de Case, les changements majeurs dans le dveloppement rsident dans la

    capacit de lenfant assembler des structures de contrle afin de lui permettre de

    rsoudre diffrents types de problme. La combinaison de diffrentes structures de contrle

    permet la constitution dune nouvelle structure dun ordre suprieur dans une intgration

    hirarchique. Laugmentation du nombre dobjectifs entrane une augmentation de la capacit

    de la mmoire de travail. Ainsi, ce ne serait pas la capacit totale de stockage qui augmenterait

    mais lespace de stockage qui augmenterait au fur et mesure que lespace occup par

    le traitement diminuerait. Case propose dexpliquer laugmentation de lespace de stockage

    (modification de rangement dans la malle) par deux facteurs. Le premier, emprunt la

    https://www.youtube.com/watch?v=xbkZLiJOQ3o&index=5&list=PLC8592F221933DA4C

  • psychologie cognitive, est l'automatisation : certaines tches devenues familires, finissent

    par tre excutes machinalement ou automatiquement , ce qui libre de l'espace de

    stockage dans la mmoire de travail. Le second facteur est le facteur de maturation

    biologique. Ainsi, pour Case, chaque stade ncessite 4 units despace de stockage. A

    chaque sous-stade, lautomatisation librerait 2, 3 puis 4 units despaces de traitement. Les

    transitions entre les stades seraient lies des changements au niveau de l'activit lectrique

    des neurones dans le lobe frontal (partie du cerveau particulirement active dans la rsolution

    de problmes et dans le raisonnement).

    Selon la thorie de Case, la mmoire de travail est une mmoire capacit limite qui a pour

    fonction de grer simultanment le traitement en cours et le stockage temporaire des infos

    ncessaires ce traitement. Pour lui, lenfant la fin de chaque stade peut traiter au maximum,

    une opration de traitement en cours + 3 informations stockes temporairement. Ces

    traitements se font dans un espace limit : lespace dvolu lopration de traitement en cours

    est appel operating space (OS) et lespace dvolu au stockage temporaire des

    informations est appel short term storage space (STSS). Si les preuves empiriques sont

    encore rares pour tayer cette hypothse, nombreux sont ceux qui ont lintuition que la

    mmoire de travail joue un rle dcisif dans le dveloppement cognitif.

  • B. 2.4 COMPARAISON DES STADES CHEZ PIAGET ET CASE

    Tout lart de Case est davoir russi intgrer cette approche cognitive, sans pour autant

    rompre avec l'hritage piagtien. En effet, il conserve l'hypothse d'un dveloppement en

    stades (4 pour Case) et soutient l'ide que l'enfant est pourvu de modes de penses

    spcifiques certains types de connaissances (le nombre, l'espace et la narration). Toutefois,

    des diffrences notables sont observes :

    Pour Piaget, le stade de dveloppement sensori-moteur (0-18 mois) se caractrise par

    une intelligence pratique avec laquelle lenfant rsout des problmes daction. Pour

    Case, le stade de dveloppement sensori-moteur se caractrise par la manipulation

    de schmes d'opration coordonnant des schmes sensori-moteurs qui permettent

    lenfant de rsoudre des problmes daction, en le dcomposant en buts et sous-buts.

    Pour Piaget, le stade de dveloppement propratoire (de 1 an 7 ans) se

    caractrise par une intelligence concrte o lenfant dveloppe la condition

    symbolique. Pour Case, il existe un stade relationnel (de 1 an 5 ans) qui se

    caractrise par le fait que lenfant est en mesure dexprimenter sur la relation qui unit

    deux objets et non plus uniquement sur lobjet lui-mme.

    Pour Piaget, le stade opratoire concret (de 7 11 ans) se caractrise par lintelligence

    concrte o l'enfant apprend appliquer des oprations intellectuelles son

    environnement. Pour Case, le stade dimensionnel (de 5 11 ans) se caractrise par

    le fait que lenfant est en mesure d'exprimenter sur l'aspect quantitatif des variables

    et non plus sur leur aspect qualitatif uniquement, amenant ainsi une apprciation plus

    juste de lenvironnement.

    Pour Piaget, le stade oprationnel formel (de 11 15 ans) se caractrise par une

    intelligence propositionnelle ou lenfant dmontre un raisonnement logique et

    hypothtico-dductif. Pour Case, le stade vectoriel se caractrise par le fait que lenfant

    na finalement plus besoin de support concret dans ses oprations et peut maintenant

    comprendre des systmes abstraits complexes.

    Concernant les sous-stades, chez Piaget, seuls deux stades comportent des sous-stades

    proprement dits : le stade sensori-moteur qui en compte 6 et le stade opratoire qui en compte

    2. Le stade opratoire concret prsente cependant une hirarchie dans lacquisition de

    certains concepts qui peut tre perue comme une succession de sous stades. Chez Case,

  • chaque stade se subdivise en trois sous-stades : le sous stade uni focal, qui est le stade qui

    correspond la capacit dactiver deux structures de contrle simultanment afin de les

    coordonner. Le sous stade bifocal qui est le stade qui correspond la capacit dactiver deux

    coordinations de structures de contrle successivement. Et enfin le sous stade bifocal intgr

    ou pr focal du stade suivant qui est le stade qui correspond la capacit de mettre en relation

    les deux coordinations de structures actives afin de crer une structure de contrle

    suprieure.

    C- DISCUSSION

    Que ce soient les thories nopiagtiennes ou la thorie de Piaget, elles saccordent toutes

    sur le rle majeur de la maturation du systme nerveux central. Pour autant, si la maturation

    ouvre de nouvelles possibilits de structures, elle ne les installe pas. En ce sens, la voie

    constructiviste ouverte par Piaget reste privilgie par les nopiagtiens qui postulent que les

    nouvelles structures sont construire par lenfant. Ces thories cherchent galement toutes

    dgager des principes de fonctionnement et une squence de stades gnraux, cest--dire

    sappliquant lensemble des domaines de connaissance. Toutefois, pour les nopiagtiens,

    ces stades ne sont pas lis des structures contraintes par le dveloppement logico-

    mathmatique, mais par la contrainte quexerce sur le fonctionnement cognitif la limitation de

    la capacit de traitement. Cette capacit voluerait avec lge, dterminant un niveau maximal

    de complexit cognitive quun individu serait capable dapprhender dans la rsolution dune

    tche nouvelle. Enfin, chez les nopiagtiens, ces structures sont universelles dans leur

    squence mais spcifiques dans leur forme et leur occurrence, elles sont applicables un

    domaine spcifique, elles sont acquises par lenvironnement social et enfin elles peuvent tre

    enseignes.

    Reste souligner les deux principales divergences existant entre Pascual-Leone et Case : la

    premire porte sur la nature de la capacit mentale. Pour Case, il sagit de la mmoire de

    travail tandis que pour Pascual-Leone il sagit dun systme de gestion de lattention mentale.

    La seconde porte sur le dveloppement de cette capacit. Pour Pascual-Leone, cest la

    capacit elle-mme qui augmente alors que pour Case, cest seulement lespace de stockage

    qui augmente, au fur et mesure que lespace occup par le traitement diminue (du fait de

    laugmentation de sa vitesse) en fonction de la maturation et de lexercice. Enfin, notons une

    divergence sur les mcanismes qui mnent aux stades de dveloppement, puisque que

    Pascual-Leone postule que cest laccroissement quantitatif du nombre de schmes pouvant

    tre activs simultanment qui permet de passer dun stade un autre tandis que Case postule

  • que le dveloppement en stades repose sur un systme cyclique et rcursif avec des

    changements dans le format des reprsentations.

    Toutefois, comme le souligne Jacques Lautrey, lorigine de ces divergences tient

    probablement pour une bonne part aux conditions dans lesquelles ces thories ont merg.

    Elles sont nes dans une priode o les connaissances sur le

    systme excutif taient encore trs lacunaires. Les no-piagtiens

    ont jou un rle pionnier dans ltude du rle du systme excutif

    dans le fonctionnement cognitif et en labsence de cadre thorique

    consensuel chacun a privilgi un des aspects de ce systme

    (limitation dans la capacit de traitement, de stockage, dattention,

    dinhibition, de vitesse, etc.), dont on commence comprendre quel poi nt il est complexe.

    D- CONCLUSION

    Si Piaget, Pascual-Leone et Case voient le dveloppement comme avanant par bonds

    successifs et vers lavant sous forme de stades, les annes 1990 voient naitre de nouveaux

    modles dynamiques du dveloppement, comme les thories volutionnistes du

    dveloppement, qui font voler en clats la progression par stades. Le dveloppement de

    lintelligence est, dans cette nouvelle perspective, envisage de faon graduelle, et de ce fait

    quasi continue: Elle n'volue plus par bonds et vers l'avant, mais par petits pas rapprochs,

    marqus d'arrts, de retours en arrire et de faux pas. Cette une conception dynamique de

    l'intelligence qui est propose et qui considre l'volution cognitive comme l'volution

    biologique. Ainsi Siegler imagine-t-il le dveloppement cognitif

    comme une srie de vagues qui se chevauchent, chacune

    correspondant un mode de pense ou une stratgie diffrente.

    Pour Siegler, 2000, la cognition est comme dans le monde

    biologique, soumise la comptition. Cest en observant les

    diffrentes stratgies des enfants pour rsoudre des oprations

    arithmtiques quil dveloppe une thorie selon laquelle lenfant

    disposerait dune varit de stratgies cognitives qui entreraient en comptition. Les thories

  • volutionnistes du dveloppement cognitif cherchent donc dcrire quelles comptences

    entrent en comptition et comment cette comptition conduit des solutions adaptes 6.

    Plus rcemment encore Olivier Houd a propos une thorie du dveloppement selon laquelle

    le dveloppement cognitif du bb ne devrait pas seulement tre conu comme

    l'acquisition progressive de connaissances mais aussi relever d'une capacit d'inhibition de

    ractions qui entravent l'expression de connaissances dj prsentes. Ainsi, pour Houd,

    ce qui poserait problme dans les tches de J. Piaget comme celle de la conservation du

    nombre, serait la capacit apprendre inhiber le schme trompeur (stratgie perceptive

    inadquate longueur gale nombre ), appel biais perceptif, schme qui marche le plus

    souvent et que mme les adultes appliquent7 mais qui parfois induit en erreur. Ainsi pour

    Houd, se dvelopper, c'est non seulement construire et activer des stratgies cognitives

    comme le pensait J. Piaget, mais cest aussi apprendre inhiber des stratgies qui entrent en

    comptition dans le cerveau. Le dveloppement de l'enfant n'est pas donc pas toujours linaire

    6 R. Siegler insiste sur la trs grande diversit de stratgies mentales dont les enfants disposent pour rsoudre les problmes auxquels ils sont confronts. Pour prendre lexemple de laddition, Les enfants utilisaient quatre stratgies de comptage

    diffrentes. Soit ils levaient un doigt pour chaque unit et les comptaient oralement, soit ils levaient les doigts en comptant

    mentalement, soit ils comptaient voix haute, sans utiliser ni leurs mains ni autre chose comme support et, enfin, la quatrime

    stratgie n'impliquait aucun comportement audible ou visible. L'exercice veille diffrents modes de pense qui entrent en

    comptition. L'enfant doit choisir la stratgie la plus adapte la situation. Notamment, aux contraintes du milieu qui implique

    selon les cas d'tre rapide, prcis... Le choix de la stratgie et les mcanismes qui permettent la dcouverte d'une nouvelle

    stratgie sont une forme d'adaptation.

    7 Des expriences ralises avec Bernard et Nathalie Mazoyer Caen, ont permis de dcouvrir ce qui se passe dans le cerveau de jeunes adultes avant et aprs l'apprentissage de l'inhibition d'une stratgie perceptive inadquate, c'est--dire avant et aprs la correction d'une erreur de raisonnement. On observe une reconfiguration des rseaux crbraux, notament dans la zone dite prfrontale .

  • et Houd dcrit mme la pense comme une jungle o les comptences de l'enfant et de

    l'adulte se tlescopent et se bousculent.

    Confrence dOlivier Houd : http://www.canal-

    u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/le_developpement_de_l_intelligence_chez_l_enfa

    nt_olivier_houde.904

    Enfin, nous terminerons sur la question de linnit. La dcouverte de capacits prcoces chez

    l'enfant rveille en effet la question de savoir si ces comptences sont innes et relance le

    vieux dbat entre nativisme et constructivisme. Ainsi, Jacques Melher et Emmanuel Dupoux,

    dveloppent une thse inniste expliquant que les facults cognitives s'accroissent avec

    l'ge selon un calendrier prdtermin et un schma directeur spcifique l'espce, qui doit

    peu l'exprience acquise, au milieu ou des apprentissages. Dans le domaine du langage,

    ils ont pu montrer que lapprentissage du langage ncessite des structures cognitives

    prdfinies et spcifiques au stimulus. Chomsky (1965) postule quil doit en tre de mme

    avec les autres domaines du dveloppement. Ainsi, dans le domaine du raisonnement logique

    et arithmtique, Baillargeon, Houd et Mounoud, soulignent qu'il existe des facults trs

    prcoces d'apprentissage par la perception (notamment visuelle) ou par des couplages entre

    perception et action. Ainsi les structures cognitives seraient ds le dpart spcialises et

    spcifiques, ce qui est loppos de la vision piagtienne, pour qui la structure a une vise

    gnrale. Larticle de Roger Lecuyer sur la question de linnit vous permettra de voir les

    questions qui font dbat et les rponses que les noconstructivistes apportent.

    En conclusion, des thories nopiagtiennes aux tenants de la psychologie inniste, en

    passant par les spcialistes du dveloppement prcoce, les principaux chercheurs qui ont

    poursuivi l'uvre de J. Piaget prsentent une diversit de points de vue sur le dveloppement

    psychologique de lenfant. Les thories actuelles sarticulent autour du rle crucial de la

    mmoire de travail et de lide que se dvelopper signifie activer sa mmoire de travail,

    confronter diffrentes stratgies, les mettre en comptition, en inhiber certaines, et acqurir

    un raisonnement logico-mathmatique de plus en plus sophistiqu. Cest lide dune pense

    plus large, d'une pense plus en contexte que ne lavait envisag Piaget (Olivier Houd).

    http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/le_developpement_de_l_intelligence_chez_l_enfant_olivier_houde.904http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/le_developpement_de_l_intelligence_chez_l_enfant_olivier_houde.904http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/le_developpement_de_l_intelligence_chez_l_enfant_olivier_houde.904

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