A) LES ACTEURS ET LEURS STRATÉGIES
En ce qui a trait à la partie syndicale, le syndicat concerné dans la négociation collective
du documentaire « Un troc made in Québec » est celui des Travailleurs Canadiens de
l’Automobile (TCA). Cette organisation est issue d’une fusion avec le syndicat américain des
United Automobile Workers (TUA) en 1985. Elle représente des travailleurs provenant de divers
milieux mais surtout de l’industrie automobile et aérospatiale. Elle regroupe 260 000 membres
dans tout le Canada dont 25 000 au Québec. Finalement, l’ordre représente le plus grand syndicat
du secteur privé au Canada.
Lors du conflit, le syndicat des TCACanada était présidé par Buzz Hardgrove. Ce
dernier commença sa carrière comme assembleur chez Chrysler dans l’usine de Windsor et il
grimpa les échelons jusqu’à ce qu’il devienne président en 1992. Il le sera jusqu’en 2008,
moment où il prendra sa retraite.
Pour ce qui est du syndicat des TCAQuébec, celuici était présidé par Luc Desnoyers.
M. Desnoyers avait déjà travaillé au sein de l’entreprise de Kenworth comme président du
syndicat de bureau. Il est un syndicaliste de carrière. Il est devenu directeur québécois des
TCAQuébec en 1995.
Dans l’usine de Kenworth, la section locale 728 est occupée par deux syndicats : le
syndicat d’usine et le syndicat de bureau. Le syndicat d’usine est dirigé par Yvan Bourgeois et
regroupe environ 750 employés alors que le syndicat de bureau est dirigé par JeanPierre Guay et
regroupe environ une centaine d’employés. Enfin, les deux syndicats ont quatre membres dans
leur comité. Aussi, ils sont conseillés par Serge Bordelance, un permanent syndical assigné au
dossier Kenworth.
L’objectif au centre des négociations avant le déclanchement de la grève est
l’amélioration du régime de retraite. Celuici inciterait les plus vieux à partir et ainsi, protégerait
l’emploi des plus jeunes. Après l’avènement de la grève, Paccar à pris la décision de fermer
l’usine. Celleci n’est pas dans la lignée stratégique de l’entreprise et doit être modernisée. À ce
moment s’enclenche une négociation marathon pour permettre la réouverture de l’usine.
L’objectif général se transforme vers un objectif plus spécifique à court terme : la réouverture de
l’usine. Pour cela, le syndicat de bureau et d’usine devra reculer et accepter les concessions de la
compagnie. Comme le mentionne Serge Bordelance, il n’y a pas de rapport de force dans cette
négociation car la menace de l’entreprise est réelle : l’usine est belle et bien fermée. Yvan
Bourgeois pensait avoir déclencher la grève au moment. Il avait choisit le moment où le carnet
de production de camion est bien rempli et alors que le marché cyclique du camion n’est pas
encore à la baisse. Cette décision représentait le calcul du rapport de force que pensait exercer
Bourgeois sur le patronat. Cependant, dès le début on s’apperçoit que c’est Paccar qui détient le
« gros bout du bâton ».
Donc, on retrouve les acteurs syndicaux dans une position fâcheuse. Bourgeois adopte
une approche de conciliation car son but est de sauver les 750 emplois qu’il représente.
JeanPierre Guay, pour sa part, a une pression importante car il risque de perdre les deux tiers de
son unité mais il aura un point beaucoup plus important que le laisse la taille présumée de son
groupe. Luc Desnoyers, de son côté, représente un atout important étant donné son passé de
président syndical des employés de bureau de Kenworth. Finalement, pour Serge Bordelance,
cette négociation sera un « difficile arbitrage ».
Les stratégies déterminées lors du caucus de départ sont de type défensive et
d’affrontement. Le groupe sait qu’il fait face à une fermeture donc, son pouvoir de négociation
est vraiment restreint. Ils ne pourront négocier que par la menace ou la soumission. Cependant,
les visions sont partagées chez les acteurs syndicaux. Bourgeois est prêt à se soumettre tandis
que Guay est décider à rouvrir l’usine mais pas à n’importe quel prix. Une ambiance de
confrontation est palpable.
C) LES LIEUX DE TRAVAIL • Organisation du travail
L’usine Kenworth de SainteThérèse fait partie de la multinationale Paccar. Cette usine
est utilisée pour la production de véhicule lourd destiné au marché national. La compagnie
produit environ 27 camions par jour. La production est organisée d’une manière taylorienne
c’estàdire le travail à la chaîne. Les employés de l’usine sont au compte de 750 et ils travaillent
sur une chaîne de montage. La flexibilité de la main d’œuvre est accrue. Lorsqu’un employé
rentre pour sa journée de travail, il est dirigé par son supérieur vers un des postes de la chaîne de
montage et n’effectue pas le même travail constamment. L’absentéisme à un poste peut amener
la reconfiguration de 10 autres postes.
• La formation
Au moment de la fermeture de l’usine, Paccar remet en question l’utilité stratégique de
l’emplacement de SainteThérèse ainsi que son retard technologique. Beaucoup d’argent devra
être dépensé pour moderniser l’usine et former les employés aux nouvelles technologies. Le
gouvernement péquiste mené par Bernard Landry, dans ces années, est prêt à investir une somme
importante pour la réfection de l’usine et Ottawa financerait la formation.
• Motivation et participation des employés
Les TCA, qui regroupe le domaine de l’automobile et de l’aérospatiale, ont fait preuve
d’une solidarité inébranlable au courant des nombreuses négociations de conventions collectives
dans le passé. Plusieurs années auparavant, alors que United Aircraft et GM étaient en grève, les
employés ont démontré un militantisme immuable qui a frappé René Lévesque. Depuis ce temps,
les TCA entretiennent une très bonne relation avec le gouvernement péquiste.
• Règlements des conflits
Par rapport aux TCA, ceuxci ont toujours négocié des conventions collectives bétonnées
ce qui reflète la puissance de leur industrie. Plus particulièrement, chez Kenworth, la moitié des
conventions collectives ont aboutis en grève ou en lockout. Du côté de Paccar, ceuxci ne sont
jamais revenus sur une décision de fermer une usine. Cependant, avec l’historique entre le parti
québécois, plus précisément, la FTQ et les TCA, le gouvernement ne peut pas se permettre de
perdre l’usine de SainteThérèse. Il perdrait leur crédibilité. Finalement, le gouvernement du
Québec joue un rôle majeur dans cette négociation collective.
• Climat des relations industrielles
À l’extérieur de l’usine, à un échelle gouvernemental, depuis que René Lévesque a
appuyé le militantisme chez United Aircraft et chez GM, les TCA entretiennent une très bonne
relation avec les chefs d’État péquistes et le Fonds de solidarité FTQ. Cependant, pour la
négociation en cours, les fonctionnaires demandent aux syndicats de faire plus de concessions
que jamais. Plusieurs rencontres sont planifiés et beaucoup de coup de fil sont faits afin de
prendre certaines ententes pour rouvrir la plantation de SainteThérèse. Les sacrifices se
multiplieront et des accords seront conclus.
À l’intérieur de l’usine, sur la table des négociations en huit clos, les tensions sont
palpables entre le président du syndicat de l’usine, Yvan Bourgeois, et celui du syndicat de
bureau, JeanPierre Guay. En effet, les intérêts divergents des deux représentants ne datent pas
de la veille. Du point de vue de Bourgeois, il faut accepter de se plier aux concessions et arrêter
de lambiner. Celuici a 750 emplois à restaurer et prône les conseils du permanant syndical Serge
Bordelance. Guay, en retour, tient mordicus à ses propositions et n’est pas prêt à « avaler les
couleuvres » du patronat. Bourgeois, impatient, reproche à Guay d’avoir eu des avantages dans
des négociations antérieures. De toute façon, les deux devront se résignés afin de faire accepter
leur document par les fonctionnaires responsables du dossier Kenworth.
• Performance organisationnelle
Dans un contexte de mondialisation, de nouvelles technologies de l’information et de
communication et de concurrence accrue, l’usine Kenworth de SainteThérèse est perçu comme
le talon d’Achille. Paccar s’apperçoit des défaillances infrastructurelles et technologiques de son
usine et ne voit pas le but de garder celleci en route. Le gouvernement, pour sa part, tente de
maintenir cette usine ouverte dans le but de faire rouler son économie mais, aussi, peutêtre pour
garder le lien qu’il a bâti avec le syndicat des TCA. Il décide d’investir d’importante somme
pour moderniser la plantation et revamper l’infrastructure.