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mardi 6 novembre 20182PAGE

ACTEURS

Le changement climatique esten marche. Même ceux pourqui la nature est avant tout unecoulisse pour exploits sportifsou qui ont oublié que sans ellenous ne sommes rien, font l’ex-périence angoissante de lafonte des glaciers, de la montéedes mers et des températures.Nul ne sait si la machine infer-nale peut encore être enrayée,tant la rémancence dans l’at-mosphère de certains gaz à ef-fet de serre est longue. Et nousrisquons d’être fort surpris parla rapidité et la gravité desconséquences.

Depuis 40 ans (Conférence de To-ronto 1978) ces enjeux sont sur latable. Entrée en vigueur en 1994,la Convention sur le changementclimatique décrit l’objectif: «stabi-liser les concentrations de gaz à ef-fet de serre dans l’atmosphère à unniveau qui empêche toute pertur-

bation anthropique dangereuse dusystème climatique». Parmi lesgrands émetteurs de ces gaz: l’uti-lisation d’énergies fossiles (gaz car-bonique) et l’élevage industriel(méthane).

Introduire une taxeRappelons quelques actions aussiconcrètes qu’incontournables:contingenter l’aviation; chauffermoins (chaque °C nécessite 7%d’énergie en plus et 50% de nos bâ-timents sont encore chauffés aumazout); isoler mieux et générali-ser les maisons positives; réduirefortement le trafic routier au profitdu transport public (5 fois plus ef-ficace énergétiquement); relocali-ser l’économie pour minimiserl’énergie due aux déplacements;favoriser la réparabilité, la répara-tion et l’entretien; passer de l’agri-culture industrielle à l’agro-écolo-gie et réduire la part de la viande;prendre soin de la végétation et des

forêts, grands utilisateurs de gazcarbonique.Pour tout cela, les techniques sontdisponibles et s’améliorentconstamment; les modèles d’af-faires aussi. Mais le «monde nou-veau» est loin d’avoir gagné la par-tie, l’«ancien monde», toxique,suicidaire, s’accroche et nous gardeen otages. Car les mécanismes éco-nomiques sont faussés. Seule une taxe qui fait mal sur leCO2 garantira que rentabilité fi-nancière et rentabilité environne-mentale aillent de pair. Taxe quiservira à intégrer aux prix des éner-gies fossiles les coûts de leurs dom-mages, et visant à la fois à désinciterleur usage et à aider à financer latransition. Reste à savoir si lerythme de celle-ci parviendra àêtre plus rapide que celui de la des-tabilisation climatique. De petitssacrifices, bien réels, de nos habi-tudes prises, de notre consumé-risme, de notre vision du confort,pour éviter un sacrifice bien plusgrand - celui de nos moyens de vi-vre ensemble sur cette Terre! Leprincipe de l’assurance, en quelquesorte.n

Climat: de petits sacrificespour en éviter de bien plus grandsRENÉ LONGET

Expert en développement durable

Le dollar fait partie intégrantede la politique étrangère amé-ricaine depuis des décennies.Bien plus que monnaie de ré-férence du commerce mon-dial, dépassant largement lestatut de devise de réserve pri-vilégiée des banques centrales,le billet vert est l’arbitre su-prême. D’un simple bouton,les Etats-Unis peuvent en re-fuser l’accès à tout pays, à touteentreprise et à tout établisse-ment financier, quelle qu’ensoit leur taille. A côté, et tandisque les réserves globales sontà plus de 60% libellées en dol-lars, l’euro - avec ses 18% - faitfigure de nain. Non contentd’être l’astre qui brille au fir-mament du marché deschanges - le plus volumineuxau monde - car les transactionsen dollars sont 3 fois plus im-portantes que celles sur l’euro,la monnaie américaine mèneégalement la danse sur lesmarchés obligataires interna-tionaux car, hormis l’Europe,le monde entier emprunte endollars.

Dans un tel contexte, il va de soique l’Union européenne se re-trouve très largement fragilisée parla guerre commerciale menée parles Etats-Unis, en fait principale-ment à cause de ses excédents. Sabalance des paiements excéden-taire massive qui se monte à 3.5%du PIB. de l’ensemble de l’Union- conséquence des politiques d’aus-térité et des critères insensés deMaastricht - la rendent dépendantedu reste du monde pour son finan-

cement. De ce point de vue, le pro-tectionnisme américain cibled’abord l’Europe qui se retrouvedans une posture de grande vulné-rabilité pour avoir mené sous lahoulette allemande une politiqueultra-orthodoxe, alors qu’il eut ététellement plus sain d’entretenir un(faible) déficit vis-à-vis de l’exté-rieur. Car la résilience européenne,comme la capacité de l’Union àsurmonter l’inévitable prochainecrise, ne sera assurée que par la mu-tualisation des dettes…pour le mo-ment rejetée avec horreur par lesélites politiques et économiques al-lemandes et accessoirement hol-landaises.

Péché originelVoilà précisément pourquoi lesgouvernants allemands del’époque de la constitution de lamonnaie unique, soutenus par laBundesbank, refusèrent dès le dé-but de conférer à l’euro une forteposition sur le plan international,craignant d’en perdre le contrôle,et craignant qu’un euro ainsiconsacré au même titre que le dol-lar ne mette en péril la sacro-saintelutte contre le péril inflationniste,véritable obsession allemande. Cepéché originel rend aujourd’hui latâche quasi impossible aux diri-geants de l’Union dans cetteconfrontation qui commence avecDonald Trump. Quelles que soientles mesures et les réponses euro-péennes, elles seront en effet neu-tralisées par un euro qu’il est struc-turellement impossible d’utilisercomme arme à l’instar du dollar.Voilà aussi pourquoi toute tenta-tive européenne de contrer l’extra-

territorialité américaine est vouéeà l’échec: car les entreprises del’Union et celles (très rares) affi-chant des velléités de traiter en eu-ros - et qui seront bannies du mar-ché du dollar - ne seront passoutenues par un marché de l’euroà l’état embryonnaire. Quant à une éventuelle récipro-cité, à savoir une extraterritorialitéqui serait imposée par l’Union eu-ropéenne, elle fait pour le momentbien rire les Américains car elle n’anullement les moyens de l’appli-quer, comme elle ne dispose pasdes instruments financiers à met-tre au service du commerce inter-national afin de court-circuiter lebillet vert. Mais pourquoi s’enémouvoir? Ces faits, comme cettefragilisation de la monnaie uniqueeuropéenne, sont la résultante d’unchoix délibéré des pères fondateursnéolibéraux de l’UnionL’Europe a effectivement pourseule ambition de servir de plate-forme pour le commerce et pourles échanges. Et ses dirigeants n’ontaucune prétention géopolitique.L’euro est donc condamné à resterune monnaie précaire.n

Un euro précairedans une Europe sans ambitionMICHEL SANTI

www.gestionsuisse.com - www.artradingfinance.com

En économie politique, fautede parler clair sans assommerle péquin, on parle en «ratios»,on démontre en «pour cents».Pour émouvoir ou affoler. Ilen va ainsi, par exemple, duratio de l’endettement d’unEtat calculé sur sa dette ( ja-mais complète) par rapport àson produit intérieur brut(PIB). Cet instrument n’est si-gnificatif que pour le tiersmonde!

Dans les économies avancées, larichesse d’un Etat se mesure surses échanges qui eux… ne sontpas intérieurs (le PNB). La for-mule PIB fut inventée il y atrente-cinq ans, par Laurent Fa-bius. A présent, elle est banale etje crains que personne ne puissela nuancer. C’était un outil decommunication politique inté-

rieure française, exporté par pa-resse à l’ensemble de la commu-nauté internationale. Economi-quement, dette/PIB, cela nesignifie rien. Longue introduc-tion pour en arriver à notre af-faire. La somme de la dette hypo-thécaire privée des Suisses (750milliards) dépasse de 8% le PIBdu pays (690 milliards en 2018probablement) et correspond àune dette par habitant (bébéscompris) de 94.000 francs. C’estimpressionnant, étonnant, inso-lite. Mais pas forcément affolant.Voilà pourquoi, en quelqueslignes, nous parlerons de tous cesmilliards qui font des Suisses lesplus riches du monde, il paraît. Les 750 milliards évoqués plushaut (en fait 743 milliards) ontd’abord une vertu. Imaginonsune marge de crédit, cette foulede chiffres (près de 100 fois le

budget du canton de Genève) gé-nère environ 5 milliards et demide revenus à ceux qui prêtent et,indirectement, un milliard etdemi d’impôts sur ces seuls pro-fits. Il y a déjàlà une vertusur le vice de ladette. L’Etat enprofite. Dansnotre droit ac-tuel, lesSuisses sous-traient lemême mon-tant puisqu’ilspeuvent dé-duire le coût de leur dette. Pertefiscale pour l’Etat d’au moins unmilliard, compensée par l’impôtsur les créanciers. Le calcul estbon. Revenant à ce montant astrono-mique de 750 milliards, cela si-

gnifie que, si les créanciers fontbien leur travail (par hypothèsetout à fait théorique), la valeur del’immobilier gagé des ménagesfrôle 1000 milliards. Là, c’est

presque deuxfois le PIB.Par hypo-thèse tou-jours, il sepeut que 25%des proprié-taires suissesnon endettésdétiennentpar ricochetprès de 500

milliards de valeurs immobilièressupplémentaires. Un raccourci forcément fauxnous indiquerait que la fortunecumulée des Suisses vertueux etdes cigales endettées – en laissantde côté la fortune des collectivités

publiques (villes, can-tons, Confédérationpar la poste, l’armée lestrains et…cetera) –gonfle probablement lafortune immobilièrebrute des Suisses auxalentours de 2000 mil-liards, 2epilier compris.Presque trois fois notrePIB … et trois centsfois le résultat deNestlé! On pourrait ànous seuls effacer ladette des Français ouacheter un pays. En résumé, c’est quoila fortune de la Suisse?Ses paysages, son eau claire, la for-mule chimique du vacherin?Non. C’est l’immobilier. Uneéconomie essoufflée dans sesfrontières ne peut-elle compterque sur ses pierres? Nous revien-

drons sur les réformes fiscales encours et les conséquences nonneutres qu’elles supposent. En-tre-temps, ne nous affolons sur-tout pas, le cours du vacherinsemble relativement stable.n

Le grain de sable immobilier:750 milliards de dettes, et alors? LORENZO PEDRAZZINI Conseil d’investissement immobilier

C’EST QUOI LA FORTUNE

DE LA SUISSE?

SES PAYSAGES,

SON EAU CLAIRE,

LA FORMULE CHIMIQUE

DU VACHERIN?

NON. C’EST L’IMMOBILIER.

KEYSTO

NE

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