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| DOSSIERI SAMEDI 14, DIMANCHE 15 MARS 2009 I La Croix I

Ces six moisqui ont ébranlé le monde

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Il y a tout juste six mois, le 15 septembre,la banque américaine Lehman Brothers faisait faillite. Un des noms les plus prestigieux de la fi nance mondiale était emporté par la crise du subprime, commencée un an avant avec le défaut de paiement de crédit immobilier par des ménages américains surendettés. Depuis, la défi ance gèle le crédit. Les États ont été appelés à la rescousse et multiplient les aides et les

garanties aux banques, pour éviter la panique des épargnants. À cette crise fi nancière, se sont alors ajoutés une récession économique dans les pays industrialisés et un brusque ralentissement dans les pays émergents. Les États ont bâti des plans de relance – au risque de creuser encore les défi cits – pour tenter d’éviter un chômage massif. En six mois, ces deux crises – qui se conjuguent et s’entretiennent – ont changé le monde. Ce

week-end, les ministres des fi nances du G20, qui regroupe les principaux pays émergents et développés, se réunissent à Londres. Ils prépareront les décisions que devraient prendre leurs dirigeants, le 2 avril, dans la capitale britannique. Les 20 pays se sont engagés à réformer les pratiques de la fi nance mondiale pour éviter les dérives qui ont conduit à la crise.

PIERRE COCHEZ

Islande A la Banque centrale, l’artisan du « miracle » remplacé par un Norvégien

Dubaï L’émirat révise ses projets Il y a encore six mois, l’émirat sans pétrole, l’un

des sept qui forme les Émirats arabes unis, avait pour objectif d’attirer 15 millions de

touristes du monde entier en 2010. Dubaï cons-truisait des îles artifi cielles pour les accueillir. Les 800 000 Émiratis jouaient au Monopoly en achetant des projets immobiliers sur plan et en les revendant avec une plus value quelques mois plus tard. Aujourd’hui, Dubaï multiplie les annonces de « réexamens » de ses projets immobiliers. Selon un rapport publié début février, 460 milliards d’euros d’investissements ont été gelés aux Émirats arabes unis en raison de la crise. Soit 45 % de l’ensemble des projets de construction des Émirats. Dubaï doit sa prospé-

rité essentiellement à l’immobilier et à la fi nance, deux activités au centre de la crise mondiale.

On estime que la dette de l’émirat de Dubaï est de 55 milliards d’euros, une somme équiva-lente au PIB du territoire. Cette dette est faible par rapport à l’immense magot d’Abou Dhabi. Cet émirat voisin, qui détient la quasi-totalité des réserves pétrolières du pays, veille à ce que Dubaï et ses projets pharaoniques ne chutent pas. Son fonds souverain, Adia, gérerait de 480 à 720 milliards d’euros. Même à moins de 50 dollars le baril, le pétrole reste une manne importante pour les Émirats arabes unis. En octobre, le gouvernement des Émirats a mis à la disposition des banques locales 25 milliards

Brésil En quatre mois,900 000 licenciementsRien de mieux qu’un barbecue en-

tre amis pour profi ter des fortes chaleurs de l’été brésilien. Mais,

cette année, sur les grills, le poulet se fait plus rare. Depuis janvier, le Parana, principal État agricole du pays, enregis-tre une baisse de 20 % de sa production. Dans le sud, le groupe français Doux, un des poids lourds du secteur avicole, a mis au chômage technique une partie de ses 9 000 employés. Malgré une infl ation en baisse, les ménages brésiliens consom-ment moins et les entreprises qui expor-tent chaque année près de 3 millions de tonnes de gallinacées – sur les 11 millions produits – connaissent une période diffi -cile. La bière, boisson d’accompagnement des amateurs de grillades, a aussi cessé de couler à fl ot. Le groupe Ambev, cin-quième fabricant de la planète et leader au Brésil, a fermé une de ses usines. Bi-lan : 146 chômeurs. Pour ceux qui goûtent davantage aux boissons non alcoolisées, Citrosuco, deuxième fabricant mondial

de jus d’oranges, vient de fermer une de ses installations, devant une baisse de son carnet de commandes et une récolte dé-cevante. Résultat : 200 salariés licenciés. Le Brésil, « ferme du monde », souffre de la réduction de la demande mondiale en produits alimentaires.

Même le café va mal. Or, ce secteur fait vivre 8 millions de personnes, et réalise 5 % du PIB brésilien. Les coûts de produc-tion augmentent alors que les cours ont chuté. Même tendance morose du côté de l’industrie brésilienne. Le 19 février, Embraer, le troisième constructeur mon-dial d’avions commerciaux, annonçait le licenciement de 4 200 employés, soit 20 % de sa masse salariale. 90 % de ses ventes se font à l’étranger. Depuis novembre, ce sont 900 000 salariés qui ont perdu leur emploi, dont la moitié dans le seul État de São Paulo, locomotive du pays avec 15 % de l’activité économique.

STEVE CARPENTIER(À São Paulo)

CHRONOLOGIE de la crise 15 septembre 2008 États-Unis : faillite de

la banque d’investissement Lehman Brothers. Merrill Lynch

est rachetée par Bank of America.

l’artisan du « miracle » remplacé

de jus d’oranges, vient de fermer une de ses installations, devant une baisse de son carnet de commandes et une récolte dé-

PIERRE COCHEZ

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���������������Le 27 février, un économiste norvégien,

Svein Harald Oeygard, a été nommé à la tête de la Banque centrale islandaise. Son

prédécesseur, David Oddsson, avait été poussé à la démission, désigné comme responsable de l’effondrement économique de l’île. Ce pays de 320 000 habitants était, jusqu’en septembre dernier, l’un des pays les plus prospères de la planète. Six mois plus tard, la Banque centrale table sur une contraction de 10 % du PIB pour cette année. Chef du gouvernement de 1991 à 2004, David Oddsson avait été à l’origine du développement international des trois grandes banques islandaises conduisant à des années de croissance vertigineuse. Les actifs gérés par ces banques ont représenté jusqu’à neuf fois le PIB islandais. Depuis septembre, l’effondrement de sa monnaie a fait monter les prix des produits importés et l’infl ation est maintenant de 18 %. Libellés en devises, indexés sur l’infl ation, les prêts sont devenus impossibles à rembourser pour les Islandais. En octobre, l’État a dû natio-

naliser les trois banques privées – Glitnir, Landsbanki et Kaupthing – soit la quasi-totalité de la Bourse de Reykjavik. La po-pulation est devenue ainsi responsable des dettes de ces trois établissements. Or, Landsbanki avait créé la banque par Internet Icesave qui proposait de rému-nérer les dépôts. Trois cent mille Britan-niques y avaient des comptes. Londres a gelé les avoirs des banques islandai-ses en Grande-Bretagne pour obliger l’Islande à indemniser ces déposants. Quant aux avoirs à l’étranger de ces trois banques, beaucoup seraient domiciliés dans des paradis fi scaux et diffi ciles à récupérer par l’État islan-dais. La démission de David Oddsson a coïncidé avec l’arrivée d’une mission du Fonds monétaire international (FMI), qui a octroyé un prêt de 2,1 milliards de dollars pour le redressement de l’île.

P. CO.