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Douleurs, 2007, 8, 1

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L U P O U R V O U S

Résilience et douleur

Florentin Clère

La résilience est un concept déve-loppé en France par le neuropsychia-tre et éthologue Boris Cyrulnik : ellese réfère à la capacité de certains indi-vidus à traverser avec succès les évè-nements de vie difficiles. En citant desexemples célèbres dans ses nombreuxlivres traitant du sujet [1-3], BorisCyrulnik a contribué à la vulgarisation

du concept. Ainsi la résilience est caractérisée par : l’identi-fication d’un traumatisme, la mise en place de stratégies derésistance, un potentiel de développement préservé et unepropension à l’épanouissement.Le champ d’application de la résilience est initialement dudomaine de la physique : elle caractérise la résistance auchoc, est exprimée en kg/cm

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. Plus précisément il s’agit durapport de l’énergie cinétique absorbée nécessaire pourprovoquer la rupture d’un métal à la surface de la sectionbrisée. Par extension elle peut refléter la capacité d’uneballe anti-stress à retrouver sa forme initiale après avoir étémalaxée. Est donc résilient ce qui résiste au choc. Du chocphysique au choc émotionnel il n’y a qu’un pas : quelle défi-nition est aujourd’hui la plus connue du grand public ?Avec certitude la définition « psychologique », qui a faitl’objet d’une médiatisation importante.Adaptation aux situations difficiles, capacités à faire face :comment ne pas faire de liens avec la douleur chronique ?C’est d’ailleurs ce qu’a déjà proposé notre collègue Jean-Pierre Benezech dans un ouvrage [4] regroupant ses articlessur le thème de la douleur. Ses travaux, dont la plupart ontété publiés dans la revue Douleurs, sont assortis de ses pro-pres commentaires afin d’enrichir leur contenu. Intitulé « Ladouleur chronique : une face cachée de la résilience », celivre propose en dernier chapitre un parallèle intéressantentre le résilient rencontré par le « psy » dans son cabinet etle patient douloureux chronique rencontré par les équipesdes structures d’évaluation et de traitement de la douleur.Cette notion, et ses implications dans le domaine de la dou-leur, intéressent également les pays anglo-saxons, comme lemontre l’article des Américains Karoly et Ruehlman [5]. Cer-tainement par respect pour l’ancienneté des physiciens dansle domaine, ils prennent le soin d’entourer de guillemets leterme de résilience et d’y accoler l’adjectif de « psychologi-

que ». Les auteurs utilisent dans leur étude un outil qu’ils ontdéveloppé afin de dégager des profils de patients douloureuxchroniques [6, 7]. Ce questionnaire à 15 items explore 3 pro-blématiques : l’intensité douloureuse, les conséquencessocio-économiques de la douleur et les réactions psychologi-ques à la pérennisation douloureuse. Ont été considéréscomme résilients les patients présentant de hauts scores enintensité douloureuse et de faibles scores pour les consé-quences sociales et psychologiques. Au sein de cette sous-catégorie, des différences significatives ont pu être déga-gées : les capacités à faire face (coping) étaient supérieures,le catastrophisme et la nosophobie moins fréquents, lesdépenses de santé (médicaments, soins) plus faibles.Au-delà de cette étude intéressante, la littérature internatio-nale reste encore pauvre : seuls 3 autres articles [8-10],publiés dans des revues de recherche en psychosomatiqueet en psychologie clinique, ressortent en combinant « resi-lience » et « pain » dans la base de données

Pubmed

. Unemeilleure connaissance du fonctionnement émotionnel despatients considérés comme résilients permettra sans doutedans l’avenir une optimisation de l’approche cognitivo-comportementale du douloureux chronique.

RÉFÉRENCES

1.

Cyrulnik B. Les vilains petits canards. Paris : Odile Jacob 2001.

2.

Cyrulnik B. Le murmure des fantômes. Paris : Odile Jacob 2003.

3.

Cyrulnik B, Duval P. Psychanalyse et résilience. Paris : Odile Jacob 2006.

4.

Benezech JP. La douleur chronique : une face cachée de la résilience. Mont-pellier : Sauramps medical 2005.

5.

Karoly P, Ruehlman LS. Psychological “resilience” and its correlates in chronicpain: findings from a national community sample. Pain 2006;123:90-7.

6.

Ruehlman LS, Karoly P, Newton C, Aiken LS. The development and preli-minary validation of a brief measure of chronic pain impact for use in thegeneral population. Pain 2005;113:82-90.

7.

Ruehlman LS, Karoly P, Newton C, Aiken LS. The development and preli-minary validation of the Profile of Chronic Pain: Extended Assessment Bat-tery. Pain 2005;118:380-9.

8.

Friborg O, Hjemdal O, Rosenvinge JH, Martinussen M, Aslaksen PM, Fla-ten MA. Resilience as a moderator of pain and stress. J Psychosom Res2006;61:213-9.

9.

Strand EB, Zautra AJ, Thoresen M, Odegard S, Uhlig T, Finset A. Positiveaffect as a factor of resilience in the pain-negative affect relationship inpatients with rheumatoid arthritis. J Psychosom Res 2006;60:477-84.

10.

Zautra AJ, Johnson LM, Davis MC. Positive affect as a source of resiliencefor women in chronic pain. J Consult Clin Psychol 2005;73:212-20.

Consultation pluridisciplinaire de la douleur, CentreHospitalier, Chateauroux.

Correspondance : F. CLÈRE,Consultation pluridisciplinaire de la Douleur,

Centre Hospitalier, 216 avenue de Verdun,36000 Chateauroux.

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