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  • PROTOPRESBYTRE

    STPHANE ANAGNOSTOPOULOS

    VIVRE LA DIVINE LITURGIE

    La divine liturgie orthodoxe interprte et commente selon la Tradition et les expriences de

    nombreux prtres, moines et lacs orthodoxes

    LE PIRE 2011

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    Protopresbytre Stphane Anagnostpoulos

    VIVRE LA DIVINE LITURGIE

    Traduit du grec au franais par larchimandrite phrem Triantaphyllpoulos

    (Vicaire gnral du Saint vch de Sissnion et de Siatista.)

    Le Pire 2011

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    Auteur et C

    Protopresbytre

    Stphane Anagnostpoulos 26, rue Aghas Lavras CP 187 57 Kratsni

    Le Pire Tl. fax 0030210-4311872

    Achev d imprimer par G. Gklbessis Imprimeur Relieur

    Leophros Vilas Pentaghnou 1, Aghii Anrghyri

    Tl. 0030210-8547723 ou 8317703

    Traduit du grec par larchimandrite phrem Triantaphyllpoulos

    Vicaire Gnral du Saint vch de Sissnion et de Siatista

    CP 503 00 Siatista, Grce. Tl. 00302465021365 ou 00306977179788 mob.

    Fax : 00302465021204

    ISBN 978-960-930568-6

    Deuxime dition 2011

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    AVANT PROPOS LDITION FRANAISE

    Cest avec une joie en Jsus-Christ trs profonde et pour la gloire de notre Dieu Trinitaire que nous donnons lautorisation de traduire en franais notre tude modeste, Expriences Liturgiques . Cette analyse de la Divine Liturgie offre aux pieux lecteurs, non

    seulement quelques connaissances de base, mais aussi lexprience vcue, dans lhistoire, du sacrifice sur la Croix du Fils et Verbe de Dieu qui sest incarn du Saint-Esprit et de la Vierge Marie , en la Personne de notre Sauveur Jsus-Christ. Les orthodoxes de partout, de toutes les nations et de toutes les langues,

    qui participent au sacrement suprme de la sainte eucharistie avec crainte de Dieu, un vrai repentir, une foi fervente et un amour agissant, cest--dire dignement, sont divinement changs et incomprhensiblement transfigurs, car ils communient au Corps et au Sang du Christ pour la rmission des pchs et la vie ternelle . Et alors Cest le dbordement de la grce divine ! Cest la plnitude de lamour divin ! Cest la fte cleste et splendide ! Cest lclat spirituel et lallgresse divine ! Cest lembellissement anglique de lme ! Le fait que notre nature pervertie, dchue, se mle lme de Jsus-Christ, le Dieu-Homme et que notre corps misrable, notre sang souill par le pch et notre intellect entnbr se mlent son Corps tout saint, son Sang immacul et lIntellect infini de la Divinit de triple clat, constitue un grand miracle, un miracle inou ! Tout cela nest quune exprience ; cest la manifestation de la vie, de la puissance, de la lumire, non seulement dans la vie asctique des saints de lglise Orthodoxe, mais aussi chez des prtres serviteurs du Trs-Haut uvrant dans le monde et, en outre, chez certains fidles chrtiens orthodoxes qui aiment Dieu, qui ont revtu la robe de la sainte humilit et que transfigure sans garement lobservation des commandements. Ce miracle rdempteur tmoigne de la venue de la Divinit Trinitaire dans notre cur, selon la parole vanglique nous viendrons lui et nous tablirons en lui notre demeure . (Jean 14, 23) Je souhaite humblement que le cur de tout prtre clbrant orthodoxe (de quelque rang quil soit), franais ou francophone, devienne un buisson ardent par le feu de la Divinit et quil vive en mme temps lunion incomprhensible entre lAutel cleste et lAutel terrestre en une unit

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    indivise, car il ny a qu un seul troupeau et qu un seul berger, notre Seigneur, le Christ !

    Je souhaite aussi que tout chrtien orthodoxe qui participe la Divine Liturgie et qui communie aux Saints Mystres, vive de toute son me et de tout son corps la descente du charbon ardent du Saint-Esprit qui lui offre,

    par la grce, la rmission des pchs, la dlivrance et la sanctification afin que son cur crie triomphalement Abba, Pre . Priez pour moi, prtre pcheur Stphane, pour ma femme Hlne, mes enfants, mes petits-enfants et mes arrire-petits-enfants. Chers frres et surs, recevez tout mon amour en Christ,

    Protopresbytre Stphane Anagnostpoulos

    Note du traducteur

    Je dsire fort remercier du fond de mon cur - le trs rvrend et cher Archimandrite Placide Deseille et la

    fraternit de Solan pour leur encouragement et leurs remarques essentielles,

    - le rvrend et cher pre Timothe Ntumba, thologien, de la Diocse de lAfrique Centrale,

    et

    - . Chrstos Vassilidhis, thologien, sans la contribution desquels la ralisation de cette rude tche naurait pas t possible.

    Archimandrite phrem Triantaphyllpoulos

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    LARCHEVQUE DATHNES ET DE TOUTE LA GRCE CHRISTODOULOS

    No denregistrement /X/EX. 478 / 2006 Athnes, le 26 janvier 2006

    Rvrend Pre, Le fait de traduire en franais louvrage intitul Expriences Liturgiques du pre Stphane Anagnostpoulos, prtre pieux et digne, est une entreprise importante, laborieuse et srieuse. Lors du travail, prenez garde ladaptation des termes thologiques Je souhaite que notre Dieu de bont vous fortifie abondamment pour laccomplissement des uvres qui lui sont agrables.

    Prieur fervent envers le Seigneur,

    Signature

    Monastre de la Protection De la Mre de Dieu Dpendance du Monastre de Simonos Petra (Mont Athos) Solan 30330 LA BASTIDE DENGRAS FRANCE

    Solan, le 18 aot 2005

    Rvrend et cher Pre, votre bndiction, Le livre est extrmement intressant et nous esprons quil pourra tre utile de nombreux fidles ici en France. Nous ne pouvons que vous encourager vivement continuer votre uvre Nous nous confions dans votre prire et avec notre reconnaissance pour ce trsor que vous mettez la porte des orthodoxes francophones, nous vous prions de recevoir nos respectueuses salutations dans le Seigneur.

    Lancienne du Saint monastre Moniale Hypandia

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    Ddi avec reconnaissance

    larchimandrite phrem, ancien du saint monastre Philothou au Mont Athos qui a t, depuis plus de quarante ans, mon trs

    respect et saint ancien, pre affectueux,

    guide lucide, pre spirituel discret, bon pasteur, prdicateur suave,

    lutteur spirituel assidu,

    imitateur du Christ

    lesprit ecclsiastique pur au sein de lglise Orthodoxe.

    tous les membres du clerg orthodoxe de tous les rangs qui,

    partout sur la terre, revtus du sacerdoce du Christ, prservent

    Son hritage irrprochable et intact.

    mon pouse et compagne de vie grandement aime, Hlne, ainsi qu nos enfants et petits-enfants.

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    AVANT-PROPOS DE MON ANCIEN* ARCHIMANDRITE PHREM

    Que cest grandiose la Divine Liturgie ! Combien Dieu fait honneur lhomme quand, il descend avec les armes des anges chaque Liturgie pour le nourrir de son Corps trs saint et de son Sang ! Il nous a tout donn. Il ne nous prive de rien de corporel ou de spirituel, de prissable ou dimprissable. Puisqu il nous donne quotidiennement, Son Corps et Son Sang trs saints, difiants, il ne Lui reste rien de suprieur nous octroyer. Dans quel mystre na-t-il pas accord lhomme terrestre la grce de se plonger ! ! Amour cleste, inestimable ; une seule goutte damour divin dpasse tout amour profane, physique, mondain. Le pch originel fut le commencement et la racine de tous les vnements dplorables survenus jusqu ce jour et il le sera jusqu la fin des sicles. Cette unique dsobissance, comme une semence dans le sein dve, a engendr la mort et en a contamin le corps et lme du genre humain. Comment aurait-elle pu la malheureuse ve s imaginer que le seul fait de goter au fruit, ayant provoqu une telle catastrophe infernale, forcerait la Trinit, principe de vie, envoyer d un commun accord la Deuxime Personne dans le monde o Elle y subirait, de la part de l homme qu Elle-mme a cr, soufflets, insultes, flagellations, crachements et toutes sortes d ignominies et finalement serait suspendue la Croix, signe de maldiction ! Car, Maudit soit quiconque est pendu larbre .1 La passion sur la Croix ainsi que la vivifiante Rsurrection de notre Jsus, qui constituent la dlicieuse rdemption de nos pchs et la lumire de nos mes entnbres, se reprsentent rellement chaque Divine Liturgie et rconcilient avec Dieu toute me pcheresse. vrai dire, combien Jsus nous aime ! Il a assum la nature humaine et sest laiss crucifier pour nous offrir la libert et lacquittement de nos dettes envers son Pre cleste ; comme un frre bien aim, Il nous rend dignes dhriter des richesses paternelles infinies. Si, dans lAncienne Alliance, sous lombre de la vrit, le sang des taureaux et les cendres des jeunes vaches pouvaient purifier les impurs, plus forte raison le saint Sang sur les Autels des saintes glises de Dieu, nous purifiera-t-il de tout pch et rchauffera-t-il notre me par lamour divin de notre trs doux Jsus. Lagneau gorg pour notre salut, nous baignera, nous lavera de la salet de nos pchs et fera rgner la paix en nous, ternellement !

    1 Gal. 3, 13. * Le terme grec ancien est peu prs synonyme au terme russe

    starets n.d.tr.

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    ! Comme il nous revient, tout prix, de nous approcher de cette Cne divine et cleste que le sacrement surnaturel de lautel nous accorde ! Il faut donc que nous nous tenions dans lglise avec pit et crainte de Dieu, parce que le Christ, assist de ses saints anges, invisiblement y est prsent. Il remplit de sa grce et de sa bndiction ceux qui sont pieux et attentifs tandis quil dsapprouve ou il considre indignes les distraits. Les anges servent, les fidles se prsentent la sainte communion pendant que le chur chante le recevez le Corps du Christ, gotez de la source immortelle , pour vivre en Christ et ne pas succomber leurs pchs. Donc, que chacun sexamine lui-mme, avant de manger ce pain et de boire cette coupe 1 car celui qui mange et boit sans discerner le corps, mange et boit sa propre condamnation .2 Comme, quand quelquun veut se prsenter devant le roi, il se prpare pendant longtemps et d une faon spciale, par la propret, les paroles prudentes, une conduite attentive etc, dans lattente de gagner la sympathie du roi et d obtenir ce qu il dsire, ainsi suivant la diffrence incomparable qui existe entre le roi terrestre et celui des cieux, chaque chrtien doit se prparer avant la sainte communion afin de pouvoir obtenir le pardon et la rmission de ses pchs. Celui qui se prsente devant le roi terrestre, maintes fois a recours la malice, la flatterie, la prtention et au mensonge pour satisfaire ses dsirs, tandis que le chrtien fidle, quand il veut se prsenter devant le Roi des rois qui surveille l homme intrieur, doit tre par de saintet, d humilit et de simplicit d me, choses plus prcieuses que l or qui est prissable. Le Seigneur a cr son glise qui est son pouse sur la terre afin quelle intercde auprs de lui au profit de ses enfants lui. Il nous a laiss le grand sacrement de leucharistie. Cest ainsi que nous pouvons nous purifier, nous sanctifier et nous difier. Il nous a tous appels, les uns ds leur enfance, les autres lge mr ou la vieillesse. tant trs bon, il nous a tous reus, comme la poule sous ses ailes pour nous rendre participants son royaume divin. Il ne nous a pas pris en aversion cause de nos maladies, de nos blessures, de nos ulcres ou de la difformit spirituelle de nos mes. Il nous a accepts comme un pre ; il nous a allaits comme une mre et comme un mdecin qui naccepterait mme pas de toucher ses honoraires, il nous a guris et nous a revtus de la premire tenue dadoption et de la grce, passant outre limmense dette de nos pchs. Donc, nous lui devons une adoration et un amour infinis. Que lamour rgne dans nos curs comme une source vivante d o jaillissent des ruisseaux de vin divin, des fleuves damour divin.

    1 I Cor. 11,28.

    2 I Cor. 11,29.

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    Participons le plus frquemment possible au sacrifice de lAgneau immol, si rien ne nous en empche, car la sainte communion constitue une aide excellente pour ceux qui luttent contre le pch. Approchons-nous du saint sacrement avec beaucoup de componction, de contrition et le

    sentiment profond de nos pchs. Que cest grande est la misricorde de Dieu ! Lui, il veut bien entrer dans notre me sans nous prendre en aversion cause de nos innombrables chutes. Son amour et son affection tant infinis, Il vient nous sanctifier, en nous accordant la grce de son amour et son affection, la grce de devenir ses enfants et cohritiers dans son royaume. Prparons-nous donc, nous aussi, dun esprit purifi, par la mortification de nos sensations vicieuses, tout modestes, nous prsenter la Cne divine et mystique, avec les saints Aptres, pour recevoir la sainte communion, notre trs doux Jsus, afin que celui-ci demeure en nous dans les sicles des sicles. Quant moi, je suis compltement indigne de clbrer la Divine Liturgie. Cet office est vraiment redoutable. Tous les jours, joffre le sacrifice agrable Dieu, lagneau immacul, offert au Pre Dieu trs saint, pour qu il nous fasse misricorde de tout ce par quoi nous l attristons, tandis que lui a sacrifi son Fils par gard pour nous. ! Mon Dieu. Ton Fils bien aim pour nous ! Qui sommes-nous, pour mriter ce Sacrifice suprme ! Quand nous tions ennemis de Dieu, nous avons t rconcilis avec lui par la mort de son fils .1Par ailleurs, cest un vnement bien connu que plusieurs interprtations et analyses de la Divine Liturgie illumines par la grce du Saint-Esprit, nous ont t transmises par divers crivains de la part des saints Pres. Mais, ce qui rend la prsente analyse de la Liturgie de mon enfant spirituel pre Stphane Anagnostpoulos digne de toute attention et trs bnfique sur le plan spirituel, c est qu elle est riche d expriences vcues et de la description des visions accordes certains prtres mritants, soit gs, soit plus jeunes. Je souhaite, et tel est galement le dsir profond de son auteur, que ce livre nous conduise une vie liturgique consciente et authentique et quil nous incite uvrer ardemment, en serviteurs reconnaissants, au repos divin de sorte que Dieu se console

    2 et que nous autres, nous ressentions Son

    saint Don, nous rjouissant dans la beaut de son Amour ! Amen ! Ainsi soit-il !

    Le plus indigne

    + Pre phrem

    1 Rom. 5,10.

    2 Ps. 134,14

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    AVERTISSEMENT AU LECTEUR EN GUISE D

    INTRODUCTION

    Les chrtiens qui frquentaient lglise de sainte Barbe Kratsni du Pire o jofficie, mont demand plusieurs reprises des homlies vesprales ayant pour objet la Divine Liturgie et son explication. Conscient de mon manque daptitude faire des sermons, ainsi que des dfauts de mon expression orale extrmement pauvre, sans lgance et pleine de fautes, jai dabord hsit. Cependant, quelques annes plus tard, me fondant sur bien des manuels et des travaux remarquables, j ai os embellir les interprtations existantes par des apports charismatiques du mystre redoutable du sacrifice non-sanglant de Jsus-Christ, confirms par des expriences relates ici telles qu elles m ont t confies en priv par quelques mes pures et humbles et aprs avoir rflchi sur certains vnements, s y rapportant. Ainsi, la premire homlie vesprale a eu lieu au mois doctobre 1992 et la dernire en mars 1995. Au total, cinquante-deux homlies enregistres, ont t faites. Le but principal de ces homlies tait de guider le peuple de Dieu vers une participation plus vivante, plus chaleureuse et plus authentique au

    sacrement de la communion avec Jsus-Christ le Sauveur, pour la transfiguration et la dification de lhomme dans sa totalit. Cependant, pour que la grandeur inaccessible de la Divine Liturgie soit

    mise en relief et que les fidles, participant ou non au Calice de vie, puissent en profiter, jai essay de me rfrer des vnements rels qui ont une relation directe ou indirecte avec le sacrement de leucharistie. Ces cas dexprience ont t tirs dune multitude de Livres des Anciens (livres avec des recueils de maximes et de rcits des vies des saints), de tout ce que des ancien (anciens, prtres-asctes sanctifis), des curs justes et humbles qui vivent dans le monde, des moines du Mont Athos ou enfin, des lacs pieux ont bien voulu me confier, ainsi que de ce que j ai pu moi-mme voir ou entendre pendant les quarante-trois annes de ma vie de prtre. Ces tmoignages authentiques sur la Liturgie, qui proviennent de prtres de tout rang, de combattants spirituels, mais aussi de lacs, connus ou anonymes, ont t vrifis par des pres spirituels expriments, afin d viter les ruses du malin, les illusions, les imaginations et les garements.

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    Ces tmoignages constituent llment particulier des homlies en question, tant donn la richesse inpuisable et ingalable qui peut caractriser une explication de la Divine Liturgie.

    Le pieux lecteur remarquera que ces rcits vrifis se rapportent certains moments particulirement merveilleux de la Divine Liturgie, comme lHymne des Chrubins, la grande ou la petite Entre, la conscration des saintes espces, la sainte communion. Ils sont rpartis dans tout le corps du texte, visant exclusivement apporter un profit spirituel au cur des lecteurs, indpendamment de la partie de la Divine Liturgie qu on y analyse.

    Ds la premire homlie, nous avons constat que ces narrations vrifies motivaient les auditeurs, que leur pit sen trouvait renforce aussi bien que leur respect envers le Mystre royal de la Divine Liturgie. Ainsi, leur prparation pour la rception de la sainte communion prenait dj des dimensions plus spirituelles. Toutes ces homlies ont t enregistres et mises la disposition de nombreux chrtiens, qui ont pu ainsi en prendre connaissance.

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    Bien des prtres, ainsi que des lacs, mont vite propos de les publier. Rien que dy penser, jen tremblais. Finalement, au bout de sept ans, jai cd, les homlies ont t transcrites et publies dans ce volume. Le texte conserve le style du langage oral, propre au sermon, avec les corrections

    ncessaires, juges indispensables, apportes par des thologiens, des philologues et dautres pieux chrtiens. Je les remercie fort parce quils se sont surpasss et je souhaite que les dons salutaires de Dieu remplissent abondamment leurs curs. Pendant la priode des dix ans qui a suivi la prsentation orale de ces homlies-sermons, bien dautres vnements apparents et aussi merveilleux que ceux dj mentionns auparavant, m ont t rapports par des prtres et des lacs. Certains d entre eux ont t inclus dans la prsente dition lenrichissant encore plus. bien des mes, ces sermons ont t dun grand profit spirituel, les aidant mieux prendre conscience, autant qu il tait possible, de la grandeur de la Divine Liturgie. Cest pour cela que, je procde maintenant leur publication et je souhaite humblement et de tout mon cur que certaines mes, mme si elles ne sont que peu nombreuses, puissent tirer profit de leur lecture grce leur prsentation dans le prsent volume.

    1 Les homlies paratront aussi en CD.

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    Pour toute omission ou exagration, je demande humblement pardon car, elles proviennent de mes imperfections. Mon but tait, et demeure, le profit spirituel, ft-ce dune seule me, surtout quand il sagit de l me d un prtre.

    Rdig le 31 aot 2002,

    Fte de la Dposition de la sainte Ceinture de la Vierge.

    Celui qui nest que terre et cendre + Pre Stphane

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    INTRODUCTION GNRALE LA DIVINE LITURGIE

    Qui est le clbrant, pendant la Divine Liturgie ? Le prtre seul ou toute la communaut dans son ensemble ? Toute la communaut : le peuple de Dieu et le prtre. Lglise constitue le Corps mystique de Jsus-Christ dont nous tous, le clerg et le peuple, nous sommes les membres. Lglise en tant que Corps du Christ prie pour le monde entier. Elle sintresse au salut de tous. Cependant, elle clbre la Divine Liturgie seulement avec les fidles chrtiens orthodoxes, cest--dire avec ceux qui ont reu le saint Baptme et le saint Chrme. Eux seuls, constituent les membres de lUne glise, Sainte, Catholique et Apostolique. Eux, ils sont le peuple de Dieu.

    La Divine Liturgie est le culte public de tous les fidles. Elle est offerte Dieu de la part du peuple de Dieu et du prtre clbrant. Son don divin et son fruit salutaire, cest--dire le sacrifice rdempteur, sont offerts nous tous, qui constituons le peuple de Dieu. La Divine Liturgie est donc

    accomplie par le peuple de Dieu et pour le peuple de Dieu, de notre part et

    pour nous.

    Par consquent, les prtres et les fidles chrtiens, les lacs, tous ensemble, constituent le peuple de Dieu. Nous, les prtres, ne clbrons jamais seuls ni en secret. Un prtre ne peut pas clbrer la liturgie lui seul, il ne peut pas dire Bni soit le Rgne du Pre et du Fils et du Saint-Esprit et ensuite, rpondre Amen . Il ne peut pas dire le En paix prions le Seigneur et puis rpondre lui-mme : Seigneur, aie piti . Au moins une deuxime personne doit tre prsente ; il faut quil y ait au moins deux personnes : lune qui clbre et lautre qui reprsente les lacs. Quand nous sommes dans lglise, durant la Divine Liturgie, nous ne sommes pas de simples spectateurs. Nous le sommes quand nous regardons

    un match de football ou quand nous sommes assis devant la tlvision. Pendant la Divine Liturgie nous ne sommes pas spectateurs. Nous clbrons et nous entendons en mme temps. Cest pour cela que nous devons nous ressentir responsables. Comme le prtre est responsable de son comportement devant lAutel, de mme les lacs sont responsables de leur comportement dans lglise. Nous autres, comme peuple de Dieu, nous clbrons la Divine Liturgie par lintermdiaire des prtres et des vques qui ds leur ordination, ont reu la grce et le pouvoir du sacerdoce. Les lacs sont une chose ; les prtres ministres du Trs-haut en sont une autre. Il est certain que les lacs, par leur saint baptme, participent la triple dignit du Seigneur. Donc, ils participent aussi la dignit piscopale du

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    Christ le Sauveur. Cest ce que laptre Pierre appelle la communaut sacerdotale 1, et saint Basile le Grand le rpte. Les lacs ne sont pas ordonns, ils ne sont pas prtres. Ainsi la diffrence entre prtres et lacs est claire.

    Les prtres sont les pasteurs spirituels qui guident lglise du Christ, tandis que les lacs sont les brebis spirituelles conduites dans l enclos du Christ. Le prtre, ministre du Trs-Haut, qui clbre les sacrements Immaculs, est en mme temps membre du Corps du Christ. Nous sommes tous ensemble membres du Christ. Nous sommes aussi membres les uns des

    autres. Nous sommes le peuple de Dieu. Nous sommes lglise du Christ, le Corps du Christ.

    1. partir de 1815, Milos tait roi de Serbie. Un dimanche, il est all avec sa famille la chapelle du palais pour loffice. Comme le prtre du palais tait g et malade, ce dimanche-l, un prtre qui avait 30 ans, rcemment ordonn, clbrait loffice. La liturgie termine, le clbrant distribuait lantidoron*. Le roi sy est approch le premier. Il tait trs g. Quand le prtre lui a donn lantidoron, il a retir sa main pour que le roi ne la baise pas. Alors le vieux roi la regard rigoureusement et lui a dit : Donne-moi, mon pre, ta main et ne la retire pas la prochaine fois parce que ce nest pas ta main que je baise, c est ton sacerdoce. Cest le sacerdoce du Christ que jembrasse et je m incline devant elle qui est vraiment suprieure nous deux ! 2 Cet vnement est authentique et nous enseigne beaucoup. Premirement, il nous enseigne que le service du prtre est grand. Deuximement, que nous devons le respecter et lhonorer. Troisimement, que sans le sacerdoce, sans le clbrant, nous ne pouvons clbrer aucun sacrement. Le prtre na pas une sacerdoce part, mais celle du Christ et il l a en lui, dans son me, dans tout son tre. Par la grce du sacerdoce il enseigne, il clbre, il guide le peuple de Dieu, il gurit et il administre comme quelqu un qui a de lautorit . (Mat. 7, 29) Pour que lglise du Christ existe vraiment, le prtre et la Divine Liturgie sont absolument indispensables. Sans eux, nous ne sommes pas une glise mais tout simplement une fondation charitable, une organisation

    quelconque, comme cest le cas des protestants.

    1 I Pierre 2,9.

    2 Augustin Cantitis, vque de Florina, , p. 50.

    * pain bni, n.d.tr.

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    Conclusion : pour nous lglise cest le peuple, le prtre clbrant et le saint Autel, cest--dire la Divine Liturgie. La Divine Liturgie n a t labore ni par les gens ni par les Aptres ; c est pourquoi, elle est un grand Mystre, incomprhensible, indicible, ingalable, le plus divin, tabli par Notre Seigneur Jsus-Christ lui-mme, le soir du jeudi saint. Cest donc en continuant ce mystre immacul que l glise clbre la Divine Liturgie. La sainte eucharistie est encore un sacrifice, par lequel le sacrifice de la Croix de Jsus-Christ se continue de faon non sanglante. Nous y participons tous, en tant que peuple de Dieu, prtres et lacs. Ainsi, la Divine Liturgie constitue aussi une communion des fidles, une communion au Corps et au Sang du Christ. Dans la biographie du pre Jacques Tsalkis, ancien du monastre de saint David*, un professeur duniversit qui a t un de ses enfants spirituels, rapporte lvnement suivant :

    Le pre Jacques a vu et touch le Sang trs saint du Seigneur . 2. Ce trs grand et trs admirable miracle que Dieu lui a accord, a eu lieu le matin du 22 novembre 1975. Le pre en a t tellement boulevers quil la consign par crit. Ces notes ont t retrouves aprs sa dormition dans lun des ses cahiers. Dates de ce mme jour, elles comportent exactement les mots suivants : Le 22 novembre, samedi matin, loffice de la Prparation la Prothse, aprs la commmoraison et au moment o jallais procder la couverture des Saints Dons, jai vu dune faon bien vivante, et je lavoue en toute humilit, un morceau de Sang sch, que jai touch de mon doigt ! Il y avait du sang sur mon doigt ! Lorsque jai appel du saint monastre pre Sraphin et je lui ai dit tout ce qui stait pass, il ma rpondu : Pre, nous, nous ne voyons rien. Toi, tu as vu ce que ctait ? Moi, jai rpondu que je crois et je me prosterne devant Dieu Lui-mme qui est prsent. Jai dit trois fois Seigneur, aie piti. Seigneur, aie piti. Seigneur, aie piti .

    + Archimandrite Jacques1

    Un miracle similaire est arriv au pre Antoine Tsgas, qui tait prtre lglise du prophte lie sur la butte de Castla au Pire, du vivant de l estim bienheureux Chrysostome Tavladhorkis, vque du Pire. 3. Un samedi matin, tandis que pre Antoine clbrait la Divine Liturgie et au moment o la conscration des saintes spces tait arriv, stant

    1 Papadpoulos Stylians , p. 111.

    * Monastre qui se trouve en Eube, une le grecque.

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    agenouill, il disait la prire approprie consacre, les mains appuyes sur lautel. Au moment o il allait se relever pour bnir les Saints Dons, une goutte de sang est tombe den haut sur sa main. Elle la mme clabouss ! cette vue, il a t pris de terreur ! Il sest lev tout tremblant. Il a regard le sang et une crainte sacre, une frayeur, une pouvante, une stupfaction, une extase, un blouissement, des sentiments divers et incomprhensibles, se sont empares de lui, tels quil tait difficile au pre Antoine de dcrire. Il ne savait quoi faire. Il a lch le Sang du Christ, hbt comme il tait. Mais aprs ce miracle, par la grce de notre saint Dieu qui la amen regarder dans le saint calice, il a constat que celui-ci tait vide. Il avait oubli dy mettre du vin. Il a regard le Corps et il a constat quil ntait pas transperc ; cest--dire quil navait pas achev loffice de la proscomidie. Le chantre a continu de chanter Nous te chantons, nous te bnissons . Dun hochement de tte le prtre lui a fait signe de continuer. (Il ny avait pas beaucoup de monde car ctait samedi.) Il a pris la sainte lance, a transperc le saint Pain et dit : Lun des soldats lui pera le cot avec sa lance et aussitt il en sortit du sang et de leau . Il a rempli le saint calice, y a mis du vin et de leau comme d habitude, le bnit en croix puis il sest agenouill, a lu la prire de la conscration, sest mis debout, a bni les saints dons et notre Dieu trs saint a chang le pain et le vin, comme cela se passe chaque Divine Liturgie, en Corps et en Sang du Christ. Aprs la Conscration, la Divine Liturgie termine, il a consomm le contenu du saint calice quil a compltement nettoy. Immdiatement aprs la Divine Liturgie du samedi, il est all raconter ces vnements lvque Chrysostome. Celui-ci lui a pris sa main et la hume. La main toute entire embaumait dun parfum indicible ! Il la saisi et sest mis la baiser, plusieurs reprises. -- Monseigneur, dit pre Antoine -- Je ne baise pas ta main, dit-il, bien quil convienne de le faire car tu es clbrant du Trs-haut. Cela na pas dimportance si toi, tu es prtre et moi, je suis vque. Moi, je touche sur ta main le Sang de Dieu, le Sang de Dieu !

    Je me souviens quaprs la dormition du pre Antoine, lvque lui-mme ma racont lhistoire et comme il tait trs expressif, il sest lev en me disant :

    -- Pre Stphane, le Sang de Dieu ! Et il sest mis pleurer. Voil ce que cest, la Divine Liturgie ! 1

    1 notes personnelles de l auteur

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    Je ny pense pas de rsoudre des problmes liturgiques ou historiques. Au contraire, nous nous efforcerons, tous ensemble, de comprendre et de vivre

    lOffice Divin. Saint Jean Damascne dit que la Divine Liturgie sappelle aussi Sainte Communion, parce que nous y participons la chair et la divinit de Jsus-Christ.1 Par consquent, chaque fois quon communie et quon sapproche du mystre immacul, on vit la Divine Liturgie comme une Sainte Communion et en mme temps, comme une rencontre divine. Comment ? Ce nest pas facile rpondre ce comment . Cela prsente des difficults souvent insurmontables. Le digne clbrant de la Divine Liturgie, aussi bien que ceux qui participent dignement la sainte communion, ne peuvent pas exprimer, dcrire ou exposer ce quils y vivent. Ils ne peuvent pas trouver des mots pour le dire ou pour lcrire. Lexprience bouleversante vcue par le pre Jacques est dcrite en trois lignes. Ce qui se vit ne se dit pas car cela ne peut pas sexprimer en paroles. La vrit, la ralit du grand Mystre risque dtre vide de son contenu, car elle ne se trouve pas dans les paroles, dans les belles expressions potiques ou dans les procds esthtiques quon utilise. La vrit se trouve dans lvnement inaccessible du changement des saints dons, du pain et du vin, en Corps et en Sang

    du Christ. Les mots rduisent lvnement Pourtant, cet vnement est vcu de manire psychosomatique :

    selon le niveau spirituel des fidles, selon leur foi, selon leur puret, selon leur repentir.

    ! Chrtien, Quel est ton repentir ? Quelle est ma contrition ? quel degr de pnitence te trouves-tu ? Peux-tu prouver de la componction ? Peux-tu verser des larmes ? Mais quel repentir et quelles larmes ? Celles

    que Dieu seul voit et non celles que les autres voient, celles que tu penses

    avoir. Seulement celles que Dieu seul voit !

    Et certainement, selon le dsir ardent et sincre de communier que ressent le fidle.

    Lhomme tout entier participe au culte divin : lme et le corps lesprit et les os le cur et les cinq sens mme les viscres !

    1Saint Jean Damascne, , p. 375.

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    4. Un prtre m a racont ce qu il a vcu une fois, aprs la consommation du reste des saintes espces. Que ne fut pas son extase ! Il a ressenti sa poitrine et son cur se transformer en un ciel immense, dune faon indescriptible ! Notre Seigneur se trouvait intronis au centre de ce ciel ; Sa droite sa trs sainte Mre immacule et autour de son trne, tous les prophtes, les justes, les anctres, les aptres, les hirarques, les saints patriarches, les prtres et les moines mritants, les troupes innombrables des martyrs, les saints rendus resplendissants par lascse, les pres thophores des Conciles cumniques, les saints anargyres, les saints qui se sont distingus dans le monde, les armes innombrables des anges, des archanges, des chrubins, des sraphins, des trnes (comment vous en parler!) Il a vu des taxiarques servant le Seigneur, les saints, les cieux et

    tous les chrtiens, toute lglise. Il a tout vu ! Et plus bas, les innombrables mes des vivants et des dfunts. Il a tout vcu de toute son me et avec la participation de son corps partir de sa poitrine. Un ciel immense a-t-il dit, la joie et la jouissance du paradis . Et il est rest ainsi, essuyant le saint calice. ce moment-l, il a tout ressenti, il a tout compris. 1 Ce ne sont pas de simples paroles, mots ou phrases mais des vnements et des ralits, tout ce quil a vcu et il ne pouvait le dcrire que comme ci-dessus. Cependant, les mots et les phrases ont limit cette ralit. En ce vieil homme il y a eu un vrai tremblement de terre qui la secou profondment. Pour mieux comprendre, il faut savoir quon ne peut pas saisir lexprience spirituelle de quelquun, si on ne la pas vcue lui-mme, surtout sil sagit dtats spirituels transcendants qui ont leur langage eux.

    Certains interprtent mal le sens, doutent, objectent ou se mfient quand ils entendent parler dun vnement de ce genre ou quand on leur dcrit un miracle ou un tel changement spirituel provenant de la Grce parce que les descriptions qui en sont donnes sont tellement pauvres quelles vident la ralit de sa substance et rduisent lvnement. Mais malgr tout, il ne faut pas douter parce quil est certain que tout cela a eu vraiment lieu.

    * * *

    5. Un de mes proches parents m a racont l vnement suivant : l un de ses amis qui est docteur, quand il tait enfant, allait lglise avec son petit cousin. Tous les deux riaient pendant loffice et drangeaient les autres petits enfants qui se trouvaient dans lglise. Ils se comportaient comme 1 notes personnelles de l auteur.

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    certains petits enfants qui, chappant la surveillance de leurs parents, se dplacent et courent a et l dans l glise sans raison. La liturgie tant finie et tout le monde tant parti, les deux petits cousins, aprs avoir reu l antidoron, ont recommenc se conduire mal dans l glise. ce moment-l, une voix de femme, svre mais douce, s est fait entendre : -- Ce n est pas permis de jouer dans la maison de mon Fils ! Il ne faut pas courir et l car ici, on prie, on communie son Corps et son Sang, au Sang de mon Fils !

    Soudain, Elle les saisit par la nuque et en un clin dil les deux enfants se sont trouvs dehors, sur le parvis de lglise ! Le docteur continue affirmer mme aujourdhui : Quon vienne me demander si Dieu existe ou pas ! Dieu ma parl par sa trs sainte Mre ! 1

    De cette faon on en conclut quon peut vivre des vnements mais quon ne peut pas les dcrire. Cependant, quand on parle de la Divine Liturgie, il est ncessaire doser quelques descriptions et quelques analyses. Les sujets qui portent sur la Divine Liturgie sont parmi les plus difficiles,

    mme si on les considre comme dj connus. On sait que la procession du prtre portant lvangile devant les fidles, la suite des enfants qui tiennent des cierges et qui portent les emblmes de sraphins (en mtal ou en bois), sappelle la Petite Entre. Tout cela vous est connu ; quoi bon le redire ? Il est quand-mme trs difficile de pntrer au cur de lvnement et de l enseigner en tant qu vnement. Il existe en effet un certain vnement derrire ce dplacement du prtre. Tout ce qui est dit, tout ce qui est chant, tout ce qui est entendu, vu par les yeux, senti par le nez ou encore toutes les lumires ne sont pas de simples types ou symboles, des mots simples ou des sons ordinaires, de

    simples petites flammes qui allument les cierges ou les lampes lhuile. Cest une question dessence. Il sagit dvnements bouleversants , dune profondeur inconcevable et incomprhensible ; on ne peut y toucher ni spirituellement ni physiquement.

    Nous nallons pas faire des traits thologiques ou des analyses historiques concernant les saintes glises et ce qui sy passe. En interprtant la Divine Liturgie, nous nous efforcerons humblement dinstruire et de nous instruire. Cest moi qui ai le plus besoin dinstruction et de prire ; ne moubliez pas. Il ny a quun seul vnement central la Divine Liturgie : LE MIRACLE. Le miracle du changement des saints dons. Pourtant,

    1 notes personnelles de lauteur

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    particulirement ce miracle, comme un vnement vcu, peut s exprimer seulement par le silence.

    Tous ceux qui participent dignement au calice commun du saint Corps et

    du saint Sang, sont aussi en communion les uns avec les autres ; ils s unissent en la foi . Sommes-nous en tat de comprendre cette union ? Si oui, dans quelle mesure ? De tout ce qu on a vcu, que peut-on dcrire ou exprimer ?

    N importe qu on ose dire, si Dieu nous en rend dignes, tant donn que c est de toute faon audacieux de parler de ces choses divines, sera bas sur les Pres de l glise et sur la Sainte criture. Ainsi, on va vivre la continuit de la Sainte Tradition, parce que la Divine Liturgie exprime vraiment cette Tradition. On ne peut pas facilement dfinir la Tradition ou la dcrire, on la peroit comme une ralit vivante pendant la Divine Liturgie. Cela n a rien voir ni avec la somptuosit des habits sacerdotaux ni avec la magnificence byzantine mais avec tout ce qui est accompli,

    prononc ou chant et avec l esprit vigilant de communion et d unit qui existe entre les fidles, en tant que membres du Corps de l glise du Christ. Aucun des mots qui s y prononcent n est dpourvu de but, aucune parole n aboutit dans le vide. Aucun mouvement, aucun contact, aucune bndiction ne doivent passer inaperus ; mais tout cela constitue un dialogue spirituel et mystique de sons, de mouvements et de lumire qui pntre au plus profond du cur des fidles qui frquentent lglise. Par exemple :

    l lvation de l vangliaire. Les ecphonses telles que :

    Bni soit le rgne Sagesse ! Tenons-nous droit, et Paix tous , l inclination de la tte ( inclinons nos ttes ) l encensement le signe de la Croix, l amen (que c est puissant comme le tonnerre !) la petite et la grande entres les objets liturgiques et les saints voiles, la sainte iconostase, le trne, l humilit des chants sacrs la lumire joyeuse des cierges et des lampes l huile.

    Tous ces lments, d une manire mystique, parlent, enseignent et guident le cur des chrtiens et du prtre clbrant. Tout ce qui se droule, tout ce qui est dit et entendu pendant la Divine Liturgie vise donc aider les

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    participants tourner leur cur vers cet vnement vritable et rel et se laisser captiver par lui, c est--dire par le changement des Saints Dons et non par la personne du prtre. Jsus-Christ ne se cache pas dans les Saints Dons. Il ne s y trouve pas dissimul. Quant au vin et au pain, ce ne sont pas de simples symboles du Corps et du Sang du Christ, comme laffirment les protestants. Beaucoup plus il sagit non d une union ordinaire mais d une union mystique de l me de chaque fidle Jsus-Christ. Non ! Je pourrais crier mille fois : non ! Ce Changement vritable et rel, c est LE CHRIST ! Le Christ-mme. Voil pourquoi nous disons que nous mangeons et nous buvons . De cette faon nous devenons un seul corps, un seul sang et porteurs du Christ. Recevant en nous ce corps et ce sang, nous ne faisons plus qu un avec Jsus-Christ. Dieu-homme, notre Seigneur Jsus-Christ, demeure en nous avec son Pre et le Saint-Esprit . Saint Basile le Grand nous l assure dans une prire secrte de sa Liturgie. Certes, les yeux voient le pain et le vin seuls, et on en a le got, mais ce ne sont que des apparences. Jose dire : bien des fidles n ont pas mch, ni mang, ni aval du pain ou du vin, mais le Corps et le Sang, la Chair et le Sang du Christ et un changement miraculeux s est opr dans leur corps et dans leur me par l action du Saint-Esprit, et tout cela dans une joie spirituelle sans fin.

    Ds que le Saint-Esprit est descendu et que le saint Sacrment est accompli, il ny a pas devant nous ce que les yeux voient et la langue gote, mais Celui qui nous croyons, Celui devant qui nous nous prosternons, Celui que nous adorons ; son Corps et son Sang eux-mmes difis, vridiquement, infailliblement. 6. Il y avait dans un monastre de Roumanie, un prtre combl de grce, le pre Mnas, qui est devenu ensuite le vnrable saint Mnas. Le monastre tait entour de bois, alors aprs la Divine Liturgie, le pre avait lhabitude d aller se reposer dans la fort o il chantait et glorifiait Dieu par les tropaires de rsurrection et d autres chants. Les oiseaux de la fort se rassemblaient alors autour de lui, sautaient sur sa petite tte, sasseyaient sur ses paules, sur ses bras et lui, il les caressait tendrement. La plupart du temps, quand le pre Mnas psalmodiait, les oiseaux se taisaient et lcoutaient. Comme la Liturgie commenait dj pendant la nuit et finissait ds laube, aprs quil ait consomm les saintes Espces et ait enlev ses habits sacerdotaux, il faisait dj jour et ainsi, tt le matin et sous le soleil il se promenait dans la fort, jouissant de la nature et de la prsence des oiseaux, avec lesquels il louait et glorifiait Dieu.

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    On a donc constat que vers la fin de sa vie, aux grandes ftes, quand la Divine Liturgie tardait finir et que le lever du soleil le trouvait encore officier, les oiseaux se rassemblaient sur le toit de lglise ! lheure mme du changement des saints dons, o le prtre disait le Ce qui est Toi, le tenant de Toi, nous Te loffrons, tous les oiseaux sur le toit se taisaient ! Et quand le chur chantait, en roumain bien sr, le Et en premier lieu pour notre trs sainte, immacule, toute bnie et toute glorieuse Souveraine et puis aprs le Il est digne en vrit de Te clbrer, Mre de Dieu , ils commenaient gazouiller de nouveau ! 1

    * * * 7. Un fidle ma racont un vnement similaire qui a eu lieu lglise de la Mre de Dieu qui sappelle Ecatontapyliani et qui se trouve Paros (dans les Cyclades), pendant la Divine Liturgie de la veille de l piphanie, en 1998.

    Des dizaines de passereaux et dautres oiseaux entraient et sortaient et au dehors de lglise par les fentres ouvertes de la coupole, gazouillant et chantant avec vivacit. Pourtant, lheure de la conscration des saints dons, ils se sont tus et immobiliss tous pour recommencer aprs lecphonse : Et en premier lieu pour notre trs sainte 2 Les propres paroles du Seigneur Ceci est mon corpsceci est mon sang 3 la sainte Cne, le soir du jeudi saint, tmoignent de cette ralit du Changement du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ. La

    constitution donc du saint sacrement est divine. Cest le Christ lui-mme qui en est lauteur. Les signes visibles du saint sacrement sont le pain au levain, le vin et la

    prire secrte envoie ton Saint-Esprit sur nous et sur ces Dons . Ce nest pas seulement la grce du Christ qui est transmise par la sainte communion comme cest le cas d ailleurs pour dautres sacrements, mais cest le Christ, le Seigneur lui-mme. Les fidles qui reoivent dignement le Corps et le Sang du Christ, sy intgrent, ayant les mmes corps et sang que Lui. Ladhsion au Corps de lglise, cest--dire lincorporation, commence par le saint Baptme et sachve avec la sainte communion, cest--dire lintgration. Cela veut dire que notre tre tout entier reoit dune faon mystique la Vie-mme, notre Seigneur et Rdempteur et lincorpore.

    1 Balan Joannice, hiromoine , p. 340.

    2 notes personnelles de lauteur.

    3 Marc 14, 22-24.

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    Nous allons essayer, autant qu il nous est possible, de mettre par crit toutes ces expriences et de l, de les inscrire dans nos curs. Ensuite, il reste une chose : les mettre en pratique. Nous devons travailler dur pour

    devenir des dieux !

    * * *

    Au centre de la patne, on place lagneau de Dieu, qui te le pch du monde1, notre Seigneur Jsus-Christ. La trs sainte Mre de Dieu se place droite de lAgneau ( gauche par rapport au prtre.) Les neuf parcelles des saints se placent gauche de lAgneau ( droite par rapport au prtre). Ensuite, on place la parcelle de lvque de lglise locale en dessous de l agneau et puis les parcelles des vivants et des dfunts commmors. Le rcit instructif ci-dessous en tmoigne. 8. Un prtre trs pieux vivait dans un monastre ; (cet vnement m avait t racont par lestim bienheureux pre Gabriel, ancien du saint monastre Dionysou, au Mont Athos.) Ce prtre ntait pas fort instruit mais il tait un grand combattant spirituel et d une foi vivante. Bien quil souffrait dhmorragie, les veines de ses pieds tant faibles, il restait longtemps debout devant l autel de la proscomidie. Maintes fois, on voyait le sang couler par terre tandis que lui, debout, continuait commmorer de nombreuses personnes, ce qui lui prenait beaucoup de temps. Il avait

    lesprit de sacrifice jusqu la fin de sa vie ; il tait mme mort juste aprs avoir termin la clbration de la Divine Liturgie. Comme il tait peu instruit et cause, pour ainsi dire, dun malentendu, il ne plaait pas correctement les parcelles sur la Patne. Quand le clbrant y place la parcelle de la Toute Sainte Mre de Dieu, il dit : La Reine sest prsent ta droite . Ce prtre donc dge avanc, au lieu de placer la parcelle de la Vierge la droite de lAgneau, la plaait gauche, prenant la gauche pour la droite par rapport lui-mme ; il plaait pour ainsi dire les parcelles contresens. Un jour un vque sest rendu au saint monastre pour lordination dun diacre.

    Au moment o l on chantait les laudes, l vque est entr dans le sanctuaire, s est revtu de sa tenue piscopale et puis s est dirig vers l Autel de la prparation pour y continuer seul les commmoraisons, le prtre ayant dj accompli la prparation jusqu un certain point. Lvque a alors observ que le prtre avait plac les parcelles contre sens.

    -- Tu nas pas mis correctement les parcelles, mon pre, lui dit-il.

    1 Jean 1,29.

  • 28

    Viens ici, pre. Il faut placer la parcelle de la Vierge par ici et les parcelles des saints par l. Personne ne te la jamais dit ? Personne ne ta jamais vu le faire ?

    Non, mon rvrendissime ! a-t-il rpondu. Je clbre la liturgie tous les jours mais lange qui me sert et me suit de prs, ne men a rien dit. Excusez-moi davoir fait une telle faute, parce que je suis illettr ; dornavant, je ferai attention. -- Quest-ce que tu dis ? Qui te sert ici ? lui a demand lvque. Nest-ce pas un moine qui te sert ?

    -- Non, cest un nge du Seigneur. Lvque sest tu. Quaurait-il dire ? Surpris, il a compris quil avait devant lui un prtre saint. Aprs le repas de midi, lvque a salu lancien et les autres moines et est parti.

    Le lendemain, il faisait encore nuit quand le vieux prtre est entr dans le sanctuaire pour commencer la proscomidie ; lange du Seigneur est descendu et a remarqu que le prtre avait plac les parcelles correctement.

    -- Trs bien pre ! Maintenant tu les as bien places ! -- Oui mais toi, tu voyais ma faute depuis tant dannes ! Pourquoi ne men as-tu rien dit afin que je me corrige ? -- Oui, je la voyais, mais moi je nai pas un tel droit. Je ne suis pas digne de corriger un prtre ; Dieu ma charg de le servir. Seul lvque a un tel droit !

    1

    Quant nous, nous nous melons de la vie des prtres, nous les critiquons, nous les blmons, nous faisons des commrages leur dtriment et nous les condamnons. Dornavant soyons attentifs lorsque nous parlons dun prtre quel quil soit. Le point central de la Divine Liturgie est le grand vnement ingalable et insaisissable du Changement du pain et du vin en Corps et en Sang du

    Christ et on doit laccepter en silence. Que les chantres se taisent un peu, pour que les fidles puissent intrioriser cet vnement au moyen de ce silence loquent qui parle ce moment-l dans leurs curs, avec beaucoup plus de clart que toute autre chose. La Divine Liturgie est aussi un sacrifice. Cest le mme sacrifice que le Seigneur a fait soffrant lui-mme pour le salut du monde . Ce soir-l la sainte Cne, le Christ a nettement et littralement soulign et signifi : Ceci est mon corps (Quand il leur a donn le pain) et ceci est mon

    1 notes personnelles de lauteur.

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    sang (Quand il leur a offert la coupe avec le vin.)1 Ensuite Il a laiss un commandement ses disciples : Faites cela en mmoire de moi .2 Par consquent, l glise, fidle au commandement du Christ, clbre la Divine Liturgie, depuis deux mille ans et plus et elle continue le mme sacrifice non sanglant et le mme sacrement de la sainte eucharistie. Absolument le mme ! En ces paroles faites ceci en mmoire de moi se trouve la continuation du Sacrifice du Seigneur et la communion de son

    Corps et de son Sang. Autrement dit, la Divine Liturgie ou l eucharistie n est pas seulement le sacrifice et la mmoire de la Cne, mais aussi la communion des fidles, puisque nous recevons la communion tous la mme coupe. Ayant donc la mme communion, nous sommes des membres les uns des autres.

    Cela signifie que lglise clbre la Divine Liturgie et continue le Sacrifice de Jsus-Christ pour que nous puissions recevoir la Communion. Quand on dit son sacrifice , on entend sa mort sur la Croix et sa glorieuse Rsurrection le troisime jour. une prire secrte liturgique les prtres disent : Nous reconnaissons sa mort et nous confessons sa Rsurrection . Et quand ils mettent toutes les parcelles dans le calice, (le Corps du Seigneur avec les parcelles de Notre Dame et des saints) ils

    disent : Ayant contempl la Rsurrection du Christ . Bien quabsents et loigns du fait historique de la Rsurrection, nous y sommes prsents. Cest cette Rsurrection que nous vivons maintenant, en communiant au Corps et au Sang de Jsus-Christ pour la rmission de nos pchs et la vie ternelle. Cette vie ternelle est une annonce pralable de notre propre rsurrection. Quand notre Seigneur a institu le sacrment de la sainte eucharistie la Cne du jeudi saint, Il a aussi parl de sa mort sur la Croix et de sa Rsurrection : de son Corps trs saint qui mourrait sur la sainte Croix et de son Sang prcieux qui s coulerait de son ct. Il a parl du Corps qu il a assum en se faisant homme et qui ressusciterait le troisime jour incorruptible, immortel et ternel. Il a parl du Corps que les fidles mangeraient la Divine Liturgie pour la rmission de leurs pchs et la vie ternelle . Notre intelligence ne peut pas concevoir tout ce qui se passe vraiment au

    cours de la Divine Liturgie. Notre vcu dpend de notre foi et de la puret de notre me, mais surtout de la Grce de notre Saint Dieu qui nous est accorde gratuitement.

    1 Marc 14, 22-24.

    2 Luc 22, 19.

  • 30

    Quand on participe la Divine Liturgie, on doit le faire avec lesprit du publicain, avec la sensation spirituelle de cette femme pcheresse dont lglise nous parle amplement dans les hymnes du mardi saint et qui sainte Cassienne a ddi le tropaire bien connu, compos par elle-mme : Seigneur, moi la femme tellement pcheresse . Quest-ce quelle a offert au Seigneur ? La chose la plus prcieuse quelle pouvait offrir ! La chose la plus prcieuse quelle avait ! Elle lui a offert de lhuile parfume. Et nous, quest-ce que nous allons Lui offrir ! En entrant dans lglise, quest-ce que nous allons apporter ? Le repentir, la componction, le deuil cause de nos pchs, nos profonds soupirs et les larmes caches de notre me, lavant ainsi le visage de notre me, tout en baignant nos joues de nos larmes, nos vtements et mme lendroit o nous nous tenons debout. Cest ainsi que lhomme entier resplendit par la grce. C est pour cela que nous disons que ce lavage, cette prparation de l me sont clairement visibles. Dieu les voit infailliblement, tandis que les gens s en aperoivent partiellement ou pas du tout. Car personne ne peut se cacher du regard de

    Dieu.

    Llment essentiel qu il nous faut, c est le repentir, la contrition, la conscience de notre tat de pcheur. Gardons-nous de ne pas venir la Divine Liturgie avec une attitude pharisienne. Il ne faut pas songer

    ainsi : Je ne suis pas comme les autres hommes qui sont voleurs, malfaisants, adultres .1 Il ne faut pas dire : Je garde les commandements, je jene deux fois par semaine, je paie la dme du tout que je gagne , je prie matin et soir, je fais laumne ou dautres choses que chacun de nous pourrait dire. Nous devons avoir les sentiments du

    publicain. Disons en esprit, intrieurement : ! Dieu ! Purifie le pcheur que je suis et aie piti de moi et frappons-nous la poitrine, mentalement en signe de pnitence et dhumilit. Il nest pas ncessaire de nous la frapper extrieurement tant donn que nous participons un culte public. De mme quon ne fait pas attention aux vtements des autres participants, ni leur comportement, ni mme sils pleurent, soupirent, sagenouillent ou font le signe de la Croix 10 ou 50 fois. Nous devons nous regarder

    attentivement : nous trouvons-nous au mme niveau spirituel que la femme pcheresse qui a offert de lhuile parfume, ou au contraire, notre tat est-il semblable celui du disciple-tratre qui a offert le baiser de la trahison? La premire a gagn le Paradis, lautre, bien quaptre, la perdu.

    1 Luc 18, 11-13.

  • 31

    Ainsi, pendant la Divine Liturgie on peut vivre tous les vnements de la vie terrestre de notre Seigneur et du mystre de la divine Providence qui a commenc par la cration du monde, d aprs le psaume prliminaire des Vpres et s achvera non seulement au jour du Jugement Dernier et de la sparation redoutable des brebis par les chvres mais la future gloire ternelle des mes lues. Les chrtiens orthodoxes vivent tous cela lors de la Divine Liturgie et plus spcialement lorsqu ils reoivent la sainte communion. Par consquent, ils vivent aussi la Rsurrection. Au moment o nous recevons la communion au moyen de la sainte cuiller et que celle-ci nous touche les lvres, cest alors que notre bouche ressemble au mont Sina qui tremblait lorsque Mose recevait les tables de la Loi, les dix Commandements. Si alors Mose a t effray cause du redoutable tremblement de terre, quelle sorte de tremblement ne devions-

    nous pas ressentir intrieurement, quelle transformation de l me, quelle componction, nous, qui sommes en train de recevoir, non la Loi mais Dieu

    lui-mme, Son Corps et Son Sang ! Ces faits sont inconcevables, inexprimables, indescriptibles mais

    quelquefois Dieu permet quils touchent mme nos sens ! Ceux qui ont les curs purifis et sont infailliblement illumins par la grce, peuvent ventuellement voir de temps autre le clbrant voler au-dessus du sol, et sentent un parfum prcieux dans lglise ou une odeur suave pendant la sainte communion.

    Il faut dire que notre glise ainsi que de la Divine Liturgie ont un caractre mystique, ce qui signifie qu au moyen des saints sacrements, la sainte grce transforme et refait le chrtien, non pas d une faon simplement morale mais d une faon ontologique. Elle le difie, le remplit et le libre des passions et des faiblesses tout en le changeant en une nouvelle cration. Il faut donc participer la Divine Liturgie avec attention, avec crainte, componction, dvotion, avoir des penses saintes et, surtout, sans laisser vagabonder lesprit. Que lon garde le Nom du Seigneur dans le cur autant que possible ! Dieu rvle le mystre du salut lhomme tout en transfigurant celui-ci. Dieu est descendu des cieux, notre similitude mais sans pch. Il nous appelle donc au moyen des sacrements (le baptme, le chrme, le repentir et plus spcialement la confession et la sainte eucharistie) lui devenir semblables, reproduire limage de son Fils ,1 comme dit laptre Paul. Par consquent, la Divine Liturgie est une occasion de rgnration spirituelle et de transformation de lme, du corps et des sens. notre dpart de lglise, nous devrions nous ressentir diffrents, changs, 1 Rom. 8, 29.

  • 32

    transforms, calmes et paisibles ; tout nervement, impatience ou trouble, indiquerait la persistance de profonds problmes ! Gardez-vous surtout de lorgueil ! La puissance de la Divine Liturgie rside dans son caractre mystique, ce qui veut dire que nous pouvons et nous devons dpasser les symboles et les formes qui, bien quindispensables, nen sont pas moins suffisants, c est pourquoi, nous ne nous y attardons pas. Le but du culte divin est dlever et de transformer la nature humaine, c est pourquoi, nous devons le vivre profondment, en son essence. Quand on se transforme spirituellement, on acquiert intrieurement des forces de paix sanctifiantes, grce auxquelles on arrive influencer de faon bnfique lenvironnement, ses enfants, sa famille, son poux ou son pouse, ses parents, ses frres et surs et le peuple de Dieu en gnral. Nous devons donc sortir de lglise avec une foi plus fervente et plus intense.

    Nous ne sommes donc pas de simples spectateurs de la Divine Liturgie ;

    tout ce qui sy passe ne nous est ni lointain ni tranger. En nous runissant, nous constituons lglise o la Divine Liturgie est clbre par lintermdiaire des membres du clerg appels clbrants du Trs-haut et pasteurs. Je considre vraiment, ainsi que clbrant du Trs-haut, que ce nest pas moi, pcheur et indigne que je sois, qui vous guide. Vous, en tant que peuple de Dieu, vous ntes pas mes ouailles moi, ma possession. Cest Dieu lui-mme, notre Seigneur Jsus-Christ qui vous guide, vous, ses ouailles, travers de moi, indigne, pcheur et misrable. Il nous guide tous, vous et moi. Si Dieu me conduit des pturages spirituels, aux prairies du paradis et des critures, je dois vous conduire aussi aux mmes pturages du royaume de Dieu.

    Nous allons maintenant brivement donner quelques indications sur le symbolisme des vases sacrs : Le calice : familier tous ceux qui communient souvent. Avant la

    conscration il symbolise le vase de la Passion, cest--dire dans lequel on avait mis du vinaigre ml la bile quau moyen dune ponge on avait offert Jsus-Christ lorsqu il avait cri Jai soif . C est pourquoi, il y a toujours une ponge dans le calice que lon garde lAutel de la Prparation ou dans la Sacristie. Suivant la tradition, lvangliste saint Jean a recueilli dans ce mme vase, du Sang et de l Eau qui se sont couls du ct du Seigneur lorsque le soldat le transpera de sa lance. Aprs la conscration, le calice symbolise aussi la coupe que le Seigneur utilisa pour la clbration du trs saint sacrement salvateur de la sainte eucharistie, le soir de la Cne mystique.

  • 33

    La patne symbolise les cieux et c est pour cela qu elle est toute ronde.

    Elle porte celui qui est le Matre, le Seigneur et le Crateur des cieux. Souvent sur la patne se trouve grave une icne de la trs sainte Mre de Dieu, des entrailles d o est n le Dieu-homme Jsus-Christ, Dieu et homme parfait.

    Lastrisque* renvoie aux toiles du ciel et plus prcisment celle qui conduisit les trois mages jusqu Bethlem et vint s arrter au-dessus de l endroit o tait l enfant avec Marie, sa mre .1 L astrisque se place en forme de croix sur la patne. La lance, avec laquelle on fait symboliquement et exactement le mme

    geste que le soldat a faite sur le Corps du Seigneur et on dit : Un des soldats, dun coup de lance, le frappa au ct et aussitt il en sortit du sang et de l eau 2 et l on verse dans le calice du vin et de l eau. A ce stade, il convient de rapporter un vnement authentique concernant saint Thodose dArgos (dans le Ploponnse.) 9. Ce saint na clbr la liturgie quune seule fois dans sa vie. Le premier jour il a t ordonn diacre, le deuxime il est devenu prtre et le troisime il a clbr pour la premire fois lOffice divin. Quand le moment est venu de transpercer le saint Pain avec la sainte Lance, il sest vu comme un soldat qui avec une lance acre, perait le Corps du Seigneur d o scoulaient du sang et de leau. Nul ne saura jamais avec quelle terreur il versa leau et le vin dans le calice ! Il a t saisi dune telle crainte sacre quil s est dcid ne plus jamais clbrer. 3

    * * * 10. Un vnement semblable est arriv au pre Jrme de lle dgine qui, tant manchot, menait la vie hsychaste dans son propre lieu de quitude jusqu sa dormition, en 1966. Je lui avais rendu visite l anne prcdente avec mon pouse et, aprs nous avoir donn bien des conseils, il m a racont en priv, pourquoi il avait renonc clbrer la liturgie. En 1923, lorsqu il tait encore un diacre sous le nom de Basile, le Mtropolite de Crystos* Pantelemon, lors de sa visite gine, aprs l avoir persuad, l ordonna prtre. Il l avait mme plac comme cur l hpital

    1 Mat. 2, 9-11.

    * petite toile , n. d. tr. 2 Jean 19, 34.

    3 Archim. Gervais Paraskevpoulos, , p.

    32.

    * en Eube, n.d.tr.

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    d gine. Pourtant le prnom Jrme lui avait t donn un an aprs par le vnrable pre Jrme du monastre de Simonos Ptra au Mont Athos, qui lui a accord le Grand Habit monastique aprs sa dmission sacerdotale. Quarante jours aprs son ordination, durant la Divine Liturgie, aprs la conscration des saints dons et la mise du Corps du Christ dans le calice ainsi que le versement de l eau bouillante, alors qu il tait prt communier, tout extasi et stupfait, plein de componction cause de la prire du cur, il s est aperu tout coup les saintes espces dans le calice prendre l aspect de la Chair et du Sang, de la vraie chair et du vrai sang. Bien videmment la vue de ce phnomne surnaturel l a secou. Face un miracle si effrayant, il a continu prier longtemps, tout en versant des larmes brlantes. Tout tremblant, il dit le cong devant les saintes portes, sans prononcer aucun autre mot. Ensuite, il a continu sa longue prire intense en suppliant Dieu qu il consente ce que ses trs saints Corps et Sang reviennent leurs formes naturelles, chose qui s est produite. la suite de cet vnement il a prsent sa dmission le soir mme. Depuis lors il se sentait les mains incapables de percer le Seigneur la sainte proscomidie ou de Le rompre aprs la conscration. Il a cependant continu chanter et prcher la chapelle de l hpital. En me parlant, il m a soulign de manire caractristique : Je ne pouvais plus toucher le Seigneur de la gloire avec ces mains pcheresses et mortelles . Aprs m avoir embrass, il est parti en me disant succinctement : Sois prudent mon pre, parce qu il y a trs peu de prtres qui font leur salut. un autre membre du clerg il disait avec un grand naturel : Si tu ne vois pas ton ange ct de l Autel, ne clbre pas la liturgie ! 1

    la suite de ces rcits vridiques de deux hommes saints, de quoi ne pourrait donc pas tmoigner notre conscience, celle de nous tous, clbrants du Trs-haut contemporains, quel que soit notre rang? La sainte cuiller symbolise la main du Sraphin qui tenait un charbon

    ardent avec lequel il a touch les lvres du prophte Isae et il a dit : Vois, ceci a touch tes lvres et en lvera tes iniquits et te purgera de tes pchs.2 On lappelle aussi pince parce que, jadis, on lutilisait comme une pince au moyen de laquelle on prenait les perles, cest--dire les parcelles du Corps du Seigneur. Alors, les chrtiens passaient devant le prtre, la paume droite mise sur la paume gauche et les prtres y mettaient le Corps du Seigneur et de leur paume les fidles Le mangeaient, coutume qui a

    1 notes personnelles de lauteur

    2 Isae 6, 7, Traduction des Septante.

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    survcu la Liturgie de saint Jacques, appel le Frre du Seigneur . L habitude d utiliser la cuiller a, plus tard, prvalu afin que les flammes de la Divinit n entrent pas en contact immdiat avec les mains qui se salissent et se souillent trs facilement. Les deux voiles laide desquels on couvre la patne et le calice,

    symbolisent le firmament des cieux ainsi que soit les langes du nourrisson

    divin, soit le drap et les linges de la sainte spulture. Ltoffe jete sur le dos du diacre ou du prtre pendant la Grande

    Entre sappelle ar, ou grand voile , et symbolise la nue lumineuse apparue sur le mont Thabor. On agite aussi ce voile au-dessus des saints

    dons pendant la rcitation du Credo. Cest aussi un symbole du triomphe de la Rsurrection et de la foi. L ar sappelle aussi rideau . Il est sous-entendu quil s agit de ce rideau -l qui sparait dans le temple de l Ancien Testament, le lieu saint du saint des saints.

    La petite serviette rouge, avec laquelle on sessuie les lvres lorsqu on Communie, sappelle purificatoire ou voile rouge et, parfois, chlamyde (manteau) et son rle loffice divin est de symboliser la chlamyde dont on a revtu le Seigneur au Prtoire et que son Sang, scoulant de son Corps fouett, a imprgn. Lponge est une ponge commune arrondie. Aprs la consommation

    des saintes espces et le nettoyage du calice laide du purificatoire, le prtre y met lponge pour faire absorber lhumidit et le protger de loxydation. Cette ponge-l symbolise celle laide de laquelle les sacrificateurs ont donn boire au Seigneur : Quelquun courut, emplit une ponge de vinaigre et, la fixant au bout dun roseau, il lui prsenta boire . 1 La mossa , sorte de petite ponge dense et mince, destine

    recueillir les parcelles de lantimension et nettoyer la patne. Voici, maintenant quelques indications sur les habits sacerdotaux, encore

    appels vtements du culte : Quand nous, les prtres, allons clbrer la Divine Liturgie, nous devons nous prparer mentalement aussi. Nous devons encore laisser hors de lglise toute proccupation mondaine, nous oublier nous-mmes, nos faiblesses, notre fatigue, nos infirmits, et nous souvenir de Celui dont nous sommes les clbrants ainsi que de ce que nous allons faire ! Donc, il serait bon que rien ne nous trouble depuis notre rveil jusquau moment o nous dirons le : Bni soit notre Dieu

    1 Marc 15, 36.

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    Pendant la Clbration, le prtre devrait en tout point ressembler un ange. Comme sil ne touchait pas la terre de ses pieds ; comme sil navait pas conscience du poids de son corps et tait devenu immatriel, comme les anges. Ainsi devrait-il se tenir, avec une profonde crainte, devant lAutel qui est en mme temps, trne de Dieu et Calvaire (son sacrifice). Si les prtres clbraient avec componction et larmes et une profonde crainte de Dieu, tout changerait. Mais nous en sommes dpourvus, moi le premier. Les habits sacerdotaux ont leur propre langage . Quand les prtres revtent, ils prononcent quelques versets de la Bible. La tunique (stikhrion), est un habit lumineux symbolisant

    lincorruptibilit, limmortalit et la saintet, la grandeur et la splendeur divines, comme disent les Pres de lglise. En plus elle indique la puret et le resplendissement de Jsus-Christ, la chastet et lclat des saints anges. Au cas o la tunique est rouge, elle symbolise le Sang du Christ le Sauveur. Si elle est blanche ou dune autre couleur, elle est limage de la Chair de notre Seigneur. La tunique est lhabit intrieur que le prtre porte le premier. Sur le dos, elle a une croix cousue. Tous les habits sacerdotaux

    portent ces croix cousues.

    Ensuite, on revt ltole, appele aussi pitrachlion, sans laquelle on ne peut clbrer aucune crmonie, aucun office ecclsiastique.

    Ltole reprsente le joug, le poids spirituel et la responsabilit quont les prtres de vos mes. Les franges au bord de ltole symbolisent les mes qui sont suspendues au cou du pre spirituel. Cela ne signifie pas que chacun ou chacune dentre vous na pas lobligation dassumer sa propre responsabilit personnelle. Quant moi, je vais rendre compte de mon labeur spirituel et de mes douleurs, de comment je vous ai conduits

    spirituellement, dans quelle mesure jai labour la terre de vos curs, si je vous ai prch par lexemple. Car le temps senfuit, les annes sont passes et jai limpression de navoir encore rien fait Les surmanches symbolisent les mains cratives de Dieu. Le prtre

    prte ses mains Dieu qui, au moyen de ces mains, officie Lui-mme. Les cordons qui ferment les surmanches symbolisent les cordes avec lesquelles

    on a ligot le Seigneur. La ceinture avec laquelle nous nous ceignons la taille nest pas

    seulement l pour soutenir les habits de peur quils ne tombent. Il y a bien sr cet aspect pratique, mais elle symbolise surtout lattention indivise ncessaire, les forces spirituelles requises, la temprance, la continence et les vertus que nous devons cultiver pour tre dignes et capables de guider les fidles.

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    Lpighontion est lemblme dune dignit quaccorde lglise aux prtres. Il reprsente le linge , cest--dire la serviette avec laquelle le Seigneur a essuy les pieds de ses disciples. Jadis, les prtres pendaient leur ceinture une serviette auxiliaire pour sy essuyer les mains. Par la suite elle est devenue un ornement et finalement, un vtement de culte.1 LEpighontion, selon saint Simon de Thessalonique, symbolise la victoire contre la mort, lincorruptibilit de la nature humaine et la grande force de Dieu contre la tyrannie du malin .2 Finalement la chasuble, autrement dit phelnion , signifie la

    chlamyde rouge dont les soldats ont revtu le Christ au prtoire de Ponce Pilate pour se moquer de lui. mon avis, tout prtre qui suit fidlement les traces du Christ est souvent raill, injustement trait et crucifi son tour. Car dans des cas pareils, cest comme si lon voyait Christ lui-mme sacheminer vers le Calvaire. La chasuble na pas de manches ce qui signifie, selon saint Cosmas ltolien, que les prtres ne doivent pas se mler aux affaires du monde. 11. Il est arriv quaprs quun prtre ait lu les exorcismes une me qui souffrait de laction desprits impurs, cette personne a commenc protester et crier lorsque le prtre la touch avec la chasuble quil venait de porter durant la liturgie. Savez-vous pourquoi ces cris et ces

    protestations ? Parce quelle a t aussitt remplie dun bel arme auquel le dmon na pas pu rsister. Cette raison a t donne comme explication par la souffrante-mme le lendemain. 3 Voici une autre histoire vraie qui tmoigne en outre du caractre sacr des habits sacerdotaux et du pouvoir du sacerdoce :

    12. Un hsychaste anonyme sapprtait clbrer. Il avait dj dit les prires prparatoires devant liconostase, ce que font tous les prtres avant de pntrer dans le sanctuaire o ils se revtent de leurs ornements sacerdotaux.

    Au moment o il allait chercher ses habits dans une armoire du sanctuaire, il a vu les cieux ouverts do une multitude danges descendaient tenant un panier excessivement grand, en forme de plateau,

    chose vraiment incomprhensible nos yeux ! Il y avait dans ce panier des vtements que les anges avaient apports du ciel, dune texture divine, et cest avec ces vtements quils lont habill ! Cette tenue avait t faite aux

    1 Callnicos Constantin, protopresbytre, ,

    p. 521. 2 Simon de Thessalonique, , p. 322.

    3 notes personnelles de lauteur

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    ateliers de tissage clestes ! Qui pourrait dcrire ces habits sacrs et qui pourrait en parler ?

    1

    Et maintenant prtez attention une autre histoire, un autre vnement trs intressant : 13. Un homme simple, dans un village grec, dsirait fort porter les ornements du prtre dont il tait jaloux lorsquil le voyait tout splendide clbrer la liturgie. Un matin donc, alors que le prtre tait absent, il est entr discrtement dans lglise et sest habill. On ne sait pas exactement ce quoi il pensait lorsquil tait vtu des habits sacerdotaux, mais ce qui demeure impressionnant, quand-mme, cest quensuite, lorsquil a essay de se dshabiller, il a constat avec effroi, quil ne pouvait pas ter les ornements !

    Alors il a commenc scrier au secours. Bien des gens sont accourus. Certains dentre eux ont essay de lui ter les habits mais en vain. Ctait impossible enlever les ornements de quelque faon ! Cependant, quand le prtre est venu, il a pu les lui ter, selon la rgle, dcemment, pendant quil priait tout en le bnissant. 2 Les objets du culte sont sacrs. Ne touchez donc pas, l o il ne faut pas. Le clbrant a son rle, les fidles ont une autre fonction. chacun son mtier, cest--dire chacun son secteur. Je souhaite donc que, chaque fois que vous allez lglise pour participer la Divine Liturgie, vous en sortiez tout transfigurs, avec le sceau de sa grce. Que la grce du Saint-Esprit vous soit transfuse et que vous viviez une nouvelle vie en Christ. Amen.

    * * *

    Avant de passer l'explication de la Divine Liturgie qui commence par lecphonse : Bni soit le Rgne du Pre et du Fils et du Saint-Esprit , nous mentionnerons, au passage, le sanctuaire gard par les saints anges et dans lequel, surtout, on clbre le sacrifice non-sanglant. 14. Il est arriv une fois lvnement suivant quun prtre mavait racont : il est all le soir, pas trop tard, lglise, parce quil avait oubli quelque chose qui lui tait ncessaire. Il la dverrouille et il y est entr. Il faisait sombre. Il sest aperu en plus quil avait oubli de fermer les saintes portes du sanctuaire, ou plutt quil navait pas tir le rideau qui tenait lieu de portes puisquil ny avait pas de portes vritables l et, soudain il a vu un ange tout flamboyant avec un glaive brlant la main, ct de lAutel ! Il en a t tellement effray quil a pris la fuite ! En

    1 Hsychaste Anonyme, , chap. 18, p. 205-206.

    2 Saint vch de Nicpolis et de Prveza, revue fasc. 173, dc. 1997, p. 17.

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    arrivant dans le narthex, il a entendu une voix : Arrte-toi ! Il sest donc arrt, glac de terreur ! -- Naie pas peur, lui dit tout doucement la voix. Je suis lange gardien de cette glise. Quand on consacre une glise et pendant la crmonie de sa conscration, le Seigneur, le Tout-puissant, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs place un ange gardien vigilant ct de cet Autel. Pendant que lange parlait, le prtre est rest immobile dans le narthex coutant tout tremblant, le dos tourn vers le sanctuaire. Lange a continu dun ton encore plus doux : -- Viens, retourne, ferme, sil te plat, les portes saintes que tu as laisss ouvertes.

    Lange a dit au prtre sil te plat ! Combien y en a-t-il, parmi nous, qui disons notre poux, notre enfant, notre frre, notre prochain sil te plat , sincrement ? Combien donc ? Le prtre sest tourn vers la voix nayant plus peur ; il se sentait dj lme sereine mais il na plus vu lange. Il sest port en avant avec hsitation, mais sans peur ds lors, avec rvrence. Nanmoins, merveill et avec timidit, il a saisi le rideau des saintes portes et, petit petit, la ferm. Mais il a commenc sinterroger : Est-ce que tout cela est d mon imagination? Est-ce que je rvais ? tait-ce une hallucination ? Et comme en rponse ses penses, il a entendu les voix de myriades danges chantant : Il est vraiment digne de te bnir (Lglise tait ddie la trs sainte Mre de Dieu.) Ne pouvant rsister cette douce psalmodie anglique, il a perdu connaissance ! Il sest effondr ! Quand il est revenu lui, peu aprs, il est rentr chez lui et nen a parl personne ! Il ma racont son exprience, 15 ans plus tard, peu avant sa mort. 1 Ainsi, dans toutes les glises et ct de lautel, il y a un ange gardien que nous ne voyons pas mais qui nous observe silencieusement.

    * * *

    La Divine Liturgie commence par lecphonse : Bni soit le rgne du Pre et du Fils et du Saint-Esprit et finit sur : Par les prires de nos saints pres, Seigneur Elle se divise en trois parties :

    Loffice de la prothse ou Prparation constitue sa premire partie. Elle saccomplit dans la partie gauche du sanctuaire et cest la prparation des pains quapportent les fidles. Saint Simon de Thessalonique crit : le prtre va la sainte prothse et se prosterne trois fois ; Il dit Bni soit notre Dieu et il prend UN pain parmi les pains offerts, ensuite avec la 1 notes personnelles de lauteur

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    lance sa droite il fait trois fois le signe de la croix sur le pain, ce qui symbolise la Passion salvatrice du Christ . 1 La deuxime partie sappelle la liturgie des catchumnes. Elle

    commence par lecphonse : Bni soit le Rgne et finit aprs les deux lectures notestamentaires (vangile et ptre), la litanie ardente et les prires pour les catchumnes. La troisime partie, qui commence par les prires pour les fidles et

    lhymne des chrubins et finit sur : Par les prires de nos saints Pres , sappelle la liturgie des fidles. Le point central de la premire partie est la prparation des saints dons, tandis que celui de la deuxime partie est la lecture de lvangile. Le chrtien sinitie au sacrement de la sainte eucharistie avec lvangile et lEptre, la prdication et la catchse. la troisime partie tout est centr sur la patne et le calice. Le centre de toute la Divine Liturgie est lvnement inaccessible du changement des saints dons en Corps et en Sang du Christ.

    1 Simon de Thessalonique , p. 111.

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    PREMIRE PARTIE

    LA LITURGIE

    DES

    CATCHUMNES

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    1. BNI SOIT LE RGNE DU PRE ET DU FILS

    ET DU SAINT-ESPRIT Cette premire ecphonse est un miracle ! Ne vous merveillez pas ! Il sagit dun miracle, dune confession de foi. Elle exprime la vrit centrale de notre foi orthodoxe et elle est caractrise par les trois lments suivants :

    Premirement : le signe de la croix. Quand le prtre dit Bni soit le rgne , il fait le signe de la croix.

    Deuximement : la dclaration du dogme trinitaire. Et troisimement : laveu, la confession que cest ce caractre trinitaire de Dieu qui constitue le rgne bni du Pre et du Fils et du Saint-Esprit.

    On va maintenant analyser ces trois lments de lecphonse. Le premier lment : en levant lvangliaire et en traant un

    signe de croix au-dessus de lAutel et surtout au-dessus de lantimension pli, le prtre dit : Bni soit le rgne . On ne peut pas clbrer loffice liturgique sans cet antimension qui nest que lun des voiles sacrs, consacrs pendant linauguration dune glise. Habituellement on y insre et on y coud des reliques semblables celles quon place au fond de lAutel au moment de sa conscration. Lors de lecphonse Bni soit le rgne du Pre et du Fils et du Saint-Esprit, nous inclinons tous la tte trs bas en attendant que la bndiction du Dieu Trinitaire, dont nous glorifions le rgne haute voix, nous couvre de son ombre, comme une nue lumineuse. 15. Un certain prtre me disait comment il avait vu une fois au Mont Athos son vnrable et vieux pre spirituel, au moment o celui-ci levait lvangliaire pour dire lecphonse Bni soit . Son visage resplendissait dune beaut ineffable. Ses yeux taient transparents et scintillants comme deux mers bleues infinies pleines de grce. Son front et ses lvres rayonnaient de lumire chrubique 1 ce moment de la Divine Liturgie, nous tant inclins dans lglise, nous faisons tous une fois le signe de la croix, correctement et harmonieusement

    tout en remerciant Dieu.

    Nous devons aussi toujours faire le signe de la croix pendant les

    moments suivants de la Divine Liturgie :

    1 notes personnelles de lauteur

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    lorsquest proclam le caractre trinitaire de Dieu : du Pre, et du Fils et du Saint-Esprit .

    quand on fait rfrence la trs sainte Mre de Dieu : Invoquant notre trs sainte, immacule, toute bnie et glorieuse Souveraine, la Mre de Dieu et

    en dautres moments solennels. Le deuxime lment : par lecphonse bni soit le rgne du Pre et du Fils et du Saint-Esprit , le dogme du caractre trinitaire de Dieu et luvre du salut se rvlent nous. Cette uvre, que la Divine Liturgie entire nous raconte, est celle des trois Personnes de la Sainte Trinit dont lorigine et le rgne sont un . Par la bienveillance du Pre et la synergie du Saint-Esprit, le Verbe sest fait chair , certifient les pres de lglise. Cette expression trinitaire, nous lentendons bien des fois pendant la Divine Liturgie :

    toutes les ecphonses comme : la petite doxologie : Gloire au Pre et au Fils et au Saint-Esprit

    maintenant et toujours et dans les sicles des sicles . Car tu es un Dieu de bont, plein damour pour les hommes et

    nous Te rendons gloire, Pre, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les sicles des sicles. Amen .

    au contenu du chant du Trois-fois-saint (le Trisagion) : Saint Dieu, saint Fort, saint Immortel aie piti de nous .

    au triple Allluia , lhymne des sraphins Saint, saint, saint le Seigneur Sabaoth . la fin de presque toutes les prires inaudibles de la Divine

    Liturgie et dans tous les sacrements.

    Cette expression trinitaire prsente l Un Dieu en trois hypostases. Trois hypostases adorables, un Dieu qui est distingu en trois Personnes. Chaque Personne, Pre, Fils et Saint-Esprit est entirement le Dieu et non une partie de la Divinit : tout Dieu le Pre, tout Dieu le Fils,

    tout Dieu le Saint-Esprit.

    Dieu est une Unit : un Dieu. Il est un quant Son essence une et indivise. Dieu est aussi une Trinit : un Dieu Trinitaire. Cest la Sainte Trinit, quant aux Personnes - ses hypostases. Chaque hypostase-personne est distincte de lautre. Cependant, les trois Personnes de la Divinit sont insparables et indivises ayant une et mme substance, nature et action. Elles sont du mme avis, prennent la mme

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    dcision et procdent au mme acte et la mme action. Elles ont un seul dsir, une seule volont. Elles sont donc Unit en Trinit et Trinit en Unit . Il faut tre prt mourir pour la dfense de ces vrits. Nous devrons mme tre prts verser notre sang pour soutenir que notre Dieu est Trinitaire.

    Retenons :

    Dieu le Pre, Dieu le Fils, Dieu le trs Saint-Esprit.

    sans commencement le Pre, sans commencement aussi le Fils, sans commencement et coternel aussi le Saint-Esprit.

    tout puissant le Pre, tout puissant le Fils, tout puissant le Saint-Esprit.

    Dans le chant du Trois-fois-saint Saint Dieu, saint Fort, saint Immortel, aie piti de nous , se voit le caractre trinitaire de Dieu puisque saint Dieu cest le Pre sans commencement, saint Fort cest le Fils aussi sans commencement, saint Immortel cest le Saint-Esprit ou le Paraclet, lEsprit de consolation. Trinit Sainte, gloire toi . Ce dogme est lessence de notre Foi , daprs saint Grgoire le Thologien. 1 Cependant, chaque Personne a une particularit une qualit hypostatique qui la distingue des deux autres :

    le Pre est non-engendr. le Fils est engendr. le trs Saint-Esprit procde du Pre.

    Le Fils est engendr par le Pre perptuellement, sans commencement, de faon inexplicable. Il est toujours engendr. Il ny a pas eu un moment o Il nait pas t engendr. Cependant, il est n dans le temps, il sest incarn par le Saint-Esprit et la Vierge Marie en la Personne de Jsus- Christ, le Dieu-homme Seigneur, sans pre quant Sa nature humaine, sans mre quant Sa nature divine, tandis que le trs Saint-Esprit toujours et perptuellement procde du Pre seul. Toutes les uvres de Dieu, luvre de la cration, celle de la rgnration et du salut de lhomme seffectuent par les Trois Personnes ensemble. Le Pre prend une dcision, le Fils la ralise et le Saint-Esprit accomplit toute

    1 Saint Grgoire le Thologien, 4, p. 277.

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    uvre. Le Pre par le Fils dans le Saint-Esprit fait tout 1 dit saint Athanase le Grand.

    Certes, il y a de nombreux tmoignages dans la Sainte Ecriture qui nous aident confronter les doctrines hrtiques et dans lesquels nous trouvons une nourriture spirituelle substantielle.

    Saint Spyridon, au Premier Concile cumnique, nous a donn un exemple symbolique du caractre trinitaire de Dieu quand il a pris une tuile et la fortement serre dans sa paume devant Arius. Tout coup, au-dessus de sa main du feu est sorti par le haut, de leau par le bas et dans sa paume cest la terre qui est reste. Les trois lments de la tuile (feu, eau, terre) sont insparablement unis. Pour mieux saisir le mystre de la Sainte Trinit, soyons attentifs lapolytkion de lpiphanie : Quand Tu as t baptis dans le Jourdain, Seigneur, ladoration de la Trinit sest manifeste car la voix du Pre qui Ta engendr, a tmoign de Toi, Tappelant Son Fils Bienaim ; et le Saint-Esprit en forme de colombe, confirma limmuabilit du verbe Au saint baptme donc de notre Seigneur Jsus-Christ, a t rvle sensiblement au monde, pour que les gens le voient et lentendent, la vnration et le vritable culte spirituel de Dieu cest--dire du Pre, du Fils et du Saint-Esprit.

    16. Dans un petit village de lpire qui sappelle Palossli, dans la province de Cnitsa, en 1910, un garon g de douze ans sest lev et est sorti dans la cour de sa maison. Ctait la fte de lpiphanie et il tait trs tt le matin, ( peu prs 4am). Tout tait couvert de neige et il faisait trs froid.

    Cependant, ds que lenfant a ouvert la porte et a fait le premier pas, il est rest fig de surprise et merveillement, il a vu toute la nature, renverse ! Cest--dire quil a tout vu lenvers, la tte en bas : les montagnes, les maisons, les arbres et mme le ciel qui tait clair et toil ; les racines des arbres pointaient vers le haut et les branches vers le bas ;

    les toits avec les tuiles vers le bas et les fondations des maisons vers le

    haut ; les haies des cours taient retournes et les montagnes aussi. Il a aussi vu les eaux fluviales de lAos coulant en sens inverse, de laval vers lamont !

    1 Saint Athanase le Grand, P.G. 26, 596A.

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    Mais, quy a-t-il de paradoxal cela ? Notre glise ne certifie-t-elle pas triomphalement lors de la fte de lEpiphanie que le Jourdain a coul reculons ? Quand lenfant, revenu soi de cette douce surprise, est rentr dans sa maison, il a vu que tout y tait normal. Immdiatement il est retourn dehors et voil encore cette nature renverse Le mme paysage antrieur incomprhensible, trangement clair dune lumire paisible et diffuse ! Ce ntait pas d la neige qui avait tout couvert foison, ni au ciel limpide toil. Non ! Ctait quelque chose dautre qui stait empar des sens et de lme enfantine de ce garon. Ctait un panchement de lumire telle quil nen avait jamais revu de toute sa vie, jusqu lge de quatre-vingt-quatre ans, o il est mort. Ce garon-l de douze ans tait mon pre. combien de fidles lme chaste et pure, a-t-il t donn de voir cet vnement trs paradoxal de la nature renverse ? Les deux ou trois fois que mon pre m a racont cet vnement, il utilisait toujours les mmes mots, sa voix tait douce et humble et de ses yeux coulaient sans cesse des larmes, qui nous remplissaient de

    componction et d une peur sacre ! 1 Si nous tous, prtres et fidles daujourdhui, avions linnocence de cet enfant-l et une vie de saintet, srement Dieu nous donnerait une lueur cleste, un rayon divin rvlant les choses redoutables et salutaires qui saccomplissent durant le grand sacrement de la sainte eucharistie que nous examinons ici.

    La vrit concernant le dogme de la Sainte Trinit dpasse lintelligence humaine. (Cependant, cela ne signifie pas que nous ne devons p