Cas clinique
Recu le :21 fevrier 2006Accepte le :21 aout 2006
L’hemangiopericytome mandibulaire,une tumeur vasculaire maligne
*Auteur correspondant.e-mail : [email protected]
0035-1768/$ - see front matter © 2006 Publie par Elsevier Masson10.1016/j.stomax.2006.08.001 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007
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Mandibular hemangiopericytoma, a malignant vascular tumor
S. Deneuve1, J.-P. Lezy1, F. Cyna-Gorse2, C. Vacher1,*
1Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hopital Beaujon,100, boulevard du General-Leclerc, 92118 Clichy cedex, France2Service de radiologie, hopital Beaujon, 100, boulevard du General-Leclerc,92118 Clichy cedex, France
Summary
Introduction. Hemangiopericytoma is a rare tumor, arising from
pericytes, which are perivascular cells belonging to the capillar
walls.
Observation. A 41 year old man consulted for a mandibular tu-
mor. The clinical and radiographic diagnosis was difficult. The
biopsy performed in the operative room led to an embolization
decided in emergency, and proved the definitive diagnosis. De-
spite the embolization, bleeding during surgical excision of the
tumor compelled us to perform an external carotid artery ligature.
The mandibular reconstruction was performed using a trapezium
osteo-muscular flap.
Discussion. As reported in the literature, the radiographic diag-
nosis of hemangiopericytoma is difficult, the malignant potential is
variable and the recommended treatment is surgical excision.
© 2006 Published by Elsevier Masson SAS.
Keywords: Hemangiopericytoma, Mandible, Radiology
SAS.;108:146-149
Resume
Introduction. L’hemangiopericytome est une tumeur rare, deve-
loppee a partir des pericytes, cellules perivasculaires normalement
presentes dans les parois capillaires.
Observation. Un homme de 41 ans nous a ete adresse pour prise
en charge d’une tumeur mandibulaire qui s’est revelee etre un
hemangioperyicytome. Le diagnostic clinique et radiographique
en a ete difficile. La biopsie faite avec prudence au bloc operatoire
a impose une embolisation en urgence mais elle a conduit au diag-
nostic de certitude. Celle-ci n’a pas empeche un saignement ope-
ratoire majeur imposant une ligature de l’artere carotide externe
au cours de l’intervention d’exerese. La reconstruction de la
perte de substance mandibulaire a ete assuree par un lambeau
osteomusculaire pedicule de trapeze.
Discussion. Les donnees de la litterature montrent que l’aspect
radiographique est peu specifique, le potentiel malin variable, et
que le traitement repose sur l’exerese chirurgicale.
© 2006 Publie par Elsevier Masson SAS.
Mots cles : Hemangiopericytome, Mandibule, Radiologie
Introduction
L’hemangiopericytome est une tumeur rare, developpee
aux depens des pericytes (cellules perivasculaires normale-
ment presentes dans les parois capillaires). Elle a ete decrite
pour la premiere fois en 1942 par A.P. Stout et M. Murray [1].
Cette tumeur, a potentiel malin variable, touche preferen-
tiellement les membres inferieurs ou le pelvis. Elle reste
rare dans la sphere maxillofaciale. Six cas mandibulaires
ont ete decrits, nous en rapportons un nouveau. Le diagnos-
tic et la prise en charge sont detailles et compares aux don-
nees de la litterature.
Observation
M. G, 41 ans, a ete adresse pour une tumeur mandibulaire
droite de croissance lente, en quelques annees. En bon etat
general et sans aucun antecedent, il ne presentait aucune
symptomatologie particuliere en dehors d’une tumefaction
de la mandibule a droite, de 5 cm de diametre, indolore,
non pulsatile, recouverte d’une muqueuse saine, sans
aucune manifestation hemorragique. Il ne decrivait pas
d’hypoesthesie du nerf mentonnier. Un panoramique den-
L’hemangiopericytome mandibulaire, une tumeur vasculaire maligne
taire revelait l’existence d’une tumeur lytique, developpee
aux depens de l’hemimandibule droite, soufflant la corti-
cale superieure (fig. 1).
Cette image etant fortement evocatrice d’une tumeur
maligne, un scanner cervical et thoracique a ete realise
sans injection car le patient ne s’etait pas presente a jeun
pour l’examen. Il montrait une tumeur purement lytique,
mal limitee, franchissant par endroits la corticale sans reac-
tion periostee, envahissant les parties molles. La recons-
truction 3D retrouvait un aspect bulleux, en nid d’abeille,
traduisant le caractere souffle de l’os. Ces images forte-
ment evocatrices de tumeur maligne, notamment d’un
osteosarcome, ont fait decider d’une biopsie chirurgicale
rapide. Au cours du geste, une hemorragie incoercible est
survenue conduisant a une arteriographie pour embolisa-
tion en urgence. L’IRM objectivait la disparition du corps
de la mandibule entre la symphyse et l’angle mandibulaire
et le refoulement des parties molles de la joue et de la
cavite orale. Cette tumeur prenait le contraste apres injec-
tion de gadolinium. L’arteriographie a revele le caractere
vasculaire de la tumeur. L’analyse histologique des frag-
ments tumoraux etait evocatrice d’un hemangiopericytome
mandibulaire. Le bilan d’extension, comprenant en plus du
scanner thoracique, une echographie abdominale et une
scintigraphie osseuse, n’a pas retrouve d’autre localisation.
Une hemimandibulectomie droite conservant le condyle a
ete realisee par voie cervicotrans-orale. Au cours de cette
intervention, la ligature de l’artere carotide externe droite
a ete rendue necessaire en raison d’un nouvel episode
hemorragique. Un blocage intermaxillaire sur elastiques a
ete realise en fin d’intervention afin d’eviter tout deplace-
ment avant le temps de reconstruction mandibulaire dif-
fere dans l’attente des resultats histologiques definitifs.
Ces derniers ont confirme le diagnostic et l’exerese tumo-
Figure 1. Panoramique dentaire : tumeur lytique. L’absence de rizalyseevoque la malignite.
rale en limites saines. Il a ete decide de reconstruire la perte
de substance mandibulaire par un lambeau osteomuscu-
laire pedicule de trapeze [2]. A six mois, le patient ne pre-
sentait pas de signe de recidive et le resultat cosmetique
etait satisfaisant.
Discussion
Le tableau clinique de l’hemangiopericytome est pauvre, se
limitant le plus souvent comme chez notre patient a l’appa-
rition progressive d’une masse indolore. Il peut exister des
telangiectasies ou un erytheme de la peau ou de la
muqueuse adjacente [3]. Il arrive parfois que la tumeur
soit pulsatile mais le plus souvent, elle n’a pas de caractere
vasculaire clinique.
L’aspect radiologique de l’hemangiopericytome est egale-
ment peu specifique.
En radiographie standard, les formes osseuses primitives ou
secondaires se presentent comme une tumeur purement
lytique. Leurs limites sont parfois bien definies et souli-
gnees d’un lisere d’osteocondensation, evoquant alors une
tumeur benigne. Elles sont parfois mal limitees avec une
destruction corticale et une extension aux parties molles ;
il peut exister une reaction periostee, pouvant alors evo-
quer n’importe quelle tumeur osseuse maligne. Le scanner
est peu contributif au diagnostic, et permet essentielle-
ment d’affirmer le caractere vasculaire de la tumeur apres
injection de produit de contraste, et d’en definir les limites.
Dans notre observation en l’absence de scanner avec injec-
tion, on pouvait evoquer en particulier :
� un osteosarcome, qui se traduit rarement par des images
purement lytiques ou purement condensantes, mais plutot
mixtes et heterogenes. Cependant, ces cancers surviennent
preferentiellement dans la deuxieme decennie et leur evo-
lution est rapide ;
� une metastase osseuse, qui peut aussi donner une image
lytique avec rupture corticale, notamment dans les cancers
dits osteophiles du sein, du rein, de la thyroıde, du poumon
ou du tube digestif. Cependant, la conservation de l’etat
general dans notre observation n’etait pas en faveur de ce
diagnostic ;
� enfin, le diagnostic initialement admis comme plus pro-
bable etait un chondrosarcome, tumeur lytique d’origine
medullaire erodant peu a peu la corticale osseuse pour
envahir les parties molles : la tumeur semblait particuliere-
ment correspondre a cette description au panoramique
dentaire avec une corticale superieure envahie et un bord
basilaire encore respecte partiellement. Cette tumeur evo-
lue en principe lentement, touche surtout l’adulte, mais
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S. Deneuve et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:146-149
presente habituellement des images typiques de calcifica-
tions annulaires ou en « pop-corn » qu’on ne retrouvait
pas dans notre observation.
En IRM, l’hemangiopericytome se presente comme une
tumeur d’aspect intermediaire en T1 avec importante prise
de contraste a l’injection de gadolinium, d’aspect variable
en T2 en hyper- ou hyposignal, hyperintense en STIR
(sequences avec suppression de la graisse) par son carac-
tere vasculaire. Cet aspect est peu discriminant, mais pour
Murphey [5], on peut evoquer le diagnostic devant une
tumeur de signal particulier : heterogene, avec des filets
curvilignes dissemines mais plus frequents en peripherie
tumorale, prenant fortement le gadolinium en T1, retrouves
identiques hyperintenses en T2 et en STIR, fortement evo-
cateurs de fins vaisseaux a bas debit [4]. Cet aspect est
inconstant et non pathognomonique. Dans notre cas,
l’aspect IRM bien que perturbe par la realisation prealable
d’une embolisation retrouvait cet aspect de tumeur vascu-
laire avec l’heterogeneite de contraste en « serpentins » qui
aurait pu faire evoquer le diagnostic (fig. 2). Le diagnostic
d’angiosarcome a aussi ete evoque devant les images et
l’aspect peroperatoire. Cette tumeur est le plus souvent
Figure 2. IRM en sequence T1 avec injection de gadolinium (a) et sequence T2 (presence de fins vaisseaux a bas debit.
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d’aspect purement lytique en radiologie standard [5], mal
limitee, avec possible rupture corticale, reaction periostee,
et envahissement des parties molles. Plusieurs lesions adja-
centes sont fortement evocatrices du diagnostic d’angio-
sarcome.
Il s’est avere que l’examen d’imagerie le plus evocateur du
diagnostic d’hemangiopericytome a ete l’arteriographie
realisee pour permettre l’embolisation vasculaire (fig. 3).
Cette tumeur possede des aspects caracteristiques : tres
vascularisee, elle admet en general une ou deux arteres
nourricieres (pour notre patient ces deux arteres etaient
l’artere faciale et l’artere linguale droites) dont le trajet
est souvent modifie par la tumeur. Avant d’y penetrer, les
arteres forment un pedicule et se divisent en vaisseaux de
calibre variable organises de facon radiaire tel une toile
d’araignee. Au temps capillaire de l’arteriographie, la
tumeur est visible comme une masse dense, bien delimitee,
arrondie ou ovalaire [6].
L’hemangiopericytome etant une tumeur a malignite
variable, un bilan d’extension doit etre realise a la recher-
che de secondes localisations, ou d’une lesion primitive
dans le cas d’une forme osseuse. La dissemination metasta-
b) : prise de contraste de fins filets curvilignes en serpentins signant la
Figure 3. Arteriographie au temps precoce (a) : apparition des deux pedicules nourriciers de la tumeur. Au temps tardif (b) : apparition des contourstumoraux.
L’hemangiopericytome mandibulaire, une tumeur vasculaire maligne
tique se fait par voie hematogene vers le poumon, le foie et
l’os. Il est donc recommande de realiser un scanner pulmo-
naire, une echographie hepatique et une scintigraphie
osseuse. Au terme de ce bilan, notre cas s’est revele etre
une forme primitive osseuse isolee. Environ 65 autres cas
ont ete rapportes dans la litterature, mais seulement six
d’entre eux etaient localises a la mandibule [7].
Le pronostic de cette tumeur est imprevisible, mais le
risque de recidive locale est tres eleve pour tous les auteurs.
Le traitement recommande reste donc l’exerese chirurgicale
large, quand celle-ci est possible. L’embolisation preopera-
toire ou la ligature des arteres nourricieres sont recomman-
dees pour prevenir le risque hemorragique [8]. Le potentiel
metastatique de l’hemangiopericytome est imprevisible,
certaines metastases notamment pulmonaires, pouvant
apparaıtre plusieurs annees apres le primitif. La survie a
cinq ans rapportee sur une serie de 106 tumeurs toutes
localisations confondues est de 75 %, celle a dix ans de
44 % [9]. Le pronostic des formes mandibulaires ne semble
pas different de celui des autres localisations et sur les six
autres cas rapportes dans la litterature, trois sont decedes
dans les cinq annees suivantes. Aucun traitement comple-
mentaire n’a demontre son efficacite sur la diminution des
recidives locales ou a distance, et la radiotherapie reste
reservee aux cas ou l’exerese chirurgicale complete est
impossible [10].
References
1. Stout AP, Murray M. Hemangiopericytoma. A vascular tumorfeaturing zimmerman’s pericytes. Ann Surg 1942;116:26–33.
2. Vacher C, de Vasconcellos JJ. The anatomical basis of theosteomusculocutaneous trapezius flap in mandibular recons-truction. Surg Radiol Anat 2005;27:1–7.
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