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Page 1: Preuves & Pratiques

Gastro-entérologiePar le Professeur François MION, Lyon

UrologiePar les Docteurs Delphine AMSELLEM-OUAZANA et Sophie CONQUY, PARIS

PREUVES PRATIQUES

N° 24 - SEPTEMBRE 2005

C E Q U I V A M O D I F I E R V O T R E P R A T I Q U E

Revue de médecine générale fondée sur les preuves

Gastro-entérologieQue faire en cas de découverte d’une

hyperferritinémie ? Page 4

Données récentes sur la maladie coeliaque Page 6

Prise en charge des constipations de l’adulte. Page 9

Urologie Andropause : mythe ou réalité ? Page 14

Impériosités mictionnelles chez la femme... Page 17

Prise en charge actuelle du cancer de la prostateau stade métastatique Page 18

Membres des comitésM. ARNOULD, StrasbourgS. BEN DAVID, ParisS. BENICHOU, Beaulieu sur MerM. BISMUTH, Labarthe sur LezeE. BOTBOL, StrasbourgJ.-J. BRABANT, RoubaixC. BRONNER, StrasbourgJ. CATON, LyonC. CAZARD, LhermC. CHARANI, RoubaixJ.-N. CHARPY, LyonE. CHARRE, Le CannetJ. CLAVERO, ParisJ.-P. CORBINAU, LilleP. DESPREZ, CaenJ.-M. DEVIENNE, LilleT. DUBON, BordeauxG. DUROUX, La Teste de BuchJ.-J. DUVAL, BeaujeuG. ERRIEAU, ParisD. FAREAU, MarseilleJ.-L. FEDERICI, MarseilleS. FERRACI, LesparreJ.-B. GASC, MarseilleF. GHISONI, Plan du VarG. GRANET, Ste Foy les LyonG. HASSID, ParisJ.-P. LARRUMBE, VelauxP. LAUWICK, RoubaixB. LEFRANCQ, LilleM. LEVEQUE, ThannA. LEVY, New-YorkP. LEVY, Vitry sur SeineA. LION, GambsheimB. LOUIS, VilleurbanneJ.-C. LUCAS, Portet sur GaronneG. LYON, ParisD. MAUFFROY, ParisM. MELTZ, LyonJ.-B. PERREIN, BordeauxX. PERRIN, PessacP. PEYTOUR, St Médard en JallesJ.-L. PHILIP, NiceP. PRAS, NiceG. RECORBET, MarseilleR. RIGOLI, VienneJ. ROSSANT LUMBROSO, NiceM. RUETSCH, DessenheimM. SABBAH, GrasseB. SIBOULET, NantesG. THUILIER, ParisG. VAN QUI, ToulouseJ.-Y. VOGEL, Husseren WesserlingD. WEIL, Hangenbieten

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Edito

Une volonté de poursuivre nos efforts

Voilà la fin des vacances d’été et le retour aux réalités.

Si ce numéro nous rappelle que les preuves n’existent pas toujours, loin s’en faut, et que lesavis d’experts restent déterminants cela ne nous empêche pas de poursuivre nos efforts pourvous fournir une information de qualité.

Les pratiques sans les preuves, c’est ce que nous retrouverons pour la prise en charge de laconstipation par exemple mais cela n’enlève rien à la rigueur du travail de nos experts et denotre comité scientifique de relecture.

Nous faisons en sorte que la concision voulue dans cette revue réponde bien à vos attenteset notamment à celle d’acquérir des connaissances solides en un minimum de temps.

Autre nouvelle de la rentrée : l’internationalisation des congrès Preuves & Pratiques se poursuit. Elle se pérennise en Europe centrale avec le soutien de nos ambassades et consulats,elle prend naissance en Europe occidentale mais aussi en Océanie.

Notre volonté d’aller à la rencontre d’autres régions françaises et d’établir des liens avec vosresponsables associatifs nous amène à proposer nos congrès Preuves & Pratiques dans14 villes en 2006. Comme toujours, le programme est établi par un comité scientifique natio-nal composé de médecins généralistes indépendants et les experts sont choisis par un comitérégional composé exclusivement de médecins généralistes. En 2006, pour notre 4ème annéeClermont-Ferrand et Rennes viendront rejoindre Bordeaux, Deauville, Lille, Lyon, Marseille,Montpellier, Nantes, Nancy, Nice, Paris, Strasbourg et Toulouse.

Enfin, nous avons réalisé un sondage auprès de tous les participants à nos congrès pour savoircomment mieux assurer la diffusion des connaissances au travers de notre concept et vous entrouverez les résultats dans le prochain numéro.

Comme à l’accoutumée je rappellerai les dates des manifestations à venir : la seconde éditionde Preuves & Pratiques Nantes le 17 septembre, la première de Montpellier le 26 septembre,la 3ème de Bordeaux, le 19 novembre et de Toulouse, le 26 novembre pour finir avec le premier congrès de Nancy le 3 décembre.

Bonne rentrée

Docteur Alain SEBAOUN

Directeur médical et scientifique

✂M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Code postal / Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Pays : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Téléphone : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Fax : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Email : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Développement et StratégiePatrick DUCREY

Directrice de la PublicitéOdile [email protected]él. : 08 71 11 84 55

RédactionDirecteur de la publicationDr Alain SEBAOUNRédacteur en chefDr François PHILIPPEDirecteur médicalDr Alain SEBAOUNComité de lectureM. BISMUTH, Labarthe sur LèzeY. BOURHIS, NantesD. CASELLES, NiceC. CHARANI, RoubaixP. DESPREZ, CaenT. DUBON, BordeauxG. GRANET, Ste Foy les LionsA. LEVY, New-YorkM. MELTZ, LyonP. PEYTOUR, St Médard en JallesJ.-L. PHILIP, NiceG. RECORBET, MarseilleJ. ROSSANT, LUMBROSO, NiceM. RUETSCH, DessenheimG. VAN QUI, ToulouseJ.-Y. VOGEL, Husseren WesserlingD. WEIL, HangenbieterCoordination de la rédactionBenoît [email protected]

TarifsPrix de la revue au numéro :3,50 eurosAbonnement :(1 an - 5 numéros)France/Etranger : 15 euros

Bimestriel réservé au corps médicalDans ce numéro,présence de documents asilésTirage : 65 669 exemplairesImpression : G. de BussacMaquette : Karine Augis

PREUVES & PRATIQUESN° 24 - SEPTEMBRE 2005

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QUE FAIRE EN CAS DE DÉCOUVER

Ce que nous savions

■ La démarche diagnostique devant une fatigue inexpliquée, des arthralgies, un gros foie ou uneélévation des enzymes hépatiques (transaminases) peut conduire à rechercher une anomalie dumétabolisme du fer et donc à la mesure du taux plasmatique de ferritine.La ferritine est une protéine intracellulaire qui lie le fer dans la cellule, et sa concentration sériqueest un reflet du stock de fer dans l’organisme. Son taux dépend de l’âge et du sexe du patient (plusbas chez la femme non ménopausée). Une hyperferritinémie n’est cependant pas synonyme desurcharge en fer : une cytolyse hépatique (augmentation des transaminases) peut entraîner unehyperferritinémie, de même qu’un syndrome inflammatoire ou la consommation chronique d’alcool.La mesure du coefficient de saturation de la transferrine (protéine de transport du fer dans lesang) est indispensable à l’évaluation d’une hyperferritinémie : en dessous de 35 %, la proba-bilité d’une surcharge en fer est très faible, et il faut alors rechercher un syndrome inflammatoireou un éthylisme chronique.Si la saturation de la transferrine est supérieure à 45 %, et ce en 2 occasions (pour éliminer un fauxpositif), il faut alors éliminer une insuffisance hépatique (dans le cadre d’une cirrhose) entraînantune diminution de la synthèse de la transferrine, ou une anomalie de l’érythropoïèse avec augmentation réactionnelle de l’absorption digestive du fer : une anémie peut être présente dansce cas, et le myélogramme orientera le diagnostic.Dans les autres cas, le diagnostic d’hémochromatose héréditaire était alors évoqué (1).

Ce que nous faisions

■ Pour attester de la réalité de la surcharge en fer, et devant une saturation de la transferrineélevée, la réalisation d’une biopsie de foie permettait de mesurer la concentration hépatiquede fer, et l’évaluation histologique de la répartition du fer (prédominance de la surcharge enfer dans les hépatocytes). Le calcul de l’index du fer hépatique (rapport de la concentrationhépatique en fer en micromoles par gramme de foie sec sur l’âge) permettait de conforter lediagnostic d’hémochromatose héréditaire

Ce que nous avons appris

■ La découverte en 1996 du gène de l’hémochromatose, le gène HFE, a révolutionné la prise encharge diagnostique de l’hémochromatose (2) : la recherche de la mutation C282Y, la plus fréquemment rencontrée, permet de poser le diagnostic d’hémochromatose génétique HFE1 lorsqu’elle est présente à l’état homozygote. Plus rarement, l’association hétérozygote de 2 muta-tions (C282Y et H63D) peut également être responsable d’une surcharge en fer habituellementmoins sévère que dans l’hémochromatose HFE1. Plus récemment, des mutations portant sur d’autres gènes ont été découvertes, responsables des hémochromatoses génétiques 2A, 2B, 3 et 4.En dehors des anomalies génétiques, une surcharge en fer relativement modérée est associée ausyndrome dysmétabolique (diabète, HTA, obésité, dyslipidémie, stéatose hépatique).

RÉSUMÉ

L’hyperferritinémie doit faire évoquer une surcharge en fer, mais n’en est pas un synonyme.L’exclusion des autres causes sans augmentation du stock de fer dans l’organisme est indispensable. Le taux de saturation de la transferrine est indispensable : au-delà de 45 %,il faut rechercher une surcharge secondaire à une cirrhose, une anomalie de l’érythro-poïèse, une hémochromatose génétique ou un syndrome dysmétabolique. La réalité de lasurcharge en fer sera établie par l’IRM hépatique ou la biopsie de foie.

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ERTE D’UNE HYPERFERRITINÉMIE ?

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L’importance de la surcharge hépatique en fer peut être évaluée de façon indirecte par l’IRMhépatique : il existe une bonne corrélation entre l’intensité de l’hyposignal hépatique et laquantification du fer sur la biopsie hépatique (3). La biopsie hépatique n’est donc plus indispensable pour la quantification du fer hépatique. Labiopsie de foie peut toutefois encore s’intégrer dans l’évaluation de la sévérité des lésions hépatiques, si les données cliniques, biologiques et morphologiques ne permettent pas deconclure. L’existence d’une cirrhose augmente en effet considérablement le risque de carcinomehépatocellulaire, et justifie une surveillance morphologique régulière du foie par la suite.

Ce que nous devrions faire

■ En présence d’une hyperferritinémie, la mesure du coefficient de saturation de la transferrineest indispensable. Si celui-ci est trouvé supérieur à 45 % en 2 occasions (risque de faux positif),le diagnostic de surcharge en fer est probable, et peut être confirmé par la réalisation d’uneIRM hépatique (CCAM : 69 € + forfait technique).La recherche de la mutation génétique C282Y doit être demandée (accord écrit du patientpour test génétique), en associant éventuellement la recherche de la mutation H63D (acteencore hors nomenclature, 70 €). En cas d’homozygotie C282Y, le diagnostic d’hémochromatose génétique HFE1 est porté.L’évaluation pronostique précède le traitement qui vise par saignées répétées à obtenir untaux de ferritine sérique inférieur à 200 µg/L.Une enquête familiale est indispensable : recherche d’une surcharge en fer chez les parents,recherche de la mutation et d’une surcharge en fer dans la fratrie et la descendance. La recher-che de la mutation chez le conjoint d’un patient atteint d’hémochromatose génétique peutégalement aider à prédire le risque chez les enfants du couple.L’hétérozygotie composite C282Y / H63D peut également être responsable d’une surcharge enfer, habituellement plus modérée.Dans les autres cas, le syndrome dysmétabolique peut être évoqué si d’autres signes cliniquessont présents (diabète, HTA, obésité, stéatose hépatique, dyslipidémie) : l’IRM hépatique etutile, et la biopsie hépatique peut aider au diagnostic (recherche d’une stéato-hépatite non-alcoolique, d’une cirrhose). Les autres mutations évoquées plus haut peuvent être recherchéesdans des cas bien particuliers, notamment en cas de surcharge en fer importante chez dessujets jeunes.Si la saturation de la transferrine est normale (< 35 %), la recherche des mutations génétiquesde l’hémochromatose est inutile. Le syndrome dysmétabolique peut être responsable, demême que l’exceptionnelle acéruloplasminémie héréditaire (taux sérique effondré de la céruloplasmine).

Professeur François MIONExploration fonctionnelle digestive, hôpital E. Herriot, Lyon

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CONCLUSION

Le dosage de la ferritinémie à la recherche d’une éventuelle surcharge en fer doit toujourss’accompagner de la mesure du coefficient de saturation de la transferrine.En cas d’hyperferritinémie et d’une augmentation de la saturation de la transferrine, ilfaut éliminer une insuffisance hépatique ou une dyserythropoïèse. La recherche des mutations du gène HFE est alors licite, et permettra de distinguer l’hémochromatose génétique HFE1 des causes acquises de surcharge en fer (syndrome dysmétabolique).L’évaluation de la surcharge en fer est réalisée par une IRM hépatique.

■ 1. Pietrangello A. Hereditary hemochromatosis: a new look at an old disease. N Engl J Med 2004; 350: 2383-97. ■ 2. Feder JN et al. A novel MHC class I-like gene is mutated in patients with hereditary haemochromatosis. Nat Genet 1996;13:399-408. ■ 3. Gandon Y et al. Non invasive assessment of hepatic iron stores by MRI. Lancet 2004; 363:357-62.

RÉFÉRENCES

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Ce que nous savions■ La maladie coeliaque, ou intolérance au gluten, correspond à une atrophie des villosités intes-tinales induite par une réaction toxique vis-à-vis d’une protéine du gluten, la gliadine. Cette atrophie villositaire dépend d’une susceptibilité génétique, plus de 90 % des sujets atteints étant porteurs de l’haplotype HLA DQ2, et la quasi-totalité des 10 % restant étant porteurs de l’haplo-type HLA DQ8 (1). Pour être toxique, la gliadine doit être déamidée par la transglutaminase de lamuqueuse intestinale : les peptides dérivés possèdent une forte affinité pour les molécules HLADQ2 des cellules présentatrices d’antigènes. Une réaction lymphocytaire T cytotoxique s’ensuit,aboutissant à la destruction des villosités intestinales. Des auto-anticorps dirigés contre la trans-glutaminase sont produits au cours de la réaction immunitaire : ces anticorps n’inhibent que partiellement la transglutaminase. Ils constituent un marqueur très spécifique de la maladie maisn’ont pas un rôle pathogénique très significatif.La maladie coeliaque était suspectée en cas de diarrhée chronique, avec amaigrissement et signescliniques et biologiques de malabsorption.La prévalence de la maladie était estimée à 1/2500 environ.

Ce que nous faisions■ En cas de suspicion de maladie coeliaque, les auto-anticorps anti-gliadine et anti-endomy-sium étaient recherchés. En cas de positivité, une endoscopie digestive haute avec biopsiesduodénales était pratiquée, à la recherche des signes endoscopiques et histologiques d’atrophie villositaire.En cas de diagnostic positif de maladie coeliaque avec atrophie villositaire, un régime sans gluten est instauré : il s’agit d’un régime très contraignant, pour lequel il est souvent difficiled’obtenir une compliance parfaite des patients sur le long terme.Le risque évolutif est représenté par une résistance au régime sans gluten (souvent difficile àdistinguer d’un régime mal suivi) et le lymphome T intestinal.

Ce que nous avons appris

■ Avec le développement de tests sérologiques plus sensibles et plus spécifiques (anticorpsanti-endomysium et anti-transglutaminase), la prévalence de la maladie coeliaque est estiméeactuellement entre 1/250 et 1 % dans la population générale, soit 10 fois plus que ce nous pensions auparavant.Les formes asymptomatiques ou atypiques sont les plus fréquentes. Des études épidémiolo-giques récentes ont montré que les enfants présentant une sérologie positive pour la maladiecoeliaque ont en moyenne un poids et une taille inférieurs aux enfants séronégatifs.Les patients présentant un syndrome de l’intestin irritable ont un risque plus élevé d’être porteurs de la maladie coeliaque, avec une prévalence estimée entre 3 et 11 %. Deux étudesrécentes ont montré que le dépistage de la maladie coeliaque par la recherche des auto-anticorps anti-transglutaminase dans ce groupe de patient était intéressant d’un point de vuemédico-économique (2).Les autres manifestations potentiellement liées à la maladie coeliaque sont l’anémie ferriprive,l’ostéopénie, le diabète de type I, la dermatite herpétiforme, la fatigue chronique, des trou-bles neurologiques ou psychiatriques.D’un point de vue physiopathologique, la description des formes frustes d’intolérance au gluten s’est affinée : l’augmentation du nombre des lymphocytes intra-épithéliaux à l’extrémitédes villosités constitue un critère histologique important pour le diagnostic (3).Des progrès ont été faits concernant la connaissance des fragments toxiques de la gliadine, cequi pourrait éventuellement dans le futur permettre de développer des régimes plus faciles àsuivre par les patients. Dans le même registre, il se confirme que l’introduction de l’avoine dansle régime sans gluten n’entraîne pas de dégradation significative de l’état clinique ou biologique. Ceci devrait permettre de faciliter l’adhérence au régime en le diversifiant.

DONNÉES RÉCENTES SUR L

RÉSUMÉLa prévalence sous-estimée de la maladie coeliaque doit pousser à évoquer ce diagnosticplus facilement. Le diagnostic passe par le dosage des anticorps anti-transglutaminase, puispar la réalisation de biopsies duodénales en cas de positivité. Le régime sans gluten, endépit de son caractère contraignant, est bénéfique.

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Ce que nous devrions faire

■ Les enquêtes épidémiologiques confirment la prévalence élevée de la maladie coeliaque (aumoins du point de vue sérologique) dans la population. Il faut donc savoir évoquer le diagnostic devant toutes les formes frustes ou atypiques La recherche des anticorps anti-trans-glutaminase (IgA) doit être faite en premier, du fait de la simplicité du dosage (kit commer-cialisé, mais pour l’instant hors nomenclature, voir arbre décisionnel). Si le résultat est positif,une endoscopie digestive haute doit être réalisée pour obtenir des biopsies duodénales etconfirmer le diagnostic. Si le résultat est négatif, il faut compléter le bilan sérologique par ledosage des IgG anti-transglutaminase, la recherche des anticorps anti-endomysium (IgA et IgG)et le dosage des IgA sériques. En effet, le déficit en IgA, dont la prévalence est d’environ 1/500,est responsable de faux négatifs. Si les anticorps anti-transglutaminase et anti-endomysium(IgA et IgG) sont négatifs et le dosage pondéral des IgA normal, le diagnostic de maladie coeliaque peut être exclu. Dans les autres situations, la réalisation des biopsies duodénales est souhaitable, pour rechercher des signes de maladie coeliaque ou d’entéropathie liée au déficit en IgA.

Le régime sans gluten s’impose en cas de maladie coeliaque : en dépit de son caractèrecontraignant, les études les plus récentes confirment le bénéfice de ce régime pour les patientsen terme de réduction des symptômes et d’amélioration de la qualité de vie. Des informationstrès utiles peuvent être obtenues auprès de l’Association Française des Intolérants au Gluten(www.afdiag.org).

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CONCLUSION

La mise au point de nouveaux tests sérologiques de la maladie coeliaque (anticorps anti-trans-glutaminase) a permis de montrer la prévalence relativement élevée de cette affection, aussibien chez les adultes que chez les enfants. Il faut savoir évoquer le diagnostic devant une diarrhée chronique avec malabsorption, mais aussi devant une anémie ferriprive isolée, uneostéopénie, des troubles digestifs d’allure fonctionnelle, voire un diabète de type I ou unedermatite herpétiforme. Le diagnostic repose sur la recherche des anticorps anti-transgluta-minase, puis par le dosage des anticorps anti-endomysium et des IgA en cas de négativité.L’endoscopie digestive haute avec biopsies duodénales est souhaitable en cas de sérologiepositive. Le régime sans gluten reste le traitement exclusif : le bénéfice pour les patients estindéniable, même dans les formes frustes de la maladie, malgré son caractère contraignant.

■ 1. Howdle PD. Advances in celiac disease. Curr Opin Gastroenterol 2005; 21: 152-61. ■ 2. Spiegel BM, et al. Testing forceliac sprue in irritable bowel syndrome with predominant diarrhea: a cost-effectiveness analysis. Gastroenterology 2004; 126:1721-32. ■ 3. Biagi F, et al. Intraepithelial lymphocytes in the villous tip: do they indicate potential coeliac disease? J Clin Pathol2004; 57: 835-9.

RÉFÉRENCES

Prescription classique(remboursée SS)

Prescription " moderne "

IgA anti transglutaminase(ELISA, hors nomenclature, # 19,6 € )

Confirmation par IgA anti-endomysium

Biopsie duodénale

Déficit IgA

Dosage IgA Normal :MC exclue

Dosage pondéral IgA

Dosage IgA Normal :MC exclue

Dosage pondéral IgA

IgA anti-endomysium(technique IF, 11,20 €)

Ac anti-gliadine (IgA + IgG)(ELISA, 19,6 € x 2)

Suspicion de maladie coeliaque

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R LA MALADIE COELIAQUE

Professeur François MIONExploration fonctionnelle digestive, hôpital E. Herriot, Lyon

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PRISE EN CHARGE DES CONSTIPATIONSDE L’ADULTE

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Ce que nous savions

■ La prévalence de la constipation est extrêmement variable selon les études : de 2 à 27 %selon une revue de 10 études épidémiologiques récentes faites en Amérique du Nord (1). Cettedisparité vient principalement de la définition du terme constipation, très différente d’uneétude à l’autre.Les critères de Rome II visent à standardiser la définition des symptômes fonctionnels digestifs.Pour la constipation, la définition est la suivante : association d’au moins 2 des symptômes suivants pendant au moins 12 semaines (pas nécessairement consécutifs) au cours des 12 derniers mois :

Efforts de poussée pour au moins 25 % des défécationsSensation d’évacuation incomplète dans au moins 25 % des défécationsSensation de blocage ano-rectal dans au moins 25 % des défécationsManœuvres manuelles pour faciliter au moins 25 % des défécationsMoins de 3 selles par semaineAbsence de selles molles, et critères insuffisants pour retenir un syndrome de l’intestin irritable.

Quelle que soit la prévalence exacte de la constipation, il est clair que la grande majorité desconstipations sont résolues par les mesures hygiéno-diététiques et comportementales simples.L’augmentation de la ration des fibres dans l’alimentation suffit pour normaliser le transit dansplus de 40 % des cas. L’adjonction de laxatifs lubrifiants ou osmotiques, de mucilages ou delaxatifs par voie rectale permet de traiter la grande majorité des cas résistant aux mesureshygiéno-diététiques.Il faut également apprécier le rôle des prescriptions médicamenteuses associées dans la survenueou l’aggravation d’une constipation : de nombreux médicaments (en particulier les anti-dépresseurs) peuvent ralentir de façon significative le transit colique.La recherche de troubles métaboliques (hypothyroïdie, diabète, hyperparathyroïdie, hypercal-cémie, hypokaliémie, hypomagnésémie) peut également s’envisager en cas de signes évoca-teurs associés. Les explorations sont habituellement inutiles à ce stade. L’exploration morphologique du côlon(par coloscopie) peut se justifier si la constipation survient de façon relativement brutale, et afortiori si des symptômes associés (rectorragies, douleurs, altération de l’état général, syndromesub-occlusif) sont présents.

Ce que nous faisions

■ En cas d’échec des consignes diététiques et des laxatifs osmotiques ou de lest, l’explorationphysiologique des différentes étapes de la défécation pouvait s’envisager. La manométrie ano-rectale permet de mieux comprendre le mécanisme à l’origine des difficultés d’exonéra-tion (dyschésie), et d’orienter la rééducation par biofeedback. Le diagnostic d’asynchronismeabdomino-pelvien (ou anisme) est souvent porté par cet examen. La défécographie (examenradiologique dynamique de la défécation) trouve sa place pour confirmer le diagnostic detrouble de la statique pelvienne, évoqué par l’examen clinique. On peut ainsi mettre en évidence un prolapsus rectal, une rectocèle (hernie de la paroi antérieure du rectum) ou uneentérocèle (passage d’anses intestinales dans la cloison recto-vaginale à travers le cul-de-sac deDouglas). Les images doivent être confrontées aux données de l’interrogatoire et de l’examen

RÉSUMÉLa constipation de l’adulte est un symptôme très fréquent. La majorité des cas répond àdes mesures hygiéno-diététiques simples, et l’usage de laxatifs non irritants. Les explora-tions de première ligne doivent être orientées par les signes associés, pour éliminer unenéoplasie colique, une perturbation métabolique ou une maladie neurologique. Les explo-rations physiologiques peuvent permettre d’orienter le traitement dans les formes les plussévères.ysiologiques peuvent permettre d’orienter le traitement dans les formes les plussévères.

Professeur François MIONExploration fonctionnelle digestive, hôpital E. Herriot, Lyon

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sclinique, mais peuvent aider à la décision d’une prise en charge chirugicale. La mesure dutemps de transit colique par la méthode des pellets radio-opaques (Transi-kit® désormais disponible en pharmacie, non remboursé par la Sécurité Sociale, mais l’ASP à faire réaliser le 7e jour est pris en charge) peut aider à confirmer un ralentissement du temps de transit colique.Sur un plan thérapeutique, l’utilisation régulière des laxatifs irritants (docusate, anthracé-niques, bisacodyl, sels de magnésium) est déconseillée, du fait du risque d’entraîner des lésionsdes plexus nerveux intrinsèques coliques, qui peuvent majorer la constipation.La colectomie a été proposée pour traiter les constipations sévères résistantes aux traitementsmédicamenteux : elle doit être exceptionnellement envisagée, après une évaluation physiolo-gique et psychologique exhaustive.

Ce que nous avons appris, ce que nous devrions faire

■ Deux grandes études, au Canada (sur 1149 sujets) et aux USA (sur 10 000 sujets), ont retrouvéune prévalence presque identique de la constipation (14,9 % et 14,7 %) selon les critères deRome II, que l’on peut donc considérer comme reproductibles. Ceci confirme la très grande fréquence de ce symptôme dans la population générale, et incite à la modération quant à laprescription des explorations fonctionnelles complémentaires et aux thérapeutiques agressives(2, 3).Pour les formes les plus sévères rebelles aux traitements standards, les explorations peuventpermettre de classer les constipations en 4 grandes catégories :

1. constipation de transit (slow-transit constipation, colonic inertia)2. constipation par obstruction distale (dyssynergic constipation)3. constipation mixte4. constipation "fonctionnelle"

Les différentes formes de constipation se répartissent de façon à peu près équivalente dans ces4 catégories.

1. La constipation de transit.L’inertie colique est la forme la plus sévère des constipations de transit : il s’agit d’un diagnostictrès rare. Un trouble moteur digestif généralisé doit être éliminé avant d’envisager l’excep-tionnelle colectomie, qui doit être alors totale avec anastomose iléo-rectale. L’évaluation psychologique approfondie est également indispensable dans ce cas. Des travaux récents ontsuggéré l’intérêt potentiel d’un nouveau traitement moins invasif, la neuro-modulation desracines sacrées. Cette technique onéreuse consiste à stimuler en permanence une racine sacrée(en général S3), par l’intermédiaire d’une électrode placée à travers le trou sacré au contact dela racine nerveuse, reliée à un boîtier de stimulation implanté au niveau de la fesse. Ce traite-ment, initialement développé pour le traitement de l’incontinence urinaire par instabilité vésicale, puis de l’incontinence anale, semble également prometteur pour le traitement de laconstipation sévère par ralentissement du transit colique. Des études complémentaires sontcependant nécessaires pour valider cette approche thérapeutique innovante.

2. La constipation par obstruction distale peut être d’origine anatomique (trouble de la statique pelvienne), nerveuse (maladie de Hirschsprung) ou fonctionnelle (asynchronismeabdomino-pelvien). La manométrie ano-rectale est importante pour éliminer le diagnostic trèsrare de maladie de Hirschsprung, qui peut cependant être observée chez l’adulte. Elle se carac-térise en manométrie par l’absence du réflexe recto-anal inhibiteur (absence de relaxation dusphincter interne de l’anus en réponse à une distension de l’ampoule rectale) : une confirma-tion de l’absence de plexus nerveux intrinsèque dans la paroi rectale par biopsie chirurgicaleest indispensable pour confirmer le diagnostic, avant d’envisager une sanction chirurgicale. Lediagnostic d’asynchronisme abdomino-pelvien est souvent porté par excès en manométrie, dufait des conditions particulières de l’examen. Il est souhaitable de confirmer les données de lamanométrie par un test d’expulsion d’un ballonnet. La rééducation ano-rectale est souventproposée pour le traitement de l’asynchronisme abdomino-pelvien : les techniques utiliséessont très variables, et les résultats ne sont pas forcément reproductibles d’un thérapeute à l’autre. Les données de la littérature restent malheureusement très insuffisantes pour étayer

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TIPATIONS DE L’ADULTE (SUITE)

l’efficacité de ce traitement. La défécographie peut aider au diagnostic des troubles de lastatique pelvienne : elle doit être remplacée par le viscérogramme pelvien, examen plus complet qui, après opacification des 3 organes pelviens (vessie, vagin et rectum) ainsi que de l’intestin grêle (ingestion de baryte avant l’examen), permet d’évaluer plus précisément lesrapports dynamiques des différents organes dans le pelvis, et d’éviter ainsi un geste chirurgicalisolé sur le périnée postérieur qui pourrait avoir un effet délétère sur le périnée antérieur oumoyen.

3. La constipation mixte comporte des éléments évoquant un transit colique ralenti et des perturbations de l’exonération. Ici encore, l’efficacité objective des différentes thérapeutiquesreste à démontrer, et la prudence est de mise avant d’envisager des solutions chirurgicales radicales. Il faut notamment insister sur la possibilité d’utiliser de façon raisonnée et contrôléeles laxatifs irritants, qui semblent une étape indispensable dans l’escalade thérapeutique,avant d’envisager par exemple une colectomie totale. Leur efficacité est possible dans un certains nombre de cas, et la preuve de leur toxicité dans la littérature n’est pas définitive.

4. La constipation fonctionnelle (temps de transit colique normal – < 70 heures sur le temps detransit des pellets – et absence d’anomalie avérée de l’évacuation fécale) est le plus souventaccessible aux mesures hygiéno-diététiques et aux thérapies comportementales, les problèmespsychologiques étant fréquemment retrouvés dans ce groupe de patients. La place des thérapeutiques alternatives (hypnose, acupuncture…) n’est pas validée dans la littérature.

CONCLUSION

La médecine factuelle est malheureusement de peu d’utilité pour orienter la prise en chargediagnostique et thérapeutique de la constipation. La littérature est très abondante, maisfaite essentiellement de revues ou d’avis d’experts : peu de données objectives et convain-cantes sont disponibles, aussi bien en ce qui concerne la classification des symptômes, laplace des examens complémentaires et l’efficacité des traitements. La pratique cliniquenous enseigne cependant la grande banalité du symptôme, la difficulté de la définition duterme constipation, qui peut varier selon le point de vue du malade ou du médecin. Lesmodifications diététiques et l’utilisation des laxatifs "doux" permettent de régler la majorité des problèmes. Pour les formes rebelles, les explorations complémentaires peuvent aider à une classification plus physiopathologique, afin d’orienter plus précisément la prise en charge thérapeutique.

■ 1. Higgins R, et al. Epidemiology of constipation in North America: a systematic review. Am J Gastroenterol 2004; 99:750-9.■ 2.Lembo A, et al. Chronic constipation. N Engl J Med 2003; 92: 95-8. ■ 3. Locke GR, et al. American Association MedicalPosition Statement: guidelines on constipation. Gastroenterology 2000; 119: 1761-6.

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Ce que nous savions

■ Quoi que la fonction gonadique masculine ne soit pas soumise à un déclin total et systéma-tique comparable aux mécanismes de la ménopause chez la femme, l'expérience clinique atoujours montré une diminution de la fonction testiculaire avec l'âge. Certaines fonctionsendocriniennes concernant principalement la synthèse des androgènes sont profondémentmodifiées chez l'homme âgé, soit en raison de la sénescence, soit en réaction à un état morbideou à des prises médicamenteuses. Les modifications de l'équilibre hormonal de l'homme âgéconcernent essentiellement la sécrétion androgénique surrénalienne et la réduction de l'activité sécrétoire du testicule endocrine chez les hommes de plus de 70 ans.Les hormones sexuelles sont synthétisées dans la cellule de Leydig à partir du cholestérol. Deuxvoies de transformation, l'une directe, l'autre indirecte, passant par la formation de progesté-rone, permettent la synthèse de testostérone, avec une production moyenne de 7 mg de testostérone par jour. Dans le testicule et dans les tissus périphériques, la testostérone estensuite transformée en 17 ß oestradiol ou en dihydrotestostérone qui exercent un rétrocon-trôle sur la sécrétion de LH.La testostérone libérée dans la circulation sanguine circule principalement liée à des protéines :testostérone-oestradiol binding globuline (TEBG), cortisol binding globuline (CBG), albumineet 2 % de la testostérone reste libre. La sécrétion de testostérone n'est pas régulière avec unrythme circadien (taux de testostérone plus élevé le matin) et un rythme circannuel (taux detestostérone plus élevé en automne).Les effets des androgènes concernent essentiellement le développement des organes génitauxet des caractères sexuels secondaires puis possèdent un effet stimulant sur la libido et provo-quent une augmentation de la masse musculaire par stimulation de l'anabolisme protéique. La diminution de la testostéronémie est constante mais très variable d'un sujet à l'autre, avecun taux maximal entre 20 et 30 ans et une décroissance particulièrement significative entre 60et 70 ans (5).

Ce que nous faisions

■ Face à un homme vieillissant, présentant une symptomatologie liée à la carence hormonale eten particulier des troubles de la libido, on réalisait un bilan biologique comportant le dosage dela testostérone plasmatique et en cas d'anomalies de ce taux, on prescrivait de la testostéronesous forme injectable (toutes les 2 à 4 semaines) ou par voie orale. La voie injectable comportel'avantage d'une efficacité étalée sur plusieurs semaines, mais l'inconvénient de pics supraphysiologiques. L'utilisation des produits per os est gênée par l'absorption digestive modeste.Dans un cas comme dans l'autre, la surveillance prostatique s'impose par le toucher rectal et ledosage d'antigène prostatique spécifique compte tenu du risque d'aggravation d'un cancer deprostate latent qui n'aurait pas été dépisté (2).

Ce que nous avons appris

■ Le terme d'andropause a été remplacé par celui de "déficit androgénique lié à l'âge" (DALA)pour différencier cette carence hormonale progressive du phénomène inéluctable de la ménopause. Cette dénomination différente permet d'insister sur l'absence de caractère inéluctable de ces anomalies et de différencier les patients présentant un simple vieillissementde ceux pour lesquels la carence hormonale est d'une autre cause.Une meilleure compréhension de la physiopathologie et les progrès de l'endocrinologie amènent à considérer plus spécifiquement le taux de testostérone biodisponible qui est la

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RÉSUMÉLe déficit hormonal lié à l’âge n’est pas inéluctable et n’est pas toujours symptomatique. Enrevanche, lorsqu’il se manifeste (troubles sexuels, asthénie, ostéoporose), il est nécessaire dele reconnaître par le dosage de la testostéronémie et de le prendre en charge par une hormonothérapie substitutive dont on respectera les contre indications.

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somme de la testostérone libre et de la testostérone liée à l'albumine et représente un reflettrès fidèle de l'imprégnation androgénique, échappant aux fluctuations de la TEBG. C'est doncsur ce dosage réalisé le matin qu'il conviendra de raisonner pour confirmer le diagnostic deDALA. Mais tous les hommes présentant un déficit androgénique ne sont pas symptomatiqueset il importe donc d'apprécier le retentissement, notamment psycho-sexuel de cette carencehormonale. Les symptômes les plus fréquemment retrouvés concernent la baisse de la libido etla dysfonction érectile consistant essentiellement en un défaut de maintien de l'érection, mais également des symptômes plus généraux (asthénie physique et psychique,insomnie, irritabilité) et des modifications physiques (diminution de la masse musculaire, augmentation de la masse graisseuse, bouffées de chaleur et éventuellement déminéralisationosseuse pouvant être objectivée par l'ostéodensitométrie) (3).Le DALA est confirmé lorsqu'en présence de tels symptômes, la testostérone totale est inférieure à 3 ng/ml, la testostérone biodisponible inférieure à 0,7 ng/ml et le taux de LH supérieur à 10 UI/l (4).

ce que nous devrions faire

■ Face à un patient symptomatique, il est impératif de confirmer le diagnostic par les dosageshormonaux sus cités et, si le patient le désire, envisager une prise en charge thérapeutique aprèsavoir exclu les contre-indications d'usage (cancer de la prostate, polyglobulie, insuffisance cardiaque sévère…). En l'absence de demande du patient, l'abstention thérapeutique s'impose.Lorsqu'un traitement est souhaité, il repose essentiellement sur la testostérone ou ses dérivés,utilisable par voie orale (undécanoate de testostérone Pantestone®‚ 160 mg/j) ou intramusculaire(enanthate de testostérone Androtardyl®‚ 200mg tous les 15 jours) dont nous avons parlé et plusrécemment par voie percutanée (gel hydroalcoolique de testostérone Androgel®‚ 50mg/j) permettant une restauration de l'androgénicité plasmatique adaptée à chaque cas. Le traitementdoit être maintenu au moins 6 mois.

L'intérêt du traitement est de lutter contre les conséquences de l'hypoandrogénie liée à l'âge,permettant ainsi de restaurer la libido et une activité sexuelle satisfaisante, mais elle permet également une prévention de l'ostéoporose et la réduction de certains facteurs de risques cardio vasculaires sous réserve de respecter des doses physiologiques.Les contre-indications principales au traitement hormonal sont la préexistance d'un syndromed'apnées du sommeil qui pourrait être aggravé par le traitement, l'aggravation d'une gynéco-mastie préexistante et surtout l'aggravation d'un adénocarcinome prostatique qui constitue unecontre indication absolue à la prescription de ce traitement.Le traitement sera maintenu, en contrôlant le taux de testostérone plasmatique, sous réservequ'il comporte une efficacité clinique avec atténuation ou disparition des symptômes liés auDALA et qu'une surveillance prostatique régulière soit effectuée au minimum une fois par an.La déhydroépiandrostendione (DHEA) est un précurseur de la testostérone sans récepteur propreet sans activité androgénique intrinsèque, dont la prescription ne repose pas actuellement sur deréelles données objectives chez l'homme âgé (1).

■ 1. Allolio B, Arlt W (2002) DHEA treatment: myth or reality? Trends Endocrinol Metab 13:288-294 ■ 2. Bhasin S, Singh AB,Mac RP, Carter B, Lee MI, Cunningham GR (2003) Managing the risks of prostate disease during testosterone replacement therapy in older men: recommendations for a standardized monitoring plan. J Androl 24:299-311 ■ 3. Gooren L (2003)Androgen deficiency in the aging male: benefits and risks of androgen supplementation. J Steroid Biochem Mol Biol 85:349-355. ■ 4. Kelleher S, Conway AJ, Handelsman DJ (2004) Blood testosterone threshold for androgen deficiency symptoms. J ClinEndocrinol Metab 89:3813-3817 ■ 5. Vermeulen A, Kaufman JM (1995) Ageing of the hypothalamo-pituitary-testicular axis inmen. Horm Res 43:25-28.

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Docteurs Sophie CONQUY et Delphine AMSELLEM-OUAZANAService d'Urologie, Hôpital Cochin, Paris

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CONCLUSION

Face à une symptomatologie en rapport avec la carence hormonale chez l’homme âgé, ledosage de testostérone biodisponible permet de poser le diagnostic de DALA. Dès lors, untraitement substitutif (injectable, per os ou transdermique) permet une amélioration signifi-cative des symptômes. Toutefois, ce traitement ne peut se concevoir sans une surveillancemédicale régulière concernant, en particulier, le cancer de prostate (toucher rectal et dosagede PSA annuel).

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Ce que nous savions

■ L'incontinence urinaire est définie comme l'émission involontaire d'urine par le méat urétral, objectivement démontrable et constituant un problème social ou hygiènique (défini-tion de l’International Continence Society). Dans près de la moitié des cas, ces pertes involon-taires d'urine sont déclenchées par l'effort, en rapport avec une anomalie sous-vésicale (hyper-mobilité du col vésical et/ou insuffisance du sphincter urétral). Dans l'autre moitié des cas, lesfuites sont déclenchées de façon concomitante au besoin d'uriner qui est alors impérieux, avecun mécanisme vésical lié à une hyperactivité du détrusor. Ces fuites par impériosités surviennentisolément dans la moitié des cas et associées à des fuites à l'effort dans l'autre moitié (il s'agitalors d'une incontinence mixte). Les fuites par impériosités voient leur fréquence augmenteravec l'âge, pour devenir le type nettement prédominant au-delà de 65 ans (3). Le statut ménopausique et l'atrophie vaginale liée à la carence hormonale ont de longue date sembléêtre un facteur aggravant des impériosités mictionnelles et des infections urinaires (elles-mêmes responsables d'impériosités).

Le contrôle neurologique de la continence urinaire est sous la dépendance des systèmes nerveux autonomes et somatiques. Les fibres nerveuses parasympathiques émergent des segments médulaires S2-S4 et cheminent jusqu'au détrusor, dans le plexus pelvien. Les fibressympathiques émergent, elles, des segments médulaires D12-L2 et cheminent jusqu'au sphincterurétral via le plexus hypogastrique. Les fibres somatiques proviennent des segments médulaires S2-S4 et innervent le sphincter urétral externe via le nerf honteux. Lors de la phasede remplissage vésical, la continence est assurée par le système nerveux sympathique qui maintient le tonus du sphincter urétral interne par activation des récepteurs adrénergiques.Parallèlement le cortex cérébral inhibe la stimulation parasympathique du détrusor.Les impériosités mictionnelles sont donc la traduction clinique de la présence de contractionsnon inhibées du détrusor mises en évidence lors de l'examen urodynamique. Ces contractionspeuvent être liées à une cause neurologique, à une épine irritative locorégionale (infection urinaire, tumeur ou calcul de vessie, infection vaginale, fécalome…) ou être idiopathiques.La présence de ces contractions non inhibées du détrusor, lorsqu'elles s'accompagnent de fui-tes d'urine, sont extrêmement invalidantes car la totalité de l'urine présente dans la vessie estalors émise et ceci sans qu'il existe forcément un facteur déclenchant. C'est ainsi que différentes études de qualité de vie ont montré l'impact nettement plus important des fuitespar impériosités comparé aux fuites à l'effort dans cette population (2).

Ce que nous faisions

■ Le diagnostic d'impériosités mictionnelles est posé le plus souvent dès l'interrogatoire etéventuellement confirmé par la réalisation d'un examen urodynamique. Le premier temps est la recherche d'un éventuel facteur favorisant et son traitement si possible. L'examen clinique, les examens bactériologiques et échographiques peuvent mettreen évidence les facteurs irritatifs sus-cités, permettant lorsque cela est possible, leur traitement. Une réévaluation de la symptomatologie mictionnelle doit alors être faite audécours de ces traitements.

En l'absence de cause curable ou en l'absence d'efficacité du traitement de cette cause, la priseen charge des impériosités mictionnelles reposait essentiellement sur les traitements anticho-linergiques (dans un premier temps non spécifiques avec une large utilisation des antidépres-seurs de type clomipramine Anafranil®‚ ou sulpiride Dogmatil®‚ puis plus urosélectifs avec en particulier l'utilisation de l'oxybutinine). Le traitement de l'hyperactivité vésicale par l'oxybu-tinine apporte une amélioration incontestable de la symptomatologie clinique dans plus de 50 %des cas au prix d'effets indésirables rendant leur prescription incomplètement satisfaisante :sécheresse buccale et de l'ensemble des muqueuses, constipation et avec des contre-indicationsabsolues (glaucome et pathologies neurologiques).

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esRÉSUMÉ

Les impériosités mictionnelles représentent près de la moitié des incontinences urinaires chezla femme, notamment après 65 ans. Leur diagnostic est essentiellement clinique : fuites d’urine précédées d’un besoin irrépressible. La prise en charge repose essentiellement sur lestraitements anticholinergiques.

IMPÉRIOSITÉS MICTIONL’AUTRE CAUSE D’ INC

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Ce que nous avons appris

■ Les relations entre les impériosités et l'hyperactivité vésicale urodynamique sont celles d'unsymptôme clinique à un symptôme manométrique, sans nécessaire superposition. Il importedonc de différencier l'hyperactivité vésicale (clinique) et l'hyperactivité détrusorienne (urody-namique). Lors de l’examen urodynamique, environ 25 % des femmes cliniquement impérieuses présentent des contractions non inhibées et 10 % des femmes ne décrivant aucunsymptôme ont une hyperactivité détrusorienne. L'intérêt de l'examen urodynamique est doncd'évaluer les forces en présence : amplitude de la contraction vésicale lorsqu'elle existe et qualité de la réponse sphinctérienne réflexe. Toutefois, la découverte sur la cystomanométried'un tracé normal ne rend pas cet examen inutile puisqu'il permet de confirmer qu'il s'agitd'une pollakiurie sensitive ou psychogène et qu'il pourra être utilisé comme document objectif pour démontrer à la patiente la bonne capacité de sa vessie.

- La fréquence notable des incontinences urinaires mixtes a conduit à reconsidérer la physio-pathologie de ces fuites et amène à penser qu'une partie des vessies hyperactives le sont enraison d'un trouble de la statique pelvienne dont la correction chirurgicale amènera non seulement l'amélioration fonctionnelle attendue mais également la disparition des mictionsimpérieuses.

- La mise sur le marché de nouvelles molécules (solifénacine Vesicare®, toltérodine Détrusitol®,flavoxate Urispas®, chlorure de trospium Céris®) dont certaines ne franchissant pas la barrièrehémato-méningée, a permis une diversité de traitements bénéfiques pour les patients. Demême, des techniques de prise en charge par neuromodulation sacrée (qui consiste à stimulerélectriquement la racine S3 à l’aide d’une électrode implantée chirurgicalement) ou parinstillations endovésicales de substances (capsaïcine ou résinifératoxine) inhibant les récepteursvanilloïdes ont progressivement élargi l'arsenal thérapeutique dans les hyperactivités détruso-riennes rebelles en particulier neurologiques (1, 4).

Ce que nous devrions faire■ Le diagnostic d'impériosités mictionnelles et d'incontinence par impériosités est un diagnosticessentiellement clinique qui justifie, après une enquête étiologique rapide, un traitement d'essai par un anticholinergique validé (par exemple oxybutinine 15 mg/j, solifénacine 5mg/j,trospium 40mg/j pendant 3 mois). En l'absence d'efficacité ou en cas de mauvaise tolérance dece traitement, des examens complémentaires et en particulier l'examen urodynamique trouveleur place pour confirmer le diagnostic. Si le diagnostic est confirmé, il est utile de tenter unemodification du traitement anticholinergique, certains ayant une activité différente d'unepatiente à l'autre, éventuellement associés à des traitements comportementaux et à unerééducation périnéale dont le bénéfice est particulièrement intéressant dans cette population,sans effet indésirable. L'amélioration de la trophicité vaginale par un traitement oestrogé-nique local est un appoint thérapeutique souvent utile, notamment lorsqu'une rééducation estprescrite. En l'absence d'efficacité de ces différents traitements et compte tenu de la gêneintense provoquée par ce symptôme, on peut envisager une prise en charge par neuromodu-lation sacrée.

■ 1. Brunton S, Kuritzky L (2005) Recent developments in the management of overactive bladder: focus on the efficacy andtolerability of once daily solifenacin succinate 5 mg. Curr Med Res Opin 21:71-80 ■ 2. Burgio KL, Locher JL, Goode PS, Hardin JM, McDowell BJ, Dombrowski M, Candib D (1998) Behavioral vs drug treatment for urge urinary incontinence in olderwomen: a randomized controlled trial. Jama 280:1995-2000 ■ 3. PSandvik H, Hunskaar S, Vanvik A, Bratt H, Seim A, Hermstad R (1995) Diagnostic classification of female urinary incontinence: an epidemiological survey corrected for validity. J Clin Epidemiol 48:339-343 ■ 4. Zinner N, Harnett M, Sabounjian L, Sandage B, Jr., Dmochowski R, Staskin D (2005) The overactive bladder-symptom composite score: a composite symptom score of toilet voids, urgency severity and urge urinaryincontinence in patients with overactive bladder. J Urol 173:1639-163.

RÉFÉRENCES

CONCLUSION

Une meilleure compréhension du fonctionnement vésico-sphinctérien a permis de différencierles fuites d’urine à l’effort (de mécanisme sous vésical) et les fuites par impériosités de mécanisme vésical. Après avoir éliminé une cause locorégionale (infection, calcul, tumeur devessie…) ou neurologique (SEP, maladie de Parkinson), un traitement anticholinergique d’essai est recommandé. Les anomalies urodynamiques sont inconstantes et ne doivent pasfaire réfuter le diagnostic. Dans les cas rebelles, un traitement par neuromodulation peut êtreenvisagé.

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Docteurs Sophie CONQUY et Delphine AMSELLEM-OUAZANA Service d'Urologie, Hôpital Cochin, Paris

ONNELLES CHEZ LA FEMME.. .NCONTINENCE URINAIRE

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esPRISE EN CHARGE ACTUELLE

DU CANCER DE LA PROSTATE AU STADEMETASTATIQUE

Docteurs Sophie CONQUY et Delphine AMSELLEM-OUAZANAService d'Urologie, Hôpital Cochin, Paris

Ce que nous savions■ Le cancer de la prostate est un cancer hormonodépendant, l'hormone impliquée est la testostérone. Celle-ci est transformée en dihydrotestostérone, métabolite actif au niveau descellules prostatiques. La testostérone représente 95 % des androgènes circulants et elle provient très majoritairement de la production testiculaire et accessoirement de la productionsurrénalienne. Cette androgénodépendance des cellules prostatiques concerne à la fois les cellules normales et malignes, mais celle-ci n'est ni absolue, ni constante, ni totale, ni définitive.On assiste depuis plusieurs années à une diminution du stade pathologique au moment du diagnostic, grâce à l'utilisation plus large du PSA en dépistage, de l'imagerie, à la formationdes médecins et à l'information des patients.Seul le cancer de prostate localisé est curable. Le traitement de toutes les autres formes, localement avancées ou métastatiques, doit être considéré comme un traitement palliatif,même si les survies peuvent être prolongées. On définit 3 phases d'évolution du cancer de la prostate :

1 – Phase dite hormono naïve, où le patient n'a jamais été traité par hormono-thérapie.2 – Phase d'hormonosensibilité : une hormonothérapie est introduite, les cellules prostatiques y sont sensibles, on obtient une réponse biologique (baisse du PSA) voire clinique. 3 – Phase d'hormonorésistance : irrémédiablement, dans un délai plus ou moins long,le PSA remonte malgré l'hormonothérapie et les manipulations hormonales ne changent rien à cette évolution. On parle alors d'hormonorésistance puis d'échappementhormonal lorsque les clônes cellulaires prostatiques malins mutés sous la pression desélection que représente l'hormonothérapie évoluent. Jusqu'à lors, constamment,après l'apparition de l'hormonorésistance, la médiane de survie était de 12 à 18 mois.

En dehors des formes métastatiques d'emblée, l'apparition de métastases se voit en moyenne6 mois après l'échappement biologique. La médiane de survie, sous traitement hormonal, estalors de 30 mois (de 12 à 53 mois). Finalement, pour les cancers de prostate au stade avancé,quelles qu'étaient les manipulations hormonales faites, la médiane de survie n'augmentaitpas. L'objectif des traitements donnés jusqu'à lors était d'améliorer la qualité de vie.

Ce que nous faisions■ Au stade métastatique, l'hormonothérapie était indiquée dans tous les cas. Le plus souvent,la déprivation androgénique se faisait par castration médicale et quelques fois chirurgicale(pulpectomie). La déprivation médicale (castration chimique) doit associer un antiandrogènestéroïdien ou non stéroïdien pendant 15 jours pour éviter les phénomènes de flare-up (risquede flambée de métastases osseuses) puis un agoniste de la LH-RH en injection mensuelle outrimestrielle. La castration chimique a l'avantage d'être réversible. Les effets secondaires lesplus fréquents et classiques sont une impuissance sexuelle, une chute de la libido, des bouffées de chaleur et à terme une ostéoporose ainsi que des effets psychologiques (anxiété,dépression, instabilité affective).

La suite de la prise en charge, jusqu’à présent, ne consistait qu'en une série de manipulationshormonales : suppression de l’antiandrogène (syndrome du retrait des anti androgènes), ré-introduction d’un antiandrogène, changement de l'agoniste de la LH-RH, avec une évolu-tion inéluctable vers le stade d'hormonorésistance. C'est à ce stade qu'étaient utilisées les mou-tardes azotées (Estracyt®) avec leurs complications thrombo-emboliques connues qui en limi-taient l'utilisation. Parallèlement, les patients présentaient souvent de multiples métastases osseuses douloureuses et/ou se compliquant de fractures pathologiques nécessitantun traitement palliatif (radiothérapie antalgique et/ou chirurgie orthopédique). En cas d'évolution locale (rétention d'urine ou au contraire anurie), des résections prostatiques palliatives ou une libération des voies excrétrices supérieures (drainage par sonde JJ ounéphrostomie) étaient proposées.

RÉSUMÉSavoir orienter précocement les patients ayant un cancer de la prostate métastatique versune association hormono-chimiothérapie et prévenir les risques osseux par l’adjonction debiphosphonates.

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Ce que nous avons appris

■ Les travaux de D'Amico (1) nous ont aidé à identifier des groupes pronostiques dans le cancer de la prostate. En particulier sont de mauvais pronostic les tumeurs indifférenciées descore de Gleason ≥ 8, les PSA élevés ≥ 20 ng/ml et les stades cliniques ≥ T3. De plus, le temps de doublement du PSA après une première ligne de traitement (prostatectomie ou radiothérapie)conditionne le pronostic à long terme.Par ailleurs on a pu identifier récemment des tumeurs d'évolution péjorative (3) mais sensiblesà des chimiothérapies spécifiques qui sont les tumeurs de prostate neuro endocrines. Celles-ciont la particularité d'avoir un PSA bas alors qu'elles sont très indifférenciées. Le fait que l'émergence de clônes mutants hormonorésistants se fasse par la pression de sélec-tion due à l'hormonothérapie a conduit certains à évaluer le bénéfice d'une hormonothérapieintermittente (2) qui pour l'instant n'a pas montré d'efficacité supérieure à l'hormonothérapiecontinue en terme de survie, mais permet une amélioration de la qualité de vie dans la mesureoù les patients peuvent avoir des périodes longues sans traitement hormonal.

En 2004, une étude parue dans le New England Journal of Medecine a montré que l'associa-tion de docetaxel (Taxotere®) à l'hormonothérapie permet d'obtenir non seulement une amélioration de la qualité de vie, mais aussi une amélioration de la survie pour ces patientsmétastatiques (4, 5). Ce produit a reçu une AMM dans cette indication.

La qualité de vie des patients au stade métastatique étant une préoccupation majeure de leurprise en charge, un nombre important de recherches s'est orienté vers la compréhension desphénomènes osseux dus au cancer lui-même et à l'hormonothérapie prescrite. Il existe un nom-bre croissant de données cliniques confirmant l'intérêt des biphosphonates de dernière géné-ration (Zometa®) dans la prise en charge des ostéopathies métastatiques (6). Des études ontmontré que l’acide zolédronique (Zometa® biphosphonate de dernière génération) pouvait diminuer la morbidité liée aux complications osseuses, notamment la douleur et améliorer la qualité de vie chez des patients présentant des métastases osseuses, en particuliersecondaire à un cancer de la prostate.

Ce que nous devrions faire■ 1. Instaurer la chimiothérapie à base de Taxotere®‚ dans le cancer de prostate métastatique :

a. en particulier chez des patients ayant une espérance de vie prolongéeb. chez des patients faisant partie des groupes de mauvais pronosticc. chez des patients ayant un temps de doublement du PSA faible.

La privation hormonale doit être maintenue avec la chimiothérapie.

2. Prévention des risques osseux par l’adjonction de biphosphonates.3. Les traitements palliatifs sur les métastases osseuses tels radiothérapies ou chirurgie orthopédique doivent être pratiqués avant l'apparition des complications osseuses.4. L'utilisation d'une hormonothérapie prolongée doit faire pratiquer une ostéodensitométrierégulièrement afin de dépister l'apparition d'une ostéoporose.

■ 1. D'AMICO A.V., MOUL J.W., CARROLL P.R., COTE K., SUN L., LUBECK D., RENSHAW A.A., LOFFREDO M.,CHEN M.H.:Intermediate end point for prostate cancer-specific mortality following salvage hormonal therapy for prostate-specific antigen failure. J Natl Cancer Inst, 2004, 96, 509-515. ■ 2. DE LA TAILLE A., ZERBIB M., CONQUY S., AMSELLEM-OUAZANA D.,THIOUNN N., FLAM T.A.,DEBRE B.: Intermittent androgen suppression in patients with prostate cancer. BJU Int, 2003, 91, 18-22.■ 3. EISENBERGER M.,PARTIN A.: Progress toward identifying aggressive prostate cancer. N Engl J Med, 2004, 351, 180-181.■ 4. OUDARD S., BANU E., BEUZEBOC P., VOOG E., DOURTHE L.M., HARDY-BESSARD A.C., LINASSIER C., SCOTTE F., BANUA., COSCAS Y., GUINET F., POUPON M.F.,ANDRIEU J.M.: Multicenter randomized phase II study of two schedules of docetaxel,estramustine, and prednisone versus mitoxantrone plus prednisone in patients with metastatic hormone-refractory prostate cancer. J Clin Oncol, 2005, 23, 3343-3351. ■ 5. PETRYLAK D.P., TANGEN C.M., HUSSAIN M.H., LARA P.N., JR., JONES J.A.,TAPLIN M.E., BURCH P.A., BERRY D., MOINPOUR C., KOHLI M., BENSON M.C., SMALL E.J., RAGHAVAN D.,CRAWFORDE.D.: Docetaxel and estramustine compared with mitoxantrone and prednisone for advanced refractory prostate cancer. N EnglJ Med, 2004, 351, 1513-1520. ■ 6. SAAD F., GLEASON D.M., MURRAY R., TCHEKMEDYIAN S., VENNER P., LACOMBE L.,CHIN J.L., VINHOLES J.J., GOAS J.A.,ZHENG M.: Long-term efficacy of zoledronic acid for the prevention of skeletal compli-cations in patients with metastatic hormone-refractory prostate cancer. J Natl Cancer Inst, 2004, 96, 879-882.

RÉFÉRENCES

UR

OLO

GIE

PRISE EN CHARGE ACTUELLEDU CANCER DE LA PROSTATE AU STADE

METASTATIQUE (SUITE)

Docteurs Sophie CONQUY et Delphine AMSELLEM-OUAZANAService d'Urologie, Hôpital Cochin, Paris


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