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Victor Steinberg Coulais
Magistère de Juriste d’Affaires - DJCE
Aides d’Etat et restructurations bancaires dans la crise
Sous la direction de Maître Virginie Viallard
Année universitaire 2012-2013
2
« L'Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – Économie – Sciences Sociales n'entend
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».
3
SOMMAIRE
LISTE DES ABREVIATIONS ............................................................................ 4
INTRODUCTION ............................................................................................ 5
PARTIE I : LA CRISE DU DROIT .................................................................... 9
Section 1 : L’objectif politique de sauvetage du secteur bancaire ...... 9
Section 2 : L’objectif juridique du droit européen des aides d’Etat 19
PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE ........................................................... 37
Section 1 : Un droit dérogatoire ........................................................... 37
Section 2 : Une dérogation limitée ....................................................... 48
CONCLUSION .............................................................................................. 63
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................... 66
PLAN DETAILLE .......................................................................................... 70
ANNEXE ...................................................................................................... 72
4
LISTE DES ABREVIATIONS
ABE AUTORITE BANCAIRE EUROPEENNE
BCE BANQUE CENTRALE EUROPEENNE
CECA COMMUNAUTE EUROPEENNE DU CHARBON ET DE L’ACIER
CJCE COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
CJUE COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
EURIBOR EURO INTERBANK OFFERED RATE
FED RÉSERVE FÉDÉRALE AMÉRICAINE
FESF FONDS EUROPEEN DE STABILITE FINANCIERE
FMI FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL
JOUE JOURNAL OFFICIEL DE L’UNION EUROPEENNE
OIS OVERNIGHT INDEXED SWAP
MES MECANISME EUROPEEN DE STABILITE
MSU MECANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE
OPCVM ORGANISME DE PLACEMENT COLLECTIF EN VALEURS MOBILIERES
PIB PRODUIT INTERIEUR BRUT
SFEF SOCIETE DE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE FRANÇAISE
SIV STRUCTURE INVESTMENT VEHICLE
SPPE SOCIETE DE PRISE DE PARTICIPATION DE L’ETAT
TFUE TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPEENNE
TPICE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
UE UNION EUROPEENNE
5
INTRODUCTION
« Quand vous êtes dans l’orage, il faut le traverser et surtout ne pas changer de
direction – c’est le seul moyen d’en sortir bien »1.
Des tulipes hollandaises de 16372 aux subprimes américains de 2008, les crises
semblent inhérentes au fonctionnement de l'économie moderne. D'origines et d'intensités
variables, elles constituent, avec les guerres, les facteurs habituels de circonstances les plus
puissants de l'interventionnisme économique3. L'analyse révèle cependant une profonde
mutation du rôle de l’Etat depuis le 17ème
siècle. Si les crises sont initialement considérées
comme des menaces pour la stabilité politique de l'Etat la puissance publique agissant alors
comme un « policier économique »4
il faut attendre le 20ème
siècle pour que
l'interventionnisme public dans la vie économique se renforce. Ceci résulte de la
multiplication des crises (1914-1918, 1929, 1939-1945, 1972) ainsi que du développement,
sous la République, de la notion de service public. Les crises ne sont alors plus considérées
comme un péril pour l'Etat mais, bien au contraire, comme un facteur de légitimation. Le rôle
de « l’Etat protecteur » se construit à l'épreuve de la crise et le droit public de l'économie se
développe. Toutefois, depuis 1945, l’internationalisation des échanges économiques a conduit
au développement de la pensée économique libérale. Sous l’influence de l’école de Chicago,
le rôle de l’Etat dans l’économie s’est réduit. L’interventionnisme public est majoritairement
considéré comme obsolète et dangereux. Des travaux économiques5 ont montré que la
puissance publique, qui souffre d’un déficit d’information sur les performances des
entreprises, est mal placée pour distribuer efficacement des aides. Le risque est alors, in fine,
de faire payer ces interventions par les contribuables. Le retrait de l’Etat s’avère en outre
nécessaire afin de ne pas entraver la liberté économique des différents opérateurs. La libre
concurrence interne et internationale devient le principe référent de toute réglementation
publique économique et les vertus des marchés libres et concurrentiels font l’objet d’un large
consensus parmi les économistes et les gouvernants.
1 Note manuscrite de Jean Monnet, non datée. Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Archives de
Jean Monnet, Fonds AMM. 2 La « tulipomanie » a été en Hollande la première bulle spéculative économique et financière de l’histoire
moderne. En 1642, après le krach, le prix de la tulipe n’était ainsi plus qu’au dixième de sa valeur de 1637. 3 A. de Laubadère, Traité de droit administratif. L'administration de l'économie, Paris, LGDJ, vol. 4, 3e éd.,
1977, p. 15. 4 Videlin Jean-Christophe, Le droit public économique et les crises économiques : approche historique, RFDA,
2010, p. 727. 5 Laffont et Tirole, A theory of incentives in procurement and regulation, MIT, Cambridge, Londres, 1993.
6
La crise de 2008 a bouleversé cet état des lieux. En intervenant massivement au soutien des
banques, et plus largement de l’économie réelle, les Etats ont réaffirmé leur importance dans
le fonctionnement de l’économie. Les mesures d’aide n’ont cependant pas toutes été d’origine
gouvernementale. Les plus grandes banques centrales du monde ont, de manière coordonnée,
adopté une politique contracyclique1, les mesures principales consistant dans des facilités de
refinancement, un recours plus facile au financement de devises et la baisse des taux
directeurs. La Banque Centrale Européenne (BCE) a ainsi fixé ses taux d’intérêts à des
niveaux historiquement bas2.
Seulement, les Etats ne sont plus seuls. Les libertés étatiques sont désormais encadrées par
des législations supranationales. L'Europe - et plus précisément l'Union Européenne -
constitue à ce titre l'ensemble juridique le plus abouti. Fondée sur un principe de concurrence
« libre et non faussée »3, l'Union connaît un ensemble de dispositions relatives aux libertés de
circulation et au droit de la concurrence dont l'objet est, notamment, de restreindre les
possibilités d'interventions étatiques dans l'économie. En effet, bien qu’il existe un débat sur
l’appartenance au droit de la concurrence de cette composante du droit communautaire4, les
gouvernements nationaux sont soumis aux dispositions relatives au contrôle des aides d'Etat.
L’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prévoit ainsi
que, « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur,
dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par
les Etats ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou
qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions ». Cette disposition, qui reprend le principe de prohibition édicté à l’article 4 du
Traité CECA de 1951, existe depuis le Traité de Rome de 1957. Si la notion d’aide d’Etat fera
l’objet d’un examen détaillé dans la suite de l’exposé, il convient de préciser dès à présent les
obligations procédurales qui incombent en la matière aux Etats membres. En vertu de l’article
1 Politique économique dont la finalité et de stimuler l’économie lorsque celle-ci tend à ralentir, et à la freiner
lorsqu’elle s’emballe (www.leconomiepolitique.fr/Dictionnaire_fr_52__def1154.html). 2 A hauteur de 4,25% en 2008, le taux a été progressivement abaissé jusqu’à 0,75% en juillet 2012 puis à 0,5%
en mai 2013, plus bas historique. 3 Présents à l’article 3 et 4 du Traité instituant la Communauté Européenne, ces termes ont été supprimés des
objectifs de l’Union en 2007 par le Traité de Lisbonne. On les retrouve toutefois, séparément, dans différents
articles du Traité (par exemple : article 119 TFUE et Protocole n°27 sur le marché intérieur et la concurrence). 4 S. Martin et Ch. Strasse, La politique communautaire des aides d’Etat est-elle une politique de concurrence ?,
Concurrences, n°3-2005, p.52 et la réponse de Th. Kleiner et A. Alexis, Politique des aides d’Etat : une analyse
économique plus fine au service de l’intérêt commun, Concurrences, n°4-2005, p. 45.
7
108, paragraphe 3 TFUE1, reconnu d’effet direct
2 et tel que précisé par le Règlement du
Conseil du 22 mars 19993, les Etats ont l’obligation de notifier à la Commission tout projet
d’aide envisagé et de fournir toute information nécessaire permettant à la Commission de
prendre une décision. Si la Commission a des doutes quant à la validité de l’aide, une
procédure d’examen pourra être ouverte. En pareille situation, l’Etat membre dispose en
principe d’un mois pour formuler ses observations4. A l’issue de cette procédure de contrôle,
la Commission se prononce. Elle peut alors valider l’aide, éventuellement de façon
conditionnelle5, ou prononcer son incompatibilité. Dans cette dernière hypothèse, l’Etat sera
dans l’impossibilité de mettre en place les mesures envisagées. En cas de non-respect de
l’obligation de notification par l’Etat membre concerné, l’aide versée est automatiquement
qualifiée d’ « aide illégale » et devra être recouvrée. Extrêmement contraignante, cette
procédure limite de façon considérable les libertés étatiques.
Au sens du droit européen, le secteur bancaire vise l’ensemble des établissements qui
« reçoivent des dépôts, ou autres fonds remboursables du public, et qui font des crédits pour
leur compte propre »6. Il fut à l’origine considéré que l’activité bancaire ne devait pas être
soumise au droit de la concurrence au motif selon lequel, participant à la politique monétaire
du pays, elle répondait à une mission de service public. Etait également avancé l’argument
selon lequel, le droit de la concurrence impliquant un affaiblissement des marges, les banques
seraient incitées pour préserver leurs profits à prendre des risques excessifs, ce qui porterait
atteinte à la stabilité du système. Ce point de vue ne résiste cependant pas à une analyse
empirique. En réduisant la taille des acteurs et, par conséquent, le risque systémique, le droit
de la concurrence semble au contraire nécessaire pour prévenir les crises. L’applicabilité des
articles 102 et suivants TFUE a ainsi été affirmée pour la première fois par la Cour de Justice
des Communautés Européennes en 1981 dans l’affaire Züchner et confirmée à de nombreuses
reprises par la suite7.
Dès lors, la question de la légalité des interventions étatiques au soutien du secteur bancaire se
pose. Les mesures adoptées par les Etats membres constituaient-elles des aides d'Etat au sens
1 « La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses informations, des projets tendant à instituer
ou à modifier des aides ». 2 CJCE, 19 juin 1973, aff. 77-72, Carmine Capolongo, Rec. CJCE, I, p. 611.
3 Règl. Cons. CE n° 659/1999, 22 mars 1999.
4 Des possibilités de prorogation du délai sont prévues par le Règlement du 22 mars 1999.
5 La décision de compatibilité sera alors soumise au respect de conditions et d’obligations par l’Etat membre
6 Cette définition s’impose désormais aux Etats membres et résulte du « package CRD IV » adopté par le
Parlement en avril 2013, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. 7 CJCE, 14 juillet 1981, aff. 127/80 : Rec. CJCE 1981, p. 2012 ; D. 1982, inf. rap. p. 122
8
de l'article 107 TFUE ? Si oui, étaient-elles compatibles avec les principes posés par la
Commission ? Se confrontent ici des considérations politiques et économiques - sauver le
secteur bancaire - et des considérations juridiques - respecter le droit des aides d'Etat. Le
conflit oppose les Etats membres à l’Union Européenne, c’est-à-dire les souverainetés
étatiques au marché commun. La difficulté réside dans le caractère éminemment « statique »
de la règle de droit1. Permanent, le droit ne saurait en principe devoir céder face au fait, c'est-
à-dire au particularisme d’une situation donnée. L’analyse de la crise de 2008, des
interventions étatiques et de la pratique décisionnelle de la Commission illustre cependant le
caractère profondément relatif de ce postulat.
Si l’ampleur de la crise de 2008 a relégué le droit, c’est-à-dire les règles traditionnelles
relatives aux aides d’Etat, au second plan ( I ), la Commission a su édicter un régime « ad
hoc » adapté au caractère exceptionnel de la situation ( II ).
1 Georges Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 1998, 2è ed.
9
PARTIE 1 : LA CRISE DU DROIT
La « crise du droit des aides d’Etat » résulte de l’incompatibilité entre le politique –
sauver le secteur bancaire et financier – (Section 1) et le juridique – respecter les dispositions
de l’article 107 TFUE (Section 2).
SECTION 1 : L’OBJECTIF POLITIQUE DE SAUVETAGE DU SECTEUR BANCAIRE
L’ampleur de la crise de 2008 (I) a exigé des interventions étatiques vigoureuses au
soutien des banques (II).
I. Nécessité des interventions étatiques
D’une exceptionnelle gravité (A), la crise de 2008 a pour particularité de concerner au
premier chef les banques (B).
A. Gravité de la crise financière
La crise financière de 2008 trouve son origine dans le marché immobilier américain.
L’octroi de prêts immobiliers à taux variable aux ménages américains à risque (crédits
« subprimes ») 1
et la hausse des taux d’intérêts de la Réserve Fédérale des Etats-Unis (FED) a
conduit à une augmentation considérable du nombre de défauts des emprunteurs. L’arrivée
massive des biens hypothéqués sur le marché a provoqué un éclatement de la bulle
immobilière et un écroulement des prix, de sorte que les banques se sont retrouvées dans
l’impossibilité de se rembourser sur la valeur du collatéral. Dès février 2007, HSBC connait
d’importantes difficultés et doit annoncer la constitution de provisions importantes.
La transmission transfrontière de la crise est très rapide. Le recours à la technique de la
titrisation, opération financière qui consiste à transformer des prêts bancaires
traditionnellement illiquides en titres plus aisément négociables sur les marchés par
1 Crédits hypothécaires plus risqués pour le prêteur que la catégorie prime en raison du profil de l’emprunteur.
10
l’intermédiaire d’une entité ad hoc, conduit à une dilution du risque vers l’ensemble des
établissements de crédit détenant des créances subprimes. L’incertitude quant à l’exposition
au risque donne lieu à une défiance généralisée entre les institutions financières et à une
paralysie du marché interbancaire, empêchant les banques de se refinancer les unes auprès
des autres. En Europe, Northern Rock, institution financière spécialisée dans le secteur de
l’immobilier, doit être nationalisée par le gouvernement britannique pour éviter la faillite. En
dépit de l’intervention massive de fonds souverains1, les difficultés s’accentuent au cours du
premier semestre 2008. Le 7 septembre 2008, deux agences fédérales américaines, Freddie
Mac et Fannie Mae, sont placées sous administration afin de procéder à leur restructuration.
Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehmann Brothers marque le début de la plus grave crise
financière depuis 1929.
Les conséquences de la crise financière sont considérables pour les banques d’une part
et pour l’économie dans son ensemble d’autre part.
La crise a mis en péril la solvabilité des banques à travers plusieurs canaux. Tout d’abord, les
dépréciations d’actifs adossés à des titres « toxiques » ont conduit les banques à passer des
provisions colossales pour compenser les pertes enregistrées. Selon le FMI, la perte de valeurs
liées à ces dépréciations aurait atteint près de 4 000 milliards de dollars, dont les deux tiers
concernant les banques2. Cette dégradation brutale des bilans a conduit à la chute des cours
boursiers. Ainsi, entre juin 2007 et mars 2009, la capitalisation boursière des banques a perdu
70% de sa valeur, soit plus de 4700 milliards de dollars, ce qui représente 8,7% du PIB
mondial3. Enfin, la récession économique a provoqué une hausse brutale des taux de défaut
sur les crédits des ménages et des entreprises, celui-ci passant de 0,4% début 2008 à 3,5% en
avril 20094. L’ensemble de ces éléments a eu pour conséquence un effondrement des profits
des banques de près de 80% entre la fin 2008 et le début 2010 en Europe5.
Les difficultés rencontrées par le secteur bancaire et financier ont eu des effets directs sur
l’économie réelle. En particulier, la capacité de crédit des banques s’étant affaiblie,
l’investissement des entreprises a connu d’importantes restrictions. Par ailleurs, la dévaluation
1 Le fonds « Abu Dhabi Investment Authority » (ADIA) s’est par exemple porté acquéreur de 4,9% de Citigroup,
première banque mondiale, pour 7,5 milliards de dollars, le 27 novembre 2007. Des interventions similaires ont
été réalisées par le fonds « Government of Singapore Investment Corporation » (GIC) ou encore par le fonds
« China Investment Corporation » (CIC). 2 Fonds Monétaire International : « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », avril 2009.
3 V. Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques
4 V. Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut sur les obligations d’entreprise
5 V. Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques
11
des actifs boursiers et immobiliers a eu un effet de restriction de la demande. La zone euro est
ainsi passée d’une croissance de 2% avant la crise à une récession de 5% en 2009.
Alors que des signes de reprise s’annonçaient au dernier trimestre 2009, la crise des
dettes souveraines est apparue au début de l’année 2010. Touchant principalement la Grèce,
l’Irlande et le Portugal, elle constitue une conséquence de la crise de 2008 et, en particulier,
des interventions étatiques pour sauver le secteur bancaire.
La gravité de la crise est accentuée par le fait qu’elle touche en premier lieu des
acteurs clés de l’économie moderne : les établissements bancaires et financiers.
B. Particularisme du secteur bancaire
La gravité de la crise de 2008 s’explique notamment par le particularisme du secteur
bancaire et, plus largement, des institutions financières. Plusieurs de leurs caractéristiques
permettent de comprendre pourquoi les banques ne sont pas des prestataires de services
comme les autres.
En premier lieu, des liens très étroits existent entre les différents établissements de
crédit. La sémantique est ici éclairante : le terme de « système » - et non simplement de
« secteur » - est fréquemment employé pour désigner cet ensemble d’agents économiques liés
entre eux. Ceci résulte de l’importance des expositions symétriques existant entre les banques
à travers les « mécanismes de refinancement interbancaires, la participation à des marchés
financiers communs et les commissions d’inter-change liées à la mise en place de systèmes de
paiement interconnectés »1. Ces différentes « externalités horizontales » conduisent à un
risque de défaillances en chaine sur les marchés, la faillite d’une banque pouvant entraîner
celle de toutes les autres. Ainsi, contrairement à ce qui se passe traditionnellement sur les
marchés de biens et de services où la défaillance d’un opérateur permet de renforcer ses
concurrents, la faillite d’une entreprise dans le secteur bancaire et financier est susceptible
d’affaiblir ses concurrents. Il s’agit de la problématique du risque systémique.
En second lieu, le service rendu par les banques revêt une importance décisive dans le
fonctionnement de l’économie. La confiance des marchés et des déposants envers les
1 PERROT Anne, Politique de la concurrence et faillites bancaires, Revue Lamy de la concurrence, 2009, n°20.
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institutions bancaires et financières autorise les banques à prêter plus que ce qu’elles n’ont
reçu en dépôt : la part de dettes des banques par rapport aux fonds propres est en ainsi bien
plus faible que dans les autres secteurs. Ce déséquilibre permet aux banques d’alimenter la
machine économique. Dès lors, l’affaiblissement du système bancaire a des conséquences
immédiates sur l’économie réelle : le crédit se resserre, les achats immobiliers et la
consommation des ménages ralentissent, les investissements des entreprises diminuent, les
fusions sont plus difficiles à réaliser. De plus, la perte de confiance d’un nombre limité de
déposants vis-à-vis de leur banque est susceptible de provoquer une panique généralisée vis-à-
vis de celle-ci, se traduisant par des demandes massives de retraits de dépôts et, par-là,
d’entrainer sa faillite. Ajoutées aux « externalités verticales », ces « externalités
horizontales » placent le secteur bancaire dans une position particulièrement sensible dans un
contexte de crise
En outre, aucun autre secteur ne s’est développé aussi rapidement au cours des
dernières décennies. Les banques constituent aujourd’hui, par leurs tailles, les premières
sociétés dans le monde. A titre d’exemple, alors qu’IBM pèse entre 80 et 140 milliards
d’euros, les actifs de la BNP sont valorisés à environ 2 500 milliards d’euros. En Europe, le
secteur a connu une croissance unique, passant de 25 à 42 milliards d’euros entre 2001 et
2009, soit une augmentation de près de 7% par an.
L’ensemble de ces éléments gravité de la crise financière et particularisme du
secteur bancaire permet de comprendre pourquoi la politique publique vis-à-vis de ce
secteur revêt une importance considérable en période de crise.
II. Mise en œuvre des interventions étatiques
Diverses (A), les mesures de soutien adoptées par les Etats en faveur des banques ont
incontestablement permis de sauver le secteur bancaire et financier pendant la crise (B).
A. Typologie
Les interventions étatiques au soutien du secteur bancaire ont principalement pris la
forme de garanties (i), de recapitalisations (ii) et de sauvetages d’actifs dépréciés (iii). Il
13
convient de préciser que d’autres mesures ont été ponctuellement adoptées par les Etats
membres1.
i. L’octroi de garanties
Le premier effet de la crise financière pour les banques est la difficulté voire
l’impossibilité de se refinancer sur les marchés. Ceci résulte de la perte de confiance entre les
différents opérateurs des marchés financiers, chacun craignant la défaillance de l’autre. C’est
pourquoi les Etats membres se sont en premier lieu employés à rétablir la confiance sur les
marchés en instaurant des mécanismes de garanties publiques des dettes contractées par les
banques. Un tel dispositif permet de rassurer les déposants des institutions financières par une
garantie de leurs dépôts, évitant ainsi une vague incontrôlée de retraits (bankrun) et une
contagion des banques saines. Dans le contexte de l’assèchement des prêts interbancaires, les
garanties ont également pour objectif de rétablir la confiance entre les institutions financières.
Des garanties ont ainsi été octroyées dans vingt Etats membres, au bénéfice de 182
institutions financières. A l’exception de la Slovaquie, les Etats n’ont octroyé leur garantie
qu’à des institutions financières solvables, afin de limiter les effets de ces interventions sur les
budgets nationaux. De plus, la majorité des garanties ont été accordées pour une durée
maximale de six mois à compter de l’adoption de la décision. Par ailleurs, des Etats membres
ont fait le choix de plafonner le montant maximum de dettes pouvant bénéficier de la
garantie2. Dans un objectif similaire, les gouvernements n’ont généralement garanti que des
dettes senior3 d’une durée de cinq ans maximum.
A titre d’exemple, la France a mis en place une garantie au profit des titres émis par la
Société de Financement de l’Economie Française (SFEF), société de droit privé détenue à
34% par l’Etat et à 66% par sept grandes banques françaises, dont l’objet est de consentir des
prêts aux établissements de crédits4. Aujourd’hui supprimée, cette structure aura permis de
lever 77 milliards d’euros.
1 Certains Etats ont mis en place des facilités de trésorerie (par exemple l’Allemagne au profit de la banque IKB
(affaire C 10/2008) ou encore de la banque Sachsen LB (affaire C9/2008)).
Par ailleurs, quatre liquidations contrôlées ont été décidées pendant la crise (Affaire N560/2009, Fiona Bank,
JOUE C n°76, 10.03.2011, p.3 ; Affaire N194/2009, Bradford and Bingley, JOUE, C n°143, 02.06.2010, p.22 ;
affaire NN19/2009, Dunfermline Building Society, JOUE C n°101, 20.04.2010, p.7 ; Affaire N380/2009, Bank
Luxembourg SA, JOUE C n°247, 15.10.2009, p.3). 2 10% du PIB en Lettonie, 10% des dépenses en Slovaquie
3 Dette bénéficiant de garanties spécifiques et dont le remboursement se fait prioritairement par rapport aux
autres dettes, dites dettes subordonnées. 4 Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie, art. 6.
14
Au total, le montant des garanties octroyées en Europe s’élève à près de 3800 milliards
d’euros, quand 1084 milliards d’euros ont fait l’objet d’une utilisation effective. Le taux
d’utilisation, d’environ 30% à l’échelle européenne, varie selon les Etats membres. Il est ainsi,
par exemple, de 51% au Portugal et de 73% à Chypre alors qu’il n’est que de 7% en Grèce. Il
convient cependant de préciser que le taux d’utilisation n’est pas un indicateur valable du
fonctionnement des régimes : des taux faibles sont généralement liés au fait que les montants
annoncés sont supérieurs aux besoins effectivement constatés par la suite. De plus, un régime
peut contribuer efficacement au rétablissement de la stabilité financière, même si la garantie
n’est pas utilisée : son objet premier est en effet de rétablir la confiance sur les marchés
financiers.
Intervenus principalement entre octobre 2008 et avril 2009 (62%), les régimes de
garanties mis en place prennent progressivement fin depuis l’été 2009. Alors que les
émissions d’obligations garanties représentaient une moyenne mensuelle de 30% du
financement total des banques au premier trimestre 2009, ce chiffre est tombé à 4% en
décembre 2009. L’incertitude persistante sur les marchés a toutefois exigé la prolongation
récente de plusieurs régimes de garantie dans différents Etats membres1.
Cette première forme d’intervention étatique n’a cependant pas permis, à elle seule, de
rétablir la confiance sur les marchés.
ii. La recapitalisation des institutions financières
La recapitalisation consiste en un ajout de capitaux propres dans l’établissement de
crédit. Dans pratiquement tous les Etats2, elle a concerné du tier 1 capital, partie la plus solide
des capitaux propres3. L’objectif était ici de limiter les risques pris en cas de défaillance du
bénéficiaire.
Une telle intervention poursuit plusieurs objectifs4. Il s’agit tout d’abord de rétablir la
stabilité financière et la confiance nécessaires au redémarrage des crédits interbancaires, en
permettant aux banques d’améliorer leur ratio de fonds propres. Par ailleurs, elle vise à limiter
la contagion de la crise financière aux autres activités en contribuant à garantir les prêts en
1 Par exemple, en 2013 : à Chypre (SA35852), en Grèce (SA35999) ou encore en Espagne (SA36020).
2 A l’exception de la Pologne et de la Lituanie qui ont injecté du Tier 2 capital.
3 Le tier 1 rassemble ainsi essentiellement le capital social, les actions ordinaires, les parts sociales et les
réserves. 4 Communication de la Commission concernant la recapitalisation des établissements financiers dans le contexte
de la crise financière, adoptée le 5 décembre 2008 (JO n°C 2010, 15.1.2009, p.2-10), pts. 4 à 6.
15
faveur de l’économie réelle. Les banques ont en effet été tentées de s’abstenir d’accorder de
nouveaux crédits afin de réduire leur taux d’endettement. Enfin, la recapitalisation a pu
constituer une mesure curative accordée à des établissements confrontés à des difficultés
endogènes, qu’il s’agisse d’un soutien d’urgence afin d’éviter la défaillance d’une banque ou
d’une intervention de plus long terme destinée à renouer avec une viabilité à long terme ou à
soutenir une liquidation ordonnée.
Quinze Etats membres ont eu recours à ce type d’aides entre octobre 2008 et décembre 2010,
la majorité ayant été adoptées avant juin 2009. La crise des dettes souveraines de 2010 a
cependant conduit des Etats membres à introduire, renouveler ou compléter des plans de
recapitalisation. A titre d’exemple, le Portugal a du recapitaliser l’une de ses banques au début
de l’année 20131.
En France, la loi de finance rectificative du 16 octobre 2008 instaure un mécanisme de
renforcement des fonds propres des établissements de crédit à travers la Société de Prise de
Participation de l’Etat (SPPE) dont l’Etat français est l’unique actionnaire. Au total, la SPPE a
apporté 20,75 milliards d’euros aux banques.
Adoptées dans l’urgence, ces deux premières séries de mesures ont permis de parer au
plus pressé et de restaurer une certaine stabilité sur les marchés. Néanmoins, il est rapidement
apparu qu’elles restaient, dans certaines hypothèses, insuffisantes.
iii. Le traitement des actifs dépréciés
La crise a révélé une sous-estimation générale des risques sur les marchés financiers.
Cela a eu pour conséquence une réduction de la valeur des actifs à hauteur de 1063 milliards
de dollars dont 293,7 milliards pour les banques européennes. Ces dépréciations ont réduit
l’effet utile des mesures de recapitalisation dans la mesure où les fonds ainsi obtenus ont, le
plus souvent, été employés pour absorber les pertes constatées et constituer des réserves
destinées à faire face à de futures dépréciations.
S’est ainsi posée la question d’une intervention en amont consistant en un sauvetage
par les pouvoirs publics des actifs dépréciés, titres de toute nature (hypothèques, crédits à la
consommation, dettes d’entreprises, etc.) qui ont fait l’objet d’une réévaluation - par
hypothèse à la baisse - suite à la prise de conscience d’une sous-estimation des risques liés à
1 IP/13/31, 21.1.2013, Banif
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cet actif1. Par le biais d’un rachat ou d’une souscription d’assurance, l’objectif était de libérer
la banque bénéficiaire de la nécessité d’enregistrer une perte et ainsi de dégager du capital
réglementaire pour d’autres usages.
Les mesures de traitement des actifs dépréciées sont principalement intervenues entre
septembre 2008 et juillet 2009 (56%). Cependant, en raison de la complexité de cette modalité
d’intervention et des difficultés relatives à sa mise en œuvre, très peu d’Etats2 y ont eu
recours.
Diverses, les mesures de soutien adoptées par les Etats membres au bénéfices des
banques se sont révélées utiles.
B. Efficacité
Les interventions étatiques au soutien des banques ont été massives. A l’exception de
cinq Etats membres3, tous les Etats de l’Union Européenne ont adopté au moins une mesure
pour supporter leurs institutions financières. La plupart ont mis en œuvre à la fois des mesures
de garanties et de recapitalisation4. Au total, au 1
er janvier 2012, 215 institutions financières
présentes en Europe avaient reçu une aide d’Etat liée à la crise financière5.
Entre le 1er
octobre 2008 et le 1er
octobre 2012, le montant total des aides accordées par les
gouvernements européens au secteur financier s’élève à 5058,9 milliards d’euros soit 40,3%
du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Union Européenne. Une large majorité des aides a pris la
forme de garanties (75%). Viennent ensuite les recapitalisations (13%), les sauvetages d’actifs
dépréciés (9%) et les supports de liquidité (3%).
La majorité des aides octroyées n’ont cependant pas été utilisées. Au final, 1700 milliards
d’euros d’aides ont effectivement bénéficiés aux établissements concernés (13% du PIB de
1 J.-L. Valens, Crise du crédit et des entreprises, Lamy, 2010
2 Seuls neuf Etats membres au total
3 Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Malte, Roumanie
4 A l’exception de Chypre et de la Slovénie qui n’ont adopté que des mesures de garanties et de l’Italie qui n’a eu
recours qu’à des recapitalisations. 5 Dont deux ont été aidées par plusieurs Etats membres (Dexia par la France, la Belgique et les Pays-Bas, Fortis
par la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas).
17
l’UE)1. La majorité l’a été sous la forme de garanties (67%) puis d’injections de capital
(20%), de sauvetages d’actifs (8%) et enfin d’injections de liquidité (5%).
Les aides octroyées proviennent à hauteur de 60% des trois plus grands marchés bancaires
d’Europe2. Ce sont cependant la Slovénie, la Lettonie, l’Irlande et la Grèce qui ont, en
proportion de leur PIB, le plus supporté leurs banques3. A l’échelle des Etats, l’aide a
bénéficié en moyenne à treize établissements différents. On observe cependant des variations
importantes selon la structure et la concentration du secteur bancaire de chaque Etat. Ainsi,
dans les marchés concentrés, le nombre de bénéficiaires tend à être plus faible4 que dans les
marchés plus fragmentés5.
Si les aides ont bénéficié à plus de 200 établissements différents, on observe toutefois,
globalement, une forte concentration. Ainsi, les dix plus gros bénéficiaires ont reçu plus de
50% du total des aides. Par ailleurs, dans douze Etats, les trois bénéficiaires majeurs ont reçu
plus de 80% du support total accordé par l’Etat membre. Si quelques Etats ont fait le choix
d’une intervention plus large6, les Etats membres ont majoritairement privilégié le sauvetage
des « institutions systémiques » (« too big to fail »), dont la faillite menacerait le secteur
financier dans son ensemble.
Les aides ont été principalement octroyées au début de la crise financière : près de 80%
d’entre elles sont en effet intervenues entre octobre 2008 et décembre 2008. Le montant des
aides octroyées entre juillet et décembre 2010 a ainsi été sept fois moins important que celui
octroyé entre octobre et juin 20097. Ceci démontre l’efficacité des réponses étatiques.
S’il est difficile de dissocier les aides d’Etat des autres politiques de réponse à la crise,
et en particulier des interventions des banques centrales, la Commission européenne a pu
souligner qu’en l’absence d’interventions étatiques, la faillite du secteur bancaire et, avec lui,
1 La Pologne, la Slovaquie et la Lituanie sont les seuls Etats n’ayant utilisé aucune des aides adoptées.
2 Le Royaume Uni, l’Allemagne et la France.
3 V. annexe n°4 : Montant d’aides utilisées en comparaison avec la taille du secteur bancaire dans chaque Etat
membre. 4En Finlande, Hongrie, Lituanie ou Luxembourg, les aides ont été accordées à moins de trois bénéficiaires.
5 En France, Espagne, Allemagne, au Royaume Uni, les aides ont été accordées à plus de 15 banques (jusqu’à 63
au Danemark). 6 En particulier l’Espagne, l’Allemagne, le Danemark et la Grèce
7 38 milliards contre 250 milliards d’euros
18
de l’économie réelle, aurait été inéluctable1. Plusieurs indicateurs permettent de parvenir à
cette conclusion.
La forte baisse du montant des aides octroyées par les Etats membres entre 2008 et 2010
indique une stabilisation du secteur financier. Le coût des garanties étatiques a ainsi très vite
conduit la majorité des bénéficiaires à se refinancer aux conditions de marché plutôt qu’aux
conditions exigées dans les plans de sauvetage.
Par ailleurs, l’évolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Ois (« Euribor-Ois spread »)2,
considéré comme une mesure du risque pesant sur le système bancaire, permet de parvenir à
une conclusion similaire. En effet, un écart important indique une faible confiance sur les
marchés. Si cet indicateur n’a pas retrouvé son niveau de 2007, on constate que celui-ci a
considérablement baissé depuis la fin de l’année 2008 et les aides publiques accordées3.
En outre, les mesures de support adoptées par les Etats membres ont contribué à la baisse du
risque des institutions financières, tel que mesuré par le « Credit Default Swap spreads »
(CDS spreads). Une baisse de 40% a ainsi été constatée au cours de l’année 20094. Ceci
témoigne du regain de confiance sur les marchés financiers et de la stabilisation du secteur.
Deux études ont permis de démontrer le lien étroit entre l’annonce du soutien étatique et la
baisse du CDS spreads de la banque concernée5.
Les recapitalisations ont également permis d’améliorer la solvabilité des bénéficiaires. Entre
la fin 2008 et le début de 2009, l’injection de plus de 200 milliards d’euros dans le capital des
banques européennes a conduit à un rebond de plus de 2 points du ratio de solvabilité6.
Enfin, les mesures adoptées par les Etats membres ont permis d’éviter le risque d’un « credit
crunch » par lequel les banques et les institutions financières n’auraient plus été en mesure de
financer l’économie réelle, en raison d’une perte de confiance et/ou de la nécessité de réduire
le profil de risque afin de respecter les ratios de solvabilité. L’analyse de l’évolution des
volumes de crédits octroyés donne cependant lieu à un résultat contrasté. La Commission
1 Commission européenne, The effects of temporary state aid rules adopted in the context of the financial and
economic crisis, working paper, octobre 2011, 120 pages. 2 Il s’agit de la différence entre l’EURIBOR (taux interbancaire) et l’OIS (« overnight index swap rate »).
3 V. Annexe n° 5: Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight Indexed Swap rate (OIS) pendant la
crise 4 V. Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques européennes pendant la crise
5 La première étude a été conduite la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en juillet 2009 (« BIS
Papers », No 48, An assessment of financial sector rescue programmes), la seconde par le Fonds Monétaire
International en octobre 2009 (« Global Financial Stability Report »). 6 V. Annexe n°7 : Evolution du ratio de solvabilité des banques européennes pendant la crise
19
constate en particulier la persistance de difficultés d’accès au crédit, en particulier pour les
petites entreprises.
Ces différentes modalités d’interventions étatiques ont été dictées par la gravité de la
crise financière. Elles ne résultent en rien d’un choix idéologique ou politique mais d’un
impératif : sauver le système bancaire et, par-là, l’économie de nombreux Etats.
Satisfait, l’objectif politique de sauvetage des banques doit toutefois être concilié avec
un autre impératif : le respect du droit européen des aides d’Etat.
SECTION 2 : L’OBJECTIF JURIDIQUE DU DROIT EUROPEEN DES AIDES D’ETAT
L’incompatibilité des mesures de soutien au regard du « droit commun des aides
d’Etat » (I) conduit à une interrogation sur la pertinence de ce droit dans un contexte de crise
(II).
I. La violation du « droit commun des aides d’Etat »
Pour la plupart constitutives d’aides d’Etat au sens de l’article 107 TFUE (A), les
interventions étatiques adoptées pendant la crise ne sauraient être autorisées sur le fondement
des dérogations traditionnellement admises en matière de restructurations d’entreprises (B).
A. Qualification des interventions étatiques
Pour être qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une
intervention étatique au soutien d’une entreprise doit remplir quatre séries de conditions
cumulatives : l’aide doit être accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat, constituer
un avantage, présenter un caractère sélectif et enfin fausser la concurrence et affecter le
commerce entre Etats membres.
20
i. Origine étatique
Pour être soumise au contrôle de la Commission, l’aide doit tout d’abord être
« accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ». Autrement dit, la mesure doit être
imputable à un Etat et entrainer une charge financière pour ce dernier. En dépit d’une
formulation laissant penser que ces critères revêtent un caractère alternatif, la jurisprudence1 a
retenu une approche téléologique (critères cumulatifs). Ainsi, seuls les avantages accordés par
les Etats, au moyen de ressources d’Etat, sont susceptibles de constituer des aides d’Etat. Le
juge communautaire a progressivement précisé les contours de la notion d’Etat. La définition
retenue est très large ; dans une décision Steinike du 23 mars 1977, la Cour de Justice a
énoncé qu’ « il n’y a pas lieu de distinguer entre le cas où l’aide est accordée directement par
l’Etat ou par des organismes publics ou privés qu’il institue ou désigne en vue de gérer
l’aide »2. La Cour est allée jusqu’à admettre que des mesures de soutien consenties par des
organismes privés puissent être considérées comme étant des aides publiques si la preuve
d’une tutelle ou d’un contrôle de l’Etat était rapportée.
Cette interprétation de l’article 107 §1 est confirmée dans le contexte de la crise
financière3. Ainsi, qu’elles aient été mises en œuvre directement ou indirectement par l’Etat,
les interventions au soutien des banques ont, en règle générale, été initiées par les
gouvernements nationaux. La question s’est toutefois posée de savoir si l’intervention d’une
banque centrale dans le sauvetage d’un établissement de crédit en difficulté permettait de
considérer ce critère comme rempli. En effet, une banque centrale est par nature indépendante
de l’Etat de sorte qu’il existe un doute quant à la satisfaction du critère d’imputabilité. Dans
l’affaire Northern Rock la Commission a considéré qu’une intervention effectuée de la propre
initiative de la banque d’Angleterre et sans concertation ne constituait pas une aide d’Etat. En
revanche, dès lors qu’une ligne de crédit est décidée en concertation avec l’Etat et
concomitamment à l’adoption par ce dernier d’autres mesures de sauvetage, l’indépendance
de la banque ne suffit pas à faire échapper la mesure à la qualification d’aide d’Etat4. Cette
jurisprudence a été confirmée et pérennisée dans la Communication du 13 octobre 20085. Par
1 CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. Jtes C-72/91 et 73/91.
2 CJCE, 23 mars 1977, Steinike, aff. 78/76.
3 Affaire C9/2008, Restructuring aid to Sachsen LB, point 71 et s.
4 Affaire NN 70/2007, Northern Rock, point 30 et s.
5 V. infra (Partie II, Section I).
21
ailleurs, de simples déclarations émanant des autorités publiques peuvent constituer des aides
d’Etat1.
ii. Octroi d’un avantage
L’aide doit par ailleurs conférer un avantage à son bénéficiaire. Ceci revient à
comparer la situation de l’entreprise avant et après l’octroi de l’aide : il s’agit d’une
comparaison temporelle. La notion d’avantage est entendue très largement par la Cour de
Justice2. Les aides publiques octroyées pendant la crise constituent indiscutablement un
avantage pour les banques aidées par rapport aux banques non aidées. Sur un marché donné, à
conditions de recapitalisation équivalentes, une banque fondamentalement saine sera
désavantagée par rapport à une banque en difficulté ou moins performante. Ceci conduit à
conforter des modèles commerciaux non viables et à soutenir artificiellement le pouvoir de
marché des bénéficiaires. Un « aléa moral »3 est ainsi engendré au profit des banques aidées.
Le signal envoyé au marché est problématique : une garantie d’impunité est implicitement
reconnue aux banques, quelle que soit la rationalité de la politique menée. Les économistes
parlent ici du problème d’engagement (commitment) de l’Etat. Ex ante, la puissance publique
a en effet intérêt à annoncer qu’elle ne sauvera pas les banques en perdition, pour les inciter à
se comporter de façon prudente et rationnelle. Cependant, ex post, une fois que la banque est
en difficulté, le risque de voir se propager la défaillance d’une banque à tout le système
bancaire contraint l’Etat à ne pas respecter son engagement.
Ce critère est traditionnellement examiné au regard du « test de l’investisseur privé »,
en vertu duquel ne remplit pas la condition d’avantage la mesure qui a été réalisée dans des
conditions comparables à celle d’un investisseur privé avisé et prudent en économie de
marché4. L’application de ce test en période de crise est difficile à cerner dans une période où
l’on a vu les Etats les plus libéraux nationaliser leur production automobile ou leur système
bancaire, sans garantie aucune d’un retour rapide sur investissement. Certains Etats ont ainsi
cherché à se prévaloir du contexte exceptionnel afin de faire échec au test de l’investisseur
1 CJUE, 19 mars 2013, aff. C-399/10 et C-401/10, France Télécom confirmant la position de la Commission
européenne. 2 Il est communément admis que l’aide puisse consister en l’octroi de subventions, exonérations fiscales ou
sociales, remises de dette, abandons de créance, octrois de garantie, prises de participation, prêts, locations ou
ventes à des conditions plus avantageuses que celles du marché. 3 Comportement d’un agent qui, parce qu’il est assuré contre un sinistre, va prendre moins de précautions pour
l’éviter, ce qui augmente la probabilité d’occurrence de celui-ci.
(http://www.financedentreprise.pearson.fr/libre/glossaire_a_berk.html) 4 Pour une application, v/ par ex. Déc. Com. 30 avril 2008, aff. NN25/2008, Allemagne, aide en faveur de
WestLB, points 31 et s.
22
privé. Ils se sont cependant heurtés au rejet de la Commission, ainsi qu’en attestent les
décisions sur l’aide à la restructuration en faveur de Fortis ou encore sur les régimes de
garanties danois et finlandais, lesquelles précisent : « dans le contexte de la crise financière,
aucun investisseur privé n’aurait octroyé de garanties de cette importance s’agissant des
dettes senior des banques » 1
. Le Tribunal de l’Union Européenne a également fait le choix de
maintenir son application et même d’en élargir sa portée dans une décision Pays-Bas et ING
Groep c/ Commission en date du 2 mars 20122. Les juges de Luxembourg consacrent ici
l’applicabilité du principe de l’investisseur privé, alors même que le contexte de la mesure
examinée place l’Etat membre dans une situation que ne pourrait jamais connaître un
investisseur privé, à savoir la modification d’une aide d’Etat qu’il aurait octroyé. Il en résulte
l’existence quasi-systématique d’un avantage dans la mesure où l’objet même de
l’intervention étatique est de permettre à une entreprise de faire face aux difficultés
rencontrées en intervenant là où le secteur privé ne le fait plus.
En conséquence, la Commission examine avec une attention particulière les conditions
d’octroi des mesures de soutien adoptées en faveur des banques. Ainsi, dans l’hypothèse
d’une garantie octroyée par l’Etat, la Commission s’attache à la rémunération prévue. Par
exemple, concernant la SFEF, la décision de l’autorité bruxelloise souligne que, « en de telles
circonstances, il est difficile de déterminer quel serait exactement le taux de marché mais la
rareté des opérations laisse à penser que le taux et les exigences en matière de collatéral
seraient sans nul doute supérieures à celles exigées »3. Dès lors, l’existence d’un avantage
peut être retenue. S’agissant des opérations de recapitalisation, la Commission vérifie si une
entreprise privée aurait, dans une situation comparable, accepté les mêmes conditions. Ceci
sera là encore le plus souvent le cas puisque l’intervention étatique est en règle générale
nécessaire en raison de l’absence d’investisseurs privés. Il arrive cependant que l’Etat
intervienne aux côtés de ces derniers lorsque l’apport proposé est insuffisant : alors, si
l’apport du privé est significatif, la condition d’avantage n’est pas remplie : de jurisprudence
constante, ceci permet de présumer que le test de l’investisseur privé est satisfait. Il s’agit du
« critère de concomitance ».
1 Affaires NN 42/2008, NN46/2008 et NN53/A/2008, 3.12.2008, aide à la restructuration en faveur de Fortis
Banque et Fortis Banque Luxembourg 2 Affaires jointes T-29/10 et T-33/10
3 Décision de la Commission C(2008) 6617- Aide d’Etat N548/08 République Française, Mesure de
refinancement en faveur des institutions financières, point 58
23
Toutefois, la Commission considère traditionnellement qu’un prix d’achat correspond
au prix de marché dès lors que la vente est organisée par l’intermédiaire d’un appel d’offre
ouvert à tous et que les actifs vont à celui dont l’offre a été la plus élevée. En dépit du
contexte de crise et de la perturbation du marché, l’institution bruxelloise a fait le choix de
confirmer cette présomption1.
iii. Caractère sélectif de l’avantage
En ne visant que les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines
productions », l’article 107, paragraphe 1, TFUE, exige que l’avantage revête un caractère
sélectif. Cela revient à déterminer si certaines entreprises bénéficient de l’avantage alors que
d’autres n’en jouissent pas : il s’agit d’une comparaison spatiale. Ceci permet d’exclure du
champ de l’article 107 les mesures générales d’ordre économique, fiscal ou social et pouvant
s’appliquer à tous les acteurs du marché. Ces dernières, quand bien même elles emporteraient
un avantage concurrentiel en faveur des entreprises de l’Etat qui les adopte, échappent à la
qualification d’aide d’Etat et relèvent exclusivement de la politique économique des Etats
membres. Ce critère est apprécié avec rigueur par la Commission européenne. Ainsi, une aide
peut être sélective, alors même qu’elle concernerait tout un secteur économique. Il en va ainsi
des mesures qui, bien que de portée générale, ne peuvent en pratique s’appliquer qu’à certains
opérateurs. Autrement dit, une intention affichée de généralisation est insuffisante : seul
l’effet des mesures est pris en compte. Cette solution est opportune : une position inverse
aurait limité l’efficacité du droit communautaire en autorisant un moyen trop évident de se
soustraire à la qualification juridique d’aide d’Etat.
Dans le contexte de la crise, deux modalités d’interventions étatiques doivent être
distinguées. En premier lieu - et c’est l’hypothèse la plus fréquente - les mesures peuvent être
expressément édictées au bénéfice d’une entreprise. Cela a par exemple été le cas de
l’intervention récente du gouvernement français au soutien du Crédit Immobilier de France
(CIF)2. Dans ce cas, l’aide est, par définition, sélective. En second lieu, un plan peut être
conçu de façon générale au profit de bénéficiaires futurs, pas forcément connus lors de la mise
en place du dispositif. Dans cette hypothèse, le critère de sélectivité sera là encore
systématiquement rempli. En effet, l’analyse démontre qu’aucun plan n’a été accordé de
façon générale, absolue et non discriminatoire à toutes les banques exerçant sur le territoire de
1 Affaire C9/2008, aide à la restructuration en faveur de Sachsen LB, 4.6.2008, JOCE L/104/2009.
2 Affaire SA.35389 (IP/13/148), Commission européenne, 21.3.2013.
24
l’Etat membre. Une telle décision eut en effet mis en péril les finances publiques de l’Etat
concerné. Dès lors, l’existence de restrictions - aussi légères soient elles - conduit
inévitablement à la reconnaissance de l’existence d’un avantage spécifique. Par exemple, le
plan de refinancement de l’économie française a été considéré comme remplissant ce critère
dans la mesure où seuls peuvent prétendre au bénéfice des prêts « les établissements de crédit
agréés et contrôlés »1. De la même manière, le simple fait de viser les banques « exerçant sur
le territoire » de l’Etat membre et « respectant le capital minimum exigé par le droit
national » est sélectif aux yeux de l’institution bruxelloise2.
iv. Effets sur le marché intérieur
L’aide d’Etat doit enfin fausser la concurrence et affecter les échanges entre Etats
membres. Ces critères sont interprétés de façon large par la Commission européenne et la
Cour de Justice. Le premier est traité comme la conséquence logique de l’existence d’un
avantage sélectif : lorsqu’une mesure confère un avantage à une entreprise spécifiquement,
elle est a priori considérée comme faussant le jeu de la concurrence3. Le second est considéré
comme rempli à partir du moment où il existe un avantage sélectif faussant la concurrence, à
moins qu’il ne soit démontré qu’il n’existe en la matière aucun échange entre Etats membres,
ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
L’intervention étatique dans le contexte de la crise financière satisfait ces conditions
en ce qu’elle permet le maintien en vie d’une entreprise qui, selon le jeu normal de la
concurrence, aurait du disparaitre. A fortiori, des distorsions de concurrence peuvent
intervenir entre deux banques aidées dès lors que le montant de l’aide accordée diffère. De
plus, les interventions étatiques ont pour risque un repli sur les marchés nationaux, chaque
Etat aidant « ses » banques et renforçant ainsi les barrières à l’entrée sur le marché national.
Enfin, les différences entre les Etats membres en termes de ressources disponibles pour des
interventions publiques nuisent incontestablement à l’égalité des conditions de concurrence à
l’intérieur du marché unique4.
1 Loi n°2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, Titre III,
Article 6 II A ; affaire NN548/2008, 20.11.2008. 2 Affaire N69/2009 € - $ - Swedish bank recapitalisation scheme, 10.2.2009.
3 A moins qu’il n’existe aucune concurrence sur le marché pertinent
4 Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration
prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides
d’Etat, adoptée le 22 juillet 2009 (JO n°C 195 du 19/08/2009 p.9 - 20) ;
25
De tout ce qu’il précède, il résulte que les interventions étatiques au soutien des
banques décidées par les gouvernements nationaux correspondent le plus souvent à des aides
d’Etat au sens de l’article 107 TFUE. Ceci conduit à devoir les soumettre au contrôle exclusif
de la Commission Européenne.
B. Insuffisance des dérogations traditionnelles
Le terme même de « droit européen des aides d’Etat » est un paradoxe au regard de la
prohibition de principe posée par le Traité de Rome. La Commission européenne et la Cour de
Justice de l’Union Européenne (CJUE) ont cependant donné une importance considérable aux
dérogations prévues par les paragraphes 2 et 3 de l’article 107 TFUE. A l’origine marginales,
ces aides autorisées sont devenues une pratique courante dans l’Union. L’incompatibilité est
ainsi « ni absolue, ni inconditionnelle »1.
S’est ainsi construit un cadre communautaire d’encadrement des aides d’Etat au
moyen d’assouplissements réguliers et, sur habilitation du conseil, de l’adoption par la
Commission de plusieurs règlements d’exemption, notamment en matière de formation,
d’aides à l’emploi ou d’aides accordées à des petites et moyennes entreprises (PME). La
dérogation la plus usuelle concerne les « aides destinées à favoriser le développement de
certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n’altèrent pas les
conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun » (article 107,
paragraphe 3, point c) TFUE). Sur cette base, la Commission a adopté des lignes directrices
concernant la situation spécifique des aides d’Etat accordées aux entreprises en difficulté2. En
l’absence de définition communautaire, la notion d’entreprise en difficulté est précisée : il
s’agit de la situation où l’entreprise est « incapable, avec ses ressources propres ou avec les
fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires, actionnaires ou créanciers, d’enrayer
des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics,
vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme »3. Il s’agit d’une définition
économique proche de la liquidation judiciaire du droit français.
1
CJUE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C-143/99,
Rec._p._I-8365) (cf. points 30-31)
2 Lignes directrices du 1er octobre 2004 concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration
d’entreprises en difficulté, JO n°244 du 1.10.2004, p. 2-17. 3 Point 10 des lignes directrices du 1er octobre 2004
26
Les lignes directrices de 2004 reposent sur une distinction fondamentale entre les aides au
sauvetage et les aides à la restructuration. Les premières constituent une assistance de
caractère « temporaire et réversible » qui doivent « permettre le maintien à flot de
l’entreprise en difficulté pendant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan de
restructuration ou de liquidation ». Elles ne peuvent être accordées à une entreprise en
difficulté que sous la forme de prêts ou de garanties d’une durée maximale de six mois et ne
peuvent constituer des mesures structurelles. Les secondes se fondent quant à elles sur un plan
de restructuration « réaliste, cohérent et de grande envergure »1 : elles doivent permettre de
rétablir la viabilité à long terme de l’entreprise et comporter des mesures nécessaires à éviter
toute distorsion de concurrence indue. Dans les grandes entreprises, le bénéficiaire doit
contribuer au financement du plan de restructuration à hauteur de 50% minimum2. Par
ailleurs, une limitation au « strict minimum » des coûts de restructuration ainsi que des
mesures de compensation à l’égard des concurrents sont exigées. Enfin, ces aides sont fondées
sur un principe de non récurrence en vertu duquel une aide à une entreprise en difficulté ne
peut être octroyée qu’une seule fois dans un intervalle de dix ans3.
Le particularisme du secteur bancaire ne fait pas obstacle à l’application de ces
dispositions. Ainsi, lorsque les premières difficultés sont apparues dans le secteur bancaire, la
Commission a tout naturellement commencé par apprécier la compatibilité des aides
accordées par les Etats aux institutions financières en difficulté au regard des lignes
directrices de 2004. Il s’agissait de six régimes concernant les banques Northern Rock4,
Sachsen LB5, IKB
6 , Roskilde Bank
7, WestLB
8 et Hypo Real Estate
9. Il convient cependant de
mentionner deux particularités.
Tout d’abord, la notion d’entreprise en difficulté est entendue de façon large par la
Commission européenne. Outre l’approche traditionnelle reposant sur l’existence de pertes
imminentes conduisant, faute d’intervention publique, à la défaillance de l’entreprise10
, la
Commission retient l’applicabilité des lignes directrices de 2004 dans deux autres hypothèses.
1 Lignes directrices, §§ 34-35
2 Lignes directrices, §§ 38-45
3 V. point 3.3 des lignes directrices relatives aux aides au sauvetage ou à la restructuration
4 Affaire NN70/2007, Northern Rock (décision du 5.12.2007)
5 Affaire C9/2008, aide à la restructuration en faveur de Sachsen LB (décision du 4.6.2008)
6 Affaire C10/2008, aide à la restructuration en faveur d’IKB (décision du 21.10/2008)
7 Affaire NN36/2008, Roskilde Bank (decision du 31.7.2008)
8 Affaire NN25/2008, WestLB (décision du 17.7.2008)
9 Affaire NN44/2008, aide à la restructuration en faveur de Hypo Real Estate (décision du 2.10.2008)
10 Appliquée dans le cadre de l’affaire Sachsen LB, point 96.
27
D’une part, en ligne avec la pratique antérieure de la Commission, un établissement de crédit
est considéré comme étant en difficulté dès lors qu’il risque de passer sous le ratio de
solvabilité minimum exigé par le régulateur bancaire national : cela peut en effet conduire à
une suspension partielle ou totale de l’activité dont les conséquences seraient dévastatrices
pour le bénéficiaire1. D’autre part, une banque est en difficulté au sens des lignes directrices
de 2004 dès lors que sa situation la conduit à courir le risque de voir sa note dégradée de
plusieurs rangs: cela peut en effet mener à des pertes importantes compte tenu des difficultés
de financement subséquentes2.
Par ailleurs, le texte de 2004 prévoit, concernant le secteur bancaire exclusivement, la
possibilité d’octroyer des aides au sauvetage sous une autre forme que des garanties de crédits
ou des crédits, à condition de répondre aux principes généraux applicables aux aides au
sauvetage et de ne pas consister en une mesure financière structurelle3. La Commission a, là
encore, adopté une conception particulièrement large des mesures non structurelles en
assimilant un certain nombre de mesures à des prêts ou à des garanties de crédit. Il en va ainsi
de garanties sur les dépôts4, sur les instruments émis par l’intermédiaire d’un SIV (structure
investment vehicle)5 ou encore de facilités de capital
6. La limite réside cependant dans le refus
d’approuver comme aide au sauvetage une injection de capital.
Mais la faillite de Lehmann Brothers en septembre 2008 marque un tournant : la faillite peut
désormais toucher n’importe quelle banque, quelle que soit sa taille et quelle que soit la
viabilité de son modèle économique. Les plans d’aides se multiplient. La décision « Hypo
Real Estate » est particulièrement intéressante dans l’évolution de la pratique décisionnelle de
la Commission. Se fondant sur les conditions posées par les lignes directrices de 2004, la
Commission approuve le plan d’aide mais précise être allée « au bout de ce qu’il est possible
d’approuver en tant qu’aide au sauvetage dans le cadre des lignes directrices concernant les
aides au sauvetage et à la restructuration ». Sa décision est ainsi justifiée « au vu des tensions
1 La banque Bradford et Bingley a ainsi été suspendue de toute activité de réception des dépôts en septembre
2008 par le régulateur bancaire britannique. 2 Affaire West LB, point 45.
3 Note 15 des lignes directrices du 1er octobre 2004
4 Northernb Rock 44
5 Affaire West LB, point 47 : « la mesure semble être la moins structurelle possible afin de remédier aux
difficultés de WestLB en conformité avec la législation bancaire ». 6 Affaire NN41/2008, aide au sauvetage en faveur de Bradford et Bingley (décision du 1.10.2008)
28
qui ébranlaient les marchés financiers et de la nécessité de protéger les créanciers de Hypo
Real Estate »1.
Les instruments classiques de contrôle de versements des subsides publics
apparaissent en effet dépassés, à la fois sur le fond et sur la forme, par l’ampleur de la crise.
Sur le fond, plusieurs aspects des lignes directrices de 2004 sont en contrariété avec les
impératifs économiques. Des réponses globales au risque de défaillance de pans entiers de
l’économie s’avèrent nécessaires, alors que le texte de 2004 ne permet d’autoriser que des
aides ad hoc au profit d’entreprises envisagées individuellement. Par ailleurs, la situation
d’illiquidité sur les marchés conduit les Etats à devoir venir au soutien de banques saines et
non plus seulement de banques en difficulté. En outre, la situation exceptionnelle créée par la
crise oblige les Etats à devoir octroyer des aides de fonctionnement qui couvrent les coûts de
gestion courante d’une entreprise, alors que de telles aides ne peuvent normalement pas être
autorisées par la Commission dans la mesure où elles sont considérées, par leur nature même,
comme n’étant pas capables de promouvoir le développement de certaines activités
économiques. Des mesures structurelles s’avèrent également nécessaires dès le sauvetage de
l’entreprise et non plus seulement, quelques mois plus tard, lors de la restructuration. De plus,
le principe de non-récurrence ne résiste pas aux nécessités économiques. Enfin, les délais des
plans de restructurations, en principe de trois ans, sont inadaptés au regard de l’incertitude
quant à la date de sortie de crise.
Sur la forme, la gravité de la situation des banques exige des interventions rapides voire
immédiates des Etats membres. Quelques heures suffisent en effet à faire plonger une banque
dans la faillite, ainsi que l’a montré la chute de Lehmann Brothers. Dans ce contexte,
l’examen ad hoc auquel se livre habituellement la Commission devient très vite impossible au
regard du nombre croissant de cas qu’elle doit trancher. Les délais d’examen, en principe de
quelques semaines, ne sont pas envisageables au regard des nécessités économiques.
Cette incompatibilité manifeste semble avoir donné lieu à la mise à l’écart ponctuelle
du droit communautaire. Face au risque systémique bancaire, certains Etats membres ont
adopté des mesures exceptionnelles pour venir en aide, au plus vite, aux institutions
financières, et ce dans la « plus totale illégalité communautaire »2. Des mesures d’aides
publiques n’ont ainsi fait l’objet d’aucune notification préalable à la Commission, en violation
1 Tableau de bord des aides d’Etat 2009, p. 9
2 Jacques Derenne, Concurrences , 2008, n°4, p. 105
29
de l’article 108 paragraphe 3 TFUE. A titre d’exemple, les autorités françaises, belges et
luxembourgeoises ont adopté des mesures d’urgence au profit de la banque Dexia le 30
septembre 2008, avant d’informer la Commission, a posteriori et non a priori, le 1er
et le 2
octobre 20081.
Dans ce contexte, le droit communautaire a été, pendant quelques jours2, mis à l’écart
des interventions étatiques, les Etats membres étant à la tête du mouvement de sauvetage, sans
autorité supranationale de contrôle. L’impératif économique l’a ainsi emporté sur les
principes juridiques. La notion même de droit des aides d’Etat était menacée.
II. Le sens du droit des aides d’Etat dans un contexte de crise
Si l’application du droit de la concurrence en période de crise est discutée (A), la
Commission a choisi de s’adapter au contexte sans pour autant renoncer à son contrôle (B).
A. Le débat
Le droit de la concurrence - et en particulier le droit des aides d’Etat - doit-il s’adapter
à la crise ? Deux réponses sont envisageables.
La notion même de droit est en elle-même une notion statique3. En ce qu’elle pose des
interdits, elle ne saurait devoir s’adapter selon les circonstances. Bien au contraire, « c’est la
longue durée des lois qui en assure l’observation et l’utilité »4
. Ces considérations
s’appliquent avec plus de force encore aux règles d’ordre public, « rocher sur lequel se
construit la société »5, auxquelles appartient le droit de la concurrence.
Par ailleurs, des raisons intrinsèques au droit de la concurrence justifient une réponse
négative. La science économique a démontré que toute crise a des effets positifs à moyen et
long terme en ce qu’elle pousse vers la sortie les entreprises les moins performantes. En effet,
au contraire de ce qui se passe dans les périodes d’expansion où des entreprises inefficientes
1 Affaire C9/2009, Dexia, 26.02.2010, Commission européenne.
2 De façon approximative, entre la faillite de Lehmann Brothers (15 septembre 2008) et le début d’octobre 2008.
3 Georges Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 1998, 2è ed.
4 Georges Ripert, cf. supra.
5 Terré, F. Simler, P. Lequette, Y. (2005). Droit civil. Les obligations. Paris. Dalloz. Précis Droit privé. 9ème
édition. p. 379.
30
réussissent à survivre et à croitre, une baisse rapide de la commande permet d’exclure les
entreprises dont le modèle économique est le plus fragile. Ce phénomène de « destruction
créatrice » permet ainsi de rendre plus solide la base productive, de faciliter une croissance
vigoureuse de la productivité à long terme et de renforcer l’innovation et la croissance dans
les périodes ultérieures1. Autoriser l’intervention publique en période de crise peut provoquer
le maintien d’entreprises « sous performantes » et d’opérateurs dont les capacités de
production ne correspondent plus à l’équilibre à long terme des marchés, du fait d’une
modification structurelle de l’offre ou de la demande2. Dès lors, préconiser une moindre
rigueur des politiques de concurrence en temps de crise, revient, à court terme, à faire payer
les consommateurs et, à long terme, à retarder la reprise plus rapide de la productivité et de la
croissance. Or, du fait de leur atomisation, les consommateurs disposent de peu de moyens
pour se faire entendre et souffrent, eux aussi, des chutes de revenus en cas de récession. En
somme, mettre à l’écart les règles de concurrence revient, en voulant résoudre une difficulté, à
en créer de nouvelles (reprise plus difficile, replis sur les marchés nationaux, distorsions de
concurrence).
Ceci permet de comprendre la prohibition de principe des aides d’Etat. Remettre en cause ce
dogme en période de crise n’est rien d’autre qu’un affaiblissement du principe même du
capitalisme qui n’est, par essence, « qu’une méthode de transformation révolutionnant
constamment de l’intérieur les structures économiques en détruisant les éléments vieillis et en
créant continuellement des éléments neufs »3.
Par ailleurs, il convient de ne pas négliger la nature même du droit des aides d’Etat. A la
différence des autres pans du droit de la concurrence (ententes, abus de position dominante,
concentrations), il s’agit d’un « droit de la crise » qui n’a en principe vocation à s’appliquer
que dans des hypothèses exceptionnelles. Certes, l’octroi de fonds publics peut s’effectuer en
dehors de situations difficiles4, mais rares sont les exemples où des aides interviennent en
période de prospérité économique. Dès lors, une exception fondée sur la seule existence d’une
crise semble difficilement envisageable.
1 John Fingleton, Competition policy in troubled times, Office of Fair Trading, 20 janvier 2009
2 Laurent Benzoni, Les ateliers de la concurrence, Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise économique,
Paris, 27 avril 2009. 3 Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942, Payot, édition française de 1951, p. 106-7
4 L’Etat peut ainsi par exemple inciter de nouvelles activités ou favoriser la cohésion économique et sociale sur
son territoire
31
Ces arguments incitent à la rigueur à l’encontre des interventions étatiques et, en particulier,
au maintien du test de « l’investisseur privé ». Cependant, là encore, la gravité exceptionnelle
de la crise économique semble devoir être prise en compte.
Si le droit de la concurrence est un droit du moyen voire du long terme, il convient de
ne pas occulter les effets à court terme d’une crise économique de la gravité de celle subie
depuis 2008. Le dysfonctionnement de l’économie a des conséquences dramatiques et
immédiates sur de nombreuses entreprises : chute de la demande, difficultés à trouver des
financements auprès des marchés ou des banques, baisse des investissements, délocalisations,
désertification, fermetures d’usines, licenciements, etc. Ceci entraine des répercussions
immédiates sur les ménages. L’année 2009 est ainsi marquée en France par la destruction de
255 000 emplois1, soit une augmentation de 1,8% du taux de chômage. En parallèle, plus de
500 000 personnes sont passées sous le seuil de pauvreté au cours de l’année 2009, portant
leur nombre à 13,5 millions de personnes. Ces coûts sont bien réels et paraissent, pour ceux
qui en supportent le prix, sans commune mesure avec les lointains - donc hypothétiques -
bénéfices du retour à la productivité future. Dans cette optique, la mise en œuvre du droit de
la concurrence devrait pouvoir être plus limitée dans les périodes de crise que dans les
périodes d’expansion économique.
Une telle approche est parfaitement compatible avec une définition du droit de la concurrence
comme un moyen de parvenir à l’efficacité économique et non comme un objet de droit qu’il
convient de protéger en tant que tel2. La règle de raison doit primer sur la règle per se afin de
permettre la prise en compte de finalités extra-concurrentielles dans un contexte de crise
aigüe. A ce sujet, M. Schaub, ancien Directeur Général de la DG Concurrence, estimait que la
politique communautaire de concurrence devait permettre le fonctionnement normal du
marché, la réalisation du marché commun, mais aussi, et cela est plus original, « assurer le
progrès économique et social »3.
Comment par ailleurs admettre l’application de règles fondées sur le postulat selon lequel le
marché est toujours bon alors même qu’il n’y a plus de marché ou que le marché est à ce point
perturbé qu’il y a une perte totale de confiance ? La volonté de faire prévaloir le droit sur
l’impérieuse nécessité de sauver le système bancaire semble difficilement concevable dans un
1 Chiffre record depuis 1954
2 L’efficacité économique a été instaurée comme critère de la politique de concurrence par l’Ecole de Chicago
3 Cité par Louis Vogel dans Les ateliers de la concurrence, Le droit de la concurrence à l’épreuve de la crise
économique, Paris, 27 avril 2009.
32
tel contexte. Il faut voir dans cette confrontation entre l’économie et le droit, entre les
gouvernements nationaux et l’Union Européenne, entre les souverainetés étatiques et le
marché commun, une véritable « crise du droit ». La fin de l’année de 2008 est ainsi marquée
par une profonde asymétrie entre des gouvernements nationaux contraints d’agir au soutien de
leurs banques et une Commission européenne dont les règles étaient inadaptées à la situation.
Il faut ici bien comprendre que l’enjeu n’est plus de préserver une saine concurrence entre les
banques mais plutôt de sauver le secteur bancaire et les économies nationales.
Nombreux sont ainsi ceux ayant prôné une « approche compréhensive des critères »1 dans
cette période de « rupture historique »2. Les pressions exercées par les gouvernements
nationaux sur la Commission européenne ont été considérables. Dans son discours de Toulon
du 25 septembre 2008, M. Sarkozy, Président de la République française, appelle l’Europe,
« en ces circonstances exceptionnelles où la nécessité d’agir s’impose à tous (…) à réfléchir
sur sa capacité à faire face à l’urgence, à repenser ses règles, ses principes (…) et à engager
une réflexion collective sur sa doctrine de la concurrence qui ne doit être qu’un moyen et non
une fin en soi ». Si ce souhait n’est pas propre à la France3, il n’est cependant pas unanime.
Ainsi, à l’inverse de la France de l’Allemagne, de la Suède ou des Pays-Bas, le Royaume-Uni
et les plus petits pays de l’Union ont demandé à la Commission qu’elle agisse avec rigueur
dans l’examen des aides accordées.
La question de l’inapplication du droit de la concurrence en période de crise n’est pas
nouvelle. A la suite du krach de 1929, les autorités américaines ont suspendu l’application du
droit de la concurrence aux Etats-Unis et l’ont remplacé par une loi instaurant un système de
codes professionnels et de contrôle des prix et des quantités4
. Si ce texte a été
progressivement amendé, il y a eu là une véritable « mise à l’écart » du droit de la
concurrence. Des travaux ont montré que cette politique de suspension des règles de
concurrence dans le contexte du New Deal a conduit à prolonger la Grande Dépression de
sept ans5.
Face à ce risque, la Commission devait réagir, sous peine d’être définitivement
marginalisée par les politiques des Etats membres.
1 D. de Béchillon, « Crise : l’Europe doit accepter plus d’aides d’Etat », Les Echos, 20 oct. 2008
2 François Fillon, Premier Ministre français, 2008.
3 Par exemple : Anders Borg, ministre suédois des Finances, a ainsi affirmé : « nous devons nous débarrasser de
ces légions de bureaucrates sur les aides d’Etat ». 4 National Industrial Recovery Act 1933
5 D. Crane, Antitrust Enforcement During National Crises : an Unhappy History, Global Competition Review,
Décembre 2008
33
B. La position médiane de la Commission européenne
Dans ce contexte de crise mondiale, le large consensus existant au sein des autorités de
concurrence et de la communauté scientifique pour affirmer la nécessité du droit de la
concurrence est remarquable. Selon l’analyse, c’est précisément l’insuffisance du droit de la
concurrence qui a participé à l’avènement de la crise. Se sont en effet constituées des banques
de taille systémique (« too big to fail ») dont les comportements excessivement risqués ont été
adoptés en considération de la garantie implicite de l’Etat. L’aléa moral ainsi créé peut être
considéré comme à l’origine même de la crise : loin d’être un problème, le droit de la
concurrence constituerait alors une solution à a la crise1. Ce point de vue est partagé aussi
bien en Europe2 qu’aux Etats-Unis
3.
Les autorités de concurrences, au premier chef desquelles la Commission, sont cependant
averties de la nécessité de prendre en compte le particularisme de la situation économique
dans le contexte de l’année 2008. L’autorité bruxelloise précise ainsi «être consciente des
circonstances exceptionnelles et des risques systémiques inhérents à toute crise financière »4.
Deux objectifs a priori contradictoires doivent être conciliés : garantir la stabilité financière et
préserver la concurrence. Ainsi qu’il a été précédemment démontré, les interventions étatiques
en faveur des banques ne pourraient résister à une application des règles traditionnellement
retenues en matière d’aides d’Etat et de restructurations. Il faut cependant bien percevoir
qu’une approche trop stricte de la Commission aurait pour conséquence immédiate une
marginalisation du droit des aides d’Etat. L’impérativité des interventions étatiques conduirait
en effet inévitablement à la mise à l’écart de facto d’un droit inadapté aux nécessités de la vie
économique.
Dans ce contexte, le Conseil ECOFIN du 7 octobre 20085 a enjoint la Commission de mettre
en place un cadre général permettant d’évaluer rapidement si les interventions étatiques sont
compatibles avec les règles en matière d’aides d’Etat. Quelques jours plus tard, le Conseil
1 Lasserre B., L’Autorité de la concurrence, née sous le signe du pouvoir d’achat, maintient le cap en temps de
crise », RLC, 2009/19, édito 2 Mme Neelie Kroes, ancienne Commissaire à la concurrence : « Les règles de concurrence constituent une
partie de la solution plutôt qu’un obstacle ». 3 C. Shapiro, US Department of Justice : “Keeping markets competitive is no less important during time of
economic hardship than during normal times”. 4 Tableau de bord des aides d’Etat - Automne 2008 - COM/2008/0751 final
5 Composé des ministres de l’Economie et des Finances des Etats membres de l’Union Européenne
34
européen rappelle l’importance des règles relatives à la politique de concurrence1. Les
gouvernements nationaux insistent ainsi sur la nécessité de concilier la stabilité du système
financier et la protection des intérêts légitimes des concurrents au moyen des règles régissant
les aides d’Etat. Cette situation contraint la Commission à s’adapter pour maintenir une
application a minima des règles de concurrence. C’est la notion de « crise du droit ».
Le premier pas est réalisé dès le 25 octobre 2008 par la publication d’une Communication
traduisant cette volonté de compromis2
. Une nouvelle approche, plus souple, de la
compatibilité des aides d’Etat est annoncée. Il faut ici souligner le pragmatisme de la
Commission qui, tout en maintenant les principes fondamentaux du droit des aides d’Etat,
refuse de « sacraliser le marché »3. Le raisonnement sous-jacent repose sur l’idée selon
laquelle l’intérêt du consommateur, dont le droit de la concurrence est le gardien, peut
transitoirement être mieux servi par des entreprises protégées que par une concurrence
parfaite. Par ce texte, la Commission coordonne ainsi les interventions étatiques, revient dans
jeu et réaffirme la prééminence du droit, tout en consentant des assouplissements
indispensables. Ce rôle devait impérativement être endossé en période de crise afin d’éviter
que les interventions étatiques ne sacrifient le marché commun, outil indispensable en période
de difficultés économiques. L’urgence était là : le jour même de l’adoption de cette
Communication, la Commission approuvait déjà des régimes de sauvetage pour le Royaume-
Uni, l’Irlande et le Danemark4. La réactivité dont a fait preuve la Commission aura permis de
restaurer une discipline collective à l’échelle de l’Union Européenne ainsi qu’une sécurité
juridique pour les Etats membres et les bénéficiaires des interventions étatiques. L’Europe du
« chacun pour soi » est évitée5. Suivi de trois autres Communications
6, ce texte d’octobre
1 Conseil européen du 16 octobre 2008 à Bruxelles : « Dans les circonstances exceptionnelles actuelles,
l’application des règles européennes doit continuer à répondre à l’exigence d’une action rapide et flexible. Le
Conseil européen soutient la mise en œuvre dans cet esprit par la Commission des règles relatives à la politique
de la concurrence, notamment aux aides d’Etat ». 2 Comm. CE, 13 octobre 2008, Communication sur l’application des règles en matière d’aides d’Etat aux
mesures prises par les Etats membres en faveur des institutions financières dans le contexte actuel de la crise
financière internationale, aussi appelée « Communication bancaire », JOUE n° C 270 du 25.10.2008, p.8-14. 3 IDOT Laurence, Les mutations du droit des aides d’Etat, Revue Lamy Droit des Affaires, n°46, février 2010,
p.83-87.
4 Affaire NN48/2008, Ireland/Guarantee scheme for banks in Ireland, C(2008)6059 ; NN51/2008,
Denmark/Guarantee scheme for banks in Denmark, C(2008)6034 ; N507/2008, UK/Financial support measures
to the banking industry, C(2008)6058. 5 Neelie Kroes, Commissaire Européen à la concurrence, Bruxelles, 8.12.2008, speech 08/683.
6 Communication de la Commission concernant la recapitalisation des établissements financiers dans le contexte
de la crise financière, adoptée le 5 décembre 2008 (JO n°C 2010, 15.1.2009, p.2-10) ;
Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration
prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides
d’Etat, adoptée le 22 juillet 2009 (JO n°C 195 du 19/08/2009 p.9 - 20) ;
35
2008 marque l’entrée en vigueur d’un nouveau corpus de règles relatives à la compatibilité
des aides d’Etat.
Cette capacité d’adaptation de la Commission ne surprend pas. Ne disposant pas d’un cadre
juridique très rigide, l’institution bruxelloise est habituée à fonctionner de façon souple et
évolutive. En effet, à l’exception des articles du TFUE et des règlements d’exemption par
catégorie développés à partir de 2009, la Commission travaille en la matière essentiellement
au moyen de textes de « softlaw » (« droit mou »). Cette expression vise un ensemble de
d’actes atypiques, dits encore « actes hors nomenclature » en ce sens qu’ils ne sont pas visés
par les Traités. La doctrine considère traditionnellement que ces actes (Communications,
lignes directrices ou encore orientations) peuvent servir de fondement à une revendication
d’une entreprise dans un litige qui l’oppose à l’institution auteur de l’acte1. En ce sens, ils ont
un caractère « quasi normatif »2. En outre, des recours peuvent être formés contre des
Communications de la Commission ayant des effets de droit3. Cependant, à la différence des
textes de « droit dur » (règlements, directives, décisions), les actes atypiques ne revêtent pas
un caractère obligatoire à l’égard de leurs destinataires.
Si, dans une situation d’urgence, la flexibilité de cet instrument juridique présente
d’incontestables avantages, la question de sa légitimité ne saurait être occultée. En la matière,
la Commission dispose en effet d’une liberté considérable. L’immense majorité du droit des
aides d’Etat résulte d’actes unilatéraux adoptés par la Commission, par ailleurs organe de
contrôle. Cette situation interroge au regard de l’importance du droit des aides d’Etat pour les
Etats membres et les souverainetés étatiques. De plus, la faiblesse du contrôle juridictionnel
doit être soulignée. D’une part, les conditions de recevabilité du recours en annulation sont
extrêmement restrictives, l’article 263 TFUE exigeant un « intérêt direct et personnel » des
demandeurs. Lorsqu’ils ne sont pas les destinataires d’une décision, la Cour de Justice exige
ainsi qu’ils soient « atteints en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou
d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, et de ce fait les
individualise de manière analogue à celle du destinataire »4. Ceci conduit à admettre le
recours de concurrents de l’entreprise bénéficiaire qu’à la condition d’établir que l’intéressé
Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la
Communauté, adoptée le 25 février 2009, (JO n°C 072, 26.3.2009, p.1-22). 1 V., par ex.,, à propos d’une Communication, TPICE, 12 déc. 1996, AIUFFASS et AKT c/ Commission, T-
380/94, Rec. p. II-2169, pts 156 à 162. 2 PICOD Fabrice, Cahiers du Conseil constitutionnel n°21 (Dossier : la normativité), janvier 2007.
3 CJCE, 16 juin 1983, aff. C-325/91, France c/ Comm. ; Rec. CJCE 1993, I, p. 3283.
4 CJCE, 15 juillet 1963, aff. 25/62, Plaumann c/ Comm., Rec. CJCE 1963, p.199.
36
jouit d’un statut particulier en ce que sa position sur le marché serait « substantiellement
affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause »1. Par ailleurs, à supposer qu’un
recours ait été jugé recevable, le juge communautaire ne procède qu’à un contrôle restreint.
Ainsi, « il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation économique à celle de la
Commission » et le contrôle « se limite nécessairement à la vérification du respect des règles
de procédure, de motivation, à l’exactitude matérielle des faits, à l’absence d’erreur
manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir »2. Il convient cependant de nuancer
cette critique dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a fait l’objet d’une habilitation
informelle du Conseil ECOFIN du 7 octobre 2008 et d’une validation a posteriori du
Parlement3.
Face à la crise financière, entre une « rigidité dogmatique » et une « flexibilité
excessive », la Commission a ainsi expérimenté une troisième voie, « celle de la prise en
compte, dans la mise en œuvre du droit et dans le respect de ses principes, de certaines
circonstances d’environnement économique caractéristique de la période de crise »4. Il
convient à cet égard de remarquer que si la première Communication est structurée par l’idée
selon laquelle il s’agit d’une dérogation exceptionnelle et temporaire aux règles de droit
traditionnellement applicables, les Communications suivantes, et en particulier celle de
janvier 2009, élargissent l’ampleur de la dérogation en édictant des règles nouvelles
applicables aux institutions financières, dont le contenu forme un véritable « droit de la
crise ». Ce régime ne doit pas être simplement perçu comme une mise à l’écart de principes
trop rigoureux en période de crise, mais, bien plus, comme la création de normes nouvelles
adaptées au particularisme bancaire et au contexte de crise.
1 TPICE, 12 déc. 2006, aff. T-146/03, Asociacion de Estaciones de Servicio de Madrid et Federacion Catalana de
Estaciones de Servicio c/ Comm., Rec CJCE 2006, II, p. 98. 2 Affaire T-29/10 et T-33/10, Kingdom of the Netherlands and ING Groep NB v Commission, TUE, 2.3.2012.
3 Dans une résolution en date du 10 mars 2009, le Parlement Européen a admis la mise en œuvre d’un régime
dérogatoire pendant la crise, tout en insistant sur la nécessité de « veiller à ce que les plans d’urgence soient
compatibles avec les principes d’une concurrence loyale »3.
4 F. Jenny, La crise économique et financière, la régulation et la concurrence, Concurrences, 2009, n°2, p. 68.
37
PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE
La Commission a mis en place un droit dérogatoire (Section 1) dont la portée reste
toutefois limitée (Section 2).
SECTION 1: UN DROIT DEROGATOIRE
La dérogation concerne aussi bien la forme (I) que le fond (II) du droit européen des
aides d’Etat.
I. La dérogation quant à la forme
Le dernier trimestre de l’année 2008 est marqué par un afflux sans précédent de
dossiers d’aides d’Etat. Ceux-ci visant à prévenir la faillite d’un établissement et à restaurer
un certain degré de confiance sur un marché paralysé, l’urgence de leur approbation est
absolue. La réorganisation interne de la Commission et l’assouplissement de la procédure de
contrôle (A) auront permis à l’institution bruxelloise de faire preuve d’une réactivité accrue
(B).
A. Assouplissement de la procédure de contrôle
Dès décembre 2008, la Commission a constitué une « task-force » d’une cinquantaine
de fonctionnaires européens venant étoffer ses effectifs normalement dédiés aux affaires
d’aides d’Etat. Par ailleurs, alors que les décisions de la Commission doivent en principe être
adoptées collectivement par le Collège des Commissaires1, Md. Neelie Kroes, Commissaire à
la concurrence, a reçu une habilitation exceptionnelle lui permettant de prendre seule des
décisions de compatibilité à l’égard des institutions financières2. L’objectif de la Commission
était de faire face à la « situation exceptionnelle sur les marchés » afin de « prévenir les
1Articles 1 et 4 des règles de procédure de la Commission telles que modifiée le 15 novembre 2005 (JOUE L
247/83). Exemple d’application en matière d’aides publiques : TPI, 27 avril 1995, AAC c/ Commission, aff. T-
442/93, Rec. II-1329, pts. 83 2 Minute de la 1845ème reunion de la Commission, 1er octobre 2008, PV(2008) 1845 final, §10.4.
38
risques de faillite du système financier et de l’économie dans son ensemble »1. Limitée à trois
mois (novembre 2008 à janvier 2009), cette délégation était conditionnée à la certification de
l’urgence des mesures à adopter par une lettre motivée du gouverneur de la banque centrale de
l’Etat membre concerné et à l’approbation préalable des DG « Marché intérieur et services »
et « Affaires économiques et financières ».
La Communication du 13 octobre 2008 présente les mesures prises par la Commission
pour garantir l’adoption rapide des décisions dès réception d’une notification complète. Une
procédure de consultation simplifiée au sein de la DG concurrence est ainsi mise en place et
des modalités d’habilitation temporaire d’un membre de la Commission sont instituées. En
outre, les Etats peuvent recourir à une procédure écrite d’urgence et les exigences
linguistiques sont simplifiées.
La Commission s’est également attachée à multiplier les contacts informels avec les
Etats. Afin d’éviter une décision d’incompatibilité dont les conséquences auraient été
dévastatrices pour l’économie de l’Etat concerné, les gouvernements nationaux et la
Commission ont ainsi engagé des discussions ex ante sur le contenu et les modalités de mise
en œuvre de l’aide envisagée. L’institution bruxelloise a par ailleurs multiplié les décisions
provisoires d’autorisation pour des raisons de « stabilité financière »2. Dans l’affaire SNS
REAAL, il est frappant de noter que la décision finale a été rendue plus d’un an après la
décision provisoire3. Plus encore, du fait de l’urgence, certaines mesures d’aides ont été mises
en œuvre par les Etats membres préalablement à leur approbation par la Commission
européenne et ce en violation des obligations procédurales classiquement applicables en la
matière4.
L’ensemble de ces mesures auront permis à la Commission de réduire les délais
d’examen des aides d’Etat.
1 Communication du Président, Temporary empowerment, SEC(2008) 2572/2.
2 C43/2008, 12.05.2008, Aid for the restructuring of WestLB ; C/10/2008, 21.10.2008, Restructuring aid to IKB ;
C9/2009, 26.02.2010, Approval of restructuring plan for Dexia 3 N611/2008, 10.12.2008 et N379/2009, 28.01.2010
4 V. supra (Introduction).
39
B. Réactivité accrue
Alors que le délai traditionnel était de plusieurs semaines, des schémas d’aide ont été
examinés en quelques jours à peine et parfois même en moins de vingt-quatre heures1. Ainsi,
entre octobre 2008 et décembre 2012, la Commission a adopté plus de trois cent décisions
relatives à des aides d’Etat dans le secteur financier dont la majorité l’ont été dans un délai
inférieur à dix jours. Sur dix-sept décisions prononcées avant mars 2009, neuf l’avaient été en
moins d’une semaine.
Cette exceptionnelle rapidité interroge au regard de l’effectivité du contrôle effectué. La
quasi-totalité des décisions ont été des décisions d’approbation. Il n’y a ainsi eu qu’une seule
décision négative2. Par ailleurs, seuls trois appels ont été formés par les parties
3. Pour certains,
la crise a poussé la Commission à ne pratiquer qu’un contrôle formel, se contentant
d’entériner les projets présentés par les Etats membres. L’application du régime de contrôle
des aides d’Etat aurait ainsi été de facto suspendue. Les décisions précitées WestLB, Dexia,
encore Bank of Ireland4 mettent en lumière la tolérance de la Commission confrontée à des
interventions étatiques réalisées sans notification préalable. Le contrôle exercé par la
Commission aurait alors relevé d’une volonté d’affichage consistant à réaffirmer le rôle
primordial de l’institution bruxelloise, en dépit de l’absence de véritable examen de
compatibilité de l’aide.
Il convient cependant de contester ce point de vue. La Commission n’a en effet accepté de
réagir dans l’urgence que lorsque cela était justifié par l’éventuelle faillite d’un établissement
et l’existence d’un risque systémique. En d’autres termes, les délais raccourcis et les examens
allégés n’ont prévalu que pour les aides au sauvetage. En revanche, la procédure normale a
repris ses droits s’agissant des aides à la restructuration, qui n’interviennent par hypothèse
qu’une fois qu’il a été paré au plus pressé via le plan de sauvetage. Ainsi, par exemple, le
second plan de restructuration de Northern Rock a fait l’objet d’un examen approfondi de la
1 La mesure de nationalisation de la banque britannique Bradford & Bingley a ainsi été notifiée par le
gouvernement britannique le 30 septembre 2008 et considérée comme compatible avec le marché commun le
lendemain (affaire NN41/2008). 2 Affaire C33/2009 €-$ - Restructuring of BIPP (OJ, L 159, 17.6.2011, p. 95-106) pour laquelle la Commission a
ordonné la recuperation de l’aide octroyée par le Portugal à BPP. 3 Commission Européenne, 18 novembre 2009 sur l’aide d’Etat C 10/09 octroyée par les Pays-Bas au profit
d’ING (OJ L 274, 19.10.2009, p.139) ; Commission Européenne, 12 mai 2009, sur l’aide accordée par
l’Allemagne à WestLB C43/08 et C11/2009 4 Affaire N149/2009, Commission européenne, 26.3.2009, Recapitalisation of Bank of Ireland
40
Commission1. Cette approche résulte de la volonté de la Commissaire à la concurrence de ne
pas entériner sans contrôle les aides publiques décidées par les Etats membres2. On retrouve
ici la volonté de conciliation entre l’exigence, à court terme, de stabilisation du secteur
financier et celle, à long terme, de mise en œuvre des règles de concurrence.
Si le régime des aides d’Etat pendant la crise financière est marqué par des règles
procédurales plus flexibles, la Commission a également opéré une mutation des règles de
fond.
II. La dérogation quant au fond
La « découverte » d’un nouveau fondement juridique (A) a permis à la Commission de
retenir une qualification plus restreinte des interventions publiques en aides d’Etat (B),
d’adapter les principes structurants du droit des aides d’Etat en matière de restructurations
(C), et de développer des principes nouveaux (D).
Il convient de préciser que la Commission a également édicté de nouvelles règles en matière
d’accès au crédit3. Si ce nouveau dispositif est lié à la crise, il se distingue de la question des
restructurations bancaires. C’est pourquoi il ne sera pas abordé dans le cadre de cet exposé.
A. Le changement de fondement juridique
Le régime de droit commun des aides d’Etat en matière de restructurations est fondé
sur l’article 107, paragraphe 3 c) TFUE4. Ce fondement textuel n’a rien de transitoire et est
applicable sans limite de temps, pour peu que ses conditions soient respectées. Choisir ce
fondement à la dérogation aurait conduit à substituer au régime précédent un nouveau régime
plus favorable aux aides publiques. Ce n’est pas le choix qu’a fait la Commission qui
n’entendait alléger le régime de compatibilité que le temps de revenir à la situation normale.
1 Affaire C14/2008, Commission européenne, Northern Rock
2 Md. Neelie Kroes, 8 décembre 2008 : « Notre rapidité d’action est très bonne mais je ne suis pas le père Noël
et je ne suis pas là pour mettre des tampons sur les projets ficelés par les Etats membres sans poser de
questions ». 3 Il s’agit du Cadre communautaire temporaire pour les aides d’Etat destinées à favoriser l’accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO C 83 du 7.4.2009, pp. 1-15). 4 V. supra (Partie I, Section II).
41
Le Traité dispose en son article 107, paragraphe 3 b) que, peuvent être considérées
comme compatibles avec le marché commun, les aides destinées à « remédier à une
perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ». Cette disposition n’avait été utilisée
formellement qu’une seule fois, dans les années 1980, afin d’autoriser des mesures
structurelles adoptées par les autorités grecques pour remédier aux graves perturbations de
l’économie du pays, consécutives à la dévaluation de la drachme grecque1. L’autorité
bruxelloise avait refusé de se référer à ce texte dans le contexte des crises économiques du
milieu des années 1970 et, en particulier, lors de la crise pétrolière de 1974. Plus récemment,
dans l’affaire du Crédit Lyonnais, la Commission avait eu l’occasion de préciser à quelles
conditions il pourrait être recouru à cette disposition. Elle avait ainsi estimé que « les
difficultés d’une ou de quelques banques n’entraînent pas nécessairement une crise de
confiance pour tout le système » mais que, toutefois, « la défaillance d’une seule banque de
certaine taille pouvait mettre en difficulté plusieurs autres institutions de crédit qui lui sont
financièrement liées, causant ainsi une crise plus générale ». Dans cette affaire, la
Commission avait estimé que les difficultés du Crédit Lyonnais ne trouvaient leur origine que
dans une mauvaise politique de contrôle des risques et des valeurs acquises, excluant ainsi
l’applicabilité de l’article 107, paragraphe 3 b) TFUE2. Le Tribunal de Première Instance de
l’Union Européenne (TPICE) avait confirmé cette approche restrictive dans une décision du
15 décembre 1999 en refusant de voir dans la réunification allemande un cas de
« perturbation grave de l’économie d’un Etat membre » justifiant l’application de l’article
107, paragraphe 3 b)3. Après quelques hésitations
4, la Commission a finalement admis
l’application de ce texte à la crise financière. Le changement opéré est justifié par le caractère
exceptionnel du contexte économique et par ses conséquences sur l’économie réelle. Le
tableau de bord des aides d’Etat de 2009 précise ainsi que la crise qui traverse l’Europe est
« l’une des plus graves crises financières et économiques depuis près d’un siècle »5.
Une base juridique alternative aurait pu résulter de l’application de l’article 108,
paragraphe 2 du TFUE, en vertu duquel une aide instituée par un Etat membre, peut être
1 Commission Européenne, 7.10.1987, JOCE L 76 du 22 mars 1998 p. 18 ; Signalons par ailleurs l’utilisation de
cette disposition en 1974 lors de la crise pétrolière et en 1991 lors des privatisations en Grèce dans le cadre de
décisions informelles de la Commission. 2Commission Européenne, CE 20 mai 1998 concernant les aides d’Etat accordées par la France au groupe Crédit
Lyonnais, notifiée sous le numéro C (1998) 1454. 3 TPICE, 15 déc. 1999, aff. T-132/96 et T-143-96, Freistaa Sachsen, Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen
GmbH c/ Commission 4 La Commission avait, avant octobre 2008 refusé d’appliquer l’article 107, paragraphe 3b) à la crise financière
(affaires WestLB, Sachsen LB et Northern Rock, cf. supra). 5 Tableau de bord des aides d’Etat 2009, COM (2009) 164 final.
42
déclarée comme compatible par le Conseil, « si des circonstances exceptionnelles justifient
une telle décision ». Cette notion est cependant entendue de façon particulièrement exigeante
par la Cour de Justice, un cas « rare » ne constituant pas nécessairement une « circonstance
exceptionnelle »1.
Ce fondement original autorise l’application d’un régime dérogatoire dont l’une des
caractéristiques réside dans une qualification plus restreinte des interventions étatiques en
aides d’Etat.
B. Une qualification plus restreinte
Le régime dérogatoire fondé sur l’article 107, paragraphe 3, b) est caractérisé par une
méthode de qualification originale des mesures d’aides étatiques.
S’agissant des interventions décidées par des banques centrales, la Communication du 25
octobre 2008 précise et pérennise la jurisprudence Northern Rock2. Elle considère ainsi que
l’octroi de fonds de la banque centrale à une institution financière ne constitue pas une aide
lorsque la décision est initiée par la banque centrale et qu’un certain nombre de conditions
sont remplies. Le texte fait en particulier référence à l’exigence de solvabilité du bénéficiaire,
d’un « taux d’intérêt pénalisateur » ou encore d’une sureté garantissant la facilité de crédit
octroyée. Fondée sur une « situation exceptionnelle », cette interprétation peu orthodoxe des
critères de qualification d’une aide Etat s’inscrit dans le « droit de la crise » mis en place par
la Commission.
Par ailleurs, pour la première fois à notre connaissance, l’institution bruxelloise a
explicitement indiqué aux Etats membres les moyens pour venir au soutien des opérateurs
économiques et des institutions financières victimes de la crise, tout en échappant à la
qualification d’aide d’Etat. Il s’agit d’une approche originale par laquelle la Commission
édicte une véritable grille de lecture à destination des Etats membres, afin qu’ils disposent des
clés pour échapper à son contrôle.
Dans la Communication de janvier 2009, la Commission prend ainsi soin de rappeler aux
Etats membres qu’ils peuvent décider de « mesures générales » sans tomber sous le joug de
1 Ainsi, en matière de récupération d’une aide d’Etat illégale : CJCE, 11 mars 2010, aff. C-1/09, Centre
d’exportation du livre français, Min. de la Culture et de la Communication c/ SIDE. 2 V. supra (Partie I, Section II).
43
l’article 107 TFUE, le critère relatif à l’existence d’un avantage spécifique n’étant pas rempli.
Les Etats peuvent dès lors librement adopter des mesures « applicables à l’ensemble des
entreprises sur leurs territoires de façon à atténuer temporairement les problèmes de
financement à court et moyen terme ». En conséquence, peuvent être accordés des délais
supplémentaires de paiement de cotisations sociales, de charges patronales, voire d’impôts, à
condition que cela soit applicable de manière générale, à toutes les entreprises et à tous les
secteurs1. La distinction entre mesures générales et aides publiques reste cependant difficile à
appréhender2.
En outre, la Commission précise que les mesures résultant d’un « capitalisme public », en ce
qu’elles ne constituent un avantage au sens de l’article 107 TFUE, ne sont pas prohibées.
Cette notion suppose néanmoins l’application délicate du critère de « l’investisseur privé en
économie de marché »3.
Le cœur du « droit de la crise » réside dans l’assouplissement des conditions
d’appréciation de la compatibilité d’une aide d’Etat.
C. L’adaptation des principes structurants
Les Communications publiées en 2008 et 2009 conduisent à une adaptation
significative des principes traditionnellement applicables en matière d’aides d’Etat et de
restructurations tels qu’édictés dans les lignes directrices de 2004.
Le domaine d’application des règles autorisant les aides d’Etat est tout d’abord élargi. La
Communication d’octobre 2008 ouvre aux Etats membres la possibilité d’aider des
institutions financières fondamentalement saines dont les difficultés découlent exclusivement
des conditions générales du marché4. En conséquence, la rigueur du régime applicable aux
entreprises en difficulté, et en particulier l’exigence d’un plan de restructuration, est atténuée.
1 Communication établissant un cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser
l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, JOUE n° C 83/2, 7.4.2009,
point 2. 2 V. supra (Partie I, Section II).
3 V. supra (Partie I, Section II).
4 Communication du 13.10.2008, point 14.
44
Cette possibilité de venir au soutien de banques saines a été utilisée par la France dans la loi
de finance rectificative du 16 octobre 2008 et validée par la Commission le 30 octobre 20081.
Les modalités d’interventions étatiques sont également élargies. Des mesures structurelles
telles que la recapitalisation ou le sauvetage d’actifs dépréciés sont acceptées dans l’aide au
sauvetage. Un principe d’approbation temporaire est ainsi introduit2.
Les délais d’intervention sont par ailleurs allongés. La période de cession d’actifs,
généralement limitée à dix-huit mois, pourra ici être prolongée jusqu’à cinq ans en raison
d’éventuelles difficultés pour trouver un acquéreur3. La période de restructuration est quant à
elle étendue à cinq ans4. Il s’agit d’une prise en compte de l’objectif particulier de stabilité
financière qui exige une flexibilité suffisante pour la mise en œuvre de mesures de
restructuration. Ce délai est en effet plus long que la pratique habituelle qui prévoit, sur le
fondement des lignes directrices de 2004, des plans de deux ou trois ans.
L’exigence de participation significative du bénéficiaire au plan d’aide est également
assouplie. Alors que le droit commun exigeait une participation de 50% au minimum pour les
grandes entreprises5, la Commission, tenant compte des difficultés d’accès au financement et
du contexte général d’incertitude en période de crise, a refusé de fixer un seuil ex ante. Les
exigences varient ainsi selon chaque bénéficiaire. A titre d’exemple, la décision
Commerzbank rendue le 7 mai 2009 est éclairante. Après avoir fait référence au caractère
« irréaliste de l’exigence de 50% de contribution personnelle dans un contexte de crise
financière », la Commission valide l’aide accordée par l’Allemagne6.
Enfin, en raison du contexte d’incertitude et de la nécessité de stabiliser le système financier,
le principe fondamental de non-récurrence (« one-time-last-time ») a été temporairement
écarté : les Etats membres ont la faculté de cumuler sur le fondement de l’article 87,
paragraphe 3, point b) TFUE plusieurs aides aux mêmes bénéficiaires. Par exemple, les aides
au traitement des actifs toxiques peuvent s’ajouter à celles définies dans la Communication
1 V. supra (Partie I, Section I).
2 Communication du 25.02.2009, annexe V
3 Communication du 22.07.2009, point 37.
4 Communication du 22.07.2009, point 15.
5 Communication du 1
er octobre 2004, point 44.
6Affaire N244/2009, 07.05.2009, Commission européenne, point 85.
45
bancaire1. Ainsi, les établissements de crédit WestLB, Dexia ou encore Bank of Ireland ont pu
bénéficier d’aides successives.
Outre ces assouplissements significatifs, le « droit de la crise » est marqué par
l’introduction de principes inédits dans le contrôle de compatibilité des aides d’Etat.
D. L’adoption de principes nouveaux
L’analyse des Communications et des décisions rendues par la Commission depuis
2008 montre que le droit des aides peut permettre de poursuivre d’autres finalités que celles
qui lui sont habituellement assignées (le renforcement du marché commun, la préservation
d’une saine et égale concurrence au sein de l’Union Européenne et le contrôle des
comportements anticoncurrentiels). Par sa pratique décisionnelle, l’autorité bruxelloise avait
déjà pu dans le passé forcer des pans entiers de l’économie à se restructurer (par exemple, en
matière d’industrie sidérurgique) ou à réorienter le versement de fonds publics vers d’autres
priorités (formation professionnelle ou encore protection de l’environnement). La crise
financière ne déroge pas à cette « instrumentalisation » du droit des aides d’Etat. Deux types
de nouvelles finalités peuvent ainsi être dégagées de la pratique décisionnelle de la
Commission.
Les Communications publiées mettent tout d’abord en avant des exigences morales,
des impératifs d’équité et de responsabilité à la charge des bénéficiaires de fonds publics,
jusque-là totalement étrangers au droit des aides d’Etat.
Tous les plans d’aides ont ainsi prévu des changements dans la gouvernance du bénéficiaire.
Si certains Etats ont imposé la nomination de nouveaux membres au Conseil
d’administration2
, d’autres3
ont souhaité pouvoir bénéficier d’un droit de véto sur les
décisions stratégiques (acquisitions, cessions, distributions de dividendes). D’une façon
générale, la Commission a veillé à renforcer l’indépendance des décideurs et à lutter contre
1 Annexe 5 de la Communication sur les actifs dépréciés.
2 Royaume-Uni, Irlande, Portugal
3 Le plan néerlandais soumet ainsi à l’approbation de l’Etat les décisions de modifications statutaires relatives à
des émissions d’actions ou d’instruments donnant accès au capital, au lancement d’une procédure de dissolution,
à la modification de la stratégie ou à toute autre modification substantielle affectant l’établissement concerné.
46
les conflits d’intérêts au sein des institutions financières, par exemple en exigeant une
augmentation des administrateurs indépendants au sein du Conseil d’administration1.
En outre, la Commission a cherché à surveiller le montant des revenus accordés aux dirigeants
des sociétés bénéficiaires. Ceci résulte de la Communication « recapitalisation » qui prévoit,
parmi les gardes fous imposés au bénéficiaire, l’inclusion d’une « politique restrictive à
l’égard des dividendes » et la mise en place d’un « plafonnement de la rémunération des
dirigeants ou des primes versées »2
. Ces principes sont rappelés à l’identique dans la
Communication sur les actifs dépréciés3. La distribution de dividendes a ainsi pu être
purement et simplement interdite4 ou limitée à un pourcentage des profits réalisés
5, pendant la
période de soutien étatique. Pragmatique, la Communication du 13 octobre 2008 souligne que
ce type de restriction est surtout adapté aux banques véritablement en difficulté car il peut être
« important de permettre le versement de dividendes lorsque cela constitue une incitation à
fournir de nouveaux capitaux privés à des banques fondamentalement saines »6. De surcroit,
la majorité des interventions étatiques prévoyant la garantie des dettes bancaires ont été
subordonnées à des limitations de rémunération des dirigeants de l’institution bénéficiaire7. A
titre d’exemple, le plan allemand limite la rémunération des dirigeants des banques aidées à la
somme annuelle de 500 000 euros et prohibe tout versement d’indemnités contractuelles de
départ et de bonus8. Le plan de soutien français prévoit quant à lui un encadrement des
distributions de stock-options, d’actions gratuites et autres formes de rémunérations
variables9.
En ce qu’il ne se rapporte en aucune façon à des exigences économiques et concurrentielles
mais plutôt à des considérations morales, l’objectif de cette limitation des rémunérations est
inédit. Dans un contexte de crise aigüe, l’ampleur des plans étatiques au soutien des banques a
1 Dans l’affaire Sparkasse KolnBonn (C32/2009), le nombre d’administrateurs indépendants est ainsi passé de 2
à 4. 2 Point 45 de la Communication
3 Point 31 de la Communication
4 Royaume-Uni, Allemagne, Danemark
5 17,5% en Autriche ou encore 35% en Grèce
6 Point 33 de la Communication
7 Grèce, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Suède, Slovénie, Slovaquie,
Allemagne. 8 Par exemple : affaire N244/2009, Commerzbank, 7.5.2009
9 Article 25 de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009 : « La convention présente les conditions dans lesquelles le
conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire autorise l'attribution d'options de
souscription ou d'achat d'actions ou d'actions gratuites aux président du conseil d'administration, directeur
général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants
dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de
commerce, ainsi que l'octroi des autres types de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés
sur la performance, et des rémunérations différées ».
47
en effet pu susciter critiques et incompréhensions parmi les populations des Etats membres,
elles aussi touchées par la crise. Exiger une baisse des rémunérations globales des dirigeants
d’institutions coupables d’avoir pris des risques excessifs répond ainsi à la volonté de
moraliser un secteur jugé - en partie - responsable de la crise. Toutefois, venant de la
Commission - gardienne des traités - une telle approche étonne. En dépit de l’opportunité de
ces mesures punitives et moralisatrices, l’institution bruxelloise, gardienne de la libre
concurrence en Europe, semble ici être sortie de son champ d’action, tel que défini par les
Traités.
Des exigences relatives à l’obligation pour les bénéficiaires d’encourager l’économie réelle
ont également pu être prévues à travers la mise en place d’un taux de croissance annuel
minimal des emprunts consentis1. Ceci résulte, avec la stabilisation du système financier, des
objectifs même des plans de sauvetage étatiques. La France a ainsi prévu l’obligation pour les
bénéficiaires de faire croître leur encours de crédits à l’économie réelle à hauteur de 3% à 4%
annuellement entre la date de signature de la convention et le 31 décembre 2009.
Sur la base des Communications, la Commission a également joué un rôle primordial
en matière de régulation du secteur bancaire à l’échelle européenne. En définissant et en
encadrant les mesures de politique économique générale susceptibles d’être utilisées par les
autorités nationales au soutien des institutions financières, la Commission a œuvré en faveur
d’une coordination européenne. Pour des motifs de sécurité juridique, les Etats ont en effet
privilégié les modalités d’interventions visées par les différentes Communications publiées ;
très peu de mesures ad hoc ont été adoptées.
Cette approche se confirme dans l’analyse de la façon dont la compatibilité des régimes
d’aides a été appréciée ; des finalités extra-concurrentielles ont indiscutablement été prises en
compte. Ainsi, dans une décision du 30 octobre 2008 concernant la France, la Commission
fait expressément référence au fait que le dispositif en question est « à même de renforcer la
confiance nécessaire au bon fonctionnement du système financier » et au fait qu’il permet
« un accès au refinancement pour tous les établissements de crédit »2 .
Ce rôle est assumé par l’institution bruxelloise. M. Almunia, Commissaire européen à la
Concurrence, estime ainsi que « la Commission européenne a agi de fait comme une autorité
de résolution à l’échelle européenne ». Plus encore, « les règles relatives aux aides d’Etat ont
1 Par exemple en France, Italie, Autriche et à Chypre
2 Affaire N548/2008, 30.10.2008
48
été le seul instrument disponible pour exercer les fonctions qu’une autorité de résolution à
l’échelle européenne aurait pu exercer »1. En ajoutant une dimension macro-économique au
souci initial de protection du jeu de la concurrence, le contrôle communautaire des aides
d’Etat est devenu un véritable instrument de régulation économique. De facto, la Commission
s’est transformée en régulateur du secteur bancaire européen, démontrant ainsi la nécessité
d’une régulation à l’échelle européenne des établissements de crédit2.
Si les règles fondées sur l’article 107, paragraphe 3, b) TFUE marquent un
indiscutable assouplissement du droit des aides d’Etat, la dérogation reste toutefois
doublement limitée.
SECTION 2 : UNE DEROGATION LIMITEE
La portée de la dérogation instaurée par la Commission européenne est limitée
matériellement (I) et temporellement (II).
I. La sauvegarde des principes
Si les conditions d’octroi d’une aide ont fait l’objet d’un assouplissement significatif,
l’exigence du respect de plusieurs conditions « minimales » (A) et, parfois, de la mise en
œuvre d’un plan de restructuration (B), encadrent strictement les libertés étatiques.
A. Des conditions « minimales »
Les Communications de la Commission encadrent l’octroi des aides par les Etats en
exigeant le respect de conditions fondamentales.
Certaines d’entre elles sont spécifiques à la forme de l’intervention étatique. Ainsi, en matière
de sauvetage d’actifs dépréciés, une exigence de transparence est requise : la banque doit
informer la Commission de l’ampleur des problèmes rencontrés en matière d’actifs, de la
1 Joaquin Almunia, speech 13/14, 11.01.2013
2 V. infra (Conclusion)
49
solvabilité intrinsèque de l’établissement avant l’octroi de l’aide et de ses perspectives de
retour à la viabilité. En outre, la Commission harmonise les actifs éligibles aux mesures de
sauvetages : l’objectif est ici d’éviter toute course à la subvention ou tout forum shopping de
la part des banques. Une classification par catégorie d’actifs (« paniers ») est ainsi mise en
place par la Communication du 26 mars 2009. Applicable à tous les Etats membres, elle inclut
les actifs dits « toxiques » à l’origine de la crise ainsi que d’autres actifs à condition d’une
justification suffisante1.
Outre ces conditions spécifiques au sauvetage d’actifs dépréciés, les conditions posées par la
Communication peuvent être regroupées autour de six thèmes.
i. Caractère ciblé et approprié de l’aide
L’aide accordée par l’Etat doit être clairement ciblée sur l’objet recherché - remédier à
une perturbation grave de l’économie de l’Etat membre - et doit être conçue de manière
adéquate pour atteindre cet objectif. La Commission distingue ici deux types d’aides.
Pour les régimes d’aides dont peuvent bénéficier la totalité des institutions financières d’un
Etat membre, le recours à l’article 107, paragraphe 3 b) se justifie d’emblée dès lors qu’il y a
un risque de « perturbation grave de l’économie ». Ce critère est rempli dans le contexte de la
crise financière de 20082.
Pour les régimes d’aides individuelles en faveur de certaines entreprises particulières, la
Commission exige que les difficultés des banques concernées soient de nature à menacer le
fonctionnement global des marchés financiers. Certains facteurs sont alors pris en compte : la
taille de l’établissement concerné, sa présence prédominante dans certains secteurs d’activité,
le contexte exceptionnel sur le marché financier au moment de l’octroi de l’aide. Ainsi, dans
une décision concernant la banque Fortis, la Commission a pu relever que la bénéficiaire
« [détenait] plus d’un quart des dépôts des ménages belges auprès des banques établies en
Belgique et [était] de loin la plus grande banque sur le marché belge », afin de conclure qu’il
est raisonnable de supposer que « sa défaillance aggraverait sensiblement la crise de
confiance des ménages belges envers le secteur bancaire et créerait une méfiance aigüe des
1 Communication du 22 juillet 2009, point 32.
2 V. supra (Partie II, Section I).
50
banques étrangères envers les banques belges, ce qui aurait pour effet de leur couper toute
possibilité d’emprunt »1.
ii. Caractère non discriminatoire des aides
Les aides doivent respecter les règles fondamentales du marché intérieur2
. En
particulier, l’admissibilité à un régime d’aide ne peut être fonction de la nationalité3 et les
aides doivent être accessibles à « toutes les institutions financières de l’Etat membre, y
compris des filiales de banques d’autres Etats membres qui exercent dans celui-ci des
activités importantes »4. A cet égard, la Commission veille à ce que les critères d’éligibilité
des institutions financières soient objectifs et prennent en compte le rôle des institutions en
cause dans le système bancaire concerné et l’économie globale.
Ainsi, fin septembre 2008, le ministre irlandais des Finances a annoncé la décision de son
gouvernement de garantir tous les dépôts et dettes de six banques irlandaises et de leurs
filiales établies à l’étranger. La Commission s’est inquiétée des répercussions négatives qui
pourraient en résulter pour les concurrents étrangers opérant en Irlande et ne bénéficiant pas
de la garantie. A la demande de cette dernière, le gouvernement irlandais a du affirmer que le
système de garantie était disponible pour l’ensemble des banques possédant en Irlande des
filiales ou succursales « fortement et largement ancrées dans l’économie nationale »5. Cette
règle de non-discrimination a ainsi permis à des filiales de participer à des régimes de
garanties étrangers. Par exemple, la banque Abbey National, filiale du groupe espagnol
Santander, a bénéficié du régime mis en place au Royaume-Uni.
iii. Limitation des aides au minimum nécessaire
Les aides doivent, dans leur forme et dans leur montant, être nécessaires pour atteindre
l’objectif recherché. Autrement dit, « si une mesure d’aide d’un moindre montant ou
entrainant une distorsion moindre de concurrence était suffisante pour remédier à la
perturbation de l’économie, la mesure ne peut être considérée comme nécessaire » 6
.
1 Affaire N74/2008, 19.11.2008, points 34 et 35.
2 CJCE, 22 mars 1977, Iannelli, Rec. p. 557.
3 Parmi une jurisprudence constante : 5 juin 1985, 103/84, Commission c/ Italie.
4 Point 18 de la Commission bancaire.
5 Affaire NN48/2008, Commission européenne, 13.10.2008.
6 Commission Européenne, 8 décembre 2008, décision relative au dispositif de refinancement des groupes
bancaires en France.
51
L’objectif est d’éviter que « les actionnaires des établissements financiers ne profitent
d’avantages indus au détriment des contribuables »1.
Ce principe se traduit, dans le domaine des garanties, par une interdiction de couvrir les
créances subordonnées ou l’ensemble des éléments du passif2. Dans l’hypothèse d’une
liquidation contrôlée, la Communication interdit l’octroi de toute aide aux actionnaires ou aux
acheteurs de l’institution liquidée3. En matière de sauvetage d’actifs, ce principe se retrouve
dans la nécessité d’une répartition équitable des coûts y afférents entre l’Etat, les actionnaires
et les créanciers4.
L’objectif est ici non seulement de diminuer le montant de l’aide, mais aussi de réduire les
risques d’aléa moral en faisant en sorte que les bénéficiaires supportent les conséquences de
leurs erreurs. Dans cette optique, les recapitalisations ont conduit à une dilution du capital et
du contrôle des actionnaires existants. La nationalisation a été la mesure de partage des coûts
la plus sévère acceptée par la Commission puisqu’elle conduit à une perte totale de contrôle
des actionnaires sur la banque5. Cet objectif a également conduit la Commission à s’assurer
du contrôle de la rémunération du capital.
iv. L’exigence d’une rémunération adéquate
Les mesures d’aides doivent être assorties d’une contribution appropriée à la charge
des institutions bénéficiaires à titre individuel et/ou du secteur financier dans son ensemble.
La Commission accepte cependant de faire preuve d’une certaine souplesse dans
l’appréciation du respect de ce critère, compte tenu des difficultés de refinancement sur les
marchés6. Fixée au cas par cas, la question de la rémunération a fait l’objet d’âpres débats
entre la Commission et les Etats membres7. La détermination d’un « taux juste » dans un
contexte de paralysie du marché interbancaire est en effet particulièrement difficile.
Ainsi, pour l’octroi de garanties, la Commission exige une « contribution significative des
bénéficiaires et/ou du secteur au coût de la garantie ainsi que, le cas échéant, au coût de
1 Rapport de la Commission, 17 nov. 2008, « Tableau de bord des aides d’Etat – Mise à jour de l’automne
2008 » (COM(2008) 751 final), p. 59. 2 Communication du 13 octobre 2008, point 23.
3 Communication d’octobre 2008, point 49 de l’affaire C14/2008 € - $ - Restructuring aid to Northern Rock (OJ
L 112, 5.5.2010, p. 38-60) 4 Communication de février 2009, point 22
5 La nationalisation a ainsi été décidée pour les banques Northern Rock (affaire n° C 14/2008, Northern Rock,
JOUE L n0112, 5.5.2010, p.38-60) et Fortis (Affaire N255/2009, Fortis, JOUE C n°178, 31.07.2009, p.2). 6 V. supra, décision Commerzbank (Partie II, Section I).
7 « Plan de recapitalisation des banques, bras de fer entre Paris et Bruxelles », Les Echos, 1
er décembre 2008
52
l’intervention de l’Etat s’il est fait appel à la garantie »1. Le calcul exact de la contribution
varie selon les circonstances particulières de chaque cas d’espèce. En tout état de cause, les
frais liés à l’octroi du régime doivent se rapprocher le plus possible du prix de marché. En cas
d’activation de la garantie, une contribution significative supplémentaire du secteur privé est
nécessaire. La Commission prend cependant en compte le contexte de crise et reconnaît que
les bénéficiaires peuvent ne pas être immédiatement en mesure de verser l’intégralité d’une
rémunération appropriée. En conséquence, les Etats sont incités à insérer une clause de retour
à meilleure fortune, aux termes de laquelle les bénéficiaires seraient tenus, dès que possible,
de verser une rémunération supplémentaire ou de rembourser une partie des montants
éventuellement versés par l’Etat membre en cas d’activation de la garantie. En pratique, les
Etats ont largement suivi les recommandations de la Banque Centrale Européenne (BCE)2.
S’agissant des recapitalisations, l’autorité bruxelloise a indiqué que si le secteur privé
participait de manière substantielle3 à l’opération de recapitalisation, elle présumera que la
rémunération prévue par l’accord passé entre les parties prenantes constitue une rémunération
adéquate. Il s’agit là d’une variante du critère de concomitance en vertu duquel il n’existe pas
d’avantage, donc d’aide, si l’Etat intervient au même moment, de la même manière et selon
les mêmes conditions que les opérateurs privés4. Cette disposition pose cependant des
difficultés. Dans bien des cas, il semble en effet qu’aucun acteur privé ne se serait engagé
sans intervention simultanée de l’Etat, de sorte qu’il n’existe en réalité pas de véritable « prix
de marché ». En l’absence d’une telle concomitance, la Commission fait référence aux
recommandations de la Banque Centrale Européenne (BCE) : celle-ci a défini une fourchette à
l’intérieur de laquelle le niveau de rémunération pouvait être fixé, en fonction du type de
capital choisi, d’un taux de référence et du profil de risque spécifique de la banque5. En tout
état de cause, la rémunération doit se situer en dessous des taux de marché existants pendant
la crise (environ 15%), jugés excessifs, et au-dessus des taux applicables antérieurement à la
crise, ceux-ci reflétant une sous-estimation généralisée des risques. Il convient de préciser que
certains Etats membres, dont la France, ont développé une méthodologie propre pour fixer le
1 Communication du 25 octobre 2008, point 25
2 Recommandations du Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (BCE), 20 octobre 2008.
3 30% au minimum
4 V. Partie I, Section II.
5 Points 24, 27 et 28 de la communication. Une annexe propose par ailleurs une tarification des différents
instruments de capitaux propres et une série d’indicateurs pour la détermination du profil de risque d’une
banque.
53
prix, validée par la Commission. En pratique, la rémunération varie entre 7,8% et 12%1. La
majorité des Etats ont par ailleurs inséré des clauses d’augmentation de rémunération avec le
temps, le capital devenant ainsi de plus en plus cher pour le bénéficiaire (« step-up clauses on
remuneration rates »). Une communication de décembre 20112 apporte des précisions sur la
rémunération des recapitalisations effectuées sur la forme de titres à rémunération variable3.
L’harmonisation des taux de rémunération revêt ici une importance particulière afin d’éviter
le risque de « subsidy shopping » grâce auquel les banques transnationales pourraient choisir
entre plusieurs régimes nationaux afin d’obtenir les conditions de rémunération les plus
favorables.
En matière d’actifs dépréciés, la Commission a mis l’accent sur la nécessité d’une évaluation
coordonnée des actifs. Si la valorisation est par hypothèse supérieure au prix de marché des
actifs concernés (sans quoi il n’existerait pas d’élément d’aide), la Commission précise qu’il
convient de tenir compte de la « valeur économique réelle » à long terme4. Il s’agit de la
valeur économique desdits actifs, sur la base des flux de trésorerie sous-jacents et d’horizons
temporels plus larges que ceux employés habituellement sur le marché. Pour éviter une
situation d’insolvabilité technique, la Commission précise qu’il est possible d’excéder la
valeur économique réelle des actifs concernés mais à la condition que cela s’accompagne
d’une profonde restructuration de l’entreprise concernée et que soient instaurées des mesures
complémentaires permettant de s’assurer du remboursement ultérieur de ce nouvel élément
d’aide.
A titre d’exemple, la France est le pays européen dont le plan aura été le plus rémunérateur, le
soutien étatique s’étant soldé par un gain net de 2,7 milliards d’euros. Il en va autrement pour
le Royaume-Uni ou l’Allemagne dont les pertes consécutives aux plans d’aides se sont
respectivement élevées à 15 et 17 milliards d’euros.
1 V. Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les plans de recapitalisation des
établissements de crédit 2Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1
er janvier 2012, des règles en matière
d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, JOUE n° C 356 du
6.12.2011, p.7-10 3 Ainsi, la Commission appréciera la rémunération de ces injections de capital sur la base du prix d’émission des
actions. Pour les banques cotées en bourse, le prix de référence de l’action doit être le prix côté sur le marché des
titres assortis de droits équivalent à ceux attachés aux actions émises. En l’absence de cotation, les Etats
membres doivent recourir à une méthode de valorisation appropriée basée sur le marché. Dans tous les cas, des
décotes relatives à l’effet de dilution devront être réalisées. 4 Communication du 22 juillet 2009, point 40
54
v. L’existence de « garde-fous » pour limiter les distorsions de concurrence
Les aides accordées doivent être conçues de façon à minimiser les retombées négatives
pour les concurrents, les autres secteurs et les autres Etats membres. Il s’agit ici des mesures
compensatrices exigées dans le cadre du régime général, censées « brider » le comportement
commercial du bénéficiaire de l’aide. L’analyse de la pratique décisionnelle de la Commission
pendant la crise montre une exigence particulière en la matière. Deux types de mesures
compensatrices doivent être distinguées.
Les premières sont structurelles et consistent en une réduction de bilan imposée. Il s’agit par
exemple de cessions de filiales, de succursales, de portefeuilles de clients, de divisions
d’entreprise ou bien encore d’ouvertures des infrastructures à la concurrence. Alors qu’avant
la crise, la Commission exigeait traditionnellement une réduction du bilan d’environ un tiers
(exemple : Crédit Foncier de France, Crédit Lyonnais, Banco di Napoli, Société Marseillaise
de Crédit), la réduction imposée approche aujourd’hui les 50%1. Il s’agit ici de l’un des rares
domaines où le « droit de la crise » est plus exigeant que le droit commun.
Les secondes mesures compensatrices sont des contraintes comportementales. Elles consistent
le plus souvent en des interdictions d’acquisition. La portée de cette interdiction, prévue dans
plus de la majorité des plans d’aide, doit cependant être relativisée dans la mesure où
l’interdiction n’est applicable que pendant la durée de la restructuration (quatre à cinq ans),
certains Etats ayant fait le choix d’une durée plus courte2. De surcroit, l’interdiction n’a
concerné en règle générale que l’acquisition d’institutions financières et ne s’appliquait qu’au-
delà d’un certain seuil3.
D’autres mesures comportementales ont pu être prévues, telles que la limitation de
l’expansion dans certains domaines d’activités ou certaines zones géographiques, ou encore
l’interdiction de toute campagne de publicité mettant en avant l’aide obtenue4. Dans certaines
hypothèses, la Commission a empêché le bénéficiaire, pendant une durée limitée, de pratiquer
des prix inférieurs à la concurrence (« price leadership bans »)5.
1 47,2% pour la banque IKB, 45% pour la Commerzbank, 40% pour Fortis, 50% pour WestLB, 50% pour
BayernLB 2 Par exemple l’Allemagne vis à vis de la Commerzbank
3 5% ou 20% des fonds propres selon les cas. Concernant la banque RBS, la limitation visait les acquisitions
supérieures à 500 millions de livres. 4 Par exemple : Affaire NN51/2008, Danemark, régime de garanties pour les banques, Commission européenne,
10.10.2008, point 32. 5 Aide d’Etat n°SA.34488, Nea Proton, JOUE n°C 357/26, 20.11.2012, point 83.
55
vi. Caractère nécessairement temporaire des aides au sauvetage
Les aides au sauvetage ne sont en principe autorisées que pour une durée de six mois.
Passé ce délai, toute nouvelle mesure en faveur du même bénéficiaire doit obtenir une
nouvelle approbation de la Commission. Le caractère temporaire de la recapitalisation doit
ainsi être clairement établi. En particulier, les incitations à rembourser le capital au plus vite
doivent être nombreuses. Ainsi, la Commission indique dans ses Communications qu’elle
incite à pratiquer des taux de rémunération augmentant avec le temps.
Outre le respect de ces conditions, un plan de restructuration du bénéficiaire est
fréquemment exigé par la Commission.
B. L’exigence d’un plan de restructuration
Les aides dont la Commission autorise l’octroi doivent être accompagnées de mesures
de suivi et d’ajustements structurels, tant pour le secteur dans son ensemble que pour les
bénéficiaires individuels de l’intervention. Chronologiquement, le plan de restructuration
succède aux mesures adoptées dans l’urgence. Il s’agit de faire en sorte que l’aide n’ait pas à
être renouvelée. Les interventions publiques ne doivent en effet pas permettre un maintien en
vie artificiel d’une entreprise dont le modèle économique n’est pas viable. Cette exigence
contraste avec la crise bancaire japonaise du milieu des années 1990 où les banques ont été
recapitalisées sans faire l’objet d’une restructuration immédiate, ce qui a eu pour conséquence
l’absence de retour à la viabilité.
Les conditions d’exigence d’un plan de restructuration ont été définies dans les
Communications de 2008 et 2009.
La Commission distinguait initialement les banques saines et les banques en difficulté1.
Compte tenu du caractère exceptionnel de la crise, seules ces dernières devaient soumettre un
plan de restructuration, l’atteinte à la concurrence étant bien plus importante dans cette
hypothèse, l’aide étant liée au bénéficiaire et non simplement à des conditions de marché
défavorables. Cependant, dès lors que la garantie était effectivement mise en œuvre, un plan
de restructuration s’imposait systématiquement. Le particularisme du secteur bancaire a
toutefois nécessité des explications sur la notion de « banque en difficulté ». Il semblait en
1 Communication d’octobre 2008, point 14
56
effet difficile de se contenter de la définition générale donnée dans la Communication de
20041. La Communication concernant la recapitalisation précise ainsi que la distinction se
fonde sur plusieurs indicateurs : l’adéquation des fonds propres, les marges des contrats
d’échanges sur défaut, la note de crédit de la banque, ses perspectives ainsi que le volume de
l’aide2. S’agissant de ce dernier, la Commission considère que les aides obtenues sous la
forme de recapitalisation et de sauvetage d’actifs qui représentent plus de 2% des actifs
pondérés en fonction des risques constituent un bon indicateur pour distinguer une banque
fondamentalement saine d’une banque en difficulté. L’absence de plan de restructuration
n’exonère pas l’Etat membre de toute obligation. Celui-ci devra rendre un rapport à la
Commission sur l’utilisation des fonds publics et lui fournir toutes les informations
nécessaires pour lui permettre d’apprécier la viabilité des banques.
Une modification est intervenue dans le cadre d’un document de travail publié le 30 avril
2010 par la Commission européenne. Compte tenu de l’évolution positive des conditions de
marché et, en particulier, de l’accès plus facile aux liquidités, l’institution bruxelloise estime
justifié d’étendre l’exigence d’un plan de restructuration aux banques dont les garanties
étatiques dépassent 5% de l’ensemble des dettes inscrites au bilan ou bien excèdent le seuil de
500 millions d’euros. Dans un contexte d’amélioration économique, ceci révèle en effet le
manque de confiance des investisseurs envers le modèle économique de la banque
bénéficiaire. Cette nouvelle exigence s’applique à toutes les garanties prolongées au-delà du
30 juin 2010. Dans une Communication de décembre 2010, la Commission étend l’obligation
de soumettre un plan de restructuration à tout bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation ou
de sauvetage d’actifs3. La distinction entre les banques saines et les banques en difficulté est
supprimée. Ceci s’inscrit dans la stratégie de sortie de crise mise en place par la Commission4.
Au total, 65% des garanties ont été octroyées à la condition d’un plan de restructuration,
contre 85% pour les recapitalisations et 100% pour les sauvetages d’actifs dépréciés.
La Communication « restructuration » de juillet 2009 rappelle les principes de base
applicables aux plans. Les banques aidées doivent tout d’abord être rendues viables à long
terme sans bénéficier d’aides supplémentaires. Ainsi, la notification de l’aide doit contenir un
plan de restructuration complet, détaillé et fondé sur un concept cohérent. Une comparaison
1 V. Partie I, Section II.
2 Communication de juillet 2009, point 4
3 Communication du 7 décembre 2010, point 14.
4 V. Partie II, Section II.
57
doit être menée avec d’autres options possibles, parmi lesquelles un démantèlement ou une
absorption par une autre banque. De la sorte, la Commission pourra apprécier s’il existe des
solutions moins onéreuses et moins susceptibles de fausser la concurrence1. Par ailleurs, les
banques et leurs propriétaires devront assumer une « part équitable » des coûts de
restructuration. Ainsi, afin de limiter le montant d’aide au minimum nécessaire, les banques
doivent d’abord utiliser leurs ressources propres pour financer la restructuration. Cela peut
impliquer la vente d’actifs2. Enfin, des mesures structurelles et comportementales sont
exigées3.
L’ampleur du plan de restructuration, établi au cas par cas, dépend ainsi de la gravité des
problèmes rencontrés par chaque banque. La Commission prend en compte les mêmes
indicateurs que ceux utilisés pour distinguer les banques saines des banques en difficulté4. En
règle générale, plus la dépendance du bénéficiaire à l’égard des aides d’Etat est forte, plus la
restructuration devra être importante.
L’élément principal consiste généralement en la cession d’une activité déficitaire5 ou en
l’arrêt d’une activité jugée trop risquée6. Les Etats et la Commission ont aussi mis en place
des « badbank » (« structures de défaisance ») afin d’isoler et de céder tous les actifs non
rentables7. Des restrictions d’investissements ont été imposées afin de contraindre les banques
à se constituer un capital suffisamment solide8. La Commission a par ailleurs eu l’occasion
d’imposer des augmentations de prix lorsqu’il est apparu qu’une pratique de prix agressifs
avait contribué aux difficultés structurelles du bénéficiaire9. Des modifications dans la
gouvernance ont été exigées lorsqu’il est apparu que des considérations de politique locale
influençaient la gestion de la société10
. Enfin, le rôle du comité de contrôle des risques a
généralement été renforcé afin de sécuriser le profil de la banque.
1 Communication du 22 juillet 2009, point 9
2 La Commerzbank a ainsi du vendre l’une de ses branches immobilières à la suite de sa seconde recapitalisation
par l’Etat allemand. 3 V. Partie II, Section I.
4 V. Partie II, Section I.
5 Dexia a ainsi du céder sa filiale américaine FSA
6 La négociation pour compte propre en particulier
7 C’est par exemple le cas de Northern Rock (C14/2008 – Restructuring aid to Norther Rock (JOUE L 112,
5.5.2010, p. 38-60). 8 C’est par exemple le cas de la banque RBS (N422/2009, Restructuring of Dexia (JOUE, L 274, 19.10.2010, p.
54-95). 9 C’est par exemple le cas pour INBG (C/10/2009 – ING (JOUE, L 274, 19.10.2010, p. 139-162).
10 Par exemple pour la banque LBBW (C17/2009 – Recapitalisation and asset relief for LBBW (JOUE L 188,
21.7.2010, p.1-23).
58
Au 8 mars 2013, 59 plans de restructurations en lien avec des institutions bancaire et la crise
financière sont intervenus. Cela représente près de 25% du secteur bancaire européen. Dix
neufs plans ont par ailleurs donné lieu à une liquidation. Concrètement, les banques qui se
sont vues imposer un plan de restructuration ont reçu 70% du montant total des aides d’Etat
accordées à ce secteur de l’Union Européenne.
Outre l’exigence du respect d’un « noyau dur » du droit européen des aides d’Etat,
l’ampleur de la dérogation est limitée quant à sa portée.
II. Une portée limitée
Le changement opéré par la Commission présente un objet limité : il ne s’applique
qu’à l’égard du secteur bancaire et financier (A) et uniquement pendant la période de crise
(B).
A. La portée matérielle
Dès la Communication du 13 octobre 2008, la Commission limite l’applicabilité de
l’article 107, paragraphe 3, point b) du traité aux « institutions financières » également
appelées « établissements financiers » 1
ou bien encore « banques »2, sans pour autant préciser
ce que ces termes recouvrent. La notion ne saurait à l’évidence dépendre des catégories des
droits nationaux et doit être entendue de façon uniforme à l’échelle de l’Union. Dès lors, en
l’absence de définition propre au droit de la concurrence, il semble raisonnable de se reporter
vers celles données dans d’autres domaines du droit communautaire.
Tout d’abord, l’expression de « banque » inclut à l’évidence les établissements de crédit au
sens de la directive de coordination bancaire du 12 décembre 19773
, à savoir les
établissements qui « reçoivent des dépôts ou autres fonds remboursables du public, et qui font
des crédits pour leur propre compte »4.
1 Communication du 5 décembre 2008 (« recapitalisation des établissements financiers »).
2 Communication du 22 juillet 2009, point 1.1.
3 Directive 77/780/CEE
4 Cette définition figure désormais dans le Règlement CRD IV et s’impose ainsi aux Etats membres (v. supra :
introduction).
59
Par ailleurs, l’utilisation des termes « établissements financiers » et « institutions
financières » témoigne d’une approche plus large. En l’absence de définition donnée par le
droit communautaire, il semble raisonnable d’y inclure l’ensemble des institutions du secteur
qui, bien que n’appartenant pas à la catégorie des établissements de crédit, menacerait
l’équilibre du secteur financier en cas de défaillance. Si l’approche est flexible et ne saurait se
restreindre à une définition préétablie, il convient de préciser qu’une récente proposition de
directive portant sur la taxe sur les transactions financières donne une liste particulièrement
large d’institutions appartenant à la catégorie des établissements financiers. Sont ainsi
notamment visés les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les OPCVM,
les fonds de pension ou bien encore les entreprises d’assurance1. L’analyse de la pratique
décisionnelle de la Commission pendant la crise révèle toutefois que la question de la
délimitation de la notion d’institution financière ne s’est pas posée. Nous pouvons estimer que
ceci tient, notamment, à la notion européenne de « banque universelle »2 ainsi qu’à l’approche
particulièrement flexible de l’institution bruxelloise.
Enfin, la Commission a exclu le recours à cette disposition « dans des situations de crise
touchant d’autres secteurs, dès lors qu’il n’existe pas de risque comparable pour l’économie
d’un Etat membre dans son ensemble ». La question s’était en particulier posée pour le
secteur automobile.
La notion de « perturbation grave de l’économie » de l’article 107, paragraphe 3b)
TFUE fait par ailleurs l’objet d’une interprétation restrictive de la Commission européenne3.
Celle-ci précise en effet que ce fondement ne peut être accepté dès lors que l’aide ne résulte
pas d’une crise systémique mais de difficultés individuelles d’un opérateur4. Le Tribunal de
l’Union Européenne (TUE) a également souligné, à plusieurs reprises, que cette disposition ne
pouvait être appliquée qu’en cas de perturbation grave de l’économie d’un Etat membre dans
son ensemble5.
1 Proposition de directive en date du 14.2.2013, COM(2013)71 final, article 2 paragraphe 1 à 8.
2 Les banques universelles ou globales sont des grands conglomérats financiers regroupant les différents métiers
des banques de détail, des banques de financement et d'investissement et des banques de gestion d'actifs
(http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_banque-universelle.html) 3 V. supra (Partie II, Section I).
4 Par exemple, la décisions de la Commission du 30 avril 2008 dans l’affaire NN 25/2008, Aide au sauvetage en
faveur de WestLB, JO C 189 du 26.7.2008 p.3 5 Par exemple : arrêt du 15 décembre 1999 dans les affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freeistaat Sachsen et
Volkswagen AG/Commission, point 167, Recueil 1999, page II-3663.
60
Définie comme une « irrégularité dans le fonctionnement d’un système »1
, une
perturbation est, par essence, temporaire.
B. La portée temporelle
Le caractère provisoire du régime dérogatoire se retrouve dans chacune des quatre
Communications adoptées pour les besoins de la crise financière. Ainsi, par exemple, celle
d’octobre 2008 dispose que les mesures étatiques peuvent être approuvées « non pour une
durée indéterminée mais tant que la situation de crise le justifie »2.
La notion de crise est cependant incertaine. Elle ne connait ni critères, ni définition. La
Commission l’identifie par ses effets : il s’agit d’un « très important ralentissement des
activités qui s’étend à l’économie dans son ensemble et qui touche les ménages, les
entreprises et les emplois »3. De façon plus économique, la Commission précise : « la crise
entraine un effondrement de la demande qui peut avoir un effet très néfaste sur la situation
économique de nombreuses entreprises saines et de leurs salariés, à court ou à moyen
terme ». En conséquence, les régimes approuvés doivent être réexaminés à intervalles
réguliers et prendre fin dès que la situation économique de l’Etat membre le permet. A cette
fin, la Commission impose aux Etats de procéder tous les six mois à un examen des éléments
justifiant la poursuite de l’application de son régime. C’est à cette condition qu’un régime de
garantie peut être autorisé pour une durée supérieure à six mois.
La Communication sur les restructurations publiée en juillet 2009 n’était quant à elle prévue
que pour durer jusqu’au 31 décembre 2010 au plus tard4. Cette durée a cependant été prorogée
par deux Communications intervenues successivement en décembre 20105 et en décembre
20116. La Commission y estime que les conditions d’application de l’article 107, paragraphe
3, point b), du traité sont toujours réunies en raison de la persistance de tensions sur les
1 Dictionnaire Le Robert, 1979.
2 Point 12
3 Communication du 22.01.2009
4 Point 49
5 Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1
er janvier 2011, des règles en matière
d’aides d’état aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JOUE n° C 329/7 du
7.12.2010). 6 Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1
er janvier 2012, des règles en matière
d’aides d’Etat aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JOUE, n° C 356 du
6.12.2011).
61
marchés. Ces dernières résultent en particulier de la crise de la dette souveraine intervenue en
2010 et 2011 qui a pour effet de rendre l’accès aux marchés de financement plus difficile.
Ces textes ne se contentent toutefois pas de constater la prorogation nécessaire des
règles dérogatoires. Ils esquissent également un processus de sortie de crise.
Si le dernier trimestre de l’année 2009 a montré des signes de redressement sur les marchés
financiers, l’arrivée de la crise des dettes souveraines en 2010 a empêché la Commission de
mettre fin au régime dérogatoire établi dans le contexte de la crise de 2008-2009. Le caractère
exceptionnel des règles applicables exige cependant la mise en place d’une stratégie de sortie
de crise afin de préparer les différents opérateurs au retour des règles de droit commun en
matière d’aides d’Etat. Une première amorce en ce sens a été opérée dans un document de
travail du 30 avril 2010. La Commission a en effet estimé qu’il y avait alors un niveau
suffisant de stabilisation du secteur financier pour mettre en œuvre une stratégie progressive
de sortie de crise. Sans pour autant revenir aux lignes directrices de 2009, ce document
instaure des règles plus contraignantes pour les garanties octroyées postérieurement au 30 juin
2010. Ainsi, le coût de la garantie est augmenté de 20 à 40 points de base selon la notation du
bénéficiaire. En outre, un plan de restructuration s’impose aux entreprises actionnant de
manière significative les mécanismes de garantie1. Ceci signifie que les banques doivent se
préparer à un retour aux mécanismes normaux du marché, sans support étatique, dès lors que
les conditions de marché le permettront.
La Communication de décembre 2010 accroit le rythme de ce processus de sortie de crise en
supprimant purement et simplement la distinction entre banques saines et banques en
difficulté. La Commission estime en effet que le secteur bancaire dans son ensemble éprouve
moins de difficultés à se refinancer sur les marchés et peut donc répondre à ses besoins en
fonds propres, sans faire appel au soutien de l’Etat. Dès lors, à partir du 1er
janvier 2011, tout
bénéficiaire d’une nouvelle mesure de recapitalisation ou de sauvetage d’actifs dépréciés doit
présenter un plan de restructuration. Cette modification permet de préparer les banques à un
retour aux mécanismes normaux du marché et à inciter les établissements ayant encore besoin
d’un soutien à accélérer leur nécessaire restructuration2.
1La Commission précise ainsi que le seuil s’impose dès lors que plus de 5% du total du passif est garanti ou que
le total de dettes garanties s’élève à 500 millions d’euros (v. supra : Partie II Section I). 2 Communication de décembre 2010, point 16
62
La sortie de crise doit être réalisée avec une attention particulière. Si, à ce jour, la majorité des
banques européennes ont remboursé les Etats, l’incertitude relative à la date de sortie de crise
reste totale. A titre d’exemple, alors que la France n’avait pas octroyé d’aide à une banque
depuis mai 2009, un plan de soutien en faveur du Crédit Immobilier de France (CIF) a été
validé par la Commission européenne le 21 février 20131. Dans sa décision d’approbation
temporaire, l’autorité bruxelloise confirme l’applicabilité de l’article 107, paragraphe 3, point
b) TFUE en se fondant sur la Communication précitée du 1er
décembre 2011. De même, de
récents plans d’aides ont été accordés ou prolongés dans d’autres Etats membres2. Les
récentes difficultés connues par les banques chypriotes constituent par ailleurs une illustration
supplémentaire de l’instabilité persistante sur les marchés européens.
1 Affaire SA.35389 (IP/13/148).
2 Parmi d’autres : aide SA.32554 accordée par l’Autriche en faveur de la banque a Hypo Group Alpe Adria
(5.12.2012) ; aide SA. 35382 accordée par les Pays-Bas en faveur de la banque SNS REAAL (22.2.2013).
63
CONCLUSION
A l’heure où la sortie de crise se dessine, des conclusions peuvent être tirées quant aux
conséquences de la crise sur le secteur bancaire européen et le droit des aides d’Etat.
Bien que la crise ait incontestablement freiné la croissance vigoureuse du secteur
bancaire européen, les politiques adoptées par les Etats membres auront permis de sauver le
système bancaire et financier1. Au 1
er janvier 2013, dix-neufs liquidations d’établissements de
crédit auront été ordonnées dans l’Union. Ce chiffre reste bien inférieur à celui connu par les
Etats Unis où plusieurs centaines de banques – d’une taille parfois considérable ont fait
faillite.
Par ailleurs, la réponse pragmatique de la Commission aura produit ses effets : les
aides d’Etat n’ont semble-t-il pas porté atteinte à la concurrence. Deux indicateurs2 permettent
de constater que la concentration sur le marché bancaire européen n’a pas été affectée par la
crise3. Il ne semble ainsi y avoir aucune relation entre les aides d’Etat et l’évolution de la
concentration sur le marché puisque des mesures vigoureuses de soutien ont pu conduire à
une concentration du marché4 ou, au contraire, à une déconcentration
5. Par ailleurs, les parts
de marché des opérateurs européens n’ont été que très peu impactées : à l’exception de quatre
entrées, le « top 20 » des banques européennes les plus présentes sur le marché européen n’a
pas été modifié. La consolidation du secteur bancaire n’a, en règle générale, pas non plus été
touchée par la crise. La période 2007-2009 connait en effet un taux moyen de baisse du
nombre d’institutions financières en Europe de 2,5%, chiffre similaire à la période 2001-2007.
Ce chiffre ne saurait cependant refléter la situation de chaque Etat membre6. En outre, si les
aides d’Etat ont permis de sauver des établissements de crédit, elles n’ont pas permis aux
bénéficiaires d’en tirer profit vis-à-vis de leurs concurrents : après avoir comparé l’évolution
1 V. supra (Partie I, Section I)
2 Il s’agit du CR5 (parts de marché des cinq plus grosses institutions en Europe) et du HHI (Herfindahl
Hirschmann Index, établi en additionnant le carré des parts de marché de toutes les entreprises du secteur
considéré ; plus l’IHH d’un secteur est fort, plus la production est concentrée). 3 Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire européen
4 +13% en Irlande entre 2007 et 2009 par exemple
5 Belgique, Autriche ou Pays-Bas par exemple
6 Alors que la France a connu une accélération des consolidations pendant la crise (de 4 à 6%), l’Allemagne a vu
son taux de consolidation baisser (de 4 à 2%).
64
des profits réalisés par les banques aidées par rapport aux banques non aidées, la Commission
a constaté que les premières ont eu plus de difficultés à renouer avec les profits1.
Cette apparente stabilité ne saurait cependant masquer les bouleversements qu’a
entrainés la crise à l’échelle de l’Union Européenne, à l’égard du droit des aides d’Etat et de
la régulation des banques.
En premier lieu, en reléguant momentanément le droit des aides d’Etat au second plan, la crise
a démontré la nécessité d’un régime spécifique aux établissements de crédit touchés par une
crise systémique. Il est en effet apparu que le « droit commun des aides d’Etat » n’était pas
adapté – car trop lent et trop rigoureux – à la gravité de la situation. Développé dans l’urgence
sur le fondement original de l’article 107, paragraphe 3b) TFUE, ce régime est actuellement
en cours de révision afin de le pérenniser dans un contexte d’après-crise. Selon toute
vraisemblance, un régime « de crise », plus flexible, devra être prévu afin de sécuriser les
interventions étatiques et in fine, d’assurer la primauté du droit des aides d’Etat. La
Commission a ainsi indiqué dans une Communication du 8 mai 2012 la mise en place,
« lorsque les conditions du marché le permettront », d’un nouvel ensemble de règles relatives
au sauvetage et à la restructuration d’institutions financières2.
En second lieu, l’action ambitieuse de la Commission sur la base de l’article 107, paragraphe
3b) TFUE a mis en lumière l’exigence d’une meilleure régulation du secteur bancaire.
Des règles plus exigeantes ont ainsi été adoptées – ou sont en passe de l’être - en matière de
capitalisation des banques3, de contrôle des rémunérations dans le secteur bancaire
4, de
réglementation du système bancaire parallèle (« shadow banking »)5, de responsabilisation
des agences de notation6 ou bien encore concernant la modification de la structure des
banques7.
1 V. Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes pendant la crise
2 Communication sur la modernisation des aides d’Etat, 8 mai 2012, point 18
3 En cours d’adoption, le package « CRD IV » transpose les nouvelles normes internationales sur les fonds
propres adoptées dans le cadre de l’accord de Bâle III. 4 Appliquant les recommandations du Financial Stability Board (FSB), la directive CRD III du 24 novembre
2010 prévoit notamment une limitation de la part variable des rémunérations à 50% ainsi que l’exigence d’un
versement différé de 40 à 60% des rémunérations variables. 5 La Commission a publié un livre vert à ce sujet en avril 2012 (IP/12/253, 19.3.2012). Une nouvelle
réglementation devrait être adoptée dans le courant de l’année 2013. 6 Règlement (CE) n°1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de
notation de crédit, JO L 302 du 17.11.2009, ou « règlement ANC I ». 7 Publié le 2 octobre 2012, le rapport Liikanen prévoit ainsi la « filialisation » des activités de trading.
65
De surcroit, la crise des dettes souveraines a montré les dangers résultant de la proximité entre
les Etats et les banques : alors que les premiers viennent au soutien des secondes en cas de
difficultés, ces dernières détiennent d’importants volumes de dette publique. Dans ce
contexte, a été créé en mai 2010 le Fond Européen de Stabilité Financière (FESF), remplacé
par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) en septembre 2012. L’objectif est de
permettre à des Etats membres en difficulté de se refinancer lorsque les marchés ne prêtent
plus qu’à des taux prohibitifs.
Mais, plus encore, la crise a montré les inconvénients du décalage entre des autorités de
supervision nationales et des normes communautaires. Or, instrument efficace permettant une
coordination minimale des interventions étatiques, le droit des aides d’Etat ne saurait habiliter
la Commission du rôle de régulateur européen. En effet, si une panoplie commune d’outils
d’intervention a été adoptée (garanties des dépôts et des crédits interbancaires,
recapitalisations, achats d’actifs toxiques), l’absence d’harmonisation des plans
gouvernementaux ne saurait être occultée. Ainsi, formellement exclue avant la crise,
l’existence d’un pouvoir de supervision européen au service de la stabilité financière apparait
aujourd’hui comme une nécessité. Dans ce contexte, l’Union avance, comme souvent, par
petits pas. Face aux oppositions des Etats membres quant à la création d’un régulateur
européen, un compromis a initialement été trouvé avec la mise en place d’un cadre de
surveillance européen comprenant trois autorités européennes de surveillance (AES), dont
l’autorité bancaire européenne (ABE)1. Cependant, la persistance de la crise a rapidement
démontré la nécessité de créer une véritable régulation à l’échelle européenne. Dans ce
contexte, un pas significatif vers l’Union bancaire a été réalisé à la suite d’un accord
d’octobre 2012 établissant un superviseur des banques de la zone euro dans le cadre d’un
mécanisme de surveillance unique (MSU) des établissements bancaires européens. Si la BCE
a été récemment désignée comme le futur régulateur, la mise en place concrète de ce
mécanisme se heurte aujourd’hui à des résistances nationales2.
Regrettant que les américains aient si longtemps tardé à réformer leur système bancaire après
la crise de 1929, Jean Monnet affirmait déjà : « Les hommes n'acceptent le changement que
dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise »3.
1 Règlement (EC) n°1093/2010 du 24 novembre 2010
2 Venant en particulier du Royaume-Uni et de la Suède
3 Jean Monnet, Mémoires, Fayard, Paris, 1976, p. 129
66
BIBLIOGRAPHIE
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67
Commission européenne, Communication concernant l’application, à partir du 1er
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70
PLAN DETAILLE
SOMMAIRE .................................................................................................................................. 3
LISTE DES ABREVIATIONS ............................................................................................................ 4
INTRODUCTION ............................................................................................................................ 5
PARTIE 1 : LA CRISE DU DROIT .................................................................................................... 9
Section 1 : L’objectif politique de sauvetage du secteur bancaire ......................................... 9
I. Nécessité des interventions étatiques .......................................................................... 9
A. Gravité de la crise financière ................................................................................... 9
B. Particularisme du secteur bancaire ......................................................................... 11
II. Mise en œuvre des interventions étatiques ................................................................ 12
A. Typologie ............................................................................................................... 12
B. Efficacité ................................................................................................................ 16
Section 2 : L’objectif juridique du droit européen des aides d’Etat ..................................... 19
I. La violation du « droit commun des aides d’Etat » ................................................... 19
A. Qualification des interventions étatiques ............................................................... 19
B. Insuffisance des dérogations traditionnelles .......................................................... 25
II. Le sens du droit des aides d’Etat dans un contexte de crise ...................................... 29
A. Le débat .................................................................................................................. 29
B. La position médiane de la Commission européenne .............................................. 33
PARTIE II : LE DROIT DE LA CRISE ............................................................................................. 37
Section 1 : Un droit dérogatoire ........................................................................................... 37
I. La dérogation quant à la forme .................................................................................. 37
A. Assouplissement de la procédure de contrôle ........................................................ 37
B. Réactivité accrue .................................................................................................... 39
II. La dérogation quant au fond ...................................................................................... 40
A. Le changement de fondement juridique ................................................................. 40
B. Une qualification plus restreinte ............................................................................ 42
C. L’adaptation des principes structurants ................................................................. 43
D. L’adoption de principes nouveaux ......................................................................... 45
Section 2 : Une dérogation limitée ....................................................................................... 48
I. La sauvegarde des principes ...................................................................................... 48
A. Des conditions « minimales » ................................................................................ 48
71
B. L’exigence d’un plan de restructuration ................................................................ 55
II. Une portée limitée ..................................................................................................... 58
A. La portée matérielle ............................................................................................... 58
B. La portée temporelle .............................................................................................. 60
CONCLUSION ............................................................................................................................. 63
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 66
PLAN DETAILLE ......................................................................................................................... 70
ANNEXE .................................................................................................................................... 72
Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques ................................ 73
Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut sur les obligations d’entreprises .............. 74
Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques ............................................... 75
Annexe n°4 : Montant des aides utilisées en comparaison avec la taille du secteur bancaire de
chaque Etat membre ...................................................................................................................... 76
Annexe n°5 : Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight Indexed Swap rate (OIS)
....................................................................................................................................................... 77
Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques européennes pendant la crise .. 78
Annexe n°7: Evolution du ratio de solvabilité (tier 1 capital) des banques européennes .............. 79
Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les plans de
recapitalisation des établissements de crédit ................................................................................. 80
Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire européen ............... 81
Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes pendant la crise ............... 82
72
ANNEXE
73
Annexe n°1 : Impact de la crise sur la capitalisation boursière des banques
PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet
2009, n°110.
74
Annexe n°2 : Impact de la crise sur les taux de défaut des obligations
d’entreprises
PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet
2009, n°110.
75
Annexe n°3 : Impact de la crise sur l’indice de profit des banques
PLANE Mathieu, PUJALS Georges, Les banques dans la crise, Revue de l’OFCE, juillet
2009, n°110.
76
Annexe n°4 : Montant des aides utilisées en comparaison avec la taille du
secteur bancaire de chaque Etat membre
77
Annexe n°5 : Evolution de l’écart de taux entre l’Euribor et l’Overnight
Indexed Swap rate (OIS)
78
Annexe n°6 : Evolution du CDS spread des principales banques
européennes pendant la crise
79
Annexe n°7: Evolution du ratio de solvabilité (tier 1 capital) des banques
européennes
80
Annexe n°8 : Taux de rémunération prévu par les Etats membres dans les
plans de recapitalisation des établissements de crédit
81
Annexe n°9 : Evolution de la concentration structurelle du secteur bancaire
européen
82
Annexe n°10 : Evolution de la profitabilité des banques européennes
pendant la crise