10, rue Sextius Michel 75015 Paris
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES DE L’ESCE, 2016
Croissance durable : les bénéfices de l’économie circulaire pour la filière
bâtiment
Par Justine LAURENT
Tuteur pédagogique du mémoire : Monsieur Jean-Christophe Pic
Tuteur de stage : Monsieur Brieuc Saffré
RESUMÉ & MOTS CLÉS
Aujourd’hui, dans le monde, les entreprises sont arrivées à une période charnière qui remet en cause la manière dont elles utilisent la planète pour se développer. Depuis la Révolution Industrielle elles produisent de manière linéaire en faisant trop pression sur la Terre. Si elles continuent de cette manière, elles ne pourront pas survivre sur le long terme car le monde dans lequel elles croient n’est pas infini. La question est donc de savoir alors que les entreprises ont basé leur développement sur un modèle de production et de consommation linéaire, en quoi une économie circulaire pourrait-être une solution pour garantir la durabilité de leur croissance ? En France, le secteur du bâtiment est un important consommateur de ressources et producteur de déchets qui fait face à de nombreuses contraintes externes qui remettent en cause les leviers actuels de croissance de ses acteurs. Face à l’extinction des ressources telles que le sable, la volatilité du prix des matières premières ou les lois de valorisation des déchets, le schéma d’économie en boucle proposé par ce nouveau paradigme est une nécessité pour garantir la survie de l’environnement et celle des sources de revenus des entreprises. Il semble que ce soit également une opportunité de nouveaux leviers de croissance pour ces dernières.
Mots-clés : Environnement, ressources, croissance, économie circulaire, bénéfices
CONTACTS
Justine LAURENT28 avenue Gambetta
78400 Chatou Tel : +33 7 50 22 92 56
E-mail : [email protected]
Jean-Christophe PIC 10 rue Sextius Michel
75015 Paris E-mail : [email protected]
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier un grand nombre de personnes qui m’ont accompagnée dans l’accomplissement de mes cinq années d’études à l’ESCE aussi bien pendant mes cours en France et à l’étranger que pendant mes expériences personnelles et professionnelles, qui m’ont toutes menée jusqu’à ce travail final de mémoire. Ces personnes m’ont guidée, conseillée et parfois critiquée, pour me permettre de mener à bien mes projets et de rendre un écrit en lien avec mes aspirations professionnelles et personnelles.
Parmi elles, je tiens à remercier Monsieur Jean-Christophe Pic, mon tuteur de mémoire, pour sa disponibilité et ses précieux conseils ainsi Brieuc Saffré, co-fondateur de Wiithaa et mon maître de stage lors de mon stage de fin d’études, pour son aide et son soutien.
Je tiens également à remercier l’ensemble des personnes que j’ai eu la chance d’interviewer, qui m’ont consacré du temps pour m’aider dans mes recherches et apporter des informations cruciales à mon analyse : Messieurs Jean-Pierre Baron, Fabrice Bonnifet, Pierre-Marie Bozec-Claverie, Alain Geldron, François-Michel Lambert et François Marois, ainsi que Mesdames Audrey Bertrand, Laurie Espinosa et Rebecca Narewski.
Pour finir je tiens à remercier ma famille et mes amis pour leur réconfort, leurs échanges et leur sincérité. Merci à mon père, à ma mère et à ma grand-mère de m’avoir permis de mener à bien ces 5 années d’études.
TABLE DES MATIÈRES Introduction……………………………………………………………………………………page 1
Chapitre I : Contexte et enjeux 2016, les limites de la pensée linéaire de l’économie issue de l’industrialisation……..………page 3
1ère partie : La croissance de l’économie linéaire………………………………..…page 5 I. La Révolution Industrielle……………………………………….….……..…page 5 II. Le cycle linéaire de l’économie…………………………………..…………page 8 III. La croissance………………………………………………………………page 10 A. D’un état……………………………………………………………page 10 B. D’une entreprise……………………………………………………page 11 2ème partie : Limites et enjeux de la croissance d’une économie linéaire…..……page 12 I. Urgence écologique…………………………………………………………page 12 A. Ressources…………………………………………………………page 13 B. Déchets……………………………………………………….……page 16 II. Urgence économique, ou une croissance infinie dans un monde fini..……page 18 3ème partie : Problème d’investigation……………………………………………page 20
Chapitre II : Analyse du problème De quelle manière l’économie circulaire permet aux entreprises du bâtiment de développer leur activité de manière durable pour elle et l’environnement ?……………….………………………page 23
1ère partie : La filière bâtiment…………………………………………….………page 24 I. Définitions et acteurs……………………………………………..…………page 24 A. Définitions………..……………………………………..…………page 24 B. Acteurs concernés………………………………………..…………page 24 a. Approche par la chaîne de valeur…..………..…..…………page 25 b. Approche par le cycle de vie…..………..…..………………page 26 c. Approche proposée…..………..…..…………..……………page 26 Schéma de répartition des différents types d’acteurs dans la filière du bâtiment II. Environnement et leviers de développement…………….……..….………page 27 A. Environnement externe : analyse PESTEL …………………..……page 28 B. Environnement interne : actions significatives du secteur…….……page 33 III. Enjeux de durabilité : économie et environnement………..…………….…page 36 A. Le bâtiment « traditionnel » ………..……………………..….……page 36 Schéma du modèle d’économie linéaire appliqué à la filière du bâtiment B. Impacts environnementaux ………..………………………………page 37 C. Impacts économiques ………..………………….…………………page 37
2ème partie : L’économie circulaire en réponse aux enjeux de la filière…………page 47 I. L’économie circulaire…………………………………………………….…page 47 A. Fondements…………………………………………………..……page 47
B. Définitions…………………………………………………….……page 48 C. Concepts et principes clés………………………………….………page 49 II. L’économie circulaire appliquée à la filière bâtiment…………….….….…page 51 Tableau d’application des sept piliers de l’économie circulaire au cycle de vie du bâtiment 3ème partie : Résultats de l’application………………………………………….…page 55 I. Bénéfices cas par cas……………………………………………….…….…page 55 Bénéfices économiques et environnementaux & schémas d'économie circulaire associés CAS 1.1 CAS 1.7 CAS 1.4 CAS 2.2 CAS 3.6 II. Réponses aux enjeux de durabilité et résultats envisagés………..……..…page 68 Tableau récapitulatif des solutions et des résultats envisagés Schéma d’analyse des leviers nécessaires à une croissance durable
Chapitre III : Recommandations……………………………………………………………page 71 Comment assurer la croissance durable de son entreprise, grâce à l’économie circulaire ? Premiers leviers d’actions. I. Favoriser la coopération ……………………………………………………page 73 II. Appuyez sa stratégie sur une approche globale et systémique……….…….page 77
Conclusion générale………………………………………………………………….………page 81 Limites de notre étude et futures voies de recherche………………..……………..………page 83 Bibliographie………………..……………………………………………….…….…………page 84
Annexes…………………………………………………………………………….…………page 87 Annexe 1 Agenda des entretiens………………………………………………………page 87 Annexe 2 Guide d’entretien……………………………..….…………………………page 88
INTRODUCTION « In one generation, we will have on the planet an additional 2 billion people, which is more than
the overall population at the beginning of the 20th century, when it was 1.5 billion. That is more
than 200,000 per day. … McKinsey estimates that, by 2030, 3 billion people who are currently
living in poverty will join the middle-class level of consumption. If you take into account that, all in
all, that would mean that we would need something like three times more resources than we use
today in 2050—70% more of food, feed and fibre in 2050—we would likely be around 40% short
of drinking water in 2030. If we take into account that already today we are using approximately
60% of our ecosystems in pretty much unsustainable ways that makes a pretty simple conclusion:
how we produce, consume and live will have to be changed. », a dit Janez Potočnik en 2014.
Nous sommes à une période charnière dans l’avenir de notre environnement, et de notre
économie.
En 1848, Adolphe Blanqui rentrait d’un voyage autour des principales régions manufacturières de
France pour mettre en lumière une Révolution Industrielle qui, selon lui, était en train de changer le
cour de l’économie outre-Manche. Les pays de l’Europe de l’Ouest ont alors vu naître un grand
nombre d’avancées techniques et technologiques notoires permettant aux entreprises d’augmenter
intensivement leur productivité en bénéficiant des faibles coûts d’extraction des matières premières.
Elles peuvent alors produire toujours plus grâce à des économies d’échelle et répondre à la demande
exponentielle des ménages, alors que le coût du travail est élevé. Sur ce principe, les mesures de
leur croissance, du moins économique, et ses indicateurs, correspondent à l’évolution des quantités
produites en volume ou en valeur. La logique linéaire « extraire-fabriquer-jeter » domine
l’économie et permet aux entreprises de répondre à cet objectif.
Aujourd’hui, selon de nombreux économistes, écologistes voire historiens, cette même Révolution
Industrielle, qui a permis aux entreprises de naître et de se développer de manière rapide et
intensive par la pensée linéaire, est aussi à la base des maux environnementaux de notre société; la
pollution atmosphérique, le réchauffement climatique, la perte de la biodiversité ou encore les
pénuries. Ces impacts sur l’environnement ont pourtant été mis en avant dès le début du XXème
siècle par Nathaniel Shaler, un géologiste de l’Université d’Harvard, qui soutenait que les
ressources étaient finies et que l’Humanité était sur le chemin de leur épuisement. Ce n’est qu’en
1980 que l’économiste américain Kenneth Boulding prononce à son tour cette fameuse phrase :
"1
« celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est
soit un fou, soit un économiste. ». Il met alors un point d’honneur à souligner que les entreprises ne
peuvent pas continuer à baser leur croissance sur la consommation des ressources mises à
disposition par la Nature.
Pour lui, et de nombreuses personnes après lui, l’économie ne peut pas se passer des questions
environnementales, car ceci n’est pas durable, ni pour la planète ni pour les organisations. Notre
économie est actuellement basée sur un paradigme : il y a un problème en amont car les ressources
s’épuisent et en aval car ça s’accumule. La seule ressource énergétique réellement inépuisable étant
celle du soleil. Nous nous confrontons donc à un premier problème : comment continuer à
développer notre économie dans un monde fini ?
Partant du constat que les entreprises ont basé leurs stratégies actuelles de développement sur un
schéma linéaire, et que celui-ci est limité dans le temps pour des questions écologiques -entre
autres-, il en devient pertinent d’opposer ce schéma à celui de l’économie circulaire; un concept qui
vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur
l’environnement. Ainsi, les entreprises pourraient voir plus loin que le seul “écologique”, qui réduit
l’action ciblée à un problème local et ponctuel, et prendre en compte l’ensemble de l’écosytème
dans leurs stratégies économiques.
Si nous adoptons ce nouveau concept pour l’appliquer à la croissance des entreprises, nous en
venons donc à poser la problématique suivante : alors que les entreprises ont basé leur
développement sur un modèle de production et de consommation linéaire, en quoi une
économie circulaire pourrait-être une solution pour garantir la durabilité de leur croissance ?
Afin de répondre à cette problématique de la manière la plus appliquée et la plus claire possible,
nous nous intéresserons au secteur du bâtiment en France, afin de dégager les principaux enjeux du
secteur et les éventuels problèmes de durabilité auxquels font face ses acteurs.
En effet, ce secteur est au cœur des enjeux environnementaux en tant que principal consommateur
de ressources et important « pollueur ». Au niveau des entreprises, l’évolution des prix des matières
premières et la récente loi pour la transition énergétique, par exemple, remettent en question le
maintien et le développement des marchés actuels et futurs. On relève par ailleurs, une prise de
conscience de la part des entreprises qui souhaitent réduire leur impact environnemental, alors
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même qu’elles doivent unir leur force pour répondre à la demande à venir en logement, dû à
l’évolution démographique.
Ces éléments, nous permettent d’organiser notre plan de la manière suivante :
Tout d’abord nous ferons un état de l’art, pour préciser le contexte et les enjeux relatifs à
l’économie linéaire. Dans un second temps, nous étudierons la filière bâtiment dont nous
identifierons les contraintes et les enjeux pour appliquer les principes et piliers de l’économie
circulaire et en ressortir les bénéfices environnementaux et économiques, clés d’une croissance
durable. Enfin, nous formulerons une série de recommandations en lien avec la filière et les enjeux
de l’économie circulaire, pour faciliter la pérennité des structures dans leur environnement.
Pour ce faire, nous appuierons notre travail sur une étude documentaire, sur des recherches
académiques et sur dix entretiens avec des salariés de grandes entreprises françaises du secteur, et
de consultants indépendants spécialisés en économie circulaire.
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CHAPITRE I : CONTEXTE ET ENJEUX
2016, les limites de la pensée linéaire de l’économie issue de l’industrialisation.
L’objectif de ce chapitre est de présenter le contexte actuel de production et de croissance des entreprises ainsi que les enjeux qui en découlent, selon des ouvrages d’économistes, historiens ou écologistes, pour en dégager les principaux enjeux. Cette partie nous permettra d’identifier les problèmes majeurs liés à l’économie linéaire et de choisir la méthodologie d’analyse la plus adaptée.
Afin d’atteindre cet objectif, notre chapitre se divisera en trois parties : 1. Contexte : La première partie consiste à poser et délimiter le contexte actuel des modèles économiques des entreprises. 2. Enjeux : La deuxième partie consiste à poser les limites de ces modèles économiques. 3. Problématique : La troisième partie consiste à poser les problèmes qui découlent de ces limites, ainsi que la méthodologie choisie pour répondre à la problématique.
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1ÈRE PARTIE :
LA CROISSANCE DE L’ÉCONOMIE LINÉAIRE
Il semble essentiel d’aborder la Révolution Industrielle pour ce qu’elle a impliqué dans les cycles
actuels de production. En tant que période clé dans le développement des pays de l’Europe de
l’Ouest la Révolution Industrielle est intéressante à présenter car elle semble avoir initié le modèle
de base de production et de consommation des entreprises, un modèle aujourd’hui au coeur des
enjeux économiques, environnementaux et sociaux : une économie linéaire, consommatrice de
ressources et productrice de déchets.
Bien que la modernité et les modèles économiques actuels ne prennent par entièrement racine dans
l’ère industrielle, la Révolution Industrielle est un processus qui est repris à plusieurs niveaux pour
expliquer et désigner les modes de production et les stratégies des entreprises du XXI siècle ainsi
que les modes de consommation des citoyens dans les dernières décennies.
I. LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
En 1848 Adolphe Blanqui, un économiste français alors chargé par l’Académie des sciences
morales et politiques «de parcourir les principales régions manufacturières de la France, pour y
constater la situation exacte des classes ouvrières» , est le premier à utiliser l’expression de 1
Révolution Industrielle pour désigner la période de transition que l’Angleterre des années 1800 est
en train de vivre. Il l’oppose alors à la Révolution française durant laquelle les hommes étaient
« essentiellement concentrés sur le profit de leurs conquêtes » , pour mettre en avant la puissance 2
émergente de l’industrie anglaise, grâce à des machines et inventions notoires récemment inventées,
telles que la machine à vapeur de James Watt (1780) et la première filature de coton moderne de
Richard Arkwright.
Ces deux inventions, retenues pour dater le début de la Révolution Industrielle, sont déterminantes
dans la manière dont l’économie et les systèmes économiques vont se développer.
Source : Conservatoire National des arts et métiers1
Source : BEITONE, Alain, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, 2ème édition, 20132
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Le terme de Révolution Industrielle, sera précisé année après année pour caractériser le passage d’une
économie traditionnelle agraire - c’est à dire dominée essentiellement par l’agriculture - a un nouveau
type d’économie dominée par l’industrie, que nous pourrions appeler économie moderne.
Le Larousse ne définira le terme de Révolution Industrielle que plus tard, comme suit : « l’ensemble
des phénomènes qui ont accompagné, à partir du XVIIIe siècle, la transformation du monde moderne
grâce au développement du capitalisme, des techniques de production et des moyens de
communication. »
D’après l’économiste Walt Whitman Rostow, cette période est attribuée essentiellement à l’Europe du
Nord Ouest, avec un premier take-off anglais entre 1780 et 1820 suivi du français en 1830 et de
l’allemand en 1850.
Si nous reprenons les « phénomènes » évoqués dans la définition du Larousse, ce terme fait appel à
plusieurs éléments clefs de la période et de l’âge contemporain. Tout d’abord ce terme évoque les
inventions décisives qui ont participé au développement des villes et à l’amélioration des modes de
vie. Parmi lesquelles les deux présentées plus haut, ainsi que que le chemin de fer (1825), l’électricité
(1869) ou le téléphone (1876).
L’ensemble des progrès techniques de cette période et leur succession sont décisifs dans les méthodes
de production et dans la répartition du travail. Ces progrès techniques assurent une croissance plus
soutenue et plus intensive que par le passé permettant alors de répondre largement à la croissance
démographique de la population. Le chemin de fer a par exemple permis d’intensifier le
développement et la construction des villes, qui ont d’abord été construites autour des gares, points
d’arrivée majeurs de marchandises.
Ces inventions sont les premiers leviers de la Révolution Industrielle car ils révolutionnent les modes
de production. « L'apparition de nouveaux matériaux, l'abondance d'énergie bon marché (le pétrole) et
le développement de nouvelles activités (électronique, aéronautique, informatique, etc.) sont de
formidables moteurs de croissance.», précisent les livres d’histoire lorsqu’ils citent la période.
Ces inventions ce sont également la diffusion du machinisme et la révolution mécanique qui entrainent
l’introduction et l’utilisation de nouvelles énergies : nous passons des énergies traditionnelles comme
l’énergie animale, humaine ou naturelle à une énergie fossile et électrique.
La technique est au coeur de la création de valeur et l’activité économique devient le principal moteur
de développement des entreprises et des états. La croissance intensive permise grâce aux gains de
productivité, permet de produire plus et moins cher. "6
Un autre « phénomène » est la croissance séculaire des salaires réels, assez soutenue pour entraîner
vers une progression non négligeable du niveau de vie et de la consommation par ménage. Les
ménages commencent à s’équiper de produits qui améliorent leur confort (électroménager) et libèrent
du temps. Une société d'abondance se met en place, la consommation est stimulée et stimule elle-
même l'activité économique, alors qu’en parallèle l’amélioration des conditions de vie participe à la
croissance démographique et, corrélativement, à la hausse de la demande.
Cette consommation de masse est permise grâce à l’expansion des moyens de communication et des
modes de transports, ainsi qu’à la construction des premiers centres commerciaux et grands magasins
(Le Bon Marché).
Enfin, cette période voit apparaitre la première bourse et le développement des marchés boursiers qui
permettent de répondre d’avantage aux besoins importants en capitaux pour financer l’industrie et les
transports. C’est le début de la capitalisation boursière et de la valorisation des entreprises, par des
méthodes comptables et financières.
La nouveauté de la Révolution Industrielle réside dans le fait d’avoir modifié profondément le
fonctionnement économique des pays occidentaux par le passage d’un système composé de sauts de
productivité et de régressions à un processus de croissance continue (toujours actuel) où la
productivité ne cesse d’augmenter malgré quelques périodes de ralentissement. Les progrès
techniques ainsi que ceux dans l’organisation du travail (Fordisme, Taylorisme) dans les pays
développés permettent de produire beaucoup plus que quelques années auparavant, et ce, à faible
coût. Ce phénomène s’accompagnera quelques années plus tard des Trente Glorieuses, un terme
forgé par l’économiste Jean Fourastié, qui est caractérisé comme une période de forte croissance
économique durant laquelle les historiens considèrent que le mode de vie des français a plus évolué
que durant les deux siècles précédents, avec un taux de croissance record de 5,9%.
Cette économie de la production intensive et de la consommation (par les ménages et les
entreprises), conséquences de l’industrialisation, influence les modes de production des entreprises,
qui s’organisent toutes autour de cycles linéaires de production, permis grâce au développement des
techniques avancées d’extraction, de production et de distribution.
Mais alors, quel est ce système de production et de consommation issu de la Révolution
Industrielle ?"7
II. LE CYCLE LINÉAIRE DE L’ÉCONOMIE
L’économie dite linéaire, est résumée par Rémi Lemoigne , comme suit : 3
« Notre économie est ainsi basée sur le modèle linéaire qui se résume à 'extraire=fabriquer=
consommer=jeter', qui consomme des ressources naturelles et de l’énergie pour fabriquer des
produits qui deviendront, en fin de compte, des déchets ». Ce modèle linéaire de l’économie peut-
être synthétisé dans le schéma suivant : Figure 1 : Le modèle linéaire de l'économie
Rémi Lemoigne explique ce modèle de la manière suivante :
1. Dans un cycle linéaire de production, le pétrole, le cuivre, l’eau et autres ressources
naturelles sont extraites ou récoltées pour être incorporer au processus de fabrication du produit
final.
2. Ces matières premières « primaires » sont utilisées et transformées pour fabriquer des
pièces. Le fer est utilisé dans la fabrication de pièces métalliques, le pétrole dans celle de pièces en
plastique, le blé dans celle de farine.
3. Les pièces sont ensuite assemblées en composants. Des pièces en bois sont assemblées
entre elles pour fabriquer des meubles. La farine est mélangée à de l’eau et de la levure pour
fabriquer de la pâte à pain.
4. A leur tour, les composants sont assemblés entre eux pour fabriquer des produits finis
comme des téléphones portables, des machines à laver ou encore des produits d’alimentation.
5. Le produit une fois fini est commercialisé par un réseau de distribution, GMS (Grande et
Moyenne Surface), un magasin spécialisé ou tout autre intermédiaire.
6. Le produit fini est alors acheté par le consommateur final puis utilisé par celui-ci.
7. En fin de vie, le produit est la plupart du temps jeté puis détruit.
Source : LEMOIGNE, Rémi, L’économie circulaire, 20143
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Selon ce schéma, l’augmentation de la production d’une entreprise est donc basée sur
l’augmentation de la consommation en ressources naturelles en amont et de la génération de déchets
en aval, la création de valeur étant permise grâce à un coût des ressources faibles inférieur à celui
du capital humain et à une gestion des déchets non considérée.
Ce système est celui qui aurait permis jusqu’ici aux entreprise de produire à moindres coûts grâce à
des économies d’échelle sur les matières premières, un amortissement de leurs machines de
production et des retours sur investissements rapides.
Dans une vidéo du Canal UVED (L'Université Virtuelle Environnement & Développement
durable), François Grosse, président de
Forcity, présente quant à lui l’économie
linéaire en partant des flux de matières
premières dans l’économie, qualifiant
cette dernière d’ « archétype de
l’économie des matières premières ». Il
illustre son discours par un diagramme
simple, présenté ci-contre :
A gauche nous pouvons distinguer ce qui
rentre dans l’économie pour être consommé, c’est à dire les matières premières transformées et à
droite ce qui en sort, pour être dispersé et/ou stocké.
Le schéma : « extraire=produire=consommer=jeter » permet aux entreprises de calculer leur
performance économique grâce aux coûts de chacune de ces étapes. Une entreprises est performante
si elle parvient à produire à moindres coûts et à vendre un maximum, lui assurant alors une
croissance de son chiffre d’affaire et de ses bénéfices.
Alors qu’à plusieurs reprises les ouvrages de références présentent la Révolution Industrielle ou les
Trente Glorieuses comme facteurs de croissance, Jean-Luc Gaffard précise dans son ouvrage La
croissance économique, que celle-ci est « un phénomène récent, conséquence des économies de
marchés nées de la Révolution Industrielle ». Il présente ce phénomène comme partie intégrante des
économies industrielles de marché.
Mais alors, quelle est cette croissance, « conséquence des économies de marchés nées de la
Révolution Industrielle » ? "9
III. LA CROISSANCE
Il est possible d’aborder le terme croissance sous bien des angles, néanmoins la croissance est
appliquée en général à deux entités : l’état et l’entreprise.
A. La croissance d’un état
Pour Thierry Jeantet , « la croissance au moins économique, a d’abord été conçue puis mesurée état 4
par état grâce à des indicateurs nationaux. Devenant un facteur de compétition il a surtout été
question d’apprécier le développement de chaque économie nationale ».
Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de parler du progrès ou du développement d’un état dans une période
donnée, la notion de croissance est principalement présentée et calculée d’un point de vue
économique avec comme indicateur majeur le PIB : « L'Institut national de la statistique et des
études économiques anticipe une croissance de 1,1% sur l'année 2015 » précisait l’INSEE en 2016.
Dans cette phrase, l’Institut parle effectivement de la croissance économique de l’état français
qu’elle désigne par le simple nom « croissance ». Dans ses travaux l’INSEE définit la croissance
comme « l’évolution de la richesse produite sur le territoire français entre deux années ou
entre deux trimestres. Cette richesse est appelée produit intérieur brut (PIB). »
De manière similaire, dans le Larousse, la croissance est définie comme l’« augmentation sur une
longue période de la production et des dimensions caractéristiques de l'économie d'un pays, se
traduisant par un accroissement des revenus distribuables (= ce qu'il reste aux entreprises une fois
qu'elles ont réglé toutes leurs charges et impôts) (L'indicateur le plus couramment utilisé pour
mesurer la croissance est le produit intérieur brut [P.I.B.], ou le produit national brut [P.N.B.],
calculé en prix constants pour éliminer les effets de l’inflation.) ».
La croissance correspond donc à l’évolution de la richesse créée par l’ensemble des acteurs de
l’économie du pays, sur une période donnée, sans prendre en compte l’évolution des prix
(inflation).
Cette définition est associée à une méthode de calcul très simple, établie par l’Organisation des
Nations Unies : Croissance = PIB - inflation
avec PIB = Somme des valeurs ajoutées = production - consommations intermédiaires
Source : JEANTET, Thierry, Des croissances, 20144
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Le PIB mesure la richesse produite mais correspond également à l’ensemble des revenus distribués,
à la consommation et à l’investissement.
Il est donc admis que la croissance représente aujourd’hui la seule évolution des quantités produites
en volumes ou en valeurs.
B. La croissance d’une entreprise
Si nous appliquons à l’entreprise les indicateurs évoqués précédemment, la croissance correspond à
l’évolution de la valeur ajoutée de l’entreprise induite par son activité de production, sans prendre
en compte l’évolution des prix. En d’autres termes elle correspond à « la progression du chiffre
d'affaires due à l'activité propre de l’entreprise. »
Cependant, la croissance est plus généralement associée à l’accroissement de la taille de l’entreprise
qui se traduit par une augmentation de ses dimensions telles que son chiffre d’affaires, son effectif,
ou ses parts de marché. Ces derniers points sont les indicateurs qui permettent aux entreprises de
toutes tailles et de tous secteurs de calculer leur croissance.
Enfin, la croissance peut appeler au retour sur investissement rapide, dû à la financiarisation et à la
valorisation en bourse des sociétés, contraintes de rendre des comptes à leurs actionnaires sous
forme de dividendes.
L’émergence de l’économie industrielle et la croissance - en volume - qu’elle a permise a été basée
sur le fait que le coût du travail était plus élevé que le coût des matières, ce qui a impliqué une
production basée essentiellement sur l’approvisionnement et l’utilisation de ressources naturelles.
Mais si la croissance prend ses racines dans les ressources naturelles, autrement dit dans
l’environnement, n’y a t-il pas des limites à sa durabilité ?
Quels sont les limites environnementales de la croissance des entreprises, basée sur un système
linéaire tel que présenté précédemment ?
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2ÈME PARTIE :
LIMITES ET ENJEUX DE LA CROISSANCE D’UNE ÉCONOMIE LINÉAIRE
Depuis plusieurs décennies, et particulièrement ces dernières années, nous ne pouvons plus passer
outre les différents rapports, débats et autres sources d’informations mettant en avant les enjeux
économiques, environnementaux et sociaux de nos sociétés actuelles.
Les différents ouvrages et sources cités ci-après mettent en avant les limites de l’économie linéaire et
de la croissance actuelle basée sur ce schéma (extraire-produire-consommer-jeter).
L’économie linéaire considère les matières premières, les ressources naturelles renouvelables ou non,
comme des déchets à venir. Elle repose sur le postulat classique que les ressources n’ont pas de
limites, et qu’elles peuvent donc être consommées de manière illimitée.
Les deux limites mises en avant dans les ouvrages en rapport avec les éléments de contexte
précédents, sont d’ordre environnemental et économique. Bien que les limites d’un point de vue social
soient également pointées du doigts, elles ne seront pas prises en compte dans notre étude.
I. URGENCE ÉCOLOGIQUE
Jean-Baptiste SAY (1767-1832), pionnier de la pensée économique libérale française disait en 1828
« les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement.
Ne pouvant ni être multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. ».
Dès le début du XXème siècle, nombreux sont ceux à pointer du doigt la croissance exponentielle de
la consommation de ressources et l’impact de cette dernière sur l’environnement. Le réchauffement
climatique, la perte de la biodiversité ainsi que la diminution des ressources naturelles aussi bien
renouvelables que non renouvelables, ont conduit les états, les entreprises et les citoyens à remettre en
question leurs modes de consommation et de production. La COP 21 est l’exemple le plus récent de la
prise de conscience de cette urgence écologique.
Comme le dit Alain Lipietz, l’économie mondiale « produit mal en faisant trop pression sur la terre » . 5
Source : LIPIETZ, Alain, Face à la crise l’urgence écologique, 2009.5
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Dans la pensée linéaire les ressources naturelles sont inépuisables, et sont la majorité du temps
transformées en déchets. L’impact sur l’environnement est donc double (selon le schéma de
l’économie linéaire); il intervient à l’échelle des ressources et des déchets.
A. Ressources
Il est essentiel de faire un bref rappel de la définition de ressources, afin de mieux comprendre à quels
niveaux sont les impacts.
Selon l’ADEME, les ressources naturelles rapportent aux matières premières c’est à dire les matériaux
et les biomasses, aux milieux ambiants que sont l’eau, le sol et l’air et aux ressources telles que les
énergies renouvelables éoliennes, ou géothermique (entre autres).
Les matières premières réfèrent quant à elles à la biomasse, alimentaires ou non aux matériaux de
construction, sable granulats et roche, aux matières premières énergétiques fossiles, autrement dit le
charbon, le gaz et le pétrole, et aux métaux et minéraux industriels, féreux ou non féreux.
La croissance, considérée comme cause de la raréfaction des ressources, tient ses limites dans le cycle
linéaire soutenu par les modes de productions actuels qui s’ajoute à l’évolution croissante du nombre
d’habitants sur Terre. En effet, l’économie linéaire qui présente un ensemble de flux entrants et
sortants en amont de la production du produit et en aval de sa consommation, suppose que les
ressources naturelles sont inépuisables, et pour preuve : l’OCDE chiffre la consommation des
ressources naturelles à 60 milliard de tonnes en 2007, soit une augmentation de 65% depuis 1980. Ce
chiffre soulève la consommation toujours croissante des ressources naturelles dont les matières
premières ; en 100 ans nous avons multiplié par 10 notre consommation de matières premières, pour
pouvoir répondre à une demande toujours plus importante, de la part de consommateurs privés et
publics.
Le premier à évoquer le défi de la conservation des ressources est Nathaniel Shaler, un géologiste de
l’Université d’Harvard, qui consacre plusieurs essais à ce sujet au début du XXème siècle. Dans son
ouvrage majeur « Man and the Earth » il soutient que les ressources sont finies et que l’Humanité est
sur le chemin de l’épuisement des ressources.
Le président américain Theodore Roosevelt reprendra cette question des ressources et la nécessité de
leur protection en annonçant dans sont 7ème message annuel au congrès « La conservation de nos
ressources naturelles et leur utilisation appropriée constitue l'enjeu essentiel qui sous-entend presque "13
tous les autres enjeux de notre vie nationale. [...] Mais il faut anticiper, il faut réaliser que gaspiller et
détruire nos ressources naturelles, surexploiter et épuiser la terre au lieu de la fertiliser, altérera la
prospérité des générations futures, prospérité que nous devrions pourtant leur transmettre plus
importante et plus développée ».
Ce n’est que 70 ans plus tard que l’enjeu de la conservation des ressources naturelles sera repris pour
être associé à la croissance intensive née de la Révolution Industrielle.
En 1972, le Club de Rome, dans un rapport historique intitulé « Limits to Growth », soulignait pour la
première fois les menaces que font peser la croissance et son usage immodéré des ressources
naturelles sur la planète. C’était le premier rapport à mettre en lien croissance, production et
ressources.
Ce rapport, aussi appelé rapport Meadows, est considéré comme l’un des premiers dans le
« mouvement durable » et la remise en cause des modes de production à la base de l’économie.
Pour accompagner ces propos, nous présenterons brièvement ci-après des données relatives à la
raréfaction des matières premières et à la pollution des sols (milieux ambiants).
• Raréfaction et diminution des ressources en volume
Le premier enjeu lié aux ressources est leur diminution et raréfaction : Selon François-Michel
Lambert , le sable utilisé pour la construction 6
(sable de la Loire par exemple, de mer ou de
rivière) est amené à disparaitre dans les 50
ans à venir.
En parallèle de ce chiffre, le graphique ci-
contre présente l’augmentation de la
consommation des principaux métaux
utilisés dans l’industrie (aluminium, cuivre,
titane et chrome) de 1900 à 2010.
Nous y voyons entre autres que la consommation d’aluminium a été multiplié par 45 au cours de cette
période, et celle du cuivre d’environ 18.
Source : Conférence HEC, Comment l’économie circulaire ouvre de nouvelles opportunités pour les 6
marques ?, 18/06/16, Paris"14
Le schéma ci-contre, présente en complément, la date d’épuisement prévue des richesses
exploitables de notre planète, au rythme actuel de consommation, et avec les moyens techniques
actuellement disponibles.
Quinze d’entre elles devraient
avoir disparues avant 2050, dont
le cuivre, l’or et le pétrole.
Cette dernière ressource, bien
que renouvelable, est amenée à
disparaitre car ses réserves sont
utilisées plus rapidement que la
vitesse à laquelle elles se
renouvèlent.
Rémi Lemoigne confirme ces chiffres en datant l’épuisement des réserves mondiales d’or à 20 ans
et celles de cuivre à 40 ans.
• Pollution et perte de la biodiversité
Dans le rapport Meadows, le Club pointe du doigts la forte pollution engendrée par une croissance
exponentielle alors même qu'il est évident que la planète ne peut absorber une quantité illimitée de
pollution. La pollution atmosphérique, qui est associé à la pollution de la ressource air, est un
problème planétaire, qui bloque les rayons UV du Soleil et donc notre potentiel à capter l’énergie
solaire.
A cet enjeu s'ajoute la perte de la biodiversité ainsi que le dérèglement des écosystèmes qui sont
déréglés à cause de la pollution des sols, des nappes phréatiques et des océans.
Pour exemple, au rythme actuel de production de déchets, dans 20 ans le volume de plastique dans
les océans sera équivalent au nombre de poissons . 7
Ce dernier point met en lumière la question des déchets directement liée à la gestion des ressources.
Source : Conférence HEC, Comment l’économie circulaire ouvre de nouvelles opportunités pour les 7
marques ?, 18/06/16, Paris"15
B. Déchets
Il est essentiel de faire un bref rappel de la définition de déchets, afin de mieux comprendre à quels
niveaux sont les impacts.
Le Code de l’environnement définit le déchet comme "tout résidu d'un processus de production, de
transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit […] abandonné ou que son
détenteur destine à l’abandon".
Dans le cycle de production actuel, la génération de déchets est présentée comme dans le schéma
suivant :
Source : La Fédération éco-citoyenne de Vendée
Les déchets sont produits en aval du cycle de vie mais également à chaque niveau du cycle.
L’enjeu des déchets est double. Tout d’abord le nombre de déchets et le volume de production est en
croissance depuis de nombreuses années alors même que leur impact sur l’environnement est très
nocif.
Selon les statistiques de 2010 du Commissariat général au Développement durable, le France à
produit 356 millions de tonnes de déchets en 2008, alors même que la question du recyclage, qui
permet de transformer les matières premières primaires en matières primaires secondaires, n’est que
récente et encore trop peu approchée.
Face à l’augmentation de la génération de déchets, les acteurs ont commencé par les enfouir dans
des décharges, puis par les incinérer, avant que ne soient révélés les dangers et nuisances de ces
techniques (sur l’air et les sols, entre autres).
"16
En 2007, la majorité des pays de l’Union Européenne concentraient leurs déchets dans des
décharges ou les incinéraient, comme on peut le voir dans le schéma ci-dessous.
Figure 6 : Types de traitement des déchets dans l’UE en 2007
Source : Eurostat, 2007
A la fin des années 1980 les pays industrialisés ont commencé à durcir les législations concernant
l’environnement avec une hausse du coût de l’élimination des déchets dangereux ce qui a
finalement donné lieu à l’exportation de ces déchets toxiques vers les pays en développement et
l’Europe de l’Est.
En parlant des « limites de la croissance », les ouvrages lient étroitement l’urgence écologique à un
enjeu économique. Jérémy Rifkin, dans son analyse de la Troisième Révolution Industrielle rappelle
ce point, car selon lui cette Révolution permettrait de respecter (et dépasser) les engagements
mondiaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique et permettrait aussi, une gestion
plus durable des ressources et une survie de l'économie sous forme d’une économie différente.
Mais alors, quelles sont les limites économiques d’une croissance dont les impacts sur
l’environnement sont négatifs ?
"17
II. URGENCE ÉCONOMIQUE, OU LA CROISSANCE INFINIE DANS UN MONDE FINI
C’est au début des années 1980 que l’économiste américain Kenneth Boulding a prononcé cette
phrase restée célèbre : « Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment
dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Le rapport Meadows mettait déjà en avant l’impossible durabilité d’une croissance exponentielle
qui ne peut être pérenne au vue de la consommation actuelle des ressources, d’autant plus que
nombreux sont les économistes à prévoir que la croissance sera, dans les siècles à venir, handicapée
par le prix croissant des ressources naturelles.
En 1994, John Elkington créé la Triple bottom line, une mesure de la durabilité qui permet de
démontrer les limites de l’économie linéaire. La Triple bottom line renvoie aux triples P - People
(Parties Prenantes et stakeholders), Planet (environnement avec l’exigence et le maintien des
ecosystèmes) et Profit (ressources financières et économiques) - que J.Elkington associe à la notion
de performance de la manière suivante :
- Interaction nécessaire entre ces trois réalités qui ne peuvent vivre l’une sans l’autre
- Seules les ressources financières peuvent à priori être infinies - les ressources de la planète sont
limitées
- La réalisation durable de profits nécessite une combinaison stratégique de la protection des
ressources et de la prise en charge de la société
Plus récemment, Thierry Jeantet a pointé du doigt « les modes de croissance », tels que développés
dans l’économie actuelle en précisant que « des modes de croissance en phase avec leurs lieux de
naissance comme d’essaimage ne peuvent être imperméables aux influences et croisements avec
d‘autres types de développement. Leur authenticité et durabilité sont, au contraire, conditionnée par
leur capacité à capter les innovations, les changements venant d’autres contrées; autant que d’en
produire par eux-mêmes. »
D’après une estimation des Nations Unies, nous sommes aujourd’hui à 70 milliards de tonnes de
matière consommée dans le monde, si on continue à ce rythme de croissance on serait à 150
milliards de tonnes en 2015. A ce chiffre se superpose la consommation française; un français utilise
chaque année 22 tonnes d’équivalent matière première (céréales, eau, pétrole) pour garder son
"18
niveau de vie. Nous pouvons donc imaginer les impacts sur l’environnement et sur l’économie si
on continue à ce rythme.
De plus, des statistiques montrent que si tout un chacun consommait dans le monde au même
niveau que les Etats-Unis, il faudrait cinq planètes Terre pour faire face aux besoins à venir. Sur le
long terme, il va donc falloir consommer moins de ressources pour mieux produire.
"19
3ÈME PARTIE :
PROBLÈME D’INVESTIGATION
Il semble qu’en 2016 nous soyons arrivés à une période charnière dans la manière dont nous
pensons, consommons et produisons. L’économie de marché et la société de consommation post
Révolution Industrielle semblent avoir atteint leurs limites, dans un contexte où la consommation
est le noyau macro et microéconomique de notre croissance.
La littérature nous montre que les modes de croissance des entreprises issus de la Révolution
Industrielle sont basés sur des leviers matériels de disponibilité des ressources et de gains de
productivité quantitatif, permettant une croissance rapide et importante de certaines industries. A
travers son évolution et sa diversification, notre économie n’est jamais allée au delà du schéma
linéaire dans lequel s’inscrivent nos modes de production et de consommation, ni au delà de la
croissance intensive et exponentielle qui répond à des intérêts financiers et capitalistiques en
interne. L’économie linéaire ne prend cependant pas en compte son impact sur
l’environnement ni son influence sur les stocks de ressources disponibles. Elle est aujourd’hui
confrontée à des impasses qui la remette entièrement en question. La raréfaction des ressources et la
croissance démographique ne permettent plus l’application d’une telle économie.
Face à ces limites, l’enjeu pour les entreprises est donc de garantir la durabilité de leur structure
ainsi que leur croissance, dans un monde fini en ressource. Le problème majeur, est de trouver la
solution adaptée pour continuer à développer l’activité de l’entreprise dans un monde fini en
ressources.
Partant du constat que la pensée linéaire est à la base des limites des modes de croissances actuels,
nous pouvons donc supposer qu’un système d’économie circulaire, s’opposant au système linéaire,
permettrait aux entreprises de répondre à cet enjeu de durabilité.
Ceci nous mène à notre problématique, que nous formulerons de la manière suivante : alors que les
entreprises ont basé leur développement sur un modèle de production et de consommation
linéaire, en quoi une économie circulaire pourrait-être une solution pour garantir la durabilité
de leur croissance ?
"20
Pour répondre à cette problématique nous nous concentrerons sur le secteur du bâtiment en France,
qui, en tant que principal consommateur de ressources, risque d’être amené à devoir trouver des
solutions pour répondre à l’augmentation de la population et à la pénurie de logement.
Nous chercherons à comprendre de quelle manière les acteurs du secteur du bâtiment se confrontent
à des enjeux internes et externes qui remettent en question leur durabilité puis nous appliquerons le
concept d’économie circulaire à la filière pour conclure sur les bénéfice éventuels de ce concept,
d’un point de vue environnemental et économique.
Suite à ce deuxième chapitre, nous formuleront une série de recommandations opérationnelles.
Nous baseront notre recherche sur :
Une étude documentaire avec des ouvrages et rapports en lien avec les trois thèmes suivant :
- L’économie circulaire
- Le bâtiment
- La croissance
Une étude terrain effectuée avec l’objectif de recenser un maximum d’informations qualitative sur
le secteur du bâtiment et l’économie circulaire.
Le détails des profils, l’agenda des entretiens et le guide d’entretien sont détaillés en annexes 1 et 2.
Trois personnes propres aux questions d’économie circulaire ont été interviewées :
Rebecca Narewski, François-Michel Lambert et Alain Geldron.
Sept personnes travaillant dans le secteur du bâtiment ont été interviewées. Ces personnes
représentent les trois niveaux du cycle de vie des bâtiments, ainsi que des profils d’acteurs privés
différents, allant du fournisseur au gestionnaire :
François Marois, Laurie Espinosa, Fabrice Bonnifet, Audrey Bertrand, Pierre-Marie Bozec-
Claverie, Jean-Pierre Baron et Gaëtan Le Gorbelec.
"21
DÉFINITION DES TERMES DE L’ÉTUDE
Afin de mieux comprendre le cadre de notre étude, nous définirons brièvement les termes tels
qu’approchés dans l’analyse à suivre : économie circulaire, durabilité, croissance et entreprises.
Par économie circulaire, nous entendrons tout système économique, s’opposant au modèle linéaire,
qui a pour objectif de diminuer l’impact négatif de l’activité d’une entreprise sur l’environnement
voir de le rendre positif.
Pour le terme croissance, nous repartirons de la définition étymologique en se concentrant sur son
approche économique. Etymologiquement, le terme vient du latin crescere qui signifie croître,
grandir. Le verbe croître est issu du latin crescere qui signifie naître, grandir, pousser rattaché à la
même racine indo-européenne k(e)r qui signifie semence. Un antonyme du mot croissance serait
décroitre et des synonymes pourraient êtres accroissement, augmentation, développement,
expansion ou progrès. 8
Le terme durabilité renvoie lui à la notion de pérennité de la structure sans que son activité ne
remette en cause celle de l’environnement dans lequel elle évolue.
Enfin le terme entreprise, renverra dans ce travail à l’ensemble des acteurs privés (hors TPE, et
PME) développant leur activité économique sur le territoire français. Nous nous pencherons plus
particulièrement sur les entreprises du secteur du bâtiment.
Si nous reformulons la problématique avec les définitions précédentes, nous aurions donc : de
quelle manière l’économie circulaire permet aux entreprises du bâtiment de garantir le
développement de leur activité de manière durable pour elles et l’environnement ?
Source : Le petit Robert, 20028
"22
CHAPITRE II : ANALYSE DU PROBLÈME
De quelle manière l’économie circulaire permet aux entreprises du bâtiment de garantir le développement
de leur activité de manière durable pour elles et l’environnement ?
L’objectif de ce chapitre d’analyse est de comprendre quels sont les enjeux actuels du secteur du bâtiment et d’appliquer les principes de l’économie circulaire à son environnement interne, de manière à voir si ce concept peut permettre aux entreprises de la filière de faire face aux enjeux retenus.
Afin d’atteindre cet objectif, notre analyse se divisera en trois parties : 1. Expliquer : La première partie consiste à poser les caractéristiques du secteur du bâtiment et à les analyser, afin d’identifier les enjeux actuels de croissance durable, et de dégager les problèmes associés. 2. Appliquer et comprendre : La deuxième partie consiste à appliquer les principes de l’économie circulaire à la filière, avec des cas réels ou fictifs de projets circulaires. 3. Interpréter : La troisième partie consistera à comprendre de quelle manière ces cas améliorent l’impact de l’activité sur l’environnement et sur son économie.
"23
1ÈRE PARTIE :
LA FILIÈRE BÂTIMENT Les données recensées dans cette partie sont issues pour la majorité de l’étude terrain ainsi que
d’une étude Xerfi de 2016. Les sources complémentaires seront citées. La majorité des données
recensées concernent la filière bâtiment sur le territoire français, les données internationales seront
précisées.
Nous avons ordonné les données recensées de manière à comprendre quels sont les acteurs de la
filière concernés par notre problème et dans quel environnement leur activité évolue, afin
d’identifier si la filière est face à un enjeu d’économie circulaire et de quelle manière.
I. DÉFINITION ET ACTEURS
A. Définition :
Selon la Fédération Française du Bâtiment, le secteur du bâtiment, également appelé « filière
bâtiment », renvoie à l’ensemble des acteurs qui interviennent à plusieurs niveaux du cycle de vie
du bâtiment : la construction, l’aménagement d’intérieur, l’entretien, la restauration et la démolition.
Le bâtiment est à dissocier du secteur des travaux publics. En effet, bien que le terme BTP
associe ces deux secteurs qui ont des contraintes et enjeux similaires sur certains aspects,
notre analyse portera d’avantage sur le « B » que sur le « TP ».
Les bâtiments, aussi appelés « édifices » comprennent des logements collectifs, des maisons
individuelles, mais aussi des locaux commerciaux et industriels (centres commerciaux, usines,
bâtiments agricoles…), des centres de loisirs (piscines, salles de sports, de concert, théâtres,
cinémas, musées…) des lieux publics (écoles, mairies, hôpitaux…) ou encore des bâtiments
historiques (châteaux, monuments anciens…).
B. Acteurs concernés :
Aujourd’hui la filière traditionnelle du bâtiment est divisée et hiérarchisée, avec un tissu important
d’acteurs.
"24
a. Approche par la chaîne de valeur :
D’après la Fédération française du Bâtiment, les acteurs de la
filière bâtiment correspondent à « l’ensemble des acteurs du
secteur qui y travaillent », représentés comme ci-contre :
Si nous repartons de la chaîne de valeur du bâtiment, nous
avons donc les différents acteurs réunis pour répondre au
besoin en édifice.
En haut de la chaîne, nous trouvons le maître d’ouvrage qui
est la personne, privée ou publique, « à l’origine » des
travaux, autrement dit celle qui a détecté un besoin
(construction, rénovation, entretien).
Dans la logique de la chaîne, le maître d’ouvrage est
considéré comme le client final, c’est le donneur d’ordre
à l’origine du besoin.
Avant de s’adresser aux entreprises pour la réalisation du travail, le maître d’ouvrage fait appel à un
maître d’oeuvre aussi appelé le concepteur, essentiellement représenté par l’architecte. Celui-ci est
en charge de l’établissement des plans en amont de l’obtention du permis de construire.
Une fois le permis de construire obtenu, « l’entreprise du bâtiment » réalise les travaux, en sous-
traitance ou en exécutant la totalité. Ce peut être une entreprise générale ou une entreprise titulaire
d'un seul lot (maçonnerie, peinture, électricité…), voire une entreprise sous-traitante.
Cette entreprise travail en coopération avec des fabricants d’outils, d’engins de chantiers, et de
matériaux.
b. Approche par le cycle de vie :
Il est important de noter que l’ADEME intègre au secteur économique du bâtiment toutes les
activités de conception, de construction et de rénovation des bâtiments publics et privés, alors que
d’autres y intègrent également toute la gestion et la fin de vie de ceux-ci. En effet, Hubert Amarillo
précise dans son article « Le secteur du bâtiment durable : vers de nouveaux rapports entre acteurs
de l’acte de construire ? » que pour comprendre les acteurs de la filière, il est essentiel de prendre "25
Figure 7 : Les acteurs du bâtiment
en compte la définition du secteur au-delà de « la phase de réalisation concrète d’un ouvrage, c’est à
dire le chantier ». Cette définition montre que les acteurs se répartissent sur le secteur selon leur
niveau d’intervention dans le cycle de vie, les étapes allant de la conception d’un bâtiment jusqu’à
sa livraison et sa gestion, soit, selon lui, quatre étapes au total : la programmation, la conception, la
réalisation et la gestion. De la même manière, Laurie Espinosa précise que pour un développement
durable dans la filière il faut « d’avantage réfléchir en terme d’usage et d’occupation. Il faut avoir
plus d’attention sur ces sujets là. »
Enfin, si nous basons notre approche sur les limites d'une économie linéaire, nous ajouterons à ces
éléments l’ensemble des acteurs rattachés à la fin de vie du bâtiment (cf définition du bâtiment). Le
cycle de vie renverrait alors à l’approche du cycle de vie telle que comprise par Porter; du
développement (conception) au déclin (fin de vie).
c. Approche proposée pour l’analyse des acteurs concernés par notre recherche :
Une méthode pour comprendre les acteurs de la filière bâtiment de manière claire et complète
consisterait à mettre en vis à vis les deux approches présentées précédemment.
Dans le schéma ci-après nous reprendrons l’ensemble des « types » d’acteurs tels que présentés
dans l’approche chaîne de valeur que nous répartirons sur les trois étapes principales du cycle de vie
du bâtiment : la construction, l’usage et l’entretien et la fin de vie.
Figure 8 :
"26maître d’ouvrage
> maître d’œuvre > entrepreneurs > entreprises sous-traitantes > Fabricants
> entreprises sous-traitantes
> maître d’œuvre > entrepreneurs > entreprises sous-traitantes > Fabricants
ConstruCtionusage
& entretien Fin de vie
répartition des diFFérents types d’acteurs dans la Filière du bâtiment selon le cycle de vie d’un batiment
Dans ce schéma, le maître d’ouvrage est l’acteur à l’origine du besoin tout en long du cycle de vie
(construction, entretien et démolition) c’est à dire le client final. C’est le donneur d’ordre à l’origine
du besoin.
Chaque type d’acteur est ensuite réparti selon sa spécialisation, le long du cycle de vie. Chaque
couleur renvoie à un niveau du cycle, et chaque nom à un type d’acteurs - tels que présentés dans la
partie I.B.a. - propre à cette phase, ordonnés par ordre de hiérarchie (de haut en bas).
Si nous repartons de ce schéma, nous pourrions classer les entreprise interviewées dans le cadre de
ce mémoire de la manière suivante :
- EQIOM : Fabricant de la construction
- Bouygues SA : Entrepreneur de la construction ou maître d’ouvrage
- Bouygues Construction (Fabrice Bonnifet évoquait les deux) : Entrepreneur de la construction
- BATEG : Entrepreneur de la construction
- Giffard : Entreprise titulaire ou sous-traitante de la construction et de l’usage et de l’entretien
- ICF Habitant : Maître d’ouvrage de la construction à la fin de vie
- Matière Social : Fabricant/fournisseur en construction et entrepreneur en fin de vie
- YPREMA : Fabricant/fournisseur en construction et entrepreneur en fin de vie
II) ENVIRONNEMENT ET LEVIERS DE DÉVELOPPEMENT
A. Environnement externe : analyse PESTEL
L’analyse PESTEL va nous servir à avoir une vision globale de la situation macro-économique de la
filière bâtiment, pour mieux identifier les menaces et opportunités du secteur.
Politique et légal :
• La filière BTP est très contrôlée et encadrée par les pouvoirs publics de part et d’autres de la
chaîne, pour les entreprises comme pour les utilisateurs. Par exemple les contraintes sont
importantes d’un point de vue des permis de construire, que ce soit en hauteur ou en longueur
les permis peuvent-être très difficiles à obtenir et nécessitent souvent la démolition d’un édifice
existant.
Il en est de même pour les contraintes politiques et légales très strictes en matière de qualité, de
sécurité et de rentabilité. Pour ICF Habitat par exemple, les logements doivent rentrer dans des
normes de qualité strictes pour permettre un confort optimal à ses résidents. "27
• En Juin 2014, un « choc de simplification » a été annoncé par le gouvernement français, pour
«gagner en compétitivité pour nos entreprises », « en attractivité » et « stimuler la croissance ».
Pour la construction « 50 mesures de simplification pour la construction » on été promises
avec entre autres la facilitation de l’usage du bois, y compris pour la façade pour les grands
bâtiments, l’allongement des permis de construire et des avantages accrus pour les bâtiments plus
performants d’un point du vue isolation thermique ou consommation énergétique.
• La filière est directement concernée par de nombreuses lois et normes européennes relatives à la
gestion des déchets, qui sont amenées à être durcies dans les années à venir.
Par exemple, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015
fixe le taux de valorisation des déchets du secteur du bâtiment et des travaux public à 70% d’ici
2020, avec pour objectif de « lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire, de
la conception des produits à leur recyclage » par recyclage, réemploi ou remblaiement. Dans le
secteur, cela suppose essentiellement l’amélioration du taux de recyclage des déchets de chantier.
En amont de la production de déchets, la loi porte aussi en filigrane de nouvelles exigences
réglementaires sur la construction de bâtiments publics. Chaque fois que possible, ils devront être
à énergie positive ou « à haute performance environnementale » (normes HQE).
La commission européenne a également adopté un nouveau paquet pour limiter à 10% la mise en
décharge de l’ensemble des déchets d’ici 2030.
• Le bâtiment est soutenu par les pouvoirs publics à travers des aides à l'accession à la
propriété et à l’investissement locatif, généralement centrées sur les logements neufs, ainsi
que des soutiens à la rénovation thermique des bâtiments (prêts aidés, crédits d'impôts, taux de
TVA réduit, subventions, etc.)
Economique :
• La crise de 2008 a eu un impact direct sur les investissements dans la filière, ce qui a eu pour
impact de diminuer la demande de la part des investisseurs privés et publics. Le secteur a subi
directement cette baisse dans les investissements qui a entrainé une baisse en volume
(production) de 4,1% et en valeur (chiffre d’affaire) de 2,5%.
Néanmoins d’après de nombreuses études et enquêtes, une reprise est prévue pour l’année 2016
avec une hausse de 3% en volume et en valeur. "28
• Les prix de l’énergie sont actuellement faibles, dû à des mesures de la part du gouvernement
français. Néanmoins certains pensent que cette baisse introduit une future augmentation bien plus
importante sur les prochaines années.
• Le taux de crédit est actuellement bas ce qui donne naissance à des taux avantageux pour
l’accès à la propriété et à la rénovation.
Social :
Modes de consommation :
• Concernant le marché du particulier, les modes de consommation ont changé. Parmi les
changements majeurs et récents, il y a entre autres l’implication des consommateurs dans les
questions environnementales. En effet, ces derniers sont de plus en plus regardant du respect des
normes environnementales dans l’achat de leurs produits. Les pouvoirs publics quant à eux,
semblent donner moins d’importance à ces critères dans leurs investissements. D’après François-
Michel Lambert et Audrey Bertrand, les cahiers des charges des pouvoirs publics pour le secteur
du bâtiment resteraient sur les « matériaux vierges », associant les matériaux secondaires à une
perte de qualité.
Modes de vie :
• Les enjeux actuels liés à l’immigration et à la famille (divorce, familles monoparentales) et
autres phénomènes provoquent une demande accrue en logements collectifs. Le vieillissement
de la population est également à prendre en compte car ceci influence l’aménagement et la durée
des baux.
• Le secteur est directement concerné par le phénomène d’urbanisation et de mondialisation.
Selon Alain Geldron, aujourd’hui l’urbanisation représente 50% de la population mondiale, alors
qu’en 2050 ce sera plus de 75% de la population. Ces chiffres mondiaux, reflètent la situation en
France. La mondialisation quant à elle nécessite un besoin en infrastructures de plus en plus
important.
• Les français sont également très mobiles avec 1 déménagement par an pour environ 11% des
foyers en France, ce qui signifie que ce sont 2,5 à 3 millions de foyers qui se lancent dans un
"29
déménagement chaque année en France. Malgré cette mobilité, les consommateurs sont
néanmoins encore très attachés à la propriété.
• Les français sont de plus impliqués dans les enjeux de constructions locales impliquant des
impacts environnementaux sur leur région (exemple : l’aéroport de Notre Dame des Landes). Il
en est de même avec les carrières pour lesquelles il existe un frein social à l’ouverture de
nouvelles carrières.
Technologique :
De nombreux efforts sont faits en France en matière de R&D et d’innovation technologique, que ce
soit sur les énergies, les matériaux ou la digitalisation des processus de production et de traçabilité.
• Parmi les avancées technologiques notoires il existe le BIM (Building Information Modeling)
ou maquette numérique, qui est une technologie développée pour « révolutionner la façon dont
les bâtiments, les infrastructures et les réseaux techniques sont planifiés, conçus, créées et
gérés ». Ce processus « implique la création et l'utilisation d'un modèle 3D intelligent pour
prendre de meilleures décisions concernant un projet et les communiquer. Les solutions BIM
permettent aux équipes de concevoir, visualiser, simuler et collaborer plus facilement tout au
long du cycle de vie du projet. La technologie BIM permet d'atteindre plus facilement les
objectifs d'un projet et de l’entreprise. », précise la société Autodesk.
• L’ACV (Analyse du Cycle de vie) est un autre outil très utilisé dans les différentes industries, et
de plus en plus mis en avant dans la filière bâtiment. D’après le ministère de l’Environnement, de
l’Énergie et de la mer, l’ACV permet de quantifier les impacts d’un «produit» (qu’il
s’agisse d’un bien, d’un service voire d’un procédé), depuis l’extraction des matières
premières qui le composent jusqu’à son élimination en fin de vie, en passant par les phases de
distribution et d’utilisation, soit «du berceau à la tombe».
Appliqué au secteur, cet outil prend en compte l’ensemble des flux entrants et sortants dans la vie
du bâtiment, pour en mesurer les impacts sur l’environnement (déchets, énergie, ressources).
Environnementale :
• A échelle nationale, suite au Grenelle de l’environnement la France s’est engagée à diminuer par
quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. "30
Cet objectif implique des sanctions tel le principe pollueur-payeur qui est appliqué en France
par exemple avec les taxes sur l'assainissement de l'eau ou la taxe sur les ordures ménagères.
• D’un point de vue des ressources, le secteur se confronte actuellement à la diminution de la
qualité et de la quantité des ressources naturelles. Les espaces naturels et les surfaces
agricoles de qualité sont en baisse notoire, ce qui remet en jeu la capacité à exploiter ces terres
pour nourrir les populations à venir mais aussi la qualité de l’eau.
La raréfaction voire la disparition de certaines ressources entrainent par ailleurs une volatilité des
prix des matières premières.
• Pour garantir la bonne qualité des logements et l’atteinte des objectifs en matière de performance
environnementale, de nombreuses certifications et labels, internationaux ou nationaux, existent.
Ces derniers permettent aux entreprises de valoriser les performances environnementales et
énergétiques de leurs constructions pour obtenir des aides publics, accéder à de nouveaux
marchés et réduire leurs impacts sur l’environnement. Ces certifications sont par exemple les
certifications HQE (Haute qualité environnementale), BREEAM (BRE Environmental
Assessment Method), LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), Patrimoine et
environnement. Pour les labels, Effinergie est le plus connu et utilisé en France.
Des subventions existent pour la construction de bâtiments aux normes.
• La majorité des déchets issus de la filière bâtiment sont de natures inertes ou non dangereux, ce
qui suppose leur recyclabilité. La revue Bâtimétiers précise que « selon le Service de
l’observation et des statistiques de l’environnement, près des trois quarts sont des déchets inertes
(béton, verre, briques, tuiles...) et un quart des déchets non dangereux non inertes (plastiques,
métaux, plaques de plâtre...), la part des produits dangereux (solvants, amiante...) ne représentant
que 2% environ du total. Une grande majorité des déchets du bâtiment est donc recyclable, de par
leur nature inerte. »
"31
Nous pouvons synthétiser les informations précédentes dans le tableau ci-après :
ANALYSE PESTEL DE LA FILIERE BATIMENT
POLITIQUE &
LEGAL
- Difficile accès aux permis de construire - Durcissement de la législation en matière de consommation
énergétique des bâtiments - Normes importantes : sécurité et qualité des bâtiments - 70% de taux de valorisation des déchets - Principe pollueur-payeur - Choc de simplification - Aides à l’investissement
ECONOMIQUE
- Baisse des investissements depuis 2008 - - 4,1% en volume et - 2,5% en valeur - Reprise en 2016 : +3% en volume et +3% en valeur - Taux de crédit en baisse, avec des taux avantageux pour l’accès à la
propriété et la rénovation
SOCIAL
- Augmentation des exigences environnementales dans les modes de consommation
- Mobilité - Urbanisation et mondialisation - Logements collectifs - Frein à l’ouverture de nouvelles carrières
TECHNOLOGIQUE- Nombreux investissements en R&D et innovation - BIM (maquette numérique) - ACV
ENVIRONNEMENTAL
- Mesures et sanctions contre le réchauffement climatique - Certifications environnementales et labels - Baisse en volume et en qualité des espaces naturels et de culture de
qualité - Baisse des niveaux de matières premières - Volatilité des prix - Recyclabilité
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B. Interne : analyse simple des actions significatives du secteur
L’analyse ci-après va nous servir à comprendre les actions majeures des activités des acteurs de la
filière bâtiment pour leur développement, ainsi que les enjeux économiques et environnementaux
associés.
Nous considérerons que les items ci-après sont les principales caractéristiques internes au secteur,
au coeur des enjeux de croissance de ses acteurs.
• Longue durée de vie des bâtiments :
Les bâtiments ont actuellement une longue durée de vie. Ils durent en moyenne 25 à 50 ans contre
15 ans en Chine. Cette longue durée de vie suppose une construction moins intensive et des
bâtiments de meilleur qualité.
• Construction neuve :
Le marché « leader » du secteur est celui de la construction neuve qui représente environ 2/3 de
l’activité, avec un bond dans les ventes en 2015 de 17,9 %. Sur ce marché du neuf, plus de la moitié
répond à une demande en logement résidentiel.
La construction neuve concerne également la modification d’un lot : exemple un bloc porte qui
n’est plus aux normes doit être changé. Actuellement, on l’a démolira entièrement pour en mettre
une neuve.
• Faible taux de valorisation (dont recyclage) :
Le recyclage est déjà en marche dans le secteur mais reste faible avec seulement 40% à 50% de
traitement ou de recyclage des déchets du bâtiment et des travaux publics en France.
• Bâtiments HQE et positifs :
Les acteurs de la filière offrent beaucoup de bâtiment plus respectueux de l’environnement, tel que
le bâtiment bas carbone déjà très installé sur le marché, ou le bâtiment à énergie positive. Cela
répond à une demande de la part des investisseurs.
• Stocks de matières premières :
Le secteur du bâtiment nécessite aujourd’hui des capacités de stockage importantes, aussi bien pour
les déchets de chantiers que pour les matériaux de construction ou les bâtiments non exploités. Pour
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avoir un ordre d’idée, bien que cet exemple réfère au TP, les déblais générés par les travaux du
Grand Paris occuperont l’équivalent de 7000 piscines Olympiques.
• Sous-utilisation des ouvrages :
D’après Fabrice Bonnifet, de nombreux ouvrages sont « sous-utilisés ». Les causes sont doubles : la
première peut venir de chantiers abandonnés, la deuxième peut venir de bâtiments sous-utilisés en
terme d’espace ou de durée.
• Faibles marges :
Le secteur du bâtiment est un secteur qui travaille avec de très faibles marges, la majorité du temps
inférieures à 5%. Les chiffres d’affaires sont très importants, mais les marges très faibles.
Jean-Pierre Baron précise qu’en « période de crise il y a une telle concurrence dans notre profession
qu’on a pas le choix des prix auxquels on vend. Ca fait longtemps que ça n’existe plus en France. »
• Forte dépendance aux ressources naturelles :
Le secteur dépend beaucoup des matières premières et des énergies fossiles, quels que soient les
acteurs et l’étape du cycle de vie.
• Savoir-faire béton :
La France est un pays très bien situé en matière de bâtiment avec un tissu d’acteurs performants au
savoir-faire précis et apprécié. Le savoir-faire principal du secteur repose sur le travail du béton
utilisé comme matériau de construction majeur, qui, selon Laurie Espinosa, a permis à la filière de
développer « une culture du béton ».
• Marché atomisé :
Le marché du bâtiment est atomisé, c’est à dire qu’il est divisé en de multiples segments de taille
réduite, ou avec de nombreux concurrents ayant chacun des parts de marché réduites. L’approche y
est séquentielle « avec des entreprises qui cohabitent, c’est à dire qui mettent leurs technologies les
unes à coté des autres mais sans interaction les unes avec les autres. », précise Fabrice Bonnifet.
Cette segmentation mise en parallèle à la chaîne de valeur rend la filière très hiérarchisée. Ceci
implique entre autre l’absence de filières centralisées avec des écarts importants en terme de
distance, de coûts et de normes.
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• Forte dépendance à l’économie de marché :
L’ensemble des entreprises de la filière dépendent de la conjoncture économique nationale, c’est à
dire d’une économie de marché. Les maîtres d’ouvrage et/ou clients finaux, ont un fort pouvoir de
négociation sur les acteurs situés plus bas de la chaîne car ceux-ci sont ceux qui décident des
investissements. La crise de 2008 a intensifié la concurrence par les prix et a diminué le nombre
d’investissements. C’est cela qui a causé la dernière « chute » du secteur.
• Intérêt pour la démolition :
Aujourd’hui la démolition est la principale solution en fin de vie d’un bâtiment ou d’un lot (cf
construction neuve).
• Vente :
Aujourd’hui les bâtiments sont essentiellement destinés à la vente, et ce car, comme le présente
Fabrice Bonnifet, « les consommateurs sont encore aujourd’hui massivement attachés à la
possession ». Les modes de consommation sont tournés vers l’abondance et la propriété ce qui
mène les clients à se tourner vers le produit ou service le moins cher.
Les produits finis nécessaires à la construction, à l’usage et à la fin de vie sont également vendus
par les fabricants aux entrepreneurs et sous-traitants.
III) ENJEUX ACTUELS DE DURABILITÉ : ÉCONOMIE ET ENVIRONNEMENT
Afin de comprendre les enjeux actuels de la filière, nous transposerons les informations précédentes
pour comprendre quel est le « bâtiment traditionnel » aujourd’hui et dans quel schéma (linéaire ou
non ?) s’inscrit ce bâtiment.
Partant de l’hypothèse que la croissance des entreprises est d’autant plus pérenne qu’elles incluent
la gestion de l’environnement dans leurs démarches, nous classifierons les résultats de notre étude
terrain en fonction du « bâtiment traditionnel » dans deux catégories principales : impacts
économiques et impacts environnementaux, pour finalement faire le lien entre ces deux aspects.
A. Le bâtiment « traditionnel » :
Selon les données précédentes, le bâtiment traditionnel est un bâtiment construit en béton de
manière « verticale » - à l’inverse du TP qui est d’avantage en horizontal - vendu à son propriétaire
final pour être démoli lorsqu’il est vétuste où qu’il change de propriétaire, ou dans le meilleur des "35
cas réhabilité. L’ensemble des entreprises de la chaîne échangent entre elles de manière ponctuelle,
par le biais de la vente de matériaux ou de services, pour mener à bien le cahier des charges.
Le secteur est actuellement très grand consommateur de ressources et producteur de déchets.
Le développement du secteur semble se baser sur un schéma linéaire que nous pourrions représenter
de la manière suivante : Figure 9 :
Sur le schéma proposé ci-dessus nous voyons qu’il y a deux échelles de consommation de
ressources et de génération de déchets. Une échelle propre à chaque niveau du cycle de vie
(verticalement) et une échelle propre à la fonction intrinsèque du bâtiment (horizontalement).
Les flèches en pointillés représentent les impacts sur les milieux ambiants.
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RESSOURCES NÉCESSAIRES À LA « VIE » DU BÂTIMENT (ex : sol exploitable, sable, granulats...)
RESSOURCES PROPRES
À LA CONSTRUCTION (ex : transport,
matériel de chantier, énergies fossiles...)
RESSOURCES PROPRES À L’USAGE
ET À L’ENTRETIEN (ex : électricité, eau,
produits finis...)
RESSOURCES PROPRES
À LA DÉMOLITION (ex : transport,
matériel de chantier, énergie fossile...)
CONSTRUCTIONUSAGE
& ENTRETIEN FIN DE VIE
DÉCHETS DE FIN DE VIE DU BÂTIMENT
DÉCHETS DÉCHETS DÉCHETS
MILIEUX AMBIANTS
DÉCHARGE
MODÈLE D’ÉCONOMIE LINÉAIRE APPLIQUÉ À LA FILIÈRE DU BÂTIMENT SELON LE CYCLE DE VIE D’UN BATIMENT
B. Impacts environnementaux
Les impacts environnementaux sont associés à chacun des deux flux entrants et sortants (ressources
et déchets) du schéma d’économie linéaire que nous avons proposé. Sur cette base, si nous prenons
en compte l’intégralité du cycle de vie, la filière a actuellement des impacts sur l’environnement à
deux niveaux :
a. Consommation de ressources :
La filière est une importante consommatrice de ressources de tous types : eau, sol et matières
premières dont énergies fossiles. C’est également la principale et presque unique consommatrice de
sable. Selon Alain Geldron, la filière prise dans son ensemble est la première consommatrice de
ressources minérales. C’est également la plus grande consommatrice d’énergie avec plus de 44 %
de l’énergie finale nationale consommée.
Les seuls acteurs de la construction consomment à eux seuls plus d’un tiers de la production
mondiale de cuivre, un cinquième de celle de zinc et un dixième de celle de nickel.
b. Génération de déchets :
Le secteur du bâtiment représente environ 15% de la production de déchets du BTP, soit 50 millions
de tonnes par an (à titre de comparaison, chaque année environ 30 millions de tonnes de déchets
ménagers sont produits) dont, d’après le Ministère du développement durable, 65% proviennent de
la démolition, 28% de la réhabilitation et 7% de la construction neuve.
Si nous faisons le calcul, sur un total de 365 millions de tonnes de déchets produits par an en
France, les 50 millions de tonnes produites par le secteur représentent plus de 11% des déchets du
territoire.
Enfin, en France, le bâtiment est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre, il est producteur de
21 % des émissions de CO2.
Il est important de noter que ces déchets « sont très rarement nocifs », étant essentiellement
des déchets inertes ou non-inertes non dangereux.
Nous constatons donc que la filière bâtiment a aujourd’hui de nombreux impacts négatifs sur
l’environnement. La filière dépend beaucoup de la consommation de ressources, qui sont à l’heure
actuelle uniquement d’ordre primaires (c’est à dire vierges). En parallèle, les déchets associés à la
fin de vie du bâtiment et à l’ensemble des produits nécessaires aux acteurs, s’accumulent.
"37
Hors, comme souligné par Fabrice Bonnifet, pour « durer il faut prendre en compte les
ressources ».
Partant de cette hypothèse et du constat que la filière est grande consommatrice de ressources, nous
étudierons ci-après les conséquences économiques sur le long terme de ces impacts
environnementaux, qui sont amplifiés par des menaces externes légales, politiques mais également
sociales (cf analyse externe du secteur).
Avant d’analyser les menaces qui remettent en cause la durabilité de la croissance des entreprises de
la filière, nous devons admettre que ce secteur bénéficie d’une série d’opportunités qui facilitent la
croissance de ses acteurs.
Les opportunités admises suite à l’étude de l’environnement externe sont les suivantes :
Tout d’abord, il existe un réel besoin en édifices qui est amené à croître de par la hausse de la classe
moyenne et la croissance démographique.
D’autre part, il n’existe aucun frein technologique majeur à la faisabilité des projets en lien avec des
enjeux d’économie circulaire (ACV, traçabilité, éco-conception). D’après Fabrice Bonnifet, « la
grande difficulté n’est pas la technique car elle existe déjà, elle est mature ». Ces avancés
technologiques peuvent permettent de saisir des opportunités de développement.
Enfin, la filière profite de la nature recyclable des déchets qu’elle produit.
C. Impacts économiques :
Pour mesurer les impacts économiques, nous partirons du postulat qu’aujourd’hui la croissance
économique des entreprises peut être atteinte essentiellement grâce à une combinaison du
développement des marchés actuels et à une réduction des coûts liés à ces marchés.
Les deux critères choisis pour mesurer l’impact économique sont donc l’impact sur les sources
de revenus (=garantie des marchés actuels et développement de nouveaux marchés) et
l’impact sur les coûts de production et les intrants.
Nous avons retenu six des caractéristiques internes à la filière parmi celles présentées
précédemment, car elles sont selon nous les propositions de valeur qui permettent aujourd’hui
"38
CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE TECHNOLOGIECLASSE MOYENNE « RECYCLABILITÉ »
l’accès aux marchés. Chaque caractéristique sera confrontée à des menaces externes issues du
PESTEL, de manière à déceler l’impact de chaque caractéristique sur la durabilité de la croissance.
a. Impacts directs sur la pérennité des sources actuelles de revenus :
• Construction neuve :
La construction neuve comprend les principales sources de revenus du secteur. Hors, cette entrée se
conforte à certaines limites ne garantissant pas la capacité des acteurs de la construction à
répondre à ce besoin, en volume, sur la durée.
Menaces Disparition de la ressource « sable »
Difficulté d’accéder aux permis de construire Dépendance à l’économie de marché
Enjeu :
La construction neuve a un impact en amont du cycle de vie ainsi qu’en fin de vie. En amont, la
construction neuve nécessite un niveau important de ressources (cf schéma linéaire) alors même que
ces ressources, telle que le sable, ne seront plus disponibles dans 20 ans et que le prix des matières
premières est amené à augmenter, ce qui remet en cause la viabilité de cette entrée d’argent. De
plus, il est de plus en plus difficile d’accéder aux permis de construire. Enfin, d’après la fondation
Ellen Mac Arthur, « récemment, un certains nombre d’entreprises constatent que le système linéaire
les exposent davantage aux risques liés à la volatilité des prix des matières premières ainsi qu’aux
ruptures d’approvisionnement. Un regain de volatilité des prix des matières premières peut peser sur
la croissance en renforçant l’incertitude, en dissuadant les entreprises d’investir et en augmentant le
coût de la couverture contre les risques liés aux ressources naturelles. Au cours de la dernière
décennie, les prix des métaux et des produits agricoles ont connu une volatilité supérieure à celles
enregistrées sur toutes les décennies du XXème siècle. ». Ainsi, si les entreprises ne trouvent pas de
solutions pour faire face à la volatilité des prix des matières premières, voire à la rupture
d’approvisionnement, elles ne pourront plus construire ou alors à coût trop élevé.
Problème
Comment faire face à la demande croissante en bâtiment, si la construction neuve est remise en question ?
"39
• Vente (possession) :
En France, les bâtiments sont la majorité du temps propriété du client final. Ceci suppose donc des
acteurs différents à chaque étape du cycle de vie du bâtiment, lors desquelles pour l’ensemble des
échanges, la vente (du bâtiment ou du matériel de chantier) est le modèle économique choisi. Ce
modèle économique rend plus difficile l’allongement du cycle de vie et multiplie les impacts sur
l’environnement.
Menaces
Marché atomisé Concurrence par les prix
Enjeux :
Le modèle économique de la vente d’un bâtiment suppose que le chargé d’opération suive
l’opération jusqu’à l’année de parfait achèvement pour que le bien passe finalement en agence pour
le relai d’exploitation et de maintenance (usage). L’acteur en amont de la chaîne, se concentrera
donc d’avantage sur le coût de revient de la construction, et non pas sur l’entretien. Si nous prenons
le schéma d’économie linéaire, nous voyons que cela suppose une consommation de ressources, et
une production de déchets lors de l’entretien, ce qui a « un impact sur les couts d’exploitation et de
maintenance pour l’usager », précise Laurie Espinosa.
Hors, aujourd’hui d’après Fabrice Bonnifet, « le bâtiment idéal pour un propriétaire c’est celui qui
ne coûte plus rien en entretien; celui qui est autonome au eau, en électricité etc. Lorsqu’une
entreprise cherche à acheter ou louer des bureaux, ils ne regardent pas que le prix d’achat ou de
location au mètre carré mais le prix d’entretien et de charges fixes au m2. »
Dans une moindre mesure, l’ensemble des flux de produits entre parties-prenantes (fabricants, sous
traitant) s’opèrent également par ce model d’échange, qui augmente le gaspillage des ressources
nécessaires à la vie du bâtiment (peinture, béton, poutres, machines).
Problème
Comment proposer une offre attractive sur un marché atomisé, alors que de plus en plus de personnes s’intéressent au coût global ?
"40
• Démolition :
La démolition est à ce jour presque la seule solution pour la fin de vie des bâtiments. Les chantiers
de démolition représentent la principale entrée de chiffre d’affaires pour les acteurs à ce niveau du
cycle de vie. Malgré tout, ceux-ci vont être de plus en plus contraints de valoriser et de gérer la fin
de vie des déchets, d’autant que la démolition représente 65% des déchets du bâtiment.
Menaces
Loi pour la transition énergétique Taux de valorisation des déchets (70%)
Faibles marges
Enjeux :
Le coût de démolition des bâtiments est de plus en plus élevé, ce qui est une menace pour ses
acteurs qui ont du mal à couvrir leurs coûts et auront de plus en plus de mal au vue des menaces
grandissantes légales et environnementales. « Aujourd’hui, ça coute cher de démolir un bâtiment et
d’avoir un tas de gravats avec tout mélangé : les gravats, les ferreux et les bétons. », confirme
Audrey Bertrand. Ces coûts et leur augmentation, sont dus essentiellement au prix des déchets en
fin de vie (des déchets très différents, qui nécessitent des acteurs différents), dont la gestion n’est ni
anticipée ni évitée. Pour des acteurs agissant à faibles marges, la rentabilité des chantiers va donc
devenir de plus en plus réduite s’ils ne trouvent pas de solutions de valorisation du bâtiment ou de
ses composants en fin de vie. Cette hausse des coûts est amplifiée par la loi sur la transition
énergétique qui oblige la valorisation de 70% des déchets d’ici 2020.
Par ailleurs, il existe en France de nombreux bâtiments vétustes, ce qui suppose un réel besoin de
gestion de la fin de vie de ces derniers.
Néanmoins, les acteurs de la démolition confrontés aux coût importants des chantiers et à la grande
quantité de déchets qui en sont issus, ne pourront pas assurer indéfiniment cette source de revenus
par le biais de la démolition. Si les acteurs ne trouvent pas de solutions moins onéreuses pour faire
face à l’impact économique négatif grandissant de leurs déchets, la démolition ne leur permettra pas
de survivre.
Problème
Comment assurer une gestion des bâtiments en fin de vie, tout en garantissant la rentabilité des acteurs en présence ?
"41
• Savoir-faire :
En France il y a une culture du béton, qui a un impact important sur le savoir-faire et sur les
matériaux utilisés. En effet, comme précisé par Laurie Espinosa, « aujourd’hui dans le bâtiment il y
a une culture du béton car c’est moins cher, et les personnes sont formées à ça. Tout est construit en
béton ».
Menaces
Raréfaction des ressources Prix des matières premières
Démolition
Enjeux :
Le béton est un gage de qualité pour les entreprises du secteur, et à faible coût de revient. Ce savoir-
faire a bien des avantages, néanmoins aujourd’hui l’usage du béton, qui n’a pas évolué depuis
plusieurs années, implique des produits finis qui soient adaptables à ce matériaux, en terme de
qualité et de confort. Tout est soudé, et très solide.
L’enjeu est double :
En fin de vie, ce savoir-faire orienté « béton » suppose une destruction totale du bâtiment, des murs
aux produits finis. Cela nous renvoie donc aux enjeux de la démolition.
De plus, bien que les stocks de roches soient encore nombreux, le béton requiert une consommation
d’eau et de sable très importante. Ce qui nous renvoie aux enjeux de la construction.
Cette culture du béton est également un frein à l’innovation et à la diversification du savoir-faire.
Si les entreprises ne trouvent pas de solutions pour faire face à ce double enjeu, elles ne pourront
pas assurer la construction ni même une démolition sans déchets.
Problème
Comment répondre aux besoins en bâtiments tout en garantissant un impact sur l’environnement faible,
alors même que la France est face à une culture du béton ?
"42
b. Impacts directs sur les coûts de production et les intrants :
• Stocks de matières premières et déchets :
Dans une logique linéaire, les matières premières (ressources) deviennent des déchets. Dans cette
logique il y a un besoin de stocks en amont de la chaîne et à chaque étape du cycle de vie pour
stocker les matériaux, et en fin de chaîne et d’étape, pour stocker les déchets. La filière du bâtiment
nécessite donc des capacités de stockage importantes.
Menaces
Principe pollueur-payeur Capacités de stockage limitées
Concurrence par les prix
Enjeux :
De manière simple, les capacités de stockage sont limitées pour des raisons de coûts et d’espace.
Dans un premier temps, donc, il va être difficile pour les entreprises de continuer à stocker les
ressources et les matières premières tel qu’elles le font actuellement. Elles doivent donc trouver des
solutions pour garantir leurs approvisionnements sans pour autant stocker en amont et en aval.
Dans un deuxième temps, aujourd’hui les stocks représentent des coûts importants pour les acteurs
de la filière, particulièrement en construction et en fin de vie, alors que ces coûts pourraient-être
évités voir transformés en bénéfices.
D’un point de vue des stocks de matières premières, la filière a un besoin important en capacité de
stockage et se confronte à des coûts importants de transports et de gestion de par le manque de
centralisation des stocks et sa forte dépendance aux matières premières primaires.
D’un point de vue des stocks de déchets, ceux-ci peuvent représenter de 20 à 40% du coût de
production total (produit + déchet) de certains process, en aval de la chaîne et à chaque niveau du
cycle. Hors, pour la fondation Ellen Mac Arthur ces déchets représentent une « perte de ressources
non-nécessaires » . Les nombreux déchets générés par la filière proviennent du manque de solutions 9
actuel des entreprises, pour qui cela coûte de plus en plus cher à stocker et à gérer. En effet, c’est
l’enjeu du tri à la source sur le chantier. Lorsque ce tri n’est pas correctement réalisé, la benne est
soit refusée par le prestataire en charge des déchets, soit déclassée, c’est-à-dire facturée à un prix
supérieur car nécessitant un traitement spécifique. Partant du fait qu’aujourd’hui la filière est très
Expression d’origine en anglais « unecessary ressource losses in several way » 9
"43
dépendante des matières premières, nous pouvons donc supposer que ces déchets vont continuer à
augmenter, ce poste risque donc de prendre de plus en plus d’ampleur.
Dans un schéma actuel d’économie linéaire, si les entreprises ne peuvent pas stocker ni en amont
(approvisionnement) ni en aval ou uniquement à des coûts élevés, elles auront de plus en plus de
mal à répondre à la demande, et à équilibrer leur bilan.
Problème
Comment assurer la construction et la fin de vie des bâtiments, tout en évitant les coûts importants liés à la gestion des matières
premières (gestion à la source et à la benne) ?
• Sous-utilisation des ouvrages :
Au même titre que les stocks de matières, les ouvrages sous-utilisés représentent un coût pour les
entreprises de la filière.
Menaces
Marché atomisé Espaces et sols limités
Enjeux :
Ces ouvrages sous-utilisés représentent un coût d’entretien et de gestion pour les propriétaires. Bien
que ces ouvrages ne rajoutent aucun coût d’achat et que les immobilisations corporelles restent
inchangées, au bilan ces sous-utilisations ont un poids important car elles nécessitent d’intégrer
leur usage et leur entretien aux coûts globaux. Sur le long terme, ces ouvrages risquent de
représenter un coût important pour les acteurs en charge (construction pour les chantiers
abandonnés ou usage pour les bâtiments sous-utilisés) et d’empêcher l’utilisation de l’espace pour
de nouveaux usages. Avec moins d’espace, la filière pourra encore moins répondre à la demande.
Problème
Comment éviter les coûts de gestion liés à la sous-utilisation des ouvrages ?
Au vue de ces points, nous comprenons que les acteurs de la filière font aujourd’hui face à des
enjeux majeurs liés à leurs modes de production et de consommation, remettant en cause la survie
de leurs structures d’un point de vue économique et environnemental. "44
Nous pourrions synthétiser les informations précédentes dans le mapping suivant :
Ce mapping reprend les six items détaillés dans cette partie, que nous avons chacun associé aux
acteurs concernés et ordonnés selon deux axes :
- L’axe des ordonnées représente les impacts sur la croissance (économie), avec en bas les impacts
négatifs, autrement dit les pertes, et en haut, les impacts positifs, c’est à dire les bénéfices.
- L’axe des abscisses représente les impacts sur l’environnement, avec à gauche les impacts
négatifs et à droite, les impacts positifs.
Chaque item est positionné en fonction de son degré d’impact sur l’environnement ainsi que sur
l’économie. A chaque item est associé un cercle de couleur qui représente les acteurs concernés par
les impacts, et leur degré d’intérêt.
Enfin, en haut à droite nous avons dessiné la zone idéale qui représenterait la croissance durable des
entreprises, grâce à des impacts positifs sur l’environnement et de manière simultanée, sur
l’économie. Actuellement, les entreprises semblent loin de cet objectif.
"45
Figure 10 :
DÉMOLITION
VENTE
STOCKS
SOUS-UTILISATION DES OUVRAGES
BÉ
NÉ
FIC
E
BÉNÉFICE
ÉCO
NO
MIE
ENVIRONNEMENT
CONSTRUCTION NEUVE
ACTEURS DE LA CONSTRUCTION
ACTEURS DE L’USAGE ET ENTRETIEN
ACTEURS DE LA FIN DE VIE
PE
RT
E
SAVOIR-FAIRE
ANALYSE DES ENJEUX ACTUEL DE DURABILITÉ DANS LA FILIÈRE BÂTIMENT
PERTE
CROISSANCE DURABLE
ANALYSE DES ENJEUX ACTUELS DE DURABILITÉ DANS LA FILIÈRE BÂTIMENT
Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui considèrent que le modèle de croissance circulaire,
décorrélé de la consommation des ressources limitées et offrant un système économique résilient,
jette les bases d’un développement économique très prometteur.
Nous verrons donc de quelle manière l’économie circulaire, qui s’oppose au fonctionnement actuel
des entreprises nocif à leur survie, peut être appliquée au secteur, et de quelle manière ce paradigme
peut permettre d’atteindre la zone idéale.
En outre, nous verrons que la démarche environnementale qui s’impose aux entreprises pour leur
survie, peut également être un levier de nouvelles opportunités de croissance « cachées ».
Comme prévient Karine Bouhier, directrice générale de l’entreprise Les charpentiers de l’Atlantique
(LCA), « L’envie de favoriser une démarche environnementale ne doit pas nous empêcher
d’emporter des marchés». Au vue des éléments précédemment énoncés, nous remplacerons
« envie » par « nécessité ».
"46
2ÈME PARTIE :
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE EN RÉPONSE AUX ENJEUX DE LA FILIÈRE La présentation de l’économie circulaire qui suit et son application à la filière sont basés sur
l’étude documentaire et complétée par l’étude terrain.
I. L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE
A. Fondements
L’économie circulaire est un concept « d’économie en boucle » qui commence à se développer suite
à la parution du Rapport Meadows et des premiers débats sur la notion de « développement
durable », formalisée dans le rapport Bruntland de 1987. Ce concept s’oppose au modèle linéaire de
l’économie issue de l’industrialisation, tel que présenté dans la première partie de ce travail.
C’est dans un rapport de 1976, que
l’architecte Walter Stahel et la socio-
é c o n o m i s t e G e n e v i è v e R e d a y,
présentent pour la première fois un
schéma en boucle , que nous trouvons 10
ci-contre :
Nous voyons que ce schéma repart de la
logique linéaire, avec la consommation
de ressources en amont et la production
de déchets en aval, pour y ajouter une série de boucles permettant une extension de la vie des
produits et des ressources.
Le terme d’économie circulaire apparaîtra quelques années plus tard en 1990, dans le livre de deux
économistes anglais, R. Kerry Turner et David W.Pearce « Economics of Natural Resources and the
Environment ».
Source : Stahel, Walter et Reday, Geneviève (1976/1981) Jobs for Tomorrow, the potential for substituting manpower 10
for energy; rapport de la Commission des communautés européennes, Bruxelles / Éd. Vantage, N.Y."47
Figure 11 : L’économie en boucle
Source : W. Stahel et G. Reday, Jobs for Tomorrow, the potential for substituting manpower for energy
Parallèlement, les travaux de Michael Braungart et de William McDonough serviront à formaliser la
théorie du Cradle to Cradle (Du berceau au berceau) en 2002, qui contribuera pleinement au
développement de la notion d’économie en boucle.
Finalement, le concept d’économie circulaire se formalise au début des années 2000, avec les
travaux de nombreux économistes, institutions et acteurs internationaux publics ou privés tels que
Ellen Mac Arthur, Remi Lemoigne ou Jean-Claude Lévy. Ce concept est souvent associé à de
nombreux autres tels que l’économie bleue, formalisée par Gunter Pauli, l’économie collaborative
ou la Troisième Révolution industrielle de Jérémy Rifkin.
B. Définitions
Il est important de noter que le concept d’économie circulaire n’est actuellement pas stabilisé. Il
n’existe pas une définition officielle de ce nouveau paradigme, néanmoins pour comprendre ce
terme, nous repartirons de cinq définitions différentes; deux issues de l’étude documentaire et trois
de notre étude terrain.
Parmi les définitions connues à ce jour, nous retiendrons tout d’abord celle de l’ADEME et du
Ministère de l’écologie et du développement durable.
L’ADEME définit l’économie circulaire comme « un système économique d’échange et de
production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter
l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en
développant le bien-être des individus. ».
Le Ministère donne quant à lui la définition suivante : « L’économie circulaire désigne un concept
économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire
des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières,
de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit de déployer, une nouvelle économie, circulaire, et non
plus linéaire, fondée sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des
déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie. »
Nous retiendrons également les définitions de Audrey Bertrand, Fabrice Bonnifet et Rebecca
Narewski.
"48
Selon Audrey Bertrand, l’économie circulaire est « tout l’ensemble des processus qui font que l’on
va limiter les déchets c’est à dire leur mise en décharge, et limiter le recours aux matières
premières. Le but ultime c’est de limiter le déchet ultime. »
D’après Fabrice Bonnifet, l’économie circulaire c’est de « tendre vers zéro : zéro impacts et zéro
prélèvement dans les ressources primaires ».
Pour Rebecca Narewski « L'économie circulaire c'est une formidable opportunité pour réconcilier
l’Economie, la Nature et l’Homme ; pour agir concrètement face aux défis sociétaux,
environnementaux et économiques, avec intelligence et bon sens, en créant de la valeur et de la
richesse pour tous. »
C. Concept et principes clés
Basé sur les 3,8 millards d’années de R&D de la nature, et sur le fonctionnement des écosystèmes
naturels, ce nouveau paradigme semble proposer de repenser notre manière de produire et de
consommer pour tendre vers « une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et
des matières premières primaires, ainsi que, par ordre de priorité, de la prévention de la production
des déchets », comme précisé dans le Code de l’environnement . Dans un langage vulgarisé, le 11
« but ultime » de l’économie circulaire serait de passer d’un modèle économique basé sur un
schéma où les flux entrants et sortants interfèrent dans une logique linéaire, à une économie dans
laquelle les flux seraient continuels et s’inscriraient dans une boucle vertueuse.
Si nous repartons des définitions précédemment présentées, nous pourrions donc avancer que le but
de cette économie a une double facette : il s’agit de réduire voire supprimer l’extraction et la
consommation de ressources naturelles en amont et la production de déchets ultimes en aval, en
considérant que ces deux flux sont à la base des impacts nocifs sur l’environnement.
Dans les mêmes perspectives, l’économie circulaire renvoie au principe des 3 R : réduire (la
consommation de ressources), réutiliser (les produits) et recycler (les déchets), un principe mis en
avant par le gouvernement japonais sous la dénomination d’« initiative 3R ».
Lorsqu’il parle d’économie circulaire, Emmanuel Delannoy fait bien référence à ces 3R qui 12
consistent selon lui à « faire en sorte qu’effectivement vos matières premières, l’énergie, vous les
LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte - Article 70 11
* les termes inscrits en italique ont été ajoutés à ceux de l’ADEME. Ils sont issus de la recherche documentaire propre au thème.
"49
consommiez moins, de manière plus efficace, que vous les réutilisiez plus longtemps, en
mutualisant éventuellement les usages et que vous recycliez bien sur les constituants et les
composants de base de vos produits en fin de vie. »
Selon l’ADEME, l’économie circulaire s’appuie sur sept piliers fondamentaux, qui correspondent
chacun à un domaine d’actions. Ces principes peuvent-être compris comme les axes d’orientations
pour une économie plus circulaire.
Ces sept piliers sont :
- L’approvisionnement durable, qui selon l’ADEME est un « mode d’exploitation/extraction des
ressources visant une exploitation efficace des ressources en limitant les rebuts d’exploitation et
en limitant l’impact sur l’environnement, notamment dans l’exploitation des matières
énergétiques et minérales (mines et carrières) ou dans l’exploitation agricole et forestière tant
pour les matières/énergies renouvelables que non renouvelables ».
- L’éco-conception, qui d’après l’AFNOR consiste à « intégrer l’environnement dès la conception
d'un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie ».
- L’écologie industrielle et territoriale, qui d’après l’AFEP est un « mode d’organisation
industrielle innovant, mis en place par plusieurs acteurs économiques d’un même territoire et
caractérisé par une gestion optimisée des ressources ».
- L’économie de la fonctionnalité, qui est un modèle économique qui privilégie l’usage à la
possession.
- La consommation responsable qui consiste à informer et aider le consommateur à consommer
tout en respectant l’environnement (tri, choix d’éco-produits)
- Le réemploi (en seconde main*), la réutilisation (en tout ou partie) et la réparation*, qui
visent selon l’AFEP à « prolonger la durée de vie du produit par la mise dans le circuit
économique des biens ne répondant plus aux besoins premiers des consommateurs ».
- Le recyclage ou la réutilisation des matières premières*, qui d’après le Ministère de l’écologie
et du développement durable a pour objectif de « préserver les ressources naturelles par la
réutilisation de matériaux issus de déchets et de réduire la consommation d’énergie, l’émission
de gaz à effet de serre et la consommation d’eau liées à la production industrielle. »
Avec l’économie circulaire nous consommons moins, de manière plus efficace et plus
longtemps.
"50
Ce concept d’économie en boucle est donc un changement de paradigme qui suppose de repenser la
production mais également l’ensemble du cycle de vie du produit pour diminuer les impacts
environnementaux et l’utilisation des ressources à chacune de ses étapes. Nous verrons de quelle
manière ce concept peut être appliquer à la filière, pour diminuer ses impacts sur l’environnement et
bénéficier aux entreprises.
II. L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE APPLIQUÉE À LA FILIÈRE BÂTIMENT; APPLICATION DES SEPT
PILIERS DE L’ADEME AU CYCLE DE VIE DU BÂTIMENT
Les différentes initiatives mises en places par les gouvernements et entreprises de la filière se sont
toujours d’avantage concentrées sur la fin de la chaîne « end of pipe » avec le recyclage et la
réutilisation, néanmoins l’économie circulaire se concentre sur l’ensemble du cycle de vie des
produits. « En complément d’approche centrées sur des matières et « gisements de déchets » il est
important que les approches en faveur d’une économie circulaire considèrent la durée prévisible du
produit. » précise l’AFEP. En d’autres termes, plus un produit a une durée de vie importante
(bâtiment) plus il faut montrer sa circularité par unité de service rendu. Ces éléments nous poussent
à appliquer les principes de l’économie circulaire au cycle de vie du bâtiment, tel que nous l’avons
présenté dans la partie I.B.c. En plus de ces points, l’approche par le cycle de vie est préconisée
pour plusieurs raisons :
- 80% des émissions de CO2 d'un bâtiment découle de son exploitation tout au long de sa durée de
vie
- La filière bâtiment présente un nombre d’acteurs importants tout au long du cycle de vie
(présentés dans la 1ère partie), qui dans cette analyse doivent tous apparaitre
- Le cycle de vie d’une ressource, tel que présenté dans les principes de l’économie circulaire, est à
prendre en compte tout au long du cycle de vie du bâtiment
Afin d’appliquer l’économie circulaire à la filière bâtiment, nous présenterons, dans un tableau,
différentes initiatives d’économie circulaire propres à chaque étape du cycle de vie que nous
associerons à l’un des sept piliers de l’ADEME.
Cinq de ces cas seront ensuite analysés, pour mesurer leur impact positif sur le développement de
l’entreprise, puis seront repris pour mettre en relation impact environnemental et impact
économique.
"51
TABLEAU 1 :APPLICATION DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE À LA FILIÈRE BÂTIMENT
APPROCHE PAR LES 7 PILLIERS DE L’ADEME ET LE CYCLE DE VIECycle de vie du
bâtiment ______________
7 piliers de
l’économie circulaire
1. Construction 2. Usage et entretien 3. Fin de vie
1 Approvisionnement
durable
EQIOM a substitué une partie de sa consommation d’énergie fossile (combustibles fossiles) par la valorisation de déchets à « haut pouvoir calorifique ». EQIOM achète ces déchets à des entreprises voisines, à des prix plus bas que ceux du pétrole, et les incinère pour les valoriser en énergie.
L’installation d’une technologie de traitement des eaux usées dans un bâtiment, permet aux occupants d’avoir un approvisionnement en eau qui fonctionne en boucle fermée où l’eau consommée est retraitée à l’infinie.
YPREMA propose à ses clients des centrales de recyclage locales pour l’approvisionnement de leurs sites en granulats, ce qui leur permet de réduire leur impact environnemental dû aux transports et d’utiliser des matériaux recycler.
2 Eco-conception
- P r i v i l é g i e r l ’ é c o -construction, avec des matériaux tels que le bois ou une isolation plus importante, permettant de diminuer les consommations en énergie. - Penser à l’éco-conception de béton, telle que Lafarge la in i t i é (concep t ion de matériaux facilitant le drainage de l’eau).
Un bâtiment modulaire, qui s’adapte en fonction du nombre de personnes ou de l’usage. Comme le propose l ’ e n t r e p r i s e G é n i u s , « fabricant de Maisons Modulaires & Très Basse Energie » ou le lieu d’espace de travail « Yard » à NY, qui propose des grands espaces à la location, adaptables en fonction du nombre de personnes et du besoin de l’occupant (calme, création).
3 Ecologie
industrielle
Valorisation des déchets de chantier sur un site, en source d’énergie sur un autre.
Le Park 20/20 est un éco-park aux Pays-Bas, dans lequel l’ensemble des lotissements forment une boucle vertueuse, auto-suffisante en énergie lors de l’usage.
YPREMA a mis en place un circuit fermé avec quatre entreprises proches : l’usine d’incinération (1), YPREMA (2), une usine de production de chaleur (3), et une usine de traitement des eaux (4). Cf détails ci-dessous
4 Economie de la fonctionnalité
Arcelormittal dans le cadre du park 20/20, loue l’acier à d e s c o n s t r u c t e u r s d e bâtiments industriels.
Proposer une offre de peinture par mètre carré, et non par pot. Proposer une offre de partage des machines de chantiers, plutôt que de les acheter.
L’entreprise Clarlight propose une solution d’éclairage en vendant la production de lumière en fonction du besoin, et non des équipements d’éclairage.
Le bâtiment est louer à l’occupant plutôt que vendu, ainsi le maître d’ouvrage reste propriétaire.
"52
* Il est important de noter que les quelques cases vides dans le tableau ne sont pas sans sens, l’économie circulaire ayant pour objectif d’allonger la durée de vie du bâtiment et de créer des boucles vertueuses. Certains éléments peuvent être communs à plusieurs piliers ou étapes du cycle de vie, nous ne prendront néanmoins pas en compte cette caractéristique pour le tableau.
Explication du cas 3.3 L’usine 1 incinère les déblais de chantiers de déconstruction, la chaleur produite par l’incinération est réutilisée par l’entreprise 2 pour créer de l’énergie, ensuite l’entreprise 3 YPREMA va récupérer les mâchefers de l’entreprise 1 pour en créer des matériaux de techniques routières (recyclage), qu’YPREMA va faire refroidir avec de l’eau fournie par l’entreprise 4, qui va finalement récupérer l’eau d’YPREMA pour la traiter.
5 Consommation
responsable
Mettre à disposition des différents acteurs présents sur le chantier, des solutions de tri des déchets, ou un service de co-voiturage pour se rendre sur les chantiers.
Bouygues Construction propose à ses clients des bâtiments à énergie positive, qui permettent au consommateur du bâtiment de produire plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Mettre à disposition des consommateurs, une solution de compost qui pourrait-être utilisé dans le jardin partagé d’une résidence.
6 Réemploi,
réutilisation et réparation =
allongement de la durée d’usage
Réutiliser partiellement des composants entiers. Par exemple, l’entreprise DIRTT (Doing It Right This Time), aux États-Unis, assemble des bâtiments à pa r t i r de composan ts fabriqués en usine. Ces bâtiments peuvent être montés , démontés ou reconfigurés facilement grâce à des composants modulaires.
Les agences en charge de l ’ e x p l o i t a t i o n e t d e l a maintenance des bâtiment, peuvent réemployer un bâtiment initialement résidentiel, pour en faire un immeuble de bureau.
Le projet Matière Sociale propose une offre de dépose sélective de matériaux de déconstruction en collectant les déblais sur les chantiers des entreprises de déconstruction, ainsi qu’une vente de matériaux de réemploi, issus de ces premiers matériaux, pour les entreprises de construction.
7 Recyclage et valorisation
Veolia Propreté propose un «big bag» directement sur le chantier de l’entreprise de construction et, à l'issue de son remplissage, son enlèvement et son recyclage dans une usine de recyclage de plâtre. Un service de traçabilité souhaitée par Lafarge Plâtre depuis la vente des plaques jusqu'à leur recyclage va permettre de développer un modèle performant d'économie circulaire : les déchets de plâtre collectés sur les chantiers seront ainsi r é u t i l i s é s d a n s l a fabrication de nouvelles plaques de plâtre.
L’entreprise YPREMA, propose aux acteurs du BTP de récupérer leurs déchets sur les chantiers en déconstruction pour les recycler et les transformer en granulats, pour les acteurs du TP.
"53
Ce tableau nous permet de comprendre que les principes et enjeux de l’économie circulaire sont
effectivement applicables à la filière bâtiment et qu’ils concernent l’ensemble des acteurs.
Afin de comprendre de quelle manière ces initiatives d’économie circulaire peuvent permettre de
répondre aux problèmes auxquels se confronte le secteur, nous reprendront cinq des cas exposés
(présentés en gras) que nous associerons aux mêmes niveaux d’impacts que précédemment :
environnemental et économique.
Pour faciliter la lecture, chaque cas sera désigné par le numéro propre au cycle de vie suivi de celui
propre au pilier.
"54
3ÈME PARTIE : RÉSULTATS DE L’APPLICATION
De la même manière que dans la 1ère partie, les deux critères choisis pour mesurer l’impact
économique sont l’impact sur les sources de revenus (=garantie des marchés actuels et
développement de nouveaux marchés) et l’impact sur les coûts de production et les intrants selon
les leviers de développement ci-après :
- Diversification
- Valorisation matière
- Spécialisation
- Lean et performance opérationnelle
- Optimisation
- Différenciation
- Filière en boucle fermée
I. BÉNÉFICES CAS PAR CAS
CAS 1.1 : construction/approvisionnement durable
La société EQIOM, acteur majeur dans les matériaux de construction, propose depuis plusieurs
années un service de valorisation de tous types de déchets. Cette activité a commencé à être
développée il y a 40 ans, en pleine période de crise du pétrole alors même que la société avait un
important besoin en énergie. En repartant des ressources technologiques à disposition, c’est à dire
les usines et fours de cimenterie dont les capacités de stockage et de chauffage sont très
importantes, la compagnie a fait face aux prix très importants de cette matière première, principal
coût intermédiaire de son activité, pour valoriser des déchets en énergie. Elle a alors diversifié son
offre en proposant une nouvelle prestation de services, sans pour autant investir de nouveau. Ce
projet permet donc la diversification.
En proposant cette nouvelle offre de prestation de service, EQIOM inscrit son développement dans
un schéma d’économie circulaire car la filiale valorise les déchets des uns pour en faire une
ressource pour d’autres et pour elle même, et met à disposition de ses clients un approvisionnement
durable issu de la valorisation de ces mêmes déchets.
Bien que l’incinération des déchets ne s’inscrive pas dans ce concept, le CO2 et la chaleur qui est
dégagée est réutilisée et s’inscrit dans un fonctionnement en boucle.
"55
BÉNÉFICE ENVIRONNEMENTAL :
Les ressources primaires utilisées, initialement
extraites à la source, sont substituées à 60% par
des ressources secondaires, ce qui diminue le
volume de ressources naturelles primaires.
Les déchets en fin de vie, ne sont pas stockés en
décharge mais revalorisés en ressources.
BÉNÉFICE ÉCONOMIQUE :
Nous pourrions qualifier cette démarche de diversification, un processus marketing qui consiste à
lancer de nouveaux produits ou services sur des marchés encore inexplorés par l’entreprise. Cette
dernière ne s’appuie alors plus sur son métier de base et s'efforce d'acquérir de nouvelles
compétences.
- Marchés :
Cette diversification verticale permet de créer deux nouvelles sources de revenus : 13
Proposer une nouvelle offre de gestion des déchets
Grâce à cette offre, EQIOM va élargir sa cible en proposant une nouvelle offre de prestation de
service à une entreprise qui souhaite valoriser ses déchets -ménagers pour la plupart-, pour atteindre
l’objectif de 70% de valorisation des déchets fixé par le gouvernement. EQIOM bénéficie donc de
nouveaux revenus issus de la vente d’un service de traitement des déchets à un nouveau segment de
clients.
Proposer une nouvelle offre de matériaux valorisés
Grâce à ce projet, EQIOM peut revendre l’énergie issue de la valorisation des déchets et profite
alors des revenus créés par la vente de l’énergie valorisée auprès de ses clients actuels ou de
nouveaux clients. En valorisant des volumes importants de déchets d’une autre entreprise, en
énergie renouvelable, elle peut réintroduire directement dans le process industriel de cette même
entreprise l’énergie ou alors proposer d’alimenter le chauffage urbain. EQIOM peut vendre cette
énergie à une nouvelle cible ou à sa cible actuelle.
La première source de revenu est aujourd’hui réelle, la deuxième est supposée.13
"56
DIVERSIFICATION
Figure 9.1
Une deuxième offre consisterait à revendre la chaleur et/ou le CO2 issus de l’incinération des
déchets pour produire les biens d’une entreprise dont le mode de production nécessite une source de
chaleur importante et un environnement riche en CO2. EQIOM bénéficie alors de la vente de cette
« source de chaleur ». Cela peut permette par exemple à une entreprise dans l’algoculture, de
bénéficier d’un environnement riche en CO2 pour mieux faire pousser ses algues.
- Coûts :
Cette diversification permet également de diminuer les coûts de production, de deux manières :
Diminuer le coût de ses immobilisations :
Selon Chandler, la diversification est née de ce que « les entreprises disposant d'une technologie
avancée ont vite pris conscience de l'intérêt que pouvaient représenter ces connaissances et
capacités pour la production dans de nouveaux secteurs et pour la satisfaction de nouveaux
besoins. »
De manière assez simple, ce projet permet à l’entreprise de rentabiliser le coût de ses usines et de
ses fours, sa technologie avancée selon Chandler, car ils sont d’avantage utilisés pour servir à
l’incinération des déchets. La productivité machine est donc améliorée.
De plus, la nouvelle offre proposée ne requiert aucun nouvel investissement matériel ni humain car
cette activité est permise par les précédents. Ainsi, les sources d’entrée de revenus sont augmentées
avec à un même niveau d’investissement.
Diminuer le coût de ses approvisionnements :
Grâce à ce procédé, EQIOM a substitué 60% de son approvisionnement en énergie fossile par la
combustion de déchets, alors même que le coût du pétrole est plus cher que le coût de cette énergie.
Le coût de ses approvisionnements en énergie pour faire fonctionner son activité est donc réduit et
ses approvisionnements plus facilement garantis.
"57
CAS 1.7 : construction/recyclage et valorisation
Veolia Propreté a développé un partenariat avec Lafarge Plâtre pour le recyclage du plâtre. Veolia
propose un «big bag» directement sur le chantier de l’entreprise de construction et, à l'issu de son
remplissage, son enlèvement et son recyclage dans une usine de recyclage de plâtre. « La traçabilité
souhaitée par Lafarge Plâtres depuis la vente des plaques jusqu'à leur recyclage va permettre de
développer un modèle performant d'économie circulaire : les déchets de plâtre collectés sur les
chantiers grâce au « big bag » de Veolia, seront ainsi réutilisés dans la fabrication de nouvelles
plaques de plâtre.» 14
Ce projet est basé sur un partenariat et un partage de compétences entre deux entreprises non
concurrentes mais complémentaires, qui est à la fois porteur de croissance pour ces deux dernières
et pour les entreprises clientes. En recyclant les déchets de plâtre issus des chantiers, ce partenariat
permet de valoriser le gypse, la matière première composante du plâtre. Ce projet permet la
valorisation matière.
Grâce à la traçabilité et à la récupération de matériaux issus de sa propre production, Lafarge
inscrit ce projet dans une stratégie de spécialisation.
La traçabilité est une notion importante à prendre en compt car elle permet de tracer les déchets
dans un processus de recyclage, et sur le long terme la traçabilité des matières pourrait nous
permettre de passer d’une économie de stock à une économie de flux . 15
BÉNÉFICE ENVIRONNEMENTAL :
Les ressources utilisées pour la construction
(gypse) sont déjà existantes dans le circuit
économique car issues de matériaux recyclés
de la fin de vie du bâtiment et de la fin de
l’étape « construction ». Il n’y a donc plus
d’extraction à la source primaire.
Le « big bag » empêche la mise en décharge
du plâtre. De plus, l’hydrogène sulfureux qui
aurait pu être dégagé par le plâtre s’il avait été
Batiactu.com, Lafarge Plâtres et Veolia Propreté main dans la main pour le recyclage du plâtre, 14
28/03/2012
Conférence HEC, Comment l’économie circulaire ouvre de nouvelles opportunités pour les marques ?, 15
18/06/16, Paris"58
Figure 9.2
non traité et dégradé par des bactéries, est évité. Ce projet permet de parer à ces menaces grâce à la
récupération du matériau, pour être recyclé et remis dans la chaîne de production.
BÉNÉFICE ÉCONOMIQUE :
La valorisation matière est un processus qui vise à valoriser toute matière ou substance retenue dans
un produit, pour l’incorporer dans un autre, excluant toute valorisation énergétique.
- Coûts :
Cette valorisation permet de diminuer les coûts de production de l’entreprise cliente :
Diminuer le coût de ses déchets non incorporés
Le Sustainable Europe Research Institute estime que chaque année les pays de l’OCDE consomme
plus de 21 milliards de tonnes de matériaux dans la production de produits, qui ne sont pas
incorporé physiquement au produit lui-même, autrement dit qui deviennent des déchets. Si nous
repartons de cette statistique, nous comprenons que ces déchets, non incorporés au « bâtiment lui
même » représente un coût « inutile » pour l’entreprise de construction.
Hors, selon l’ADEME, le coût complet des « déchets » provient de deux sources majeures :
- « des coûts de production » : achats des matières et consommables dont proviennent les déchets,
énergie et main d'oeuvre dépensées à les transformer
- « des coûts de gestion interne » : les charges de manutention et de stockage interne de ces
déchets.
Si nous partons de ce postulat, la valorisation permet de réduire le poste « déchets » de l’entreprise
de construction en diminuant le coût unitaire de gestion interne en valeur à volume égal. En effet,
lors du chantier de construction, l’entreprise en charge n’aura pas besoin de stocker ses rebuts ou
excédents de plâtre, qui proviennent du chantier; les charges de manutention et de stockage interne
de ces déchets disparaissent. Les coûts de gestion internes peuvent également être réduits pour
l’entreprise de démolition, si le « big bag » est utilisé sur son chantier.
"59
VALORISATION MATIÈRE :
La spécialisation consiste pour une entreprise à se maintenir dans un seul domaine d’activité,
correspondant la majorité du temps à son coeur de métier. Ici, Lafarge se spécialise dans l’offre de
plâtre pour les entreprises de la construction.
- Marchés :
Cette spécialisation permet d’assurer les revenus actuels de l’entreprise fournisseur -Lafarge Plâtre-
de deux manières :
Sécuriser ses approvisionnements
En récupérant les déchets de chantier sur lesquels son plâtre est utilisé, Lafarge Plâtre sécurise une
partie de sa matière première nécessaire à l’activité de son coeur de métier. En allant plus loin dans
la démarche, elle peut également récupérer le plâtre lors de la déconstruction, et bénéficier alors de
volume plus importants.
Le système de traçabilité mis en place, permet à Lafarge de garder le contrôle sur ses gisements de
matières premières pour les réintroduire dans son circuit économique. De cette manière, elle gère
mieux sa flotte et a une meilleure visibilité et une maîtrise des coûts sur toute la durée du contrat
avec l’entreprise de construction. Ainsi, elle sécurise ses approvisionnements et sa capacité à
satisfaire de façon continue la demande prévisible du marché, grâce à la disponibilité permanente et
moins nocive pour l’environnement de la ressource « gypse ».
Fidéliser ses clients :
Par ce projet l’entreprise continue à se concentrer sur son domaine d’activité principal qui est la
fabrication de plâtre. Elle met alors l'accent sur son métier de base, pour lequel son niveau de
compétences est bon, en y ajoutant une dimension de service de gestion des déchets, ce qui lui
donne un avantage concurrentiel décisif. En suivant le produit qu’elle met à la disposition de ses
clients grâce à la traçabilité, elle les fidélise par un service complet et peut leur proposer de
nouvelles plaques issues de leurs déchets pour rentrer dans une boucle vertueuse infinie. Ce projet
permet d’établir une relation commerciale à plus long terme avec les clients, puisque le nombre de
contacts avec eux augmente tout au long de la durée de vie du produit. Ces modèles économiques
offrent aux entreprises la possibilité d’acquérir des connaissances uniques sur les modes
d’utilisation qui pourront permettre l’amélioration des produits et des services et mieux satisfaire les
clients.
"60
SPÉCIALISATION :
CAS 1.4 : construction/économie de la fonctionnalité
Un fournisseur de matériel propose une offre de peinture par mètre carré, et non par pot.
Cette offre consiste, pour l’entreprise fournisseur, à mettre à disposition de son client (entrepreneur
du bâtiment) une offre de peinture qui ne se vend pas au pot ou au litre mais bien au mètre carré
utilisé. Ainsi, le consommateur payera pour la quantité exacte de peinture qu’il a utilisée. Ce projet
s’inscrit dans l’économie circulaire car il permet d’allonger la durée de vie d’un produit essentiel à
la construction du bâtiment (aménagement). En évitant tout gâchis d’excédent de matière, ce projet
s’inscrit dans la théorie du lean et de la performance opérationnelle.
BÉNÉFICE ENVIRONNEMENTAL :
L’achat de peinture au mètre carré permet d’utiliser
la quantité de ressource qui correspond exactement
au besoin, en évitant ainsi tout gâchis d’une
éventuelle quantité de peinture non utilisée, qui
sécherait ou perdrait sa pigmentation et serait donc
jetée. La durée de vie de la ressource est donc
rallongée.
Le volume de déchets issus des restes de peinture
non utilisée est nettement diminué.
BÉNÉFICE ÉCONOMIQUE :
Jean-Pierre Baron, directeur de la performance opérationnelle, ou Lean Management, au sein de
BATEG, définit la performance opérationnelle comme une méthode de management qui vise à
« diminuer tout le gaspillage dans un système de production », en d’autres termes à « remettre
l’homme au coeur de la production, tout en cherchant à diminuer le gaspillage, en améliorant leur
qualité de travail et la productivité ».
- Coûts
Ce projet de Lean permet de diminuer les coûts de production de l’entreprise qui sous-traite
(constructeur ou réhabilitation) :
"61
LEAN ET PERFORMANCE OPÉRATIONNELLE :
Figure 9.3
Diminuer les coûts liés aux pertes en ligne
Dans le cas ou un peintre est réquisitionné par une entreprise du bâtiment pour effectuer l’ensemble
des tâches de peinture d’un immeuble professionnel, en privilégiant une offre de peinture au mètre
carré celui-ci utilisera la quantité adaptée de peinture, sans générer aucun déchet issu d’un reste de
peinture éventuel. Ce dernier aura donc payé pour la quantité adaptée au besoin de l’entreprise de
construction, et n’aura aucune perte en ligne.
Si nous appliquons la performance opérationnelle à notre exemple, il s’agit par exemple pour
l’entreprise sous-traitante de diminuer le gaspillage de peinture. En évitant les pertes en ligne (=
quantité de matière restante non-utilisée en fin de chantier. Ex : l’entreprise paye pour 105m2 de
peinture, alors que le peintre n’aura utilisé que 100m2. Les pertes en ligne correspondent aux 5m2
de peinture restante dus à la surestimation du besoin en peinture et à l’achat au pot). En achetant de
la peinture au mètre carré, l’entreprise sous-traitante n’utilisera que les 100 m2 et ne gaspillera pas
les 5m2 carrés restants. Le coûts des 5m2 correspondant aux coûts des pertes en ligne sont donc
réduits pour les deux entreprises, grâce à l’offre d’économie de la fonctionnalité de leur fournisseur.
La quantité de déchets à traiter (=volume) à valeur égale, est réduite, ce qui diminue le coût global
du déchet.
CAS 2.2 : usage et entretien/éco-conception
Un bâtiment modulaire, qui s’adapte en fonction du
nombre de personnes ou de l’usage comme le propose
l’entreprise Génius, « fabricant de Maisons Modulaires &
Très Basse Energie » ou le lieu d’espace de travail « Yard »
à NY, qui offre des grands espaces adaptables en fonction
du nombre de personnes et du besoin de l’occupant
(calme, création) grâce à des parois coulissantes, entre
autres.
Ces deux entreprises proposent des structures en modules, c’est à dire un ensemble de composants
qui s’emboitent ou se complètent de la même manière que des Legos. Cela permet d’ajouter, de
déplacer ou de supprimer de manière simple et rapide des lots, des pièces ou des produits finis (lit,
table), ce qui évite de détruire un mur ou de consacrer à un seul usage une partie de l’édifice.
Ces projets s’inscrivent dans l’économie circulaire et permettent l’optimisation de l’espace et donc
des ressources. Ces entreprises inscrivent leur stratégie dans une stratégie de différenciation.
"62
Maison modulaire Génius. Deux pièces séparées par un rail central.
Dans les zones très densément construites, ces offres permettent de construire des appartements
plus petits, avec les mêmes équipements que dans un appartement de plus grande taille.
BÉNÉFICE ENVIRONNEMENTAL :
Les espaces comprenant des modules (lots ou
murs) peuvent être optimisés au maximum, en
adaptant leur forme et leur taille à l’usage et au
nombre d’occupants. De ce fait, pour un usage
différent il n’y aura pas de nouvelle
c o n s t r u c t i o n , d o n c d e r e s s o u r c e s
supplémentaires, mais bien une modification
de l’existant. Pour les ressources à l’usage, il y
a une optimisation des ressources, et donc une
consommation par personne réduite.
En adaptant le bâtiment et ses composants, nous avons donc moins recours à la démolition à la « fin
du premier usage », ce qui diminue le nombre de déchets potentiels à l’usage et en fin de cycle.
BÉNÉFICE ÉCONOMIQUE :
L’optimisation correspond à l’utilisation optimale d’un produit, en lui donnant les meilleures
conditions d'utilisation, de fonctionnement et de rendement.
Ce projet permet de mutualiser les infrastructures et de les optimiser car l’usage du bâtiment n’étant
pas fixé, il peut être adapté à toute configuration. Cela permet aux propriétaires d’utiliser leurs
ouvrages sur des plages horaires plus importantes et par plusieurs profils d’utilisateurs.
- Marchés :
Cette optimisation permet d’acquérir d’avantage de clients, sans construire d’avantage :
Augmenter ses objectifs cibles
L’optimisation permet aux investisseurs d’avoir plus de clients pour un volume d’espace similaire.
En effet, en privilégiant l’économie de l’usage plutôt que l’économie de la propriété, un seul et
même bâtiment qui aurait dans un schéma classique été utilisé par un seul profil d’acteur, pourra
"63
OPTIMISATION :
Figure 9.4
être utilisé par des acteurs primaires, secondaires ou tertiaires. Etant donné que l’usage de l’espace
peut-être adapté, cela induit de nouveaux profils potentiellement intéressés par notre offre.
Par exemple, pour un logement professionnel, alors qu’avant nous proposions uniquement des
plages horaires fixes avec des capacités fixes, nous pouvons maintenant proposer l’espace sur les
heures de pauses d’un des locataires et pendant le week-end, alors même qu’ordinairement les
bureaux auraient-été désertés.
- Coûts :
Cette optimisation permet par ailleurs de diminuer les coûts de production.
« Le pouvoir de l’optimisation des cycles incite à maximiser le nombre de cycles consécutifs et/ou
la durée de chaque cycle pour les produits (par exemple, la réutilisation d’un produit plusieurs fois
ou l’allongement de sa durée de vie). À chaque fois que le cycle est prolongé cela permet
d’économiser les matériaux, l’énergie et le travail nécessaires à la fabrication d’un nouveau produit
ou composant. » , précise la fondation Ellen Mac Arthur. 16
Diminuer ses coûts liés aux pertes structurelles :
Les pertes structurelles peuvent être attribuées à la manière dont les acteurs du bâtiment sont
organisés entre eux et fonctionnent. Les pertes structurelles sont donc associées à la structure
classique, prédominante dans le secteur, selon le « bâtiment traditionnel » et la répartition des
acteurs. Elles correspondent dans ce cas à la sous-utilisation des espaces, qui représente un coût
d’entretien et de gestion, alors même qu’il n’y a aucune entrée de trésorerie pour le propriétaire. En
optimisant l’espace, les coûts de gestion et d’entretien sont répartis sur les différentes entrées
d’argent, ce qui réduit le coût de gestion unitaire de chaque bâtiment.
La différenciation ou démarque, est une stratégie qui vise à proposer un produit ou service différent
de celui de ses concurrents. Etant donné le « bâtiment traditionnel » tel que présenté en première
partie, et prenant en compte le fait que la concurrence par les prix prime dans le secteur (domination
par les coûts), nous pouvons considérer ces projets comme des innovations produits. En effet, ces
produits sortent de l’usage « classique » proposé par les entreprises du secteur, ce qui se qualifie de
stratégie de différenciation.
Fondation Ellen Mac Arthur, Vers une économie circulaire, arguments économiques pour une transition accélérée, 201616
"64
DIFFÉRENCIATION :
- Marchés :
Cette optimisation permet d’acquérir de nouveaux clients :
Capter de nouveaux clients
Sur un marché atomisé, la différenciation permet à l’entreprise de proposer une offre distincte de
celle de la concurrence. Ces deux organisations cherchent à obtenir un avantage concurrentiel en
mettant en avant une compétitivité hors-prix, ce qui leur permet d’accéder à de nouveaux marchés.
CAS 3.6 : fin de vie/réemploi, réutilisation et réparation
Le projet Matière Sociale propose une offre de dépose sélective de matériaux de déconstruction en
collectant les déblais sur les chantiers des entreprises de déconstruction, ainsi qu’une vente de
matériaux de réemploi, issus de ces premiers matériaux, pour les entreprises de construction. Avec
ce projet, Pierre-Marie Bozec-Claverie a pour objectif de « créer une filière professionnelle de
récupération et de réemploi des matériaux de bâtiment de second oeuvre, comme les radiateurs,
fenêtres, planchers et luminaires, sur l’agglomération nantaise. L’objectif est d’amener les
professionnels à rénover et démolir différemment. ». Après avoir collecté les matériaux, le projet
propose de les stocker et des les réparer et réhabiliter pour les remettre « à neuf ».
Plutôt que d’être démoli, le bâtiment sera déconstruit, c’est à dire que les constituants seront
soigneusement démontés pour viser la réutilisation de ses composants. Ce projet s’inscrit dans
l’économie circulaire car il créé une boucle de valorisation des déchets, en phase avec l’objectif de
valorisation de 70 % des déchets et réduit l’usage de produits finis neufs, nécessitant l’entrée de
nouvelles ressources.
En récupérant les matériaux des bâtiments en fin de vie pour les réutiliser dans de nouveaux
bâtiments ou des bâtiments vétustes, c’est une filière de récupération en boucle fermée qui se créée.
BÉNÉFICE ENVIRONNEMENTAL :
Au niveau des ressources, ce projet permet
d e c o n s t r u i r e u n e b o u c l e f e r m é e
d’approvisionnement entre les chantiers de
construction et ceux de déconstruction. Les
ressources restent dans le circuit, ce qui
diminue les flux entrants de matières
premières.
Contrairement à la démolition classique, "65
Figure 9.5
destructive, la déconstruction vise la réutilisation des composants. Les déchets des édifices en fin de
vie, sont réintroduits dans le circuit économique et ne s’accumulent donc pas.
BÉNÉFICE ÉCONOMIQUE :
La boucle fermée peut se caractériser comme un système dans lequel il y aurait un minimum de flux
entrants ou sortants de la chaîne mais majoritairement des flux continuels. Dans ce cas, nous
pouvons supposer qu’une majorité des produits finis nécessaire à la construction du bâtiment,
proviendrait de sa déconstruction, issue elle même de la construction, et ceci indéfiniment.
- Marchés :
Cette boucle fermée pourrait permettre aux entreprises du bâtiments d’étendre leurs marchés.
Acquérir des activités complémentaires :
Ce projet pourrait permettre aux entreprises de part et d’autres de la chaîne du bâtiment, d’opter
pour une stratégie d’expansion, en proposant à la fois une offre de construction et une offre de
déconstruction. En acquérant les chantiers de l’entrepreneur présent sur la « fin de vie », le
constructeur bénéficie de nouveaux chantiers, et sur le long terme d’une potentielle autosuffisance
en matériaux de construction.
La construction neuve dépendant souvent de la déconstruction d’un bâtiment en amont, il semblerait
que grâce à cette « double casquette » le constructeur puisse répondre à la demande tout en évitant
les coûts importants liés à la démolition ou les impacts négatifs sur l’environnement.
- Coûts :
Cette boucle fermée permettrait en parallèle de réduire les coûts de production des entreprises de la
construction et de la déconstruction de deux manières :
Diminuer les coûts de revient du bâtiment :
En récupérant les produits sur les chantiers, le coût de procuration par Matière Sociale est faible, ce
qui leur permet de vendre à des prix défiants toute concurrence. Ainsi, le constructeur en lui
achetant les produits, bénéficie de coûts de produits finis au prix de l’occasion, ce qui est moins
cher que les prix du neuf. Ainsi, le coût de revient du bâtiment final sera amoindri, le prix d’achat
des produits finis au fournisseur étant plus faible.
"66
FILIÈRE EN BOUCLE FERMÉE
Diminuer ses coûts logistiques en amont et en aval de la chaîne :
En développant ce projet sur la région nantaise, Matière Sociale met en relation l’offre et la
demande de matériaux de construction, sur un périmètre réduit. Il y a donc une implantation locale
de l’offre et de la demande en matériaux de construction et déconstruction. Ainsi, les
entrepreneurs ont accès à des sources d’approvisionnement centralisées et locales, et a une solution
de gestion des déchets également locale. Grâce à cette proximité, les constructeurs réduisent leurs
coûts de transports entre le lieu d’achat, de stockage et le chantier, en récupérant directement -ou
presque- à la source (proche du chantier de déconstruction) les produits nécessaires à leur chantier.
Le déconstructeur quant à lui, diminue l’ensemble de ses coûts liés au transport des déchets depuis
le chantier jusqu’à la décharge ou à la benne.
"67
II. APPLICATION DES BÉNÉFICES AUX ENJEUX DE DURABILITÉ
TABLEAU 2 :RÉSULTATS DES INITIATIVES D’ÉCONOMIE CIRCULAIRE APPLIQUÉS AUX PROBLÈMES DE
LA FILIÈRE BÂTIMENT
"68
TABLEAU DES RÉSULTATS DES PILIERS DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE APPLIQUÉS AUX PROBLÈMES DE LA FILIÈRE BÂTIMENT (SUITE)
"69
Ce tableau pourrait-être représenté par le mapping suivant, qui fait suite au mapping « Analyse des
enjeux actuels de durabilité dans la filière bâtiment » :
"70
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2 :
CHAPITRE III : RECOMMANDATIONS
Comment assurer la croissance durable de son entreprise, grâce à l’économie circulaire ?
Premiers leviers d’actions
"71
Au regard des éléments présentés précédemment, nous comprenons que les acteurs de la filière
bâtiment se confrontent à des enjeux internes et externes qui posent des limites temporelles et de
rentabilité à leur développement économique. Les modes de production et de consommation sur
lesquels reposent leurs stratégies ne semblent pas adaptés au contexte interne et externe de celles-ci.
Les enjeux environnementaux et économiques remettent en cause la durabilité des structures
actuellement établies selon une organisation de la production et du travail linéaire et verticale,
répondant à des retours sur investissements rapides et à une mauvaise répartition des ressources,
quel quelles soient.
Nous avons démontré que l’économie circulaire pouvait permettre aux entreprises de la filière de
répondre aux problèmes de durabilité auxquels elles se confrontaient.
L’économie circulaire semble être un système économique à part entière, un tout composé d’un
ensemble d’actions qui mises bout à bout permettent de supprimer le déchet ultime et d’établir une
boucle vertueuse. Pour être circulaires, les meilleurs intentions du mondes nécessitent d’opérer
ensemble de manière systémique. Pour exemple, un approvisionnement durable ne pourra former
une boucle que si il est accompagné d’une valorisation de déchets en amont et ne sera bénéfique
économiquement que si nous appliquons son coût global.
L’économie circulaire est une solution de rupture, qui exige donc des changements profonds des
modes de fonctionnement des entreprises.
Si les entreprises veulent transformer les menaces évoquées en opportunités et assurer la croissance
durable de leur structure, il y a deux points majeurs qui leurs permettraient de gagner d’avantage en
durabilité.
- Faciliter la coopération entre les parties prenantes, internes et externes à l’entreprise
- Appuyer sa stratégie de croissance sur une approche globale et systémique
Par ces deux priorités, il est sous entendu que les entreprises de la filière pourront faire face aux
contraintes actuelles de leur secteur de manière adaptée et préventive, pour ainsi assurer la sécurité
de leurs revenus actuels et à venir, tout en garantissant un développement regénératif de
l’environnement.
Les mesures et objectifs associés à ces deux priorités pourront paraître similaires voire répétitifs,
néanmoins il est important de noter qu’ils ne renvoient pas à la même chose, bien qu’étroitement
liés.
"72
I. FAVORISER LA COOPÉRATION
La coopération repose sur quelques piliers essentiels qui supposent d’appuyer le modèle
d’économie circulaire sur un réseau d’entreprises et d’acteurs interconnectés, formant une
infrastructure soudée, en opposition à une masse d’acteurs isolés comme dans le secteur du
bâtiment où il y a un faible pouvoir de négociation des entreprises et une hiérarchisation des
processus.
Laurie Espinosa pointe du doigt que « dans la filière, on est très segmentés. Un chargé d’opération
va suivre l’opération jusqu’à l’année de parfait achèvement et après le bâtit passe en agence pour le
relai exploitation et de maintenance. » Alors que Fabrice Bonnifet montre les limites de cette
segmentation en affirmant que « l’approche séquentielle avec des entreprises qui cohabitent, et qui
mettent leurs technologies les unes à côté des autres mais sans interaction les unes avec les autres,
ça n’a plus de sens. ».
La collaboration est une nécessité pour la création de boucles vertueuses, mais également pour le
maintien de leur performance dans le temps.
Dans la filière bâtiment, nous avons vu que les différents acteurs étaient divisés de part et d’autres
de la chaine de valeur et du cycle de vie. Pour d’avantage de coopération, il s’agit donc de prendre
en compte l’ensemble des parties prenantes du projet - qui selon Laurie Espinosa correspondent aux
acteurs qui constituent l’ensemble de la chaîne de valeur, du maître d’ouvrage au consommateur - et
de faciliter l’échange entre ces différents acteurs pour les impliquer dans le projet, par des objectifs
communs et des bénéfices partagés et ainsi passer d’une relation client-fournisseur à une relation de
partenariat. Bien qu’il soit évidemment admis que la concurrence peut forcer à l’innovation et à la
performance de l’entreprise, un fonctionnement en boucles avec une optimisation des ressources,
est d’avantage compatible avec des partenariats au sein d’une même chaîne de valeur ou d’une
même structure. Nous avons vu, par exemple, l’exemple du partenariat entre Lafarge Plâtre et
Veolia dans leur projet de boucle fermée du recyclage du plâtre.
A. Pourquoi ? De quelle manière la coopération peut servir aux entreprises de la filière ?
Le premier point, et le plus facile à identifier, est que l’économie circulaire suppose une capacité
d’innovation organisationnelle entre les acteurs. En effet, l’écologie industrielle est, par exemple, un
projet territorial qui ne peut pas être envisagé par des acteurs isolés. Un projet de cet ampleur doit
"73
être porté par toutes les parties prenantes à travers l’acceptation de nouvelles formes de
collaboration. De la même manière, un projet de récupération des matériaux de construction en fin
de vie ne peut exister sans l’implication des entreprises qui travaillent sur la fin de vie.
Le deuxième point concerne la répartition des bénéfices, car comme le précise l’AFEP « une
meilleure coopération entre acteurs peut permettre de lever la difficulté du partage inéquitable des
bénéfices entre eux », notamment en matière de « split incentives » qui supposent le partage du
financement des travaux d’économie d’énergie entre le bailleur propriétaire et le locataire.
Dans les cas pratiques du Chapitre II, nous avons démontré que les bénéfices des démarches
d'économie circulaire profitent non seulement au projet en question, mais également aux acteurs qui
y prennent part. Pour des bénéfices finaux partagés, il faut donc penser à l’ensemble des acteurs à
mobiliser.
Le troisième point est qu’une meilleure coopération entre acteurs peut permettre de favoriser
l’innovation et l’amélioration de l’existant. En effet, en partageant les aptitudes, connaissances et
savoirs développés par chacun des membres de l’entreprise ou du projet, des savoirs « cachés »
émergent et de nouvelles idées voient le jour. La mise en commun de ces informations, permet à
chacun de mieux comprendre l’interdépendance des flux et leurs impacts ainsi que les notions clés
associées. Les acteurs sont d’avantage sensibilisés et travaillent sur une base commune d’objectifs
et d’ « existant ». Par ce processus, les personnes associant l’économie circulaire au simple
recyclage découvriraient de nombreux autres aspects utiles à la transition et à l’innovation. Il en est
de même pour la montée en compétence, pour laquelle la question du transfère de savoir-faire et du
partage de compétences est essentielle. Dans une filière pour laquelle nous avons montré les limites
de la « culture du béton », un partage de compétences autour des métiers du bois pourrait permettre
aux personnes travaillant ce matériau de monter en compétences pour proposer de nouveaux
produits finis sans perdre en qualité ou en rentabilité.
B. Comment ? Quelles sont les mesures et outils envisageables pour favoriser la coopération ?
La coopération est aussi bien interne à l’entreprise (entre les différents départements) qu’externe
(entre les différents acteurs). De ce fait, nous présenterons des mesures associées à chaque niveau.
Pour faciliter la coopération, nous pouvons recommander de :
"74
INTERNE :
• Fixer des objectifs généraux communs entre chacun des départements en rapport avec le
chantier étudié, pour assurer une performance optimale dans les objectifs opérationnels fixés.
Dans notre analyse, nous avons pu distinguer la corrélation entre les enjeux environnementaux
et économiques, avec des leviers marketing et financiers, par exemple. Dans ce cas, suite à la
réception d’un cahier des charges, il peut s’agir de réunir ces deux départements pour qu’ils
agissent ensemble et trouvent une nouvelle manière de travailler pour mener à bien le projet de
manière efficiente.
• Briser les silos qu’il existe en interne sur la base d’une hiérarchie et d’une communication
essentiellement verticales, pour impliquer l’ensemble des personnes clés sur le projet, et leur
mettre tous les éléments de réussite à disposition.
Une méthode adaptée serait celle du design thinking, qui propose de stimuler la créativité et la
coopération pour penser global et agir en continu, avec les différents département impliqués sur
le sujet.
Pour briser les silos, il peut s’agir également d’organiser la communication de manière
horizontale.
• Impliquer le consommateur dans le processus pour une expérience client améliorée et un
alignement des dépenses en fonction des besoins. Une collaboration client-entreprise permet
également de sensibiliser sa cible et de lui faire accepter les changements éventuels.
Pour la filière, travailler « avec » le client et non par « pour » lui, est essentiel étant donnés les
impacts d’une économie circulaire sur les modes de vie et de consommation (plus de bâtiments
partagés, des pièces modulables, etc.). Impliquer le client dans le processus de production, va
permettre de l’éduquer et donc faciliter la vente d’un bâtiment en bois auto-suffisant en énergie
par exemple. Cela va améliorer son implication et son besoin de reconnaissance, ce qui
favorisera la relation client et la qualité du projet.
EXTERNE :
• Identifier et répertorier l’ensemble des parties prenantes du projet en fonction de leurs intérêts et
de leur « pouvoir », pour d’avantage les impliquer et développer de nouvelles synergies.
Il peut s’agir d’un état des lieux des partenaires - au sens intérêt et non contractuel.
"75
• Mutualiser les données, dont les informations opérationnelles en matière de consommation de
ressources et d’énergie, tout en garantissant leur stricte confidentialité.
• Adapter la contractualisation, qui doit être d’avantage orientée partenariat plutôt que donneur
d’ordre/preneur d’ordre. La création d’une joint-venture pourrait être une solution pour répondre
aux enjeux de mutualisation et de partage. Un bon exemple est celui d’« Ecocem », un ciment
qui produit un béton de qualité à faible empreinte carbone, créé en 2007 en joint-venture avec
ArcelorMittal.
Les recommandations détaillées ci-dessus s’adressent essentiellement aux entreprises privées, sur
lesquelles nous avons travaillées dans ce mémoire, néanmoins il est important de noter que dans
l’économie circulaire le rôle des citoyens et des pouvoirs publics à une place importante. En effet,
« la gouvernance » est considérée comme l’un des freins majeurs à la transition vers une économie
circulaire, selon les interviewés.
La coopération concerne donc l’ensemble des politiques publiques, nationales et internationales,
dont l’harmonisation et la cohérence ne feront qu’améliorer l’implication et la performance des
démarches publiques et privées entreprises.
"76
II. APPUYER SA STRATÉGIE DE CROISSANCE SUR UNE APPROCHE GLOBALE ET SYSTÉMIQUE
La deuxième recommandation consiste à adopter une approche systémique dans la mise en place
des projets de la filière bâtiment, pour assurer leur pertinence tout au long du cycle de vie de
l’édifice.
D’après la définition de Dominique Bériot , l’approche systémique vise à « répondre à une 17
demande en s’appuyant sur les composants fondamentaux du système afin d’élaborer et mettre en
oeuvre une stratégie destinée à mobiliser le ou les acteurs concernés dans un direction précisée avec
le demandeur. Elle nécessite la mise en place d’ajustements successifs pour réguler les résistances
spontanées ou organisées des acteurs et pour s’adapter aux pressions et/ou aux évolutions de son
environnement ». Alors même que notre analyse a prouvé que les changements de législations, de
modes de vie, mais également d’environnement avaient un impact sur la capacité des structures du
bâtiment à croître durablement, cette définition suppose que l’approche systémique permet aux
acteurs « de s’adapter aux pressions et/ou aux évolutions de leur environnement ». De plus, avec
cette démarche il s’agit d’aborder un sujet dans toute sa complexité en associant savoir et méthode
pour faciliter la compréhension de tous les facteurs constitutifs et mieux opérer la transition. Une
approche globale et systémique permettrait donc de prendre de la distance dans toute la complexité
de la situation actuelle de la filière, pour faciliter le changement d’une économie linéaire à une
économie circulaire.
A. Pourquoi ? Quelles sont les mesures et outils envisageables pour favoriser l’approche
systémique ?
Comme le disait Albert Einstein, « Si nous ne changeons pas notre façon de penser, nous ne
serons pas capables de résoudre les problèmes que nous créons avec nos modes actuels de pensée ».
Nous avons démontré dans notre analyse, que les entreprises du bâtiment s’inscrivaient
effectivement dans une logique linéaire qui se confrontait à des menaces de croissance durable.
Nous avons également démontré que l’économie circulaire pouvait permettre de transformer ces
menaces en opportunités, pour garantir les marchés actuels de développement et en pénétrer de
nouveaux, à des coûts réduits. Il semble donc évident que si les entreprises veulent résoudre les
problèmes actuels remettant en cause la durabilité de leur croissance et changer leur manière de
BERIOT, D., Manager par l’approche systémique, Eyrolles, 2006. 17
"77
faire, elles devront changer leur manière de penser. L’approche systémique est essentielle dans le
management et la conduite du changement.
De plus, Stahel un architecte Suisse, a montré que la plupart des solutions durables sont
intersectorielles et interdisciplinaires, compromises jusqu’alors par les structures «en silo» de
nombreuses entreprises. Sa théorie, est précisée par les résultats de notre analyse, qui ont montré
que la filière était « victime » de la fragmentation et hiérarchisation de son marché.
Nous en venons donc à penser que l’approche systémique et globale est en effet à privilégier pour
une croissance durable.
Dans un premier temps, une approche systémique a une finalité analytique dans ce qu’elle peut
permettre de décrire, expliquer et comprendre les enjeux et principes de l’économie circulaire, un
concept complexe et instable, ce qui permettra de prévoir et intégrer d’avantage ses piliers à la
filière bâtiment.
Dans un second temps, l’approche systémique permettra de mieux comprendre l’existant et les
relations entre les ressources à disposition et la création de valeur, plus que les ressources elle-
mêmes, pour modifier les flux existants. L’économie circulaire n’est pas une fin en soi, elle permet
d’adapter son système aux contraintes existantes et de créer de nouvelles opportunités. La démarche
systémique permet de tendre vers un fonctionnement cyclique du système économique dans sa
globalité. Plus les entreprises adopteront une démarche systémique, plus le cycle sera global, plus
les bénéfices seront importants.
Enfin, l’approche systémique semble étroitement liée à la notion de coopération, particulièrement
en interne. Dans le cas où chacun des membres sur un même projet (le chantier A par exemple)
adopte une démarche systémique et globale, il aura plus de facilités à identifier les différentes
composantes et facteurs clés de succès, associés au projet. En privilégiant une approche systémique
dans les démarches et les stratégies pour le chantier A, le « responsable financier », par exemple,
comprendra d’avantage la corrélation entre ses objectifs opérationnels et ceux du « marketing »,
pour mieux atteindre les objectifs généraux. Cet argument, renvoie à la nécessité de la coopération
présentée en partie I.
"78
C. Comment ? Quelles sont les mesures et outils envisageables pour favoriser les démarches
systémiques ?
Partant du constat que l’économie circulaire favorise la croissance durable des entreprises, nous
ajouterons que la démarche systémique favorise la prise en compte des enjeux de l’économie
circulaire dans des objectifs de croissance durable.
Pour adopter une approche systémique et globale, nous pouvons recommander de :
• Sensibiliser ses équipes aux opportunités de l’économie circulaire, d’avantage par la pratique
que par la théorie, par des team building ou des ateliers créations, qui réuniraient aussi bien les
fonctions opérationnelles que fonctionnelles, de l’entreprise. Ainsi, en comprenant les enjeux
liés à l’économie circulaire tout en les associant directement à des cas concrets de la filière, les
équipes associeront de manière plus naturelle des démarches de réduction des impacts
environnementaux aux objectifs de développement économique.
• Initier un travail prospectif, d’exploration et d’observation en interne, qui permettrait de
comprendre le fonctionnement de l’entreprise dans sa complexité. Ce travail passe par des
rencontres et des enquêtes effectuées en interne (bureaux) de la structure, mais également sur le
terrain (chantiers ou édifices construits), avec l’ensemble des équipes. Ainsi, les fonctions
opérationnelles et supports pourraient toutes avoir un regard global sur les sources des impacts
environnementaux actuels, et une vision directe sur la faisabilité des projets.
Ce même travail est à initier en externe par la veille sectorielle, pour intégrer la complexité et
particularité du secteur et du territoire, mais également les opportunités qui y sont présentes
(subventions, modes de vie, technologie).
• Cartographier et synthétiser cet existant, à travers des supports adaptés, et inclure à ce travail
l’ensemble des éléments repérés permettant de lier l’entreprise à son éco-système.
Ce travail de matérialisation, permet de mettre à disposition de toutes les équipes une base
commune sur laquelle axée leurs objectifs et d’identifier de manière simple et rapide les
opportunités à saisir.
Ces supports sont à développés en équipe et peuvent également être mis à disposition de
l’ensemble des membres de l’entreprise, et mis à jour de façon régulière (bi-annuelle) pour
suivre les changements fréquents dans les législations et les savoirs-faire .
"79
• Privilégier l’approche en coût global, qui consiste à additionner l’ensemble des coûts du cycle
de vie du produit; des coûts d’investissements aux coûts de fin de vie. En effet, ce coût global a
été repris à plusieurs titres dans l’analyse. Nous avons démontré que chaque niveau du cycle se
confrontait à des impacts environnementaux propres, mais également aux impacts intrinsèques
de l’édifice. Les entreprises voulant réduire leur impact environnemental pour bénéficier d’une
croissance durable, devront donc penser en coût global, c’est à dire aux coûts liés à l’ensemble
du cycle de vie. Si nous prenons l’exemple des acteurs en amont de la chaîne, étant donné que
les investisseurs, c’est à dire leurs clients, s’intéressent de plus en plus au coût de l’entretien du
bâtiment, penser « coût » global leur permettrait d’envisager une gestion optimale des
ressources lors de l’entretien et, ainsi, mieux vendre à leurs clients.
"80
CONCLUSION GÉNÉRALE : Ce travail de recherche nous a permis de comprendre que les acteurs de la filière bâtiment sont
directement concernés par des enjeux de durabilité, se confrontant à des menaces aussi bien légales
que sociales remettant en cause leur survie sur un marché très concurrentiel et hiérarchisé.
Aujourd’hui le secteur est encore essentiellement dépendant de l’exploitation des ressources
naturelles proposant à la vente des bâtiments neufs en béton, construits, entretenus et démolis par
des acteurs se répartissant le cycle de vie de manière indépendante et ponctuelle. Les impacts
environnementaux de leurs modes de production et de développement ont des répercussions directes
sur leur capacité à faire face à la demande future des segments sur lesquels ils sont actuellement
présents et sur leurs coûts de développement. En effet, en consommant un nombre important de
ressources tout au long du cycle de vie du bâtiment, mais également à chaque niveau d’acteurs
(construction/usage&entretien/fin de vie) sans qu’il existe de solutions de valorisation des déchets,
les entreprises participent directement à la disparition des ressources comme le sable ou le cuivre
qui sont à la base de leur développement.
L’économie circulaire est une solution à ces enjeux de pertes environnementales et économiques car
des projets basés sur l’approvisionnement durable ou l’éco-conception permettent de sécuriser les
approvisionnements ou encore d’optimiser les ressources pour garantir les marchés actuels à
moindres coûts. Par ailleurs, nous avons pu constater que l’économie circulaire était bien plus
qu’une solution de nécessité pour la pérennité des structures et celle de leur environnement, mais
qu’elle était bien porteuse de nouveaux leviers de croissance, de nouvelles opportunités. Ces
opportunités, telles que la diversification ou l’optimisation, aidées par des leviers technologiques et
un besoin grandissant en édifices, peuvent permettre aux entreprises d’accéder à de nouveaux
marchés et de développer des avantages concurrentiels décisifs.
L’économie circulaire peut-être la solution pour la durabilité de la croissance des entreprises
car elle leur permet de développer une activité résiliente dans un environnement en perpétuel
changement.
Ce travail a servi à démontrer qu’il est possible et conseillé d’arrêter de faire « contre »
l’environnement mais bien « avec » lui.
En outre, l’application des piliers de l’économie circulaire aux différentes étapes du cycle de vie du
bâtiment, nous a permis de constater que l’économie ne devient circulaire que sur le long terme
avec un tissu d’acteurs unis. Les démarches présentées appartiennent toutes au champ d’action de
"81
l’économie circulaire, mais le résultat ponctuel ne se présente pas nécessairement sous forme de
boucle.
C’est pour ces raisons qu’il semble justifié de recommander aux entreprises de favoriser la
coopération, ainsi que d’adopter une démarche systémique dans leurs processus de décisions. Ces
deux points permettent d’atteindre un idéal de croissance durable. C’est ce que propose l’économie
circulaire.
"82
LIMITES DE NOTRE ÉTUDE ET FUTURES VOIES DE RECHERCHE : Ce mémoire présente un certain nombre de limites.
La première réside dans le fait que l’économie circulaire soit un concept non expressément défini,
où les approches sont parfois différentes bien que complémentaires. Nous avons basé notre
recherche de solutions sur les sept piliers de l’économie circulaire tels que définis par l’ADEME
mais nous pouvons conclure que l’économie circulaire va bien au delà de ces axes d’orientation et
qu’elle propose un large choix d’actions. Notre étude a essentiellement servi à mettre en lumière les
bénéfices économiques et environnementaux d’un changement de paradigme, pour les entreprises.
Au vue de cette cohabitation entres les aspects économiques et environnementaux, qui induit
d’avantage de prendre soin de la planète que de créer des boucles vertueuses, nous proposons donc
d’orienter nos prochaines recherches sur la distinction entre les solutions proposées par l’éconologie
- un néologisme issu de la contraction des termes écologie et économie qui désigne un ensemble
d’activités à la fois rentables économiquement et soucieuses de l’environnement - et celles de
l’économie circulaire.
Par ailleurs, si nous allons plus loin que les bénéfices économiques et écologiques, nous pouvons
supposer que les enjeux sociaux sont également à prendre en compte dans les impacts d’une économie
linéaire sur « l’environnement externe » de l’entreprise. Une autre limite réside donc dans le fait que
pour ce travail nous avons concentré nos recherches sur les aspects environnementaux et
économiques, alors que l’économie circulaire pourrait répondre à des fins de bénéfices pour la société,
au même titre que pour l’environnement. En effet, l’économie circulaire propose la création de
boucles vertueuses effectives grâce à une coopération intensifiée entre les acteurs en présence. Il
serait donc intéressant de mesurer l’impact sociétal des initiatives d’économie circulaire des
entreprises de la filière bâtiment. En d’autres termes, on pourrait s’intéresser aux bénéfices de ces
initiatives particulières sur la répartition des richesses et de la qualité de vie en général. Par ailleurs, il
serait possible de mesurer l’impact de ces mêmes initiatives sur la création d’emploi et sur le niveau
de vie des citoyens. Cela nous mène à nous demander en quoi une économie circulaire, à la base du
développement des entreprises de la filière bâtiment, peut bénéficier à la société en générale ?
"83
BIBLIOGRAPHIE : • OUVRAGES
BUTTIN, Nicolas et SAFFRÉ, Brieuc, Activer l’économie circulaire. Eyrolles, 2015, 259 pages.
BEITONE, Alain, Economie, sociologie et histoire du monde contemporain. Armand Colin, 2013, 704 pages.
CHAMPAUD, Claude, L’entreprise dans la société du 21e siècle. Larcier, 2013, 251 pages.
ELLEN MAC ARTHUR FOUNDATION, A new Dynamic 2 effective systems in a circular economy. United Kingdom : Ellen Mac Arthur Foundation, 2016, 210 pages.
GAFFARD, Jean-Luc, La croissance économique. Armand Colin, 2011, 192 pages.
JEANTET, Thierry, Des croissances. Paris : Editions François Bourin, 2014, 78 pages.
LEMOIGNE, Rémy, L’économie circulaire, comment la mettre en place dans l’entreprise grâce à la reverse supply chain ?. Paris : Dunod, 2007, 224 pages.
MANTOUSSÉ, Marc, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, 3ème édition. Bréal, 2010, 640 pages.
MC DONOUGH, William et BRAUNGART, Michael, The Upcycle, Beyond sustainability designing for abundance. New York : FIRST Edition, 2013, 224 pages.
• RAPPORTS ET ÉTUDES
Rapport Meadows pour le Club de Rome, The Limits to growth, 1972, anglais.
Rapport des entreprises de l’Afep, Les entreprises s’engagent pour l’économie circulaire, 2015, français.
ELLEN MAC ARTHUR FOUNDATION, Towards the circular economy, Tome 1 et 2. United Kingdom : 2013, anglais.
Etude Xerfi 6BAT08, Le gros oeuvre en bâtiment, 249 pages, Juin. 2016, français.
• ARTICLES DE REVUE, DE SITE OU DE PÉRIODIQUE
AMARILLO, Hubert, « Le secteur du bâtiment durable : vers de nouveaux rapports entre acteurs de l’acte de construire ? », Revue de l’IRES n°79, 2013, pages 85 à 109
SAIAS, Maurice et GREFFEUILLE, Jean, « La création de valeur en stratégie », Revue française de gestion, n°196, page 113 à 130.
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« Les origines de la croissance économique moderne : éducation et démographie en Angleterre (1650-1750) », Histoire économie et société, tome 2, 2005, page 195.
LEMOIGNE, Rémi, « Économie circulaire : le BTP doit faire sa révolution » [En ligne], 2014, note de veille, 4 pages, sur : www.economiecirculaire.org/library/h/economie-circulaire--le-btp-doit-faire-sa-revolution.html
HÖR, Lisa, « En 2015 des bâtiments recyclages à l’infini », 30/04/2016, sur : www.18h39.fr/articles/en-2050-des-batiments-recyclables-a-l-infini.html
RIFKIN, Jérémy, « ce qui a permis le succès inouï du capitalisme va se retourner contre lui » [En ligne]. Telerama, 6/07/2016, sur : www.telerama.fr/idees/jeremy-rifkin-ce-qui-a-permis-le-succes-inoui-du-capitalisme-va-se-retourner-contre-lui,117006.php
RIFKIN, Jérémy, « Le capitalisme va devoir vivre avec l'économie collaborative », [En ligne]. Challenges, 20/07/2015, sur : www.challenges.fr/economie/conjoncture/20150629.CHA7377/jeremy-rifkin-le-capitalisme-va-devoir-vivre-avec-l-economie-collaborative.html
ROBIN, Yves, « L'impact des cycles économiques sur l’activité, le cycle de la construction » [En ligne], 10/07/2016, sur : www.constructif.fr
TEURLAI, Jean-Christophe, « Comment modéliser les déterminants de la survie et de la croissance des jeunes entreprises ? » [En ligne], 10/07/2016, sur : www.credoc.fr/pdf/Rech/C197.pdf
VALETTE, Jean-Jacques, « Deux Français inventent la maison zéro énergie, recyclable et montable en 15 jours », [En ligne], 19/05/2016, sur : www.wedemain.fr/Deux-Francais-inventent-la-maison-zero-energie-recyclable-et-montable-en-15-jours_a1858.html
Agence France Entrepreneur, « L’économie circulaire, modèle économique d’avenir », sur : www.afecreation.fr/cid142485/l-economie-circulaire-modele-economique-avenir.html?cid=142485
Eti construction, « La ville s’imagine désormais recyclable », [En ligne], 01/06/2016, sur : www.eti-construction.fr/ville-recyclable/
J&M Construction, « Building and construction, conseil dans l’industrie des matériaux de construction », [En ligne], 03/07/2016, sur : www.jnm.com/fr/building-construction
Bâtimétiers La revue des bâtisseurs, n°43, « Le bâtiment à l’heure de l’économie circulaire », 06/2016
• COLLOQUES, INTERVIEWS ET CONFÉRENCES
Conférence HEC Grande Conso, « Comment l’économie circulaire ouvre de nouvelles opportunités pour les marques ? », 18 mai 2016, Paris.
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DELANNOY, Emmanuel, « Un coléoptère explique l'économie circulaire aux humains » [En ligne], TEDxLaDéfense, sur : https://www.youtube.com/watch?v=vUCI-fGCuk4
GROSSE, François, « Introduction à l’économie circulaire » [En ligne], Canal UVED, sur : https://www.canal-u.tv
• SITES INTERNET
PLATEFORME CONCEPTION DE BATIMENT ZERO DECHET - BAZED, <http://bazed.com/>
PORTAIL DU MINISTERE DU DEVELOPPEMENT DURABLE, <http://www.developpement-durable.gouv.fr>
SITE DE L’INSTITUT DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE, <http://www.institut-economie-circulaire.fr>
SITE DU RÉSEAU DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : <http://www.economiecirculaire.org>
SITE DE LA FONDATION ELLEN MAC ARTHUR, <https://www.ellenmacarthurfoundation.org>
SITE DE L’ADEME (AGENCE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L’ÉNERGIE), <http://www.ademe.fr>
SITE DU POLE ECO-CONCEPTION, <http://www.eco-conception.fr>
SITE DE LA FEDERATION FRANÇAISE DU BATIMENT, <http://ffbatiment.fr>
SITE DE BOUYGUES CONSTRUCTION, <http://bouygues-construction.com>
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ANNEXE 1
AGENDA DES ENTRETIENS (restitution anonyme des entretiens disponible sur demande)
L’ensemble des entretiens a durée entre 30mn et 1h.
BOZEC-CLAVERIE, Pierre-Marie Fondateur MATIERE SOCIALE Dépose sélective de matériaux de second oeuvre et vente de matériaux de réemploi Entretien Skype effectué le 8/06/16
LE GORBELEC, Gaëtan Menuisier GIFFARD Entreprise de menuiserie et d’agencement Entretien face-à-face effectué le 30/06/16
ESPINOSA, Laurie Responsable développement durable ICF HABITAT Bailleur social Entretien téléphonique effectué le 7/06/16
BERTRAND, Audrey Ingénieur économie circulaire YPREMA Entreprise de transformation de matériaux de déconstruction 01 49 62 01 23 Entretien téléphonique effectué le 11/07/16
GELDRON, Alain Expert national Matière Première ADEME, direction économie circulaire et déchets (DECD) Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie Entretien téléphonique effectué le 12/07/16
NAREWSKI, Rebecca Consultante en économie circulaire FINDING Entretien effectué le 13 juillet 2016
BONNIFET, Fabrice Directeur développement durable et QSE BOUYGUES SA Groupe industriel diversifié avec un pôle construction et un pôle télécom-médias. Entretien téléphonique effectué le 19/07/16
BARON, Jean-PierreDirecteur performance opérationnelleBATEG, Groupe Vinci Construction FranceEntretien Skype effectué le 19/07/16
MAROIS, François Secrétaire général EQIOM (anciennement Holcim) Entreprise de cimenterie et matériaux de construction Entretien téléphonique effectué le 27/07/16
LAMBERT, François-Michel Président de l’Institut de l’économie circulaire Député des Bouches-du-Rhône Entretien téléphonique effectué le 01/08/16
De nombreux échanges, dans un cadre informel, avec des acteurs de la filière ont également enrichi ma recherche. Je pense entre autres à : Odile du Fou (Architecte), Nicolas Buttin et Brieuc Saffré (co-fondateurs de Wiithaa), Marion Bailly (consultante RSE et économique circulaire), Ivan Grenetier (Ingénieur) et de nombreux amis et parents.
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ANNEXE 2
EXEMPLE DE GUIDE D’ENTRETIEN
QUESTIONS PRÉALABLES À L’ENTRETIEN TÉLÉPHONIQUE OU SKYPE :
Afin de préparer au mieux cet entretien et le travail de retranscription et d’analyse, pourriez-vous svp renseigner les champs suivant : - Nom : ____________________________________________________ - Prénom : ____________________________________________ - Société : ____________________________________________ - Fonction : ____________________________________________ ____________________________________________________________________ - Indiquez les 3 mots clefs - par ordre d’importance - qui selon vous réfèrent le plus à la croissance d’une entreprise : (rentabilité, innovation, durabilité, longévité, actions, création de valeur, etc.) ____________________________________________________________________ - Avez-vous déjà entendu parler de la notion d’économie circulaire ? ____________________________________________________________________ - Si oui, comment l’économie circulaire pourrait avoir un impact positif sur votre entreprise/
secteur ? (mots clefs ou expressions) ____________________________________________________________________
QUESTIONS DE L’ENTRETIEN TÉLÉPHONIQUE OU SKYPE :
Pourriez-vous décrire votre structure ? Pourriez-vous décrire la mission de votre structure ? Comment votre entreprise se positionne-t-elle dans le secteur du bâtiment ?
Création de valeur et croissance des entreprises : - Vers quelles stratégies de croissance votre entreprise base-t-elle ses modèles économiques
actuellement ? - Quels sont les chiffres clefs de développement à long terme / à court terme ? - Quels sont selon vous les leviers majeurs de croissance actuellement ? - Quel est le rapport croissance/ressources ?
Limites : - Pensez-vous que dans ce secteur il y est des limites de durabilité dans la construction, l’usage et
l’entretien et la démolition ? - Avez-vous identifiez des limites particulière à la durabilité du modèle économique actuelle de
votre structure ? Lesquelles ? "88
- La durabilité du bâtiment a-t’elle un impact sur la durabilité de l’entreprise ? - Pensez-vous que la raréfaction des ressources et la production accrue de déchets puissent-avoir
un impact sur la pérennité de votre structure ? De votre secteur ? De quelle manière ? - Voyez-vous l’environnement comme une contrainte ou une opportunité ? - Et pour votre structure ?
Pouvez-vous décrire votre mission au sein de votre structure ?
Economie circulaire : - Connaissez-vous l’économie circulaire ? - Qu’est ce que pour vous l’économie circulaire ? - De quel manière cette définition serait transposable au secteur du bâtiment ? - Pensez-vous que construire un bâtiment durable puisse être rentable pour l’entreprise sur le court
terme ? Sur le long terme ? - Quelles sont, selon-vous, les contraintes internes qui empêchent de passer d’une économie
linéaire à une économie circulaire ? - Comment y répondre ? - De quelle manière l’économie circulaire pourrait permettre de faire face aux limites évoquées
précédemment ?
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