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Révolution et protection du patrimoine

Romain-Philippe Assogba

I. Proverbe africain.

Les révoltes, qu’elles soient internes, pacifiques ou agissantes, lorsqu’elles sont liées par des causes communes, se généralisent toujours. Ainsi unis pour la défense d’intérêts communs et la protection de richesses, les peuples doivent choisir une ligne d‘action.

L ‘ère coloniale Nulle part n’a existé un peuple qui n’ait une histoire.

Longtemps les uns ont fait entendre que certaines catégories d’hommes étaient sans origine, tout comme on voulut sacrifier Galilée quand il démontra que la Terre est ronde. L’erreur est humaine; il ne coûtera rien d‘excuser ceux qui, hier, se sont trompés. Mais, pour éviter que de tels jugements se répètent ou trahent au fil des ans comme une traînée de nuages, les peuples longtemps méconnus, longtemps opprimés s’affirment.

Qui sont ces peuples ? Qui sont-ils ? Des peuples qui, aux temps très anciens, n’ont pas connu d‘écriture; ils

mémorisaient les faits et les événements, ou ils gravaient dans les murs, ou ils sculptaient dans le bois ; ils traGaient des signes et dessinaient sur des toiles spéciales. Peuples qui parlaient peu, qui s’exprimaient par des gestes. Peuples paisibles, peuples innocents, vivant dans la nature, peuples laborieux, peuples disciplinés, tantôt nomades, tantôt sédentaires. Peuples humains, peuples hospitaliers et très sociables.

Hélas, leur paix sera troublée. Le propriétaire du verger et sa famille ne pourront plus jouir de l’ombre des gros arbres fruitiers. Ils ne pourront plus s’étendre pendant la chaleur sous les fromagers, les manguiers, les orangers et les pommiers dès lors que les oiseaux viendront se poser dans les feuillages. Non contents d‘empêcher le profond sommeil par leurs cris stridents et assour- dissants, ces oiseaux éhontés fientent sans plus tenir compte de la présence du jardinier et de ses enfants.

Des milliers d‘hommes furent déportés ou portés disparus, et ceux-là qui se croyaient les seuls humains passaient pour les mditres de la Terre. Ils répan- daient leur mode de vie; ils implantaient leur civilisation qu’ils imposaient aux survivants, à ceux qui avaient échappé à la torture et à la mort. Leur religion est la bonne, ils détournent les autres de la leur ; leur éducation seule compte, ils traitent les autres de sauvages ; leur langue seule doit être connue, parlée et propagée, celle des autres doit disparaître. Tous les objets usuels leur paraissent grossiers et laids; les objets importés sont plus commodes et bien jolis. Les huttes, les cases aux toits coniques sont détruites ou abandonnées ; tout est décimé et ces peuples perdent trace de leur origine.

,Cependant les envahisseurs n’ont pu détruire tout de l’histoire. (( Les bana- niers sont presque tous abattus mais leurs racines ont été oubliées ; elles n’ont pu être déterrées 1. D

En effet, l’absence d’écriture ne fut pas un mal, le système de mémorisation qui avait servi jadis les peuples opprimés a permis, de nos jours, de reconstituer l’histoire. Les fondations des bâtiments historiques qu’on découvre tous les

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jours, les quelques rares édifices qui ont résisté aux intempéries leur permettent d‘admirer l’architecture ancestrale.

L’érude de la science politique d’autrefois et des pouvoirs traditionnels de ces peuples, la recherche des documents artistiques et des témoignages oraux, I’étude des pratiques religieuses et l’analyse du mode de vie, qui tendaient à s’effacer mais que l’éVeil de la conscience des jeunes générations s’évertue à faire réapparaitre, sont très probantes.

(( Sans dire d’abord ‘un’ on ne dit pas ‘deux’ ni ‘trois’ lorsque l’on compte. Pour citer les vingt-six lettres de l’alphabet, il faut commencer par la première lettre 1. D

... De même, tous les peuples jadis opprimés sont conscients qu’il leur faudra retourner à leur source, se retremper à cette source pour y puiser la vérité.

Ces peuples dont je suis issu n’ont d’autre choix que d’aller à la recherche de leur héritage, de leurs richesses, qu’ils revaloriseront après qu’ils les auront collectées et inventoriées. Une des questions qui me hantaient quand je lisais tout ce qui se rapportait aux civilisations anciennes des grandes puissances d’aujourd’hui était de savoir si les peuples longtemps méprisés avaient un passé comparable. A la vérité, les faits et gestes des anciens de ces grandes puissances étaient très peu différents et n’étaient pas tous louables. I1 y avait des héros et des scélérats, des bâtisseurs et des destructeurs, des sages et des fous; mais ces hommes avaient vécu et leurs actions, bonnes ou mauvaises, constituent l’héritage laissé à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants.

Nous devrions seulement recenser notre héritage, le conserver, le protéger et l’adapter à notre monde ambiant et en perpétuelle métamorphose.

Qu‘est-ce que le patrimoine 7 Les envahisseurs n’avaient pas écouté ou cherché à comprendre les chants et les contes des kpufi&ms (griots), à qui la coutume avait confié la tâche de conserver le passé.

Nos villages saccagés totalement ensevelis ; nos masures, les édifices d’intérêt historique, les forêts denses et vierges, les chutes sauvages mais pittoresques, les monts verdoyants, les chahes rouillées de nos ancêtres les esclaves, leurs habits en haillons, les trônes rongés par les termites et souillés par les moisis- sures, les couronnes des reines emportées par les envahisseurs, les armes, coutelas, massues et autres, les tambours, les flûtes et tous les instruments désuets, aujourd’hui inutilisables, retrasant l’ère glorieuse et l’kre sombre, et permettant aux hommes de ma génération de mesurer le chemin sinueux et caché parcouru par nos ancêtres, constituent l’héritage commun, non pas des seuls peuples dont je suis issu, mais de tous.

C‘est bien le patrimoine de toute l’humanité. Qui voudra abandonner un monument, qui niera la valeur culturelle d’un

site historique ayant rapport avec des héros célèbres ou avec des faits mar- quants? Qui voudra défigurer la fabuleuse cité de Tombouctou, qui ne cher- chera pas à réhabiliter Béhanzin, Samory, El Hadj Omar, Anne Zingha et autres nationalistes dans le monde, qui ont scellé de leurs mains le sens huma- nitaire et qui lui ont sacrifié leur vie ? Qui niera l’impact des anciennes civilisa- tions sur les civilisations contemporaines ?

Quoi donc peut mieux témoigner du périple de cinq cent trente-huit jours de marche à pied de René Caillié que les habits qu’il portait, la gourde qu’il trimbalait et la photo qu’il avait peut-être prise? Quoi donc peut mieux certifier les sols foulés par l’homme que les découvertes archéologiques qui complètent les traditions orales collectées aux confins des villages auprès des quelques vieillards qui survivent encore ?

~

C’est tout cet ensemble qui constitue notre patrimoine. Les beaux chants pleins de sens, les chants mélodieux exécutés sur des

gammes jusqu’ici introuvées, les danses amalgamées très séduisantes et exci-

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tantes, aujourd'hui émoussées par les (( tangos D et les (< valses B, les proverbes, les devinettes, les petites historiettes, les légendes que racontaient grand-mère et grand-père, le soir, au clair de lune, doivent réapparaître pour être conservés et actualisés.

A la recherche du patrimoine Notre héritage n'est plus distinct ; notre patrimoine tend à disparaître complè- tement. L'étranger a accaparé nos richesses et a créé un grand mythe qui a voulu pendant si longtemps que les peuples soient incompris et que leur continent soit sans civilisation. Pendant des années et des siècles cet état de choses a suscité des mécontents ; pendant des siècles ces peuples n'ont pas pu se manifester. Sporadiquement, des voix se sont élevées ; les esclaves parqués dans les champs de plantations sur d'autres continents et ceux d'entre eux

I,f $t Défilé populaire à Cotonou : a) Interpréta- tion symbolique de l'esclavage. Sur la banderole: (( Notre objectif: une société où il fait bon vivre. )) 6, c) Danses folkloriques.

..

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qui ont eu peut-être la chance d'être les témoins oculaires des sacrilèges et des saccages de notre civilisation commencèrent à se faire entendre. Les efforts des premiers qui osèrent objecter ont peut-être été vains, l'envahisseur a su les violenter ou les exterminer.

Les peuples sous domination peuvent-ils parler de patrimoine authentique ? Qu'est-ce qui peut former leur patrimoine si ce ne sont tout au plus des reproductions à partir de renseignements erronés. Jamais ils ne réussiront à mettre la main sur les objets réels, les documents sincères à partir desquels ils retraceront le cheminement de l'histoire, les documents à partir desquels ils suivront les mutations et les transformations intervenues dans la super- structure et dans l'infrastructure depuis les origines.

La domination étrangère a relégué nos langues, nos traditions, notre culture, nos us et coutumes au second rang, afin de nous inculquer un complexe d'infériorité, de nous donner le mépris de nous-mêmes et de nous mettre en état d'attente béate d'une civilisation supérieure : la civilisation de l'étranger,

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du dominateur, du colon. Ainsi la mission civilisatrice fut l’alibi idéologique qui commandait les guerres, les ravages, les massacres et le pillage de nos richesses culturelles et naturelles.

Bien des peuples se sont résignés par peur ou par snobisme; ils ont pensé que certains hommes sont nés puissants et qu’eux autres sont des damnés. D’autres peuples épris de liberté, de dignité et de justice ont, contre vents et marées, opté pour la libération totale de leur continent ; ils veulent résolument se mettre en possession de leur patrimoine.

L’intelligentsia africaine procède aussi systématiquement que possible au renversement de l’ordre colonial et à l’établissement d’une structure nouvelle. Elle rejette les ordres surannés et instaure de nouveaux ordres, authentiques, propres à son milieu et à son histoire.

On entend, de-ci de-là, parler de réhabilitation de la personnalité, de revalo- risation de l’histoire, de revalorisation et de développement de la culture, de conservation des biens culturels, d’inventaire de tous les édifices d’intérêt historique qui aideront à comprendre le passé tant caché.

Pour réussir cette œuvre gigantesque, les peuples opprimés doivent tracer une ligne d’action ; la nécessité d’un combat sans relâche pour que les mauvais instincts, pour que les mauvaises herbes n’étodfent pas ce qui doit être déve- loppé et protégé, s’impose à eux.

La ligne dbct ion: la révolution Cette ligne d‘action, c’est la révolution. La révolution est la voie que les peuples longtemps dominés choisissent pour s’affirmer. C‘est un combat inévitable car, dans la pratique, aucune révolution ne part d‘une table rase; il y a toujours les survivances du passé.

La révolution résulte, dans bien des pays comme la République populaire du Bénin, de la lutte de tout un peuple contre l’occupation étrangère, pour la récupération de son sol, de sa langue, de son histoire, de sa culture, bref de son héritage tout entier, pour l’affirmation de sa personnalité longtemps combattue, contestCe et étouffée.

Quelle attitude devons-nous adopter à l’égard du passé puisque toute révo- lution, à moins de la faire sur papier, se heurte au passé qui subsiste plus ou moins fortement, plus ou moins longuement dans des structures, dans des manières d’agir, de penser et dans le système de nos relations sociales ? L’une des maladies infantiles de toute révolution réside dans la tentation du nihilisme, dans l’illusion qu’on va effacer le passé d‘un trait de plume. En réalité, le passé ne peut être nié ni annihilé. Nous devons passer nos traditions ancestrales et authentiques au crible de l’analyse critique pour en retenir ce qui peut être mis au service des options fondamentales du pays et en écarter ce qui relève de la mythologie.

Exemple du continent africain : la République populaire du Bénin Dans la République populaire du Bénin, le problème se pose en termes diffé- rents selon qu’il s’agit de l’héritage colonial ou de notre patrimoine qkil faut dans un premier temps inventorier.

Pour ce qui est de l’héritage colonial, nous essayons d’éviter à la fois la tentation du nihilisme et l’imitation aveugle du passé; cela est si vrai que la langue franqaise s’enseigne encore dans nos écoles ; elle a même, bien qu’étran- gère, le statut de langue privilégiée. Certaines pratiques sociales subsistent aussi, Le patrimoine national est nôtre; il fait partie de notre vie, même si pendant plus de quatre-vingts ans nous n’avons guère eu la possibilité d’en

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disposer et de le faire fructifier. C’est un devoir pour nous que de renouer avec le passé et, comme l’a si bien dit le proverbe national, (( c’est à partir de l’ancienne corde et du bout de cette vieille corde qu’on fabrique la nouvelle D. Nous ne pouvons pas nous passer de notre tradition. Ma9s, ici également, un examen critique s’impose pour ne pas nous enliser dans l’imitation servile de nos ancêtres comme si tout avait été déjà dit, et comme s’il ne devait plus rien y avoir de nouveau ni de meilleur sous le soleil. C‘est là qu’il faut faire la distinction entre la foi, qui est immuable et éternelle, et la société et les rapports entre les hommes, qui changent avec le temps. (( Chaque époque a son livre D, dit le Coran. C‘est dire que chaque génération a une vision du monde qui correspond à son degré d’évolution, que chaque génération fait un effort d’adaptation.

Que ceux qui se posent des questions à propos de nos objectifs ou de nos méthodes d’approche, lorsque nous nous effoqons de faire revivre et de promouvoir nos anciennes formes d’art, s’apaisent. I1 ne s’agit pas d’aban- donner tout confort moderne pour retourner à l’époque préhistorique, ni d‘édifier une société sans religion ou hors du cadre historico-géographique.

Renaissance culturelle n’est pas synonyme de fanatisme culturel. Une religion ne saurait être une manière d’éloigner la population de l’essentiel. Autant nous acceptons et faisons nôtre ce qu’il y a de bon dans les autres cultures, autant nous rejetons toutes pratiques rétrogrades. Notre politique culturelle va dans le sens de notre histoire. L’éducation scolaire et extrascolaire que nous préconisons cherche à faire comprendre non seulement la nature de l’action entreprise mais aussi son sens profond, à savoir que les monuments doivent, pour les peuples dont ils sont l’héritage, être un moyen de renouer avec leur passé dans toute sa réalitt et, pour tous les hommes, l’occasion d’un hommage au génie créateur de l’homme à travers les âges. Que notre patrimoine national soit animé ou réanimé, qu’il devienne le cadre de la vie sociale, le foyer de la culture populaire.

Mais la révolution risque de désagréger davantage la société et de la déra- ciner. Ce serait creuser encore plus le fossé entre nos ancêtres et nous. Cette bataille pour la protection du patrimoine, pour le triomphe de l’instruction, pour le développement de la culture, pour la conversion à une morale, à une éthique nouvelle exige mûre réflexion. Une révolution demande un effort continu de recherche, d’explication, d’animation afin qu’un nombre croissant de citoyens adhèrent aux systèmes de valeurs sans lesquels il ne peut pas y avoir une société nouvelle soucieuse de la sauvegarde de l’héritage national.

L’importance accordée désormais au patrimoine national demande la réforme de toutes les méthodes de pensée et de tous les systèmes connus. C’est la révolution. Et cela c’est ouvrir la porte du savoir et du savoir-faire aux masses populaires, c’est réduire la différence entre les travailleurs manuels et les travailleurs intellectuels, entre l’enseignement général et l’enseignement tech- nique; c’est lutter contre l’ignorance et favoriser les citoyens afin qu’ils aient la possibilité, le goût de s’élancer à la recherche des us et coutumes. La révo- lution favorise le développement culturel. I1 ne s’agit plus d’une culture réservée à quelques mandarins ou à une élite mais d‘une démocratisation de la culture avec la mise à la portée des masses des plus grands chefs-d’œuvre, tant de la

-- culture nationale que ‘ est très vaste.

-8 La protection

du patrimoine universel. En la matière le champ d’action

du pa trimoine La révolution vient émoustiller nos chants et nos danses, véritable régénératrice d‘une vie authentique. L’implantation de salles de lecture, de bibliothèques dans nos villages pour une large diffusion des résultats, des recherches, la vulgarisation et la popularisation du théâtre et du cinéma, l’utilisation des importantes ressources historiques et culturelles inexploitées et longtemps

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conservées dans les musées pour une caste et pour des groupes de familles royales sont les acquis de la révolution. Le nouveau mode d'existence auquel incite la révolution culturelle implique la lutte contre tout ce qui est négatif et pernicieux : l'égoïsme, l'esprit de lucre, l'arrivisme, l'indiscipline, l'irrespon- sabilité, les pratiques féodales. Dans les pays révolutionnaires, les musées ne sont plus créés à des fins de conservation, d'étude ou de recherche ethnologique dans une optique étrangère, à l'usage d'une aristocratie administrative et mercantile dont ils constituaient les instruments de délectation et de loisir. Ils ont cessé d'être des sortes d'entrepôts où les objets exposés perdaient leur âme véritable dans une inanimation totale.

L'élan de la révolution qui a suivi l'indépendance a permis de recenser, de répertorier et de sauvegarder notre patrimoine ; il a permis de lui redonner vie et vigueur. Les musées désormais, plus que les écoles, sont à l'avant-garde de la nouvelle société. Ils auront à l'avenir un rôle très actif dans l'éducation et la formation de la jeunesse. La révolution a permis de rendre les œuvres anciennes et modernes accessibles à tous. Au contact du style de vie ancestral, et après avoir éliminé ce que nous appelons des facteurs négatifs, il ressort un mode d'existence en harmonie avec l'esprit et les objectifs d'une société nouvelle.

La mise en branle de toute l'énergie potentielle de l'homme, I'éveil de la conscience, en d'autres termes la révolution qui gagne du terrain un peu par- tout dans le monde, permettent aux peuples révolutionnaires de reconquérir leur personnalité, de se rapprocher de leur origine. Patrimoine national comme le cordon ombilical d'un peuple. Patrimoine naturel et culturel comme déments de base constituant la charpente première d'un peuple, la révolution comme système adéquat pour le maintien, la consolidatip et l'évolution de ces Cléments.

'

Les efforts des organismes internationaux et régionaux Tous les peuples du monde l'ont compris. Les organismes internationaux et régionaux à caractère culturel et socio-économique qui voient le jour partout en témoignent : l'Institut culturel africain pour permettre à chacun des États membres et à tous ensemble de mettre au point leur politique culturelle, établir et développer entre les &ats africains une solide coopération culturelle; la Société africaine de culture ; l'Association des historiens africains, etc.

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) est au cœur de tous les problèmes afférents à la sauvegarde et à la protection de l'ensemble culturel, historique et éducatif pouvant aider les peuples à retrouver l'essence de leur vie propre et à s'en imprégner.

On ne peut pas parler de sa civilisation sans interroger le passé. Interroger le passé, non par pur traditionalisme de mode mais bien (( pour mieux situer la question sur l'axe qui permet d'en mieux saisir les développements, l'éva- luation et les perspectives )) LAT-DIOR.

Le 24 février 1975, au Caire, le Directeur général de l'Unesco déclarait: ((L'action de l'Unesco en matière de préservation et de mise en valeur du

~ patrimoine culturel et naturel doit, à mon sens, viser plusieurs objectifs; d'abord, assurer la sauvegarde des monuments, témoins du génie créateur et de l'homme, de ses luttes, de ses espoirs, de ses croyances, de son sens artistique en vue de l'édification des générations nouvelles; ensuite, contribuer à la coopération internationale pour le développement ainsi qu'à la protection du cadre de vie. ))

Ainsi donc, la révolution, de quelque nature qu'elle soit, de quelque manière qu'elle se manifeste, à tous égards, contribuera non seulement à la protection du patrimoine culturel et naturel mais aussi à son développement.

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Annexes

I. Séminaire régional pour une meilleure adaptation des musées aux besoins du monde moderne Bangui, 2-12 avril 1976

Recommandation aux États africains

Conxìdérant : a) La pénurie du personnel qualifié dans les

musées, 6) Les difficultés que rencontrent les étu-

diants sortant du Centre de Jos, c) La nouvelle conception des musées dont

certains pays ont déjà fait l'expérience, d ) La nécessité d'associer l'ensemble de la

population à la vie de musée,

Le Séminaire recommande aux &ats afri- cains : I. De contribuer au financement du Centre

de Jos et de constituer un conseil pour définir la politique et superviser la gestion de ce centre en vue : a) D'assurer la poursuite du programme

actuel, b) De prolonger la durée des études et

d'en rehausser le niveau afin qu'il y soit formé non seulement des techni- ciens, mais aussi des conservateurs,

c) D'assurer la reconnaissance des diplômes décernés ;

2. De reconnaître l'institution muséale

comme un facteur de développement socio-économique ;

3. De contribuer à la formation du person- nel des musees: a) En introduisant des cours de muséo-

logie dans les programmes universi- taires,

6) En facilitant les échanges de membres du personnel des musées;

4. De favoriser l'acquisition des collections des musées: a) En intervenant de manière persuasive

auprès des chefs traditionnels et déten- teurs de biens culturels,

6) En permettant la sensibilisation de la population aux objectifs des musées au travers des mass media;

5 , De favoriser la création d'unités mobiles (expositions itinérantes) pour que les musées puissent toucher les populations rurales ;

6. De créer un centre régional de recherche sur les techniques les plus appropriées pour l'Afrique (techniques traditionnelles, produits locaux, etc.) en matière de pré- servation et de conservation du patri- moine culturel africain :

16 Séminaire régional pour une meilleure adaptation des musées aux besoins du monde moderne, organisé par l'Unesco, Bangui, 2-12 avril 1976. Groupe de participants devant le musée Barthélemy Boganda.

7. De lutter contre l'importation, l'expor- tation et le transfert de propriété illicite de biens culturels : a) En instaurant les législations natio-

nales, là où elles font défaut, b) En ratifiant, si ce n'était déjà fait, la

convention adoptée par la Conférence générale de l'Unesco. lors de sa seizième session, en novembre 1970,

c) En instituant des accords bilateraux et multilatéraux.

Recommandation à l'Unesco

Considérant : a) Les besoins de la plupart des musées

africains, 6) L'utilité des échanges de vues entre les

spécialistes de musées des différents pays, Le Séminaire recommande à l'Unesco : I. De continuer et d'accroître l'aide qu'elle

apporte aux musées africains par l'accord de bourses et par son assistance technique et financitre ;

2. D'organiser périodiquement des sémi- naires régionaux à l'intention des spé- cialistes des musées africains.

2. Vers une association panafricaine pour le dheloppement des musées et la sauvegarde des monuments

La disparition rapide de nombreux éléments du patrimoine culturel africain a fait l'objet de vifs débats à la conférence intergouver- nementale sur les politiques culturelles tenue àAccra (Ghana), en octobre-novembre 1975. A cet égard, l'importance du rôle des musées a été soulignée et la nécessité est apparue d'instaurer une réelle coopération, au niveau régional, pour le développement des musées.

La conférence a recommandé la création d'une Organisation des musées et monu- ments africains (OMMA), qui aurait pour but de faciliter aux'gtats africains l'adoption de politiques communes et la coordination

de leurs efforts pour lutter contre le trafic illicite des biens culturels et former, sur le continent, les spécialistes de musées dont ils ont besoin. L'OMMA travaillerait en colla- boration étroite avec le Conseil international des musées (Icom) et le Conseil international des monuments et des sites (Icomos). I1 a été prévu qu'une réunion d'experts se

tiendrait en octobre-novembre 1976 à Nairobi, sous les auspices de l'Unesco, dans le cadre de la dix-neuvième session de sa conférence générale. Une assemblée géné- rale de l'OMMA pourrait avoir lieu en 1977.

En attendant, le Ghana est l'hôte du secré- tariat .de la future organisation. M. Nana-

Kow Bondzie, secrétaire exécutif du Conseil des musées et des monuments du Ghana et secrétaire général par intérim de l'OMMA, a exprimé le regret que les responsables des musées et des monuments africains ne fassent pas l'objet d'une considération suffi- sante car (( de leur soin et de leur endurance, ou de leur manque de soin, a-t-il dit, dépendent la préservation ou la destruction de notre patrimoine et de notre person- nalité )).

C'est le défi que I'OMMA se propose de relever dans un esprit de solidarité et de responsabilité partagée.

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