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Un jeu avec du background dedans

Dans les années 80 et 90, cette chronique se trouverait dans les pages du défunt Casus Belli première mouture et Carnevale serait un jeu de rôle, c’est ce que je me suis dit en lisant les 35 pages de background qui font l’ouverture du livre de règles.Un peu à la manière d’un Hell Dorado, les auteurs de Carnevale ont inventé une uchro-nie historico-fantastique cohérente et très bien construite qui séduira tous les amateurs de jeu avec un background fort. Tout com-mence en 1792 quand un groupe d’aventu-riers revient à Venise avec une mystérieuse

statuette retrouvée dans des ruines d’une

civilisation inconnue près de Tripoli (le résultat d’une

partie de jeu de rôle, certai-nement). Rapidement, tous les

savant qui observent la statue font d’horribles cauchemars et certains

sombres même dans la folie. L’objet disparaît ensuite. Un an plus tard en 1793, un homme mys-térieux, l’Annonciateur, fait irruption simulta-nément aux sièges des principales religions du

monde avec de graves révélations. Il révèle à tous l’existence de puissances cosmiques maléfiques (les Grands Anciens) prêtes à se jeter sur la terre par l’intermédiaire de cultes secrets. S’il est super-bement ignoré en Asie, ou chassé de Jérusalem, les instances catholiques prennent peur et le font exécuter. Immédiatement cela déclenche un

cataclysme. Une « faille » s’ouvre dans le ciel au-dessus de l’Italie, il y a des trem-blements de

terre, un raz de marée, Rome est engloutie sous

les eaux et l’Italie est désormais coupée en deux par les eaux. Un cardinal a réussi à fuir Rome et rejoindre Venise, emmenant avec lui un livre com-pilant les entretiens avec l’Annonciateur. La ville de Venise a subie des dommages collatéraux suite au raz de marée. Mais depuis l’ouverture de «  la faille dans le ciel », certains habitants ont changé. Casanova, le narrateur du background explique qu’il a rajeuni, se sent plus fort, que sa syphilis a disparu. Des êtres doués de pouvoirs surnaturels apparaissent dans les rues de la ville. On les appelle les élus. Mais le monde est devenu fou, et sombre dans une violence gratuite. Venise est devenue une ville très dangereuse. En Algérie, un seigneur de guerre nommé Abdul Alhazred veut relancer une guerre sainte, car il voit dans «  faille dans le ciel » un message d’Allah contre les infidèles. Les révélations de l’Annonciateur commencent à se diffuser et une nouvelle religion est née.

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Les forces en présence

Depuis Warmachine, on sait que le bon chiffre est 4+1. A Carnevale, on peut donc jouer 4 factions au choix auxquelles se rajoutent des merce… pardon des indépendants.Les Patriciens représentent les élites corrompus de la ville. Avides de violence, ils écument les rues la nuit masqués comme pour le carnaval pour tuer dans des affrontements déséquilibrés les gens du commun. Ces descentes sanglantes portent un nom : les mascherattas. Fortunés ou sans le sou, ces nobles sont accompagnés de serviteurs ou même parfois par des gardes de la cité. Le starter de la faction contient un Noble, deux barnabotis, homme et femme (nobles sans argent au service des autres), et deux gardes de la cité avec des gra-vures différentes.Les Guildes représentent le peuple de Venise, ses organisations criminelles et de corps de métier qui font face à la décadence des élites. On retrouve des agitateurs masqués (les pulcinellas ou poli-chinelles), sorte de projection au 18ème siècle d’Alex et ses droogies dans Orange Mécanique, des prostituées, des bouchers, des barbiers et de simples citoyens. Le starter contient deux citoyens de Venise (un homme, une femme), une prosti-tuée, un barbier, et un Capoedecime, une sorte de super monte-en-l’air.Les docteurs de l’Ospedale est une faction très particulière. A Venise, l’Etat avait fait construire un hôpital pour les malades mentaux sur une île isolée. C’est là-bas que les familles patriciennes cachaient les tares de famille. Au sein de cet établissement, depuis plusieurs années, le directeur Faust Van der Kaine a découvert l’utilisation de la magie via les fous. Il s’est d’abord rendu compte que les fous pouvaient canaliser intuitivement des énergies mystiques, et que ces énergies pouvaient être

manipulées via des gemmes. Mais la clé du succès fut la torture. En soumettant les patients à d’hor-ribles supplices, les médecins ont pu décupler les puissances émises par les fous. Leurs recherches sur le contrôle mental leur ont aussi permis de prendre le contrôle de créatures féroces. L’hôpital abrite donc une ménagerie étonnante. Dans cette faction déjantée, on trouve des docteurs aux différentes spécialités, des fous, un rhinocéros, un crocodile, des infirmières mutilées et des gardiens tout droit sortis de Silent Hill. Le starter contient un plague

doctor, deux doctors of the Arsenale (malheureusement des sculptures identiques), et deux fous avec des gravures différentes.Les Rashaars sont des créatures fantastiques aquatiques qu’on appellerait des profonds du côté d’Arkham et de Lovecraft. Surgis de nulle part, les prêtres-mages Rashaars ont proposé aux franges les plus pauvres de la ville une nouvelle religion, un nouvel espoir en priant des divinités aquatiques oubliés  : le Père Dagon et la Mère Hydra. La faction se compose de Rashaars plus ou moins monstrueux (dont le Morgraur-Rashaar, un monstre énorme et super bien sculpté qui avait donné lieu à un crowfunding spé-cifique via Ulule), de citoyens hybrides car il y a eu des accouplements mixtes, de prêtres et cultistes humains. Le starter contient un prêtre-mage, deux hybrides (homme et femme) et deux Ugdru Rashaars aux sculp-tures différenciées.Les indépendants sont au nombre de 6, ce sont tous des Elus aux superpouvoirs et certains ont des look qui ne choqueraient pas chez Marvel.Chaque entrée de liste a un coût en points, mais les sorts et les équipements aussi. Cela donne une grande flexibilité dans la création de liste. Une partie standard se joue en 150 points.

Venise 1795 : ses canaux, ses gondoles, sa noblesse dégénérée et ses cultes Cthulhiens !

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Le jeu

Carnevale fait partie des jeux d’escarmouches à activation alternée un peu complexe où les scé-narios sont primordiaux. Les règles, bien que très claires, proposent moult options et possibilités de combo. Les figurines sont définies classiquement  : mouvement, combat, tir, dextérité, esprit, pro-tection, points de vie, points d’action mais aussi quelques traits avec des mots-clés, des capacités « universelles », et des capacités spéciales. On joue avec des D10. Quand on doit faire un test sous une caractéristique, on lance autant de dés que la valeur de la caractéristique, et tous les 7+ sont un succès. En corps à corps, le seuil de difficulté est fixé par la dex-térité de la cible. A chaque fois qu’on lance les dés, l’un des dés est différencié (par un dé de couleur dif-férente), c’est le dé de destinée. En cas d’échec et de 1 sur ce dé, c’est la maladresse, et en cas de réussite et de 10 sur ce dé c’est le coup critique. Les figurines disposent en plus d’une valeur de Karma qui fluc-tue durant la partie (on en dépense, mais on peut aussi en regagner). Avec ce Karma, les magiciens pourront lancer des sorts, mais les autres pourront accroître leurs chances de réussite en rajoutant jusqu’à deux dés pour une action.En commençant par le joueur qui a l’initiative, chaque joueur va activer une figurine à son tour et dépenser ses points d’action. En regardant la

liste des actions possibles et leur coût différencié, on rentre dans le vif du sujet. A Carnevale, rien n’est «  auto-play  », il va falloir faire des choix. Les figurines peuvent  : courir, grimper, sauter, courir sur les murs, nager, charger, écraser, tenter de noyer quelqu’un, viser, recharger … et plus encore. La liste des capacités universelles contient près de 70 entrées. On ne peut que saluer le souci d’ex-haustivité des concepteurs.La section « jouer à Carnevale » est aussi un modèle du genre. Là où de nombreux jeux promettent un système de campagne, d’expérience, et de créations de scénarios pour la première extension, il y a déjà tout ça dans le livre de règles décidément bien fourni. Les fondamentaux d’un scénario sont décortiqués pour permettre aux joueurs d’écrire les leurs, le système d’expérience existe avec ces tables de progression, on rajoute une notion d’ob-jectifs secrets (les agendas), et cerise sur le gâteau, les 6 scénarios fournis forment une campagne avec un vrai background bien intégré à celui du jeu. Le seul bémol qui me vient à l’esprit, c’est pour les décors. Encore un jeu avec un univers original qui va demander des efforts de création de table spécifique. C’est bien précisé dans les règles, c’est Venise, il faut des canaux, des quais, de haut bâti-ments, la mer, des gondoles !

Conquis par Venise ?

Les règles et le background sont l’un des points forts du jeu, mais que dire des figurines (on est quand même là pour ces petits bouts de plomb) qui sont vraiment magnifiques. L’équipe de sculpture ressemble à une all-star-team dans le domaine  : Thomas David (beaucoup de patri-ciens), JAG (qui fait la plupart des monstres ras-haar), Rémy Tremblay, Angel Terrol et quelques autres pointures, c’est du lourd. Tous les person-nages nommés ou leaders de factions sont très soignées. Les gravures sont bonnes et les tirages aussi avec des pièces très fines. On a affaire à une superbe gamme, avec un sujet original et peu traité jusqu’ici. Les illustrations du livre ont un style BD/comics peu courant dans la figurine, et si cer-tains dessins ne sont pas terribles, l’ensemble est plutôt convaincant.Carnevale est assurément une belle réussite tant ludique qu’esthétique, mais ce jeu s’adresse à des modélistes et des joueurs confirmés. S’approprier les règles demandera de la pratique et il faudra consacrer un peu de temps à une table de jeu dédiée. Il a toutes les qualités pour séduire les orphelins d’Hell Dorado, ou des joueurs multi-classés jeux de figurines/jeux de rôles qui seront séduits par la richesse évocatrice de son background.


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