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7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
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BULIOTHQUE
L TINE FR NC ISE
i
i
>
IptCIN
L
PH RS LE
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
4/476
Paris.
Imprimerie
P.-A. B0UHD1KK
et
Cie
rue
des
Poitevins
6 .
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
5/476
LUCAIN
LA
PHARSALE
TRADUCTION DE
MARMONTEL
REVUE ET COMPLETEE
AVEC
LE PLUS
GRAND
SOIN
fX
: ,
V' >,
M.
H.
DURAND
>-
/.'.V^'
r
PROFESSEUR
AL'
LYCE
CHRLEMGNE
^PRECEDEE
D
UNE
ETUDE SUR
LA
PHARSALE
PAR
M.
CHABPEKTIEB
PARIS
GARNIER
FRRES,
LIBRAIRES-DITEURS
6,
RUB
DES
SAINTS-PRES
ET PALAIS-ROYAL,
215
18
65
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
6/476
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
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AVERTISSEMENT
Parmi
les traductions
de Lucain celle de
Marmontel
est
peut-tre
la
mieux
crite
;
c est
ce
qui
nous
l a
fait
choisir
de prfrence
toute autre
pour
notre
collection.
Elle
avait
besoin
il
est
vrai
d tre
retouche
au
point de
vue
du
sens
et
de l exactitude
et
complte dans
une
foule
de
passages.
Marmontel
sous-prtexte
d attnuer
les dfauts
du
modle
avait pris
trop
de licences
avec
son
auteur
et
s tait
permis dans
l intrt
du
bon
got
des
suppressions
inadmissibles.
Nous
avons
d
songer
rparer
ces
lacunes
et
faire dans
le travail
d ailleurs
si estimable
de Mar-
montel les
changements
reconnus
ncessaires;
en un
mot
rendre
au
pote
latin
sa
vraie
physionomie.
Nous
ne
pouvions
confier
ce
travail de retouche
et
de
remaniement
qu un
latiniste
homme
de
got.
M.
H. Durand
a
bien
voulu
se
charger de
cette
tache dlicate
:
la
manire
dont
il
s en
est
acquitt
nous
permet
d offrir
avec
confiance
nos
lecteurs
cette
traduction
renouvele
ainsi
que
nous
avons
fait
pour
la traduction
de Sutone
par
La
Harpe
rajeunie si heureusement
par
M.
Cabaret-Dupaty.
FEUX
LEMAISTRE.
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ETUDE
LA
PHARSALE
L loquence
romaine
prit
avec
la rpublique
;
paci-
fie
par
Auguste
elle
ne
pouvait survivre
la libert
:
on
le
conoit
sans
peine;
on
conoit
moins
facilement
que
la
posie
qui
sous ce
prince avait
t
comme
le
ddommagement
de
l loquence
et
la plus
brillante
dcoration
du naissant empire ait aprs
lui
presque
/compltement
disparu. En
effet
pour
vivre
la
posie
n a
pas prcisment besoin
de
l air
et
de
la lumire
de
la libert; le
demi-jour
les
rayons
voils
du soleil
monarchique
lui
sont
plutt
favorables
que
contraires.
Comment
donc
expliquer
partir
d Auguste
son
ra-
pide dclin?
v
Les
premiers
empereurs
ne
lui
furent
pas
je le
sais
trs-bienveillants. Ports
encore
jusqu
un
cer-
tain
point
l histoire
l loquence
mme qu ils
cul-r
tivent ils
sont
indiffrents
et
quelquefois
hostiles
a
posie.
Si
Caligula dans
un
caprice
libral
per-
met
de remettre
en
lumire
les
ouvrages
de
Labienus
Je
Cassius Severus
de Gremutius
Cordus
proscrits
par
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VIII
TUDE
Tibre il
fait
enlever
des
bibliothques
les
ouvrages
de
Virgile.
La
posie
n avait
donc
rien
attendre
ni de
Tibre
ni de
Caligula ni
de
Claude;
mais
ne
pouvait-
elle
vivre
de
sa
propre
vie
et
se
suffire
elle-mme?
Elle
n a
pas
besoin
en
effet
d un
thtre
et
des
applaudisse-
ments
du
Forum
et
elle
avait
sous
la
tyrannie
cet
avantage
de
ne
point
porter
ombrage. Il
y
avait donc
encore
ce
semble place
pour
elle;
mais
si
elle
n a
pas
comme
l loquence
besoin
de
secours
trangers;
si elle
peut
natre
d elle-mme
et
se
dvelopper
par sa
propre
vertu
encore
lui faut-il
une
inspiration lgre
ou
pro-
fonde gaie
ou
srieuse.
Or
on ne
voit
pas
d o
sous
les
successeurs
d Auguste lui serait
venue
cette
inspiration.
Rappelons-nous
en
effet
quel
avait
t
mme
au
temps
d Auguste
le caractre
de la
posie
latine.
Elle
ne
jaillit point
du
sol
mme
de l Italie; elle
n a
pas
comme
le
dit le pote
t discrtement
dtourne
des
sources
grecques;
elle
en a
t
tout
entire
amene
et
t
grands flots rpandue
sur-le
Parnasse latin.
L
toute-
fois
mle
la
veine
nationale
elle
s y
avive
et
s y
co-
lore
de
teintes
clatantes
et
profondes
:
Horace
donne
;
la posie
lyrique
un
sentiment
philosophique
et rveu
qui le
fait
dissemblable sinon
rival
de
Pindare.
Entr.
plus
avant
encore
dans
cette
voie de mditation
et
d
mlancolie
Virgile
trouve
dans
son
me
des
richesse
nouvelles
:
marqu
un
double
sceau
il
est
tout
1
fois le prtre
de
la
thologie
ancienne qu il
emprunt
Platon
et
le
prcurseur
du spiritualisme
chrtie
dont
il
a
de merveilleuses
divinations.
Cette
rverie
ph
losophique nouvelle
et cette
vive sensibilit
qui
soin
au
milieu des imitations
grecques
le
cachet
original
i
le
charme particulier
d Horace
et de Virgile ne
poi
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
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SUR LA PHARSALE.
IX
vaient
pourtant
suppler
entirement
cette
inspiration
primitive
que
seule la
posie
grecque
possde.
Quoi
que
ft
en
effet le gnie
de
ces
deux grands
potes
il
ne
parvint
pas
donner
la
posie latine
la
spontanit
et
la vigueur
natives
qu elle n avait
pas.
Fleur
brillante
et
trangre
transporte
sous
un
ciel
moins ami
que
le ciel
grec
o la
posie
s tait
d elle-
mme
dveloppe
et
panouie
en
tant
de
genres
et
sous
des
formes
si heureuses
la
posie latine
ne
put
si
habi-
lement cultive qu elle et
t
s acclimater entirement
Rome
et
y
produire des fruits
spontans
et
vivaces;
la
terre
lui manquait
et
semblable
ces
fleurs
dlicates
et vives
que
le
pote
nous
reprsente
se
penchant
et
s affaissant
sur
elles-mmes la premire atteinte
de la
pluie
:
Lassove
papavera
collo
Demisere
caput
pluvia
quum
forlc gravaniur
la
posie
romaine
quand
elle
n eut
plus
pour
la soutenir
et
la
rchauffer
la douce influence
d Auguste
et
de M-
cne languit
et mourut.
Cependant
entre
les
diffrents
genres de la posie
la-
tine il
y
en
avait
un
qui plus
que
les
autres
mieux
que
la
posie
lyrique
surtout
et
l pope continuerait
on
le
pouvait
croire fleurir
sous
l empire
:
l lgie.
Ces
molles
harmonies
de
Tibulle
de
Properce
et
d Ovide
si
bien
d accord
avec
la
corruption
des
moeurs
romaines
com-
ment n ont-elles
pas
veill
inspir
d autres chantres
des
faciles
amours? N tait-ce
pas
l
sous
l empire
une
source
qui
ne
devait
pas
tarir? On le. croirait
d abord;
mais
telle
tait
alors la
corruption des
moeurs
:
l imagina-
tion
mme dans
ses
plus grandes licences aurait
langui
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X
TUDE
auprs de la ralit.
Quand
Ovide quand Properce chan-
tent
leurs
amours
on
sent
srmatrielle
si
extrieure
en
quelque
sorte
que
soit
leur
inspiration
qu au fond
cependant l me
y
est
encore pour
quelque
chose;
il
y a
passion
il n y
a
pas
orgie.
H n en
est
plus ainsi
au
temps
de Tibre
et
de
Caligula.
Les
Romains
ont
l ivresse
et
les
monstruositsde la
dbauche;
ils
n ont
plus
les
dli-
catesses
du plaisir;
l lgie
leur
serait
fade
et
insipide;
la
vue
du
sang
rpandu
dans
le
cirque
peut
seule
rani-
mer
et. assaisonner en
eux
la volupt.
Point
d amour
donc;
partant
point
de
posie.
Sous Tibre
la
posie
est
rduite
au
timide apologue
ou
des
pices de
concours.
La plupart des
potes
versifiaient
pour
la
cour ou sur
la
naissance
des
princes
pour
les
prix
du
mois
d aot.
D o
reviendra
donc la
posie
l inspiration qu elle
a perdue?
De
quelle
source
vive
et
profonde
sortiront
s lveront les
vapeurs
nouvelles
et
puissantes
qui
la
pourront
raviver
et
fconder?
Cette
source
elle
s est
ouverte
elle
a
coul
elle
s est pandue
elle
a
grossi
dans
son cours
l ombre
mme
et
dans le silence de
l empire.
On le
sait
:
au
moment
o prissait la
rpu-
blique pour
la rappeler
autant
que faire
se
pouvait
et
protester
contre
le
despotisme
qui
la remplaait
une
secte
philosophique
depuis
assez
longtemps dj
intro-
duite
Rome
y
grandit
s y
dveloppa
avec
une
singu-
lire
nergie. Le
stocisme
fut
dfaut
de la libert
politique
la
nouvelle
libert
de
Rome. Il
s unit
pour
le consoler
pour
le
nourrir
et le
fortifier
au
patriotisme
qui
teint
dans
le
peuple
survivait
dans les grandes
mes.
Voil
la veine
nouvelle d o
jaillira
sous
l em-
pire
pure
et
profonde la
posie latine.
Ennemi de l h-
rode
de l lgie
de toute
fade
posie le stocisme
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13/476
SUR
LA
PHARSALE.
I
ramnera
les vers leur destination premire
:
la libert
la
vertu
ce
seront
l
les
grands
sujets de
ses
mditations
ou
de
ses
chante.
H
ne
brigue
pas
les
frivoles honneurs
de
la lecture
publique
ou
des
couronnes
apollinaires;
il ddaigne
cette
littrature
de
la table des princes
et
leurs
jeux
potiques aprs boire
et
pendant
la
diges-
tion
1.
Naisse
donc
un
esprit
gnreux
une
imagination
vive
un
pote
enfin
pris
de
ce
double
enthousiasme
de
patriotisme
et
de
philosophie stocienne
et
la
posie
latine
pourra
reparatre
et trouver
des
accents
nouveaux
et
puissants. Dj
le stocisme
proprement
dit
a
eu
son
pote dans
Perse
:
la libert
aura
le
sien
qui
par une
singulire
rencontre
viendra
d o
on
le
devait moins
attendre.
En effet
ce
chantre de
la libert
ce
disciple
aussi du
stocisme vous
le
cherchez
sans
doute dans
l cole
des delamateurs
sous
le
portique des
philo-
sophes. Il
en
devrait
ce
semble
tre ainsi; mais
non
:
le pote de
la libert
et
du
stocisme
c est la
cour
de
Nron
qui
le
verra
paratre
c est
l
qu il
s lve
l
qu il
grandit.
Sur
la
fin
du
rgne d Auguste
un
rhteur
espagnol
:dj clbre
Cordoue
sa
patrie
vint
s tablir
Rome
:
c tait
Snque
le rhteur.
Snque
avait trois
.fils
:
Novatus qui plus tard
prit
d un
avocat
clbre
qui
Fadopta
le
nom
de
Junius
Gallion;
Snque
qui
fut
le
philosophe
et
Marcus nnaeus Mla
qui pousa Acilia
.1. Eece
inter pocula
quaerunt
RemuIMoe
salnri
quid
dia
poemata
narrent...
Si
qua
eligidia crudi
Dietarunt
proceres.
PERSE
Sat.
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XII
ETUDE
fille d Acilius Lucanus
et
eut
un
fils
qui
naquit
Cor-
doueen l an 38;
ce.fils fut
Mareus Annoeus Lucain;
Dj
quelque
peu
clbre
par
lui-mme Mla
dut
son
fils
d tre plus
illustre .
A
l ge
de
huit
mois
Lucain
fut
amen
Rome o
sous
la direction
et
les
auspices
de
Snque le philosophe
son
oncle il fit
ses
tudes
parut
et
fut lev la
cour.
Devenu
gouverneur
de
Nron
Snque plaa
son neveu
auprs du
jeune
prince. Entre
Nron
et
Lucain
l amiti fut
vive d abord
mais
courte.
Nron avait des
prtentions
la
posie
et
Lucain n avait
pas
moins
de
vanit
que
le
prince
n avait
d amour-
propre.
Cependant
Lucain
se
prta
d abord
assez com-
plaisamment
aux
succs
et
mme ;la supriorit
du
prince
;
mais
cette
abngation
ne
pouvait durer
long-
temps.
Elle
ne
rsista
pas
une
lutte dans laquelle le
prince
et
le
pote
se
disputrent le
prix de
la
posie.
Lucain
chanta la Descente d Orphe
aux
enfers
et N-
ron
la
mtamorphose
de
Niob
:
Lucain
remporta
le
prix
sans
qu il
soit
ais
remarque
M.
Villemain de
concevoir l audace
des
juges.
.Le
triomphe de
Lucain
blessa
vivement Nron; dfense
fut
faite Lucain
non-
seulement de
lire
ses
ouvrages
en
public
2
et
sur
le
thtre mais
mme
s il
en
fallait croire
Xiphilin de
composer
des
vers.
Ce
fut
sans
doute
alors qu oblig de
renoncer
aux
lectures Lucain
renona
aussi
aux
pomes
particuliers
qui
jusque-l
avaient fait
sa
gloire
et
se
consacra
tout
entier
son
grand
travail de la
Pharsale.
1.
AnniBum
Lucanum
genueral
grande adjumentum
clarifudinis.
Tacile
Ann. lib.
xvi.
2.
Famaoe
carniinum ejus
premebal
Nero
prohibueratque osten-
lare
vnus
oemulatione.
Tacite
Ann. lib.
xv.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
15/476
SUR
LA PHARSALE.
XIII
Commence
sous
les
auspices de
Nron^
elle
s acheva
comme
une
protestation
et
une
vengeance.
Lucain
ne
s en
tint
pas
l
:
doublement
aigri
contre
Nron,
comme
pote
interdit
des lectures
publiques
et
comme
partisan
de la
libert,
il
entra
dans la
conspira-
tion de
Pison.
Arrt
et
interrog,
il fit d abord
bonne
contenance;
mais bientt, cdant
une
promesse
de
la
vie,
il dnona
sa
mre
Il
ne
lui
en
fallut
pas
moins
quitter
la
vie, digne de piti
encore
peut-tre,
si
plus de
courage
et honor
ses
derniers
moments; mais loin de
l
:
il
ne cessa,
dit Tacite, de dnoncer
des
complices
au
hasard,
esprant
que
ces
rvlations
lui
vaudraient la
piti
de
Nron.
Convaincu
enfin
qu il
ne
lui
restait plus
qu
mourir,
il
se
fit
ouvrir les
veines,
et expira
en
rcitant
et
en
corrigeant 1
quelques
vers
de
sa
Pharsale.
Il
avait
vingt-sept
ans,
et tait
dsign
consul
pour
l an-
ne
suivante.
Ces
vers
dont,
ses
derniers
moments,
s enchan-
tait
Lucain,
lui ont-ils donn l immortalit
qu il s en
promettait?
On l a
cru
longtemps;
longtemps
on a
regard
la
Pharsale
comme
un
pome
pique;
mais
de
nos
jours
sa
gloire
a
t remise
en
questiqn.
On
a
fait
de
l pope
quelque chose d extraordinaire, de
providen-
tiel
en
quelque
sorte,
une
cration
exceptionnelle,
un
don
rserv
quelques
ges
privilgis
de l humanit.
Une pope,
ce
n est
pas
seulement le
gnie
qui la
fait,
ce
sont
les
sicles qui la
prparent
et
l achvent.
D aprs
cettegotique nouvelle,
l Iliade
et la
Divine
Comdie
sont
les
deux seules
vritables
popes
:
j oubliais
Shakes-
1.
Impetrato
morlis
libero arbilrio
codicillos
ad
palrem
de corri-
gcndis
quibusdam
veisibus suis
exarawl.
Sutone.
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XFV
TUDE
peare,
dont
l oeuvre
dramatiqueserait
aussi
une
pope,
mais
Y
Enide
n en
est
pas
une,
et
le
doux
matre
du
Dante
vient
ainsi aprs
son
lve; jugez
si
les
autres
pomes,
la
Jrusalem
dlivre,
le
Paradis
perdu,
e
plus
forte
raison
la Pharsale, peuvent
ds
lors prtendre
tre des popes. Mais
laissons de
ct-
ces
rcentes
et
quelque
peu
contestables thories qui font de l pope
une
encyclopdie humanitaire,
o les peuples
viennent
lentement
dposer
leur
science,
leur
foi,
leurs
croyances,
leurs
moeurs
et leur
civilisation
:
produit
et
rsum
d une
civilisation
complte,
espce
de cristallisation
mystrieusequi
se
forme
silencieusement
et
par
couches
sculaires
dans
la conscience et
l imagination
des
peu-
ples. Prenons
plus
simplement le pome
pique,
et
jugeant
Lucain d aprs les
rgles
de
l ancienne
critique,
voyons
quels
sont
les
reproches
que
l on
peut
adresser
la Pharsale
et
les
mrites
qu on
lui
doit reconnatre.
Lucain,
a-t-on
dit,
a
mal
choisi
et
le hros
et
le
sujet
de
son
pome
:
le sujet
tait
trop
rapproch
de
lui
pour
se
prter
ces
fictions
qui sont
la
condition
et
le charme
de
l pope,
et
Pompe
n tait
pas
un
personnage
pique.
Pompe,
je
le sais,
a
beaucoup
perdu
de
nos
jours.
Pour
nous,
il
n est plus
qu un
gnral
heureux,
mais
mdiocre.
Dans
la
guerre
contre
Mitliridat,
il n a
eu
qu
recueillir les fruits ds
efforts de Lucullus. La
guerre
des
pirates,
non
moins pompeusement
clbre,
n offrait
pas
plus
de
difficults,
et
en
vrit
ne
mritait
pas
plus
d admiration.
Quelle merveille qu avec
un
nombre aussi grand de
vaisseaux,
d hommes,
d habiles
lieutenants^
il
ait
vaincu
trente
mille
brigands
Tous
ses
exploits
taient de
grandes actions
plutt
que
de
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
17/476
SUR LA PHARSALE.
XV
grands
vnements.
Le citoyen
en
lui n a
pas
t plus
pargn
que
l
gnral. Si la
constitution de
la rpu-
blique
a
t
branle;
si
Csar
a
pu
prtendre
la dic-
tature,
c est
que
Pompe
lui
en
avait
fray
le
chemin.
N tait-ee
pas en
faveur de Pompe qu avait
t
porte
cette
loi Manilia qui
lui
confrait
des
pouvoirs absolus,
exemple dangereux,
dont plus
tard
devait;
profiter
sar? Pompe
n avait-il
pas,
avec
Csar
et.
Crassus,
form
le
premier
triumvirat,
c est--dire
la premire
coalition de citoyens ambitieux
contre
la rpublique?
Enfin
cette
guerre
civile
elle-mme,
ne
l avait-il
pas,
par
ses
prtentions,
rendue
aussi
invitable,
que
Csar
par
son
ambition? Et
une
fois
dclare,
ne
s tait-il
pas
montr
aussi
indcis,
aussi
imprvoyant
la
poursuivre,
se
dfendre,
lui
et
son
parti, qu il
avait
t
pr-
somptueux
avant
qu elle
et clat?
Tel
est,
et
j adou^-
cis les
traits Pompe
aux yeux
de la
critique
mo-
derne.
Ce n est
pas
ainsi
que
le voyaient
et
que
le
reprsen-
tent
les historiens anciens.
Ils rappellent
que,
citoyen
non
moins
soumis
la loi
qu il
avait
t
habile capi-
taine, Pompe,
son
retour
d Asie,
au
moment
o l en-
thousiasme
pour
lui tait
au
plus haut
point,
avait,
en
mettant le pied dans
l Italie,
congdi
son
arme
et
s tait
rendu Rome
en
simple
citoyen, bien qu alors
il
et
pu
disposer du peuple des villes qui le
suivait
en
foule.
Il
est
vrai,
il
se
lia
avec
Crassus
et
Csar;
mais
la
faute
n en
fut-elle
pas au
snat qui,
dans
ses
d-
fiances,
paya
par
des humiliations les
services
de
Pom-
pe
et
le rduisit chercher
des alliances
auxquelles
se
refusaient
sa
dcence
et
sa
dignit naturelles.
Ce
fut
surtout
Caton,
dit Plutarque, qui,
en
engageant
le
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
18/476
XVI
TUDE
snat
ne
pas
accorder Pompe
quelques satisfactions
de
vanit
le
jeta
dansles
bras
de
Csar. Quant
la
guerre
civile
peut-tre
et-il
pu
non pas
l viter
mais
s y
mieux
prparer
en
prenant
conseil de
son
exprience
et
non
de
la
lgret des
jeunes patriciens qui
encom-^
braient
son
camp
plutt qu ils
ne
le
fortifiaient;
car
Pompe
il
ne
le faut point
oublier
avait
une
habilet
peu
commune
dans
l art
de la
guerre
:
l
comme
ail-
leurs
un
bonheur constant
ne suppose
pas
seulement la
supriorit
:
il la
prouve.
Dans
celte
lutte
suprme de
Pharsale
il
a
succomb
il
est
vrai; mais n a-t-il
pas
t
trahi
par
la
fortune
au
moins
autant
qu il lui
a man-
qu?
A
la distance
o
nous sommes
de
ces
grands v-
nements
il
nous
est
difficile
de
les
bien
juger
:
notre
opinion est
fonde
sur
ce
que nous
croyons
savoir
et
les
dmarches
que
nous
condamnons lgrement
peut-tre
taient
sans
doute
dcides
par
des
motifs
que nous
ignorons.
Tel
tait donc
Pompe
pour
les Romains
:
citoyen
respectant
les
lois
ambitieux du pouvoir
il
est
vrai
mais
aimant
mieux
se
le faire donner
que
le
prendre
ce
qui
est
bien
quelque
chose;
habile
autant
qu heureux
gnral;
le
reprsentant
malgr
ses
torts
de la libert
et
le
soutien
vaincu mais
glorieux
encore
de la rpublique.
Csar
a
-gagn auprs
de
nous
tout
ce
qu a
perdu
Pompe.
Csar
ce
n est
pas
seulement
le gnie
complet
de la
guerre
et
de la paix
le citoyen magnanime et
le
prvoyant
politique qui
venait
relever
de
leur
abaisse-
ment
les
classes dshrites
du
peuple romain
rendre
aux
allis
leurs droits
mconnus
fonder
sur
l galit
un
nouvel ordre
social
et
inaugurer
pour
le
monde
tout
entier
une
re
de paix
et
de
prosprit;
Csar c est
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
19/476
SUR LA PHARSALE.
XVII
l homme
mme
de
l humanit. Ce n est
pas sous
ces
traits
brillants qu il
apparaissait
aux
Romains.
Je
ne
parle
pas
de
ses
vices, qui lui furent
plus utiles,
que
con-
traires, de mme
que
les
vertus
prives de
Pompe
lui
furent
une
infriorit
plutt
qu un
avantage; je
ne veux
voir
que
l homme public. Eh bien
qu tait Csar
poul-
ies
Romains?
Pour
eux,
ds
sa
jeunesse,
Csar
est
un
citoyen dangereux,
perdu de dettes
et
de dbauches,
et
se
faisant
de
ses
dsordres
un
double
instrument
d am-
bition. Complice
secret
de Catilina, il
a
la
main dans
tous
les complots
qui
se
trament
contre
la rpublique.
Tribun factieux,
imprieuxconsul,
pour
faire
passer une
loi
agraire,
il n hsite
pas
employer la violence
contre
son
collgue Bibulus
et
va
jusqu
menacer
les
jours de
Caton.
S il
dompte
les Gaules, c est
pour
asservir
sa
patrie. Malgr la dfense du snat, il
franchit
la
limite
sacre
du
Rubicon,
entre
dans Rome, o
sa
prsence
rpand la
consternation,
pille le trsor
public,
inaugu-
rant
ainsi
par
un
double sacrilge
la
guerre
civile. Cette
guerre,
a-t-il vritablement
cherch l viter? Il le pr-
tend;
mais Cicron,
mais
Sutone affirment le
contraire.
En
un
mot,
citoyen longtemps
factieux,
gnral rebelle,
vainqueur
sacrilge
de
sa
patrie et
de
la
libert, tel
est
sur
Csar le
jugement des anciens. Du moins, dira-t-on,
on ne
saurait le
nier
:
Csar fut le
plus clment des
vainqueurs.
Oui, clment, il le
fut
souvent;
mais
quel-
quefois
aussi il
fut
cruel
et
impitoyable, suivant les
conjonctures
:
sa
clmence tait autant
calcule
que
naturelle;
et
et-elle
t aussi
entire, aussi dsintres-
se
qu on
l a faite,
cette
clmence, tait-elle donc si
magnanime?
Csar,
dit
Montesquieu,
pardonna
tout
le
monde;
mais il
me
semble
que
la
modration
que
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
20/476
XTLI
CTDE:
l on
montre
aprs
qu on
a
tOat
usurp
ne
mrite
pas
de
grands
loges
1.
Quanta
ses
projets humanitaires ;
les
historiensan-
ciens
sont
beaucoup
moins
explicites
que
les
historiens
modernes
qui
lui
prtent
les ides
de
notre
temps
et
leurs
propres
penses.
Oh
fait
un peu
de
ses
projets
ce
qu Antoine
fit
de
son
testament
:
on
y
met tout
ce
qu on
veut.
Lui-mme Csar
il n en
a
point
parl
:
il
ne
rclame
pas pour
le monde
entier;
il
rclame
pour
son
consulat
sa
province
son
arme
pour
Csar
en
un
mot;
dans
ses
propositions de paix
il
ne
stipule
que
pour
lui-mme
et
non
pour
le peuple.
Je l admets
toutefois
:
dans le ressentiment qu ils
avaient gard de l
perte
de
la
libert
les
Romains
ont
pu
juger
avec
trop
de
rigueur l homme
qui
l avait
ren-
verse
et
voir
sous
un
jour
trop
favorable
celui
qui
l avait
dfendue;
je
ne
veux
point
absoudre
en
tout
Pompe
et
le
faire
pour
le
gniepolitique
et
guerrier
l gal
de Csar; je
veux
seulement montrer
comment
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
21/476
SUR
LA PHARSALE.
XIX
qu dans
la
rvolution
qui
avait
dtruit
l ancienne
constitution
de Rome,
les
Romains
ne
voyaient
pas
ce
que
depuis
on
y
a
vu,
l galit,
mais
bien
la
servitude,
sous
le niveau
du
despotisme.
Fltrir
ce
despotisme,
ressusciter
la
lutte o
le patriotisme
l avait
combattu,
prendre, si
je puis
ainsi parler,
la revanche de
Pharsale
c taitdonc
une
gnreuse tentative.
tait-ce
galement
un
heureux
sujet
pique,
et
n allait-il
pas
contre cette
illusion
d optique,
cette
magie
et
cette
majest
du
loin-
.
tain
favorables
l pope?
C est
la
seconde
critique
faite
Lucain.
Elle
date
de
loin,,
cette
critique. Un
contemporain,
un
rival
de
Lucain
disait
dj
:
Quiconque
entreprendra
de
traiter
un
sujet
aussi important
que
celui de
la
guerre
civile succombera
infailliblement
sous
le
faix,
s il
ne
s y
est
prpar
par
de
srieuses
tudes.
Il
ne
s agit
pas,
en
effet,
de
renfermer
dans
ses
vers
le
rcit
exact
des
vnements, il faut
y
arriver
par
de
longs
dtours,
par
l intervention des dieux; il
faut
que
le
gnie,
tou-
jours libre dans
son
essor,
se
prcipite
travers
le
tor-
rent
de
la
fiction.
Et
l appui
de
cette
thorie,
Ptrone,
joignant
l exemple
au
prcepte,
essayait,
sur
la
guerre
civile,
un
pome
o
il fait figurer
toutes
les
vieilles
divinits
de l Olympe. Nous
le reconnaissons
:
Lucain
n a
pu,
ni
voulu introduire
le
merveilleux
dans
son
pome,
et
Voltaire l en justifie
parfaitement
:
Vir-
gile
et
Homre
avaient
fort bien
fait
d amener
les
di-
vinits
sur
la.
scne. Lucain
a
fait
tout
aussi
bien
de
s en
passer.
Jupiter,
Mars, Vnus
taient
des embel-
lissements
ncessaires
aux
actions
d ne
et
d Aga-
memnon
: on
savait
peu
de choses
de
ces
hros
fabu-
leux;
les
faibles
commencements
de l empire romain
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
22/476
XX
TUDE
avaient besoin d tre relevs
par
l intervention
des
dieux;
mais
Csar
Pompe Caton
Labienus
vivaient
dans
un
autre
sicle
qu ne
:
les
guerres
civiles
de
Rome
taient
trop
srieuses
pour
ces
jeux
d imagination...
La
proximit
des
temps
la notorit publique
de la
guerre
civile
le
sicle clair
politique
et
peu
superstitieux
de
Lucain la
solidit
de
son
sujet taient
son
gnie
toute
libert d invention
fabuleuse.
Voltaire
a
eu
le
tort
de.ne
point
suivre le
sage
conseil
qu il
donne
ici
et
d introduire
dans
la
Henriade
ce
ressort du
merveilleux
dont
avec
raison
il
flicite Lucain
d avoir
su
se
passer.
Le
merveilleux
consacr
et
classique
manque
donc
j en
conviens dans le
pome
de Lucain;
mais
il
y
est
remplac
par
un
autre
genre
d intrt
:
A
dfaut
des
dieux
homriques
qui n interviennent
plus
dans l ac-
tion Lucain
dit
M.
Villemain
reoit
de
son
temps
une
croyance
vague
aux
visions
aux
apparitions
aux
pro-
diges
:
c est
le
spectre
de
la Patrie apparaissant plore
l autre
rive du
fleuve
que
va
passer
Csar; c est
Ma-
rius
levant
sa
tte au-dessus de
son
tombeau bris
et
mettant
les laboureurs
en
fuite;
c est l ombre
de
Julie
troublant
de
ses
prdictions
fatales le sommeil de
Pom-
pe;
c est
enfin
cette
vocation
pleine de
terreur et
de
m-
lancolie
que
fait d un
cadavre
ramass
dans
la
foule des
morts cette
magicienne
que
Sextus Pompe
va
consulter
dans les forts
de Thessalie.
Voil
le
merveilleux dans
la
Pharsale
merveilleux
nouveau
et
appropri
au
temps
o
crivait Lucain.
On
ne
croyait
plus
alors
l Olympe
Lucain
se passe
donc
de la
mythologie;
mais
on
croyait
la
magie aussi
Lucain
ne
s en
fait-il
pas
faute;
on
croyait
aux
oracles
quoi
qu il dise
et
chez
lui la
pythonisse
n est
pas
muette.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
23/476
SUR LA
PHARSALE.
XXI
Relverons-nous aprs
ces
critiques gnrales le
reproche
fait
Lucain
de
manquer
et
d exactitude
his-
torique
et
d unit? Lucain
nous
le
reconnaissons
n a
pas
retrac
tous
les
vnements
de
la
guerre
civile
:
la
Pharsale n est
pas une
chronique; il
n a
pas
maigre
historien
suivi
l ordre
des
temps;
il s est transport
au
coeur
mme
des vnements
wz
mediam
rem
et
a
couru pour
ainsi
dire le plus
vite
qu il
a
pu au
champ
de
bataille de Pharsale.
Mais
s il n a
ni
indiqu
ni
racont
tous
les dtails
de
ce
duel sanglant
il n a
du moins
oubli
aucune
des
causes
principales
qui
l avaient
amen ni omis
aucun
des grands
faits qui
en
avaient
prpar
suspendu
ou
prcipit
le
dno-
:
ment.
Qu importerait d ailleurs
dans la Pharsale
cette ab-
sence
d exactitude
aussi bien
que
de
merveilleux?
L in-
trt du
pome
et
sa
grandeur
ne
sont
pas
l.
Nous
l avons
dit
le
vritable
le
seul
sujet
l me
mme
de
la
Pharsale
c est la
libert.
Sujet
rel
de
la Pharsale la
libert
en
est aussi
le
vritable
hros.
Regardons-y
bien
en
effet
:
dans
la
Pharsale
proprement
parler Pompe
est moins
le principal
personnage
qu il n est
un sym-
bole
le
symbole de
la
libert.
Aussi n est-il
pas
le seul
acteur
de
ce
drame svre
:
ct
de
lui il
y a
Caton.
Si la libert
est
reprsente
par
Pompe le stocisme
l est
par
Caton
ou
plutt
stocisme
et
libert
se
confon-
dent
pour
animer
et
ennoblir les
chants
du
pote.
Il
est
si
vrai
que
Pompe
c est--dire
la
libert n est
pas
le
seul hros
du
pome
que
Pompe
mort
l action n est
:
pas
termine.
C est qu en
effet
quoique vaincue
Phar-
sale
la libert
n a
pas
entirement
dsarm. Il lui
reste
Caton
et
avec
Caton le
stocisme qui
ne
continuera
pas
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
24/476
XXII
TUDE
seulement
la
luttedans les sables de
l Afrique
mais
qui
puisant dans
sa
dfaite
mme
une
nergie
de
ressenti-
ment
sera
en
face
de l empire
^ternelle
protestation
du
droit
contre
la
violence. Ce
sentiment
toujours
prsent
de
regrets
et
d esprances
qrai
pour
les
Romains
fai-
sait
l intrt
du
pome
de Lucain
en
est
encore
aujour-
d hui
et
en
restera
le charme
le plus
puissant
la du-
rable
et
vritable grandeur.
Toutefois
nous
ne
prtendons
pas
tout
absoudre dans
Lucain
;
et
avant
tout
il
a ce
dfaut
des crivains
de
dcadence potes
et
prosateurs
de
ne
savoir
point s ar-
rter
dans
un
dveloppement de
toujours viser
au
sublime.
Grande
liquid dit
Perse;
c est
aussi
la pr-
tention
de Lucain;
et
si
quelquefois
il
y
touche
ce
sublime
il
ne
sait
pas
s y
tenir;
il le
dpasse
et
tombe
dans
le faux
et
l exagration
Benoentre-t-il
un
trait
heureux il 1 mousse
en
l puisaiit. Il
a
peint
par
cet
hmistiche
admirable la
consternation qu a
jete dans
Rome
l annonce de
l entre
de Csar
:
Erravit
sine
voee
doldr
il
se
gardera
bien
d en
rester
l..
Deux comparaisons
composes de vingt
vers
chacune lui suffisent
peine
pour
y
noyer
et
teindre
cette:
vive
pense.
On
sait
avec
quelle facilit malheureuse
il
a
paraphras
ces
simples
paroles de Csar
iQuidtimes?
Coesaremvehis
au
pcheur
Amyclas qui
hsitait
commettre
sa
fragile
barque
aux
vagues
souleves.;
Le dfaut d amplification tait
du
reste
nous
l avons
dit
le dfaut
du
temps
et
en
particulier
pour
Lucain
un
dfaut
de
famille.
Dans
Snque la
nourrice deMde lui
montre
que
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
25/476
SUR
LA PHARSALE.
.
XXIII
dans
le
malheur
qui
l accable, il
ne
lui
reste
aucun
es-
poir;
Mde
rpond
:
Medea
superest,
mot
sublime,
et
auquel elle
aurait
d s arrter;
mais
elle
ajoute
:
Hic
mare
et terras
vides
Ferrumque
et igns,
el
Deos,
et
Fulmina.
Corneille
a
imit
ce
passage
:
Votre
pays
vous
hat,
votre
poux est
sans
foi
:
Dans
un
si
grand
revers que
vous
reste-t-il?
Moi
Moi,
dis-je,
et
c est
assez.
Et
voyez
la contagion
du
mauvais
got
Corneille
aussi,
l exemple de
Snque,
va
gter
ce
trait
;
Quoi
vous
seule,
madame?
Oui,
tu
vois
en
moi
seule
et
le
fer
et
la
flamme,
Et
la
terre
et
la
mer,
et
l enfer et
les cieux,
Et
le sceptre
des
rois
et
la foudre
des
dieux
Outre
ce
vice
capital,
l intemprance
dans le
dve-
loppement,
Lucain
a
d autres et
plus
graves
dfauts,
et
ou
se marque
plus
particulirement
l influence
mau-
vaise de
son
temps
:
la
manie
et
l abus de
l rudition.
Des descriptions
gographiques,
scientifiques,
astrono-
miques
mme, tiennent
dans
le pome
une
place consi-
drable
;
elles
interrompent
malencontreusement la
narration
et
brisent
l intrt. Le
style
lui-mme
ne ra-
chte
pas
ces
vjces.
La
priode potique
de
Lucain
ne
manque
pas,
il
est
vrai,
d une
certaine
harmonie,
mais
elle
manque
de souplesse
et
de
varit.
Habile
dans
la
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
26/476
XXIV
ETUDE
manire
dont il brise
ses vers,
il
est
en
mme
temps
monotone.
Il n'a
pas ce
mouvement
nombreux,
ces
ca-
dences
savantes et
nuances
tout
la
fois
qui enchantent
l'oreille et
attachent
l'esprit
la
narration.
Son coloris
est
clatant, mais
uniforme;
il
ne
connat
pas
l'art
et
la
magie
des demi-teintes.
Les
dfauts
dans
la Pharsale
sont
donc
nombreux
;
mais
les beauts,
et
des beauts de premier
ordre, n'y
sont
pas rares
:
Lucain
a
un
clat d'expression,
un re-
lief
de
couleur,
une
nergie et
parfois
une
profondeur
de pense qui
trahissent
le gnie. Il excelle dans
les
portraits,
les
caractres
et
les discours.
Je
ne
parlerai
point de
ce
parallle de Csar
et
de
Pompe qui
ouvre
si heureusement
le pome
et
en
claire
la
suite
d'un
jour si
vif;
mais
qu'y
a-t-il
au-dessus
du portrait de
Caton,
et
de
cet autre portrait
de
Pompe, si
bien plac,
en
forme d'oraison
funbre, dans la
bouche
de
Caton?
Les traits
dont il
a
peint Cornlie n'ont
point t
sur-
passs
par
Corneille, qui
les lui
a
emprunts.
Quant
ses
discours,
on
sait
que
Quintilien l'a
mis
au
nombre
des
prateurs
plutt
qu'au nombre des
potes
1, loge
et
1.
Combien
de
gens,
6
mes
jenes
amis,
se
sont
laiss sduire
par
les attraits
de la posie
Apeine
est-on
parvenu
mettre
un
vers sur
ses
pieds,
qu'on
se
croit au sommet
de
l'Hlicon.
C'est ainsi
que,
souvent,
rebut des
fatigues
du
barreau
,
maint
avocat
cherche
un
asile dans
le temple
des Muses
comme
dans
un
port
plus
tranquille
et
plus
assur.
On
a
cru
que,
dans
ces
paroles,
Ptrone
(Saty-
ricon,
cxvni)
faisait allusion
Lucain
et
Siiius llalicus. Cet chec
que
Lucain
aurait
prouv
au
barreau
ne
s'accorde
gure
avec
le
juge-
ment
de Quintilien
:
il
est
possible,
toutefois,
que
Lucain
n'ait
pas
russi
au
barreau,
o
il
faut
une
flexibilit
de
paroles
et
d'impres-
sions qui
n'allait
pas
son
lalenl
vigoureux,
mais
tendu
et
tout
d'une
pice.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
27/476
SUR LA PHARSALE.
XXV
critique tout
ensemble. Oui
par
le
trait
par
le
mouve-
ment
par
la
chaleur de la
pense Lucain
est
orateur 1;
mais
ce
n est
pas
assez
pour
le
pote.
Le
pote
doit
s ou-
blier
pour
donner
ceux
qu il
fait
parler
le
langage
et
les
sentiments
convenables
soit leur
caractre
soit
leur situation;
or
ce
point de
vue
Lucain
est
loin
d tre
irrprochable;
car
il
prte
tous
ses
hros
sa
propre
loquence
loquence
forte
mais
souvent
outre
dclamatoire
:
c est
avec
l inspiration qu il
en
reoit
le
vice
que
lui
donne le
stocisme
:
il tend
sur
tout
sa
teinte
sombre
et
monotone.
On
a
beaucoup
vant
la
rponse de Caton
Labienus
qui lui
conseille
de consulter l oracle de
Jupiter Amrnon
;
je
ne
saurais
partager
cette
admiration.
On
voit dans
cette
rponse la
faiblesse
du
stocisme ct
de
sa
grandeur:
sa
grandeur dans
sa
morale
sa
faiblesse
dans
sa
thologie. J approuve Caton quand
exprimant les
plus nobles sentiments
de
la
conscience
et
de la
raison
il
aime mieux
mourir
libre
en
combattant
que
d avoir
le
spectacle de
la tyrannie2; quand il proclame
le droit
suprieur
la violence
et
la
vertu mme
malheureuse
prfrable
au succs;
mais
je
ne
le
saurais
approuver
quand il
dit
que
Dieu rside
partout
o
est
la
terre
la
mer
l air
et
le ciel;
que
Jupiter c est
tout
ce
qu on
1.
Lucanus
ardens
et concitatus et
sententiis
clarissimus.
Quin-
tilien
lib. X
i.
2.
Licet
inquit
omnia
in unius dilionem
concesserint Cato
qua
exeal
liabet
:
una
manu
latam libertali
viam
faciet.
Ferrum
istud
eliam
civili
bello
purum
et
innoxium bonas
tandem
ac
nobiles
edet
opras
:
libertatem
quam
patriae
non
potuit
Catoni
dabit. Aggredere
anime
diu
medilalum
opus
eripe
te
rbus
humanis.
Snque De
Providentiel.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
28/476
XXVI
TUDE
voit,
tout
ce
qu'on
sent,
thologie
panthiste,
et
qui
se
peut
rsumer
en
ceci
;
que
le
sage,
c'est--dire
le
vrai stocien,
n'a
pas besoin de
consulter
les
dieux,
parce
qu'il
a
en
lui-mme,
ds
que
les
choses dans
ce
bas
monde
ne
vont
pas
son
gr,
la
ressource
de
se
tuer,
et
cela
en
vertu
d'une
science
que
le ciel
met
en
nous
:
Alors
que
du
nant
nous
passons
jusqu'
l'tre.
Ici,
du
reste,
il
faut
le
dire,
Lucain
ne
fait que
para-
phraser
Snque
:
Le
sage,
qui
est
assez sage
pour
ne
tenir
pas
la
vie,
se
moque
de
tout,
des dieux,
des
hommes
et
des
choses.
Combien
j'aime
bien
mieux
Lucain faisant parler
les
douleurs touchantes
de Cor-
nlie,
que
paraphrasant
les
vagues
doctrines de
la
phi-
losophie stocienne
Il
y a
dans les accents
de
l'pouse
de
Pompe
une
motion
naturelle
et
profonde
;
on
y
sent
un
coeur
de
femme
et
d'pouse
;
Caton
au
contraire
est
parfois
dclamateur.
Ne
mdisons
pas
cependant
du
stocisme
:
il
a
donn
Rome,
avec ses
derniers grands citoyens,
une
litt-
rature tout
entire, littrature
moins
pure,
moins belle
que
celle
du
sicle
d'Auguste,
mais
plus
nationale
et
plus originale
:
Perse,
Snque,
Tacite,
Juvnal
se
sont
inspirs du
stocisme;
il
est,
avec
le
regret
douloureux
de
la
libert, l'unit
en
mme temps
que
l'me
du
pome
sur
la
guerre
civile. En se'livrantsans rserve
cette
inspiration, Lucain,
on
l'a
dit heureusement,
a
marqu
sa
place
au-dessous
de
tous
les
grands
potes,
mais au-dessus
de
tous
les
versificateurs1.
On
juge
trop
1.
E. Greslou
:
De
Lucain
et
de
la
Pharsale,
dans
le
Lucain de
la
Collection
Panckoucke.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
29/476
SUR
LA
PHARSALE.
XXVII
de
Lucain
par
Brbeuf
qui
a encore
enchri
sur
lui
pour
l emphase
et
l exagration
:
Lucain
vaut
beaucoup
mieux
que
son
traducteur.
Sans doute
Corneille
avait
tort
de
ne
le
point
distinguer
de
Virgile
;
mais aprs
tout
malgr
les dfauts.de
son propre
gnie
et
le
mau-
vais
got
de
son
sicle
il
y a
chez
Lucain
une
passion
c est--dire
une
loquence
une
flamme
la
vie
du
style
et
de la pense.
Par
la double
inspiration
du
stocisme
et
de
la libert il
est
arriv
une
grandeur
relle
:
pote
incomplet
mais
pote
et
auquel s attache
cet
intrt particulier d avoir t prmaturment
enlev
l achvement
de
son oeuvre
:
Lucain n est-ce
pas un
peu
l Andr
Chnier
latin
?
J.-P.
CHARPENTIER.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
30/476
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
31/476
LA
PHARSALE
DE
LUCAIN
LIVRE
PREMIER
Exposition
du sujet la
guerre
civile
entre
Csar
et
Pompe.
Reproches
que
le
pote
adresse
aux
Romains
propos
de
cette
fureur
qui les
arme
les
uns
contre
les
autres
quand
ils
ont
tant
de raisons
d entreprendre d autres
guerres.
II
faut
se
consoler
pourtant
de
ces
malheurs
et
s en
rjouir
si
ies
destins
n ont
pas
trouv
d autre
voie
pour amener
le
rgne de
Nron.
Apothose
anticipe
de
Nron;
basse
flatterie.
numration
des
causes
particulires
ou
gnrales
de
la
guerre
civile.
Portraits
de
Pompe
de
Csar.
Csar
arrive
sur
les
bords
du
Rubicon
qui
marque
la
limite
de
son
gouvernement.
L image
de la
patrie
dsole
se
dresse
devant
lui
et
le
conjure
de
ne pas
avancer
plus loin
avec
son
arme.
Csar
aprs
un
moment
d hsitation
passe
le fleuve.
Prise
d Ariminum
pendant
la nuit.
Les
habitants rveills
par
le
bruit
des
trompettes
voient
leurville envahie
par
une
arme et
dplorent
en
silence
leur malheureux
sort.
Au
point du jour
les
tribuns
forcs de s enfuir
de
Rome
arrivent
au
camp
de
Csar;
l un deux
Cuion excite Csar
presser
la
guerre.
Csar enflamm
par ce
discours harangue
ses
soldats
et
leur parle de
marcher
sur
Rome. Il
accable
Pompe et
le
snat
d invectives
et
se
promet
la
faveur
des
dieux
qui
doivent
protger
la justice
de
sa cause.
L arme
se
rend
ce
discours
et
un
chef
de
cohorte
Llius proteste
qu il suivra
partout Csar;
que
s il faut
gorger
pour
lui
frre
pre
pouse
s il
faut dtruire
RGme
il
est
tout
prt
:
toute
l arme
fait
le
mme
serment.
Csar
rappelle
ses
lgions
disperses dans diverses
parties de la
Gaule
;
numration
de
ses
forces.
Csar
la
tte de
toutes
ses
lgions
rassembles
envahit
l Italie
et
rpand de
tous cts
une
si
grande
ter-
reur
que
le
snat
et
Pompe
lui-mme
s enfuient
de
Rome.
Signes
et
prsages
des calamits prochaines.
Tableau de la dsolation
de
Rome
et
de l Italie.
Autres
prodiges
sinistres.
On
consulte les devins
toscans;
Aruns
et
Figulus
sont
interrogs lis ordonnent
de purifier les
murs
de
Rome
par
des
lustrations
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
32/476
2
LUCAIN.
solennelles;
description
de
cette
crmonieexpiatoire.
Aruns gorge
une
victime,
considre
ses
entrailles,
et
n y dcouvre
que
des
malheurs;
Figulus les
annonce.
Fureur
prophtique
d une dame
romaine
qui, inspire
par
Apollon,
prdit
les principaux vnements
dela guerre
civile.
Je
chante
les
guerres
plus
que
civiles
dont la Thessalie
fut
le
thtre; le crime
prenant
force de loi,
un
peuple
puissant
tour-
nant
ses
mains
victorieuses
contre
ses
entrailles,
deux
camps
unis
par
les liens
du
sang.
l Empire dchir,
toutes
les forces
du monde
branl
servant
un
crime
commun,
aigle
contre
aigle, Romain
contre
Romain.
0
citoyens,
quelle
fureur quel
amour
insens
des
combats
est-ce
vous
d assouvir
la
haine des
nations
dans
le
sang
de
votre
patrie? La
superbe
Babylone s enorgueillit
de
nos
tro-
phes
;
l ombre
errante
de
Crassus
demande
vengeance
;
et
vous
cherchez des combats qui
n auront
jamais de
triomphes Hlas
quelles conqutes
n aurait
pu payer
le
sang
vers
par
des mains
romaines?
Des
rgions
o nat le
jour jusqu aux
bords
o
la
nuit
s ensevelit
avec
les
toiles,
des lieux
brlants
que
le
midi
embrase,
aux
contres brumeuses
o
ne
rgne
jamais
le
doux
printemps,
o
la
mer
de Scythie
est
emprisonne
sous
les
LIBER
I
Bella
per
emathios
plus
ouam
ciiilia
campos,
Jusque
daturn
sceleri canimus,
pcpulumque
potentem
In
sua
victrici
conversum
viscera dextra,
Cognatasque
acies
;
et,
rupto
foedere
regni,
Certatum
tolis
concussi
viribus
orbis
In
commune
nefas;
infestisque
obvia
signis
Signa,
pares
aquilas,
et
pila minantia pilis.
Quis
furor,
o
cives
que
tanta
licentia ferri,
Gentibus invisis latium
proebere
cruorem
?
Quumque
superba
foret
Babylon
spolianda
tropas
Ausoniis,
umbraque
erraret
Crassus
limita,
Bella geri placuit
nullos habitura triumphos.
Heu,
quantum
potuit
terrai
plagique
parai
Hoc,
quem
civiles hauserunt,
sanguine, dextrje
Jude
vcnit Titan,
et
nox
ubi sidera
condit,
Quaque
dies
mdius
flagrantibus
oestuat
horis,
Et
qua
bruma rigens,
ac
nescia
verc
remitii,
Adstringit Seythicum
glaciali
frgore
pontum
:
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
33/476
LA
PHARSALE
LIVRE
I.
3
glaces
le
Sre
l Armnien barbare
les
peuples
s il
en
est
qui
voient
natre
le
Nil
tout
serait dompt.
Alors
si telle
est
ton
ardeur
pour
une
guerre
dtestable
matresse du
monde entier
Rome
tourne
tes
mains
contre
toi-mme.
Mais
as-tu
manqu
d ennemis?
Les
villes
d Italie s croulent
sous
leurs
toits
briss
;
leurs
murailles
ruines
ne
sont
plus
que
des
dbris
pars
;
les
maisons
n ont
plus de
gardien
qui les
protge;
l habitant
soli-
taire
est
errant
dans
leur
vaste
enceinte; l Hesprie
ds
long-
temps
inculte
est couverte
de
ronces;
les
mains du
laboureur
manquent
aux
champs
qui les
demandent.
Ce
n est
pas
toi
farouche
Pyrrhus
ce
n est
pas toi
fier
Annibal
qui
nous
as
caus
tant
de
maux
:
le
fer
tranger
ne
nous
fit
jamais de
si profondes
blessures
;
ces coups
partent
d une
main
domestique.
Si les
destins
n ont
pu
frayer
l arrive
de Nron
d autres
chemins
s il
faut
payer
cher
les
royauts ternelles
des dieux
si
l Olympe
n obit
Jupiter
qu aprs
la
guerre
des gants
ter-
ribles
cessons
de
nous
plaindre
dieux;
j aime
le crime
et
le
sacrilge
pays
d un tel prix.
Que
Pharsale
emplisse de
carnage
ses
plaines
odieuses
que
les mnes des
Carthaginois
s abreu-
vent
de
notre
sang
que
les dernires batailles
se
heurtent
sous
Sub
juga
jam
Sers
jam
barbarus
isset
Araxes
Et
gens
si
qua
jacet
nascenti conscia Nilo.
Tune
si
tantus
amorbellilibi
Roma
nefandi
Totum
snb latas
leges quum
miserisorbem
In te
verte
manus
:
nondum
tibi defuit
hostis.
At
nunc
semirutis.pendent quod
meenia
tectis
Urbibus
ItaJioe lapsisqueingentia
mris
Saxa
jacent;
nulloque
domus
custode
tenentur
Rarus et
antiquis nabitator in
urbibus
errt
;
Horrida
quod
dumis multosque
narala
per annos
Hesperia
est
desxmtque
manus
poscentihus arvis
;
Non tu
Pyrphe
ferox.
nec
tamis cladibus
auctor
Poenus
erit
:
nulli penitus discindere
ferro
Contigit
:
alta sedent
civilis
vulnera
dextroe.
Quod si
non
aliam
venturo
fata
Neroni
Invenere
viam
magnoque
eetema
parantur
Rgna
deis
coelumque
suo
servire Tonanti
Non
nisi
saenrorum
potuit
post
betla gigantum
:
Jam
nibil
o
superi
querimur
:
scelera ipsa nefasque
Hac
mercede placent
:
diros
Fharsalia
campos
Impleat;
et
poeni
saturentar
sanguine
mnes
;
Ultima funesta
eoncuirant
proeba Munda.
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
34/476
4
LUCAIN.
les
murs
funestes
de Munda
;
ces
destins
ajoute
Csar
Prouse
affame
Mutine
aux
abois
nos
flottes
dtruites
Leucade
et
la
guerre
des esclaves
aux
pieds
brlants
de
l Etna.
Rome
doit
cependant
beaucoup
aux
guerres
civiles
puisque
tout fut
fait
pour
toi.
Quand
s achvera
ton
sjour
ici-bas
tu
monteras
plein de
jours
vers
les
astres
le palais
de l Olympe
ta
de-
meure
prfre
te
recevra
avec
allgresse.
Soit
que
tu
veuilles
tenir le
sceptre
soit
que
mont
sur
le
char tincelant
de
Ph-
bus
tu
prfres clairer
la
terre
de
tes
feux
errants
qui char-
ment
le
monde
toute
divinit
te
cdera
sa
place
et
la
nature te
laissera choisir ta royaut.
Mais
tu
ne prendras pour
demeure
ni les
rgions du
nord
ni
les rgions brles
des
feux
de
Sirius
et
d o
ton
astre
jetterait
sur
Rome
d obliques
rayons.
Si
tu
pses
sur
un
point
extrme du
vaste
ther
l axe
du ciel gmira
sous
le faix.
Garde
au
centre
l quilibre
du
monde. Que
ce
point du
ciel soit
serein
qu aucune
nue
ne
cache
Csar. Qu a-
lors le
genre
humain
pose
les
armes
que
toutes
les nations
s aiment
d un
commun
amour
et
que
la
paix descendue
sur
la
terre
ferme
les
portes
de fer
du
belliqueux
Janus.
Mais
tu
es
dj
un
dieu
pour
moi.
Puisse
le
pote
te
recevoir
dans
son
His
Csesar
Perusina fams
Mulineeque labores
Accdant fatis;
et
quas
prenait
aspera
classes
Leucas; et
ardenti
servilia bella sub
.-Etna.
iUultum
Roma tamen
dbet
civlibus
arms
Quodtibi
res
acta est.
Te
quum statione
peracta
Astra petes
serus
praelati regia coeli
Excipie gaudente
polo
:
seu
sceplra
tenere
Seu
te
flammigeros
Phoebi conscendere
currus
Teluremque
nihil
mutato
sole timentem
Ignc
vago
lustrare
juvat
:
tibi numine
ab
omni
Cedetur
:
jurisque tui
natura
relinquet
Quis
deus
esse
velis ubi
regnum
pouere
mundi.
Sed
neque
in
arctoo
sedem
tibi legeris
orbe
:
Nec
polus adversi
calidus
qua
vergitur Austri
Unde
tuam
videas obliquo sidre Romam.
.Etheris
immensi
partem
sipresseris
uuam
Sentiet axis
onus.
Librati pondra
coeli
Orbe
tene
medio
:
pars
aetheris
illa
sereni
Tota
vacet
nulloeque
obsteut
a
Csesare
nubes.
Tune
genus
humanum
positis
sibi
consulat
armis
Inque
vicem
gens
omnis
amet
:
pax
missa
per
orbeir
Ferrea
belligeri
compescat
limina
Jani.
Sed mini jam
numcn
:
nec
si
te
pectore
vatcs
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
35/476
LA
PHARSALE
LIVRE
I.
5
sein
il n invoquera
pas
le dieu
de Cyrrha
il n appellera
pas
Bacchus loin de Nysa.
C est
assez
de
toi
pour
inspirer
les
chants
d un
Romain.
Je
veux
remonter
la
source
de
nos
malheurs; c est m ouvrir
une
carrire
immense.
Quelle
est
la
cause
qui
entrana
ce
peuple
aux
fureurs
des
combats
et
qui
chassa la paix
de la
terre?
L envieuse
fatalit;
l arrt
port
par
le destin
que
rien
d lev
ne
soit stable;
la
chute
qu entrane
un
trop
pesant
fardeau;
Rome
que sa gran-
deur accable.
Ainsi
lorsque les sicles
accumuls amneront
l instant
de
la
dissolution du monde
tout
rentrera
dans l ancien chaos les
astres
confondus
se
heurteront
contre
les
astres
la
mer
englou-
tira les toiles la
terre
refusera
d embrasser la
mer
et
la
chas-
sera
de
son
lit Phoeb
s avancera
contre
son
frre
ddaignant
l oblique
chemin o marchent
ses
coursiers
et
demandera
pour
elle
l empire du
jour;
l branlement universel
de la machine
en
dtruira
l ordre et l accord.
L excessive
grandeur s croule
sur
elle-mme
:
c est le
terme
que
les dieux
ont
mis
la
prosprit.
La
fortune n a
voulu
Accipiam cirrhoea velim
scrta
moventcm
Sollieitare deum
Bacchumque
avertere Nysa.
Tu
salis ad dandas
romana
in carmina
vires.
Fert
animus causas
tantaruin expromere
rerum
:
Immensumque
apcritur
opus
quid in
arma
furenlem
Impulerit
populum quid
pacera
eicusserit
orbt.
Invida fatorum
sries summisque
negatum
Stare diu;
nimioque
graves
sub pondre lapsus;
Nec
se
Roma
ferens.
Sic
quum compage
soluta
Secuia
tt
murtdi
suprema
coegerit
hora
Antiquum
rptons
iterum chaos omnia mixtis
Sidra
sideribus
concurrent
:
ignea
pontum
Astra
ptent
:
tellus
extendere
litora nolet
Excutietque fretum
:
fratri contraria
Phoebe
Ibit
et
obliquum bigas agtare
per
orbem
Indignata diem
poscet
sibi
:
totaque
discors
Machina divulsi
turbabit
foedera
mund.
In
se magna
ruunt
:
laetis hune numina rbus
Crescendi
posuere
modum.
Nec
gentibus ullis
Commodat in populum
terre
plagique
potentem
Invidiam
Forluna
suan..
7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale
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LUCAIN.
confier
aucune
nation
du
monde
le soin de
sa
haine
contre
les Romains
:
c'est
toi, Rome, c'est toi
qu'elle
a
rendue,
sous
trois
tyrans, l'instrument
de
ta
ruine;
c'est leur
concorde impie
qui t'a perdue. Fatale
alliance des chefs
aveugle ambition
pourquoi unir
vos
forces
et
vous
disputer
l'univers
en
butte
vos
coups?
Non,
tant
que
la
terre
contiendra
la
mer; que
l'air
balancera
la
terre,
que
Phoebus
se
lassera rouler
son
char
et
que
la nuit
suivra
le
jour
travers
les mmes signes, jamais il
n'y
aura
de
sincre accord dans
le
partage
du
rang
suprme.
L'autorit
ne
veut,
point de
compagne.
N'en cherchons
pas
les exemples loin
de
nous;
le fondateur
des
murs
les souilla du
sang
d'un
frre.
Et
ce
n'tait
pas
l'empire
du monde
qu'on
se
disputait
avec
tant
de fureur;
un
troit asile divisa
ses
matres.
On
vit
quelque
temps
subsister
entre
Pompe
et
Csar
une
paix
simule
et
contrainte. Crassus,
au
milieu
de
ces
deux
rivaux,
tenait
la
guerre comme en suspens.
Tel
l'isthme
troit soutient
seul le choc
des
deux
mers
qu'il
spare;
que
la
terre
se
retire, la
mer
Ege
va se
briser
contre
la
mer
d'Ionie. Ainsi la
mort
dplorable de Crassus
en
souil-
Tu
causa
malorum
Facta
tribus domiais
communis,
Borna,
nec
nnquam
in
turbam missiferaliafoederaregni.
O
mate concordes, nmiaque cupidine coeci,
Quid miscere
juvat
vires, orbemque
tenere
In
niedio?
Dum terra
fretum,
terramque
levabit
Aer,
cl
longi
volveut
Titana labores,
?soxque
diem
coelo totidem
per
signa
sequetur
;
Nulla
fides
regni
sociis,
onrasque
potestas
Impatiens consortis erit.
Nee
gentibus ullis
Crdite
;
nec
longe fatorum cxempla
petantur
:
Fraterno
primi maduerunt sanguine
mri.
Xec pretium
tanti
tellus
pontusque
uroris
Tune
erat
:
exiguum dominos
commisit
asylum.
Temporis
angusti
mansit concordia discors,
Paxque fuit
non
sponte
ducum.
Nam
sola
futuri
Crassus
erat
belli mdius
mora.
Qualiter undas
Qui
secat,
et
geminum gracilis
marc
spart
isthmos,
Nec patitur conferre fretum
;
si
terra
recdt,
Ionium
JEg o
frangat
mare.
Sic,
ubi
sseva
Arma
ducum dirimens,
miserando funere
Crassus
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LA
PHARSALE,
LIVRE
I.
7
tant
de
sang
romain les
murs
assyriens
de
Carres,
nous
a
livrs
nos
propres
fureurs. La
victoire
des Parthes
a
dchan
nos
haines. Heureux
Arsacides dans
cette
journe
vos
succs
ont
pass
votre
attente
:
vous
avez
donn
la
guerre
civile
aux
vaincus.
L empire
est
partag
par
le
fer,
et
la
fortune
d un
peuple
puissant, qui
embrasse
la
terre,
les
mers,
le
monde
entier,
ne
peut
contenir
l ambition
de deux
hommes.
0
Julie
seul
gage
de leur alliance,
tu
n es
plus. Les
flam-
beaux de
ton
hymen,
allums
sous
le plus
noir
auspice,
se
sont
teints
dans
le
tombeau.
O
toi
que
les cruelles Parques
ont
enleve
au
monde si
le destin
t et
laiss vivre,
tu
aurais
pu,
l exemple des
Sabines,
te
prcipiter
entre
ton
pre
et
ton
^poux,
les
retenir,
les
dsarmer,
joindre
leurs
mains
dans
tes
mains
pacifiques.
Ta
mort
affranchit
Pompe
et
Csar
des
liens
de la foi jure
:
rien
ne
s oppose
plus
cette
jalousie
impatiente,
cette,
mulation
de gloire, qui les
presse
de
ses
aiguillons.
Toi,
Pompe,
tu
crains que
l clat
de
tes
anciens
travaux ne
soit
obscurci
par
de
nouveaux
exploits,
et
que
la
conqute
des
Gaules
n efface
tes
triomphes
sur
les pirates
:
cette
longue
suite
de prosprits
et
d honneurs
te
remplit
l me
d orgueil,
et ta
fortune
ne
peut
se
rsoudre
partager
le
premier
rang.
Csar
Assyrias
latio maculavit
sanguine
Carras,
Parthica
romanos
solverunt damna furores.
Plus illa
vobis acie,
quam
creditis;
actum est,
Arsacidae
:
bellumvictis
civile dedistis.
Dividitur
ferro
regnum :
populique
potentis,
Quoe
mare,
quoe
terras,
quae
totuinpossidet orbem,
Non
cepit
fortuna
duos.
Nam
pignora
juncti
Sanguinis,
et
diro
ferales omine taedas
Abstulit
ad
mnes,
Parcarum,
Julia,
saeva
Intercepta
manu.
Quod si tibi fata ddissent
Majores
in
luce
moras,
tu
sola furentem
Inde
virum
poteras,
atque
hinc retinere