REVUE LITTÉRAIRE SEYCHELLOISEpoèmes, contes et nouvelles en français, créole et anglais
thème - la jeunesse / lumière sur - Karoly Sandor Pallai
num
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SIPAY
10e édition - la jeunesse.
avec le soutien de l’Ambassade de France
et de l’Alliance française des Seychelles
et de la Commission Nationale de la Francophonie des Seychelles
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SOMMAIRE
ÉDITORIAL
Daouda Traoré
POÈTE INVITÉ
Khal Torabully
À l’enfant né au sein des îles
LUMIÈRE SUR
Karoly Sandor Pallai
Larb lavi, larm zetwal
Best cruise deals
THÈME SUR
Thierry Radière
Le bonheur
Le chemin de l’école
Demain matin
POÈMES
Fern G. Z. Carr - Les folies de Jeunesse
Fern G. Z. Carr - Exams
Cécilia Angéla - Plaidoirie d’une Mère
Marie-Flora BenDavid - Jeunesse Abîmée
Kouao Médar Bouazi - J’étais l’avenir
Paolo Pezzaglia - The Last Summer of Youth
Philippe J. R. Boullé - Jeunesse
Jean-Pierre Parra - Venu après les hommes âgées
Patricia Laranco - La joie de vivre spontanée
Magie Faure-Vidot - Mon petit voyageur
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Jacques Laborde - La Jeunesse
Vénida Marcel - La Jeunesse Avenir
Tahir Hussen Pirbhay - Lespri An’ler
Eugène Elizabeth - L’Enfant Drogué
NOUVELLES
Jacques Laborde - U=RI
Harris Kasongo - Zadi
Simon Lanot - La Vigne de mon fils
CRÉDITS
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ÉDITO
« La jeunesse est, dit-on, quelquefois imprudente, orgueilleuse, légère,
étourdie, inconstante.» Antoine Bret, La double extravagance –II, 7 (1750)
Qu’on ne se trompe pas, l’auteure de cette phrase ne pense point ce
qu’elle dit. Elle ne fait qu’énoncer une sorte d’adage populaire dans sa
réplique. En effet, nous sommes au milieu du 18e siècle, la jeunesse
est accablée de tous les maux. Elle est victime de tous les préjugés,
le plus souvent, défavorables. On lui reconnaît très peu de qualités.
Jeunesse ? Ce mot évoque tout naturellement la vie, la force, la vi-
gueur, la beauté, le courage, la bravoure, la témérité. Le vocable véhi-
cule également une soif, la soif de découverte, de vie, d’innovation,
d’émancipation et même si le terme est parfois synonyme d’erreur,
d’inexpérience, d’ignorance, de fougue, de folies, il faut convenir avec
Oxenstiern (1645) que « la bonne éducation de la jeunesse est le plus
sûr garant de la prospérité d’un Etat. »
Au fil de ces pages, la jeunesse sera présentée… sous toutes ses
coutures. Les moutures seront forcément diverses mais toutes em-
preintes de poésie, et c’est ce qui fait l’intérêt de cette revue.
Ainsi, en feuilletant ce numéro, en plus de nos fidèles pourvoyeurs
que nous saluons au passage, nous aurons le plaisir de faire la
connaissance de nouveaux arrivants. D’abord notre invité, l’immense
mauricien Khal Torabully, le plus grand chantre de la coolitude. Sa
contribution confère à notre revue une autre tonalité appuyant la
diversité que nous recherchons. Puis le français Thierry Radière qui
donne le ton du présent thème à travers trois poèmes brodés sur le
surprenant univers de l’enfant. Ensuite la canadienne Fern G. Z. Carr
qui nous gratifie de deux poèmes dont l’un plaint, en français, la légè-
reté de la jeunesse tandis que l’autre, en anglais, dépeint de façon
saisissante l’autre facette où le sérieux est roi. Nous avons encore un
autre canadien, Kouao Médard Bouazi, d’origine ivoirienne, avec son
texte « J’étais l’avenir ». Puis le seychellois Philippe Boulle avec un très
beau poème vibrant de sagesse. Ensuite, le mauricien Tahir Hussein
Pirbhay qui, à l’instar de Pauwels nous dira dans son créole mauricien
que « le temps de la jeunesse est celui de la folie. ». Le poème Venu
après les hommes âgés de Jean-Pierre Parra attirera votre attention. En-
fin le français Simon Lanot, dans un généreux poème en prose nous
adresse un message optimiste d’espoir d’un monde. Nous remercions
tous ceux qui, généreusement, animent cette revue. Le prochain nu-
méro portera sur le thème, « Douceur des mots ».
BRÈVE TENTATIVE DE PRÉSENTATION DE POÈME :
Khal Torabully - A l’enfant né au sein des îles
Khall Torabhully, notre invité, offre un poème à la jeunesse sey-
chelloise et en cela il est digne d’attention. Ce texte intitulé A l’en-
fant né au sein des îles est une occasion pour le poète de manifester
au jeune seychellois sa solidarité tout en soulignant le pont qui
l’unit aux autres jeunes de l’Océan indien.
C’est sur un ton grave, un appel à la méditation que le poète entame
son texte qu’il marque de sa forte présence par l’emploi récurrent de
la première personne du singulier. Les destinataires sont nombreux.
D’abord, ce poème s’adresse essentiellement au jeune des îles
quoiqu’il l’ait dédié à la jeunesse seychelloise. Hormis le titre, ce
destinataire n’apparaît qu’à la troisième strophe à travers l’apos-
trophe « Enfant des lataniers et des lafouches », une expression
typique de la région, vous l’avez compris, l’Océan indien. Le poète
s’adresse directement aux jeunes seychellois, réunionnais et mau-
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riciens pour les mettre en garde contre les erreurs, les illusions
de jeunesse auxquelles beaucoup d’adolescents échappent diffi-
cilement et qui ne peuvent que causer des regrets au goût amer
: « l’échelle franchie des remords », « Cette grappe de sentiments
rancie par l’amertume ».
Puis, c’est vers Dieu qu’il se tourne afin de l’invoquer pour sa misé-
ricorde à pardonner au coupable les fautes commises. La moitié
de la première et la quasi-totalité de la deuxième strophe est une
longue prière, un cri qui réclame l’amour. Dans sa supplication, le
poète voit l’expression de Dieu dans la Nature qu’il côtoie quoti-
diennement : « Ton nom est à boire dans le bleu verre d’océans ».
Ensuite, l’île-refuge constitue l’ultime recours du jeune égaré qui
réalise que sa traversée du désert n’était qu’un mauvais rêve. L’ana-
phore « Mon île » et l’interjection « Ô » (4e, 5e et dernière strophe)
traduisent une vive émotion chez le poète, émotion qui est davantage
soulignée par les phrases interrogatives.
Il y a par ailleurs à travers ce poème une colère qui est exprimée
contre les marchands de stupéfiants et contre tous ceux qui, en
public, condamnent ce trafic mais qui, de fait, en sont les véritables
suppôts : « Je me savais attirée par la foudre », « Je dénonce les mil-
liers de jours perdus/ Aux doigts des faux dénonciateurs… »
Enfin ce qui fait à la fois la force et le charme du poème de Khal
Torabully, c’est l’écriture du poète. Il prend à bon escient des liber-
tés avec la langue pour être plus près de nous. Ainsi, les parallé-
lismes « En moi se répondent les voix fidèles des sabliers », « En moi
se répand ce verre bleu fissuré » renforcent le poids des remords
exprimés par le locuteur. Ainsi l’usage des figures d’équivalence
comme les périphrases « Cette grappe de sentiments rancie par
l’amertume » pour les remords, « Cette colère sauvage qu’enfante
le ciel » ; ou encore la métaphore « la neige » dans le vers « J’ai
saisi la neige aux doigts du miniaturiste persan » pour désigner
la cocaïne, soit le chiasme « le bleu verre » repris par « le verre bleu »
qui souligne une évolution du négatif au positif du locuteur. En
effet la souffrance du poète se traduit dans la deuxième strophe
par des termes péjoratifs tels « fissuré », « miroir tombé », « nudité »,
« dénuement » tandis que dans la première strophe, les termes,
comme « l’astre », « le bleu verre d’océans » traduisent le bonheur.
Les exemples sont nombreux pour montrer la richesse du texte
qui nous fait passer du registre pathétique au registre lyrique en
passant par le registre polémique.
La variété des registres utilisés confère au poème sa puissance
et traduit l’engagement bien connu du poète Khal Torabully
pour la promotion de l’universel.
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POÈTE INVITÉ
Khal Torabully - Khal Torabully est né en 1956 à l’île Maurice. Il s’ins-
talle à Lyon en 1976. Après des études de littérature comparée et
d’anglais, il obtient un doctorat en Linguistique générale, option
Sémiologie du poétique, en 1984. Il est enseignant de 1981 à 1996.
Il est père de deux enfants, Camil et Hanna. Khal Torabully a
publié une vingtaine d’ouvrages de poésie, dont :
Carnet d’un impossible retour au pays natal, en soutien à Diégo Garcia,
KA’ éditions, La Réunion, 2009
Mes Afriques, mes ivoires, pour la Côte d’Ivoire, L’Harmattan, Paris, 2004
Chair corail, Fragments coolies, Petit-Bourg (Guadeloupe), Ibis rouge, 1999
Roulis sur le Malecon, (Carnet cubain), L’Harmattan, Paris, 1999
L’Ombre rouge des gazelles : signes pour l’Algérie, Paroles d’aube, Grigny, 1998
Dialogue de l’eau et du sel, Le Bruit des Autres, Solignac, 1998
Palabres à paroles, Le Bruit des Autres, Solignac, 1996
Kot sa parol la ? Rôde parole, Le Printemps, Maurice, 1995
Cale d’étoiles, coolitude, Azalées, La Mare (La Réunion), 1992
Le Printemps des Ombres, 1989
Il a aussi publié Le pouvoir des mots sur le mouvoir des peaux, un
dictionnaire plaisant de la francophonie et un livre théorique sur la
Coolitude, à Londres. Son oeuvre a été recompensée par les prix sui-
vants : Prix Missives de France Télécom en 1997 pour L’ombre rouge
des gazelles (éditions Paroles d’Aube) - Lauréat de Lettres Frontière
(Suisse-Romande, région Rhône-Alpes) en 1999 -
Prix du Salon International du Livre Insulaire, 2000, Ouessant, pour
Chair-Corail, Fragments Coolies.
ILE MAURICE Autres activités - Admirateur de Chazal, sur lequel il a réalisé un do-
cumentaire avec Sarane Alexandrian, il oeuvre à la réhabilitation de
l’œuvre de Malcolm de Chazal à Maurice. Il est à l’origine de la réé-
dition de Sens Plastique, de Chazal, chez Gallimard. Concepteur de
l’Allée des voyageurs au Jardin des Compagnies, Port-Louis, regroupant
les textes des voyageurs de l’océan Indien. Il est également l’auteur-
réalisateur de 5 films, dont le dernier, La Mémoire maritime des
arabes a été récompensé par le Golden Award au Caire en décembre
2010. Khal Torabully a théorisé la poétique de la coolitude, à l’étude
dans diverses universités. Régulièrement invité dans des festivals et
conférences autour de la poésie, les débats sur les littératures et les
poétiques, il a à cœur de faire émerger la parole de cette partie du
monde dans les débats actuels sur les cultures et les civilisations.
Parmi ses dernières interventions - 2010 : Unesco, Le dialogue des
cultures promu par l’ONU, à Paris - 2011 : Intervention sur la cooli-
tude à Berlin. Conférence sur l’engagisme à l’Assemblée nationale,
Paris - 2012 : La rencontre des imaginaires, la coolitude et les poé-
tiques du monde. Maison de France, Grenade, Espagne.
Quelques appréciations sur l’œuvre de l’auteur - Aimé Césaire : «
Poèmes où je retrouve toute mon humanité…» - Sarane Alexan-
drian : « La poésie de Khal répond à l’attente profonde de l’être
humain. Je vois en lui le poète de la déréliction…» - Werner Lam-
bersy : «…la poésie de Khal nous ouvre à l’universel…» - Raphaël
Confiant : «…textes d’une souveraine précision » - Benoït Conort
: «…un cri mis en parole, une rupture intégrée au maillage de la
syntaxe, une langue qui, issue de la société, s’adresse à tous, mais
sans s’abstraire de l’obscur inhérent à toute parole authentique,
de son opacité, poésie pour (…) «reprendre mots à la gorge du cri».
La Nouvelle Poésie Française, Magazine Littéraire Mag
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Khal Torabully - À l’enfant né au sein des îles
À l’enfant né au sein des îles
Ode à la jeunesse seychelloise
Contemple l’échelle franchie des remords
Cette grappe de sentiments rancie par l’amertume/
Je me savais attirée par la foudre
Cette colère sauvage qu’enfante le ciel.
Pour briser nos dunes de lumière,
Père je te conjugue tel l’astre
Multiplié aux yeux rieurs des lagons.
Ton nom est à boire dans le bleu verre d’océans.
Je sais que tu pardonnes cet âge
De nos bouches peuplées des mirages
Du premier enfant né de toutes les soifs !
Prière sur mes frêles poignets que soulèvent tes mots :
Ce monde s’efface à mon regard étiré par l’immensité,
Ce chemin qui n’en finit pas me ramène à moi !
En moi se répondent les voix fidèles des sabliers
Qu’une femme dérangée brandit au passage du borgne.
En moi se répand ce verre bleu fissuré
Comme un miroir tombé des mains d’une fée…
Qu’importe nudité et dénûment de nos peuples/
Aux seuils de ces mondes en dérive/
À rôder autour de ses maisons éphémères/
Je crie l’amour pour avoir désiré la mort/
Cette douce peste aux taches brunes brûle silences/
Et relève nos routes des pestilences/
Enfant de lataniers et des lafouches libres,
La tombe du sage enterré au premier jour
De sa naissance t’envoie son pain d’amour !
Je connais cette éternelle foison
Des semeurs des jujubiers transparents.
J’ai saisi la neige sur les doigts du miniaturiste persan.
Elle me dit la parole de la souveraine bannie
De mon palais… Chaque jour défait par le vocable
Des citadins peints sur les murs de leurs désirs…
Mon île, si jeune dans l’alizé, perle de la mer indienne...
Quelle marche peut compenser les arrêts d’une goutte d’eau
Sur la main assoiffée des serments nomades ?
Je t’ai entendu enfouir
La mélancolique nuée
Sous mes cris remués...
Mon île tant aimée à l’aube magnifiée,
Dans ces univers en mouvement
Quel temps naîtra de nos mains ?
Et quelle demeure pour ton absence revenue
S’échouer entre nos pieds ?
En voix des turbulences,
Je meurs face aux visages innocents,
Je dénonce les milliers de jours perdus
Aux doigts des faux dénonciateurs…
Je suis le sable aux sabots de l’animal assoiffé.
Ceux qui ont encore de nom/ne voudront pas mourir
Mélangés à la terre/de l’aube frangipanée.
J’arrête les hémorragies de l’orage
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À étendre mes ombres tropicales
Entre vents chauds et chants des vagues.
Ma grand-mère se balance entre le ressac et l’étrange terre.
Que faire des corps qui s’éloignent de son sommeil ?
Quand le ciel cherchera-t-il à comprendre
Nos yeux fermés par les nuages bleus ?
Aïeule qui m’enchanta à poser serment
En murmures d’insectes brûlés de solitude,
J’ai remis du sel entre mes yeux pour brûler la mer.
Pour moi les grandes vagues
Déchargeront les tombes des marins
Tant sur les dunes que sur les quais
D’un désert perdu…
À nouveau les rideaux des cordages
Amassent le lointain en outre-mer.
Soudain, je comprends les bateaux
Qui partent trop tard :
Je perce l’énigme du désert
Sur les fronts de multiples vétivers ?.
L’horizon ne s’est jamais éloigné…
Qui m’enlève de moi :
Mon corps ou mon âme ?
Ô mon île nubile,
Tu récites le premier corps qui m’enfantera sans cesse/
Car le lait n’abandonne jamais le blanc silence/
ET NUL NE VIEILLIT EN SON SEIN.
LUMIÈRE SUR
Karoly Sandor Pallai - Károly Sándor Pallai est chercheur doctorant
à l’Université de Budapest – ELTE. Il consacre ses recherches aux
littératures francophones contemporaines des Caraïbes, de l’océan
Indien et du Pacifique. Focalisant sur l’interculturel et l’interdisci-
plinaire, il publie des articles sur la littérature seychelloise, martini-
quaise, mauricienne, sur les rapports enrichissants entre la théorie
systémique, les sciences naturelles (physique quantique), la philo-
sophie, la psychologie et la littérature. Il travaille pour la diffusion
et la recherche des littératures francophones avec des auteurs et
théoriciens engagés de plusieurs pays. Il est membre de l’AIEFCOI
(Association Internationale d’Études Francophones et Comparées
sur l’Océan Indien - Université de Maurice). Il est le concepteur, le
fondateur et l’éditeur en chef de la revue électronique Vents Alizés,
conçue pour assurer une diffusion d’accès libre étendue aux auteurs
de l’océan Indien, des Caraïbes, du Pacifique et d’ailleurs. L’objectif
fondateur de la revue est d’établir et de nourrir de vifs rapports
entre les aires océaniques de la langue française, entre les littéra-
tures des océans. Il est également le fondateur et le directeur de la
maison d’édition électronique « Edisyon Losean Endyen”, créée en
2012 qui a pour but d’améliorer la diversité et l’accessibilité de la
production littéraire de l’océan Indien, des Caraïbes et du Pacifique
afin de promouvoir la diversité, l’imagination et l’innovation. Il réa-
lise ces projets avec l’aide de la poétesse seychelloise Magie Faure-
Vidot (co-fondatrice, co-directrice). Il est membre du comité de lecture
de la revue littéraire seychelloise Sipay. Il écrit et publie des poèmes en
français, en anglais, en créole seychellois, en hongrois et en espagnol.Mag
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HONGRIE
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Karoly Sandor Pallai - Larb lavi, larm zetwal
pou Zsuzsanna Bölkény ki ti montre mwan semen
Reyon lalimyer soley i penetre bann branspe
E fer letan rekile
O poezi ! Dernyen rekour ! En refiz ek remed bann lanm fatige
Ou enspir pour partaz oreol lanmour entanporel
Dan en lalang metise, ki’n travers
En gran nonm losean santiman
Dan mil nyans ble in viv, dan lespri imen in parwaze
Dan tou rouz fonse, roz, zonn briyan, vyole dou soley kousan
Lekritir i partaz ban dernyen veki
Inik e sengilye ki liniver in kree,
Dan lanmer milener nou rod profonder kristalize,
Lemosyon aprivwaze, pour zet lank dan labe trankil
Lo lans vyerz, en larkansyel i transform tou rekonpans
Lo ban disab, dan zimaz midi oubliye
Bann laltitid translisid, lenfinitid laroul vyolan
E san ouver briiyans lete, prezans soley apre solitid
Glasyasyon nwanr, laklerte selest
Apre santiman douloure, enkonstan, lavenir i anzandre
Lerans likid oseanik i pa pli etranze
Lavwa pirman derobe, i sanson lapousyer kolore
Latwal larm zetwal, lafimen e labote lapli
E laroze i sove
Karoly Sandor Pallai - Best cruise deals
À József Zsidai, pionnier, créateur, enseignant
Partir relier les astres
D’une lecture disséquante des vérités cryptiques
De la présence humaine : voyage de préconisations
FLYING BUSINESS CLASS ? ENTER DISCOUNT CODE
Guetter par les fenêtres
L’arrivée d’imperceptibles échos
Nouvelles offres des compagnies aériennes : Fly Business Class, tra-
jets interpersonnels
V.I.P. GOLD CREDIT CARDS. A STATUS SYMBOL. GET YOURS TODAY!
Mutation de voyages, circonscription des harmonies d’autrefois
Il faut essayer de voir les déplacements sous un autre jour
La nécessité de se refabriquer mutuellement s’avère vitale
PRIVATE JETS – SPECIAL LIFETIME OFFER PROMOTION
Escaliers inracontables. Le vieux boiteux, minéralisé, nyctalope,
propriétaire de quelques habits haillonneux fourrés dans un sac
plastique,
me fait part de sa sagesse calcaire :
Voyager dans l’Autre, c’est l’intemporel
Priser les gestes, les silhouettes, les dragées de retrouvailles
Le Fonds monétaire international devrait financer des institutions
interindividuelles
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CHEAPEST LUXURY VEHICLES – LAST MINUTE SPECIAL OFFER
Conquérir la voie lactée et l’univers
Qui va s’occuper de l’Autre ? Est-ce que l’on a
besoin de publicités dans les métros, aux aéroports, sur les smart-
phones
pour rendre populaires les rapports personnels ?
Géolocalisation, messagerie instantanée, assistant numérique per-
sonnel,
Fléchir sous les nuages, les intempéries et les mers célestes,
Faisons appel à l’affection, à la langueur, aux richesses immaté-
rielles,
Naître dans l’autre : profusion incessante.
ARE WE BY-PASSED BY HYPERCOMMUNICATION ?
THÈME SUR
Thierry Radière - Thierry Radière est né en 1963 dans les Ardennes
mais vit et travaille depuis presque vingt ans maintenant en Vendée
comme prof d’anglais. Il publie régulièrement dans des revues de
poésie et de littérature papier ou numérique : états civils, Traction-
Brabant, Microbe, Gros textes, terre à ciel, Les tas de mots, le capital des
mots ; puis prochainement il sera au sommaire de Verso et Décharge.
Il a publié un recueil de nouvelles Nouvelles septentrionale en mai
2011 aux éditions du Zaporogue et un petit roman Le manège tou-
jours aux éditions du Zaporogue en avril 2012.
FRANCE
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Thierry Radière - Le bonheur
parce que si tu dors tout de suite
ce sera vite demain
on sera déjà dans la voiture
et tu verras les maisons avancer
derrière les vitres et le soleil se lever
après sur l’autoroute la musique est une berceuse
et on croirait couper du beurre pendant des kilomètres
tellement ça va vite et bien
on ne sent pas qu’on roule
tu verras un moment donné
les camions formeront des couloirs
et laisseront passer
notre carrosse pour l’été
les cafés au bord de la plage
les coloriages sur les nuages
les grimaces de plaisir derrière tes assiettes de pâtes
c’est comme si ton cœur c’était un ballon de baudruche
infiniment gros
avançant seul
avec des yeux fixes
la douceur sur l’autoroute
l’arrivée des vacances
l’entrée dans le toboggan
toujours plus grand celui-là
pour être à ta taille
avec d’énormes virages
à faire péter les larmes
encore quelques minutes
et j’éteins la lumière
il faut que je prépare
la route
pour demain
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bien que je n’en sache rien
et tu m’as répondu que tu ignorais
que les livres étaient forts
mais que c’était aussi bien
que de croire que les animaux
sont de petits enfants
égarés sur le chemin de l’école.
Thierry Radière - Le chemin de l’école
tu t’es endormie tôt aujourd’hui
sans même réclamer une histoire
toujours la même
celle de la petite fille perdue
sur le chemin de l’école
tombée sur des animaux bavards
s’étant eux aussi égarés enfants
tu la connais par cœur
et sans cesse tu changes la fin
en faisant rester la petite fille
auprès de animaux parlants
et surtout en précisant
que les fins d’histoire ne te plaisent jamais
peut-être en as-tu marre maintenant
que tu voudrais lire toute seule
les livres de ma bibliothèque
tu les regardais drôlement l’autre jour
alors je t’en ai lu un
n’empêche que je n’ai pas su lequel choisir
heureusement tu m’as aidé :
le titre te plaisait même si tu ne sais pas encore lire
tu m’as même dit que les personnages
tu les avais déjà vus quelque part
mais que tu ne te souvenais pas où exactement
et je t’ai dit bêtement que c’est ça la force d’un livre
24 25
Thierry Radière - Demain matin
demain matin
j’aurai des pouvoirs spéciaux
et avec après j’arrêterai
les microbes
les rhumes
les antibiotiques
et à ma morve
je lui ferai une route
rien que pour elle
avec une digue renforcée
pour ne plus qu’elle déborde
de mon nez
les mouchoirs ils ne sont pas
assez puissants
ils servent juste de masque
blanc
mais se transpercent tout de suite
à la première inondation
et à force ça ne tue pas les virus
au contraire ça les aide à nager
plus loin dans mon corps
et j’aimerais bien être un pirate
avec eux dans mes veines
et les capturer
grâce à mes pouvoirs spéciaux
hérités de maman
à sauter dans les vagues
à pas boire la tasse
sauf comme babar
à combattre les méchants
demain matin
au petit déjeuner
avec les jumelles de papa
je regarderai par la fenêtre
parfois on y voit
d’autres bêtes gentilles celles-là
et à elles je leur donnerai
de mes pouvoirs magiques
elles me défendront
si jamais
je recommence à ne plus pouvoir
respirer.
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POÈMES Fern G. Z. Carr - Biographie
Fern G. Z. Carr is a lawyer, teacher and past president of the local branch
of the BC Society for the Prevention of Cruelty to Animals. She is a mem-
ber of The League of Canadian Poets and former Poet-in-Residence who
composes and translates poetry in five languages. A winner of national
and international poetry contests, Carr has been published extensively
world-wide including Finland, Cyprus, Thailand, Israel, South Africa,
Nepal, New Zealand, Mayotte Island (Mozambique Channel) and India
where she has been cited as a contributor to the Prakalpana Literary
Movement. Canadian honours include being featured online in Canada’s
national newspaper, The Globe and Mail, having her poetry set to music
by a Juno-nominated musician and having her poem, “I Am”, chosen
by the Parliamentary Poet Laureate as Poem of the Month for Canada.
www.ferngzcarr.com
CANADA
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Fern G. Z. Carr - Les folies de Jeunesse
Ah, Jeunesse…
Ah, Jeunesse,
Pleine de promesses,
Ah, Jeunesse,
Votre absence de finesse,
Votre manque de sagesse,
Ah, Jeunesse,
Des nuits d’ivresse
Et de tendresse,
Des amants et des caresses.
Ah, Jeunesse,
Cruelle maîtresse –
Vos péripéties qui blessent
Provoquant la tristesse,
Provoquant la détresse;
Ah, Jeunesse,
Vos richesses –
La fécondité et la grossesse
D’une adolescente
Tout à coup
Devenue adulte.
Fern G. Z. Carr - Exams
Hunched over desks in orderly rows,
pen in one hand, forehead propped with the other,
beads of sweat drip from the furrowed brows
of those still wearing last night’s clothes.
In silence, they sit motionless –
except for the movement of pen across paper,
a twitch, a stretch or the flick of an unwanted
strand of hair away from the face.
The occasional staccato cough is
terse –
a perceived intrusion into a feverish marathon
of scholarly regurgitation in a stifling gymnasium.
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Cécilia Angéla (Cadet Tamon) - Biographie
Cécilia Angéla est née et vit à l’île de la Réunion. Enseignante à la
retraite, Cécilia pioche aujourd’hui dans ses écrits de plusieurs décen-
nies, racontant sa vie de jeune fille-femme-mère et maintenant mamie
comblée. Auteur compositeur, elle a participé à plusieurs reprises à des
manifestations culturelles et prépare actuellement la sortie d’un CD.
FRANCE (RÉUNION) Cécilia Angéla (Cadet Tamon) - Plaidoirie d’une Mère
Derrière la délinquance
Se cache encore l’enfance.
Grattez à la surface
Et par-dessous la glace,
La source jaillira,
Fraîche et pure à la fois.
Ils ont volé de l’alcool et des cigarettes,
Puis les ont revendus aux copains de buvette
Pour s’acheter en douce un rouleau de zamal,
En souhaitant qu’un jour ça devienne légal.
Descente de police : menottés, embarqués,
En prison pour longtemps, rapidement jugés :
Danger pour notre société ! Ils sont coupables !
Pardon ! Qui est coupable ? Et qui est responsable ?
Quel exemple leur donne souvent les plus grands ?
Combien d’entre nous sont tout à fait innocents ?
Qui n’a jamais péché jette la première pierre !
Qui saura les aimer mieux que leur propre mère ?
Avez-vous un remède contre ma souffrance ?
Pitié ! A un cœur qui pleure, rendez l’espérance.
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Marie-Flora BenDavid - Jeunesse Abîmée
Là, sur le trottoir, en flottant leurs mouchoirs
A la couleur de cette nuit déchirée
Jeunes femmes brunes, au clair de lune
Englobées dans les bras de la nuit,
Usant, abusant et abîmant leurs fruits,
Même leur jeunesse,
O! Quelle insouciance et faiblesse
Nues sur le troitoir, nues dans les bras de leurs enjoleurs
Esclaves de leurs choix
Sûres d’elles-mêmes et de leurs métiers,
Sur le trottoir de la vie, sur le trottoir de la mort
Elles cavalent matin, midi et soir
Ne laissez pas passer la jeunesse à mains vides
‘ Sans lui avoir souri car,
Escar l’aveugle sait où frapper
Souriez à la vie au lieu de l’emprisonner
Trouvez la joie au jeu de la vie
Quand tombe la nuit, une fraction de folie
Un chant grave et profond
‘ Qui vous soûle
Un peu d’amertume dans cet écoulement tourmenté
N’inspire pas grand-chose
Mères, soeurs et amies, la jeunesse est plus qu’un mot
Oscar le vieux sage nous avise avec
Tant de prudence
Marie-Flora BenDavid - Biographie
Marie-Flora écrit depuis l’âge de 12 ans, autant en créole qu’en français ou
en anglais. Elle participe depuis des années à des concours nationaux et a
obtenu de nombreux prix: Concours de la francophonie, ...
SEYCHELLES
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Kouao Médar Bouazi - J’étais l’avenir
Je me souviens de la supplique des jeunes oubliés,
confinés là où la vie s’endort
dans une vallée qui ne séduisait plus
dans la résonnance des cœurs qui avaient peur
dans la souffrance des entrailles indigentes.
Je sombrais sous la lueur des soirs maussades
et mon père et ma mère,
voyaient l’étreinte du crépuscule sur ma face amaigrie
Le murmure des charognards perçait le silence de l’Azur.
Mon corps rêche drapé, O la griffe de la disette,
dans une étoffe couleur de douleur !
On m’avait pourtant dit que j’étais l’avenir !
Nous autres, les jeunes sans titre
nulle miséricorde n’avait su délier
les fers des voleurs de bonheur
qui nous fiançaient aux nuits blafardes.
II
Je me souviens des étoiles qui ne brillaient plus
dans le ciel d’un pays brumeux, le mien.
J’en suis parti une nuit, suivant mon destin
quittant ce coin de terre, sur les mugissements de la mer
sur le souvenir encore frais des miens.
Kouao Médar Bouazi - Biographie
Kouao Médard Bouazi est doctorant en Études littéraires à l’Université Laval
(Québec, Canada). Il est récipiendaire de la Bourse de Leadership et du déve-
loppement durable (volet artistique) de l’Université Laval depuis 2011, Prix
du meilleur scénario de court-métrage (2007, Abidjan, Côte d’Ivoire), Prix du
meilleur essai sur la Démocratie en Afrique (2006, Abidjan, Côte d’Ivoire),
Prix de la Nouvelle du Fonds des Nations Unies pour la Population (2006,
Côte d’Ivoire), Prix National Universitaire de Poésie (2000, Université d’Abi-
djan). Il a publié Seule,… (Nouvelle publiée par le Fonds des Nations Unies
pour la Population dans un ouvrage collectif en 2006).
CANADA
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Paolo Pezzaglia - Biographie
Paolo Pezzaglia, est né à Milan en Italie. A sa formation culturelle scien-
tifique et économique (diplôme de l’université Bocconi) il associe une fine
sensibilité humaniste et un gand amour pour le sport (champion italien
jr, de icehockey et, maintenant, de icespeedmaster). Il a publié chez Pro-
metheus L’Imbuto rovesciato, 1990, Le Rughe della luna, 1997 (traduit
aussi en anglais) gagnant du prix Sicile (1er) et finaliste au prix Florence.
Le dernier livre Il malincanto a gagné le prix Triuggio (1er) et a été dis-
tingué à Viareggio et Pinerolo. Ses poèmes ont séparément gagné aussi
plusieurs autres prix de poésie. Passionné des Iles Seychelles qu’il connaît
depuis 1981, il y est revenu plusieurs fois et il reviendra encore, espère-
t-il, pour accomplir, dans ces iles, son Odyssée.
ITALIEJ’étais un jeune aventurier sans boussole
qui voulait vivre son époque sur un autre sol.
J’ai résisté aux feux de la détresse
sous un torrent de vents, cloué au mât d’un chalutier fou.
Et je suis parti, par les chemins de l’audace
pour échapper à l’invite du tombeau
pour boire tout mon saoul de la vie nouvelle
dans une grande coupe de neige et de froid
car je suis l’avenir !
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Paolo Pezzaglia - The Last Summer of Youth
That summer night
opens on all balconies
terraces and roofs without shadow
I could catch the stars.
It was the last summer of my youth.
I heard a whistle
became sad and died.
The night
everyone is alone with his song
Philippe J. R. Boullé - Biographie
Philippe J R Boullé born in Seychelles on the 19th March 1950, was edu-
cated at the Seychelles College and lived at Port Launay, Mahe, where he
spent his youth before leaving for further studies abroad. Throughout
his life, despite living in several parts of the world at various intervals,
he has always returned to his beloved Seychelles where as a young
lawyer he set up his law firm.
SEYCHELLES
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Jean-Pierre Parra - Biographie
Jean-Pierre Parra publie des recueils de poésie et de théâtre et présente des
écrits (poésie, théâtre) à l’occasion d’expositions en France et à l’étranger.
Ses recueils sont : La vie augmentée, L’Extérieur Nuit, Des fenêtres de
la terre, La baguette de sourcier, Polyptyques, Esprit Eveillé comme une
ombre, L’ombre du passé devenu futur interrogé, Ecluse des sentiments
ouverte, Amour publié, Murmure du penser du coeur, Polyptyques II,
Polyptyque III, Hâter le pas d’amour dans le temps qui presse, Mémoire
du bruissement des mots entendus, Antigone – Théâtre, Mains empres-
sés qui ébranlent l’âme, Quelques grains de plus ou de moins – Théâtre,
Dans le noir interminable du coeur, Oreille de l’âme saisie Ecouter, Polyp-
tiques IV, Noir sommeil Shoah, Près du Christ connu, Coeur majuscule,
Entré tout droit dans le nom de sans domicile fixe, Sur le nombre infini
de grains de sable non mesuré de l’arène – Théâtre, Sur la terre renouve-
lée, Comme un poison lent qui éteint la flamme de vie – Théâtre, Comme
un commencement sans fin, Liens avec les autres hommes tranchés,
Dans l’air sans remède (Editions Sol Air), Polyptyques V, Dans la peine
des hommes encore vivants – Théâtre, Jour dit comme neuf, Sang Vieilli,
92nd Fusion, Yeux fendus dans le fond du coeur, Devant l’effort des
coups de hautes cornes, Au bout du sang des hommes couchés, Etouffé
dans le temps mou du chômage, Détaché du temps, Coeur montré à
nu, Guetteur de la vie, Syrie – Un coeur enfoncé, 221st Fusion – In the
distance of the dream (Editions DESSABLES)
FRANCEPhilippe J. R. Boullé - Jeunesse
Ta figure
Jeune et belle
Ton esprit
Encore à saisir la beauté de la sagesse
Qui deviendra
Mais avec les cicatrices sur ton visage
Coups de fouet du chagrin de la solitude
Quand cela sera
Ne désespère point
Car il existe une plus grande beauté
Celle que tu verras avec les yeux de ton âme
Non une simple image dans ton miroir
Qui jusque-là flattera ton coeur égoïste
Un jour
Comme un oiseau, égaré par la tempête
Ton âme va errer
Et saisira la beauté réelle de notre existence
Celle d’aimer et de donner
N’attends pas trop longtemps
Il pourrait être parti
Et la beauté n’être qu’un reflet du passé
Et tu pleureras
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ils veulent vivre
ils ne savent pas comment vivre
Tiré vers l’avenir imprévisible
qui dépose
les nouvelles couches de couleurs
sur ta jeune vie devenue ancienne
tu parcours
mûri et fortifié par l’âge
la route allongée adoucie par l’espoir
Jean-Pierre Parra - Venu après les hommes âgés
Souvenirs amassés ignorés
sous la patience de grandir
tu changes
plein du désir d’avaler le monde
sous les coups des pensées
assaillies par le doute
Marcheur dénudé jusqu’à l’os
sur un vide sans fond
dans les instants pénétrés de la tension d’inquiétude
tu poursuis
spirale du temps chevauché
la quête de la vie sourde
qui n’a pas de fin
Du tout du fond de toi-même
difficile à lire
tu es le jeune lecteur
qui nuque raidie
écarte préjugés vérifiés
l’étoile de la mort
laissée dans l’obscurité
de la vie cherchée
Âme recroquevillée sur les bords du spectacle
du monde à l’envers de tous côtés
ils délient chaque jour
tout doucement
les liens de la vie
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Patricia Laranco - Biographie
Née à Bamako (Mali) d’un père français et d’une mère originaire de
l’île Maurice, Patricia a passé son enfance d’abord en Afrique noire, puis
dans les Charentes, En France. Outre l’écriture poétique, Patricia Laranco
s’adonne également à la photographie, au collage photographique et à
la peinture. Elle a eu l’occasion de donner des conférences sur la poésie
de l’Océan indien et de faire des interventions d’animation poétique et
d’éveil à la poésie en milieu scolaire, dans un collège parisien.
MAURICE / FRANCE Patricia Laranco - La joie de vivre spontanée
La joie de vivre spontanée
des enfants est arrêtée net,
il ne faut pas qu’elle continue,
il faut qu’ils deviennent sérieux.
Les adultes sont attentifs,
ils les attendent au tournant :
« hé là, où courez-vous ainsi ?
Vous ne vous en tirerez pas comme ça ! »
Et les adultes forceront
les enfants à se modifier,
à devenir comme eux : chagrins,
inquiets, la face voilée
d’ombre.
Ils ne permettront pas que se
prolonge l’explosion d’ardeur,
d’innocence, de rire clair
dévalant les petits gosiers.
Ils assombriront peu à peu
les matins, et ils glisseront
les corsets sur ces corps trop neufs
qu’ils réussiront
à raidir.
Les adultes sont là pour ça,
ce sont des êtres abîmés,
des créatures d’amnésie
usées, érodées
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par la vie,
par l’oubli
de leur être-enfant.
Leurs bouches ont des plis amers
et de sévères froncements
qui tétanisent les élans
joyeux de leur progéniture.
Ils s’interposeront toujours
à quelque moment de la vie,
de l’enfance, pour marteler
leur sombre chant de rabat-joie,
pour ânonner des mots vilains,
serre-cœur tels « travail », « danger ».
Peuvent-ils vraiment supporter
le doux spectacle devenu
désormais si étrange et si
étranger, incompréhensible ?
Eux, que la vie a laminés,
corsetés,
métamorphosés
en êtres aussi différents
de cet enfant désormais mort
qu’ils portaient autrefois en eux
que peuvent l’être insectes faits
des larves
qui se sacrifièrent ?
Magie Faure-Vidot - Biographie
Directrice de la revue Sipay, Magie a publié quatre recueils de poèmes: Un
Grand Coeur Triste, L’Ame Errante, La Flamme Mystique et Rêves Céoles.
Elle est lauréate du plusieurs prix de poésie à savoir : Coupe de la ville de
Paris (de Jacques Chirac), Lyre d’honneur, médaille de bronze et six médailles
d’argent. Pour découvrir ses publications, rendez-vous sur ses sites web :
www.wix.com/faurevidot/magie et www.wix.com/ventsalizes/revue.
SEYCHELLES
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Magie Faure-Vidot - Mon petit voyageur
Voilà quelques crayons
pour faciliter
ta traversée
de gros ponts
Entre tes mains
garde un petit calepin
pour te recoller et te rappeler tes liens
afin que tu te guides vers ton destin
Ne t’arrête surtout pas
même si tu te sens bas
pousse-toi au plus loin
et suis le bon chemin
Celui de la sagesse
Bats-toi pour ta jeunesse
vas-y, vas-y
tu donneras un coup de pouce pour déterminer ta vie
Là-bas au loin
tu risques de faire face
à de gros requins
mais tiens bien ta place
Surtout préserve ton passeport
pour les nouveaux ports
et n’oublie jamais
que tu appartiens à une immense société
Fais attention
aux loups
mon enfant
et n’oublie point tes gourous
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Jacques Laborde - La Jeunesse
La jeunesse
C’est parfois comme un fax en feu
Tout à coup tout s’enflamme
Foyer
Fortune
Affaires
Folies
Essentiel
Et sensationnel
Une fois flashée
A vif
Et, tout aussi pressée qu’au fond
D’un briquet
On la sent
Qui s’enfuit
vers les recoins
D’une seule feuille
Format A4
Photocopiée
Vers un numéro
Brûlé inconnu
A l’autre bout
D’un autre monde
Qui déjà
S’apprête
Lui aussi
A partir
En fumée
Jacques Laborde - Biographie
Jacques Laborde, né dans le 18ème arrondissement de Paris est guita-
riste du jazz. Il pratique aussi la basse, le piano, les tablas indiens et les
percussions brésiliennes. Ayant collaboré à la revue sonore « Le son du
mois », édité des textes, des poèmes et des illustrations dans les revues
Décharges, Ecrits-Vains, Libelle, Traction Brabant etc, il est l’auteur du
Bestiaire du bas Montmartre (poème en alexandrins de 70 strophes
enregistré en 2006). Il coréalise avec Hermine Valois les courts-mé-
trages Plutôt seul (2008), PeauCession (2009) et Vanité (2011).
FRANCE
52 53
Vénida Marcel - Biographie
Venida Marcel, jeune fille de 31 ans, handicapée moteur, fait preuve d’une
grande créativité. Une exposition a été organisée en son honneur du 3 au
5 décembre 2009 au Carrefour des Arts, où elle a présenté 30 peintures et
9 poèmes. Elle a aussi été lauréate du 2ème prix au Festival des Animaux
en octobre 2009. Elle a également assisté à une conference des Nations
Unies le 28/07/2010 sur les droits des personnes en difficulté. Passionée
par la poésie, elle ne se lasse pas d’écriture.
SEYCHELLES Vénida Marcel - La Jeunesse Avenir
Nous sommes encore jeunes
Nous sommes toujours en croissance
Pour apprendre avec les meilleurs professeurs
Et nos parents pour nous guider
Sur la bonne voie
Pour avoir un bel avenir
Dans la bonne direction
Les jeunes d’aujourd’hui
Sont les pilliers de notre nation
Ils ont besoin d’avoir un but dans la vie
Pour être des bons ambassadeurs pour notre pays
Les jeunes peuvent réaliser quelque chose
Pour aller loin dans la vie
Pour gagner le respect qu’ils méritent
Les jeunes doivent joindre leurs mains
Pour un avenir meilleur
54 55
Tahir Hussen Pirbhay - Biographie
Poète, dramaturge et photographe, Tahir Hussen Pirbhay est l’auteur,
entre autres, de Bann Fler Savaz (2008) et Lil Zokris ek Lezot Poem
(2012), recueils de poèmes en créole rédigés dans une nouvelle graphie de
sa conception. Sa pièce Destin lui a valu, en 2005, le premier prix d’un
concours dramatique organisé par le ministère des Arts et de la Culture.
MAURICE Tahir Hussen Pirbhay - Lespri An’ler
‘enn iniform lor li,
fasil li pey demi
li ena de fwa laz li paret,
de fwa laz so lespri
kuma tu zenes, li rev sanz lemond
idem, avek bann mwayen i’mond
«lazistis klas travayer...»
anfen bann Marxis lespri an’ler
ah non ! pa jir li kominis
li koz katriyem enternasyonal...
li ruzi, mo ti fifi
kan mo apel li ti-fifi-Trotsky
lespwar e determinasyon pu milite
kuma ti zetwal briy dan so lizye
rapel mwa bann ilizyon dan mo zenes
anfen bann Marxis lespri an’ler
pentir figir ruz ble zonn ver
so triko enprime «dezyem repiblik»
lor sime wajir enka an delir
enn western klasik lor lekran panoramik
dan zot la-fars - non la-mars - duz me
la’zenes e bann vyeyar ki pann granji
depoz zot rev lor ti pankard devan plas darm
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Eugène Elizabeth - L’Enfant Drogué
Le poète est un être solitaire, entre l’ordre et le désordre, la réalité et
les faux. Il n’a pas inventé la poésie – il n’a fait que lui ouvrir la porte.
Tu n’as que seize ans!
Et maintenant
devant ton avenir
tu te crois libre avec ton sourire
dans l’asile de tes souvenirs
sur ce chemin de l’oubli
que tu suis
Ta mémoire refuse le retour
Mon Dieu accorde lui ton secours
Tu m’as regardé
mais pour m’ignorer
Je ne peux oublier
les regards vagues de tes yeux
et l’effet que tu me fis
Tu es parti – presqu’en défi...
Le temps te chasse
O fatale menace!
Quelle solitude dès lors te caresse
dans l’insouciance de ta jeunesse ?
Ta jeunesse poursuivant ta mort
Quel sera ton sort?
Qu’es-tu devenu?
Tu as gobé ton malheur
L’on dirait que tu ris
Que tu pleures...
Ah! Si seulement l’on t’avait dit!
MALHEUR D’AUJOURD’HUI
SEYCHELLES / ALLEMAGNEanfen bann Marxis lespri an’ler
enn lespri bien zenn
dan enn lekor ki tronp so laz
mari amizan kan li prozet bann senn
la’zenes dan tu so komeraz
e kan mo pran li godi
wajir papa Gainsbourg...
me avek enn Charlotte bien bien tipti
enn ti Charlotte lespri an’ler
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NOUVELLES Jacques Laborde - U=RI
A la fin de l’enseignement secondaire, je me trouvai engagé dans le
circuit d’un Institut Universitaire de Technologie dit de génie élec-
trique. Et les ennuis commencèrent.
Inéluctablement, la toute première journée fut consacrée au bizutage.
Outre quelques décharges de farine, d’œufs ou de mousse à raser
que nous tentions d’esquiver, nous nous trouvâmes aux prises avec
d’anciens élèves singeant des professeurs à demi paranoïaques, auto-
ritaires et psychorigides. Mais par la suite et c’est là une chose étrange,
il me fallut de longs mois pour établir une différence entre les véri-
tables enseignants et ces élèves de seconde année ; les professeurs,
les vrais, se révélant bizarres dans leur blouse blanche, leur démarche
semi-robotique, leur surcharge coléreuse et porteuse d’humour plein
de sous-entendus, et les élèves, eux, ayant conservé les comportements
redoutables du premier jour comme le fait de nous hurler par surprise
dans les oreilles ou de nous projeter à la figure les restes remplis de
jus de leurs assiettes au réfectoire. Les cours s’enchaînèrent donc. Il y
avait des travaux pratiques où nous devions souder un tas de fils selon
des schémas prédéfinis avant de mesurer au final la tension entre
deux bornes à l’aide d’un gros voltmètre. Si l’on ne relevait pas le bon
résultat c’était que l’installation était foireuse. Les miennes l’étaient
systématiquement ! Bizutage ? Malveillance ? Incompétence ? Je me
posai souvent la question. Dans un amphithéâtre, on nous éclairait
de théories sur l’électricité et je me perdais en confusion dans ces
enchevêtrements de diodes, de condensateurs et de transistors
bipolaires et tripolaires, brouillés de flèches qui, dans tous les sens
et de toutes les couleurs, m’agressaient les yeux.
La concentration intellectuelle, sans que je m’en rendis compte, me
devint de plus en plus difficile au fur et à mesure que nous avancions
dans le programme. A cette époque, je portais des vêtements très ser-
FRANCE
60 61
rés, branchés, bardés de plastique rouge, bleu, noir, orange à la mode
mais sans doute générateurs de problèmes de circulation car j’étais
régulièrement parcouru de fourmis dans les jambes, le dos, le cou. De
plus j’écoutais beaucoup de musique rock, surtout AC DC, le soir mais
aussi très tôt le matin avant de partir. Je fus donc rapidement repéré
comme un élève à problèmes, un composant corrompu, un élément
défectueux, par l’ensemble des professeurs qui malgré tout, augmen-
taient les débits de savoir et les contrôles comme on tourne un bouton
pour intensifier les lumières. Mes notes chutèrent d’autant. Comme
nous devions présenter un projet de fin d’année, je choisis de concilier
la musique et l’électronique en proposant un modèle d’accordeur pour
instruments à cordes. Mais dans les frottements de l’air chaud printa-
nier qui me hérissaient l’esprit, je ne sais même plus si j’ai commencé à
souder quelque chose, si j’ai songé à des circuits ou même à l’idée d’un
principe de fonctionnement de ce genre d’appareil. En cette fin d’année
scolaire, au mois de juin, mes cheveux étaient devenus hirsutes dans
une atmosphère chargée d’ozone à l’approche des orages d’été et j’étais
parcouru de fourmillements continus de la pointe du crâne jusqu’à la
plante des pieds. Mes oreilles bourdonnaient en permanence et mes
muscles, momentanément, se raidissaient puis se mettaient à vibrer
tout seul. Les derniers jours avant le classement final, j’errai comme
un pantin foudroyé, le regard hagard au milieu de la cour de l’institut.
Finalement, mon passage en seconde année fut rejeté. Je dus quitter
l’école. Mes picotements cessèrent, mes cheveux reprirent une forme
normale et je me détendis doucement au bord de la mer durant les
vacances. Bien des années plus tard, je compris qu’en exposant ma
résistance à cet avenir réglé d’avance, je n’avais fait qu’appliquer la loi
d’Ohm en vivant de très près, de l’intérieur et plus que n’importe quel
autre élève de cette école, une formule essentielle d’électricité. Cette
année scolaire avait dégagé sur ma personne l’énergie d’une énorme
farce ; celle d’un long bizutage en courant continu !
Harris Kasongo - Biographie
Harris Kasongo est un auteur congolais d’expression française habitant
Kinshasa. Son dévouement à la littérature le conduit à explorer différents
genres littéraires et à travailler avec plusieurs auteurs et acteurs culturels de
son pays et de l’étranger en vue de hisser la pratique littéraire à son sommet.
RDC
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Harris Kasongo - Zadi
Tous les matins, au lever du soleil, quand le jour bat sa verge dans
la pénombre indicible de l’humanité, près d’une fenêtre d’un jeune
homme nommé Zadi, des oiseaux passent scander leurs charmes.
Ils passent avec leurs voix douces, des sopranos et des altos, cordes
vocaliques bien agencées, mélodie du ciel. Plus religieuses que des
te deum, plus honoré…des hymnes à la vie, à la joie et à la tristesse ?
Zadi se réveille, parfois avec son mal de vivre qui empoisonne son corps
esclave de mouvements. N’ayant rien mis sous sa dent, la sueur de la
nuit drape sa peau, les tonnes de ses fardeaux pèsent encore sur ses
épaules, tandis que la trompette de la journée qui commence, sonne.
Dans sa chambre où la vie est partagée entre sa couche en bois noir
de forêt africaine, un mini frigo à l’entrée de son appart, une hor-
loge qui lui compte les heures de sa vie, des disques et des livres, un
ordinateur à côté desquels, viennent se dresser sa petite cuisine et
ses ornements de jeune. Dans cette silencieuse agglomération, son
poste radio, avec lequel il commence la journée, vient combler la liste.
Pour éviter d’être estomaqué par des slogans « Tchador », qui
polluent les heures frêles de l’aurore, il a pour compagnons, les
anges du ciel qui viennent le saluer.
Deux. Trois. Quatre. Cinq, six, et même plus ! Ils arrivent ; poussés
par un enthousiasme qui ne se prononce jamais de monsieur vent.
Ils se parlent, chuchotent. Entre eux. Ils chantent. C’est leur noble
métier. Ils bavardent, des choses que l’homme ne peut entendre.
Qui sait : des projets, la vie, les choses…
Zadi les regarde et les écoute avec un silence de monastère. Ils
caressent ses regards orphelins par leur beauté apparente, bercent
ses oreilles sourdes aux vitesses du monde :
Suppression d’emploi, crises multiformes, réformes, Interdiction
de fumer en public, lui qui est fumeur…
Zadi ne se limite pas à avoir pour amis, des oiseaux à cause de la
mélodie enivrante de leurs voix béates. Il vit, bon gré mal gré : avec
un chien qui l’attend au rez-de-chaussée du bâtiment.
Même si la bizarrerie de cris du chien ou le ton grondant de ses
aboiements funestes semblent déranger les oreilles quiètes des
gens, jusqu’au dernier et troisième étage où vit Zadi surtout pen-
dant la journée, à l’heure où la nudité de la nuit éclabousse les
visages et les pensées, il sied à tout le monde. A ce titre, Zadi n’est
ni heureux, ni peureux, c’est question de vie. Le Chien est attentif.
Dans ses ronflements imbus, un seul cri d’alarme du chien peut
l’arracher d’un songe merveilleux pour le ramener à la réalité, le
danger qui guette sa porte.
Milou connaît son entourage par cœur. Ainsi est-il « Dressé ». Les amis,
voisins, connaissances, la famille, voire ses habits ! Milou est ami à
Zadi. Plus que ça. Un Enfant. C’est normal. Zadi est plus âgé que lui.
Zadi le couvre d’affection. Méritée. C’est le gardien…j’allais dire…
de ses nuits !
La Nourriture. Pas les os. Surtout pas les os. Zadi offre à Milou de la
nourriture appropriée aux « chiens ». De la viande, grasse, tout ce
qui peut réjouir le cœur d’un aimé. Il le soigne aussi, un chien tout
propre et tout beau.
Une cage à sa hauteur. Un gros chien d’environ 70 centimètres.
Une vie qui n’envie que sa vie.
Zadi n’a pas un zoo, mais a aussi un chat, un tout petit chat, de
blanc velu, qui chasse comme des maîtres spirituels chassent des
esprits méchants, les souris qui rôdent à l’entour.
Les Animaux. Les animaux le servent, lui aussi les sert. Homme Ani-
mal ! Est-ce injure ? Avant d’être homme, est-on d’abord animal ?
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- Bonjour mon ami. Si chaud et si calme chez toi, comment la vie
te roule-t-elle ?
Angelo, un jeune homme de la trempe à Zadi qui fait irruption
dans sa chambre sans mot dire.
C’est un de ses amis d’études. Ils sont tous, étudiants…
- T’as raison, c’est la saison de pluie. Il fait plus chaud qu’avant.
A chaque pas, la chaleur nous gagne, durant toute cette saison….
Angelo balaye du regard toute la chambre, pendant qu’il cherche à
s’étendre sur le lit de son frère qui prenait un p’tit café chaud sans
sucre. Et de lui lancer :
- dis donc où se trouverait ton chat ?
-tu te soucies aussi des chats mon frère ? Tu me surprends aussi…
quel grand cœur !
A l’hôte de répondre, avec un visage dénaturé par la question
dérangement.
-au fait, vous partagez la vie ensemble quand même…
-Blasphème Angelo ! Il jette son café par la fenêtre et se retourne
droit devant son visiteur ;
Tu délires. Nous partageons. Quoi la vie ? il s’est fait créer pour me
servir, lui qui ne possède qu’une âme et un corps, moi je suis plus
que ça, Un Esprit…
D’ailleurs, ce chat appartient au passé, pour ton information. IL a
été bouffé hier par mes voisins.
Stupéfait par la réponse grotesque de son cher camarade, les sour-
cils s’élèvent, ses veines se trémoussent :- Ne va pas plus loin…
tes voisins…manger… ton chat ; aucun rapport et même pas de
plainte à la police !
- Angelo, mon frère, ne t’en fais pas. Aucun commissaire de police
ne peut passer son précieux temps à suivre le dossier d’un chat,
mets toi à ma place, c’est assez ridicule.
Au fait mes voisins l’ont bouffé par coutume. Hormis cet argument,
la galère nous fait guerre. Les canons au front se sont tus tandis
que les chars de misère se sont rivé sur nos ventres, nous man-
geons tout maintenant, même des lions.
-il ne faut pas dire ainsi, et à qui le prochain tour ?
Un silence de tombe gagne l’auditoire avant que Zadi ne sursaute :
Je ne travaille pas dans une boucherie…
Seulement, le sort de l’homme sur terre, c’est disparaître. La
plante, peu importe sa beauté, elle est appelée à être déracinée, la
terre elle-même est en voie de disparition. Où est le problème si des
bonobos, okapis, zèbres le sont aussi ?
Le discours devient de plus en plus vivace à l’heure où sonne midi
à l’horloge collée juste en face du lit, bien au dessus.
-Zadi, il faut adhérer au discours du 21 è siècle, celui de la protec-
tion des Animaux qui sont des êtres comme nous, des besoins et
une vie, même s’ils manquent l’Esprit.
Justement, tu possèdes l’esprit pour les encadrer.
- mon frère un discours du 21è, là tu me fais rire…un siècle où
votre intelligence tue la nature, tu te vantes de ses mérites ? Pense
à autre chose Angelo. Moi j’ai un discours du 30è siècle, un monde
sans animal, y aura pas assez de mal ! Le serpent nous a trompé
au jardin d’Eden. « Un croco à Luozi » œuvre littéraire de Zamenga
Batukezanga, as-tu déjà Lu ?
le débat revêtait la peau d’un folklore de mot balbutiant sur les
lèvres de deux camarades.
Zadi reprenait sa place habituelle, sur la chaise en plastique devant
son ordi et se servait un whisky, pendant que son ami feuilletait,
endormi comme un cadavre dans une bière, un livre écrit par un
auteur Sud Américain, Gabriel Garcia Marquez.
Le vent traversait le rideau posé à la fenêtre sans poser question à
l’assistance.
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Simon Lanot - Biographie
Simon Lanot est né à Saint-Lô (France) en 1984. Il enseigne la littérature
française en région parisienne. Au gré de ses voyages, il découvre les
voix de la littérature contemporaine qui le marquent fortement : Wajdi
Mouwad, Ismaïl Kadaré, Barlem Pyamootoo, puis Yannick Lahens, Er-
nest Pépin, Raharimanana et tout récemment Umar Timol. Il a publié
une nouvelle intitulée L’Olivier en 2010 dans la revue l’Atelier d’écriture
(republiée dans le Journal du Samedi en Septembre 2011).
FRANCEMolli, sans esprit, reposa dans les ventres de ses admirateurs :
Adieu, dans les excréments…
Il se passa étrange événement, le soir qui suivra la discussion de
deux amis.
Milou était enlevé. Il avait disparu.
C’était un deuil dans la maison de Zadi.
-J’ai perdu un frère, pleurait Zadi.
La police a investigué là-dessus, et aucune trace de son existence
n’a été découverte.
Un soir aussi, pendant que le soupir se parfumait dans le cœur de
Zadi, Angelo lui annonça, à sa grande surprise qu’il lui avait volé
le chien et mangé.
-Tu m’as tuééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé
éééééééééééé !!!!!!!!!!!!! s’écria Zadi…
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Simon Lanot - La Vigne de mon fils
Mon fils plantera sa vigne sur un sol dont il n’aura pas hérité. Ce
n’est pas de son père qu’il apprendra à cultiver la terre. Mais je le
reconnais comme le sang de mes plus profondes espérances.
La vigne de mon fils sera cultivée sous le soleil des douleurs. Des
soldats sont venus, et ont coupé les pieds de la vigne de mon fils.
Ils ont dévasté la terre, puis en ont accusé mon fils. Ils érigèrent
les hauts murs que l’on voit depuis les toits de l’exil. Ils nous for-
cèrent à chanter leur puissance dans les mots de nos pères ; ils
vous dirent qu’ils en étaient les légitimes fils. Vous appeliez cela : le
progrès. Et les vents du désert nous portent ces paroles…
Mon fils n’attendra pas que s’éloignent les caravanes ou s’éteignent
les dernières braises d’un feu de brousse : il cultivera sa vigne au
grand soleil des douleurs et des filiations mensongères. Peut-être
fera-t-il du soc de la charrue le fer que l’on forge pour les armes.
Peut-être ouvrira-t-il une main serrée par les années de colère.
Peut-être fera-t-il des ennemis d’un jour des frères de demain. Ce
sont les feux de l’esprit que cultivera mon fils. Nombreux seront
ses frères, nombreux seront ses fils.
La vigne de mon fils ne produira pas de vin. Mais le fruit qu’elle pro-
duit sera plus doux, plus enivrant que l’alcool ou que l’ivresse de
nos complaintes. Et les vents du désert vous portent ces paroles…
Mon fils ne vendra pas le fruit de sa vigne. Nombreux seront ses
fruits : comme les années de peines pour que repousse l’esprit de
floraison, comme les années de haine avant que ne germe l’espoir de
nouvelles générations. Un rêve s’était éteint de trop d’oubli. La vigne
de mon fils trouvera ses sillons dans les pas de ceux qui l’ont précédé.
La vigne de mon fils ressemblera à l’oliveraie de mon père et au
jardin de son père, que nous avons abandonné lorsque, par crainte
du reniement, ou feinte déception, nous avons suivi la caravane
des étrangers. Et nous avons abandonné nos mères, et nous avons
abandonné nos femmes. Et nous connûmes du désert la poussière
et les regrets. Ce désert que nous croyions autre, nous l’avons fait
nôtre ; car nous l’avons créé à notre image et notre ressemblance.
À quoi reconnaît-on mon fils ? Il cultive la vigne au milieu de ses
ouvriers. Il garde souvenance des paroles de ses pères mais laisse
les mots figés dans le marbre du mensonge.
La vigne de mon fils avait connu le temps des bourreaux et des
victimes, avec ses lourdes récoltes de dettes et de vengeance.
Nombre revendiquèrent la paternité de mon fils, et ce fut le temps
des litiges et le temps des erreurs, les mêmes que celles de nos
pères : nous avons cru en l’éternité de l’instant et au dessein de
l’aveugle. Aussi avons-nous suivi les caravanes étrangères, et
nous avons chassé nos femmes grosses des promesses qu’elles
portaient dans leur sein. Et le désert seul connut la détresse de
leurs cris et la beauté de leur fruit.
Autrefois, mon fils ne voulait pas être enfant. Profondes et légères
sont les racines de la vigne de mon fils.
Mon fils parlera la langue de ses pères ; mais il y ajoutera les mots
des hommes de son âge. Nombreuses sont les voix, nombreuses
sont les langues qui résonneront dans la vigne de mon fils : cha-
cune aura sa place et toutes y sont conviées.
La vigne de mon fils n’est d’aucun pays et d’aucun continent.
Puissent les vents du grand Est vous porter ces paroles ! Enracinée
dans une terre qui aurait voulu le voir naître, elle produira les fruits
venus d’un autre pays et les promesses attendus par les hommes
d’un autre âge. Pour des fils que nous n’avions que rêvés…
À quoi reconnaît-on mon fils ? Il cultive la vigne au milieu de
ses ouvriers. Au grand soleil des douleurs, il cultive un sol dont il
n’aura pas hérité. Heureux seront ses frères, heureux seront ses
fils. De tout pays et de tout langage. Nous bâtissons un monde à
notre image et notre ressemblance.
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CRÉDITS
Directrice de publication
Magie Faure-Vidot
Comité de lecture
Magie Faure-Vidot
Andréa Mounac
Daouda Traoré
Claude Colin
Miera Savy
Karoly Sandor Pallai
Stéphanie Joubert
avec la participation de
Anne Merlin
Virginie Dauré
Poèmes, contes et nouvelles en français, créole ou anglais.
Les auteurs ne sont pas rémunérés.
Envoyez vos textes aux adresses suivantes :
ou B. P. 4085, Mahé, Seychelles
Renseignements : 00 248 51 54 59 – Magie Faure-Vidot (Vijay-Kumar)
ISSN: 16597168 Reg No: BS.NO.848136-5
Imprimé par YAW ENTERPRISES