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Ma campagne d'Italie en 1944

Carnet de route et croquis Colonel (h) Georges Van Den Bogaert

Ancien Chef de corps du 2ème Régiment d'artillerie de marine

Insigne du C.F.E. en Italie Insigne du R.A.C.L.

A la mémoire du capitaine H. Robin, Commandant la 1ère Batterie du RACL, sous les ordres de qui j'eus l'honneur de servir durant cette campagne.

Georges Van den Bogaert

Cette introduction a pour objet de situer les souvenirs qui suivent dans le déroulement de mes activités militaires, qui dé-butèrent à mon entrée à l'X en 1938 pour s'achever à Rockenhausen à fin septembre 1945. Elle fait ainsi figure de "Résumé des chapitres précédents ", car les circonstances ont fait que le premier récit de mes campagnes mis au point n'était chronologiquement pas le premier : ces notes de ma campagne en Italie ont fourni la matière d'un papier d'une trentaine de pages écrit à la demande du Général de Brancion pour lui servir à la rédaction d'un ouvrage qu'il envisage d'écrire sur l'artillerie française en Italie. Les autres récits : années d'études à l'X, campagne de France en 1940, campagne de la libération et campagne d'Allemagne, suivront plus tard,.... si le Ciel me prête vie. La narration qui suit présente un caractère particulier : elle a été établie à partir de notes prises pendant la campagne d'Ita-lie, lorsque les occupations d'un lieutenant de batterie d'artillerie en opérations m'en laissaient le loisir. Ecrites lorsque je trouvais le temps de faire le point, elles méritent encore moins le nom de journal de marche, (stricto sensu) que le Tagebuch ïm Kriege écrit par le médecin allemand Hans Carossa au lendemain de la Première Guerre Mondiale. De plus, il s'agit d'un récit recomposé plus de cinquante ans après les événements et dans lequel se trouvent intercalés des passages non proprement opérationnels, réflexions jetées sur le papier par un homme jeune - j'avais tout juste passé le seuil des vingt-cinq ans - qui commençait seulement à apprendre la vie, après avoir si longtemps baigné dans l'univers des études abstraites. Après mon entrée à l'X en 1938, j'avais été jeté avec ma promotion dans la guerre déclarée en septem-bre 1939; rescapé de juin 1940, j'avais fait ma deuxième année d'études à l'X repliée à Villeurbanne, et à la sortie passé une année à l'Ecole Militaire de l'Artillerie à Nîmes. A l'"Amphi Garnisons" mon classement chez les Bigors, bien que mo-deste, m'avait permis de partir outremer au Régiment d'Artillerie Coloniale du Levant (RACL), alors stationné au Maroc. Arrivé au Maroc en novembre 1942, quelques jours avant le débarquement américain, j'allais participer à la reprise de la lutte menée par l'Armée d'Afrique pour la libération de la France. Cependant je ne fus pas envoyé en Tunisie et fis partie de ceux dont les régiments, rééquipés en matériels américains, s'entraînèrent intensément en Afrique Française du Nord en vue des opérations qui allaient se déclencher dans la péninsule italienne à la fin de l'année 1943, au sein du Corps Ex-péditionnaire Français en Italie (CEF). Pour sa part, le RACL fut en première étape doté de 155 Guns américains (1er et Ilème Groupes).

Paris, juin 1995

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....Grâce à Cervoni, j'ai réussi à me faire réaffecter au 1er Groupe, à la veille du départ de celui-ci pour l'Italie, et j'ai repris mes fonctions de lieutenant de batterie à la 1ère, tou-jours commandée par le Capitaine Robin (X 32). Le 9 janvier 1944, arrivée au camp Roze des deux Grou-pes I et II/RACL, qui vont partir pour l'Italie, comme ALCA du CEF. Le parc se forme tant bien que mal, mais à la 1ère Bat-terie, au cours des évolutions en tous terrains, une pièce casse une vis d'avant-train. Au soir les officiers du 4e Groupe ont offert un grand dîner à leurs camarades des 1er et 2e Groupes qui partaient. L'ambiance de cette soirée fut cent fois plus sympathique qu'à la Sainte-Barbe 1943. A la fin chacun y alla de sa petite chanson à succès et tout se termi-na fort correctement. J'ai couché une dernière fois dans ma petite piaule du IVe Groupe au camp Roze d'Oujda, piaule partagée avec le Capi-taine Leuba et le sympathique Lieutenant Gaudy, un Gadzarts (Angers 28). Malheureusement ce soir là, Gaudy n'était pas des nôtres, retenu par le service en gare d'Oujda. Nous avons longuement bavardé avec Leuba, un X34 déjà connu au lycée Charlemagne à Paris, à partir de fin 1934. Le lundi 10 janvier, réveil à 5h00 du matin. Je rejoins la 1ère Batterie. Départ du bivouac à 6h00. Binait et moi, nous nous relayons au volant de la Jeep, car nous n'avons qu'une confiance très relative dans notre brave et souriant chauffeur Alphonse qui n'a pas reçu, en naissant sur la terre malga-che, la même promptitude de réflexes que les plus indo-lents Européens. La route se fait sans incidents : nous cassons cependant une deuxième vis d'avant-train et d'autres batteries nous imitent à l'envi. Pour ces vis d'avant-train, il semble qu'il y ait eu une erreur de conception, ou une évaluation insuffisante des ef-forts susceptibles d'être appliqués à cette pièce en tous ter-rains. Heureusement nos mécaniciens de batterie arriveront à faire faire la réparation dans des délais assez rapides. Nous parvenons au soir tombant au "Stalag" de Fleurus (Area n° 1) aux environs d'Oran. Le mardi 11 janvier, dans la journée, après ordres et contre-ordres, nous avons commencé à envoyer notre maté-riel à Oran, en vue de le charger dans les bateaux. Le mou-vement a continué pendant la journée du mercredi 12. Le jeudi 13, j'ai ré-ussi à trouver un véhicule pour aller voir mon frère Xa-vier, enseigne de vaisseau à bord du croiseur Duguay-

Trouin , qui est actuellement à quai dans le port de Mers-el-Kebir. Après les échanges de lettres sèches et presque mé-chantes de ces derniers temps, nous nous sommes retrou-vés avec plaisir et avons passé une matinée très sympathi-que, sans d'ailleurs nous envoler, comme d'autres fois précé-demment, dans les hautes sphères de la philosophie. En considérant l'état de la Marine actuelle, Xavier éprouve le même genre de déception que moi en voyant celui de l'Ar-mée : il nous semble qu'il y a une carence affreuse de vrais chefs, carence dont les conséquences ont été et pourraient être encore tragiques. Chez mon frère subsiste toujours cette idée que, lui a-ton dit, il ressassait dans son délire à l'hôpital de Barcelone en fin novembre 1942 : "Mais pourquoi ne sont -ils donc pas partis ?" (sous-entendu, les navires de la flotte française sabordés à Toulon). Cette impression de ne plus trouver chez nos grands patrons actuels de gens sachant prendre leurs responsabilités devait d'ailleurs faire encore l'objet d'une grande discussion à qua-tre, Robin, Binart, Fonteix et moi le lendemain vendredi 14 à la popote de la 1ère Batterie. Cette discussion nous a fait assez rapidement aboutir aux conclusions suivantes : jusqu'en 1914, il s'est trouvé en France des gens aimant leur métier de soldat, qui ne trou-vaient pas déshonorant de terminer leurs vingt-cinq années de carrière comme chefs d'escadrons de cavalerie, après être restés des douze ou quinze ans dans le grade de lieutenant. Leur métier, en lui-même, leur rapportait assez de satisfactions. Malheureusement, ces gens là se sont fait faucher à la Marne, dans la Somme ou à Verdun et presque personne n'est resté pour perpétuer la tradition, et l'évolution du contexte économique et social n'est pas allée dans le sens d'une renaissance de celle-ci. Après 1918, l'Armée dans sa grande majorité n'a plus été qu'un corps de fonctionnaires comme les autres, où seule primait la question de l'avancement Désormais toutes les intrigues, les compromissions, les déloyautés devenaient permises, servant la plupart du temps de paravent à une navrante et générale incapacité. La race des "Monsieur de Quelque Chose", contre laquelle trois républiques successives se sont tant acharnées, a pratiquement vécu et avec elle les meilleurs serviteurs de la Patrie ont disparu sur les champs de bataille. A l'heure présente, la France manque d'une no-blesse.

Le départ

Embarquement du matériel à Oran

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Pour en revenir à la journée du 13 janvier, après avoir quitté mon frère en début d'après-midi, je suis allé jusqu'à l'autre extrémité du port, sur les quais où était embarqué le matériel de notre régiment Chemin faisant, j'ai rencontré un de mes grands anciens de la promo X36, Yver de la Bruchol-lerie, actuellement jeune ingénieur de l'artillerie navale. Les véhicules et les pièces du RACL sont chargés à bord de deux imposants Liberty Ships. Nos canons ont des allures d'inoffensives pétoires à côté de ces coques géantes; tout se fait à la grue et dans certaines positions nos pièces res-semblent à des sauterelles que va terrasser une mante reli-gieuse. Les chauffeurs de la 1ère Batterie regardaient le va-et-vient sur le quai. Ils étaient tous assez fatigués, crasseux, bar-bus. Ils avaient passé deux nuits blanches à la belle étoile, mangeant assez mal et ne se sauvant de l'inanition que grâce à leur débrouillardise personnelle. Tandis que Binart discutait de grands coups avec une sentinelle américaine chargée de les garder, quelques-uns d'entre eux effectuaient un fructueux coup de main sur des caisses de victuailles américaines : boîtes de cassoulet (on ne savait pas encore que c'était du "meat and beans" !), de lait condensé, de jus de pamplemousse disparurent en un clin d'œil, pour la plus grande satisfaction d'estomacs creusés par l'air marin. Le soir à 18h00 deux GMC nous ont ramenés au "Stalag". Une fois les matériels embarqués, il ne restait plus aux person-nels qu'à attendre leur tour dans ce camp sans charme, dont

les nombreux quartiers abritaient des troupes de toutes ar-mes, françaises et américaines. . . . Le samedi 15 janvier, nous avons passé une partie de la journée à supputer la date de notre départ. J'ai noté sur mon carnet l'atmosphère de la soirée de ce jour, après le dîner : .... Il peut être 19h30. Le soir tombe sur le camp. Une jeep passe, dépose un homme à la BHR, avant de rejoindre le Ile Groupe. Une grande couverture de brume laineuse s'étend sur la plaine : même froid humide que les nuits précédentes. Les chants dans le camp se taisent l'un après l'autre. Quelques gueulantes subsistent encore. Gens heureux de vivre. Pauvres gars ! Où en seront-ils dans quelques mois ? Ceux qui ne connais-sent de la vraie guerre que le côté tragique de la débâcle de 1940, constatent avec désenchantement cette éternelle in-souciance. Quand tout sera fini, liquidé, que te restera-t-il, pauvre France, de tous ces jeunes gens ? Que nous reste-ra-t-il de notre jeunesse ? Oran brille au loin dans les brouillards du couchant. Un Dodge 3/4 ronronne. Lumières dans la plaine : des villages, des civils avec leurs joies et leurs peines, mais une vie pour-tant si différente de la nôtre. L'air est horizontal. Un convoi au loin sur une route, collier de perles mobile et rectiligne.

Je quitte le petit pin au pied duquel je me suis assis quelques instants pour fumer ma pipe, et rentre dans ma guitoune; avant d'aller m'enfiler dans mon sac de couchage, j'écris encore assez longtemps à la popote, sur mon carnet bleu.

Ce carnet bleu, chargé d'aperçus divers et d'états d'âme sans intérêt pour quiconque, pas même à terme pour l'au-teur de ces lignes qui, dans les années à venir les caviardera abondamment (mais peut-être insuffisamment !). Les notes subsistantes font l'objet du récit actuel. Le dimanche 16 janvier, nous nous sommes enfin embarqués ... sur le Duguay-Trouin lui-même ! Mes camarades du Régiment

qui savaient tous que Xavier y est embarqué m'en ont fait leurs compliments (alors que je n'y étais évidemment pour rien) et sans doute certains m'ont même quelque peu envié. Je dois à la vérité de dire que j'ai assez peu profité de ce rap-prochement familial, car mon frère est absorbé par son ser-vice de quart, quelque part dans un télépointeur. Nous sommes partis d'Oran à la nuit tombée et avons navi-gué assez rapidement (environ 25 noeuds, m'a-t-on dit).La vie sur un bateau de guerre est assez curieuse et, pour le personnel terrien embarqué, plutôt mal connue, car pour ne pas gêner les marins, nous restons cantonnés dans certai-nes zones du bateau.

Le Duguay-Drouin à Mers el Kebir

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A l'intérieur il fait très chaud, tous les hublots étant fer-més; en effet en cas de "coup dur", il faut qu'il y ait le mi-nimum d'ouvertures permettant à l'eau d'envahir le croiseur. Le lundi 17, Xavier, rencontré sur la plage arrière après son quart, m'a emmené faire une longue visite aux installa-tions d'artillerie, et de DCA, ainsi qu'à la chaffuste. La chaf-fuste, c'est tout ce qui concerne les machines. On n'imagine pas tout ce que cela tient de place, combien il faut de turbi-nes, de moteurs, de dynamos, de pompes, de tuyaux et de tringleries, sans compter les kilomètres de câblage électri-que, pour faire marcher un croiseur de 8 000 tonnes. J'ai vu jouer au bridge le soir : une "lieutenante" de "chaufferettes", deux aviateurs, un artilleur. Mademoiselle Doncieux joue au bridge en se donnant des airs de dure à cuire, engueule tout le monde, fume comme un Suisse, râle parce qu'il n'y a pas de gnôle à boire ...J'apprendrai par la

suite que sur ses terres d'Algérie, elle conduit elle-même aux champs son tracteur agricole. Un authentique garçon manqué, au demeurant la meilleure fille du monde. Dommage que la première impression ait été plutôt défavorable. Pendant ce temps, j'ai découvert dans le carré des officiers subalternes un vieux numéro de L'Illustration, daté du 1er juillet 1939, dont la couverture représente l'lndifférent de Watteau. Effectivement, il m'est bien indifférent, ce jeune écervelé qui, d'un air absent, fait admirer son costume en esquissant un pas de menuet. L'Indifférent, la Finette...., ces oeuvres de Watteau me font penser à quelques vers lus ja-dis dans Les Fêtes galantes de Paul Verlaine :

Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Il paraît que si tout marche comme jusqu'à présent, nous arri-

verons demain matin à Na-ples. Naples, c'est déjà un peu l'Europe. Mais les Alliés sont encore loin d'être à Rome, elle-même si éloignée de Paris. Il est vrai qu'il y a un an, ils n'étaient pas à Tripoli (de Libye). Et le croiseur continue de tra-cer sa route, laissant derrière lui un sillage plus ou moins sinusoïdal. Officiers subalternes du Duguay-Drouin

Nous avons débarqué le mercredi 19 après le déjeuner. Naples a sérieusement souffert de la guerre: dômes éven-trés, maisons soufflées, quais en ruines, installations por-tuaires, démolis par les bombardements américains, un triomphe de leur procédé très peu sélectif du "tapis de bom-bes". Mais les bulldozers ont déblayé les décombres pour dégager de vastes espaces permettant la réception des matériels débarqués avant leur acheminement vers les unités ou les entrepôts de stockage. Notre premier contact avec la terre italienne consiste en une marche assez fatigante jusqu'à Bagnoli, une agglomération à quelques kilomètres à l'ouest de Naples. Je me souviens d'une route qui, au début, empruntait un assez long tun-nel routier. La 1ère Batterie regroupée marchait d'un bon pas, car chacun n'avait pour toute charge que son sac de combat. J'ai pris en plus du mien celui de notre fourrier Emile Cabaret qui, après la fatigue d'un voyage inconfortable, se payait une bonne crise de paludisme.

A Bagnoli, on nous a logés dans le lycée Ciano, lui aussi pas-sablement éprouvé par les bombardements: les bâtiments qui nous sont dévolus n'ont ni eau ni électricité; carrelage très froid; des rats....Mais recrus de fatigue par notre mar-che, nous dormons très bien. Mais quel était le prénom du comte Ciano ? Mon carnet bleu a inscrit à l'époque Constanzo, le journal de marche de mon camarade Jean Charbonnel mentionne Stefano et les dictionnaires (Larousse et Robert) indiquent Galeazzo.

Depuis notre arrivée le 19 janvier, nous restons un minimum d'officiers à Bagnoli, entre autres Chenic pour la BHR, Co-merre pour la Batterie d'EM du 1er Groupe et moi pour la 1ère Batterie. Notre Chef de Corps, dans sa sollicitude, a obtenu des billets de logement pour la plupart de ses officiers dans un petit hôtel de Naples. Jeudi 20 janvier. Le Capitaine Robin m'a laissé descendre à Na-ples aujourd'hui. Mon impression première s'est confirmée. Il règne dans le pays une très grande misère. Les visages sont pâles, les mines cireuses, les joues creusées et les yeux semblent dé-mesurément agrandis par le cerne qui les entoure. Une expression de fatigue, de lassitude, de tristesse émane de tous ces gens que hante le spectre de la faim. Ils n'ont sans doute jamais bien mangé, mais les restrictions de la guerre n'ont pas amélioré leur régime. En ajoutant à cela qu'ils n'ont jamais été finement propres (la crasse napolitaine est quasi légendaire) on voit d'ici la triste humanité que cela fait. Cela n'est pas réjouissant, bien que je n'éprouve guère de pitié pour un peuple qui, voilà trois ans et demi, se hâtait si allègrement de poignarder la France dans le dos. Mais je ne peux m'empêcher de penser que le même spectacle de gens amoindris et dévitalisés nous attendra peut-être à notre retour en France. Vendredi 21 janvier. Je reviens à ma visite d'hier à Naples, et dois à la vérité de dire que ma visite s'est limitée à arpen-ter dans les deux sens la via Roma. Mon jugement d'hier s'appuie donc probablement sur une généralisation hâtive et mériterait sans doute d'être révisé.

Bagnoli

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Ceci posé, la via Roma est une artère extraordinairement animée; c'est pire que la rue de la République à Lyon ou le boulevard des Italiens à Paris un dimanche après-midi : un grouillement ininterrompu de gens, un mouvement brow-nien d'individus. Il y a longtemps que je n'avais pas vu une telle concentration de civils. Les militaires paraissaient presque perdus dans l'ensemble. Il convient aussi de dire que Naples est actuellement consignée à de nombreuses unités par crainte du typhus. Les boutiques sont relativement garnies, mais seulement avec de la camelote; tout y est tape-à-l'œil, chiqué, fabriqué en série. A mon retour à Bagnoli, j'ai appris qu'il était fortement question que nous déménagions vers un cantonnement plus sympathique situé au nord de Naples. Le déplace-ment devrait probablement se faire dimanche (décidément c'est toujours le dimanche que nous effec-tuons nos mouvements). Le Capitaine Robin est parti avec les autres commandants d'unité faire la reconnaissance le matin. Une fois la nuit tombée, j'ai regardé avec mes jumelles depuis Bagnoli l'éruption du Vésuve, qui s'est réveillé depuis quel-que temps : de façon intermittente apparaît sur un fond de ciel bleu noir une sorte d'efflorescence lumineuse rouge orangée, qui dure quelques instants, puis s'éteint. La pé-riodicité du phénomène est de quelques minutes. Mais le jour on ne distingue rien, car le sommet reste environné de fumées.... Samedi 22 janvier. Visite du Capitaine Robin qui me pro-pose très gentiment de me faire remplacer par l'Aspi (Fonteix) lundi pour me permettre de descendre à Naples. Il m'a dit que les bruits de déménagement avaient perdu de leur consistance et que la date en était momentanément différée. Nous avons discuté pour mettre au point un certain nombre de questions d'artillerie, puis il a repris son train. Les journées à Bagnoli s'écoulent, sans activités, sans dis-tractions. Nous avons eu une fois une séance récréative américaine, genre "Théâtre aux Armées", dans la grande salle des fêtes du lycée. Mais comme tout était dit ou chanté en américain, je n'y ai guère trouvé d'intérêt. Que n'ai-je fait de l'anglais, plutôt que du grec ancien ! Force m'est donc de chercher refuge dans la lecture.

J'ai lu hier un amusant bouquin de Maurice Bedel, Jérôme. 60° de latitude Nord. Ce sont les aventures d'un jeune au-teur dramatique français qui fait un séjour en Norvège. Bien entendu, il tombe amoureux d'une jeune fille du pays. Mais il est déçu de ne trouver en elle rien qui rappelle la Norvège des romantiques et d'Ibsen. Il a affaire à une fille très prag-matique et peu soucieuse d'abstractions. Ils se fiancent pour-tant; mais Jérôme choque la jeune fille par la façon dont il conçoit les fiançailles : celle-ci les regarde en effet comme une période d'essai préliminaire au mariage destinée à s'assurer que les deux futurs conjoints sont en parfait ac-cord dans tous les domaines. Le Français qui envisage les choses de manière plus romanesque et plus délicate finit par se trouver dans l'obligation de rompre les fiançailles. Le livre se termine au moment où il commence une aventure avec une autre Norvégienne qui, elle, a vécu en France et qui manifeste un tout autre genre de compréhension de no-tre pays. Il paraît que les Norvégiens n'ont pas du tout apprécié le livre ni l'auteur. Samedi 29 janvier. Visite des ruines de Pompéi avec Gui-chard, mon homologue de la 2e Batterie. Ces ruines valent la peine d'être visitées et représentent un ensemble assez impressionnant et tout n'est pas encore dégagé ! J'ai été sur-pris par la fraîcheur des fresques de certaines villas (celle des Mystères en particulier). Mais l'étendue du site oblige à un parcours rapide qui ne permet guère de s'attarder aux détails. A midi nous avons déjeuné médiocrement dans un restaurant du voisinage, qui servait un "quarto polio arros-to" étique, sans doute aussi famélique de son vivant que les habitants de la capitale campanienne. Mardi 1er février. Un certain nombre d'événements la se-maine passée, et pas très agréables pour la plupart. Une poussée de mauvais esprit dans la Batterie et pour moi, l'impression de me sentir tout à coup effroyablement seul en face de tous ces mauvais instincts réveillés par les harangues d'une brebis galeuse. Tout cela est causé par l'inaction, la médiocrité de la nourriture et peut-être aussi le fait de savoir que les officiers, sauf quelques sacrifiés res-tés à Bagnoli, se la coulent douce à Naples. J'ai eu une algarade sérieuse avec Stéphane, un canonnier-pointeur de la Batterie et il a fallu que quelques sous-officiers inter-viennent pour nous séparer. Pourtant ce n'est pas lui la prin-cipale brebis galeuse.... Quand il en sera informé, Robin reviendra plus souvent et après deux jours d'effervescence, les choses rentreront dans l'ordre. Comme notre montée en ligne semble renvoyée aux calen-des grecques, le Régiment finit par accorder à la troupe des permissions pour Naples et chaque jour un certain effectif de chaque batterie descend par le train pour se re-tremper dans la vie urbaine et en côtoyer les tentations. Mon fidèle planton Tiampona a été désigné à son tour et est venu me prévenir avec son bon sourire. Connaissant mon bon-homme, j'ai jugé utile de lui faire la recommandation de cir-constance : "Attention, Tiampona ! Il ne faudra pas baiser; sinon tu vas attraper la chaude-pisse" - "Non, non, mon Lieutenant". Le soir, il repasse me voir, plus hilare que jamais. "Alors Tiampona ! Tu as l'air bien content; t'as pas baisé, j'espère ?" - " Ah si, mon Lieutenant Mais une seule fois, et vite !" Jeudi 3 février. Il paraît que nous allons quitter l'Area I (nom du collège Ciano à Bagnoli) et que nous serons peut-être enfin engagés. WACs à Bagnoli

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Cette campagne débute de façon lamentable, couverturale comme nous disions à l'X. Cette fois la couverture est le fait du Colonel Le Masle qui commande la base française 901 de Naples. Cela s'est passé dimanche dernier. Le dimanche, les prisonniers italiens ne travaillent pas; les Américains ont admis le principe du repos hebdomadaire pour ces vaincus. Par conséquent, pour permettre le dé-chargement des Liberty Ships, les Américains ont réquisitionné des militaires français. Et au lieu d'aller au théâtre San Carlo avec l'Aspi Jousselin, j'ai passé mon après-midi au port avec mon détachement. De peur sans doute que le travail soit mal fait, la base 901 avait exigé un encadrement ahuris-sant : un officier et trois sous-officiers pour dix hommes. Les gars de ma Batterie ont chargé des caisses de munitions sur des GMC avec une promptitude qui a laissé les Améri-cains pantois : ils n'étaient pas habitués à de tels rende-ments avec leurs prisonniers italiens ! Mais quelle misère de penser que les Américains nous consi-dèrent moins que des Italiens.

Vendredi 4 février. Aujourd'hui, nous avons quitté Bagno-li, sans regrets, vers 6h30 du matin, pour aller cantonner à Caivano. J'ai fait la route à pied avec l'Aspi Fonteix. Le Capitaine Robin est parti avec un détachement précur-seur auto pour reconnaître les lieux. Quant à Binait, il est res-té toute la journée au port, pour surveiller le déchargement du Liberty Ship qui a transporté notre matériel. Cela a représenté une étape d'environ 25 bornes, sac au dos. Les souliers et les caleçons américains ont chacun commis la part de méfaits que l'on pouvait attendre d'eux. Pieds meurtris et cuisses enflammées ne se comptaient plus en arrivant au terme de la balade. Mahuet en particu-lier avait les pieds en pitoyable état, de même que cer-tains Malgaches. Nous logeons dans un moulin. Pour y pénétrer, il a fallu la pince-monseigneur ! Car ces salopards d'Italiens s'étaient terrés à l'intérieur et faisaient les morts. Il paraît que du temps de l'occupation allemande, ils ont voulu agir de même; mais les Fritz, sans mollir, ont balancé par dessus les murs quelques grenades dans la cour, ce qui a immé-diatement rendu les habitants beaucoup plus hospitaliers. Cette race napolitaine, une race de canailles ! Hier, avant notre départ, notre vaguemestre du Groupe, Oreste Simonetti, m'a apporté une lettre de mon cama-rade de Promo de l'X, Paul Brindeau. Paul est actuelle-ment lieutenant dans le génie de la 2e Division d'Infanterie Marocaine, elle aussi engagée en Italie. Il a déjà été blessé, comme me l'a appris une lettre de sa femme, reçue la se-maine dernière. Je suis le parrain de leur fils Marc, né à Fez l'an dernier, que j'ai tenu sur les fonts baptismaux le jour des Rameaux 1943. Pour en revenir à la lettre de Paul, (un griffonnage au crayon, à peine lisible) elle m'apprend qu'il a acquis une méfiance d'Indien Sioux à l'égard des Allemands, à qui il doit déjà, depuis son entrée en campagne, une blessure par minenwerfer. Après quelques informations sur lui-même, il y ajoute ses vœux qui rejoignent dans leur esprit ceux que j'ai

déjà reçus d'autres personnes : l'Aspi Alfonsi (IVe Groupe), le Capitaine Epherre (IVe Groupe), Madame Ri-chard (connue à la paroisse d'Oujda). Vendredi 18 février. Voilà bien du temps passé sans écrire de notes. Rassemblons un peu nos souvenirs. Nous sommes restés à Caivano les samedi 5, dimanche 6, lundi 7 et mardi 8. Il a fallu mettre au point un certain nom-bre de détails. Nos pièces nous ont enfin rejoints et sont rassemblées dans de grands champs bordés d'arbres. Le sol est mou. Si le temps ne change pas, ce sera la corrida pour sortir de là. Le samedi 5 février, Robin a participé à une première reconnaissance de nos futures positions. Il paraît que ce n'était pas sérieux pour un sou : après avoir fait tant d'histoires au Ram-Ram ou à Martimprey du Kiss sur la nécessité de se camoufler au cours des reconnaissan-ces, notre Chef de Corps entouré de son "goum" de la BHR et des reconnaissances des deux groupes, s'est en-gagé sur la route d'Acquafondata à San Elia, a passé la ligne de crête en pleine vue d'un énorme piton qui domine tout le paysage et qui est encore aux mains des Alle-mands (le Cairo) et a fait un tour d'horizon devant un auditoire sidéré par une telle méconnaissance du danger. Les reconnaissances lourdes se sont ébranlées le lun-di 7 février au matin. Je suis resté seul avec un tas de questions à régler, que j'ai plus ou moins menées à bien. En particulier une histoire d'équilibreurs à réparer qui nous a fait suer sang et eau, au Capitaine Lecourtois et à moi : pour obtenir les bouteilles d'azote nécessaires, nous avons dû nous adresser à la maintenance américaine. L'officier américain qui est venu nous a donné des tas d'explications auxquelles je n'ai compris goutte (comme à Bagnoli l'autre jour, je regrette de plus en plus de n'avoir pas étudié l'anglais plutôt que le grec ancien). Finalement nos équilibreurs ont été regonflés. Le soir, nous avons re-çu l'ordre de départ pour Acquafondata, ou mieux pour Ve-nafro. Le mardi 8, nous sommes partis à l'aube pour ce village où est installé le PC du Corps Expéditionnaire Français. Contrairement à mes craintes, les pièces et les véhicules ne se sont pas enlisés et nous avons réussi à quitter le champ sans difficultés. Pilotés par le Capitaine Lecourtois (l'adjoint de notre comman-dant de groupe), nous avons fait la route sans trop de problè-mes, par A versa, Santa-Maria di Capua Vetere (où s'élève une église à dôme, curieuse sinon jolie). Puis Lecourtois nous a fait prendre une route invraisemblable vers Mignano. Finalement nous avons quand même abouti à Venairo. A la 1ère Batterie, le char M4 a failli faire une bonne action : on avait chargé sur le toit l'inénarrable caisse topo française, que le Commandant Joubert s'est entêté à faire conserver dans toutes les batteries. Mais cette caisse en bois avait été arrimée trop près du pot d'échappement du M4 et vers Mignano elle a commencé à cramer. Le Margis Pavie s'en est aperçu à temps et Gamba (le conducteur du M4) a réussi à éteindre facilement ce début d'incendie. Nous nous sommes installés sous les oliviers, juste avant Venafro. Nous avons mangé nos rations C et avons fait un petit tour dans le bled : village de montagne assez crasseux.

La montée vers les combats

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Le Cairo et ses environs

Le pays semble peu fertile. Nous nous appuyons à une mon-tagne. Tout en haut on aperçoit un calvaire : deux petits bouts de fils qui se détachent sur le fond bleu du ciel. Il y a eu une alerte aérienne : des chasseurs allemands sont venus faire une incursion, mais ils ont été accueillis par un feu nourri de DCA. L'après-midi du 9, je reçois l'ordre de conduire les trois pièces directrices du Groupe jusqu'à Acquafondata : elles doivent être mises en position dès ce soir, être "accrochées" immédiatement, puis commencer le travail. La batterie de GPF des Canonniers-Marins monte égale-ment; elle est devant nous. Je pars avec la jeep de Rakotozafy. C'est moi qui conduis. Presque au départ, nous sommes arrêtés par un accident stupide : un GPF devant moi a été mal verrouillé à sa posi-tion de route et les marins doivent s'escrimer plus de vingt mi-nutes pour le ramener à sa position correcte. Nous montons ensuite par une route (?!) invraisemblable, qui très souvent ne permet pas le passage de deux véhicules de front Cer-tains virages sont si aigus et si montants qu'il faut faire des "manœuvres de corps d'armée" pour que les tracteurs et leurs canons réussissent à passer. Nous arrivons seulement vers 17hOO dans la cuvette d'Ac-quafondata. C'est une mer de boue de part et d'autre de la route. Laissant ma colonne au point à ne pas dépasser, je file jusqu'au village curieusement perché sur son rocher. Après quelques recherches, je tombe sur le Capitaine Lejeune qui me reçoit, un peu surpris de me voir là. Les reconnaissan-ces du 1er Groupe sont quelque part, à l'ouest dans la na-ture. Il me précise que des ordres ultérieurs seront donnés aux chefs de pièces, qu'ils peuvent les attendre sur place, et que pour ma part, je peux redescendre à Venafro. Je quitte la cuvette d'Acquafondata, à la nuit tombante, peu enchanté par ce que je viens de voir, après avoir en passant transmis les consignes reçues aux chefs de voiture de ma colonne. La circulation sur la route au retour est devenue plus intense que l'après-midi. Beaucoup de convois qui montent. Il faut faire la queue dans les endroits à passage unique alter-né. Le plus pénible, c'est qu'il faut rouler avec les "yeux de

chat". Je n'y vois presque rien dans le noir. J'allume malgré tout mon phare de brouillard. A mi-chemin environ, je me trouve nez à nez avec un Diamond de 4 tonnes. Je me range au maximum possible à droite (et je n'ai pas beaucoup de place, sinon je bascule dans le ravin). La brute qui monte passe contre moi. J'entends un bruit de tôles et quelque chose qui tombe à terre. Mais pas moyen d'arrêter pour aller voir. D'ailleurs la jeep ne refuse pas de rouler. Donc rien de très grave... Je rentre au bivouac, éreinté par la tension d'esprit : je me suis fait arracher mon support d'antenne par le gros Diamond. Je prends bonne note et me promets bien de le faire remonter non plus latéralement, mais par der-rière. Après avoir en vitesse mangé un morceau, je vais me coucher. Pendant la nuit nous sommes réveillés par une pluie dilu-vienne. Le brave Tiampona qui a monté ma guitoune au pied d'un olivier n'a pas eu une inspiration très heureuse : les racines de l'arbre collectent toute la flotte ruisselant sur le tronc et je me vois contraint d'aller sous les trombes d'eau m'installer ailleurs.

Le lendemain matin, jeudi 10 février, nous montons tous à Acquafondata. Nous arrivons dans un marécage de boue glacée (la pluie de la nuit n'a rien arrangé), et nous perdons beaucoup de temps : depuis le temps que ça dure, on n'a pas encore réussi à trouver de position pour les trois batte-ries du Groupe. Le Commandant Joubert semble avoir eu une idée trop simplifiée du problème; au pied d'Acquafondata, il a désigné d'un geste large à ses commandants de batterie la vallée qui s'étend vers l'ouest, en leur disant: "Cherchez-moi une position par là", du ton de l'Autre qui disait: "Ici, je gagnerai une bataille". Résultat, ca vasouille On a commencé à installer la 1ère pièce au prix d'un travail de titans. Et puis il y a eu changement de programme, parce que les batteries de 4"5 américaines qui devaient nous cé-der la place ne partaient plus. En conséquence notre 1ère pièce est prêtée à la 3e Batterie, qui en échange nous cède la sienne ! Cela promet bien du plaisir quand on rééchan-gera les matériels. Comme par hasard, c'est à Renoux qu'échoit la meilleure position. Maillols et Robin doivent s'accommoder de ce qui reste : Maillols une cuvette pleine de boue et Robin une zone infâme, aussi boueuse sinon plus.

Acquafondata

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Nous avons commencé notre mise en batterie le lende-main de notre arrivée à Acquafondata, au milieu d'une fu-rieuse tempête de neige. Les 1ère, 2e et 4e pièces se sont installées sans trop de peine; Mais il a fallu près de trente heu-res pour mettre la 3e en position. Le Margis Bollon et son équipe étaient complètement crevés. Nous avons eu à un moment trois chars M4 sur la position; le Mack de la 1ère pièce s'est enlisé. Les uns après les autres les chars ont cas-sé leurs clavettes de treuils. Gamba et son aide Athonady ont eux aussi trimé comme des Russes, Heureusement le M4 de la CR (espoir suprême et suprême pensée) a sauvé la situa-

tion : sa clavette n'a pas cassé ! Binart a été complètement survolté : dans l'après-midi où s'est décidée l'implantation définitive, il a accompagné Robin dans sa reconnaissance. Il est revenu à pied (pas question d'utiliser les jeeps), dans la tempête de neige, pour me cher-cher ainsi que notre brigadier téléphoniste Schausi. Il nous a emmenés d'un train d'enfer jusqu'à la position pour que nous commencions à prendre nos dispositions, moi pour l'installa-tion du PC de batterie, et Schausi pour celle de ses trans-missions. Notre installation est schématisée par ce croquis

Ce même soir, la tempête ayant enfin cessé, le Commandant Joubert a voulu faire contrôler le travail d'orienteur du Capi-taine Perrin par les batteries et je me suis payé le plus époustouflant cheminement par visées directes et inver-ses de ma vie, aidé par Gelormini, notre brigadier de tir. Tout cela s'est fait dans la neige et la boue au crépuscule, et les lampes torches américaines nous ont rendu de fameux services pour les dernières visées. Finalement mon point de batterie corroborait bien celui qu'avait établi Perrin. Le samedi 12 février, nous avons commencé à tirer : des réglages SOM parfaitement stupides, et de nuit par dessus le marché. Cela s'est terminé, paraît-il, par une prise de bec entre Joubert et Missonier. Joubert a râlé en alléguant qu'il était absurde d'annoncer ainsi notre arrivée au SRA des Fritz, Bref après un cafouillage de trois quarts d'heure, on a cessé le feu. Mais ces messieurs de la BHR sont heureux de pouvoir jouer à la petite guerre dans leurs maisons d'Acquafondata. Le mardi 15, nous avons tiré toute la journée. Notre activi-té s'est considérablement ralentie le mercredi et le jeudi. Le vendredi nous n'avons pas du tout tiré. Je suis monté un matin sur la montagne au pied de laquelle nous sommes installés. Assez vite j'ai vu se dresser, au-delà du col qui, à l'ouest, défile la Batterie aux vues enne-mies un piton conique énorme et neigeux : c'est le Cairo qui est encore aux Boches. Montant toujours plus haut, je n'ai pas réussi à voir le Mont Cassin, qui m'était caché par d'au-tres mouvements de terrain. J'ai trouvé des terriers où avaient vécu des Allemands. J'y ai vu une boîte de mas-que à gaz abandonnée. Il faisait ce matin là un ciel ma-gnifiquement bleu et le sol était entièrement recouvert par la neige. Sur le flanc sud de la montagne, je distinguai à mi-pente des réseaux de fils de fer barbelés, construits par les Fritz pour défendre la position d'Acquafondata. Il paraît que cela a été très dur à prendre. Mais la lutte dans tout ce sec-

teur a usé nos forces et notre élan est venu s'arrêter sur Terelle et sur Cassino. Nous aurions eu une division de plus à cet endroit en janvier, que l'aspect de cette campagne eût probablement beaucoup changé. Samedi 19 février. Il y a quelques jours, le monastère du Mont Cassin a été bombardé par des forteresses volantes et des Mitchells. "C'est bien regrettable", ai-je pensé. "C'est une irréparable catastrophe pour notre civilisation", a renchéri Binait, et cette idée lui étant venue, il s'y est an-cré avec force, selon son habitude. Il est d'ailleurs très cer-tain que cela va faire un beau coup de publicité pour les Bo-ches, dans les pays qu'ils occupent : la barbarie alliée s'acharne sur un inoffensif et historique monastère italien ! Effectivement (mais cela, je le découvrirai longtemps après la fin de la guerre) le Commandement Suprême de la Wehr-macht devait communiquer à la date du 16 février 1944 : "La vénérable abbaye de Cassino qui, comme nous lavons annoncé hier, a été attaquée par l'aviation ennemie, bien qu'il ne s*y trouvât aucun soldat allemand, a été en grande partie détruite et incendiée "... Mardi 29 février. Le temps passe, assez morne. On nous a fait tourner nos pièces de 800 millièmes, histoire de pouvoir tirer sur l'agglomération de Cassino (à vrai dire nous sommes quasiment à limite de portée). Le Commandant Joubert est venu lui-même voir les équipes de pièces au travail; l'opération a été moins pénible que nous le craignions. Il paraît que c'était pour une nouvelle attaque. Nous avons préparé un pro-gramme de tirs sensationnel.… et la pluie est venue : une fois de plus, le mauvais temps a contrarié les opérations. Mon foie a des ratés de fonctionnement en ce moment et mon humeur s'en ressent; un vrai début de carême. Je ne reçois pas de courrier, en particulier pas de message Croix-Rouge en provenance de France.

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Je n'ai reçu qu'un mot, hier, du Capitaine Quinart que j'avais connu en 1940 à Saint-Flour, après l'armistice. Il a eu en fin 42 un quatrième enfant. J'ai récupéré quelque part ces huit vers très philosophiques, déli-cieux de simplicité, de candeur, de justesse :

Quand il y a du pain, II n'y a pas de miel Quand il y a du miel

II n'y a pas de pain, Symbole éternel De tout et de rien

Nous n'aurons qu'au ciel Du miel sur du pain,

Vendredi 3 mars. On parle de plus en plus dans le Groupe du remplacement du Commandant Joubert par un certain Commandant Guillard qui vient de l'Etat-Major du Général Juin. Reçu avant-hier une lettre de Paul Brindeau, qui vit dans le dur et s'occupe de quantité de choses qui l'obligent à se pro-mener à droite et à gauche. Quel veinard ! S'il était le pauvre diable de lieutenant de tir que je suis, avec l'ingrate tâche de jouer la demoiselle du téléphone à longueur de journée, il trouverait sans doute la vie moins intéressante. Il y a eu alerte dans le secteur : le Général Giraud devait venir voir les batteries. Bien entendu, il n'a pas dépassé la popote du Colonel. Même la perspective d'une balade en M4 dans notre bourbier n'a pu le décider à s'arracher aux délices d'Acquafonda-ta, II y a eu quelques litres d'eau bénite de cour distribués de part et d'autre, autour de quarts confortablement garnis d'onc-tueux chocolat des USA et les protagonistes de l'entrevue se sont séparés enchantés. Quant à affirmer que notre grand chef est maintenant parfaitement au courant des conditions matérielles dans lesquelles est engagée son artillerie lourde, ce serait peut-être faire preuve de témérité. Lundi 6 mars. Hier je suis allé à la messe avec Fonteix. J'y ai rencontré quelques camarades, mais n'ai pas appris

grand'chose sur la situation générale. J'en suis réduit à avoir des impressions personnelles, ce qui n'est pas sans comporter des risques importants d'erreur. Il me semble que l'ennemi se fait plus hargneux, plus mordant que lors-que nous sommes arrivés. Peut-être, le jour où elle s'y attendra le moins, notre Batterie va-t-elle recevoir quel-ques coups de 150 qui, par l'effet de surprise lui feront beaucoup de mal.Il y a eu alerte dans le secteur : le Général Giraud devait venir voir les batteries. Bien entendu, il n'a pas dépassé la popote du Colonel. Même la perspective d'une ba-lade en M4 dans notre bourbier n'a pu le décider à s'arracher aux délices d'Acquafondata, II y a eu quelques litres d'eau bé-nite de cour distribués de part et d'autre, autour de quarts confortablement garnis d'onctueux chocolat des USA et les prota-gonistes de l'entrevue se sont séparés enchantés. Quant à affir-mer que notre grand chef est maintenant parfaitement au courant des conditions matérielles dans lesquelles est engagée son artillerie lourde, ce serait peut-être faire preuve de témérité. Lundi 6 mars. Hier je suis allé à la messe avec Fonteix. J'y ai rencontré quelques camarades, mais n'ai pas appris grand'chose sur la situation générale. J'en suis réduit à avoir des impressions personnelles, ce qui n'est pas sans comporter des risques importants d'erreur. Il me semble que l'ennemi se fait plus hargneux, plus mordant que lorsque nous sommes arrivés. Peut-être, le jour où elle s'y attendra le moins, notre Batterie va-t-elle recevoir quelques coups de 150 qui, par l'effet de surprise lui feront beaucoup de mal. Le temps est affreux en ce moment Alternance de neige et de pluie. La tente PC où je couche à côté du téléphone est une pomme d'arrosoir. Tout se mouille, vêtements, livres, nour-riture, et mon moral n'est pas toujours élevé et je me rends compte que je ne dois pas être un compagnon très agréable pour mes camarades.... Quand le ciel était moins maussade, j'ai pris quelques photos ces derniers temps et fait quelques croquis. Le Commandant Guillard s'est installé au groupe le 9 mars.

La 1° section de la 1° batterie à Pratalongo

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Thériot, notre Margis de liaison, a envoyé au journal Patrie un petit poème qui a eu les honneurs de l'impression et qui retrace assez bien la vie que nous menons ici.

Bonnes gens qui lisez sur les communiqués Assis dans un fauteuil, près d'un feu de sarments

Que neige, pluie et vent nous ont tous arrêtés, Savez-vous ce qu'ici on nomme mauvais temps

C'est le cloaque noir fait de neige et de boue Où voitures et gens s'enlisent chaque instant;

Pourtant il faut marcher, et sans faire la moue, Dans ce triste décor, mourir en combattant.

C'est aussi nos habits, nos tentes, nos souliers

Crottés et transpercés, parfois même gelés. Le soleil est absent pour sécher ces bourbiers

Marais inconsistants tendus de barbelés

C'est la soupe arrivant toujours froide et sans goût, Le pain de caoutchouc et le pinard glacé,

Qu 'il nous faut avaler, sous la pluie et debout, Sans maudire le sort où nous sommes placés

C'est le soldat transi qui guette l'ennemi, Un chauffeur qui conduit de ses mains engourdies,

L'artilleur envoyant un obus qui gémit, Enfin....c'est un Français luttant pour sa Patrie.

Lorsque ces cinq quatrains sont tombés sous les yeux du nouveau Commandant et qu'il eut rapidement connu l'unité de leur auteur, il a adressé à Robin de sévères observations, car Thériot aurait obligatoirement dû em-prunter la voie hiérarchique pour adresser son poème au journal du Corps Expéditionnaire Français. Sans commen-taire. Lundi 13 mars. Journée d'évasion : je descends avec une partie de la Batterie aux douches à Pozzili. Ce n'est pas du luxe !

Au cours de ce déplacement, j'ai remarqué que la route d'Acquafondata à Venafro avait été sérieusement amé-liorée, depuis que nous sommes montés au début de février. Bravo pour le Génie. La traversée de Casale est également plus facile.

Vue sur Cassino Les douches se prennent dans un bâtiment d'un monas-tère déserté par ses moines. Quel bien-être que ce la-vage intégral ! Quel plaisir ensuite d'aller traîner dans les rues de Venafro, de s'y faire couper les cheveux, de revoir des maisons, des enfants, des femmes. Par ici, les Italiennes sont de forte race campagnarde. Elles ont gardé la coutume de porter leurs fardeaux sur la tête, ce qui leur donne un port de reines. J'en ai dessiné une qui déambulait avec une marmite de cuivre rouge, qui était très couleur locale. Ce spectacle quotidien a inspiré à un officier du CEF, mon ancien de l'X (promo 36) Robert Maumejean, les vers suivants :

La ruelle, entre deux bâtisses presqu'en ruine S'enfonce et se perd

Sous un long trait de ciel empanaché de bruine Et de vent d'hiver.

Là vont , tenant bien droit leur haute silhouette, Les porteuses d'eau,

Dont le vase de cuivre oscille sur la tête, Coiffure et fardeau,

Elles ont le grand air des matrones antiques,

Leur port souverain, Leur démarche divine aux longs pas élastiques,

Leur regard serein,

Et le lointain écho de l'ardente bataille, Qui tombe de haut,

Ne les empêche pas de balancer leur taille Pour porter leur seau.

J'ai déjeuné à la popote des sections avions avec le Com-mandant Joubert Puis dans le cours de l'après-midi, nous sommes remontés vers notre boue. Pour la première fois, j'ai mesuré la différence entre la vie de ceux de l'arrière et celle des autres....

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Dimanche 19 mars. La semaine qui vient de s'écouler a été très active; j'y reviendrai plus loin.

Il est 22h30. Mon poêle marche bon train et mes guêtres seront sèches demain,....pour la prochaine pluie.

Les douches à Pozzili

Piper-club à Pozzili

Les gros canons américains qui sont dans la cuvette de Viticuso derrière nous tonnent toujours (ce doit être du 203 ou du 240). Les obus passent au-dessus de nous avec un bruit sourd qui se répercute en roulements interminables dans notre couloir de la Fornella Pratolungo. Nous les avons surnommés les "wagons". Sur l'ouest, grande pétarade vers Cassino.

La 2° pièce de la 1° batterie

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Hier, samedi 18, je suis allé faire un tour à la BHR qui gîte dans le "nid d'aigle" d'Acquafondata. Tout le monde là-bas vit princièrement, je veux dire sous un vrai toit. Cela donne à ces messieurs de 1*EM du Régiment une certaine manière optimiste et "grand seigneur" de juger des choses de la guerre. Le Capitaine Chenic se dépense infatigablement au ser-vice du Colonel Missonier. Le Sous-Lieutenant Cervoni, émi-nence grise pleine d'onction archiépiscopale, chanoine laïc pansu en kaki, fait la pluie et le beau temps dans les affaires de personnel. Je me garderai bien de médire de lui, puis-que c'est grâce à lui que je suis venu en Italie, alors que je devrais normalement être encore à Oujda au FVe Groupe. Le Capitaine Gaillard, grand maître des observateurs du Groupement est très sympa; le Capitaine Rouy, patron des transmissions est toujours aussi excité et a toujours un coup terrible inédit à raconter. Un nouveau, le Comman-dant Deslions, paraît également très sympa; c'est lui qui est maintenant l'officier S2 en remplacement de Le-jeune qui a réussi à revenir à sa chère 6e Batterie, après le départ du Capitaine Perrachon pour l'EM du Gé-

néral Chaillet; (j'ai connu Perrachon, un X promo 30, lors de mon stage d'artillerie américaine à Port-Lyautey au début de 1943). J'ai été très gentiment retenu à déjeuner. Le repas est bien mieux présenté que dans nos rustiques popotes de batteries. Ici, la popote est installée dans une manière de salle basse, genre auberge de campagne, avec un bon feu dans la cheminée. Au menu : hors d'oeuvre améri-cains, plat de résistance américain, "pocessed cheese with bacon" américain, pain, pinard et café français. Après le déjeuner, je suis allé jusqu'au PCT du 1er Groupe; j'ai vu quelques instants Charbonnel et son équipe qui travaillent dans un inénarrable gourbi en pierail-les adossé aux rochers à flanc de colline. Puis je suis monté sur les hauteurs qui dominent à l'ouest la Batterie d'EM du 1er Groupe. Vu au passage les débris d'un avion descendu il y a quelques mois. En haut de la col-line, j'ai pu contempler à la jumelle la bataille vers le Mont Cassin et j'en ai fait un croquis. Ensuite je suis redescendu à la 1ère Batterie vers 16hOO reprendre ma place auprès des téléphones.

Acquafondata

Cassino vu à la jumelle semble un enfer; c'est un embra-sement continuel. Des éclatements de fumigènes dans tous les coins, des fusées qui se vrillent dans l'air et sur le tout un brouillard jaune sale qui plane lourdement, d'heure en heure plus épais. Je plains les gars qui se battent là-bas. Notre posi-

tion de batterie est paradisiaque à côté du combat des biffins en première ligne, et pourtant qu'elle est minable à côté du confort de ces messieurs de la BHR ! Au fond ceux-ci ne sauront jamais exactement ce que c'est que la guerre..., nous non plus, sans doute, artilleurs à longue portée.

Le monastère de Cassino

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Mercredi 22 mars. La semaine dernière, donc, une atta-que s'est déclenchée contre Cassino, principalement me-née par des Néo-Zélandais. Nous avons tiré énormément pour faire taire les batteries allemandes et celles-ci sont res-tées relativement silencieuses. Cela a été éreintant pour no-tre personnel et notre matériel. J'ai débité une quantité phé-noménale de cartons de chef de pièce, avec un programme de tirs à l'horaire extrêmement serré. Dans la matinée du mercredi 15 mars, il y a eu un bom-bardement massif de Cassino par des centaines de Forte-resses Volantes et de Liberators, suivi d'une violente prépa-ration d'artillerie. Quand les canons se sont tus, les gens qui devaient démarrer l'attaque d'infanterie ont avec pré-caution envoyé des patrouilles d'Indiens inspecter la ville et ses abords. Celles-ci sont revenues disant que tout était vide. Alors, plus d'une heure après la fin des bombarde-ments, nos prudents alliés sont partis à l'attaque. Mais les Boches qui étaient ressortis de leurs trous n'ont eu aucune peine à stopper les velléités offensives des Néo-Zélandais. De plus le bombardement aérien a été partiellement lou-pé : toute une escadre d'avions qui arrivait directement du Caire, sans étude sérieuse de la région, a tout simplement confondu la boucle du Volturno à Venafro et celle du Rapido à Cassino et a abondamment arrosé les PC des généraux anglais et français. D'autres avions ont largué leur charge-ment dans la nature autour de Cassino et pas mal abîmé certains bataillons d'infanterie qui attendaient sur leur base de départ, ce qui a évidemment un peu cassé l'élan de ceux qui n'avaient pas été atteints par les bombes amies. En définitive, l'opération s'est effectuée à beaucoup plus de frais qu'il n'en eût fallu normalement consentir et n'a pas don-né le résultat essentiel qu'on en attendait : la prise du Mont Cassin. Ce jour là, nous avons observé depuis notre batterie un phé-nomène physique assez curieux : les vibrations engen-drées par le bombardement ont donné naissance dans l'atmosphère à des ondes sphériques qui se sont traduites dans le ciel par une série de cercles concentriques qui se déplaçaient en s'éloignant de leur centre, celui-ci nous apparaissant dans la direction du point de chute des bombes. Ce sont les téléphonistes de Schausi qui s'en sont aperçus les premiers et qui m'ont prévenu : "Mon Lieutenant! Ve-nez voir. C'est-y le rayon de la mort ?" Je les ai rassurés en leur répondant que les bombes en éclatant avaient fait des ronds dans l'air, comme une pierre fait des ronds dans l'eau. Depuis que l'attaque sur Cassino a été déclenchée et que le principal objectif a été manqué, il se poursuit une série d'ac-tions secondaires qui seront sans doute qualifiées dans les communiqués d'améliorations ou de consolidations de posi-tions. Nombre de bonnes histoires circulent, comme par exemple la suivante qui fait le pendant au bombardement de Venafro par les Américains : A Cassino, l'autre jour, un fort détachement allemand dé-fendait la gare et en interdisait l'approche aux Indiens. Tout à coup surgirent des bombardiers en piqué alle-mands qui fondirent sur la gare, la pilonnèrent avec furie et en massacrèrent les défenseurs. L'orage passé, les trou-pes indiennes pénétrèrent dans la gare, presque l'arme à la bretelle et ne trouvèrent plus qu'une douzaine de Fritz totalement abrutis qui se demandaient encore ce qui venait

de leur arriver. - Se non è vero è bene trovato ! Dans l'après-midi d'aujourd'hui (22 mars) violente réaction allemande. Il paraît que l'ennemi contre-attaque sur Cassino. La route qui passe à présent devant notre front de batterie, le "Belphegor Inferno" est sérieusement visée. Au début de l'après-midi, un avion boche surgit du col et lâche quelques bombes. L'une d'elles éclate à quatre mètres d'une ambu-lance qui venait de s'arrêter. D'autres éclatent sur le versant du Monte Pile en face de nous, une dernière tombe au milieu de la vallée. Nos mitrailleurs vident bande sur bande. D'autres Focke Wulf passent C'est la première fois depuis que nous sommes dans le secteur que nous assistons à une pa-reille activité aérienne. Nous avons vu toucher deux avions et un troisième s'écra-ser en flammes sur la Monna Acquafondata : cela brûle très vite un Focke Wulf; en quinze secondes il y en a pour quel-ques millions dissipés en fumée. Celui-là avait été accueilli par un feu nourri de DCA au-dessus de la cuvette d''Acquafondata. Je le suivais dans mes jumelles. Au milieu de la vallée, j'ai net-tement vu un morceau de l'appareil se détacher. L'avion a eu encore un sursaut, ultime effort du pilote pour éviter de percuter dans la montagne. Le choc s'est produit, et s'est traduit par une traînée de flammes de 150 mètres de lon-gueur qui remontait la pente. Et puis il n'est plus resté qu'un petit tas de ferrailles, d'où sortaient quelques flammes et qui devait être ce qui restait du moteur. L'artillerie allemande a été assez active. La route Belphegor Inferno est actuellement l'objet d'une sollicitude désagréable de la part des gens d'en face. La 3e Batterie a même reçu des coups longs et un dépôt de gargousses a été incendié. A la Batterie nous nous sommes fait du mauvais sang, car à cette heure-là, Robin était parti au PC du groupe pour essayer d'en savoir plus sur toute cette excitation. Nous l'avons vu heureusement revenir sans mal, mais co-pieusement crotté par les quelques "plats ventres" qu'il avait jugé prudent de faire en cours de route. Un peu plus tard on nous a apporté des éclats tombés sur la tente de Cabaret notre fourrier. Après diverses mesures, Robin et moi avons estimé que ce pouvait être du 170, un bon calibre de contre batterie lointaine ! L'ennui de ces obus, c'est qu'on ne les en-tend pas venir : on voit une explosion, de la fumée, suivies au bout d'un instant d'un sifflement décroissant et d'un dé-chirement brusque. Quand le projectile tombe assez près, cela fait un craquement assez affreux. Je n'avais rien connu de comparable en 1940, et les 105 que j'avais entendu tomber, en particulier à St-Germain près de Troyes le 15 juin 1940, faisaient beaucoup moins de bruit. Dimanche 26 mars. Notre nouveau Commandant de Groupe a donc enfin pris son commandement,.... mainte-nant que le plus dur de la mauvaise saison est passé. Il apporte au Groupe un esprit qui semble n'avoir gardé que les défauts (il y en a quand même quelques-uns ï) de la for-mation saint-cyrienne, exacerbés par ceux de la formation Ecole de Guerre. Il est très "service" et selon l'expression consacrée, "il rigole toutes les fois qu'il se brûle". Il a fait un matin la tournée des batteries, il est arrivé vers 8h30 à la 1ère Batterie au moment où je dépouillais un sondage amé-ricain et où par malheur traînaient encore sur la table des li-vres de philo lus la veille au soir.

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Il est rentré au Groupe scandalisé, clamant partout qu'à la 1ère Batterie le Lieutenant de tir était en pantoufles (ce qui était faux) et faisait des mathématiques (ce qui était inexact) et que les chefs de section faisaient de la philosophie (ce qui était grossièrement erroné). Avec cela la 1ère a eu sa cote toute faite. Et qui, plus est, il y a eu un accrochage entre Bi-nart et lui : Binart avec sa manière, brutale mais correcte, lui a laissé comprendre qu'il raisonnait comme une savate et cela non plus n'a pas eu l'heur de lui plaire. II est revenu quelques jours plus tard déjeuner à notre po-pote. Fonteix s'était très bien débrouillé. Le repas a rapide-ment pris les allures d'une polémique entre Binart et Guil-lard. Joubert également invité, était dans la discussion plutôt contre son successeur. Nous avons eu droit à de savantes dissertations sur le ravitaillement des armées, le ship-ping et la Chine. Et depuis ce jour, quand Binart évoque un problème d'ordre général, il ajoute avec malice : "....seulement voilà î il y a le shipping et la Chine !" Et tout cela pour nous démontrer que le vin viné de l'Intendance ne pouvait être autre que l'infâme pousse-au-crime qu'on nous livre depuis des semaines (nous en avons perçu qui brûlait dans notre poêle avec une petite flamme bleue, comme de l'alcool à brûler). Après son départ, Binart s'est écrié avec vio-lence : "Quel c..., notre nouveau "dahu siffleur" !" Lundi 3 avril. Le 27 mars j'avais eu l'occasion de redes-cendre à Pozzili-Venafro. malheureusement les douches étaient fermées. J'ai de nouveau déjeuné à la popote des aviateurs. Curieuse ambiance dans cette popote, où ne semble pas régner une atmosphère de sympathie totale, Drouin, Lau-nois, Bosch-Fuster, Cochet, autant de personnalités dif-férentes qui paraissent ne se regrouper qu'au mieux de leurs intérêts propres. J'ai revu mon camarade Duchêne (mon ancien de la promo 37 de l'X, connu en 1930 au lycée Charlemagne). Notre entrevue a été brève, car il partait en mission d'observation aérienne.

Le 29 mars,nous avons quitté le secteur d'Acquafondata pour monter en position quelque part entre Galuccio et Mi-gnano. Le dimanche 26, Robin avait accompagné le Comman-dant Guillard dans la reconnaissance préliminaire d'une nouvelle zone de déploiement du Groupe. Le lundi 27, il re-mettait cela avec tous les commandants de batteries (c'était le jour de ma descente à Pozzili). Le soir j'ai vu rentrer mon Robin, toussant comme un malheureux; il s'est cou-ché sans presque dîner. A 22h00, coup de téléphone impé-ratif du Commandant qui exige ses commandants d'unité au bout du fil. Robin se relève et prend un peu plus froid. Ré-sultat : nuit blanche, fièvre de cheval, extinction de voix... Journée du 28 occupée à préparer notre déplacement. Mais Robin terrassé par la grippe devra faire l'étape du 29 dans l'ambulance du Capitaine Depoutre, notre toubib de Groupe. La sortie de batterie se passe sans trop de mal, mis à part une vis d'avant-train cassée à la 1ère pièce. Déplace-ment sans trop d'incidents, mais notre char M4 n'avançait pas à cause d'une fuite de mazout. En arrivant à Rocca-

monfina vers 16h00, corrida invraisemblable : le déta-chement précurseur n'a rien fait, Binart ayant été à son tour terrassé par une crise de "palu". Le jeudi 30 mars, j'ai donc participé à la reconnaissance des positions, en lieu et place du Capitaine, toujours au poste de secours du Groupe. Le soir j'étais obligé de me coucher à mon tour avec plus de 38 de fièvre ! Le lendemain , Robin est sorti de l'infirmerie et nous avons commencé à envoyer du personnel sur la future position, en vue des aménagements préliminaires : alvéoles de pièces, pistes d'accès, abris à personnel. Il est question du 5 avril pour aller nous mettre en batterie. Mardi 4 avril. Chez nous pas grand'chose à signaler. Mais il paraît qu'au Ile Groupe (6e Batterie) une pièce a éclaté, tuant trois hommes et en blessant plusieurs au-tres. Le Capitaine Lejeune a eu immédiatement le bon réflexe et a fait exécuter un tir par les trois autres pièces, ce qui a permis d'éviter toute pagaille sur la position. L'incident se serait produit à la suite d'un long feu, mais ne semble pas en-core complètement éclairci. A l'usage, le matériel américain se révèle de qualité et de résistance médiocres. Qu'importé, il existe, et nous sommes bien forcés de l'utiliser. Le samedi 1er avril, j'ai dîné au 34e Groupe de DCA à Torri-sichi où j'avais eu la surprise de retrouver Barbaron, un an-cien camarade de Taupe à Charlemagne. Jeudi 6 avril. Nous sommes partis hier soir de Roccamonfi-na, J'ai pris avec moi la colonne légère. Le Capitaine Ro-bin s'est réservé la colonne lourde de la batterie. A 3h30 du matin, il est venu me sortir du terrier où j'étais allé me coucher, écrasé de fatigue, et m'a annoncé à ma grande surprise que les pièces étaient déjà sur la position. Pourtant il y avait eu un pont à passer, suivi d'un virage trop court pour nos attelages de Macks + canons. Ce matin travail de mise en direction des pièces. Cet après-midi, calque des possibilités de tir, plan d'implanta-tion de la batterie, cartons de corrections individuelles de pièces m'ont largement occupé. Après dîner, je suis allé visi-ter en voisin Charbonnel, dont le PCT est installé dans une bâtisse en pierres, au milieu d'un champ peu éloigné de no-tre emplacement de batterie. H paraît que le groupe com-mence les accrochages demain. Après avoir un peu bavardé avec lui, je suis revenu à mon terrier et me suis vite couché pour compenser la brièveté de la nuit précédente. Vendredi 7 avril. C'est déjà le Vendredi Saint. Pour que ce carême 1944 soit bien un vrai carême, j'ai eu droit à ma petite mortification, celle de n'être pas désigné pour le stage d'observateur avion; c'est Binart qui va à ma place. Il sem-ble que je sois rivé à cette fonction de Lieutenant de tir comme un forçat à son boulet.… Ce soir les chars Sher-man de nos voisins Néo-Zélandais font beaucoup de bruit. A la batterie, les gens améliorent leurs positions, fignolent leurs abris; les canons s'entourent de merlons pare-éclats, des tranchées se creusent. J'ai travaillé à ma nouvelle plan-chette de tir ce matin. Mais les observateurs du groupe n'ont rien vu à cause de la brume et nous n'avons pas pu tirer.

La position du Priello

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Samedi 8 avril. Aujourd'hui à 10hl5, tir d'accrochage sur un carrefour à 16 km Nord de S. Giorgio de Liri. Le réglage est conduit assez lentement; la visibilité est mauvaise et les fumées des éclatements s'attardent longuement sur l'objectif. Comble de malchance, le Commandant s'est mis dans le circuit. Le reste de la journée s'est écoulé sans rien de notable. Dimanche 9 avril (Pâques), il y a eu messe chantée au PC du groupe (à part deux ou trois petits foirages, c'était assez réussi). Puis en fin de matinée deux tirs de réglage. A midi, nous avions à déjeuner le Capitaine d'Aboville (qui a commandé la 1ère pendant quelques semaines au cours de l'été 1943) et mon camarade de la pro-mo X38 Maxime Citroën. Tous deux représentent les artil-leurs français au sein de la 13e Brigade d'Artillerie US. Avec eux nous avons bavardé d'une foule de choses. A les en-tendre, il semble que les Américains soient encore des barbares, sans civilisation ni civilité. Travailler avec eux n'est pas toujours drôle et vivre en leur compagnie encore moins.

Dimanche 9 avril (Pâques), il y a eu messe chantée au PC du groupe (à part deux ou trois petits foirages, c'était assez réussi). Puis en fin de matinée deux tirs de réglage. A midi, nous avions à déjeuner le Capitaine d'Aboville (qui a commandé la 1ère pendant quelques semaines au cours de l'été 1943) et mon camarade de la promo X38 Maxime Citroën. Tous deux représentent les artilleurs français au sein de la 13e Brigade d'Artillerie US. Avec eux nous avons bavardé d'une foule de choses. A les entendre, il semble que les Américains soient encore des barbares, sans civilisation ni civilité. Travailler avec eux n'est pas toujours drôle et vivre en leur compagnie encore moins. Je suis désigné pour aller à Naples demain. Je ne sais si la "promenade" présentera un gros intérêt, car le temps est très pluvieux et un lundi de Pâques les magasins risquent fort d'être tous fermés. Par des aviateurs qui passaient par là, j'ai eu des nouvelles de deux de mes anciens camarades du lycée, Marcel Au-bert et Pierre Boutarel; celui-ci s'est marié avec une fille

d'amiral, celui-là a abattu un Junkers 88. Bien que leur contemporain, je n'ai pas réalisé d'aussi beaux exploits jus-qu'à présent. Mardi 11 avril. Hier je suis allé en permission à Naples avec de Jerphanion (mon homologue à la 3e Batterie), Claude (Lieutenant à la CR) et Léger (chef de section à la 2e Batte-rie). Comme prévu les magasins étaient tous fermés et le dé-placement a perdu beau-coup de son utilité, car je n'ai pu faire les multiples achats prévus pour les camarades et pour moi. Il y a maintenant à Naples une majorité d'An-glais. Il y a encore aussi des Américains et quelques Fran-çais. A partir de 17h00, tout ce joli monde commence à être co-pieusement saoul. Mais la Mili-tary Police patrouille activement pour prévenir tout esclandre.

Torrisichi

Le standard téléphonique de la 1° batterie

Robert Abran Standardiste à la 1° batterie

Chaufferette française à Naples

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La route de Roccamonfina jusqu'à Sessa est ravissante et on voit le pays jusqu'à Gaète. On roule d'ailleurs en pleine vue du Boche. C'est vraiment curieux comme situation, car jusqu'à présent ils paraissent se tenir extrêmement tranquilles. Le soir en rentrant, j'ai travaillé jusqu'à minuit et demi sur des documents concernant les automoteurs d'artillerie alle-mands. Le lendemain 12 avril, nous avons exécuté un tir de concen-tration dans la soirée et le temps pluvieux nous a empêchés de mener à bonne fin un réglage sur but auxiliaire. A part ce-la, rien à signaler. Je n'ai pas travaillé avec le même ren-dement qu'hier soir, continuellement dérangé par le télé-phone et gêné par la pluie et les chutes de terre, qui passent au travers des rondins de mon abri. Ce soir, j'écris en attendant des ordres de tir qui ne viennent pas, si bien que je vais finir par éteindre et dor-mir, quitte à être réveillé après vingt minutes de sommeil sérieux. Jeudi 13 avril. Ce ma-tin, notre aumônier, le P. Glasson a célébré une messe pour la Bat-terie. Il y avait assez de monde et j'ai éprouvé

quelque surprise à découvrir dans l'assistance certaines gens que je ne m'attendais guère à y voir. Il n'y a pas eu de tir aujourd'hui et j'ai commencé mon of-fensive mensuelle de courrier. Samedi 15 avril. Un tir hier matin : un "réglage de chef d'es-cadron", conduit à partir du Trocchio dans d'assez mauvai-ses conditions (vues très latérales et mauvaises transmis-sions). Un tir ce soir. Des munitions sont arrivées. Mardi 18 avril. Messe à 8h00 dimanche matin 16. Journée assez calme : l'après-midi, j'ai dessiné la 1ère pièce sous son filet de camouflage.

La 1° pièce de la 1° batterie à Friello

La chapelle de Camino et les tombes des anglais

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Le lundi 17, profitant de la visibilité qui sem-blait bonne, je suis monté à l'observatoire du Camino où se trouve Rouquet. Pour-tant je n'ai pas eu un temps très favorable pour faire mes croquis. J'ai dessiné le cime-tière des Anglais, au pied de la chapelle en ruines qui couronne le piton. Débris de FM et de mitraillettes partout Nos "forbans" d'obser-vateurs sont relative-ment bien installés, si ce n'est que le PCO est installé par dessus la sépulture d'un cadavre allemand qui sent un peu aux heures chaudes de la journée. J'ai déjeuné très agréablement avec les observateurs, dont le Margis Nicaise qui semble ne plus se ressentir de la blessure reçue en novembre 1942 à Si Tiji. Vers 16h00, j'ai été rappelé en bas par un coup de télé-phone de Paul Brindeau, toujours au Génie de la 2e DIM, qui était passé me voir cet après-midi. Je l'ai retrouvé engraissé de corps et plutôt desséché d'esprit En principe je dois aller déjeuner chez lui mercredi. Il y a eu quelques tirs aujourd'hui. Le soir, sympathique "explication des gravures" (on a inventé beaucoup plus tard l'expression "remontage de bretelles") avec Robin au sujet de mon actuelle inertie. Mercredi 19 avril. J'ai eu cette nuit la désagréable sensa-tion d'être enterré vif, par suite d'un gros écoulement dans l'alvéole où je repose la nuit. J'ai cependant pu me dégager tout seul, mais ai préféré terminer la nuit allongé sur le sol.

Hier à midi, j'ai déjeuné à la popote de Brindeau, près de Calabritto. Mais je n'ai pas prolongé ma visite, devant re-venir à la Batterie, tandis que Robin partait en reconnais-sance de position avancée. Aujourd'hui dans l'après-midi, en dépit de toutes les mi-ses en garde et de tous les conseils de prudence, trois gars de la 3e Batterie sont allés se balader sur le Colle Frieï-lo, derrière notre position de Groupe. Ils ont sauté sur des mines; bilan : deux morts, un blessé grave. II y aurait 6 000 mines dispersées sur le Friello et le Génie pris par d'autres urgences en avait différé le déminage. Le soir, visite d'une quantité de gens des parcs an-glais et américains qui s'intéressent à nos appareils d'éclairage de nuit. Demain je monte au Trocchio et Binart au Maggiore.

Vue sur Cassino depuis Torcchio

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Vendredi 21 avril. Hier jeudi, journée très sympathique au Trocchio. J'ai exécuté deux réglages, le premier vers midi, l'autre vers 18h00, ce dernier dans d'assez mauvaises conditions de visibilité. J'ai fait pas mal de croquis. Les Alle-mands sont restés parfaite-ment silencieux; les Anglais ont beaucoup tiré et ont continué toute la nuit sui-vante. J'ai "guitouné" là-haut.

Ce matin brume persistante. Les fumigènes envoyés en fin de nuit s'ajoutaient d'ail-leurs à la brume matinale. J'ai quitté le Trocchio vers 10h00 et suis rentré sans encombre à 1 Ih30 à la Batterie. Une mauvaise nouvelle : Fonteix nous quitte, affecté à la BHR comme adjoint à l'offi-cier de transmissions du Groupement (le Capitaine Rouy).

Dimanche 23 avril. Rien de notable à si-gnaler. La 1ère est batterie de jour et a effectué différents tirs, beaucoup d'excitation, peu de résultats tangi-bles. Nous avons eu de nouveau la visite des gens du service du matériel, qui s'intéres-sent à nos canons et à leurs appareils d'éclai-rage de nuit. J'ai reçu une lettre assez longue de mon frère Xavier. Il a l'air de se considérer comme débordé de travail, fait chanter

ses matelots, travaille pour lui et donne des conseils aux autres.…

Mardi 25 avril. Il semblerait que nous ne resterons pas ici et que nous irons occuper une position plus avancée pour le jour de l'attaque. Robin est reparti reconnaissance cet après-midi. Fonteix nous a tristement quittés hier tan-tôt, après un déjeuner copieux auquel assistaient le Capi-taine Lecourtois, le Docteur Depoutre et un camarade de promo de Robin, le Capitaine Aigrot. Jeudi 27 avril. Le stage de mines que je devais aller faire ne sera pas encore pour moi : Saoli (notre autre Chef de Sec-tion) vient d'être désigné pour suivre le cours d'aspirants de Cherchell. Comme son départ laisse un vide à la Batterie après celui de Fonteix, il paraît que je ne peux plus m'ab-senter de l'unité. J'avais eu un instant l'espoir de pouvoir être à un poste plus remuant, mais cet espoir ne semble pas de-voir se réaliser de sitôt encore. Dimanche 30 avril. Nous avons eu la visite de Binart, descendu du Mont Maggiore aujourd'hui. Il y mène une vie intéressante, mais est un peu dégoûté de la volontaire surdité des gens qui dans leurs états-majors ne veulent pas prendre plus au sérieux les renseignements des obser-vateurs du champ de bataille; ils s'imaginent voir mieux les choses dans leurs bureaux que ceux qui sont aux premières loges. Comme au Trocchio, vie trépidante au Maggiore. Tuyaux "fumants" sur les activités de patrouilles, par exemple celle de goumiers qui auraient chipé tous les effets d'un poste de Boches endormis dans une maison de l'autre côté du Garigliano; histoires, plus crédibles celles-là, de meules de paille suspectes qui changent de place toutes les nuits, ou des camions qui entrent dans un bois, d'où i! ressort en-suite des brêles; etc. L'autre jour j'étais allé à la nouvelle position. Elle ne m'emballe guère. Les accès en seront difficiles; elle est sûrement déjà re-pérée, puisque actuellement occupée par du 105HM2. Le bled est moins riant qu'au Friello; il y a des mines en pagaille. L'organisation du terrain sera plus pénible (terrain à "parpaings"), et il paraît qu'on fait des difficultés au Groupe pour lui prêter l'indispensable bulldozer qui creusera nos alvéoles et façonnera notre piste.

Vue sur Camino et ses environs depuis Torcchio

Le capitaine Maillols au Torcchio

Jolivald au Torcchio

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Jeudi 4 mai. Hier et aujourd'hui silence complet. Avant-hier, je suis retourné sur la future position mesurer les sites du masque. J'ai déjeuné avec Brindeau. Le soir j'ai travaillé très tard sur les possibilités de tir… Aujourd'hui pas de tir. On a réparé les équilibreurs de la 4e pièce et j'ai travaillé sur l'étude des organisations dé-fensives allemandes dans le secteur du CEF. Ai déjeuné à la popote de l'EM du Groupe. Binait est remonté au Mag-giore.

Charbonnel en son PCX du Friello

Vendredi 5 mai. Batterie de jour, corvée toujours empoison-nante. A une réunion des commandants d'unité, le Capi-taine a appris que le déplacement vers les positions avan-cées se ferait sans doute du 8 au 9. Attaque pour le 10 mai ? Lundi 8 mai. Dernier jour sur la position du Friello. Je crois que nous la regretterons longtemps, cette petite position amoureusement aménagée sous les oliviers et où nos tra-vaux d'organisation du terrain avaient tant émerveillé les Néo-Zélandais des escadrons de chars voisins et tant flatté notre Colonel qu'il ne manquait jamais de la faire visiter à ses hôtes de passage. Finies les visites au PCX de Char-bonnel à travers les champs de trèfle incarnat, aux fleurs couleur de pourpre, sous les grands châtaigniers aux feuilles encore vert tendre. Finies les répétitions du samedi soir au PCX en compagnie de Charbonnel et du Capitaine Lecour-tois, où nous nous évertuions à chanter un grégorien très approximatif. Finies aussi ces occupations de routine comme ma quotidienne visite vers 11h du matin aux cuisi-nes de la batterie, où, après le rapatriement sanitaire de Duchemin, officie notre brigadier-chef Lepigeon, un Nor-mand aux yeux bleus et à la barbe bouclée, avec des dialo-gues rituels du genre de celui-ci :

"Bonjour, Lepigeon " "Bonjour mon Lieutenant" "Qu'est-ce que tu nous prépares pour aujourd'hui ?" "Ben, aujourd'hui, ça sera du "lichéon méat et comme légume du "potatoesse"... "

Le luncheon meat est un genre de pâté de porc froid assez peu relevé, de couleur rosé jambon; les potatoes sont des lamelles de pommes de terre déshydratées qu'il faut d'abord faire tremper dans l'eau pour les rendre cuisinables, mais le résultat obtenu ne rappelle que de très loin le goût de la pomme de terre. Il faudra que je revienne un jour en détail sur le ravitaillement que nous recevons de notre Intendance. J'ai profité de la journée du 6 mai pour rabouter les éléments du croquis perspectif couvrant la vallée du Garigliano, de Casteluccio à l'ouest au monte d'Oro à l'est, que j'avais crayonnés au Camino le 17 avril dernier; Nous avons exécuté aujourd'hui un tir de contre-batterie, malheureusement sans très grand effet. Au cours de ce tir, André Bollon le chef de la 3e pièce a été blessé par le recul de la culasse de sa pièce. A 19hOO nous avons commencé à prendre les dispositions déroute. A 21hl5 nous avons démarré dans la nuit au clair de lune naissant. Route par S. Clémente, Galuccio, Calabritto. A l'entrée de ce dernier village, la pre-mière pièce qui avait sa vis d'avant-train cassée depuis le pont de S. Clémente, et qui roulait tout doucement, l'effort étant reporté sur les verrous d'avant-train, dut enfin s'arrê-ter, l'un de ceux-ci ayant été cisaillé net. Depuis notre départ de Martimprey, c'est la quatrième fois qu'une pareille avarie arrive à la 1ère pièce...

La nuit passe tout entière à mettre en position dans des conditions très diffici-les, très dures aussi pour le personnel qui passe une nuit blan-che. Le soir au dîner, nous avions eu comme invi-tés le Capitaine Le-courtois et le Docteur Depoutre. Fait extraor-dinaire, le Capitaine Robin a fumé une ciga-rette !

Remontage d'équilibreurs de la 4° pièce

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Mercredi 10 mai. On avait beaucoup parlé ces der-niers jours de ce fameux 10 mai comme d'une date prédestinée pour la grande attaque de la revanche. Les espoirs de beaucoup se sont trouvés déçus. Aurons-nous, en com-pensation, l'armistice du 11 novembre 1944 ? La journée a été très calme. Nous avons reçu le plan de feux de l'attaque, auquel j'ai travaillé cet après-midi. Notre installation dans notre caverne-abri-PC s'améliore. Nous y cou-cherons à quatre : Le Ca-pitaine, Abran comme cen-traliste de pièces, Gelormini notre brigadier de tir, et moi-même. Jeudi 11 mai. L'offensive se déclenche ce soir à 23h00, sans préparation d'artillerie....Mais tous les canons du secteur ouvrent la danse à 23h00. C'est un splendide feu d'artifice. Vers minuit, nous avons fait un contrôle par coups fusant haut, en tirant des obus fumigènes dont l'éclatement est beaucoup plus brillant que celui des obus explosifs ordi-naires. Marty, le chef de la section SOM en est enthousias-mé : "Mon Capitaine, avec vos fumigènes, mes observa-teurs, ils se régalent !". Les tirs continuent toute la nuit. Lorsqu'il y a une pause dans le programme des tirs, les équipes de pièces lavent les tubes; mais ceux-ci sont si brûlants que le premier seau d'eau que l'on verse dans la bouche est vaporisé presque instantanément.

Nuit très rude aussi pour les munitionnaires qui viennent recompléter nos unités de feu. Vendredi 12 mai. Ainsi l'offensive continue. Il y a quatre ans, jour pour jour, j'assistais au déclenchement d'une au-

tre offensive, en Sarre, mais c'était une offensive alle-mande de diversion appuyant l'action de percée des sept divisions blindées en Belgique. Dès hier soir le Faito a été occupé, mais nous n'avons en-core pu nous emparer du Monte Majo, premier objectif de l'offensive. Samedi 13 mai. L'offensive se poursuit. Quelques gains essentiels, dont le Majo, Castelforte et dans le secteur an-glais S. Angelo. Dimanche 14 mai. La nuit entière a été consacrée au har-cèlement des Boches en retraite, sur les deux carrefours de S. Giorgio de Lin. Robin a eu un coup de "palu" et n'est guère en forme. Journée calme; nous ne tirons guère. Le bruit court que nos tubes seront changés bientôt : à la Bat-terie, ils sont après de 1 400 coups. Au matin la ligne de front est assez avancée, car S. Apoilinare, S. Ambrogio, S. Andréa sont pris et la 3e DIA pousse une pointe audacieuse vers Ausonia. Le soir, prise de S. Giorgio. Les reconnaissances par-tent demain pour S. Apollinare en vue de rechercher de nou-velles positions. Les Allemands feraient venir des grandes unités blindées de Rome, pour contre-attaquer. Ils tiennent fortement Pi-gnataro. La situation reste confuse à Cassino, où les Polo-nais du Général Anders auraient occupé le monastère. Des chars polonais seraient arrivés en extrême pointe jus-qu'à 2 km de Piedimonte. Ici secteur calme : rien à signaler depuis le bombardement aérien de cette nuit sur la région de nos positions. Lundi 15 mai. Excitations diverses. Partir ? Ne pas partir ? Changer les tubes ? Charger les munitions ? Le Capitaine rentre de reconnaissance à 12h45 avec l'impression d'avoir été là-bas pour rien. Ce qu'il a vu : beaucoup de dégâts sur les routes, trous d'obus, poussière, mines, cadavres allemands, débris de chars alliés et de canons ennemis.

Le Garigliano

La vallée du Garigliano

L'entrée de Calabritto

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Villages en ruines, parfois en cendres. Nature verdoyante, fleurie, remplie du gazouillis des oiseaux et du grondement des canons. Ici le bruit de la canonnade s'estompe au lointain. Dans le

ciel, depuis ce matin, bourdonnement continu de l'aviation. Le soir, de 22h00 à minuit, nous avons tiré comme des bru-tes, à limite de portée, pour finir d'user nos tubes.

Retubage de la 3° pièce à Roccamonfina

Le mardi 16 à 0h00, dispositions de route. Départ à 6h00 pour Roccamonfïna, à la 651e Compagnie de réparation. On re-tube successivement la 2e pièce, puis la 3e; la 4e donne quelques difficultés; la 1ère marche bien. Le Capitaine Robin est parti de nouveau ce matin en reconnaissance vers S. Apollinare. Une fois les pièces retubées, je reçois à midi Tordre de me remettre dare-dare en position à Calabritto ! A 16h30, la Batterie est de nouveau sur sa position prête à tirer. Et nous attendons.… jusqu'à 19h30, où nous parvient l'ordre d'être prêts à partir à Ih00 du matin. Et nous ap-prendrons que tout ce cirque inutile et crevant n'est que l'ef-fet d'un caprice de notre Commandant de Groupe. Si c'est cela , ce qu'on leur apprend à l'Ecole de Guerre ï Bien qu'à la limite de la fatigue, la Batterie est prête en temps voulu et nous démarrons le mercredi 17 à 1h00, par une nuit sans lune.

Mercredi 17 mai. La route est très mal signalée. Je suis serre-file de batterie en jeep. A la sortie de S. Clémente, je pars à cheval sur une bifurcation, la jeep bondit sur des "parpaings" et je crève le carter. Je monte dans un véhicule qui nous suivait et un peu plus loin nous trouvons la 4e pièce en triste posture. Rix le chauffeur du Mack s'est trompé de chemin lui aussi; il est monté sur un remblai de terre rapportée et en voulant redresser, il a couché son trac-teur sur le flanc gauche. Le canon n'a rien, le personnel non plus. Je reste sur place, avec le Wrecker de la CR. A 6h00 du matin une première tentative de relevage rate. Je file alors en avant pour rejoindre et informer Robin. A 11h00 j'apprends que le Mack est enfin redressé et nous rejoint et que ma jeep sera réparée cet après-midi. Je retourne au-devant du Mack, avec le repas de midi de la 4e pièce. Nous arrivons enfin à la position d'attente de S. Apollinare vers 13h30. Je me couche recru de fatigue, après que le Capitaine est parti en reconnaissance de position vers S. Giorgio.

A 15h00, on me réveille : ordre d'être prêt à partir de 16h00. Avec un peu de difficultés, j'arrive à mettre tout le monde en route à 17h00. Robin est d'ailleurs revenu pour guider la colonne. Ma jeep est récupérée et part avec nous. Route sans incidents et mise en batterie sans travaux énormes. Nous occupons une position qui était encore allemande il y a huit jours. Couché à 22h00, je m'endors d'un sommeil de plomb dans la cagna qu'avalait aménagée as-sez correctement les précédents occupants. Je n'entendrai même pas le bombardement d'aviation qui, dans la nuit tombe sur la crête derrière nous, causant de sérieux domma-ges. Le jeudi 18 mai, les gars de la Batterie découvrent une Tellermine, et j'ai la peu agréable mission d'aller la por-ter avec précaution jusqu'au PC du Groupe, pour la re-mettre au Capitaine Comerre, qui est officier-mines du Groupe, comme je suis officier-mines de Batterie, c'est-à-dire avec la même absence d'instruction spécialisée de base. Nous tirons pas mal dans l'après-midi. Je suis allé faire de la récupération avec Schausi, Leroy et Andruette. Comme butin, rien de bien sensationnel d'ailleurs, en dehors de deux fusils de chasse italiens. A midi j'avais vu le Commandant : Cassino et l'abbaye sont tombés hier. Esperia et Monticelli sont prises. Des reconnais-sances ont poussé jusqu'à la route Pico-Formia. Les Cana-diens sont à 2 km de Pontecorvo. Formia est prise. Le vendredi 19 mai, de 15h00 à 17h00, harcèlement sur la route de retraite des Allemands.

La marche sur Rome

Le Mack de la 4° pièce en fâcheuse posture

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Mais nous tirons déjà à 20 km. Dans la journée, nous avons fait un réglage avec avion et exécuté un tir d'aveuglement sur le Monte Leucio, qui domine Pontecorvo à l'ouest. La ligne passe par l'ouest d'Aquino (la patrie de St Thomas, le Doctor angelicus ), l'ouest de Pontecorvo, le Monte delle Commune inclus, le Monte del Mandrone, le Monte Croce, Campodimele inclus, le Monte Vele inclus. Plus au sud on ne sait rien sur l'activité du corps américain. Le Cairo est en cours de nettoyage. Une pointe aurait été poussée vers Pico, mais les Boches auraient repoussé les gens vers leurs bases de départ.

Le temps se met à la pluie aujourd'hui. Pourvu que cela ne gêne pas la progression des chars.... Dimanche 21mai. Journée d'hier assez calme. Le Capi-taine est parti en reconnaissance au début de l'après-midi. Désormais Robin optera pour la jeep pour faire ses recon-naissances, me laissant la VR (Command car Dodge 3/4 t) qui transporte le 608 du PC de tir. Le soir sortie de batte-rie. Route de nuit moins difficile que la fois précédente. Prêts à tirer à l0h00 ce matin. A midi une concentration alle-mande tombe non loin de nos positions. L'après-midi, je dors comme un loir jusqu'à 17h00. Le soir au moment de la soupe, nouveau bombardement (harcèlement cette fois). Des éclats tombent sur la popote des chauffeurs, sans faire de mal d'ailleurs. Notre position est tout près de Santa Oliva, devant Monti-celli et le Monte d'Oro. Aux derniers renseignements, il paraît que Pontecorvo est toujours aux mains des Alle-mands, comme Aquino. Ce soir nouvelles "arrivées" allemandes : un obus éclate à moins de 100 mètres devant la 2e pièce. Quelques éclats retombent en perçant des guitounes....Le 114 tire beaucoup ce soir. Dans cette nouvelle position, l'artillerie s'échelonne en profondeur de façon assez paradoxale : le 155, puis le 114, et derrière eux les AD. Robin et moi logeons dans un abri allemand assez confortable, mais humide et ha-bité par les moustiques. Mardi 23 mai. Hier j'ai rencontré un de mes anciens de l'X, Horgues-Debat (promo 37), maintenant Capitaine à la 1ère DFL.

La 1° batterie à S. Oliva

Aux dernières nouvelles, Pontecorvo et Pico auraient été prises hier. Le Monte Leucio serait ègalement entre nos mains. Le nouvel objectif est maintenant S. Giovanni in Carico. Nous avons tiraillé toute la nuit. Jeudi 25 mai. Journée d'hier l'EM du 1er Groupe; au Ile, un dépôt de munitions est incendié et un Chef est tué et deux hommes sont blessé. Dans la nuit de mercredi à jeu-di, tirs de 22h45 à minuit et ce matin de 5h00 à 7h00.

La ligne amie tiendrait Piedimonte, Roccasecca, Aquino, Pontecorvo, la rive droite du Liri, 2 km N. de Pico, le Vaglia, Pastena, Vallecorsa, un autre Roccasecca (du côté de Sezze) et le méridien passant à 1 km O. de Terracina. Dans la région d'Anzio, élargissement notable de la tête de pont; les troupes de là-bas marcheraient sur Velletri.

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Samedi 27 mai. La journée du 26 a été mouvementée : or-dre de départ à 14h00; départ à 17h00. Beaucoup de gens sont sur la route à cette heure; dans un embouteil-lage, peu après le départ, je suis tout à coup interpellé par le Lieutenant-Colonel Le Berre (un Bigor), qui me demande à boire; bien que je n'aie que de l'eau fraîche dans mon bidon, il accepte d'en boire une immense lampée, et me rend le bi-don en me disant : "Merci, petit, c'est comme si la Sainte Vierge m'avait fait pipi dans le gosier !" Nous arrivons dans la région de Pico où la position recon-nue doit à la dernière minute être cédée à une batterie amé-ricaine de 203, commandée par un butor de Capitaine dont la discourtoisie n'a d'égale que le luxe de ses Ray-Bans à branches dorées. Robin trouve par bonheur assez vite un autre emplacement La nuit est partagée entre une instal-lation fébrile et quelques tirs. La mise en direction au GB décliné n'a donc pas été trop mauvaise. A partir de 1h00 du matin, repos. Aujourd'hui tirs avec l'avion sur les rou-tes. Ceprano aurait été prise. Mardi 30 mai. Peu de tirs le 28 mai, jour de la Pente-côte. J'en profite pour rédiger un abondant courrier. La tête de pont d'Anzio est rejointe par la 5e Armée. Le soir, préparatifs de départ. Le lendemain 29 mai, route par Pi-co, Lenola, Vallecorsa, Castro dei Volsci et Amaseno. Nous restons en position d'attente dans une vallée qui va

vers Giulano de Roma, en-core théâtre de combats d'infanterie. Nous sommes à 7 km du patelin où arrivent pas mal de coups de canon. La cote 530 reçoit aussi un certain nombre de concentra-tions. Ce matin, départ des recon-naissances à 5h00, et de la Batterie à 7h00. Nous nous mettons en position du côté de Privemo. Tirs d'accro-chage le matin. L'après-midi, après le déjeuner, je veux aller jusqu'à Priverno,

mais en route un MP américain m'explique que le bled est interdit aux Français. Avec ces salauds-là, lorsque l'on arri-vera en France, on ne pourra même pas aller chez soi sans une autorisation écrite du War Department. Cela risque fort de coûter assez cher aux Américains, car les Français de France ayant déjà subi quatre ans d'occupa-tion allemande ne seront peut-être pas d'humeur à faire du rabiot sous la coupe des Américains. Mercredi 31 mai. Cette nuit tranquillité complète. Au matin, tir de 160 coups environ sur une route à 10km Ouest de Frosinone. Effets matériels nombreux. Le tir est réglé, puis observé de bout en bout par Duchêne, obser-vateur aérien du ne Groupe, qui comme je l'ai déjà indiqué auparavant, est une vieille connaissance, puisque nous étions dans deux classes de 4e voisines, en 1930 au lycée Charlemagne. Lundi 5 juin. Le temps a passé comme l'éclair. Le 1er juin, rien à signaler. Le 2 juin, nous montons avec Bille-ret jusqu'à Priverno, enfin accessible, où nous réussis-sons à faire quelques emplettes et à Roccasecca dei Volsci, d'où l'on découvre tous les Marais Pontins, d'ail-leurs partiellement inondés. Priverno et Roccasecca d.V. n'ont pratiquement pas été abîmées. Les nouvelles des opé-rations sont bonnes....

Vue sur le Pico et le Monte Pota

Char Panther détruit vers Pico

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Le vendredi 2 au soir, le Capitaine part en reconnais-sance dans la région de Supino. Nous prenons les disposi-tions de route. Le samedi 3 juin, Robin repart avec les reconnaissances lourdes à 6h00 A 8h00 je décolle avec la Batterie, derrière la Batterie d^Etat-Major. Nous allons stationner en positon d'attente entre Supino et Morolo, jusqu'à 19h00. J'ai mangé là les meilleures censés de l'année. Nous repartons par une route infecte, jus-qu'à une position entre Gavignano et Segni. Mise en batterie facili-tée par le clair de lune. Nuit tranquille. Le dimanche 4 juin au matin, tir de 48 coups sur un carre-four. La grande nouvelle : Rome a été occupée aujourd'hui. Joie et victoire, revanche de 1940. Fait curieux, ce sont des troupes d'AFN, en grande partie composées de musul-mans, qui conquièrent la Ville Eternelle.…

Mardi 6 juin. Desloges, chef de la 1ère pièce, est nommé Margis. Cabaret notre fourrier et Palisse notre brigadier auto passent Briga-diers-Chefs. Mais le plus important est la nouvelle que le Capitaine nous rapporte aujourd'hui de l'EM du Groupe : les Alliés ont débar-qué en France, dans la région du Havre, paraît-il. Les évé-nements semblent se précipiter. Joie, mais aussi anxiété, car combien de civils et de combattants y resteront dans cette der-nière grande bataille pour la libération ? Le Régiment est cité à l'ordre du Corps d'Armée : " Le Groupement d'Artillerie Lourde de Corps d'Armée n° 7, com-mandé par le colonel Missonier et composé des Ier et Ile Groupes du Régiment d'Artillerie Coloniale du Levant et de la 1ère Batterie de Canonniers-Marins, aux ordres respectifs des Chefs d'Esca-dron Jouben, Guillard, Rancurel et du Lieutenant de Vaisseau Jour-dain a participé avec un entrain remarquable et une activité inlassable depuis son arrivée en Italie, en dépit de la boue souvent épaisse et malgré les ripostes ennemies à toutes les opérations du CEF. Au cours des opérations du mois de mai, poussant très en avant avec vigueur son réseau d'observation et ses batteries a constamment fourni des tirs très efficaces qui ont contribué pour une large pan à la désorganisation du système d'artillerie adverse et des lignes de com-munication ennemies. " Les gars de la Batterie ont capturé un cheval des Allemands qui errait dans notre secteur. Son sort a été vite décidé. Le Mis-Chef Leber, chargé de son exécution (d'un coup de pistolet dans l'oreille) m'a auparavant décrit avec précision la séquence des mouvements réflexes exécutée alors par l'animal en tombant au sol. Il a tiré et tout s'est passé comme il l'avait dit. Le cheval n'avait pas touché le sol, que Mahuet, qui est boucher dans le civil, lui tranchait une veine du cou, pour faire couler le sang. Il a en-suite été débité et nous avons eu le régal de manger de la viande fraîche, ce qui nous a agréablement changés du "meat and beans" ou du "luncheon meat" du ravitaillement, américain autant que routinier, de notre Intendance. Je m'étais promis de parler des nourritures terrestres que nous fournit celle-ci et profite de l'occasion pour ouvrir une parenthèse sur cette importante question, Depuis notre débarquement à Naples, nous sommes pour l'es-sentiel soumis au régime américain, mais en tant que Fran-çais, nous avons aussi en plus le vin que l'Afrique du Nord

peut nous fournir en quantité suffisante, ainsi que le pain, le café et les sardines à l'huile. Pour parler des produits français, la boule de l'Intendance est de qualité acceptable; le vin qui est fourni également; après l'essai pendant quelques semaines du vin viné, dont il a été question plus haut, nos intendants n'ont pas insisté et ont dû savoir prouver aux Américains qu'envoyer un produit naturel aux soldats du CEF non musulmans ne priverait Tchang Kaï Chek d'aucun Liberty Ship. En ce qui concerne les fournitures américaines, il existe plusieurs ty-pes de rations :

- les rations K en boîtes cartonnées, à raison de trois boîtes par homme et par jour : une pour le petit déjeuner (breakfast); une pour le déjeuner (dinner); une pour le repas du soir (supper). La composition en a été établie en se livrant à une estimation très stricte des calories nécessaires. - les rations C en boîtes métalliques cylindriques (à accompa-gner de pain). On distingue le méat and beans , en abrégé les beans, à la fréquence d'apparition bien vite lassante (boeuf et haricots), le meat and vegetables stew (boeuf haché, pommes de terre et carottes), le meat and vegetable hash (porc et petits cubes de pomme de terre), tout cela uniformément assaisonné de "salt, sugar & sodium nitrit". Le taux de distribution est de trois boites par homme et par jour. Ces conserves sont aussi livrées par grandes boîtes pour les cuisines des unités. - d'autres conserves du genre du luncheon meat ,des pota-toes, etc. évoqués plus haut. - plus tard nous toucherons au moment du débarquement en France, des rations D de débarquement, consistant en un pa-quet de trois tablettes de chocolat survitaminé à sucer lente-ment, à raison d'une pour chacun des principaux repas. - Après le débarquement en France, nous percevrons des rations U, par cartons contenant l'alimentation de cinq hommes pour une journée, ce qui posait des problèmes pour les détache-ments isolés d'effectif inférieur.

Jeudi 8 juin. Il est enfin question de déménager de notre bled sans intérêt, dépourvu d'eau et d'ombrages. On n'a pas beaucoup de précisions sur la situation : que se passe-t-il en France ? Où est la ligne du front en Italie ? Que font les Russes ? Vendredi 9 juin. Nous avons quitté notre position hier, pour venir nous installer près d'Albano Laziale. Nous avons traversé Velletri qui a été effroyablement démolie, au cours de la lutte pour la tête de pont d'Anzio. Sur toutes les routes populations enthousiastes. Près de Genzano, des jeunes filles nous ont jeté des fleurs au passage.… Ce matin je suis allé passer la matinée à Rome. Une grande ville claire, aérée. Pas de destructions. Des gens civilisés, propres. Des boutiques où l'on trouve encore quelques marchandises. Une animation incroyable. Un ac-cueil souriant et sympathique. Beaucoup de permissionnai-res alliés. Nous avions une heure et quart pour visiter la ville, ce qui est un délai ridiculement court, car il y a énormément à voir ici : D'abord le Vatican qui, à lui seul, peut retenir le visiteur plusieurs journées pour découvrir la basilique Saint-Pierre, la Chapelle Sixtine et le Musée du Vatican. Je n'ai visité aucun des trois, aussi surprenant que cela puisse paraître (j'expliquerai plus loin pourquoi). J'ai été déçu par la Via délia Conciliazione, l'avenue qui mène à la basilique. Elle est tout encombrée de véhicules parqués, de palissades. Les bouti-ques sont du type hideux des boutiques à bondieuseries inter-nationales offrant des chapelets de pacotille, des images

Rome

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bariolées pour toucher l'âme puérile des vieilles bigotes de l'Ancien et du Nouveau Monde, des statuettes de plâtre à soule-ver le coeur des inventeurs du style "St-Sulpice", bref tout l'atti-rail criard d'une piété de bas étage, de celle qui vous écoeure à Lourdes ou à Lisieux. De plus cette avenue m'a paru étri-quée et la perspective peu en rapport avec la majesté de St-Pierre : les photos que j'avais vues auparavant étaient pres-que toutes des vues aériennes obliques qui améliorent consi-dérablement l'aspect de l'ensemble et lui restituent l'harmonie de ses proportions. Et la grande place devant St-Pierre, celle qui est ceinturée par la colonnade du Bernin, était encombrée de jeeps et de GMC. Ensuite, les églises et basiliques (St-Pierre aux Liens, St-Jean de Latran, Ste-Marie Majeure, St-Paul hors les Murs, pour ne citer que les plus connues). Les innombrables vestiges romains (Forum, Palatin, Colisée, Panthéon, Thermes de Caracalla, arcs de triomphe, etc.), qui réclameraient plusieurs jours. Enfin quelques monuments plus modernes. Ne voulant pas pour une première et si brève visite me cantonner dans une catégorie déterminée de monuments, je n'ai rien vu en détail et me suis contenté d'un aperçu général sur la plupart des monuments énumérés ci-dessus. En jeep c'était assez facile. Mais comme c'eût été plus intéressant en piper cub. Le Commandant Joubert qui a eu la chance de pouvoir faire ce survol, m'a dit quelques jours plus tard qu'il en gardait un souvenir ineffaçable. La visite détaillée d'un monument ne m'eût pas permis d'avoir une idée d'ensemble sur la Ville Eternelle et j'ai préféré remet-tre à plus tard un examen plus approfondi de toutes ces mer-veilles. J'ai circulé dans une rue très commerçante de la ville, car ce qui m'attirait, c'était de voir Rome sous le coup de la victoire alliée, la réaction de ses habitants, le comportement de l'uomo qualunque, quelque chose de très fugace que je ne retrouverais plus en d'autres temps. Les boutiques sont bien garnies, contrairement à ce que j'at-tendais. Les gens dans les rues sont aimables, souriants, bien habillés. Les femmes en particulier sont gentilles, coquettement vêtues; elles rappellent par leur allure un peu celles de Paris. Elles sont bien coiffées, modérément fardées et pas laides du tout Cela change des vieilles paysannes des Abruzzes. Et comme tout cela est loin de la crasse napolitaine ! En bref une ville très sympathique, disons une capitale. Détail qui m'a surpris : un grand nombre de gens parlent le français et il semble que c'est avec les militaires français qu'ils se mon-trent aussi les plus aimables. Il est vrai que c'est des Fran-çais que les Italiens ont le plus à se faire pardonner ! D'ailleurs, depuis que nous remontons vers le nord, (à peu près depuis Velletri et Albano Laziale), tout le monde nous accueille avec enthousiasme et quand je suis arrivé ce matin avec Billeret à l'entrée de Rome, une femme s'est précipitée vers notre Jeep et l'a fleurie d'œillets. Cette atmosphère d'avance victorieuse est inoubliable et l'on se sent soudain très loin des sombres journées de juin 1940.... Après cette trop courte "virée", l'après-midi se passe au bi-vouac. Il n'est pas encore question de déménager ce soir. Les nouvelles du débarquement en Normandie sont discrètes. Ce doit être là-bas un combat très dur. Que restera-t-il de Caen après ces journées infernales ? Bayeux serait occupé par les Alliés, ainsi que Le Havre.

Samedi 10 juin. Réveil à 3hlO du matin. Départ de toute la Batterie à 6h00. Nous suivons la nationale 7 jusqu'à Rome, traversons Rome vers 7hl5 et prenons la nationale 2 vers Vetralla. La route est sur plusieurs dizaines de kilomètres jon-chée de carcasses informes, de ferrailles tordues prove-nant de véhicules de toutes sortes : camions, tracteurs, chars "Tigre" et "Ferdinand", Pzkw IV, chars de commande-ment, voitures de réquisition, pièces de 88 Flak, canons anti-chars, etc. Au carrefour après Monterosi, des entonnoirs monstrueux. Nous prenons à partir de là la route vers le nord-ouest. Traversée de Sutri et de Capranica, au milieu de l'enthou-siasme de la population. Ces deux bourgs sont situés sur des pitons et sont construits en une pierre brune assez particulière à la région, qui fait ressortir les agglomérations au coeur de leur écrin de verdure; cela a des faux airs d'un village qu'aurait dessiné un Hansi italien. Nous arrivons dans une zone d'attente à 11h00, soit-disant pour peu de temps. A 16h00 passées, nous sommes encore là. On nous promet la suite du déplacement pour la nuit Situation mal connue et imprécise. A voir le cimetière de voitures, ce doit être une assez jolie débandade du côté allemand. Cet après-midi, Woelfflé a fait, les mains dans les poches, deux prison-niers ! Dimanche 11 juin. Départ des reconnaissances à 5h00 et de la Batterie à 6h00. Nous nous installons en position d'attente à 2 km O. Viterbo, sur la route de Viterbo à Tuscania. Cette route est très bonne, bordée d'arbres. Si le bourg de Vetralla n'a pas trop souffert, il n'en est pas de même de Viterbo qui a été pulvérisé et anéanti par les bombardements d'aviation. Le terrain d'aviation a été particulièrement gâté : beaucoup d'avions détruits au sol. Par contre les bâtiments autour de l'aérodrome n'ont pas l'air d'avoir été très endommagés. Nous avons quitté la position d'attente vers 11h00, pour aller nous installer du coté de Marta au bord du lac de Bolsena. Il fait un temps gris et pluvieux. Le soir réglage par le Capitaine, qui ob-serve depuis son PC ! (but auxiliaire dans S. Lorenzo). Le lundi 12, tirs assez nourris sur des carrefours et des passages de véhicules. A Marta nous avons récupéré Blondeau, qui n'avait pas reparu à la Batterie depuis son envoi en permission de visite à Rome. Il écope de quelques jours de prison (le maximum que peut infliger le Capitaine); mais comme nous sommes en campagne, sa peine est commuée en une tonsure "au double zéro", punition qui l'affecte énormément, car il est très fier de ses cheveux blonds. Malgré toutes ses prières, Robin demeure inflexi-ble, et notre gars, confié aux ciseaux diligents de Zamora, devra attendre un long moment avant de recouvrer la ti-gnasse aux cheveux raides qui fait son orgueil. Le mardi 13 juin repos complet Je vais me balader à Marta, et déjeune au Groupe. Ambiance tendue au dé-but, à cause de la présence du Chef d'Escadron, qu'une petite crise de dysenterie ne prédispose guère à la jovialité, et sous un prétexte quelconque, Comerre se voit gratifié d'une sévère mercuriale. Heureusement, notre "patron" est pris de douloureuses coliques au cours du repas et disparaît de la popote.

La poursuite jusqu'à Sienne

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Instantanément l'atmosphère se réchauffe, les conver-sations s'animent, la gaîté, la jeunesse et la joie de vivre reparaissent sur tous les visages.... Dans l'après-midi du 14, départ des reconnaissances lour-des. A 22hl5, les téléphonistes de Schausi partent à leur tour. Jeudi 15 juin. Ce matin à 3h00, départ de la Batterie. Nous sommes guidés par le Capitaine Lecourtois. Route faite assez lentement en black-out Arrivons à 5h30 à la position (environs de Grotte di Castro). Prêts à tirer à 7h00; réglage avion à 8hl5.

Dans la journée, tirs avec l'avion sur des routes sillonnées par des véhicules. J'ai reçu un coup de téléphone du Capitaine Comerre :

- Allô ! VDB ? comment ça va ? . - Très bien mon Capitaine, mais un peu mouillé, et toi ? - Moi cela va. Mais le Commandant ne va pas;

il est malade, il lui faudrait du chocolat , - Ah oui ? - Alors je voudrais savoir si la 1ère Batterie a du chocolat à me céder. II suffirait de le préle-ver dans les rations K Supper.... La 2 et la 3 à qui j'ai déjà demandé n'en ont pas. Alors si tu en avais.... (Nous avons encore une journée de rations K à la Batterie). - Désolé, je n'en ai pas, mon Capitaine. - Alors tu ne peux vraiment pas m'en donner ? - Cela m'est absolument impossible.

Il a raccroché, déçu, mais pas fâché, car c'est un bon type qui se trouve chargé de toutes les tâches ingrates par son tyranneau de patron. Cette conversation m'a fichu de mau-vaise humeur pour le reste de la journée. Dans l'après-midi, nous avons eu un violent orage. Il y a eu un bombardement d'avions ennemis sur le Ile Groupe. Vendredi 16 juin. Hier soir à 22h45, alors que nous dor-mions déjà, Robin et moi, coup de téléphone du PCT : tirs de harcèlement de 23h00 à Ih00 et de 3h00 à 5h00, pour nous et la 2e Batterie. Le premier tir est exécuté sans problème. Je me recouche après avoir remonté mon réveil... et à 5h00 du matin je me réveille en sursaut de son côté le PCT n'a pu nous prévenir, son réveil n'ayant pas fonctionné et la 2e Batterie a eu le même ennui ! Résultat : un tir important sur carrefour manqué.... :

Dimanche 18 juin. Hier 17 juin, Robin est parti le matin à 6h00 en direction de Montorio. Les reconnaissances lour-des se sont ébranlées à 15h00 et la Batterie à I6h00. Nous nous sommes installés dans une position d'attente. Le temps se met au vilain. Pluies d'orage à la tombée de la nuit Ce matin, la reconnaissance légère repart à 6hl5. Et les recon-naissances lourdes attendent La pluie tombe sans discontinuer. Le temps semble cette fois complètement détraqué. Le Capitaine est rentré en fin de matinée, la reconnais-

sance ayant tourné court. Je suis allé à la messe à 1 Ih00 au Groupe. Après la messe, j'ai appris que Santa Fiora avait été prise hier soir par les goumiers et que le Monte Amiata (cote 1 739) aurait été enlevé par des partisans ita-liens. A 16h00, départ des reconnais-sances lourdes pour la région de Santa Fiora. Mardi 20 juin. Le lundi 19 à 4h00 du matin, le Groupe part à son tour pour Santa

Fiora. La Batterie arrive vers 7h00 dans un terrain particulière-ment difficile du fait de la pluie qui est tombée pendant la nuit La dernière pièce est prête à tirer à 11h00. Pour sortir un des deux Macks de la boue, il nous faut l'atteler à deux treuils. Au cours de la journée la pluie continue à tomber, délayant de plus en plus le terrain. Peu de tirs dans la journée. Robin est allé accrocher lui-même sa Batterie en fin de matinée. Nuit tranquille, à part 48 coups de harcèlement tirés de 21h00 à 1h00. Aujourd'hui, visite du Commandant Joubert et du Colo-nel Missonier venus inspecter nos positions. D'hier soir à ce soir nous avons tiré 140 coups. Aujourd'hui, temps moins mauvais qu'hier.

Marta et le lac de Bolsena

Un coin de rue à Marta

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Samedi 24 juin. Aujourd'hui, départ des reconnaissances lourdes pour la région de Seggiano. A 14h00 départ de la Batterie (mise en route assez difficile, en raison du terrain détrempé par la pluie des jours précédents). Arrivée vers 16h00, mise en batterie, tir avec observation terrestre, puis tir SOM. Il paraît qu'on attaque demain. La position semble meilleure qu'à Santa Fiora, mais elle a été très dure d'accès. J'ai ren-contré mon conscrit de l'X André, qui est au III/64e. Un bruit circule depuis quelques jours : peut-être allons partici-per à un débarquement en France. Samedi 1er juillet. Le 27 juin, nous avons exécuté un déplacement pour venir dans la région de Casale. Temps quelconque en arrivant. Le mercredi 28 après-midi, nous repartons pour venir nous mettre en position à 25 km au sud de Sienne, du côté de Santos.

Le jeudi 29, tirs divers. Un char M 4 de la batterie améri-caine de 203 qui nous avait si inélégamment chassés de la position de Pico, a sauté sur une mine, posée et enterrée dans la piste sur laquelle nos véhicules avaient tous passé hier pour la mise en batterie ! Le capitaine aux Ray bans faisait une de ces têtes ! Le vendredi 30, mêmes activités de tir qu'hier. Le Mack de Muller a eu un accident : Jouchoux a eu un fémur cassé et a été évacué. Le matin, Saigne s'est tiré (sans le vouloir, "comme de bien entendu") une balle de pistolet dans le mol-let gauche. Binart est venu nous voir et nous donner des tuyaux qui m'inclinent au pessimisme, en ce qui concerne notre participation à des opérations en France : il y aurait seulement un groupe du RACL et il y a de fortes chances pour que le Colonel désigne le Groupe Rancurel plutôt que le Groupe Guillard....

A Santos, un M4 américain a sauté sur une mine

Jeudi 6 juillet. La vie a continué bien sagement ces jours derniers. Nos pièces se sont tues et, à partir de dimanche, il n'y plus eu d'activité de tir. Nous avons appris que nous allions redescendre sur la région de Naples, pour être recom-plétés et nous préparer à de nouvelles opérations.

Nous sommes partis le mercredi 5 juillet de la position de Santos, sans avoir eu la possibilité de visiter, même briè-vement, la ville de Sienne qui a été sauvée des destruc-tions grâce à l'habile manoeuvre du Général de Montsabert. Une colonne légère avec le Capitaine Robin fera la route jus-qu'au stationnement définitif. La colonne lourde sous mon commandement, incorporée à une colonne lourde de Groupe aux ordres du Capitaine Renoux, doit aller jusqu'à Civitavecchia, faire route par mer et débarquer dans les envi-rons de Naples où elle rejoindra les éléments légers. La première étape a eu lieu hier, en passant par la route de Ca-sale et Paganico. Nous avons bivouaqué dans la région de la station de Roccastrada. Je suis avec le Capitaine Re-noux, de Jerphanion, Guichard, Charbonnel et Claude. Au 25 juin, le Commandant Guillard est passé Lieutenant-

Colonel et Biîleret a été nommé - enfin !- Sous-Lieutenant. Mais ce qu'il y a de navrant, c'est qu'en contrepartie, on l'a désigné comme officier d'approvisionnement du Groupe, en remplacement de Cascaro. L'Aspi Jousselin qui était à l'EM du Groupe est venu le remplacer à notre Batterie, comme chef de la 2ème section. Lundi 10 juillet. Nous sommes restés la journée du 6 au bivouac. L'après-midi, j'ai fait une reconnaissance d'itiné-raire avec Moulenat, Tribet et Fortuné, jusqu'à Grosseto. Nous sommes allés ensuite nous baigner sur une plage des environs. Le vendredi 7, nous avons repris la route n° 1 jusqu'à Civi-tavecchia. Convoi en infiltration qui a très bien marché, sauf le char de la CR qui peine beaucoup. En arrivant à Civitavec-chia, nous apprenons que nous ne sommes plus prévus pour embarquer et que nous devons continuer par voie de terre jusqu'à destination. Nous allons jusqu'à un bivouac assez correct dans la région de Pola à 35 km de Rome sur la route n° 1. Le samedi 8, je vais à Rome avec Tribet et Gautron. Je fais quelques petits achats, circule beaucoup et visite enfin Saint-Pierre.

Le retour dans le "Mezzogiorno"

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J'ai rencontré Melle Doncieux, la Lieutenante qui faisait tant de raffut sur le Duguay-Trouin quand elle jouait au bridge. J'ai vu aussi un officier du RACAOF actuelle-ment en stage d'interprétation photo qui m'a donné des nouvelles des III et IV/RACL. Ceux-ci sont encore au Ma-roc avec du GPF. Pour sa part le RACAOF a touché du 155 Schneider. La deuxième visite de Rome n'a plus le même carac-tère que la première. L'ambiance a changé. Tout est très bien organisé. Les Français sont moins "quantité négligeable" qu'en janvier à Naples : il est vrai qu'ils ont acquis le droit à la parole. Il y a une base, un foyer pour la troupe, un mess de sous-officiers et un d'officiers, installés dans des immeubles très corrects. Sur plusieurs monuments, on voit les trois drapeaux, français, anglais et américain. A Saint-Pierre, ma première impression a été celle de l'écrase-ment. On prend là une fameuse leçon d'humilité devant tant de grandeur et de magnificence. Je suis monté dans la coupole et cette impression s'est renforcée. Du lanterneau, on a une vue splendide sur Rome; on s'aperçoit alors que cette ville est bien moins étendue que Paris. J'ai porté mes photos à développer au Service Cinéma-tographique des Armées, tentative pour voir si la mai-son est sérieuse. (Ils me renverront plus tard les tirages en 6x9, mais garderont pour eux mes bandes négatives).

Le dimanche 9 juillet, nous avons repris la route par S. Paolo, Albano Laziale, Velletri, Terracina, Itri, Cascano, Noceleto et nous nous sommes arrêtés à 500m de ce dernier pays. La traversée des Marais Pontins est longue et monotone. Le golfe de Gaète est splendide. Il est très pittoresque. En définitive, étape assez agréable. Mais le Mack de Desloges a cassé une courroie de ventilateur; un Mack de la 2ème Batterie a eu des difficultés avec son équipement électrique. La VR du Capitaine Renoux a cassé un cardan, puis un arbre de transmission. Nous sommes arrivés finalement assez tard dans la soirée, dans la zone de stationnement définitif, et avant la colonne lé-gère ! ,

Samedi 15 juillet. La zone de stationnement définitif n'était pas si définitive que cela : c'est celle qui a été attribuée au Ile Groupe. Notre colonne légère se trouve près d'Aversa.

Nous sommes partis le lundi 10 dans l'après-midi et avons rejoint la colonne légère sans trop d'incidents, sous la conduite de Pavie. Depuis notre installation, nous avons passé notre temps à envoyer des véhicules en réparation, à pondre des états, des rapports et des comptes-rendus. Je suis allé à Naples le jeudi 13 juillet et y ai fait quelques courses. A midi, au Cercle des Officiers, j'ai l'heureuse sur-

prise de retrouver Leuba, arrivé depuis huit jours à Naples, mais encore affecté nulle part. J'ai passé l'après-midi avec lui. Nous sommes montés au Pausilippe, d'où l'on découvre une vue très intéressante sur la baie de Naples. Nous avons terminé la journée à lfArizona, le dancing des officiers alliés, où règne une atmosphère assez particulière et assez amu-sante. Je suis rentré à 23hOO au bivouac avec le Capitaine Renoux, Guichard et Lé-ger.

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Naples a beaucoup changé depuis l'hiver dernier. C'est une ville qui gagne à être vue en été. La crasse napolitaine n'est plus un simple objet de dégoût, mais un apprécia-ble facteur de pittoresque. Les femmes continuent à être en moyenne moins bien et moins gentiment vêtues qu'à Rome. Mais le soleil illumine leurs robes d'été et toutes ces taches de couleur animent et égayent des rues qui n'ont aucun cachet, aucun caractère. "La Via Roma, m'a dit Leuba, ...mais c'est fou ce que ça peut ressembler à la rue St-Ferreol !" Les Français ont un peu plus leurs coudées franches et se sont maintenant mieux installés. Devant la grande poste, il y a trois mâts avec les drapeaux de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, et au théâtre San Carlo, on joue la Marseillaise, ainsi que les hymnes britannique et américain. Dimanche 23 juillet. Le mercredi 19, nous avons quitté le bivouac de Parete vers 8hl5, avec 4 Macks, 3 CMC, 3 Dodges (3/4 t), 1 VR et 1 Jeep et bien sûr nos quatre canons. L'ensemble de ces véhicules constitue le premier échelon de la Batte-rie destiné à être engagé dans les prochaines opéra-tions. Le reste re-joindra plus tard Etape très longue, très difficile, très fati-gante jusqu'à Cano-

sa di Puglia. Itinéraire par Caivano, Casoria, puis la natio-nale 7 jusqu'à Foggia, puis route de Canosa. Le 20 juillet, pour la deuxième étape Canosa-Tarente, nous sommes fractionnés en deux colonnes, légère et lourde et cela marche beaucoup mieux que la veille. Arrivés à Tarente, nous apprenons que seuls les chauffeurs iront jusqu'à Brindisi avec moi. Le reste de la Batterie reste à Tarente avec un paquetage réduit et s'en va cou-cher dans une "area" d'aspect plutôt sinistre.

Silhouettes à l'Arizona

Nous quittons Tarente le vendredi 20 juillet au matin et arri-vons dans une "area" de Brindisi, l'area Mindy's, plate comme la main, dépourvue de toute végétation, mais poussiéreuse à souhait L'après-midi, on nettoie les mo-teurs des véhicules. Le 22 on procède aux opérations d'im-perméabilisation (waterproqfing) des Macks de pièces et des pièces. J'ai rencontré Bernard Berl, un ancien camarade du lycée Charlemagne (ECP 36) qui, après être passé par l'Es-pagne en 1943, est maintenant officier au 1er Régiment d'Artillerie (RA de la 1ère DFL).

Samedi 29 juillet. Le 26, nous apprenons les numéros des bateaux britanniques sur lesquels nous embarquerons : B 9 pour BHR et 3e Bie; B 10 pour EM 1, 1ère et 2e. L'après-midi, tout waterproofing étant achevé, nous nous achemi-nons vers l'area de triage. Nous avons de grosses difficultés pour faire embarquer nos remorques de 1 t On ne sait pas si les cales des bateaux pourront encore les absorber ! Quant à celles de 250 kg, nous les chargeons sur nos tracteurs de pièces. Nous avons vu Billeret, venu avec cinq CMC pour nous aider avant notre embarquement et au besoin ramener les remorques qui n'auraient pu être chargées. Le soir, départ pour l'area Cedric au fond du port.

Ce même soir en ville, grosses bagarres entre des Français et des Italiens; quelques blessés chez les Français; un ou deux MP britanniques grièvement atteints par mitraillettes ou grenades. Les esprits s'échauffent Vers minuit deux marins italiens sont sommairement exécutés à coups de coït On entend hur-ler les femmes qui les accompagnaient. Le 28 à 3h00 du matin, alerte aérienne. Je pense que c'est pour obliger les Italiens à rentrer chez eux. Dans la journée début des opérations d'embarquement sur B 10. A 14h00, les An-glais s'aperçoivent qu'ils ne peuvent charger les 155 Guns dans les cales prévues, car leurs mâts de charge ne sont pas assez puissants. Je retourne au camp voir Renoux. Je traverse Brindisi, bourrée de marins Italiens armés jus-qu'aux dents. Au camp c'est l'effervescence, car il a fallu soute-nir un combat en règle contre les Italiens, de plus en plus surex-cités. Des balles passent en sifflant dans le camp. Je retourne au port avec Renoux qui finit par arranger les affaires de char-gement de matériel. Mais les Anglais doivent chambouler leur plan de charge, et ranger nos canons dans une cale qu'ils avaient remplie le matin ! Nous rentrons au camp où arrivent encore quelques coups isolés. A 17h00 les Italiens comptaient déjà 25 tués parmi les leurs, sans compter ceux qui traînaient peut-être encore dans les vignes et les champs environnants. Pour plus de sécuri-té, nous sommes renvoyés de Cedric à Mindy's.

Brindisi

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Par chance chez nous, ni personnel, ni matériel n'ont été atteints, à l'exception d ' u n e n o u r r i c e d ' e s s e n c e (communément appelée jerrycan). Pour assurer l'ordre en ville les Anglais ont fait descendre quelques unités de Gurkas. Dimanche 30 juillet. J'écris à quel-ques correspondants pour les prévenir de ne plus attendre de mes nouvelles d'ici quelque temps. Lundi 31 juillet. Départ de Mindy's à 13h30. Nous embarquons dans l'après-midi sur le Jersey Hart où sont chargés à la dernière minute les deux derniers Macks, deux GMC et le char M 4 de la 2e Bie. Il fait aujourd'hui une cha-leur étouffante et assez déprimante. A la nuit nous nous éloignons enfin de la terre italienne après six mois de campa-gne. Nous ne savons pas où nous al-lons, ni quand nous y débarquerons, mais peu importe; d'ailleurs pour com-mencer, nous nous arrêtons au large en attendant la formation du convoi.

Mercredi 2 août. Journée d'hier passée à s'installer sur le bateau. Il y fait très chaud; on ne trouve un semblant de fraîcheur que sur le pont où nous avons installé nos lits ou nos sacs de couchage. Aujourd'hui, la monotonie de la journée est coupée par le départ de Brindisi vers 17hOO. Nous panons pour Tarente où, paraît-il, nous nous arrêterons un moment. J'ai entendu dire ces jours-ci que le Duguay-Trouin était à Tarente. Mais cette fois, je ne verrai pas mon frère....

Jeudi 3 août. La navigation continue lentement : il ne faut pas être trop pressé quand on marche en convoi. Nous sommes loin du voyage express du Duguay-Trouin d'Oran à Naples. Arrivée à Tarente vers 17h30.

Vendredi 4 août. Journée étouffante et orageuse passée dans le port de Tarente. Certains signes semblent faire craindre que notre séjour ici ne se prolonge pendant plusieurs jours. Hier la radio a annoncé la prise de Rennes et de Dinan par les colonnes américaines. Samedi 5 août. Loudéac, Chateaubriant, Redon, points extrêmes de l'avance américaine. Déjà naît en nous la crainte d'arriver trop tard; au rythme où vont les événe-ments, que sera-t-il arrivé, quand nous parviendrons au terme de notre traversée ? Ici, de la pluie cet après-midi, et beaucoup de désœuvrement en attendant le départ. Mardi 8 août. Nous sommes toujours à Tarente. Cette immobilité commence à être assommante. Il vaudrait mieux qu'elle ne se prolonge pas plus longtemps. Car les distractions sont rares ici; et tant pis pour celui qui, n'aimant pas le jeu, ne peut consacrer le plus clair de son temps à d'interminables parties de bridge, soit entre Français, soit le

soir avec les officiers britanniques du bateau qui ne sont pas de quart : "One spade" -"Two no trumps" - Three hearts" -....Pour les autres, dont je suis, il y a quelques livres plus ou moins intéressants : une histoire de Ma-let-Isaac, un roman-feuilleton pour Semaine de Suzetre , des Fables de La Fontaine, des romans policiers, un Mo-lière.… J'ai oublié de parler des camarades embarqués avec moi sur le Jersey Hart : il y a le Capitaine Perrin, Charbonnel, Guichard, Rethoret et moi, ainsi que quelques autres officiers d'unités embarquées avec nous, notamment le Ca-pitaine Oursel et le Lieutenant Buntz du BM21. Nous avons eu quelques orages ces deux derniers jours et le séjour sous notre bâche du pont-milieu n'est pas tou-jours très confortable : on est bien mouillé par temps de pluie, et on crève de chaleur lorsque le soleil se montre. Jeudi 10 août, en mer. Nous avons quitté Tarente aujourd'hui vers 16h30. Presque au moment du départ, une vedette a apporté à Perrin qui est notre Commandant d'Armes à bord une grosse enveloppe à n'ouvrir que quel-ques heures après notre départ de Tarente. Le soir au mess, l'ouverture de l'enveloppe qui contient les cartes relatives à la zone de nos futurs combats confirme les tuyaux officieux des Britanniques du Jersey Hart ; ce sera entre Toulon et Nice. Nous connaissons notre destination : LA CAMPAGNE DE LIBERATION DE LA FRANCE COMMENCE.

Embarquement de Mack à Brindisi

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Ordre de bataille du RACL à l'embarquement pour l'Italie (1er Groupe)

Etat-Major de Groupement Missonier Lcl Cdt le Groupement Thiébaux Lcl Officier adjoint Chenic Cap Officier S1 Lejeune Cap Officier S2 Segretain Cap Officier S3 Sauerbach Cap Officier S4 Rouy Cap Transmission Grp Gaillard Cap Observateur Grp D'Aboville Cap Officier liaison Etat-Major du 1er Groupe Joubert Cen Cdt du 1er groupe Lecourtois Cap Officier adjoint Charbonnel Lt Officier adjoint Perrin Cap Officier orienteur Comerre Cap Transm. Et Cdt l'EM1 Launois Lt Pilote avion d'observation Bosch-Fuster Slt Observateur avion Drouin Asp Observateur avion Rouquet Slt Officier observateur Jolivald Slt Officier liaison Jousselin Asp 1er Batterie Robin Cap Cdt la 1er Batterie Van den Bogaert Lt Lieutenant de tir Binard Slt Lieutenant observateur Fonteix Asp Chef de section 2ème Batterie Maillols Cap Cdt la 2ème Batterie Guicharf-Montguers Lt Lieutenant de tir Citroën Lt Lieutenant observateur Léger Asp Chef de section 3ème Batterie Renoux Cap Cdt la 3ème Batterie De Jerphanion Lt Lieutenant de tir Guenantin Slt Lieutenant observateur Rappet Asp Chef de section CR1 Baude Cap Cdt la CR1 Depoutre Médecin-capitaine du 1er groupe Claude Lt Officier approvisionne-ment Frissard Lt Officier de détails Cascaro Slt Echelon de combat

Nombre de coups tirés par le I / RACL au cours de la campagne d'Italie

Position du au Nb de coups Acquafondata 09-02-44 05-04-44 8 528 Friello 05-04-44 10-05-44 3 280 Calabritto 11-05-44 14-05-44 4 265 Marche sur Rome 15-05-44 04-06-44 5 352 Après Rome 11-06-44 07-07-44 2 564 Total 23 989

Les étapes de la 1ère Batterie en 1944 en Italie Le 19-01 Débarquement à Naples et mouvement à pied vers Bagnoli Le 04-02 Mouvement de Bagnoli à Caivano Le 08-02 Déplacement avec matériel de Caivano à Venafro Le 09-02 De Venafro à Acquafondata Le 29-03 D'Acquafondata à Roccamonfina Le 05-04 De Roccamonfina au Friello Le 08-05 Du Friello à Calabritto Le 17-05 De Calabritto à San Giorgio-a-Liri Le 21-05 De San Giorgio-a-Liri à Santa-Oliva Le 26-05 De Santa-Oliva à Pico Le 30-05 De Pico à la région d'Amaseno (Priverno) Le 31-05 De la région d'Amaseno à Roccasecca dei Volsci Le 03-06 De Roccasecca dei Volsci à Segni Le 08-06 De Segni à Albano-Lazziale Le 10-06 D'Albano-Lazziale à Vetraila Le 11-06 De Vetraila à Marta Le 15-06 De Marta à Grotte di Castro . . Le 17-06 De Grotte di Castro à Montorio Le 19-06 De Montorio à Santa-Fiora Le 24-06 De Santa-Fiora à Seggiano Le 27-06 De Seggiano à la région de Casale Le 28-06 De la région de Casale à Santos Le 05-07 De Santos à la station de Roccastrada Le 07-07 De la station de Roccastrada à Pola Le 09-07 De Pola à Noceleto Le 10-07 De Noceleto à Parete Le 19-07 De Parete à Canosa Le 20-07 De Canosa à Tarente Le 21-07 De Tarente à Brindisi Le 31-07 Embarquement à Brindisi du matériel de la Batterie

Index des noms cités d'Aboville (Henry) Saint-Cyr (1930-1932)(Promo Joffre) D'une noble famille de l'Ouest de la France, qui a donné de nombreux officiers d'artillerie à la France. Je l'ai connu au Ma-roc, alors que, récemment évadé de France, il assurait l'intérim de Robin, commandant la 1ère Batterie du RACL, reparti en congé exceptionnel à Kindia (Guinée), à la suite du décès d'un de ses jeunes enfants. Au CEF, il fut affecté comme repré-

Annexe 1 Annexe 2

Annexe 3

Annexe 4

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sentant de l'artillerie du Corps d'Armée, auprès de la 13e Brigade américaine d'artillerie du Colonel Bank. Après la guerre, il ne resta pas dans l'armée et termina comme Colonel de réserve. H est le père du fameux Gérard d'Aboville, qui traver-sa en solitaire les océans Atlantique et plus tard Pacifique dans des bateaux à rames. Abran (Robert) Canonnier de l'équipe téléphonique de la 1ère Bie, un as dans la service des centraux de batterie. Au Maroc il lui était arrivé la mésaventure suivante : il ne fut pas retenu pour suivre l'instruction des chauffeurs d'auto, en raison d'une légère surdité. Moyennant quoi, il fut affecté à l'équipe téléphonique ! Retiré en Charente Maritime K Aigrot (Adolphe) X 32 . ; Camarade de promo d'Henri Robin. Lors de sa brève visite à Robin, il nous raconta quelques histoires assez lestes au cours du déjeuner que lui offrit son cocon de promo. A termi-né sa carrière civile comme ingénieur général des Ponts et Chaussées. Alfonsi Aspirant connu à Oujda au IV/RACL. H avait fait Madagascar et a été de ceux qui sont restés quelques mois prisonniers des Anglais, pour avoir refusé de rejoindre De Gaulle et les FFL. Perdu de vue. Alphonse Patronyme malgache inconnu. Chauffeur de la jeep de Ro-bin. Brave type toujours souriant, mais tout le contraire d'un bourreau de travail.

André (Paul) X 39 Connu à l'Ecole Militaire de l'Artillerie de Nîmes, en 1941-1942, où il fut le chef de la brigade des X 39 petits chapeaux (c'est-à-dire entrés dans l'armée après une seule année d'études à l'X). En considération des services rendus au cours des cam-pagnes de Tunisie, Italie, France Libération et Allemagne, cette catégorie d'élèves acquit automatiquement le titre d'An-ciens Elèves Diplômés de l'Ecole Polytechnique. André fut tué pendant la campagne de Libération de la France le 24-01-1945. Athonady (Lucien) 1er Canonnier à la 1ère Bie. Excellent soldat, aide-chauffeur de Gamba, (cf plus loin), conducteur du char M4 (tracteur che-nille utilisé dans les mises en batterie difficiles; cf Acquafondata). Vit retiré quelque part dans le département de la Meuse. Aubert (Marcel) Ecole de l'Air de Salon Connu depuis la math-élem à Charlemagne. Même cursus que Boutarel (cf plus loin). Je l'avais rencontré en fin 1942 sur le terrain d'aviation de Marrakech, lors d'un exercice de défense de point sensible. Perdu de vue. Barbaron (Marc) Connu en Taupe à Charlemagne en 1935-1936. Il inté-gra en 1936 à l'Ecole Normale de l'Enseignement Techni-que. Perdu de vue jusqu'à la rencontre de Torrisichi et reperdu de vue après cette rencontre. Billeret (Francis) Adjudant-Chef de la 1ère Bie. Un ancien enfant de troupe. Un modèle de sous-officier, d'une compétence affirmée,

connaissant à fond les règlements et sachant les appliquer avec intelligence. Possédant un don réel du commande-ment. A vu son accession à l'épaulette injustement retardée de plusieurs années, parce que son dossier comportait la trace d'une bêtise d'enfance aux enfants de troupe. J'avais beaucoup d'estime pour lui et fus sincèrement heureux de sa promotion au grade de Sous-Lieutenant A terminé Capitaine. Il a ensuite très bien réussi dans la vie civile. Décédé le 10-07-1992.

Binart (Pierre) Connu en Taupe en 1935 à Charlemagne. Il était pensionnaire de l'Ecole Massillon. Il fit ensuite des études en faculté (sciences naturelles ?). Mémoire étonnante, mais caractère assez abrupt n se retrouva, après l'armistice de 1940, à Kindia en Guinée. Il y fut apprivoisé par Robin, à qui il vouait un véritable culte (et il avait raison). Ce qui est dit de lui dans mon récit, dé-peint assez bien quelques traits de son caractère. Après la guerre, je le rencontrai fortuitement lors d'un arrêt de train de nuit du côté de Verrey-sous-Salmaize (ligne Dijon-Paris); j'appris qu'il était devenu ingénieur du Gaz de France à Dijon et qu'il avait épousé une condisciple de mon épouse au Couvent des Oiseaux de Brunoy.

Bollon (André) Connu au Maroc à la 1ère Bie où il exerçait les fonctions de brigadier-fourrier, fonctions qu'il transmit à Emile Caba-ret, lorsqu'il fut désigné comme chef de la 3e pièce. Sa pre-mière mise en batterie de la campagne est évoquée au chapi-tre " Acquafondata" Bosch-Fuster (Firmin) Du type "grande gueule". Après ses quinze ans, il était passé aux Affaires Indigènes (à Azilal, si j'ai bonne mémoire). Rap-pelé après le débarquement américain de novembre 1942 et affecté au groupe, il sut organiser quelques chasses au san-glier qui lui valurent la bienveillance du Commandant Jou-bert Parti en Italie dans l'équipe d'observation aérienne du groupe, eut, malheureusement pour lui, des diffi-cultés physiques pour supporter les vols (genre de mal de l'air ?). n ne resta pas très longtemps au Groupe et dut être rapatrié au Maroc.

Boutarel (Pierre) Ecole de l'Air de Salon. Connu à Charlemagne. Etait pensionnaire à l'Ecole Massil-lon. A fait l'Ecole de l'Air à Salon. Officier d'aviation (Navigant). Pas d'autre informations sur lui que celles que j"avais recueillies en Italie. Brindeau (Paul) X 38 Connu à l'X. Sorti dans le Génie. Affecté au 33e Bataillon du Génie à Fès. Il est parti en Italie avec la 2e DEM (Division d'In-fanterie Marocaine). Marié dès sa sortie de l'X (je fus son té-moin), U avait eu au Maroc un petit garçon, Marc, dont je fus (et suis) le parrain. Après la fin de la guerre, il passa dans le corps des Fabrications d'Armement et termina Ingénieur Géné-ral de 1ère classe.

Cabaret (Emile) Fourrier à la 1ère Bie, il y gagnera ses galons par son travail exemplaire. Dès mon arrivée à l'unité, j'ai décelé chez lui un niveau d'éducation supérieur à l'ensemble de ses autres ca-marades, comme lui, engagés pour quatre ans. Ili devait termi-ner la guerre comme margis, et en temps que fourrier de

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la batterie, il "démobilisa" bon nombre de ses camarades, avant d'être lui-même rendu à la vie civile. A cette occasion, il nota avec grand soin les adresses où déclaraient se retirer ses ca-marades. Sur une suggestion du Capitaine Robin, il entreprit un grand périple dans l'hexagone en reprenant contact avec les anciens de la 1ère Bie, pendant plusieurs années consécutives, recueillant aussi les adresses mises à jour d'autres camara-des du 1er Groupe, et même des trois autres Groupes et de la BHR du RACL. Il réussit à regrouper l'ensemble en une ami-cale qu'il a toujours voulu informelle, l'animant seulement au début par des réunions annuelles, sans périodicité définie. D'autre part, les Régiments d'Artillerie Coloniale du Maroc et du Le-vant se partageaient jusqu'à fin 1942 les garnisons de Casablan-ca et de Marrakech. Un regroupement fut alors décidé, toutes les unités de Casablanca devenant RACM, et toutes celles de Marra-kech devenant RACL. Il en résulta que l'Amicale rassembla des anciens des deux Régiments. Cette Amicale se perpétue jus-qu'à présent, Cabaret ayant passé la main depuis quelques an-nées au Capitaine Martial Debros, un ancien du III/RACL. Cervoni Sous-Lieutenant à la BHR du RACL..J'eus l'heur de lui être sympathique et pus, grâce à lui, obtenir ma réintégration au I/RACL au moment du départ pour l'Italie. D'origine corse, il avait une préférence marquée pour ses compatriotes, assez nombreux au Régiment, notamment pour Saoli qui fut un temps Chef de Section à la 1ère Bie, et qui fut envoyé en stage à Cher-chell pour devenir Aspirant, cela au moment de l'attaque du Ga-rigliano, ce qui n'arrangea pas tellement le Capitaine Robin dans l'encadrement de sa batterie. Chaillet. X 13 Général commandant l'artillerie du CEF. Ce Bourguignon, qui avait les pieds sur terre, sut s'entourer d'officiers de valeur, et employer son artillerie, celle des divisions et celle du corps d'ar-mée, au mieux des exigences de la campagne, ayant su l'adapter aux contraintes de la guerre de mouvement. Décédé le 17-09-1955. CharbonneI(Jean) X39 Petit chapeau, comme André. Il eut la charge de créer et entraî-ner l'équipe du PCT (Poste Central de Tir) du 1er Groupe et en fit un outil pleinement opérationnel. Son Journal de mar-che laisse entendre qu'il fut toutefois moins libre de ses mou-vements à partir du moment où le Commandant Guillard succéda au Commandant Joubert. Après un séjour à Madagascar, puis plus tard en Indochine, il passa dans le corps du Contrôle, puis rentra dans la vie civile. A présent, il vit retiré à Hossegor. Chenic Capitaine commandant la BHR (Batterie hors rang) du Régiment. Ce Breton, vieux soldat connaissant toutes les ficelles du métier, ne re-connaissait que son Colonel comme seul maître après Dieu. Avec lui, Missonier fut le plus gâté des Chefs de Corps. Citroën (Maxime) X 38 Officier du Régiment qui fut un certain temps à la 2e Bie. Détaché en-suite auprès de d'Aboville à la 13e Brigade US du Colonel Bank. Après la guerre, rendu à la vie civile, il a travaillé dans diverses so-ciétés. C'était un garçon charmant, que sa destinée a trop tôt arra-ché à l'amitié de ses camarades, il nous a quittés le 11-03-1990. Claude Lieutenant à la CR 1, d'origine lorraine (ce qui lui valait a priori la sympathie inconditionnelle de Binait), sans doute le plus âgé des

lieutenants du Groupe. Patron de la section de ravitaillement en munitions, n'a pas chômé au cours de la campagne. Un cama-rade d'une gentillesse extrême. Perdu de vue depuis la fin de la guerre.

Cochet Un des pilotes de la Section de piper-cubs. Je n'ai eu que très peu de contacts avec lui. Décédé le 28-08-1992. Comerre (Jules) X 31 Officier de transmissions et commandant la batterie d"Etat-Major du 1er Groupe. Un phénomène, adorant manier les paradoxes, mais donnant l'impression de croire sérieusement à certains d'entre eux. Au demeurant le meilleur camarade du monde, le cœur sur la main. Tyrannisé par le Commandant Guillard, a sans doute fait par avance sur cette terre une partie de son temps de pur-gatoire ! Depoutre (Hubert) Toubib de notre Groupe, un ancien de l'Ecole de Santé Na-vale de Rochefort Mieux connu par la suite au cours des quel-ques mois d'occupation vécus à fin 1945 en Allemagne. Quand il est retourné à la vie civile, il a exercé dans le Périgord à Hautefort. Décédé le 28-06-1981. Deslions Chef d'escadron rencontré une fois à Acquafondata. Tué le 15-05-1944 au cours d'une reconnaissance au moment de la bataille du Garigliano. Des loges (Gilbert)

Chef de la 1ère pièce de la 1ère Bie. Un solide Lorrain, avec un sens naturel du commandement qui lui a permis de cons-tituer au cours de la campagne et des suivantes une équipe de pièce exem-plaire. Reste un des plus fidèles des ren-contres de l'amicale. Melle Doncieux Se reporter au texte (à la date du 17 janvier). Je l'ai rencontrée à Paris en fin 1945 devant le magasin des Trois Quartiers, Per-due de vue depuis cette époque. Drouin (Roger) Il était observateur aérien au Groupe. Comme pour Cochet, j'ai eu peu de contacts avec lui. Je l'ai rencontré par hasard un jour en 1953 (ou 1954 ?) en gare d'Annecy. Reperdu de vue depuis cette rencontre.

Duchêne (Georges) X 37 Nous nous sommes connus en 1930 au lycée Charlemagne : il était élève de 4e A', tandis que j'étais en 4e A. Il changea en-suite de lycée. Je le retrouvai à l'occasion des concours de l'X. Il a été mon Ancien à l'X. Perdu de vue en 1940. Retrou-vé en novembre 1942 au Maroc, d'où il partit assez vite pour la campagne de Tunisie, avec les éléments qui y furent envoyés du RACL. Affecté au Ile Groupe pour la campagne d'Italie, comme observateur aérien. Dans la campagne de France devait être grièvement blessé le 06-10-1944 dans les Vosges dans son observatoire terrestre (ce qui lui valut d'être décoré de la Légion d'Honneur sur son lit d'hôpital par le Général de Lattre de Tassigny en personne). Reperdu de vue; retrouvé

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à la Cie Générale de Construction de Fours, où il a passé ses premières années d'ingénieur. Retrouvé assez tard à l'occasion des réunions de l'amicale auxquelles il assiste avec régularité. Retiré à St Bonnet le Château. Epherre Capitaine au in/RACL. Surnommé "La Chouette" par ses camarades de promo de Poitiers. Un camarade qui, à la connaissance de son métier, ajoutait la qualité d'être très sympathique et qui disposait de quelques histoires bien à lui, propres à dérider les popotes les plus austères. Décé-dé. Fonteix L'Aspi de la 1ère Bie, qui nous quitta malheureusement as-sez vite pour être adjoint au Capitaine Rouy, qui supervisait les transmissions du Régiment et particulièrement celles des Groupements dirigés par le Colonel Missonier. Après la guerre, je l'ai rencontré une fois vers la gare de Lyon. Per-du de vue. Fortuné (Jean-Baptiste) Chef de la 2e pièce de la 1ère Bie. Un Corse peu loquace, mais faisant bien son métier. Décédé le 10-05-1988. Gaillard (Raymond) Capitaine d'abord à la BHR, puis de la 2ème Bie où il remplaça le Capitaine Maillols. Officier sympathique et souriant. Vit retiré en Ven-dée. Gamba (Pierre) Notre chauffeur de char M4. Il était de Nice et avait une belle voix de chanteur très appréciée de tous. Un de ses mor-ceaux de bravoure était "Je suis le maître à bord", une chan-son de marin, de genre réaliste, qu'il chantait avec énormément de conviction. Il s'est retiré à Nice. Gaudy (Clément) AM Angers promo 1928 Lieutenant du IVe Groupe connu à Oujda, où il était orien-teur du Groupe. Réserviste, il était dans le civil au Maroc ingé-nieur dans une entreprise de travaux publics. Il devait plus tard en Allemagne me succéder au commandement de la Batterie d'E-M du 1er Groupe, après que j'eus été blessé. Décédé le 30-11-1981. Gautron (Gabriel) A lui aussi exercé les fonctions de fourrier à la 1ère Bie. A terminé sa carrière comme Capitaine. Très assidu aux ré-unions de l'amicale. Décédé le 21-02-1991. Gelormini (Jean) Brigadier de tir du Capitaine Robin. Lui aussi, un enfant de l'Ile de Beauté, avec qui j'ai fait toutes les mises en direc-tion de la 1ère Bie pendant la campagne d'Italie. Après la guerre est entré dans la gendarmerie de son pays à Prunelli-di-Fiumorbo. Décédé le 01-02-1982. Glasson Maréchal des Logis, père blanc dans le civil et aumônier du RACL. Revu à la réunion de Bourg en Bresse en 1973. Décédé le 01-05-1985.

Guichard-Montguers (Frédéric) Lieutenant de tir de la 2e Bie. Froid, peu communicatif,

connaissant parfaitement son métier d'artilleur. Perdu de vue à la fin de la guerre. A terminé sa carrière comme Lieutenant-Colonel et s'est retiré à Luynes où il est décédé le 22-12-1994. Il était le neveu du Colonel Guichard-Montguers qui com-mandait le 2e RACC en 1914 et fut blessé et fait prisonnier à la bataille de Rossignol.(fin août 1914). Gaillard (André) Saint-Cyr (1926-1928)(Promotion Pol Lapeyre) Pour passer Lieutenant-Colonel, il a fait son temps de commandement de Chef d'Escadron (en campagne, six mois minimum), en se débrouillant pour le faire à la belle saison; il a réussi même à être promu au grade supérieur avant l'expiration de ce dé-lai. N'a pas semblé avoir assimilé les connaissances acqui-ses à l'Ecole de Guerre, pour les appliquer et les adapter aux circonstances de la vie en campagne et il n'a pas réussi à avoir le contact avec la troupe comme l'avait eu son prédéces-seur, le Commandant Joubert II n'a pas laissé de bons sou-venirs au 1er Groupe. A cependant terminé comme Général de Brigade. Il est décédé, très diminué par la maladie le 07-06-1994. Horgues-Debat (Raymond) X 37 Un bigor de mes Anciens, rencontré à Santa-Oliva. Bien des an-nées plus tard, alors que je commandais le 2e RAMa de ré-serve, il est venu m'inspecter à Suippes au cours d'une convo-cation verticale de mon régiment (1971). Esprit non confor-miste, il a écrit dans sa retraite un livre de souvenirs excel-lent, intitulé Un siècle de vains combats. Décédé à fin août 1995. de Jerphanion (Frank) Lieutenant de tir de la 3e Bie. Moins froid que Guichard-Montguers, mais encore moins rencontré que ce dernier. Vit maintenant retiré à Hyères. Joubert (Guy) J'ai été détaché à son Groupe (I/RACM) dès mon arrivée à Marrakech, à cause du débarquement américain du 8 novembre 1942. Flemmard, mais sachant très bien s'entourer des gens compétents, il a finalement su constituer un Groupe très "opérationnel". Comme artilleur, il avait un sens du terrain très remarquable, comme j'ai pu le constater au cours de tir d'EI Hajeb. Il n'était pas tendre pour ceux qui vasouillaient dans leurs réglages aux écoles à feu, mais ses leçons por-taient II est mort en fin 1944 d'un accident de voiture, au cours de la campagne de France. Jouchoux (Henri) Conducteur d'un tracteur de pièce. J'ai le souvenir d'un visage rosé presque enfantin avec des yeux bleus et des cheveux plutôt blonds. Accidenté à la fin de la campagne d'Italie (30-06-1944). La Batterie l'a récupéré au cours de la campagne de France et quelques-uns d'entre nous avons été reçus par ses parents : son père, à la SNCF était alors Chef de Gare de St-Hippolyte, dans le Doubs. Perdu de vue. Jousselin (Jean-Pierre) Aspi du Groupe, affecté à la 1ère Bie vers la fin de la campa

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gne d'Italie. II était marié et père d'une petite fille dont il nous parlait souvent Très bon Chef de Section, il possédait par surcroît un réel talent de dessinateur. Vit retiré à Joué-lès Tours. Launois Etait à la section de piper-cubs. Comme Cochet, je l'ai fort peu connu.

Lecourtois (Roger) L'Adjoint au Commandant du 1er Groupe. C'est en fait lui qui "faisait marcher la boutique". La figure même de l'autorité souriante. Il scan-dalisait Guillard en appelant les lieu-tenants de tir des batteries " Mon gros lapin". Il n'avait pas son pareil pour organiser les déplacements du Groupe dans les phases les plus complexes de la bataille de mouvement Vit retiré à Marseille. Léger (Camille) Chef de section de la 2e Bie. Je l'ai peu fréquenté pendant la campagne d'Italie. Lejeune (René) X 33 Capitaine qui commanda la 6e Bie du Ile Groupe, Un Offi-cier modèle, excellent cavalier, adoré de ses hommes et dominant parfaitement son métier. C'est moi qui avais été chargé de l'accueillir à son arrivée à Marrakech, où il avait été affecté, en fin 1942, après son séjour colonial à la Martinique. A malheureusement été tué au cours d'une reconnaissance dans les derniers jours de la guerre, en Alle-magne, le 23-04-1945. Lepigeon (Pierre?) , Notre Brigadier-Chef cuisinier. C'était un Normand de Monte-bourg, un bourg qui fut le théâtre de furieux combats au mo-ment de la libération du département de la Manche. Après la guerre, il fut désigné pour l'Afrique et décéda à Fort-Archambault (Tchad) Ie30-08-1948. Leuba (Pierre) X 34 Connu à Charlemagne à fin 1934, alors qu'il venait d'inté-grer à l'X. Bien que rentré dans un très bon rang (40e), il devait sortir Bigor. Son premier séjour colonial se fit à Port-Etienne en Mauritanie, voisine de la possession alors espa-gnole du Rio de Oro. Esprit cultivé et curieux de tout, il profita de ce séjour pour apprendre l'espagnol. Affecté au RACL au Maroc (considéré alors comme séjour métropolitain par la Direction des Troupes Coloniales), il devait partir en Tu-nisie dans une des premières unités combattantes for-mées par le RACL. J'appris à le mieux connaître pendant mes quelques mois de passage au IV/RACL : nous parta-gions avec Gaucly la même chambre au camp Roze. Après la guerre, il fut détaché au laboratoire des frères de Broglie, puis au CEA où il exerça entre autres des activités d'enseigne-ment pendant de nombreuses années. Du fait de ce détache-ment, il ne fît pas la carrière militaire brillante que lui méritaient ses capacités et il ne termina que Colonel. Marié après la guerre, il eut plusieurs enfants. L'un d'eux, Xavier a mainte-nu la tradition militaire de son père (St-Cyr 1968-1970; promotion Souvenir de Napoléon) et est officier de l'ABC. Pierre Leuba est décédé le 28-01-1993. Mahuet (Robert)

Canonnier de notre Batterie. D'origine champenoise il était boucher dans le civil.et s'était engagé en septembre 1941 pour une durée de quatre ansJe l'avais revu à une ré-union de l'amicale, le 18-05-1975 à St-Loup (Allier). Décédé le 16-01-1994. Mai llol s (Pierre) Capitaine commandant la 2e Bie pendant la campagne d'Italie, puis chargé des transmissions du Groupement en France. E avait un caractère assez marqué et ses sautes d'humeur étaient sans doute imputables à une maladie chro-nique de l'estomac. Excellent commandant de Batterie, il ter-mina comme colonel et dirigea par la suite les Services de la Protection Civile du département de la Savoie. Revu à la réunion de l'amicale de Bourg en Bresse en 1973. Décédé le 09-05 1976. Maumejean (Robert) X 36 Son livre de poèmes m'avait été signalé par mon camarade de 1"X Michel Dupuy (+)(Promo 37). Maumejean est décédé le 27-04-1989.

Missonier (Serge) Connu dès mon arrivée le 07-11-1942 à Marra-kech, où comme Lieute-nant-Colonel, il com-mandait en second la fraction principale du RACL. Officier supé-rieur brillamment sorti quelques années plus tôt de l'Ecole de Guerre, il reçut le commandement du Groupement d'artillerie lourde du CEF (I et n/RACL + BHR de Grpt).Désigné pour Mada-gascar en 1944, il y "aspira" un certain nombre d'officiers, dont il avait distingué la valeur opérationnelle (Rancurel, Charbonnel et Leuba furent de ceux-là). Promu Colonel pen-dant la campagne d'Italie et par la suite devenu Général de Brigade. Décédé assez jeune. (Fin 1959 ou début 1960 ?). Morat (Pierre) Chef de la 4e pièce de la 1ère Bie. Rentré dans la vie civile, il n'a jamais cherché à conserver le contact avec les anciens. Vit retiré à Perpignan. Millier (François) Un engagé volontaire pour cinq ans. Caractère très taci-turne. A été chauffeur du tracteur de la 2e pièce. Perdu de vue après la guerre. Nicaise (Bernard) Etait margis observateur au 1er Groupe. Avait été sérieuse-ment blessé à son poste de combat au moment du débar-quement américain en Afrique du Nord; à ce titre il était titu-laire de la Médaille Militaire. Décédé le 10-05-1993.

Palisse (Louis) Brigadier auto, adjoint à Pavie. Perdu de vue après la Guerre. Décédé le 21-01-1993.

Pavie (Eugène)

Sous-officier mécanicien de la 1ère Bie, connaissant remar

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quablement bien son affaire. Grâce à lui, la 1ère Bie a fait les campagnes d'Italie, France Libération et Allemagne, sans ennuis majeurs sur le matériel auto. Rentré dans la vie civile. Vit maintenant à St-Herblain, à côté de Nantes. Est resté un fidèle des réunions de l'amicale.

Perrachon (Henri) X 30 Capitaine connu au stage d'artillerie américaine de Port-Lyautey au début de 1943. Un de ces X qui vivent surtout en état-major, où leurs qualités intellectuelles sont assez géné-ralement appréciées (cf. Leuba). Rendu à la vie civile a travail-lé à St-Etienne. Décédé le2O-Oi-1991. Perrin-Houdon (Raoul) Un Capitaine extrêment sympathique du 1er Groupe, dont il a été l'orienteur au cours des campagnes d'Italie et de France, avant d'être dirigé vers l'outremer, alors que nous étions en Alsace. En plus de ses qualités professionnel-les, Perrin possédait (et possède) un talent remarquable de dessinateur. Il a mis à profit ses déambulations d'orienteur pour se rédiger un journal de campagne person-nel, illustré de croquis souvent pris à la hâte, mais toujours extrêmement réalistes et vivants. Il est apparenté au sculp-teur J.A. Houdon (1721-1828). Après la fin de sa carrière militaire, il s'est consacré complètement à son art. Quinart (Jean) X 33 Connu en automne 1940 à St-Flour, où il dirigeait le parc de récupération des véhicules automobiles de réquisition rescapés de la débâcle de 1940. A poursuivi sa carrière dans l'armée et a terminé Général. Décédé le 29-07-1989. Rakotozafy Un des chauffeurs malgaches de la 1ère Bie Rancurel (Oscar) Commandant le ÏI/RACL. Adoré de son Groupe auquel il avait donné une personnalité différente de celle du Groupe Joubert. C'était un ancien de la malheureuse affaire de Sy-rie, qui avait le tact de n'en point trop parler... Décédé acciden-tellement alors qu'il vivait une paisible retraite dans le midi de la France. (1968 ?).

Renoux (Charles) Commandant la 3e Bie, sur-nommé "le Lion" par ses hom-mes. Il possédait à fond tou-tes les ficelles du métier de commandant de batterie et en imposait à Joubert, dont il était visiblement le commandant d'unité préféré. Devenu Adjoint du Cdt de Groupe, après le départ de Lecourtois, il fut grièvement blessé dans un acci-dent de voiture dont il ne s'est jamais remis et qui a préma-turément mis un terme à sa carrière. Décédé le 15-08-1993. Rethoret, de son vrai nom Dessonet.Saint-Cyr 1936-1938 ( le Soldat Inconnu). Comme prénom, l'annuaire de la St-Cyrienne indique Lucien et le Minitel donne Paul. Pilote d'avion au Groupe des piper-cubs. J'eus l'occasion de faire une "sortie" avec lui au-dessus de la plaine d'Alsace. Re-tourné à la vie civile, est devenu professeur d'allemand dans le Midi.

Mme Richard Connue à la paroisse d'Oujda, où elle nous avait pris en amitié, Leuba et moi. Je suis resté en relations épistolaires avec elle après la guerre. Au moment de l'indépendance du Maroc, elle est revenue en France à Rabastens dans le Tarn où elle termina ses jours.

Robin (Henri) X36 Capitaine commandant la 1ère Bie. Arrivé à Marrakech, en pro-venance de Kindia (Guinée) où il commandait un détachement avec Pierre Binart comme adjoint. D a exercé une forte impression sur moi, tant son ascendant mo-ral et son autorité naturelle étaient grands. Pour moi et beau-coup d'autres, c'était " le Capi-taine" par excellence. Plus tard il a été le parrain de l'aînée de mes enfants. Rentré assez vite dans la vie civile, il monta une entreprise de bâti-ment et travaux publics à Angoulême. Malheureusement ravi aux siens et à ses amis le 12-07-1977, après une cruelle ma-ladie.

Rouquet (Gabriel) Sous-Lieutenant observateur du 1er Groupe. Il devait nous quitter pendant la campagne pour une affectation en AEF. C'était un camarade très sympathique, il est mainte-nant retiré aux Clayes-sous-Bois, près de Versailles. Rouy (Roger) Capitaine. Grand patron des transmissions du RACL. A été traumatisé par la lamentable affaire de Syrie de 1941. Après la fin de la guerre et rendu à la vie civile, a fait des étu-des à la Faculté de Dijon et obtenu un doctorat d'université en soutenant une thèse sur cette période trouble où une fois de plus "les Français ne s'aimèrent pas". Cette thèse était intitulée "Etude sur une guerre inconnue ; la campagne de Syrie de 1941 ". Décédé le 20-10-1973. Saigne (Louis) Canonnier de la 1ère Bie. Un soldat sans histoire, qui n'eût jamais été mentionné, s'il n'avait pas commis une mala-dresse en démontant un pistolet de récupération, qui contenait encore une balle. Iï y perdit une jambe. J'ai le souvenir d'un garçon de taille moyenne aux yeux couleur d'ardoise, et assez rarement rasé... Décédé en 1995. Saoli Jeune sous-officier d'origine corse, bien sous tous rapports que son compatriote Cervoni pistonna pour suivre les cours de l'Ecole d'aspirants de Cherchell. Je ne l'ai plus revu depuis son départ du Friello. Schausi (Marcel) Brigadier téléphoniste de la 1ère Bie. Avait su constituer une équipe très soudée, qui à chaque nouvelle position éta-blissait en un temps record les liaisons Batterie-Groupe et PC de Bie-pièces. Le type du titi parisien. Rendu à la vie ci-vile est devenu ... percepteur. H nous a quittés prématuré-ment le 14-09-1967. Segrétain (Marcel). Mines de Paris 1927. Je n'eus jamais affaire à lui pendant la campagne d'Italie.

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Après avoir été Officier S3, il devait, pendant la campagne de France, succéder à Rancurel dans le commandement du II/RACL.Cest seulement beaucoup plus tard que je fus en relations avec lui. A terminé sa carrière militaire comme Gé-néral.

Simonetti (Oreste) Brigadier vaguemestre du 1er Groupe, remarquable surtout par l'originalité de son prénom. Perdu de vue après la guerre. Stéphane (René) Canonnier de la 1 ère Bie. Un engagé volontaire pour quatre ans , qui venait de l'Est où il avait travaillé comme ouvrier mé-tallurgiste. Ce n'était pas un mauvais gars, mais sa vanité lui a malheureusement joué plusieurs fois des mauvais tours. Décédé le 05-05-1983.

Thériot (Jean) Surnommé "Nimbus" par ses camarades. Il a été notre mar-gis de liaison, avant de passer dans l'équipe des munitionnai-res de la batterie, rude tâche toujours accomplie avec beaucoup de dynamisme. Rendu à la vie civile, a fait sa carrière comme économe de collège. Partage maintenant sa vie de retraité entre Luxeuil-les-Bains l'hiver et Audierne l'été. Tiampona Mon planton malgache, de race sakalave, si mes souve-nirs sont exacts, dont j'ai beaucoup apprécié le dévouement souriant.

Woelfflé (Francis) Encore un engagé volontaire pour quatre ans. Parmi les pre-miers que j'aie connus à la Bie sous les mitraillages des Américains le 09-11-1942, sur la route de Marrakech à Safi (Si Tiji). Après la guerre, a été chez les CRS où il a fait sa carrière. Un fidèle des rassemblements de l'amicale.

Xavier (van den Bogaert). Navale 1939 Mon frère. Officier chargé du service électrique à bord du croiseur Algérie au moment du sabordage de la flotte à Toulon (27-11-1942). S'est immédiatement évadé de l'Arse-nal et est passé en Espagne, où il a vécu une incroyable odyssée : après avoir été victime d'une agression de pha-langistes, il a été soigné à l'hôpital de Barcelone; à peine sorti, il a été arrêté et emprisonné au Carcello Modelo (qui n'avait rien de "modelo"). Récupéré par les services du Gé-néral Giraud, Il a été rapatrié au Maroc. Affecté à la flotte d'Alexandrie sur le Duguay-Troiùn. A par la suite fait sur ce croiseur un certain nombre de voyages navettes entre Na-ples et l'Afrique du Nord. Après la fin des hostilités contre l'Al-lemagne, a fait diverses campagnes (à Madagascar et en Indochine). A terminé sa carrière comme Capitaine de Vais-seau. Très spécialisé dans les questions d'électricité et d'électronique, il s'est ensuite consacré à l'enseignement de celles-ci aux réfugiés d'Indochine qui avaient réussi à quitter leur pays et à venir en France. Décédé le 28-09-1993.

La chanson du RACL ( Air des "Forbans" )

- I -

Au premier Groupe on nous dit fortes têtes, Forbans nous sommes et le voulons rester. L'amour, la guerre sont pour nous même fête

Où tous nos sens trouvent leur volupté. Et Sainte Barbe qui nous regarde

Nous conduira fermement à bon port. Forbans en garde et que ça barde ! Gardons intact le renom des Bigors !

- Refrain -

Dans la bataille, Sous la mitraille

Allons pleins de foi et d'amour, oui d'amour, O gloire ailée Dans la mêlée

Viens couronner nos fanions tour à tour.

- II - Dans nos bivouacs on a toujours su boire

Et asseoir les filles sur nos genoux. L'amour, le vin, le combat et la gloire

Voila les buts que nous poursuivons tous. Belles compagnes pleines de charme

Accourez donc nous offrir vos trésors : Dans nos campagnes, soyez nos dames,

Venez vers nous et revenez encor.

-III- Si nos canons sont d'imposante taille, C'est un détail qu'on ne peut négliger, Car nous savons au cours de la bataille

Faire respecter le poids de nos bordées. Nos batteries fières et hardies

De l'ennemi viendront régler le sort. Pleins d'allégresse et sans mollesse,

Nous cracherons les obus sans remords.

- IV- Nous rentrerons dans notre belle France

Pavillon haut et la fierté au cœur, Ardents à mettre un terme à ses souffrances Et précédés de nos drapeaux vainqueurs.

Belle Patrie, terre meurtrie, C'est à toi que nous dédions nos efforts,

Et si la vie nous est ravie, C'est à toi que nous offrons notre mort.

Annexe 5

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Cartes

Annexe 6

Itinéraire de la 1° batterie

Le groupement français d'ALCA dans la cuvette d'Acquafondata

Déploiement de l'ALCA du CEF le 11 mai 44

Les étapes du I / RACL dans la marche sur Rome

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Le colonel Georges Van den Bogaert a commandé

le 2ème Régiment d'artillerie de marine de 1968 à 1972

Ce document a été réalisé par l'Association des Anciens du 2ème Régiment d'artillerie de marine à partir de l'original dont une copie a été déposée au CHETOM, Pour "Qu'au nom de Dieu, Vive la Coloniale !"


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