Anonyme. Revue du monde musulman. 1926 . 1926 (1er trimestre).
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REVUE DU MONDE
MUSULMAN
TOME SOIXANTE.TROISIÈME
REVUE ou MONDE
j~SULMAN
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TOME SOIXANTE-TROISIÈME
1~26 (PREMIERTRIMESTRE)
PARI S
ÉDITIONS ERNEST LEROUX
?8, RUEBONAPARTE(V)')
UN ESSAIDE BLOC ISLAMO-HINDOUAU XVIIeSIÈCLE
L'HUMANISME MYSTIQUE DU PRINCE DÂRÂ
La crise politique qui .comprometen ce moment l'unifi-
cation nationale de l'Inde, entravant le grand élan de ré-
conciliation sociale qui avait rapproché Hindous et Musul-
mans, depuis 1917, dans la communauté des souffrances
endurées, et l'admiration pour un apôtre comme Gandhi,
évoque pour nous une autre crise celle qui mit fin,au milieu du xvn"siècle, aux généreux efforts d'un princeéclairé, Dârâ Shikôh, lui arrachant, au bout de moins
de deux ans (t657.t65()), l'empire mongol de Dehli. Der-
nier héritier de la grande pensée d'Akbar, ayant appro-fondi davantage dans le sens d'une confrontation mystique
décisive, le dessein politique d'arbitrage et de pacification
qu'avait conçu son aïeul, Dârâ Shikôh vit sombrer pour
plus de deux siècles, dans son propre échec, toutes les es-
pérances nationales de l'Inde (i).
(Né entOM/iotS,del'empereurShahJaMnetdeMomtazMahal[aHasNa-wab'AMyaBegum,mortele[7qa'dat040/<63o,à quaranteans,laissanthuitfilsetsixfilles le 3'enfantet filsatneétaitDara,le4Shoja',le6*AurengZeb,et le t0°MuradBakhsh], MohammadDdrâ~/<<MAfutsurnomméprince(puisshâh)BoulandIqbal(8rabi'H;o6~/26fév.)653)déclaréhéri-tierprésomptif,ilpritlepouvoir,lorsdeladernièremaladiedesonpère,le7hijja)oÔ7/8sept.[657;vaincuà Samugarhle7 ramadan)o68/8juin<658parle rebelleAurengZeb,abandonnéparsesalliéshindous,Dârâs'enfuitd'Agrajusqu'auSindh trahipar sonhôteafghan,MalikDiwan,DarA,
Lxm. t
REVUE DU MONDE MUSULMAN2
Sunnites littéralistes (i)et rigides, leshistoriens officiels
de la dynastie mongole ont caricaturé à plaisir l'effort de
justice sociale du prince vaincu. Voici, par exemple, ce
qu'en dit Mohammad Hashim Khwafi Khan, mort sous
Farrokh. Siyâr, en son montakhabol lobab (2):
Dârâ Shikôh avait acquis une mauvaise réputation pour s'être péné-tré des opinions hérétiques des Mt</ï~. II avait déclaré que l'idolitrie
(~o/r= l'hindouisme) et l'Islam étaient sœurs jumelles, et avait écrit
sur cette thèse des traités (3); il faisait aussi sa société de brahmanes et
de gosains.
De même, Mirza Mohammad Kazim, admirateur pas.
sionné d'Aureng Zeb, rédige en 1688(4) la notice suivante
sur« l'hérésie de DârâShik.ôh », probablement d'après les
motifs de la~~a de condamnation
Hérésie de Ddrd Shikdh
Darâ Shikôh, à ia fin de sa vie, ne se contenta pas des idées indé-
pendantes et hérétiques qu'il avait adoptées sous le nom de <<Ma)two/,mais montra un penchant pour la religion et les institutions des Hin-
dous. !) était constamment dans la société de Brahmanes, Yogis et
Sannyasis, etil s'habituait a considérer ces vains professeurs d'illusions
comme des maîtres instruits et véridiques de la sagesse. t) considérait
leurs livres qu'ils appellent B~(5) comme étant la parole de Dieu,
exposé sur un éléphant dans les rues de Deh)i,fut exécutéle a6 hijja toSg/f~sept. tMg, &Mge de 45 ans; sur unefétva des ulémas le qualifiant d'apos-tat, ayant avili la religion musulmane M s'alliant aux hérétiques et auxinfidèles.Lors de sonexposition infamante, le menu peuple se souleva en safaveur, et cribla d'immondices le traitre qui l'avait vendu.
(t) Rendant hommage pourtant, commeleur héros préféré, AurengZeb, àcertains auteurs mystiques, comme Gbazali et Sharaf YahyaMinyar!, exé-cuté à Dehli en tSaypour hérésiefEttiot-Dowson, V)), t6t).
(a) Trad. abrégée ap. Elliot-Dowson, t. VII, p. zt~.(3) Allusionau ttto/Md'ot &«At-<tytt(voir infra).(4)Ap. '~<amg'<'t-t)aMo,trad. abrégée ap. Elliot-Dowson, t. VII, p. t~o.(5)Les Védas.
UN ESSAIDE BLOCISLAMO-HMDOUAU XVU" SIÈCLE 3
révélée du ciel (t) et H les appelait <f iivres anciens et excellents ». H
s'était tellement iiiusionné au sujet de ce BM qu'il avait réuni des
Br~M<!MM et des .S<MH~M«de toutes les parties de l'Inde et, les
traitant avec grand respect et considération, il les employait à traduire
le B~. H passait tout son temps ce travail impie, et concentrait toute
son attention sur le contenu de ces misérables livres. Au lieu du nom
sacré de Dieu Allah, it avait adopté le nom hindou Prabhu (Seigneur),
que les Hindous considèrent comme saint, et il avait fait graver ce
nom en lettres hindoues sur des bagues de diamant, de rubis, d'éme.
raude. Se fondant sur ces opinions perverses, il avait abandonné la
pratique des prières, du jeûne et des autres obligations canoniques.!i devint patent que si Darâ Shikoh obtenait le trône et affermissait son
autorité, les bases de la foi seraient mises en péril et les préceptes de
l'Islam changés en infidélité et judaisme.
w
En réalité, la psychologie de Darâ parait avoir été moins
sommaire. Très imprégné, certes, par l'hindouisme, mais
resté musulman convaincu, Darâ avait développé de bonne
heure l'élément « interreligional » que recèle te soufisme
musulman, grâce à ces deux données anciennes de l'apo.
logétique musulmane a~ usum Indorum que le mono-
théisme a été effectivement prêché dans l'Inde par des
prophètes authentiques antérieurement à l'hégire, et que
les livres sacrés de l'Inde conservent des traces de ces révé-
lations primitives.
Partant de cette attitude théoriquement favorable, Darâ,
d'accord avec ses maitres en ascèse islamique, tenta de
s'expliquer et de justifier les aspirations vers la sainteté, si
(') Telle sera la doctrine n~o-f~ont~te au xix*siècle, par contaminationdu « biblisme » et de l' « évangéiisme » protestants. Ici, c'est par comparai.son avec le Qor'an. Le texte de Darâ, incriminé ici, est vraisemblablementsa préfaceà sa traduction persane des t/pM~Ao~: où il dit qu'aprèsavoirlu tes quatre livres révéiës, 7'Act'«,~yong'~e, fMMmMet Qor'dn, ce n'estque dans les W~as et les {/paMMA<t~qu'il trouva « l'essencedu ~AMx;ce qui veut peut-être dire « une méthode explicite d'expérimentation mys-tique ». sans plus. Néanmoins ce texte pouvait à bon droit inquiéter desmusulmans.
REVUE DU MONDE MUSULMAN4
intenses, qu'il devait loyalement constater chez certains
ermites et mendiants hindous de son temps, avec lesquelsil avait tenu à entrer en relations personnelles.
Deux mouvements convergents aidaient alors à cet essai
de synthèse, d'un si généreux humanisme; d'une
part la sympathie croissante des ascètes musulmans de
l'Inde, Qddiriya (et Naqshabandiya) comme Miyân Mîr
(t i045/t635) et Molla,Shah Mohammad Lisân Allah Ros-
tâqî (-f-t072/i662), mattres directs de Dârâ (i), pour l'hé-
roïsme ascétique des yogis, et d'autre part le respect
grandissant de certaines sectes hindouistes, notamment
celle de Kabir(t i5i8), pour le caractère personnelet trans-cendant du Dieu unique prêché par les musulmans. Les
documents les plus significatifs sur la loyauté de Dârâ à cet
égard sont précisément fournis, nous le verrons, par ses
« Entretiens de Lahore » (nddiral nokdt), avec un ermite
kabirpanthi.Bâbâ La'l Dâs.
Parmisescollaborateurs,nousécritVf.Ivanow,MullaShahest bienconnu de mêmela propresœurdeDârâ,yaMn-M B~«M)(-)-toga/i69t),quiécrivitento~/fô~o un recueilhagiographiquedénuéd'ori-
ginalité,le a Mu'nisal arwâh (cf. Ivanow,Cat. mss.CMf.(OMASB,!9a6,n" 74).En voicid'autres Mt<At'&H'oAMMMrt~~~aA~~f
(-)-vers io56/f648),qui étudia les < Futûhâtu't makklyah» d'Ibn'Arabtet écrivitde nombreuxouvragesmystiques(cf.Ivanow, c..n<439seq.)(!) Wa/t'-r~mBanwa/fDat(-)-versM73/)663),auteurd'unlongpo~meimitédu a methaew! deRûmt(voirIvanow,Cat.mss.CMr~MASB,tgzë,no 270,46!-97;cf. EIO tggS;R. t043)jA~«{~)'nF<<Hf(t <o8a/t672),[l'auteur]bienconnu [du < Dabistan*]; ~et)r/Busi(= {/)MM.t )667),missionnairecatholique,jésuitehollandais.trèsinstruitet énergique(trad.l'HistoiredeChinedeRicci),/&roA<mMiskin,t'éditeur,en to67/t656,desfragmentsdeWasitt~voirIvanow,Cat.mss.ASB,tQ:4.n° 1273)Ni)ru'/dtn M. b. ~Mt~aAb.Ayni'lM'<M~At'n~fquivécutaussià iacourdeDara,écrivitsurtoutstr la
()~DârâappelleRostâqi« mof~AMt)*, « monguidespirituel« M<t/mo').(a)Ona précisémentconservéses«réponsesà XVI-questionsduprince
Dar&(ap. ms.pers.Berlin,cat.Pertsch,n°)4'').
UN ESSAIDE BLOCtSLAMO-HMDOUAU XVU" StÈCLE 5
médecine(voir Ivanow, c., to~, n" i555, t5~6),et p)'/t/<t)A-&-A/&.Çf7i;/AA<!n,surla musique(voirPertsch,cat.pers.Berl.n~3n~).
Mysticisme, et humanisme, telles furent les deux bases
de la tentative de réconciliation sociale esquissée par Dârâ.
Humaniste, il avait voulu connaître toute la pensée hin-
douiste, et son immense fortune lui permit effective-
ment de faire passer du sanscrit en persan, grâce à des
équipes de traducteurs, les chefs-d'œuvre littéraires, philo-
sophiques et religieux de l'Inde.
De l'œuvre de Dârâ en tant qu'humaniste, nous nous
bornerons à dire aujourd'hui qu'ellecomprend la traduction
intégrale du Ramayanaet de lag'~a,desL7/I/~Mt's/ta~(i)et du Yogavashishta d'Anand (2) oauvrecolossale,couron-
nant les essaisentrepris un siècle plus tôt, sous Akbar.
Comme il s'agit ici surtout de caractériser l'originalité
psychologique de Dârâ, nous insisterons sur ses œuvres
personnelles, en persan, et sur ses amitiés spirituelles.Les premières œuvres de Dârâ sont des monographies
didactiques sur le soufisme; elles le montrent érudit stu-
dieux, historien convenablement documenté. Ainsi sa sa-
/fKa< al aM~t~ qu'il écrivit à vingt quatre ans, en
1049/1639,est un manuel abrégé de biographies mystiques
musulmanes; sa seule originalité consiste en la subdivi-
sion de la série chronologique que lui fournissait Jâm!,son principal modèle, suivant cinq rubriques, correspon-dant aux principaux ordres religieux .D/OM~a-Q~
<')Sousletitre~)'r)'o<<w' (ms.LondresMB.Add.t8.404ff.i-:3o).Entre-prisedestoSo/t&toenKashmtr,Dârâfitreprendreet acheveren to~/to~eettetraductionintégraleparunecommissiondepandits,réunisà Bénarès.
Anquetil-Duperronlaretraduiraenlatin.(2)Trad.en )o66/'6M.
REVUE DU MONDE MUSULMAN6
Wya, T'e!/bMt'a-~aas~a6e~~a, Ts~M/tt~a, Ko{)raM<~aet .So~ra~ara~'a.
De même sa biographie du qâdir! Miyân [Jîv] M!r
(f !045/i635), écrite en io52/t642 sous le titre saunât al
aw liyd (ms. Curzon ASB 73).Ses s/:ata~d< (ou hasandt a~ 'drifin), de to62/t652,sont
plus symptomatiques des tendances personnelles deDârâ ( i).Florilège de sentences extatiques, classé par auteurs et par
époques, cet opuscule a été composé avec intention. Si l'on
compare, par exemple, le recueil de Dârâ avec celui-de
Djami (Ma/aMf) dans .leurs citations choisies pour illus-
trer l'état d'âme d'unMansoûr Hallâdj (2), l'on observe queDârâ seul osedonner ses phrases les plus accentuées, carac-térisant la transcendance del'union divine, oula prédestina-tion symétrique (3)de Satan et de Mohammad pour témoi-
gner les attributs divins de la splendeur et de la gloire,comme chefs, l'un de la communauté des croyants, l'autrede l'ensemble des idolâtres (4). De plus, ce qui est insoliteet osé, Dârâ termine cet ouvrage en mettant à la suite des
biographies desaints musulmans reconnus, celles d'ascètes
hindouistes, Kablr, Baba La'I Dâs (5) et Baba Piyarè, qu'ilvénère comme ayant été, eux aussi, d'éminents adorateursdu Dieuunique.
Dans le majma'al bahrayn (6), achevé ultérieurement,en io65/i655, Dârâ entreprend un travail de mystiquecomparative c'est une table de concordance des termes
())Entretemps,Mraavaitécriten )oK/t&t:te ?!?«)(etpeut-etreles/!<)t;x)a<<«).
(2)P. t8de latraductionurdu.(3)CettethèsecétebredesT'ax'Mn,reprisepar 'A.Q. Hamadhaniet
par'Att~r,serviraà Dârâdethèmeinauguraipoursonm~'Mo'a~bahrayn.(4)Dansle mêmeespritde nettecompréhensionphilosophique,Dârâ
faitcompileren<o67/t656,parIbrahimMi6k!ntes«fragmentsduplusan-cienthéoriciendusoufismeintransigeant,abouBakrWasMft331/942).
(5)P. <t4dela trad.urdu.(6)«Jonctiondesdeuxmerss (allusioncoranique),D:Mla fittraduire,
enfortmauvaisarabeparMhdSaHhMisri,un tt<A&«M<<)(ms.BilhArt!3dontVf.Ivanownousa faitobtigeammcntobtenircopie).
UN ESSAI DE BLOC ISLAMO-HINDOU AU XVfI" SIÈCLE 7
musulmans et hindouistes pour le lexique métaphysique,
auquel l'Inde mêle, on le sait, les notions les plus variées
de chimie physique et de théologie mystique. Voici la fin de
sa préface
Après avoir compris la réatité définitive, et goûté les allégories du
Mu/me, je m'exerçai à pénétrer la symbolique des ~oe~MMmono-
théistes A;'?)ofo«!,entrant en relations avec certains d'entre eux, arrivés
à la perfection, pour parvenir jusqu'au terme de leur ascèse, de leur
mysticisme, et de leur sagesse.
Et plus haut, tout au début (a!!M/a)
Je commence par [invoquer] le Nom de Celui qui n'en a pas, qui
m'exaucera, sous quelque nom que je t'invoque, à Lui louange abon-
dantel De la part des sœurs jumelles, i'Isîam et l'Idolâtrie, ces deux
points symétriques qui définissent son visage ineffable, en qui apparaîtsi on les considère simultanément, cela qui demeure de sa forme, à
chacune séparément, caché. L'tdoiatrie et l'Islam sont les deux co-
ionnes d'entrée de la route vers l'Unique qui n'a pas d'associé qui Le
disent intérieur à tout, et en même temps extérieur: de Lui tout est
sorti, Lui, le premier et le dernier, l'Etre hors de qui rien n'est, dont H
ne soit voisin et ami Compagnon de tous, sous la bure des fagirs ou
le satin des sultans; Présent toute réunion, publique ou secrète;
Billahi ~o)Cf!(t). Et bénédictions innnies & sa manifestation la
plus complète, signe de la création du monde, Mohammad le Purifié,Alui,a ses parents illustres, et à ses grands compagnons.
Si la pensée initiale est originale (2), la réalisation
manque de fermeté et de méthode (3).
Constatons du moins que l'analyse musulmane de l'hin-
douisme, purement externe et critique chez un Bîroùn!,
tend chez Dârâ, par une sympathie peut-être trop prononcée,
jusqu'à l'introspection.
)')<'Au Nom d'Allah Lui)".(2)On nous écrit de Calcutta qu'un érudit hindou projette d'en publier
une édition avec lexique dans les « Indian Séries& de la SociétéAsiatiquedu Bengale.
(3)Le terme musulman de rof)/td'~am (Ao~t~omohammadiya) est succes-sivementdonné comme équivalant aux termes sanscrits/tya<ma, maA<!M<aetponwjotHX!; Allah à Mahapurusha, etc.
REVUE DU MONDE MUSULMAN8
Ce sont les entretiens de Lahore (t) qui traduisent de lamanière la plus expressive, la mieux pondérée et la plusmûrie, les préoccupations maîtresses de Dàrâ. Sous le titremodeste de nddir al nokdt, ou.<.fraretés techniques ce
sont par demandes et réponses, en 70 paragraphes, les
procès-verbaux des, colloques suivis, que le prince mu-
sulman (uniformément qualiné d'al '.A~z, l'Illustre)eut avec un mundiya, un ascète hindouiste à la tête rasée,
disciple notoire de Kabîr, Baba La'l Dâs (qualiné d'al Kdmil,le Parfait) sur le terrain, commun aux deux civilisa-
tions s'affrontant en leurs personnes, de l'expérimentation
mystique. Ce qui frappe surtout, dans ces « entretiens »,c'est leur ton échange de vues confiant, ouvertures sin.cères et amicales, ne rappelant en rien le duel verbal âpreet décevant semé de coups de pointe et de feintes, destournois d'apologétique ordinaires.
Le prince se montre déférent, attentif, il admet spon.tanément le vocabulaire spécial du « maître », dont il sol-licite les avis, sans que cette concession préalable préjugede son adhésion quant au fond. Ainsi, après lui avoir fait
confidence (§XXVI) de son amertume à ne pouvoir, étant
prince régnant, assumer l'habit monastique, sous peined'encourager à sa cour l'hypocrisie des faux dévots, il nese rend pas aux objections que B. L. Dâs lui opposera danssa réponse.
De son côté, l'ascète admet, dans ses répliques, certaines
positions musulmanes (déjà adoptées par Kab!r) il recon-naît la personnalité et la transcendance d'un Créateur,
(t) Ontrouveral'indicationdes manuscritsutiUsésdans l'articledu./oM''t<!<asiatique.C'està sirTh.Arnoldquenousdevonsd'avoireu l'at-tentionattiréesurcetteœuvredeMra; au coursde recherche;entre-prisesavecM.JulesBloch,sur les tentativesde rapprochementislamo-hindou,avantetaprèsKabir,pointcentralduproblème.
UN ESSAI DE BLOC ISLAMO-HINDOU AU XV;i° S)ECLE 9
l'unité et la personnalité des âmes humaines, il parle de
la syllabe sacrée Ow comme un mystique musulman,'Abdal Wâhid-ibn Zeïd avait parlé de la s/taAtMa(§ L), du« feu » de l'union divine comme le persan Jalâl Roûm! (t)(~ XXXIX) s'il maintient le principe hindou des cinq élé-
ments (§XLVII), il exclut fort justement la considérationdes métempsycosespourtant classique dans l'Inde, de la mé-thode de méditation propre aux voies mystiques (§XL,XLV-XLVI), il désavoue la superstition de ceux qui, pourêtre sauvés, s'en viennent mourir à Bénarès (§XIX) il dé.
veloppe un symbolisme fort remarquable, probablement
Kabirpanthi, relativement au culte matériel des idoles
(§VI), et surtout au « Ramayana» dont le texte classiqueest sollicité par son exégèse (§XXVII-XXXI), au point delui faire dire que la mort (sans résurrection visible) dessoldats de Ravana doit être interprétée comme leur entréeimmédiate dans la béatitude éternelle (2).
La langue primitive de ces « Entretiens paraît avoir été
l'urdu d'où ils furent traduits, en persan, par les soinsde Chandarbhân Brahman (mort vers !073/!663) (3) cemunshi hindou est une personnalité fort digne d'intérêtsecrétaire particulier de l'empereur Shah Jahân, il passaau service de Dâra, dont l'évolution religieuse dernière peutlui être attribuée sans invraisemblance; et l'on conserve delui des ttto~<<«et un <<w<!M.
Renvoyant à notre édition complète,avectraduction, de.Ia
première récension (4) de ces « Entretiens (5) », nous en
(1)~<An<~<,lib.H.S2:,vers79.(2) Parce qu'ils avaient été tués, ayant leur pensée concentrée sur leur en-
nemi, Mme vision salvatrice, puisque d'une incarnation divine (<(c).(3) Voir Pertsch, M<.m), pers. Berlin, n* )o8t'.(4)~existe une~con~erécensiondes« Entretiens»,quiseraita étudier;
ellecontientunerévision,dueà B.L.Das,del'interprétationordinairedestermestechniquesduMM/f~memusulmancetterévisionfaitprobablementintervenirdesvuesspécialesauxXoKt-BOM~dansuneproportionquiserait&déterminer.
(5)LacoXaborationdeM.A.M.Kassimnousavaitpermisd'étabtirunecopieetunetraductionprovisoirede lapremièreréeension.Cetravailretint
REVUE DU MONDE MUSULMAN10
donnons ici simplement le sommaire, avec sept extraits
caractéristiques.
Les principales questions traitées dans les « Entretiens »
sont, outre quelques questions de physique, et de cosmogonie
(classes d'êtres XXXV, LXIH, le créateur et sa créature
XI-XV),de la métaphysique (le cœur LIV-LX, le libre arbitre
XLIII.XLIV, le mal XLII, la souffrance XIV), et surtout de
la mystique (le rôle du directeur spirituel VIJI'X, les de-
grés du détachement du monde (V-VII), du sommeil exta-
tique (XVI-XVIII, XLVIII, LII, LXI), et de l'Union
divine). Le tout entrecoupé de commentaires sur divers
termes sanscrits.
ExTM!Ts (§§ i, xxvn, xxxn. xxxvi.xxxvn, xxxvn). xu)
§'=
Q. « Quelle di8'érenee y a-t-il entre ie~<M[= la parole créatrice
remplissant incessamment i'universj et te B~ ~= i'Ëeriture sacrée, les
Vèdas) r »
R. « C'est la même différence qu'il y a entre le Souverain, lors-
qu'il ordonne, et l'ordre édicté par lui. L'un est le Ndd, l'autre le Béd
§ XXVH;
Q. [sur le « Ramayana s]. « Si Ravana enleva Sita et l'enferma
dans sa maison, comment put-il ensuite en être privé r »
R. < Dans ie principe, Sita était ia pure Justice (dharma), elle
n'avait donc aucune connexion {de nature] avec le Rakshasa s.
.§XXX!!
Q. Selon la doctrine hindoue, c'est dans la valleuse de Birj (<)
que le vrai visage de Çrî Krishna se révéla aux bergères. L'apparition
mystérieuse de ce visage (divin) est-elle accessible ou non? »
R. Cette apparition ne saurait convenir aux hommes attachés a
t'Mtention d'indianistes comme Sylvain Lévi, dont les encouragementsnous ont décidéà publier le texte persan intégrai, avec traduction.frantaiseet notes dans le Journal Asiatique, en améliorant la présentationcritiquede l'ensemblegrâce aux conseilsautorisés de M. C). Huart.
()) Vraja entre Brindaban (Vrindavana)et Muttra (Mathurâ).
UN ESSAI DE BLOC fSLAMO-HINMU AU XVtt* SIÈCLE H
la vie de ce monde, car, en l'apercevant, ils s'attacheraient aux traits
particuliers de ce visage, et, ce faisant, ils encourraient, au lieu de récom-
pense, une punition ()). Cette apparition n'est accessible, parmi les
hommes, qu'aux faqîrs, à ceux qui ont consumé dans leurs corpstout désir, si bien que leurs coeurs ne s'émeuvent plus dans aucune di-
rection, et que, s'ils subissaient une commotion, ils sauraient la sup-
porter. »
.§XXXV;
Q. e Quelle doit-être, en toute chose, l'attitude du/~frR. Pas de réponse.
Q. -Le prince réitère la question.R. Même mutisme, provenant de ce que lequestionneur était con.
sidéré comme initié (Ma~aM) au secret de l'expression du regard.Q. < Les regards m'ont répondu mais qu'ont-ils dit PR. -Silence (il n'y a pas de réponset
g XXXVH:
Q. <:Quelle différence y a-t-ii entre <aw{)M(réaliser que Dieu est
unique) et <~<!<(t'éprouver) r
R. « (Posséder) le secret de Dieu, dans le silence, tel est <<w/tM;quand à ~(a<), c'est commencer à parler (de Dieu, en extase), ouavoir encore la force de parler (avant de s'absorber dans l'extase silen-cieuse. JI
§ XXXVUI:
Q. Comment dénnit-on <M~M et M~a~A) ?'R. –<:ZM~)f!, c'est saisir (l'étreinte divine), et Mmao'At,c'est tâcher
(l'étreinte divine). Le coeur, en cela, est semblable à la gazelle du dé-
sert quand elle a été prise au piège, elle s'agite d'abord beaucoup:puis l'enivrement de sa captivité la gagne,.elle perd sa chair du désert,et s'abandonne; ensuite, elle revient à soi, mange quclque grain, et
s'apaise, devenant bien plus paisible qu'elle ne l'était dans la forêt.Parvenue ainsi à l'état de réveil, elle acquiert connaissance du grain etde la paiite qui la nourrit, elle n'a plus souci de ses liens, elle gardepossession des grades intellectuels qu'elle a atteints. De même, le cœur
que la captivité (divine) avait d'abord inquiété, fixe sa résolution, etentre en état de réveil. Ainsi donc, dhydna c'est saisir, et samadhi,c'est lâcher. :)
(') Cequi arriva am bergères.Tandis qu'Arjuna, selon la Gt~, put con-sidérer cette apparition sans pécher.
REVUE DU MONDE MUSULMANt2
.§xu:
Q. <iest de règle,lorsquedesmusulmansmeurent,qu'on .tesenterre, et lorsquecesontdeshindous,qu'ontesbrute.Maissi undervichemusulman,portantdes habits d'hindou, mourait,qu'enferait-on? r(')»
R. <!Toutd'abord,se trouverenterréoubrute,c'estunealterna-tiveconcernantl'existencematérielle.Or, ledervichene sesouciepasde son corps,qu'il a abandonnépour se plongerdans l'océandubonheurqu'il y a ~connaîtreDieu.Il a quittét'existeneematérielle,il s'estanéantiet s'est trouvéexalté.Pareilau serpentqui laissantsa
peaudehors,entredans sontrou, ledervichenese soucieplusaucu-nementde sa p'eau il sait bience qu'il doitfaire(en mourant).s
On pourra compléter cette esquisse psychologique de
Dârâ par un examen de sa politique de réconciliation islamo-
hindoue, en recourant aux chroniques~ofnciellescontempo-raines, ainsi qu'aux récits de.voyageurs européens l'ayantrencontré, comme Bernier ou Manucci. Sa personnalité ap-
paraît ainsi, en pleine lumière, avec cette curieuse « con-
trariété interne, cette attitude « hanchée « gauchie quin'est pas seulement faite de faiblesse humaine, mais aussi
d'une certaine sympathie religieuse. Grand seigneur entre-
tenant au milieu du luxe le plus rafnné des désirs inassou-
vis et véhéments de renoncement plénier, souverain absolu
et capricieux sachant servir avec un dévouement chevale-
resque lesdésirs de sa dame bien-aimée.NadiraBegum bent
Parwiz, Dârà présenta aux yeux de ses contemporainsun profil indécisd'artiste(2), condamné à pâlir, alors, devantt
la formidable stature guerrière de son vainqueur, l'empe-reur Aureng Zeb. Que pouvaient les ondoyants enthou-
(t)Darâpensait-ilaucasdeKab!r(citédansses<Ao~A<!()?(i) Des miniatures le représentant sont conservées au British Museum
(cat. M.B. persan 780-83, etc.). On conserve de lui des lettres (ms. Berlin,
pers, n' 56', datée <o55H.), et un album decfh!<t'M< ;)0~<~MM(Ba~~ MA
MM'Of<),ms. Curzon).
UN ESSAI DE BLOC ISLAMO-HINDOU AU XVU" SIÈCLE i3
siasmeset les irrésolutions diplomatiques de cet humaniste,en présence de l'implacable raison d'État dynastique et du
champion du plus intolérant Islam ?
Mais aujourd'hui, après deux siècles, le contraste entre
eux deux a bien changé de valeur. D'Aureng Zeb et de son
œuvre militante de cinquante ans, en dehors de certains
rouages administratifs, hérités de sa lourde machinerie
d'oppression religieuse et d'exaction fiscale, rien ne reste
que des ruines détestées, -dont l'insurrection mahratte, dèsson vivant, lui avait fait entrevoir le destin. Des projets de
Dârâ, au contraire, nous conservons d'abord un ensemble
littéraire unique, celui des traductions persanes qu'il pa-tronna, par quoi dès le xvm" siècle, avec Anquetil-Duper-ron, la science européennes'initia aux.chefs-d'œuvre sans-
crits, préparant ainsi la renaissance actuelle, dans l'Inde
même, et chez ses enfants, de sa plus haute civilisation
nationale.
Et ce n'est pas tout l'Inde n'oublie pas les œuvres per-sonnelles du prince Dârâ, auteur mystique; leurs traduc-
tions en urdu se multiplient en ce moment même. Or, on
sait que, d'après des hommes comme Sir AbdurRahim(i),
l'adoption de l'urdu (2) comme langue véhiculaire uniquedans l'Inde constituerait une des étapesdécisivesdel'émanci.
pation nationale. Si l'on traduit Dârâ en urdu, c'est donc
qu'il apparaît un des précurseurs de cet avenir tant désiré.
Au-dessus des services rendus par son érudition éclairée,l'Inde entrevoit-elle qu'elle doit à ce souverain éphémère la
manifestation inattendue d'une sympathie d'ordre social,deconquérant à peuple conquis, une leçon, tombée de très
haut, d'amicale compréhension chose si rare. Dont les
(~)Propositionpourremplacerle bengalipari'Hr~Mauxexamensd'admis-sionà l'Universitéde Calcutta(NearB'M<andIndia,M.IV.:6,p..)M).Cfr.Gandhi.
(2)Qu'itfaudraitpeut-êtreécrireen caractèreslatins (cfr.déjà danst'armée).
REVUE DU MONDE MUSULMAN14
traces, conservées sur le papier, pourraient, un jour venant,selon le proverbe arabè, « peser d'une encre plus lourde »,dans lesbalances de l'Inde, en faveur de la minorité musul-
mane, <%que les larmes de ses veuves et le sang de ses sol-
dats ».
L. MASSIGNON et A. M. KASSIM.
BAKOU.
CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE
i
LECONGRÈSDETURKOLOGIEDEBAKOU
ENMARS!926.
SOMMAIRH
P~gM.
L–LesprëparatttsdMCoHgrès. '9
L'arrivée des délégués. La Commission des mandats. L'élection du
prësidium. Il
H.–L'ouvertttreduCongfes. ~4
a)~.eM<Kt~MGOMt'et'MM!eK<<]MCOM~'f~ 27
b) Le salut des UntoM professionnelles d'A~erteM/at et les féli-
CtfattoMOHCoM~'re~ 31
c)/!ec~<tOH</M~H~~<'0~n)t<!«'o)ta<f6eM/<tH. 33
H). Les travaux du Congrès 35
a) L'état actuel des études At«0)'t~Me~ et ethnographiques des
Turks. 35
Rapports et exposés de MM. BARTHOLD,BOROZDINB,OuBA~DouLUKE,
MBSZAMS,TMOCRStME,R.OUDENKO,TcHOBAXZADE,.OLCMBURG.
!6 REVUE DU MONDEMUSULMAN
Pages.b)Z,epn!<'MMe~e<<t<et'ntttto<o~t'e«f<e<'or(Ao~r<~Ae. ~5
Rapports et exposés de MM. TcHOBAX ZADB, ZttWALU, BAÏTOUMOUK,
SOULIEV, MANATOV, lBRAH[MOY, SAMO't'MVtTCH, POPPE, MALOV,
CHTCHERB, [OMAXOY, OSMANOV, JtMOY, AOA ZAM FAMAO, RARIMI,
DJABtEV.
c) De /'eyo<M~OMdes langues et de la /<!<Kre turke 60
Rapports et exposés de MM.SfEFELDT,KBPttULUZADE,SAttoi't.ovtTM,N~tMADHAKtM,BERDIBV,GuMKOet MAf)!t,ACaMARtKE.
d)L<MM«OM<<e/'<Aa&et<MrA. ?
Rapports et exposés de MM. YAMvt.ev,MAMMZABE,JfMov.
t. L'opposition de M. Charafov contre l'introduction de l'alphabet<a<)'7t. 73
Exposés de MM.JtXMvet YAMvMv.
DM méthodesdans renseignement de la langue M)f)~rMe~et la
~M~MKO/~e 76
Exposés de MM. CaTCMRB,EFMBt ZAUE,MESZEL,KEPMM ZAOE,hOOAHOV,KoSSYtEV,KOfMASSOY,AOAMAUOOLY.
LacI9tm'edMCot)gre$. 79
a)~'o<)fMte<<<f<MMM. 79b) Décret et <~mo~e< <nn<fo~Kc~on l'alphabet /a/t't 83
V. La portée politique du Cona:f6s. 83
LECONGRÈSDETURKOLOGIEDEBAKOU
La nécessité d'organiser un Congrès de turkologie sur le
territoire de l'Union des républiques soviétiques se faisait
depuis longtemps sentir. Le Congrès des peuples de l'Orient
qui s'est tenu à Bakou en 1920 avait déjà suffisamment
montré l'importance des éléments turko-tatares qui de ses
3o ou 40 millions d'individus pesaient sensiblement dansla
balance asiatique. Mais le manque de cohésion de cette
masse, perdue à travers les énormes distances qui, des
terres glacées de l'extrême nord sibérien descend jusqu'aux
rivages ensoleillés de la Méditerranée, rendait impossibletoute tentative de rapprochement. Des raisons politiques
plus encore que les distancéset les barrières géographiquesont contribué jusqu'à ce jour à dissocier ces masses qu'unecommunauté de langue et d'origine semblait devoir uni-
fier. On objectera peut-être que certains groupementsturko-tatares, comme les Tchouvaches et les Yakoutes ont
perdu de leur caractère linguistique originel en modifiant,au cours des siècles et sous des influences diverses, leur
forme de langage, mais les indices céphaliques, lè typephysique, propres à la race, les lois ethnographiques ramè-nent tous ces éléments à une seule et même famille de
peuples. Combien sont-ils au juste ces Turko-Tatares
qu'aucune statistique n'est parvenue à fixer jusqu'à ce jourd'une façon bien nette. Saura-t-on jamais leur nombre en
Chine, en Perse, en Afghanistan Sur le territoire de
um. 2
REVUE DU MONDE MUSULMANt8
l'Union soviétique on évalue leur nombre entre 17 et25 millions, mais ce chiffre ne peut être qu'approximatif.Les Kirghizes, les Kazaks, les Uzbeks en raison même deleur condition de vie, sans parler des Turkmènes n'ont puêtre dénombrés d'une façon précise. Et quant aux Turcs
d'Anatolie,leur nombre également imprécis ne semble pasêtre inférieur à to millions. Onaura donc pour l'ensembleune masse de 3o à 40 millions dont une bonne moitié ha-
bite le territoire soviétique. C'est principalement cette der-
nière masse qui sous le nom de Yakoutes, Oîrates, Uzbeks,
Turkmènes, Tatares, Kirghizes, Kazaks, Tchouvaches.
AzerbeYdjaniens,etc., ont envoyé leurs délégués à Bakou
pour prendre part aux travaux du Congrès.
I. LES PRÉPARATIFS DU CONGRÈS.
L'idée d'organiser un Congrès de turkologie en terri-
toire soviétique avait été propagée bien avant son ouver-
ture. Pendant les années 1923et toz~. quelques personna-lités scientifiqùes peut-être même politiques des républiquesd'Azerbeïdjan, de Yakoutie, de Tataristan se mirent à latête du mouvement. Cette initiative d'inspiration officielle,fut vigoureusement appuyée par l'Association pour l'étudede l'Azerbetdjan et par l'Association scientifique des Orien-
talistes de Moscou. La presse soviétique à son tour, s'em-
parant de cette idée, consacrait quelques articles à ce grosévénement. Dans les premiers jours de janvier 1926, laZaria Vostoka de Tiflis annonçait l'ouverture prochainedu Congrès de turkologie, à Bakou,capitale de l'Azerbeïdjansoviétique. Un Comité d'organisation s'étant formé, lestravaux préparatoires commencèrent.
A la première réunion du plenum du bureau d'organisa-tion, le 4 janvier dernier, certaines déclarations furentfaites en ce qui concerne l'aspect général du problème lin-
guistique. Parmi les personnalités qui assistèrent à cette
première séance, la presse soviétique signale le professeuret académicien russe Oldenburg, M. Pavlovitch, présidentde l'Association scientifique des Orientalistes de l'Union
soviétique, M. Korkmassov, président du Conseil des com-missaires de la république du Daghestan, M.Menzel, orien-taliste allemand.
REVUEDU MONDEMUSULMAN20
Dans une allocution, le professeur allemand, M. Men-
zel, parle des résultats pratiques qu'on doit attendre du
Congrès. Il signale l'impulsion considérable qu'il est ap-pelé à donner à la culture et à la civilisation des peuplesturks. Il rappelle qu'en Allemagne,durant ces dix ouvingtdernières années, l'étude de la turkologie a eu quelques
adeptes de premier plan, et il cite les savants turkologuesMM. Mùller, Grtinwedel, Bang, von Lecoq il va jusqu'à
regretter l'absence en Allemagne d'une chaire de turko-
logie, ce qui n'empêche point les initiatives privées de tra-
vailler dans ce domaine. 11se félicite enfin d'avoir été offi-
ciellement envoyé comme délégué au Congrès de Bakou,
grâce à l'intervention de l'orientaliste et arabisant, M. Bec-
ker, actuellement ministre de l'Instruction publique de
Prusse.
L'arrivée des délégués. La Commission des tMaM~a<s.
L'élection du présidium.
Dès le 23 février, l'arrivée des premiers délègues est an-
noncée, leur nombre augmente de jour en jour pour at-
teindre, lors de l'ouverture du Congrès, le chiffre de t3rmais en dehors des délégués, leCongrès comptait un grandnombre d'invités auxquels des convocations avaient été
préalablement envoyées.Une Commission, dite des mandats, chargée de vérifier
les listes avait été ainsi composée MM. Mohamed Zadé,Ivanov (délégué yakoute), Djabbarov, Ivanov (délégué
tchouvache). Secrétariat MM. Siefeld, Yakovlev,Maksou.
darov, AYtov,Rahimi, Archa1ev.
Sur les !3ï membres qui constituaient le Congrès, on
comptait 98 Turko-Tatares les 33autres appartenaient à
dinérentes nationalités; une femme azerbeYdjanienneassis-
tait au Congrès en tant que déléguée un nombre considé-
rable de délégués, no sur i3t appartenaient à des unions
professionnelles.Le présidium fut constitué par 22 membres dont 6 Russes,
3 Azerbe'fdjaniens,2 Turkmènes, 2 Bachkirs, 7 Turko-Ta-tares de sept nationalités différentes, Turc d'Anatolie,i Allemand c'étaient MM. Agamaty.Ogty, Akhoundov,
Djabiev (AzerbeMjan), Barthold, Borozdine, Nagovitsine,
Oldenbourg, Pavlovitch, Samoïiovitch (Russie), Baïtour-
REVUE DU MONDE MUSULMAN22
soun (Kazakstan), Tinstanov (Kirghize), Barakhov (Yakou-
tie), Ibrahimov, Idelgouzine (Bachkiristan), Korkmassov
(Daghestan), Inogamov (Uzbekistan), Berdiev, Tchoban
Zade, (Turkmenistan), Aktchkourkali (Crimée), Aliev(Cau-case du Nord), Keprulu Zade (Turquie), Menzel (Alle-
magne).Membres d'honneur MM.Hussein Zade (Turquie), Bang
et Kouliev (Azerbeïdjan), Marr (académicien, Russie), Lou-
natcharski (commissaire à l'Instruction publique de
l'Union), Thomsen (turkologuè danois).En tant que valeur scientifique les délégués,au Congrès
peuvent être ainsi classés
Eféments scientifiques de premier plan ou possédantune certaine culture scientifique MM. Barthold, Olden-
bourg (académiciens russes), M. Krimski (académicien
ukrainien), lesprofesseurs russes MM.Poppe, Samoïlovitch,
Malov, Keprulu Zade, professeur à Constantinople, auteur
de travaux historiques et littéraires, Tchoban Zadé et Ach-
marine, professeurs à Bakou, Memed Fuad, Ba'itoursoun,Mentzell (Allemagne), Meszaros (Hongrie), Chtcherb, Pav-
lovitch, Yakovlev, Jirkov, Tchoursine, Borozdine, Rou-
denko, Manatov.
2° Eléments ayant une valeur exclusivement politiqueMM. Agamali-Ogly, Moussabekov, Korkmassov, Souliev,
Kouliev, Hussein Zade, le doctrinaire Siefeldt, etc.
Au point de vue scientifique, leCongrès deBakou n'a pasété sans intérêt les grandes figures de la turkologie russe,les professeurs Barthold, Samoïlovitch, Poppe, Oldenburg,Malov, etc., lui ont, dès le début, donné une orientation éga-Iem:nt partagée par les turkologues étrangers dont les rap-
ports ont été très écoutés.
Dans leur ensemble, les rapports et co-rapports peuventêtre divisés en trois catégories embrassant les grandesbranches de la turkologie l'histoire, l'ethnographie, la
linguistique des peuples turko-tatares.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 23
A ces rapports viennent sebrancher descommunicationsd'ordre technique et méthodologique.
Le russe fut la langue officielledu Congrèsmais certains
rapports furent présentés en turk et aussitôt traduits i) yeut également des traductions inverses, de russe en turk.
II. L'OUVERTURE DU CONGRÈS
L'ouverture du Congrès de turkologie a eu lieu le 27 fé-
vrier dans l'une des salles du palais de l'Enseignement,autrement dit « Palais Isma'nié », soigneusement décorée
et dont le style oriental se prête merveilleusement à la ma-
nifestation de ce jour. Dans l'une des salles du palais sont
exposés des livres, des diagrammes, des pancartes en turk;un pavillon spécial consacré à l'épigraphie turke contenait
din'érents modeiesd'écriture turkedepuis levu'sieclé jusqu'ànos jours et jusqu'au nouvel alphabet turk en- caractères
latinfs. Parmi les collections exposées on remarquait des
photos d'anciens monuments, des fac-similésd'inscriptionsarabes, d'inscriptions de l'Orkhon et autres, des spécimens
d'ouvrages, de manuels, de livres de lecture à l'usage des
enfants et des paysans en nouveaux caractères turks, des
traductions d'oeuvres littéraires, des séries de journauxturko-tatares, etc.
Dans la section de la~ presse périodique turke se trou-
vaient groupés, dans un ordre chronologique, les journaux
publiés durant ces cinquante dernières années. Cette col-
lection ne manquait certainement point d'intérêt possé-dant les éléments nécessaires pour l'étude du développe-ment de la pensée turke depuis t8y5 jusqu'à nos jours.
Sans vouloir trop s'attarder à une énumération détaillée
des journaux exposés, il est bon cependant de signaler
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 25
leur croissance et leur nombre qui sur le territoire sovié-
tique atteint la trentaine, les périodiques une quinzaine.Pour la commodité du public, un haut-parleur a étédis-
posé sur la place, près du palais, afin de reproduire les dis.
cours des délégués.En présence des délégués des républiques soviétiques de
Crimée, de Kazakstan, d'Uzbekistan, de Yakoutie, de
Turkménie, de Bachkirie, deTatarie, d'Ukraine, etc., ainsi
que des professeurs turkologues de.I'Unionet de l'étranger,M. Agamaly-Ogly, président du Comité exécutif central
d'Azerbeïdjan, ouvre ta séance. Dans son allocution it si-
gnale l'importance de cet événement appelé, dit-il, à avoir
un grand retentissement dans les pays d'Orient. S'élevant
ensuite au-dessus des questions purement scientifiques
pour atteindre les sommets du bolchevisme,l'orateurparlede la grande idée, si chère aux nationalités opprimées, de
l'autodétermination des peuples
CetteIdéea étéengendréeparlarévolutionprolétarienneet nousnesaurionscommencerune affaireayant un caractèrehistoriquesanshonorerle souvenirdu chefgénialde cette:révolution,le camaradeLénine(Pravda,/~M«'a-a8-3).
Oubliant un instant ses attaches à l'Internationale com-
muniste, l'ancien instituteur d'un village perdu d'Azer.
be'Tdjan,signale le plaisir éprouvé par ses concitoyens, parle peuple azerberdjanien en voyant s'ouvrir pour la pre-mière fois, un Congrès de turkologie sur sa terre natale. Ilse réjouit enfin de voir pour la première fois les peuplesturko-tatares se rencontrer ainsi dans un kouroulta'f essen'tiellement fraternel. M. Pavlovitch lui succède.
Au nom de l'Association scientifique des Orientalistesde l'Union et des Orientalistes de Moscou, M. Pavtovitchadresse ses félicitations au Congrès. Mdéctare que le Con-
grèsde turkologie est appelé à attirer l'attention, non seu-lement des intellectuels, mais aussi des larges masses po-
REVUE DU MONDE MUSULMANa6
pulaires sur l'imperfection de la terminologie, de l'ortho-
graphe et de l'alphabet des peuples turko-tatares.
L'appuiscientifiquedu Congrèsconsisteà écarterceslacunes,àaiderlespeu.p)esencorearriérésd'Orientà sefamiliariseraveclacultureetlacivilisation.LeCongrèssera,enun mot,l'èred'unegrandeoffensiveet d'uneattaquedes bataillonsturko-tatarescontrelesGibraltaret lesPort-Arthur(7~M<!<a8-3).
Au nom dugouvernementde Transcaucasie, le camarade
Husseïnov, vice-président du Conseil des commissaires dela Fédération de Transcaucasie féliciteleCongrès il estrem-
placé à la tribune par le camarade Nagovitsine qui adresse
une courte allocution à t'Assemblée au nom du commissa-riat de l'Instruction publique de la Fédération de Russie.
Une institutrice turke prononce une courte allocution au
nom de la délégation des instituteurs et des institutrices
d'Azerbe'idjan. EDgdéclare que le corps enseignant d'Azer-
beïdjan a consacré beaucoup de temps à l'examen des
questions qui font partie de l'ordre du jour du Congrès. Le
personnel pédagogique a condamné à l'unanimité, le vieil
alphabet arabe et il a reconnu que le nouveau, l'alphabetlatin, tout en répondant aux nécessités culturelles est en
même temps un puissant stimulant vers le chemin du
progrès (/~M<t'<28-3).
a) Le salut du Gouverneinent au Congrès.
Le président du Conseil des commissaires de la républi-
que d'Azerbeïdjan qui est en même temps l'un des prési-
dents du Comité exécutif central de l'Union des républiques
soviétiques, Moussabekov apporte au Congrès le salut du
Gouvernement en ces termes.
Camarades 1
Au nom du Comité exécutif de l'Union des républiques soviétiquessocialistes et du Conseil des commissaires du Peuple de la république
soviétique socialiste d'Aïerbeïdjan, je suis venu transmettre au premier
Congrès de turkologie un salut chaleureuxet leurs vceuxpourle succèsdes futurs travaux dont les résultats sont attendus avec tant d'impa-tience par des masses de plusieurs millions de turko-tatares.
Camarades L'ouverture de ce premier Congrès exclusivement con-
sacré à la turkologie et qui a la possibilité d'examiner les questions fai-
sant partie de ce domaine dans un ordre déterminé est pour la vie des
peuples turko-t&tares un événement d'une portée historique considé-
rable.
Non moins importants seront les résultats du Congrès pour les peu-pies de Turquie, de Perse, d'Afghanistan et pour le monde scienti-
fique dans son entier. Il leurdonne, en effet, ia possibilité de recueillirles résultats de nombreuses années de travail et d'ébaucher la voie quiconduit au dévéloppement de la turkoiogie.
Expliquant ensuite les raisons qui ont fait choisir la ville
de Bakou comme siège du Congrès, M. Moussabekov dit
Ce n'est pas en vertu d'un simple hasard que le )" Congrès de tur-
kologie de l'Union a choisi comme siège de ses travaux, Bakou, capitale
REVUE DU MONDE MUSULMAN28
de l'Azerbeïdjan. De par sa situation géographique et en tant que
porte d'entrée de l'Orient, sans compter tes 'énormes conquêtes cultu-
relles et économiques réalisées par les travailleurs d'Azerbeïdjan durant
ces dernières années, l'AzerbeYdjanest en droit de prétendre à l'insignehonneur de voir dans ses .frontières ses chers hôtes, les représentantsdes sciences turkologiques et ceux des républiques soviétiques sœurs.
Abordant le côté politique du Hongres, l'orateur rappelle
que la révolution d'octobre qui a proclamé l'autodétermi-
nation des peuples à donné la possibilité aux peuples ar-
riérés turko-tatares de se familiariser avec la culture mon-
diale et avec le progrès.
Nous sommes tous, en effet, les témoins du puissant mouvement
culturel de la vie de ces peuples. Le Congrès de turkologie doit poserun fondement solide à ce mouvement scientifique. Cependant, cama'
rades, la première pierre de ce fondement doit être la doctrine révolu-
tionnaire du grand chef prolétarien Lénine dont la géniale prévoyancea montré l'énorme signification de l'Orient dans le développement de
l'humanité.
Se rappelant que les pays d'Occident s'intéressent aux
questions et à la vie des peuples du « mystérieux Orient,
qu'ils y organisent des expéditions scientifiques dont ils
publient les résultats dans des revues, M. Moussabekov
tient à faire une différence entre les buts individuellement
poursuivis
L'Occident capitaliste ne craignant pas les dépenses organise des
expéditions scientinques spéciales dans l'Orient mystérieux, il publiedes ouvrages, des journaux, des revues, et cependant nous savons quel'Occident capitaliste poursuit complètement d'autres buts, nous savons
que fréquemment, contre le désir des savants, dans le monde capfta.
liste, la science est mise au service de l'impérialisme belliqueux. Il
n'en est pas ainsi chez nous. Loin de nous de semblables desseins.
Notre seul but est de construire une nouvelle société socialiste qui en
toute vérité prévoit un large développement culturel. C'est pourquoinotre but initial et notre devise sont la lutte pour la vraie culture. Ce
n'est que dans une société socialiste, camarades, quêta science peut
occuper une place digne d'elle.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 29
Revenant au côté pratique du problème, M. Moussabe-
kov croit devoir indiquer les nouvelles voies susceptiblesd'embrasser l'ensemble des questions scientifiques qui se
posent en présence des peuples d'Orient. Et tout en consta-
tant les résultats atteints jusqu'à ce jour dans le domaine
scientifique en matière orientale, il reconnaît que « pasmal dechoses » laissent encore à désirer dans l'Union sovié-
tique. C'est pourquoi M. Moussabekov considère que te
Congrès aura à fixer des jalons, à indiquer la nouvelle voie
qui facilitera les études orientales. Ceci dit, l'orateur es-
quisse à grands traits et dans un ordre déterminé les pro-blèmes qui se 'posent et que le Bakinski Rabotchi (2.3-26)
expose.C'est d'abord la question de rechercher les moyens
d'entrer en rapport avec le monde scientifique et intellec-tuel hors du territoire soviétique et d'établir avec lui desliens plus étroits et plus directs.
C'est ensuite la question de l'appui scientifique qu'ilconvient d'apporter à la société locale d'études régionalespour lui permettre d'entrer dans le cercle du travail scien-
tifique.C'est enfin la nécessité d'approfondir l'étude de la vie
politique et sociale des peuples turko-tatares ainsi que l'his-toire du mouvement révolutionnaire de ces peuples.
Mais en dehors de ces grands problèmes, il en est d'au-
tres d'une importance pratique immédiate sur lesquelsM. Moussabekovattire l'attention du Congrès questions de
langue, de terminologie, de,traductions de manuels en lan-
gue maternelle, deson enseignement dans les écoles secon-
daires et supérieures, du rapprochement des rouages de
l'Etat des masses, dela nécessitéde liquider l'ignorance, etc.
Mais pour atteindre ces résultats une nécessité s'impose,c'est la revision de la langue, la réforme de la terminologie.Pour la solution de ces problèmes, l'orateur s'en remet au
Congrès de turkologie.
HEVUE DU MONDE MUSULMAN30
Précisant à présent lebut politique du Congrès, M. Mous-
sabekov déclare que le dit Congrès de turkologie a été con-
voqué pour aider le pouvoir soviétique à résoudre un cer-
tain nombre de problèmes qu'il considère comme des plus
importants dans le Proche Orient et plus particulièrement
parmi les peuples turko-tatares
Ces peuplesencoresi arriéréssauront,grâce au flambeaude lascience,semettreà construireleurnouvellevie;ils saurontaussisur-monterlesdifficultéset l'ignoranceque leuront léguées,des sièclesdurant,lescolonisateurset lescapitalistes.
L'orateur conclut en exprimant l'espoir que ce Congrèsde turkologie sera un stimulant pour l'union des masses
turko-tatares habitant « de ce côté de la frontière soviéti.
que et pour faire revivre avec une énergie toute nouvelle
une vie qui jusqu'à présent était sans intérêt.
Après avoir salué une nouvelle fois le Congrès et lui
avoir exprimé ses souhaits de réussite, M. Moussabekov
vivement applaudi par l'Assemblée quitte la tribune aux
cris de
Vivel'unionpuissantedu travailet de la science)VivelepremierCongrèsdeturkologie,œuvredupouvoirsoviétique
b) Lesalut des unions professionnelles d'A~erM'a~et les félicitations au Congrès.
Tandis que s'ouvrait le Congrès de turkologie, une délé-
gation nommée par le 5° Congrès des syndicats d'Azerbaïd-
jan qui se tenait en même temps à Bakou venait apporterà l'Assemblée le salut des unions professionnelles. Aprèsavoir fait un exposé de la situation des syndicats, parlé deleur activité, rappelé la connexitédes buts poursuivis simul-tanément à Bakou par les deux Congrès, la délégation con-clut
Departet d'autre,il s'agitdeserapprocherdes massesdetravail-leurset de faire en sorte queceslargesmassescomprennentmieuxpourquoiellesluttent,qu'ellessachentoùellesvontet qu'ellesconçoi-ventptusexactementl'importancedesproblèmesposéspar lepouvoirsoviétiqueet parle particommuniste.
Un ouvrier turk vient à propos pour déclarer au nom des« larges massesouvrières groupées en syndicats, que leur
désir est de voir triompher l'idée d'une langue accessibleà tous, écrite avec les caractères du nouvel alphabet turk.Il conclut
Vivelanouvellecultureprolétarienne)Viventleslargesmasses.destravailleursd'Orientquiseréveillent
En réponse aux souhaits des unions professionnelles,sur la proposition du presidium et au nom du premier
REVUE DU MONDE MUSULMAN32
Congrès de turkologie, une délégation est aussitôt nommée
avec charge de se rendre au Congres des syndicats afin d'y
présenter leurs compliments. En font partie MM. Omar
Aliev (Caucase du Nord), Inagamov (Uzbekistan), Tyns-tanov (Kirghizistan), Sabachkine (Oïratie), 'Abidov (Bach-kirie), Hakimov (Tataristan).
Parmi les cinq dizaines de télégrammes adressés au Con-
grèsdes points les plus divers de l'Union soviétique, on en
comptait quelques-uns venant de l'étranger, notamment
celui du savant turkologue danois, M. Thomsen, trop âgé,dit le Bakinskt Rabotchi (4-8)pour pouvoir se rendre à
Bakou, de M. Yourenev, ministre des,Soviets en Perse, de
M. Paul Boyer, administrateur de l'École des LanguesOrientales de Paris ainsi eonçu:
L'EcolédesLanguesOrientalesenvoieauCongrèsdesturkologiesesfélicitationsetsessouhaits.L'arrivéedu professeurDenyestretardée.Lettresuit(Bak.Rat..2.3).
Sur la proposition du presidium une Commission est
nommée pour organiser le 5oo" anniversaire du poèteNavaY.Sont nommés MM.Pringaliev, Baytoursoun Mou-
hamed Zade, Habibov, Ibrahimov, Tchoban Zade Chakir-
dan, Rahimi, Inogamov,. Nagaïev, Limanov (Bak. Rab-
2-3).Sur la demande d'un représentant de Turquie, le prési-
dent propose au Congrès de ne plus employer l'expressionTurcs Osmanlis qui rappelle trop « l'ancien sultan oppres-seur », mais de les désigner à l'avenir sous le nom deTurcs d'A natolie (BaA..R<4.3).
3LXttt.
c) Réception des délégués à l'Opéra national
~r~et~'at!.
Le 3 mars, le commissariat de l'Instruction publique de
la république d'Azerbeïdjan, désireux de joindre l'utile à
l'agréable organisait une réception suivie d'un spectacleen l'honneur des délégués,à t'Opéra national d'Azerbe'idjan.
Après le spectacle, un banquet de t5o couverts réunissait
les délégués. Au cours du banquet, M. Kouliev, commis.
saire à l'Instruction publique d'Azerbeïdjan, prononça le
discours suivant
Il m'est particulièrement agréable de saluer ici les délégués au
t"'Congrès de turkologie, dans cette capitale de.i'AzerbeYdjan où, il
n'y a pas bien longtemps encore, ie joug du régime tsariste entravait
toute initiative, favorisait l'ignorance et le fanatisme des masses. Aprèssa chute, t'en vit tes moussavatistes s'emparer du pouvoir, mais iis ne
réussirent qu'à montrer leur incapacité dans la manière d'administrer le
pays. Mais voici qu'après cinq années de pouvoir soviétique en Azer-
be'fdjan, le pays, grâce au gouvernement des ouvriers et des paysans,s'est repris à vivre. Ici même, au Congrès, l'on peut voir des institu-
tions qui sous le tsarisme étaient isolées des masses ainsi que par une
muraille chinoise. A cOtédes représentants de l'Académie des Sciences,
nous apercevons d'autres institutions scientifiques.
Après une courte énumération de ces représentants et
institutions, l'orateur conclut en insistant sur la portée po-
litique du Congrès.
Prenant à son tour la parole, le président de l'Associa-
REVUE DU MONDE MUSULMAN34
tion scientifique des Orientalistes de l'Union, M. Pavlo-
vitch, fit remarquer que le premier Congrès de turkologieavait été convoqué sur l'initiative des peuples turko-ta-tares. Il ne croit pas se tromper en affirmant que ce Con-
grès sera pour l'histoire du développement culturel de ces
peuples l'une des pages les plus glorieuses.
III. LES TRAVAUX DU CONGRÈS.
a) L'état actuel des études historiques et ethnographiquesdes Turks.
Le rapport de M. Barthold. A la séance du 27février,le professeur et académicien Barthold fit un rapport surl'Étude de l'histoire ~~MjP/M turks.
M. Barthold rappelle qu'à quelques exceptions près, lesTurks n'ont pas créé de littérature historique en leur
langue. C'est pourquoi, jl ne suffit pas, dit le rapporteur,d'être turkologue pour étudier l'histoire des peuples turks,mais il faut selon l'époque qu'on étudie, être sinologue,iranisant ou arabisant.
Parlant des premières sources connues de langue turkedes inscriptions de l'Orkhon du vu;" siècle, M. Bartholdlaisse entendre que le déchiffrement desdites inscriptionsn'est pas encore terminé et que leur interprétation est en-core sujette à discussion. Et pour justifier cette assertion il
s'appuie sur une communication de M.Pelliot dans laquelleil est dit que la littérature chinoise possède des matériaux
authentiques suffisants sous formededictionnaires des lan.
gues indigènes pour. résoudre la question relative à l'ori.
gine des différentes langues.
Tantquecesmatériauxn'aurontpasétéétudiés,il est bondes'at~.tenirdansla solutiondecesquestions.
REVUE DU MONDE MUSULMAN36
Le rapporteur attire l'attention du Congrès sur les con-
clusions faites par les linguistes au sujet de la langue des
Tchouvaches lesquelles peuvent fort bien susciter un nou-
veau débat sur l'origine des Huns. Et il admet la possibi-lité de reconnaître en les Tchouvaches des débris de la
première migration des peuples de la Moyenne Asie dont
les Huns furent les principaux représentants.En ce qui concerne l'Histoire des Kirghizes, M. Barthold
semble douter de leur origine turke.
Se référant aux sources arabes,.M. Barthold croit néces-
saire de prendre en considération le caractère bibliogra-
phique de la littérature et des livres de géographie de cette
provenance. H signale également l'ouvrage de Mohammed
Kachgari édité en Turquie qui est peut-être le seul qui soit
arrivé jusqu'à nous et qui ait été écrit, non pas d'aprèsdes livres, mais d'après une connaissance personnelle de
l'auteur avec les pays d'Asie Centrale et avec sa popula-tion.
Maistouteslessources.actuellementconnuesnedonnentpasdema.tériauxsuffisantspourexpliquerlefait essentielde l'histoireculturelledesTurkshabitantt'Occidentde laMoyenneAsieetplusparticulière-menten cequiconcernel'influencedelaculturepersano-musulmanesurcespeuples.
Examinant les succès de l'Islam parmi les Turks,M. Barthold les trouve liés au caractère générât de l'Islam,en tant que religion universelle qui seule n'est pas liée aux
particularités d'une race ou d'une civilisation. Il considère
que l'Islam n'est devenu la religion de la majorité des peu-
ples turks qu'à l'époque de la domination mongole. Cet
événement, gros de conséquences, fait époque dans l'his-
toire des peuples faisant partie de cet empire. M. Barthold
croit pouvoir affirmer que les premiers temps de son
existence furent marqués par une renaissance économiqueet culturelle dans toutes les provinces ayant la possibilité
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 37
de profiter des avantages qu'offrait sous les Mongols le
commerce des caravanes. Ces considérations amènent
M. Barthold à constater que les monuments de cette
époque sont encore trop peu étudies, quebeaucoup ont dis-
paru pu ont été pillés avant que des recherches sérieuses
aient été entreprises, qu'il n'existe même pas de monogra-
phie complète de l'époque de Timour, malgré Je rôle im-
mense qu'il a joué dans l'histoire de l'Asie Centrale. Cette
ignorance des choses d'Asie Centrale, M. Barthold l'aper-
çoit à une époque plus près de nous, sous la domination
des Uzbeks. Cette époque lui semble d'autant plus digned'intérêt que la vie culturelle des Khanats uzbeks était
beaucoup plus compliquée, beaucoup plus remplie d'in-
térêt qu'on ne le pense généralement sous l'impression
exagéréede la décadence de la culture de cette période.Telles sont, dans leur ensemble, les idées directrices du
rapport du savant académicien russe dont le Bakinski Ra-
botchi(1-3-26)donne un compte rendu.
II conclut par un pressant appel à la collaboration turke
dans la recherche de la vérité historique des peuples turko-
tatares. H prévoit la lutte qui depuis le pays de Tobolsk et
de Touroukhansk jusque dans l'AsieMineure va s'engager,lutte d'autant plus difficile qu'il va falloir, pour vivre,
s'adapter à la culture européenne sans renoncer au fonds
culturel légué par les aïeux.
Le rapport du ~o/MMur Boro~i'Me. Dans son rap-
port sur les nouvelles découvertes dans le domaine de la
culture tatare, le professeur Borozdine considère quel'étude du passé des peuples turks de l'Union soviétiqueest loin d'être satisfaisante, surtout en ce qui concerne les
monuments de la culture matérielle des Tatares. Il rap-
pelle que rien ou à peu près n'a été fait dans ce domaine
pas plus dans les recherches des monuments de l'époque
REVUE DU MONDE MUSULMAN38
bulgare ou khazare que dans l'étude des peuples turks
d'Asie centrale et d'Azerbeïdjan. Par contre, le professeurBorozdine signale l'effort qui a été tenté depuis la révolu-
tion d'octobre toiy, les fouilles qui ont été faites pour la
première fois dans le but d'étudier la culture tatare dans la
région de la Volga et en Crimée. Sans nier les efforts aux-
quels fait allusion le professeur Borozdine, il serait difficile
de passer sous silence les travaux prodigieux dans le do-
maine archéologique qui ont été exécutés par toute une
pléiade de travailleurs et de chercheurs intellectuels pen-dant les vingt ou trente années d'avant la révolution, indé-
pendamment du régime. Les musées de Saratov, Kazan,
Astrakhan, Orenbourg, Tachkent contiennent suffisam-
ment d'objets trouvés dans les fouilles de Bolgar, d'Ela-
bouga, d'Ouviek, des steppes de Tourgaï et d'Orenbourgde Djankent, d'Otrar d'Akhcikent, de Samarkande, de Paï-
kent, etc. Il est cependant incontestable que la culture ta-
tare, notamment en ce qui concerne celle de la Horde
d'Or, n'a pas été suffisamment étudiée et interprétée à sa
juste valeur.D'un très grand intérêt pour l'histoire sont les fouilles
de Soltakhe en Crimée, auxquelles a participé M. Boroz-
dine. L'album dans lequel se trouvent consignées ses dé-
couvertes et dont il a fait présent au Congrès est un précieuxdocument d'archéologie turko-tatare. Les souhaits qu'il
exprime en concluant au sujet de la nécessité pour les
Turks de continuer l'oeuvre commencéeméritent d'être en-
tendus.
Abandonnant ensuite le terrain scientifique pour le do.
maine politique, le professeur Borozdine termine son rap-
port par ces mots
Vivel'OrientdélivréVivel'Unionsoviétiquesousla'protectiondelaquelles'accomplitun
travailculturelremarquable(BakinskiRabotchi,<-3-:6.)
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 39
Le rapport d'Oubaidoulline. Dansson exposéte rap-
porteur parle de l'état actuel des peuples turko-tatares etde la nécessité d'étudier l'histoire de ces peuples en s'ap-
puyant sur les dialectes turks de l'Union soviétique il
donne quelques précisions sur l'époque pendant laquellel'étude du passé des peuples turks par des savants turko-
tatares même et d'après les méthodes des savants occiden-
taux a commencé. Le rapporteur cite la fin du x;x° siècleil souligne l'importance de la révolution de !go5 après la-
quelle certains peuples turks de Russie ajoutèrent au pro-
gramme des écoleset médressés l'enseignement del'histoire
nationale, il parle encore du rôle joué dans ce domaine
par la révolution d'octobre tûiy.
Aprèsavoirreçulapossibilitédedéciderde leursort,lesTurko-Ta-taressesont trouvésdevantune impérieusenécessitéd'étudierleurpeupleet leurterritoire.Peuaprèsl'histoiredu payset du peuplequiJ'habitedevientun sujet d'étudedans les écolesde i'État ellefait
partiedu programmedanslesnouvellesécolessupérieuresoùdenom-breuxéfevesturko-tataressesontinscrits.
La période d'octobre, dit Oubaidoulline, a fait naître
d'autres problèmes notamment l'étude de la littérature
historique turko-tatare il constate que durant cette pé-riode l'étude dé l'histoire par les savants turko-tatares a
fortement avancé, cependant la littérature historique a un
caractère de vulgarisation qui, d'une manière générale,
s'explique par le désir des auteurs de la mettre à la portéedes masses et aussi, en raison du manque de gens qua-lifiés.
Afin de faciliter l'étude des peuples turko-tatares, le rap-
porteur propose!°De commencer la publication des sources depuis les
temps les plus reculés avec traduction des textes en l'une
des langues turkes de l'Union parmi lesplus répandues.
REVUEDU MONDEMUSULMAN40
2° De Commencer à publier les sources essentielles des
peuples turko-tatares, dispersées dans les chroniques, de
recueillir les lois, journaux, etc., et les matériaux des ar-
chives avec traduction en langue locale.
3° De commencer à traduire les œuvres parmi les plusconnues, écrites en russe ou publiées a l'étranger sur l'his-
toire des peuples turko-tatares.
4~ D'intensifier les fouilles archéologiques pour l'étude
des peuples anciens, etc. (BaA:M~A:'2ïa~ofcA:,1-3-26).
Le rapport de M. Me~aros a été consacré à la cultureet à l'ethnographie des Turks d'Anatolie et des Balkans. Il
a en même temps soulevé la question du type physiquedes Turks. II estime qu'a. la base de la culture turke dansle sens leplus large du mot se trouvent les éléments nomadeset les éleveurs avec les traits usuels liés à leur genre de vie.
Le rapport de M. Tchoursine présente un certain in.
térét il est consacré à l'étude ethnographique des peuplesturks du Caucase.
Le professeur Tchoursine constate que les peuples turksconstituent une grande partie de la population du Caucaseet plus particulièrement de Transcausie, qu'ils dînèrent
beaucoup entre eux tant au point;de vue économique queculturel et que malgré leur rôle économique et politique,ils sont encore au point de vue ethnographique très peuétudiés. Il estime que l'organisation de recherches systé.matiques dans ce domaine s'impose, mais qu'il faudraitsavoir au préalable cequi a été fait, c'est-à-dire qu'il faudraitd'abord consulter l'index bibliographique pour les ques-
BAKOUCENTREB'UMR NOUVELLECULTURE
tions intéressant l'étude de ces peuples. Celafait, il faudrait
prendre tout ce qui a paru à leursujet en Perse, en Turquie,
en Europe et en former un recueil de matériaux, d'ethno-
logiespécialement consacrés aux Turks du Caucase.
Pour l'organisation méthodique des recherches,
M. Tchoursine croit utile de créer à Bakou un institut de
recherches turkologiques avec une section d'ethnologie,un musée d'études ou bien fonder provisoirement unesec-
tion des peuples turks du Caucase près le musée national
d'Azerbeïdjan.
Le rapport du professeur Roudenko est consacré à la
technique des sciences ethnographiques applicables aux
peuples turks. Il déclare qu'il existe peu d'ouvrages sur
l'anthropologie et sur l'ethnographie des peuples turks
et quant aux recherches paléoethnologiques, elles ne sont
qu'à leur début.
Pour que la méthodologie de l'étude de la culture turke
progresse, M. Roudenko considère qu'il est indispensablede présenter un tableau sur son état. C'est pourquoi il con-
vient de fixer l'étendue géographique de certains éléments
de ces peuples dans de&unités.biologiquesdéterminées, dé-
signées jusqu'à ce'jour sous le nom de groupements eth-
niques. C'est alors seulement qu'il sera possible de poserles questions qui attendent leur solution scientifique. On
pourra dès lors établir d'une manière tout à fait objectiveles éléments et les transformations propres au monde turk
dans son entier. On arrivera ainsi à délimiter les grou-
pements régionaux et locaux correspondant aux divisions
tribales et fractionales des peuples turks. (BaAHM~t~a-
~C~t,. 1-3-26).
REVUE DU MONDE MUSULMAN42
Le rapport du professeur Tchoban Zade sur les liensde parenté entre les dialectes turks, mongol, toungousse,
~nno-ougrien et japhétique contient de précieuses indica-
tions. L'exposé en turk et traduit en russe est une analysedes précédents rapports et plus particulièrement de celui
du Professeur académicien Barthold. H.attire l'attention
du Congrès sur certaines périodes de l'histoire turke no-
tamment sur la période mongole, uzbèke et sur celle de
Timour.
Le rapporteur base ses déductions sur la formule de
M. Meszaros qui souligne le lien qui unit les travaux eth-
nographiques à la linguistique. Et il en conclut que sans
ce lien aucune recherche ne pourrait être faite. II signaleles erreurs des classifications existantes lesquelles manquentde base historique.
Parlant de l'un des derniers travaux du professeur Sa-
moïlovitch sur la classification des dialectes turks, le rap-
porteur signale une lacune, reconnue par l'auteur, c'est le
manque~debase historique.Le professeur Tchoban Zade parle de la nécessité de
créer une grammaire, comparée des langues turko-mon-
gole, finno-ougrienne et japhétique et il compte sur les
efforts du personnel enseignant pour recueillir des maté-
riaux lexicographiques parmi les différents dialectes.
Le Bakinski Rabotchi (t-3-20) cite encoreun rapport quin'a pas été publié jusqu'à présent mais qui semble pré-senter un certain intérêt c'est le rapport du professeurMillersur l'Activité figurée des peuples turks.
La discussion qui suivit certains rapports fut très
animée. C'est ainsi que M. Charafov fit remarquer qu'onaccordait trop de place aux questions du passé, religieuseset autres et pas assez aux questions d'économie rurale, de
l'industrie à domicile, à la situation du prolétariat, queM. Ibrahimov propose d'adopter la méthode marxiste pourr
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 43
les recherches sur la sociologie et la biologie aussi néces-saires pour l'étude de l'hommeque pour celle de la nation.
MM. Sabachkine, Yakovlev (professeur), DjoumousovAli Odabach, Eyoubov, Berdiev, Chikir, Petrov, le pro-fesseur Roudenko prirent aussi part à la discussion. Enfin,M. Aliev proposa de créer une commission pour les ques-tions ethnographiques avec MM. Roudenko, 'Meszaros,Tchoursine, Muller, Mamedbekov Kerim, Younousov,
Tagui Zade Abdoui Nadir, Omarov, Akimov, Vigmar,Odabach, Berdiev, Charakh 'Alimdjanov, Yakovlev (pro-fesseur), Prokofiev, délégué tchouvache.
Le rapport de l'académicien S. Oldenbourg. Le pro-fesseur Oldenbourg considère que la complexité ethniquedes peuples turks rend du plus haut intérêt le problème desétudes régionales.
!) signale tout d'abord la nécessité d'étudier la toponymiedes lieux; le nom des localités doit être compréhensible à
chaque turkologue afin de pouvoir en déduire de sérieusesconclusions historiques, sur la répartition et l'établisse-ment des différents peuples à divers moments historiques,d'où la nécessité d'établir exactement le dénombrement dela population turke de l'Union.
Le professeur Oldenbourg se prononce pour la création
d'organisations intellectuelles d'études locales, de musées,d'instituts pour la préparation de travailleurs de science
régionale, et pour la convocation fréquente de Congrès.Les rapports et débats sur les études ethnographiques des
peuples turks étant épuisés, le Congrès adopte un certainnombre de résolutions parmi lesquelles
1"L'établissement éventuel d'une statistique précise des
peuplesturko-tatares habitantle territoire de l'Union sovié-
tique
REVUE DU MONDE MUSULMAN44
2" L'établissement d'atlas et de cartes des régions et
républiques turko-tatares pour le prochain Congrès de
turkologie;3" La création d'un musée central de turkologie dans
l'une des républiques turkes et de musées locaux dans cha-
que région;
4° L'introduction dans les écoles de l'enseignement de
l'ethnographie;°
5° La constitution d'un cadre d'ethnographes et d'anthro-
pologues parmi les Turks6° L'attribution ae places à la jeunesse turke dans les
écoles supérieures de l'Union et l'organisation de groupesd'étudiants pour leur envoi éventuel dans les établissements
scolaires de l'étranger.En ce qui concerne les études régionales, des motions
ont été présentées au Congrès demandant de réserver une
partie du budget des commissariats locaux de l'Instruction
publique pour l'organisation de ces études d'un caractère
scientifique. II est désirable que des comités spéciaux de
turkologie soient créés à cet effet dans les différentes régionsà population turke et qu'une revue trimestrielle de turko-
logie soit publiée. Enfin une çollaboration plus étroite des
savants turks et des savants russes est envisagée.
b) Le problème de la terminologie et de l'orthographe.
La question du système de la terminologie scientifiqueen général dont les professeurs Tchoban Zade et M. Sie-
feldt sont les rapporteurs jest l'objet d'une longue discus-
sion. Sur ce problème vient se greffer la question de la
terminologie dans les langues turkes dont MM. Zeïnalli
(Azerbeïdjan),Odabach (Crimée), Ba'itoursoun(Kazakstan),Maksoudov (Tataristan) et Hassanov sont les co-rappor-teurs.
Le rapport duprofesseur Tchoban Zade. Le profes-seur Tchoban Zade parle du rôle des dictionnaires qu'ildivise en deux parties l'une concrète et l'autre abstraite;ices deux formes sont en rapport avec le degré de culture
des peuples pour lesquels ces dictionnaires ont été établis.
Le rapporteur attache une grande importance au facteur
historique. Il justifie son allégation par l'apport considé-
rable de mots arabes et persans entrés dans les languesturkes bien qu'avant leur introduction ces mêmes mots ou
plutôt leur équivalent existaient dans la langue turke.
M. Tchoban Zade déclare que les peuples turks possèdentactuellement trois bases, autrement dit, trois natures-de
mots:les mots turks, les mots arabes-persans et les mots
européens.
REVUE DU MONDE MUSULMAN46
En ce qui concerne l'adoption des mots européens, le
rapporteur considère deux moments également importants:
c'est, d'une part, l'acceptation des sources communes aux
Européens pour les langues turkes et la dépendance de la
terminologie étrangère aux lois de la grammaire et de la
syntaxe turke.
Le rapporteur donne quelques indications d'ordre métho-
dologique en matière d'enseignement dans les écolesturkes.
Il conclut en disant que tout en conservant les apports de
mots arabes et persans déjà assimilés, tout en introduisant
à l'avenir les mots européens dans le creuset turk, il sera
possible de créer une terminologie unique. Ceci dit, il fau-
dra déterminer les principes présidant à l'adoption de la
nouvelle langue scientifique afin de traduire la littérature
classique des peuples cultivés.
Le co'rapport de M. Zeinalli. M. Zeinalli fait un ex-
posé sur la terminologie des langues turkes. Il rappelle quela'.Révolution d'octobre ayant rapproché la science des
masses, il est indispensable que les écrivains et les traduc-
teurs contemporainsrapprochent également leur langue des
masses. H est nécessaire de systématiser et de soumettre à
une méthode déterminée les termes puisés aux mots popu-laires. L'absence d'une classification unique des languesturko-tatares qui dans le cas présent aurait une grande
importance, empêche de fixer les termes d'une façon pré-cise. Prenant en considération la situation presque iden-
tique au point de vue social, politique et économique des
peuples turks de l'Union, on doit constater des besoins
identiques dans les termes de tous les peuples turks. C'est
pourquoi, dit M. Zeinalii, il faut fixer pour tous ces peu-
ples un système unique et des principes dans la création
d'une terminologie.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 47
Le rapporteur donne des détails techniques sur la ma-
nière de procéder. II pose comme principe de fixer les
limites de la langue scientifique élaboréed'après la langue
parlée parmi les masses. Il faut d'une part prendre en con-
sidération l'influence des mots étrangers sur la langue turke
et, d'autre part, rechercher quelle est leur situation dans
les langues turko-tatares.
Le rapporteur propose de s'abstenir de créer des mots
artificielsabrégés, attendu que ces mots ne sont pas accep-téspar la masse. Ji recommande la création d'une commis-
sion dite de terminologie qui serait permanente.
Le co-rapport de M. Baïtoursoun. Après un court
rapport de M. Odabach, le Congrès entend celui de M. BaÏ-
toursoun sur la terminologie des langues turkes. Le rap-
porteur déclare que le développement de la vie culturelle
des Kazaks a nécessité l'élaboration d'une langue littéraire
en recourant à une terminologie unique. C'est dans ce but,dit M. Baftoursoun, que depuis !Q3! travaille une com-
mission spéciale. Il fait remarquer qu'au moment de
créer une terminologie, la commission kazake évite d'em-
prunter des termes déjà prêts, afin de ne pas déformer la
langue.Le rapporteur estime que pour créer de nouveaux termes,
il faut d'abord prendre des mots kazaks correspondantsce n'est qu'en l'absence de ces mots qu'on peut recourir
aux langues apparentées à celle des Kazaks.
Les mots employés universellement peuvent être accep.tés après modification préalable, selon les règles phoné-
tiques des Kazaks.
Dans ce travail de composition, la commission prend en
considération la prononciation kazake afin,dit M. Baïtour-
soun, de ne pas créer des langues différentes dont l'une
REVUE DU MONDE MUSULMAN48
serait pour les classes élevéeset l'autre pour les classes infé-rieures de la population.
A la discussion, qui fut très animée, prirent partMM. 'Abidov, Souliev, Manatov, Hakimov, Saadi, Bek-
toure, etc.
M. Souliev insista sur la nécessitéde créer une littérature« effectivement prolétarienne ». Il exprima les mêmesidées que M. Ba'itoursoun dont il partage les principes.
M. Manatov analyse le rapport du professeur TchobanZade et il trouve que le dit rapport ne tend rien moins qu'àcréer une langue turke ,unique appelée « nationale ». Ilconstate également que certains écrivains essaient de créer
pour tous les Turks du monde une langue aristocratique
supra-nationale et il se montre résolument hostile à ce
projet.
Nousnedevonspas tropnousenflammerpourceprojet,carcettelangueneserapaspluscomprisedesmassespopulairesenAnatolieetenAzerbeldjanqu'enUzbekistan.
Le rapport de M. Ibrahimov sur l'orthographe des lan-
gues turkes comprend trois partiesDans la première partie, le rapporteur fait une analyse
critique de toutes les anciennes orthographes turkes ayantexisté avant le XtK' siècle, c'est-à-dire des orthographesout'goure, orkhone et arabe.
La deuxième partie traite du mouvement en faveur de laréforme des caractères arabes et de la précision de l'ortho-
graphe des peuples turks de Bachkirie, deTurquie, d'Uzbe-
kistan, de Crimée, de Tataristan, d'Azerbeïdjan, du Turk-
menistan, etc. Il s'agit, en principe, de savoir combien de
voyellesexistent dans l'un ou l'autredes différents dialectes,
par quelles lettres il conviendrait de les représenter attendu
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 49
mm. 4
que l'orthographe arabe a affaire à dix voyelleset que troisseulement y sont rendues. De plus, il y a une foule de mots
arabes qui ne s'écrivent nienorthographe tatare ni uzbèke,ni caucasienne, mais simplement en arabe. C'est pourquoiil apparaît trois systèmes d'orthographe dans une même
langue: les systèmes turk, arabe et quelquefois persan.La troisième partie du rapport concerne certaines propo-
sitions concrètes qui pèuvent jusqu'à un certain point faci-liter et mettre fin aux divergences existant entre peuplesturks.
Pour donner plus de précision à l'orthographe turke, le
rapporteur recommande de prendre en considération cer-taines particularités des langues turkes il propose de lutter
contre certaines tendances favorables à l'introduction de
provincialismes dans l'orthographe turke. Tout en recon-
naissant les mérites de M. Radlov, le créateur d'une trans-
cription scientinque à l'usage des langues turkes, M. Ibra-
himov signale certaines incommodités, de sérieuse difficul.
tés dans l'emploi de sa méthode à son tour, il propose de
créer, en sebasant sur la transcription académique stricte-ment scientifique, une nouvelle transcription en caractères
arabes laquelle servirait, non pas aux fins d'une utilisation
pratique, mais pour une reproduction exacte de certaines
petitesnuances, très particulières aux dialectes turks.Le rapporteur envisage le principe d'une fédération à la
foisculturelle et littéraire des langues turkes. Bien qu'il con-
çoive l'impossibilité pour des raisons de phonétique, de
morphologie et de différences économiques et sociales de
créer une langue unique à l'usage de tous les Turks, le
rapporteur insiste sur la constitution d'une fédération. Il ne
conçoit pas que les peuples turks puissent vivre isolés.A titre d'exemple, le rapporteur cite les Yakoutes qui,
en raison de leur isolement géographique, sont privés de la
possibilité de profiter de l'expérience des autres peuplesturks.
REVUEDU MONDEMUSULMAN50
Et voici la manière dont M. Ibrahimov conçoit cette fédé-
ration. Chaque langue serait autonome dans sa structure,mais comme toutes les langues turkes possèdent des prin-
cipes généraux, il s'ensuit que des lois communes doivent
être prises en considération il faudra tenir compte de
leurs propriétés lesquellesse divisent en deux catégories les
propriétés particulières à chaque langue individuellement,et les propriétés communes à toutes les langues turkes.
Le rapport de M.MKoHoy~cA. Le rapport du profes-seur Samo'itovitch, d'un grand intérêt scientifique, est une
vue d'ensemble de ce qui a été faitpourt'étude des languesvivantes turkes depuis l'extrême Nord sibérien où se trou-
vent les Yakoutes, jusque vers l'Europe en passant dans le
pays des Turks d'Abaka (bassin de l'Yénisséi), des Soyotes,du petit peuple Karagasse, des Samoyèdes turkisés appelésKamassines, du petit peuple Sary.Ou'tgoure et jusqu'aux
steppes de Baraba et aux Tatares de Tobolsk. L'éminent
turkotogue énumère cettepoussière de peuples turks étudiés
au point de vue linguistique et à différentes époques pardes savants russes parmi lesquels M. Pekarski, l'académi-
cien Betling, le professeur Katanov et surtout Radlov, plusrécemment par le professeur Matov. Passant à l'Asie cen-
trale, le rapporteur signale les travaux très. remarqués de
MM. Radiov, Melioranski, Divaïev et Baïtoursoun dans
l'étude du peuple Kazak; il signale l'intérêt tout particulier
porté a l'étude de la langue kirghize, à la langue uzbèke qui
joue un si grand rôle en Asie centrale et s'arrête un ins-
tant au Turkestan chinois.
M. Samo'iiovitchsignale les changements opérés parmiles éléments turks de ce territoire au point que les dialectes
actuels dudit pays diffèrent sensiblement de l'ancienne
langue ouïgoure.
BAKOUCENTRED'UNE NOUVELLECULTURE 5i
Passant aux régions d'au delà de l'Amou.Daria qui sert
de limite aux Turkmènes, M. Samoïlovitch parle des dia-
lectes de ce pays st~peu connus encore. Le savant rap-
porteur, qui est l'un des rares turkologues qui les ait
étudiés, insiste sur la nécessité de poursuivre ces -études.
Parlant des peuples turks de l'Est de l'Europe, des
Bachkirs par exemple qui servent de lien entre le monde
turk d'Asie centrale et ce même monde de l'Europe orien-
tale, il signaleles étudesfaites dans ce domainepar M.Rad-
lov et par le professeur hongrois présent au congrèsM. Meszaros.
Viennent ensuite les Tatars dits de Kazan et leurs
voisins les Mechtcharou Mechtchariaksqui, bienque se trou-
vant dans une région facile à visiter, possédant une ville
universitaire comme Kazan, n'ont pas été suffisamment
étudiés. Enfin, dans cette région de la Volga habitent les
Tchouvaches dont s'occupe le professeur Achmarine de
l'Université de Bakou.
Le professeur Achmarine a non seulement publié une
grammaire tchouvache, mais il a constitué un énormedic-
tionnaire non encore édité.
En dehors du professeur Achmarine, d'autres linguistes,
d'autresethnographes s'occupent desTchouvaches l'ethno-
graphe Meszaros, le turkologue finlandais Ramstedt, l'al-
taïste de Leningrad Poppe.M. Samoïlovitch attire l'attention du Congrès sur les
Turks d'Astrakan encore peu étudiés, sur les groupementsturks du Nord du Caucase, les Koumuiks du Daghestanétudiés en ce moment par le professeur Tchoban Zade,les Karatchaï et les Balkar. L'étude de ces derniers a per-mis de publier une grammaire balkare et une petite litté-
rature populaire ainsi que les matériaux d'un dictionnaire.
En Azerbeïdjan l'étude des Turks azeri et des Turks de
Persea fait de grands progrès une sociétés'est même cons-
tituée pour étudier cette contrée.
REVUEDU MONDEMUSULMAN52
M. Samoïlovitch termine son rapport en donnant cer-
taines directives pour la manière dont il faut procéder pourle recueil des matériaux et pour la création d'une biblio-
graphie consacrée spécialement aux Turks.
Le rapport de M. Poppe. Le professeur Poppe, altaï-
sant, parle de la parenté qui existe entre les langues turke
et mongole.jll dit que l'étude des langues de l'Altaï, c'est-à-
dire mongole, turke et toungouse compte une longue exis-
tence caractérisée par une série de chemins bien tortueux.
II divise cette existence en deux périodes La première est
caractérisée par le groupement de la langue turke et des
idiomes voisins sous l'appellation de langues ouralo-
altaïennes. La seconde est caractérisée par l'époque où les
langues turke, mongole et toungouse se détachent en un
groupe spécial, désigné sous le nom d'altaïen, commen-
cent à être étudiées sans tenir compte des liens qui les
unissent à d'autres langues. Ainsi, d'après M. Poppe,l'étude comparative des langues de l'Altaï commencerait à
cette deuxième période.Les affinités entre le turk et les autres langues furent
pour la première fois signalées par l'officier suédois Stra-
lenberg lequel passa de longues années de sa captivité en
Russie orientale et en Sibérie. Ce séjour forcé lui permitde
faire de nombreuses observations sur les langues de toute
une série de peuples. Ses observations se trouvent réuniesdans un ouvrage qui constitue une partie de son travail.M. Stralenberg est aussi l'auteur d'un dictionnaire kalmouk
considéré comme étant le premier essai tendant à établir
l'affinité qui existe entre les langues arabo-altaiennes.Pour la première fois, M. Stralenberg donne sous le nom
général de Tatares une classification linguistique qui diviseces peuples en six groupes.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 53
C'est Je développement ultérieur de la théorie de Stra-
lenberg qui, selon M. Poppe, aurait fait surgir la théorie
< scythique de Rask et celle du « Touràn » de M. Mil-
ler.
Cette question de parenté réciproque des langues ourato-
altaïennes serait,' d'après M. Poppe, encore prématurée et
quant à la théorie ouralo-aitarenne l'absence de base solide
en raison même des trop rares recherches faites jusqu'à ce
jour la rend par trop précaire. Cependant, la parenté des
langues samoyèdes et finno-ougriennes et celle des langues
turko-mongoles semblerait être actuellement démontrée.
Examinant les rapports qui existent entre les languesattaiennes, M. Poppe en déduit qu'après la chute de l'unité
linguistique mongolo-turke et sa division en deux branches
dont l'une peut être appelée mongole, et l'autre turko-
tchouvache, ces deux branches se sont dévetoppéesséparé-ment. Par la suite, la branche turko-tchouvache se subdi-
visa à son tour en deux branches, l'une turke, l'autre
tchouvache ou bulgare ainsi désignée, attendu que la
langue volgo-bulgare a dû être, scion M. Poppe, l'ancêtre
du tchouvache actuel.
Le co-rapport de M. Malov. Dans son rapport sur
l'étude des anciennes langues turkes, le professeur Malov
insiste sur l'influence exercée par un peuple iranien, les
Sabdi sur les Turks. Cen'est pas seulement l'alphabet ouï-
goure qui remonterait à l'ancien alphabet sabdi des pre-miers siècles de notre ère, mais encore tes anciens monu-
ments des Turks runiques. Ces monuments qu'on trouve
dans le bassin de l'Yénisséi sont connus en Russie depuisle temps de Pierre le Grand.
A ces monuments sont venus s'ajouter ceux deMongolietrouvés sur l'Orkhon en !88().Mais cen'est qu'en !8g3que
REVUE DU MONDE MUSULMAN54
grâce au savant turkologue danois Thomsen la lecture des
inscriptions runiques a été possible.En dehors de ces monuments, M. Malov cite les décou-
vertes faites au Turkestan chinois où desdocuments écrits,notamment un livre entier de 102pages déposé au British
Museum auraient été trouvés, enfin quelques fragmentsd'écriture turke conservés actuellement au musée asiatiquede Léningrad. Ainsi, dit M. Malov, les matériaux pourl'étude de l'ancienne langue turke ne manquent point, c'est
pourquoi la phonétique et l'écriture de la langue desTurks
runiques nous sont connues.Il est vrai, ajoute-t-il, que les monuments de l'Yénisséi,
c'est-à-dire la langue des monuments de « l'ancienne écri-
ture des Kirghizes~garde jusqu'à présent un certain mys.tère.
Parlant des monuments écrits des Ouigoures, M. Malovleur attribue une grande importance, notamment pourl'étude des anciennes langues turkes. A cette catégorie ap-
partiennent les monuments bouddhiques, manichéens et
chrétiens, exception faite de l'écriture ouigourede l'époquemusulmane qui doit être mise à part.
Dans ce domaine, M. Malov cite les monuments de
Oudarg-Ilek dont trois manuscrits sont conservés enRussie et le livre deMahmoud Kachgan édité par les turko-
logues de Stamboul. Mais en dehors du musée asiatique,des manuscrits ouigoures, non encore déchiffrés sont
conservés dans les musées du Japon, de Paris, de Ber.lin.
M.Malovsignale la marche rapide des études de la languedes Polovtses d'après des documents datant de i3o3, ainsi
que l'intérêt qui se manifeste envers les langues des
Osmanlis, des Seldjoucides et des langues turkes d'Asiecentrale du xtv~siècle.
M. Malov conclut en rappelant que d'abondants maté-riaux pour la rédaction d'une grammaire historique turke
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 55
sont actuellement recueillis il fait appel aux savants
turks de l'Union pour qu'ils poursuivent l'oeuvre com-
mencée dans ce domaine par les savants turks de Stam-
boul.
Le rapport <<Mprofesseur Chtcherb. Le rapport du
professeur Chtcherb traite des principes fondamentaux de
l'orthographe et de leur importance sociale; il considère
que les principes de l'orthographe sont formés de quatreéléments d'un élément phonétique, étymologique ou mor-
phologique, historique et idéographique.Le rapporteur donne la définition de chacun de ces élé-
ments et passe ensuite à l'utilisation des langues.A quoi sert une langue? tel est le problème qui se pose,
et le rapporteur de répondre Toute langue sert à unir les
hommes, à les grouper, et il conclut que de tous les prin-
cipes susceptibles de faciliter son étude, le plus démocra-
tique est celui de la phonétique, car c'est le plus simple etle plus facile.
« Apprends l'alphabet et tu sauras lire et écrire sans
fautes; cela n'est possible, dit M. Chtcherb, que parmi un
petit groupe d'hommes et lorsqu'on a en vue une pronon-ciation commune, mais si le cercle s'agrandit la pronon-ciation varie et le principe phonétique perd sa raison
d'être.
Pour les peuples turks, le professeur Chtcherb croit à la
nécessité de combiner les principes phonétiques et étymo-
logiques à des degrés divers selon les cas.
La discussion qui suivit et à laquelle prirent part une
vingtaine de délégués mit en présence diffécentes thèses.M. Omarov se montra partisan de l'orthographe phoné-
tique il déclara que dans la question linguistique les Ka-
zaks sont allés loin, non seulement dans la réforme de la
REVUE DU MONDE MUSULMAN56
grammaire, des règles de l'orthographe, mais aussi dans
le développement de la tangue.
Nousassistonsaudéveloppementdesloisde la langue,à lacréationdenouvelleslois,à la disparitionde certainssons,à la créationdenouveauxsons,etc.
Pour M. Omarov ces transformations des lois de la
langue kazake s'opèrent librement, en dehors de touteinfluence étrangère, c'est une transformation à caractère
progressif.M. Osmanov prétend que la question de l'orthographe
est intimement liée à celle de l'alphabet. C'est égalementl'opinion de M. Baïtoursoun qui dans un précédent dis-cours a affirmé que de l'amélioration de l'alphabet dépendle plus ou moins de facilité de l'orthographe.
Les adversaires des réformes radicales, dit M. Osmanov,
opposent une série d'arguments essayantainsi de démontrer
l'inutilité de modifier l'alphabet arabe pour l'écriture
turke; il rappelle la proposition présentée au Congrès parM. Ibrahimov, tendant à compléter l'alphabet arabe par denouveaux signes.
«Je suis convaincu, dit M. Osmanov, que le Congrès lesdonnera et ce sera le nouvel alphabet à caractères latins.La question de l'orthographe sera ainsi résolue. »
Le co-rapport de M. Jirkov. Parlant du rapport du
professeur Chtcherb, M. Jirkov considère qu'il n'a pu tou-cher à certaines questions relatives à l'orthographe, qui estune des particularités des langues turkes. Pour M. Jirkovle point essentiel est la question de l'orthographe des motsarabes qui en grande quantité sont entrés dansées languesturkes.
M. Jirkov insiste sur l'apport étranger, arabe ou persan,
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 57
dans le vocabulaire turk et il distingue deux principes so-
ciaux sur lesquels repose toute langue la langue du peupleou langue vulgaire et la langue littéraire. H estime que la
littérature turke a toujours puisé sa langue, non pas dans
les rangs du peuple, mais parmi l'élite de la société. De là
cette affluence de mots arabes ou persans, lesquels s'écri-
vent autrementqu'ils ne se prononcent. C'est donc la con-
servation ou la transformation de cette situation que le
Congrès devra résoudre. Personnellement M. Jirkov pro-
pose d'essayer de passer à la.reproduction phonétique de
ces mots.
Confirmant les paroles du professeur Chtcherb en ce quiconcerne l'orthographe, M. Jirkov estime que l'ortho-
graphe a une grande importance en tant qu'institut social.
C'est pourquoi il la considère comme l'une des questionsessentielles que le Congrès aura à examiner.
M. Jirkov résume ensuite son rapport en turk tout en
s'excusant de ne pas posséder suffisamment cette langue.L'auditoire applaudit la déclaration du rapporteur.
Le co-rapport de M. Aga-Zade Farhad. Du co-rap-
port de M. Aga Zade Farhad se dégagent les points sui-
vants
!°Tous les mots qui constituent la langue turke, mots
arabes inclus, doivent être soumis à une règle orthogra-
phique unique;2° De tous les principes régissant l'orthographe, admis
dans les langues dites cultivées, les principes phonétiquessont ceux qui répondent le mieux à la tangue turke;
3"L'orthographe phonétique repose sur la prononcia-tion, c'est pourquoi il est nécessaire, après les observa-
tions faites sur les langues turkes, de dégager la structure
syllabique de la langue, les désinences des syllabes avec
REVUE DU MONDE MUSULMAN58
racines et dérivés, le rôle des voyelles et des consonnes, le
rôle dans l'harmonie des syllabes et des consonnes au
début, au milieu et à la fin des mots turks
4"Les mots arabes perdent de leur caractère phonétique
pour s'adapter à la phonétique turke;5"Des trois alphabets qui existent actuellement dans le
monde turko-tatare, le vieil alphabet arabe, tel qu'il est ne
répond pas aux nécessités de la phonétique épistolaire dela langue turke; l'alphabet arabe réformé donne incom-
plètement satisfaction le nouvel alphabet adopté en Azer-
beïdjan répond entièrement aux exigences de la phoné-tique épistolaire;
6. Sous ce rapport, le nouvel alphabet a ses avantagesTout d'abord, la possibilité de reproduire les nomspropreset les noms géographiques avec une grande lettre, laliaison des lettres entre elles, indispensable pour le grou-pement des mots simples ou composés le partage desmots en syllabes régulières pour le report à la ligne sui-
vante, la possibilité d'accentuer les voyelles dans les voca-
bulaires, ce qui permet aux enfants de lire et d'écrire cor-
rectement
y 11existe toute une série de conditions indispensables
pour établir l'orthographe phonétique d'après le nouvel
alphabet turk;8"Les mots européens, qui commencent à entrer dans la
littérature turke, sont soumis aux lois phonétiques de la
langue turke en observant ces conditions i
goPour établir une orthographe phonétique rationnellede la langue turke, il est indispensable de créer des diction-naires par groupes de langues dans les pays turko-tatares.Leur fusion donnera une idée générale de la lexicologieetde l'orthographe phonétique de tous les dialectes turko-
tatares.
BAKOU CENTRE D'UNE~ NOUVELLE CULTURE 59
Le co-rapport de M. Rahimi. M. Rahimi fait une
distinction entre les langues turkes, notamment l'uzbek,selon qu'elles sont parlées dans les villes ou dans les cam'
pagnes. H constate que dans les villes la langue uzbèke est
loin d'avoir conservé toute sa pureté en raison des nom-
breux mots étrangers tadjiks en particulier, alors que dans
les villages la langue est restée plus pure. Il constate l'in-
suffisance des lettres arabes pour rendre les sons de la
langue uzbèke, ce qui rend défectueux l'alphabet uzbek.
M. Rakhimi estime que la question relative à la réforme
de l'orthographe est intimement liée à la question de l'al.
phabet il ne croit pas qu'il soit possible d'adapter l'al-
phabet arabe à la question de l'orthographe qu'U faut lier
à celle de l'alphabet.M. Djabiev attire l'attention du Congrès sur la langue
employée dans les journaux il considère que la rapiditédes traductions nuit à la clarté de la langue turke, laquelle
manquant de mots rend un texte illisible il rappelle
qu'en raison du grand nombre de mots techniques exis-
tants il est difficile, sinon impossible, de les rendre avec
une terminologie locale. Il considère que les principes
adoptés sur la question de la terminologie résoudront 70 à
8o p. too du problème de la langue littéraire.
c) De l'évolution des langues et de la littérature turke.
Le rapport de M. Siefeldt sur les lois qui président àl'évolution des langues est d'entre tous le seul peut-êtrequi touche plus spécialement à la question doctrinaire. Au
point de vue marxiste, dit le rapporteur, la langue est lerésultat du développement de la société, conséquemment,elle est soumise aux mêmes lois que la société en tant
qu'unité économique. L'activité économique unit leshommes. Dans.cette activité, la langue sert de moyen deliaison technique entre les travailleurs. Et ce n'est queplus tard que la langue entre au service de toutes sortes deconstructions idéologiques en s'appuyant sur ces fonde-ments.
Chaque langue selon sa structure et selon la richesse deson vocabulaire répond à la structure du régime écono-
mique et social de l'une ou l'autre société. Chaque révolu-tion technique sociale et économique entraîne inévitable-ment une révolution de langage.
M. Siefeldt estime que l'âpre lutte pour l'existence s'ap-plique aussi aux langues; il en déduit que les langues quis'adaptent mal aux changements de conditions sociales
disparaissent, cédant la place à d'autres plus appropriées.Dans leur lutte pour l'existence, les langues qui sont trop
complexes dans leur structure, qui ont trop d'exceptionsdans leurs règles et qui sont trop pauvres en mots, ont
moins de chance à se maintenir à conditions égales.
BAKOUCENTRED'UNE NOUVELLECULTURE 6r
JI considère que dans les conditions où se construit le
socialisme, ce développement prodigieux doit être régle-menté par une force consciente, par des commissions ter-
minologiques d'État et autres organes scientifiques avec le
concours le plus large de la société.
Après avoir constaté que l'évolution des langues se pro-duit incessamment, qu'elle se produit d'une manière in-
consciente, irrésistible danschaque langue vivante, M. Sie.
feldt déclare que l'ancienne langue littéraire turke ne
répond plus aux besoins des conditions soviétiques:
Surchargéed'une énormequantitéde motsarabeset persans,ellen'estpluscompréhensibleauxmassesdes travailleurs,ellen'a pasde
règlesdéterminéespourtouteslesclassesdelasociété.
Parlant des essais de réforme tentés dans le domaine de
la langue littéraire turke, M. Siefeldt croit discerner plu-sieurs directions: les uns s'efforcent de conserver un maxi-
mum de mots arabes et persans, les autres d'introduire un
maximum de mots européens, d'autres veulent changerleur langue par la langue littéraire des Osmanlis de Cons-
tantinople, ou bien créer une langue littéraire communeà tous les Turks. 11en est enfin qui veulent rétablir dans
leur littérature, la langue parlée par le peuple. Il en déduit
que toutes les tendances, sauf la dernière, mènent à la sépa*ration des intellectuels d'avec les ouvriers et les paysans.
Demêmeque lasoliditédupouvoirsoviétiqueetlesuccèsdelacons.tructionsoviétiquesont intimementliés auproblèmede la soudureentrelavilleet lacampagne,la meilleurelanguelittéraireencemo-mentnepeut êtreque la languequiestleplus compréhensibleauxmassespaysannes.
Danscetteconjecture,ilestindispensablequepourlechoixduvoca-bulaireons'adresseavanttoutà la languedes;ouvriersetdespaysans.Etau casoù il manqueraitdetermesélémentairesdansla languedu
peuple,il seraittoujourspossibled'en emprunterà desdialecteset àdeslanguesapparentésayantdesloiscommunes.
PEYUE DU MONDE MUSULMAN6z
Le rapport du professeur Keprulu Zade. Dans son
intéressant rapport, le professeur Keprulu Zade examine
l'état du développement de la langue littéraire des peuplesturks. II signale que bien avant l'islamisation, la langueturke s'est scindée en plusieurs dialectes dont le nombre n'a
pu, vu l'état des connaissances actuelles, être encore fixé.
Il n'est pas douteux, ~oute-t-it,que parmi les Turks de
la période préislamique il existait des alphabets et, consé-
quemment, certains de cesdialectes peuvent être considérés
comme langues « littéraires ». Il admet donc que la languedes inscriptions de l'Orkhon est bien en quelque sorte une
langue littéraire parfaitement établie.
Mais en dehors de ces monuments épigraphiques le rap-
porteur affirme qu'il existe encore certains témoignages
permettant d'établir l'existence d'autres œuvres en langueturke remontant à l'époque sassanide.
On ne saurait,.dit-il, faire de déductions sérieuses surles
dialectes turks d'avant le ve siècle avec de simples infor-mations fragmentaires de source chinoise ou musulmane.
Ce n'est qu'en analysant, qu'en comparant le précieux ou-
vrage de Mahmoud Kachghari avec les autres sources lin-
guistiques et historiques qu'on peut arriver à déduire qu'àcette époquè il existait déjà deux langues littéraires turkes,l'une orientale, l'autre'occidentale.
Lapremière, la langue orientale, aurait été, selon le savant
professeur, le « hakanie » ou simplement le « turk » quidominait à Kachgar et dans la région et dont la ressem-
blanceétaitgrande avecles dialectes « tchiguine», « yagna»« argou « toqce », <: ôuïgour».
La deuxième, la langue occidentale, serait le « ogouz »
ayant quelque ressemblance avec le « kytak », le « emak»,le « petchenègue », le « balkare » et surtout le « kyptchak-emak ». Entre ces deux groupes de langues, dit le profes-seur Keprulu Zade,il y avait encore au v sièclede l'ère mu-
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 63
sulmane une grande différence. Ceci l'amène à énumérer
quelques travaux écrits en ces langues et publiés en Asie
Centrale c'est le Koutagdou Bilik, le Hebetoul hakaïk,le Divani Lugat, recueil de poésies, d'oeuvres religieuses,de proverbes et de maximes. Ce sont les œuvres d'Ahmed
Yassavi et de ses disciples, les poésies d'Ali réunies sous le
titre Yosuf et Zoleïkha et toute une série d'ouvrages écrits
à l'époque mongole en Asie centrale et jusque dans la
'région de la Horde d'Or. Peu après l'invasion mongole cet
idiome allait porter le nom de « djagatai ».
Vers le vn' siècle de l'ère musulmane l'idiome ouïgourà son tour, sous l'influence de facteurs historiques, sedivise en deux groupes de langues en ogouz oriental et en
ogouzoccidental.
L'ogouz oriental ou « azeri » commença à se constituer
à partir du vu" siècle de l'ère musulmane l'ogouz occiden-
tal, c'est-à-dire l'anatolien (osmanli),commença bien avant
l'invasion mongole à produire des œuvres littéraires. Pen.
dant huit siècles il a donné des œuvres scientifiques et lit-
téraires qui ne sont pas inférieures aux œuvres arabes ou
persanes.Le professeur Samoïlovitch croit à la possibilité d'élabo-
rer une langue [ittéraire unique et il considère que cette
unification est à la fois nécessaire et désirable. I) croit pos.sible cette fusion entre tous les peuples turks, exceptionfaite des Tchouvaches et des Yakoutes dont la langue dif-
fère considérablement des autres langues turkes.
M. Neimad Hakim combat la possibilité de constituerune langue littéraire unique pour tous les Turks. Cette opi-nion fut également partagée par At. 'Abidov.
M. Berdiev au contraire prétendit qu'il était prématuréde nier la possibilité d'unifier la langue turke.
Le professeur Guenko lit, au lieu et place de l'académicien
Marrempêché, un rapport surlesafnnités des langues turkeet japhétique.
REVUE DU MONDE MUSULMAN64
A la discussion qui suivit les rapports de MM. Poppe et
Guenko prirent part MM. Hamidov, Habiboullah Saadi,
Siefeldt, Chtcherb, Khalid Saïd, Mousaiev, Azarian et
Tchoban Zade.
Le co-rapport du professeur Achmarine sur l'étude des
~M~uMturkes affirme que les bases de la turkologie scien-
tifique furent jetées en Russie vers la fin du xixesiècle pardes savants allemands. Jusqu'à cette époque, dit M.Achma-
rine, l'étude des langues turkes avançait péniblement, seul
le turc osmanli était étudié pour des raisons pratiques. Le
premier monument réellement scientifique d'étude des tan-
gues turkes est l'ceuvre de l'académicien Betling qui publiaune grammaire yakoute. Ce fut la première pierre sur la-
quelle s'édifia la grammaire comparée des langues turkes.
Vingt ans après, des missionnaires russes de Sibérie
publiaient à Kazan une grammaire de langue altarenne.
Elle contient un essai d'explication logique de la syntaxeturke.
Mais l'homme qui a le plus fait pour l'étude des languesturkes serait, d'après le rapporteur, l'académicien Radlov
qui consacra sa vie à les étudier. Pendant les dernières
années de sa vie il porta toute son attention sur les anciens
dialectes. Son plus grand mérite est d'avoir édité un vaste
dictionnaire des dialectes turks, lequel en lexicographie
occupe une place dominante.
M.Achmarine citeégalement les travaux du savant danois
Thomsenqui en !8g3 trouva la clef des inscriptions runi-
ques turkes et ouvrit ainsi une nouvelle époque à la turko-
logie.Parmi les travaux plus récents, M. Achmarine cite les
œuvres de M.Katanov « Essai d'étude de la langue de l'Ou-
riankhaï » et la « Grammaire de la langue osmanli » faite
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 65
mu. 5
par M. Deny, professeur à l'École des langues orientales de
Paris. On y trouve un essai de développement des formes
variables des divers dialectess turks.
Récapitulant, le rapporteur signale les lacunes que pré-sente actuellement l'étude des dialectes turks
La phonétique des dialectes individuels, la morphologiedans la plupart des dialectes, les lignes individuelles de la
syntaxe n'ont pas été suffisamment étudiées en outre, les
facteurs psychologiques n'ont pas été pris en considération
bien que ces traits individuels jouent un grand rôle dans
les langues turkes.
D'autre part, la composition lexicologique de la plupartdes dialectes a été peu étudiée; des dictionnaires fort rudi-
mentaires existent pour les seuls dialectes des Bachkirs et
des Turkmènes.
Les œuvres d'inspiration populaire de beaucoup de
peuples turks n'ont pas été recueillies et étudiées. Le coté
musical du discours turk et les lois de la poésie turke ont
été peu examinés.
!I n'existerait jusqu'à présent aucun travail sur la gram-maire comparée des dialectes turks. Enfin l'ouralo-altaïen,
qui semble être la plus ancienne langue turke, est entière-
ment négligé.A la discussion de cet intéressant rapport prirent part
MM.Younoussov, Saadi, Neimad Haktm, Djanibekov, Sa-
bachkine, Omarov, Souleiev, Chtcherb, enfin M. Samoïlo-
vitch qui présenta sa conclusion.
d) La <~M<OMde l'alphabet turk.
La question de changer l'alphabet arabe dont se servent
les turks pour écrire leur langue, eh alphabet latin, a fait
l'objet de nombreux exposés suivis de discussions passion-nées. Le problème est d'importance si l'on songe que l'al-
phabet arabe avec lequel est écrit le Coran a acquis un
caractère sacré il suffisait de modifier légèrement une lettre
ou quelque signe pour amener d'innombrables scissions au
sein de l'Islam.
Si les Arabes, de par leurs conditions phonétiques, pou-vaient en principe limiter leur alphabet à des consonnes,les Turks ne pouvaient s'en accommoder, aussi les voit-on
recourir fréquemment à l'usage des voyelles.
Cependant le rêve des éléments novateurs du monde
turk était de renoncer complètement à l'alphabet arabe et
de le remplacer par des caractères latins plus faciles à ap-
prendre en même temps que pouvant rendre plus aisément
les nuances phonétiques de la langue turke. Pour la pre-mière fois cettequestion fut soulevéeen i863 par le célèbre
dramaturge azerbe'Mjanien Akhoun Zade et plus tard parle publiciste également azerbeïdjanien Chahtahtinski,
professeur de langue et de littérature persanes à l'Univer-
sité de Bakou. Depuis lors, des essais d'employer les carac-
tères latins ont été faits en Azerbeïdjan et les résultats ont
été plus que concluants. A Bakou fonctionne un comité
pour la propagation du nouvel alphabet turk en caractères
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 67
latins; des abécédaires, des manuels, un quotidien, lé
Yeni Yol (la Nouvelle Voie) publiés avec ces caractères,
témoignent de sonactivité. Par delà les frontières del'Union
soviétique en Perse et en Turquie, un mouvement sem-
blable se manifeste.
En Turquie notamment l'introduction officielle de l'al-
phabet latin ne semble plus être qu'une question de jours.
D'après la Pya~a Vostokade Tachkent (g-4) trois groupesà Constantinople se disputent l'avantage de faire triompherleur point de vue sur la question de l'alphabet. Les parti-sans du premier groupe, par la voix de l'a~M, proposent
simplement de limiter la réforme à une modification de
l'alphabet arabe telle que la suppression de quelques lettres,la simplification de l'orthographe, etc.
Le deuxième groupe dont les journaux Aqcham et
D~'oMMAoMn'e<sont le porte-parole insistent au contraire
sur'l'adoption du nouvel alphabet latin. Les partisans de
ce groupe considèrent que cet alphabet donnera la possibi-lité aux nouvellesgénérations de Turquie d'apprendre plusfacilement les langues étrangères dans le même temps,ilpermettra aux étrangers d'apprendre plus. rapidement la
langue turque. Cette réciprocité culturelle sera un moyende hâter le rapprochement entre la culture turque et la
civilisation européenne.A la tête de ce mouvement se trouve le président de la
Commission desaffaires étrangères du Parlement d'Angora,le député Choukri Kahia bey, lequel, pour des raisons tech-
niques dont la Pravda Vostoka fait un exposé, insiste
pour l'adoption du nouvel alphabet. Cependant il croitutile au préalable de soumettre la question à l'examen d'une
commission qui aura à se prononcer.Le troisième groupe dont les journaux Millet et Khalh
se font les défenseurs estime que les essais déjà faits sont
suffisamment concluants et qu'il faudrait dès maintenant
profiter de l'expérience démontrée au Congrèsde turkologie
REVUE DU MONDEMUSULMAN68
de Bakou pour introduire l'alphabet latin. Les partisans dece groupe proposent d'introduire lescaractères latins paral-lèlement avec les caractères arabes et de réimprimer encaractères latins les œuvres littéraires parues jusqu'à pré-sent en caractères arabes. Ce travail terminé, l'alphabetarabe disparaîtra de lui-même.
Ainsi engagée, la lutte entre ces trois tendances semble,de jour en jour, prendre plus d'ampleur. C'est que l'in-fluence du Congrès de Bakou commence à se faire sentir.
Le retour en Turquie des délégués ayant pris part au dit
Congrès est vivement attendu et les rapports qu'ils vont
présenter auront certainement quelque importance dans la
décision que le gouvernement sera amené à prendre. En
attendant, on annonce que certaines mesures sont envisa-
gées dans la voie des réformes de l'alphabet arabe et quetimbres et monnaies porteront désormais la désignation deleur valeur et du pays en turc, mais avec des caractèreslatins.
Ainsi, comme tout le faisait prévoir, le pivot du Con-
grès a été la réforme de l'alphabet arabe, celle de l'ortho-
graphe et la transformation de la terminologie turke.
Le rapport du professeur Yahovlev. La discussionsur le nouvel alphabet turk est ouverte à la séance du3 mars. Le professeur Yakovlev fait un exposé d'ensemblesur les principes régissant les alphabets. Il examine la
question au point de vue social et cultural dans ses rap-ports avec les conditions d'existence des peuples. Parlantde l'alphabet arabe, M. Yakovlev constate une régressionà la fois incessante et progressive dans les territoires à po-pulation musulmane. II souligne tout particulièrementl'absence presque complète de partisans de cet alphabetdans sa forme la plus pure. S'arrêtant sur les systèmes
BAKOUCENTRED'UNE NOUVELLECULTURE 69
d'écriture actuellement en usage parmi les peuples orieH-taux de l'Union soviétique, M. Yakoviev en cite trois tes
alphabets russe, latin et arabe. H signale la tendance decertains peuples de culture non musulmane, Turks ouFinnois qui jusqu'ici employaient l'alphabet russe, à re-courir à l'alphabet latin. Parmi les Turks on cite les
Yakoutes, parmi les Finnois, les Komi ou Zyrianes.En ce qui concerne le Caucase, l'introduction de l'al-
phabet latin se heurterait à des difficultés culturelles etsociates fort complexes. A ce sujet, le rapporteur fait unecurieuse constatation. C'est ainsi que les Ossètes, en
partie chrétiens, et les Tcherkesses musulmans envisagentdifféremment l'introduction de l'alphabet. Les Ossètes au-raient renoncé plus facilement à l'alphabet russe pourl'alphabet latin alors que parmi les Tcherkesses cette ques-tion n'a pas été sans soulever certaines difficultés.
D'après le professeur Yakovlev, la difnculté pour l'in-troduction de l'alphabet latin parmi les peuples musul-mans se complique du fait de la différencequi existe entreclasses sociales,.entre traditions et coutumes, en raison deslois du chariat et de l'adat, du degré de culture, etc. Il faitune gradation selon l'état individuel de culture des dîne-rentes nationalités turkes et il cite l'Azerbeïdjan comme
pays où l'alphabet latin a été introduit avant tout autre
pays turk»
En quelques mots, le professeur Yakovlevexplique pour-quoi l'alphabet russe ne peut être introduit dans la voiedes réformes sociales et culturelles. Ces explications ne
manquent point d'intérêt. Il dit
L'alphabetrusseest liéau pointdevuehistoriqueà la politiquederussificationet depropagandedesmissionnairesrussesdu tempsdutsar.Cènecirconstancea étési peugoûtéedespeuplesallogènes.quetorsdelacréationd'unsystèmed'écriturenationaleIlsn'ontpasvouluaccepterl'alphabetrusse.Bienmieux,ceuxqui l'avaientdéjàacceptél'ontrejeté.
REVUE DU MONDE MUSULMAN70
Plusieurs co-rapports touchant à la question de l'alphabetfurent présentés à la suite du rapport de M. Yakovlev, Les
/p~a deMoscou(5-3)citent les co-rapports deMM.Mamed
Zade, Jirkov, Charafov de Kazan, Aliev du Caucase du
Nord, Turakoulov, Alparov, etc.
Le co-rapport de M. Mamed Zade. M. Mamed Zade,
délégué d'Azerbeïdjan, a fait une apologie du nouvel al-
phabet il a affirmé que sur tout le territoire de l'Union
et à l'étranger les peuples tùrko-tatares s'efforcent de se li-
bérer de l'alphabet arabe. Beaucoup de ces peuples, dit-il,notamment les Azerbeïdj'aniens, les peuples du Nord du
Caucase, les Yakoutes ont accepté le nouvel alphabet turkà la base duquel se trouvent les caractères latins. Lesautres
peuples, Turkmènes, Uzbeks, Bachkirs, Turcs d'Ana-
'tolie, sont en voie de se libérer de l'ancien alphabet arabe
pour adopter l'alphabet latin. Ce mouvement rénovateur,
ajoute-t-il, a été favorisé par la révolution d'octobre. (/~M-tia, 5-3, et Pravda, 5.3.~
M. Mamed Zade discerne deux courants bien distinctsdans la question de l'alphabet turk les uns sont partisansd'une réforme de l'alphabet arabe; les'autres sont pour un
changement et pour l'adoption du nouvel alphabet turkavec caractères latins pour base.
Les deux camps sont cependant d'accord pour recon-naître que les caractères arabes ne répondent pas à la pho-nétique des peuples turko-tatares ainsi que la difficulté quereprésente l'alphabet arabe avec son système de signes etde points sur les lettres et sous les lettres. Cette difncultéest un obstacle à la liquidation des illettrés.
Les « réformistes », poursuit le rapporteur, ont présentéun projet d'alphabet basé sur l'ancien, mais où le corps delettres ne compterait que deux façons de les représenter au
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 7'
lieu de quatre, tout en sacrifiant quelques'caractères et le
système des points.Les partisans du nouvel alphabet turk, dit M. Mamed
Zade, ont renoncé au système arabe pour adopter comme
base les caractères latins. Ils ont ainsi obtenu un nouvel
alphabet turk possédant un nombre suffisant de voyelles
pour les besoins des Turko-Tatares et dont le système des
points et des signes diacritiques a été supprimé. On est
également arrivé à un système d'écriture allant de droite à
gauche, particularité qui « peut disposer les larges masses
turkes envers la culture européenne et à annoter la mu-
sique. Enfin, le nombre de lettres a été ramené de tzo à
33, et tandis que )a connaissance de l'alphabet arabe et de
la lecture exige de 6 à 8 mois au minimum, le nouvel
alphabet turk ne demande que 3 ou 4 mois. On com-
prend, dit le rapporteur, l'intérêt que présente ce chan-
gement d'alphabet pour des millions de Turks dont les
90 p. 100sontitlettrés.Lenouvelalphabet.ajoute-t-it.adéjàfait ses preuves depuis trois ans, dans la république d'Azer-
beïdjan, et déjà le journal Yeni Yol, publié en nouveaux
caractères, compte 6.000 abonnés. Grâce à ce nouvel al-
phabet il a été possible de liquider l'ignorance parmi
70.000 ouvriers ou soldats de l'armée rouge, de plus, ledit
alphabet a été introduit dans tes écoles primaires où il
donne de brillants résultats. On estime que l'initiation est
de 70 à 80 p. too plus rapide que pour les caractères
arabes.
Le professeur Jirkov estime que lespeuples turks, comme
tant d'autres de l'Union soviétique, sont entrés dans une
époque de renaissance, plus exactement « vivent le prin-
temps de leur culture nationale et qu'ils désirentavoir un
alphabet qui soit à la hauteur de la technique contempo-'raine et de l'industrie polygraphique.
Faisant un parallèle entre les alphabets arabe et latin,
M. Jirkov estime que tout est à l'avantage de l'alphabet la-
REVUEDU MONDEMUSULMAN72
tin, lequel est facile à lire, à reproduire et à apprendre. Ces
raisons et bien d'autres prêchent en faveur duchangementde l'alphabet arabe, c'est pourquoi M. Jirkov estime qu'ilne faut pas se borner à simplifierquelques caractères comme
le proposent certains orientalistes, mais qu'il faut changertout le système.
r. -L'opposition de M. Charafov contre l'introductionde l'alphabet latin.
La délégation du Tataristan, qui dans son ensemble esthostile à l'introduction de l'alphabet latin, a, par la voixdeM. Charafov, fait une déclaration d'un grand intérêt.
Répondant aux questions qui lui furent posées pendantla lecture de son rapport, M. Charafov oppose son point devue aux partisans de l'alphabet latin. Il attaque les pro-fesseurs Jirkov et Yakovlev ainsi que les délégués d'Azer-
beYdjanet, tout en reconnaissant que ce pays possède le
plus grand nombre d'intellectuels, i! conteste leur autoritén'étant pas sortis du peuple des campagnes ou des villes.Par contre, il déclare qu'en Tataristan presque tous les in-
tellectuels sont de .modesteorigine, presque tous sortent dela masse paysanne.
L'orateur paraît sceptique en ce qui concerne les essaisde réforme de l'alphabet tentés en Azerbeïdjan. Il est con-
vaincu que rien de satisfaisant. « ne sortira de cet essai'»et il prévoit qu'il faudra un jour revenir à l'ancien systèmearabe. H propose de conserver le dit alphabet, auquel cer-
taines modifications pourraient être apportées, mais qui,en somme, lui parait supérieur à l'alphabet latin.
Prenant la parole, M. Turakoulov, délégué de Kazaks-
tan, rappelle que tous les orateurs hostiles à la latinisation
de~l'alphabettels que MM.Alparov,Alimdjan Charafov,etc.,n'ont rien donné de précis dans leur argumentation. Il con-
REVUE DU MONDE MUSULMAN74
sidère que les procédés de M. Charafov à un Congrès scien-
tifique tel que le t" Congrès de turkologie lui parais-saient déplacés. L'exemple du Japon qu'on a cité comme
ayant conservé son système d'écriture ne lui semble pasconvaincant. La nouvelle écriture tatare, chef-d'œuvre des
réformistes, contient de nombreuses lacunes, particulièresà l'alphabet arabe elle reste toujours difficile à lire, elle
est peu pratique au point de vue technique. C'est ainsi
que dans le temps où un ouvrier assemble 7.000 carac-
tères du nouvel alphabet turk, il arrive difficilement ras-
sembler 4.5oo caractères de l'alphabet réformé.
M. OmarAliev, délégué du Caucase du Nord, lui suc-
cède. A son tour, il réfute les déductions de M. Charafov.
Il conteste à ce dernier l'autorité des quarante étudiants
qui avec lui ont étudié la question de l'alphabet et quicroient à la supériorité de l'alphabet arabe. M. OmarAliev
base ses arguments sur les principes scientifiques qui ont
fait depuis longtemps reconnaître la supériorité de l'al-
phabet latin sur l'alphabet arabe dans le problème de la
fixation de la langue turke. L'orateur cite une série de
.principes adoptés par les partisans de la latinisation de
l'écriture. Il insiste notamment sur le côté international
de l'alphabet latin, sur son emploi en Europe occidentale,en Amérique, en Australie et, parmi les peuples frères,
parmi les Yakoutes, les Hongrois, les Albanais, lesTcher-
kesses de Turquie, les Ossètes et par les gens cultivés de
Turquie, de l'Inde, de l'Égypte, du Maroc.
L'orateur ne croit pas que l'adoption de l'alphabet latin
mette obstacle, ainsi que l'a déclaré M. Charafov, aux re-
lations entre les républiques musulmanes de l'Union et
l'Afghanistan, la Chine et autres pays limitrophes. Il con-
clut en disant que ce n'est pas en Chine ni en Perse, qu'ilfaut aller chercher des exemples.
Le professeur Jirkov réfute les arguments de M. Cha-
rafov il insiste sur la nécessité d'introduire l'alphabet
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 75
latin qui a fait ses preuves en Azerbeïdjan. Il déclare qu'ila tout lieu de croire que cet essai aura du succès. Il se
défend de prêcher l'exclusion de l'alphabet arabe, mais
il propose simplement l'introduction de l'alphabet latin.
Le professeur Yakovlevexamine à sontour les argumentsde M. Charafov e.t il les trouve superficiels. Il s'étonne de
voir M. Charafov s'attaquer à sa personne et à celle de son
collègue le professeur Jirkov qu'il accuse d'être des agentssecrets de russification. Il sejustifie en indiquant son acti-
vité parmi les peuples du Nord du Caucase. Il rappelle que
voyant l'impossibilité de conserver l'alphabet russe intro-
duit de force parmi lespeuples de cette région, sans égards
pour leurs sentiments nationaux, il avait fait adopter l'al-
phabet latin.
L'orateur rappelle encore que les Bachkirs viennent
d'adopter l'alphabet latin malgré la similitude de culture
avec les Tatares et en conclut que malgré la proximité du
grand centre culturel de Kazan, qui, de tout temps, a jouéun rôle prépondérant parmi les Bachkirs, il n'a pu rete-
nirsous son influence culturelle un territoire si près de
lui.
L'orateur estime que les peuples qui se déclarent auto-
nomes sont fréquemment obligés d'accepter l'alphabetlatin comme étant un appareil neutre et pouvant le mieux
aider à l'autodétermination nationale..
L'orateur conclut en faisant remarquer que malgré le
décret de 1923 du Commissariat de l'Instruction publiquedu Tataristan au sujet de la réforme de l'alphabet arabe
rien n'a été fait jusqu'à présent dans cette voie.
2. Des méthodes af~M~l'enseignement de la languematernelle et la question scolaire.
Élargissant le débat sur l'orthographe, le professeurChtcherb parle des méthodes d'enseignement de la languematernelle il signale deux méthodes, couramment em-
ployées dans l'étude des langues la méthode phonétique et
le système des mots entiers ou méthode dite américaine.
M. Chtcherb suggèreque l'étude de la langue maternelle
sera d'autant plus productive selon que les professeursauront fait leurs études dans des écolespédagogiques supé-rieures ou dans des écoles secondaires.
Quant à l'étude simultanée de deux langues, M.Chtcherb
n'y voit aucun inconvénient il croit au contraire que le
fait d'apprendre deux langues contribuera à développer
l'intelligence des élèveset leur donnera des connaissances
plus approfondies des deux langues. D'autre part, M. Cht-
cherb croit utile de commencerl'étude de la littérature popu-laire dans les écoles primaires, mais les manuels d'histoire
de la littérature doivent contenir des notions de littérature
étrangère.A leur tour, MM. Limanov (Crimée) et Efendi Zade
(Azerbe'fdjan)présentent au Congrès des rapports sur la
méthode de l'enseignement des langues des Turks méri-dionaux.
M. Efendi Zade donne un aperçu de la question scolaireet de son développement en Azerbeïdjan. H rappelle que
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 77
jusqu'au xxe siècle, les Turks méridionaux, ceux d'Azer-
be'idjan notamment, ne possédaient point d'écoles seules,fonctionnaient des écoles fondées du temps de la conquêtearabe et des écoles confessionnelles dirigées par le clergéoù l'on apprenait le persan.
A partir de 1828,dit le rapporteur, c'est-à-dire du tempsde la conquête russe, des écoles sont créées enAzerbeïdjan,des écoles russes évidemment, mais elles ne donnentd'autres résultats « que de fournir des cadres de traduc-teurs pour le gouvernement russe.
Le rapporteur parle de l'ouverture d'une école normaleen Transcaucasie, à laquelle une section « tatare fut
adjointe et en 1882avait lieu la première promotion.Le rapporteur suit pas à pas le développement de la
question scolaire parmi les peuples turks de Transcaucasie
jusqu'en 1906, lorsque la première fois fut convoquée une.conférence d'instituteurs. C'est à cette époque que parurentquelques manuels scolaires (Birindji Il, Ikintchi Il et Out.
chindji Il). L'année d'après, en 1007, des cours pédagogi-ques sont créés à Bakou.
Le rapporteur parle ensuite du développement du réseauscolaire de :Q!7 à 1920 et il conclut que la véritable
langue maternelle, la véritable école des peuples turks n'aréellement existé que depuis l'établissement du pouvoirsoviétique en Azerbeïdjan.
Les dernières séances du Congrès furent consacrées aux
rapporte de l'académicien russe Oldenburg, sur les « mé-thodes de travail parmi les peuples turks du professeurKeprulu Zade de Constantinople, du professeur allemand,M. Menzel,sur les « résultats et sur les « perspectives del'étude de la littérature despeuples turks », de M.P avlovitch,orientaliste russe, sur les « derniers progrès des peuplesturks ».
Le professeur allemand Menzel attira l'attention du
Congrès sur le côté artistique des caractères arabes. 11con-
REVUE DU MONDE MUSULMAN78
sidéré que l'alphabet arabe est intimement lié à l'histoire
de l'art musulman où la calligraphie est l'un des éléments
indispensables des arabesques,des miniatures, de l'architec-
ture, etc.
Le professeur Keprulu Zade fit remarquer que les insti-
tuteurs de Turquie sechargent d'apprendre àécrire en turc
d'après le nouvel alphabet en moins de temps qu'il ne faut
pour apprendre à écrire en'français.M. Inogamov, délégué d'Uzbekistan proteste contre le
manque de clarté de la déclaration faite par le délégué du
Tataristan, M. Charafov, dans la question de l'alphabet.Le représentant de la république des Kalmouks, M. Kos-
syiev. déclara que ses concitoyens étaient prêts à laisser
leur alphabet basé sur le principe de l'écriture russe, tropimparfait, pour adopter celui des Turko-Tatares, l'alphabetlatin.
M. Korkmassov, représentant du Daghestan, défend
l'alphabet latin comme instrument de culture et de tech.
nique.
Il fautquenousprenionsdesmainsdel'ennemiquinousexploitecetoutil,il fautquenous l'arrachionsdes mainsde l'impérialisme,ducapitalisme.
A~Agamali Ogly répond aux délégués de Kazan qui se
montrent hostiles à l'alphabet latin, alléguant la perte de
5oo ans de littérature il les assure de l'avantage qu'ilstrouveront en adoptant l'alphabet latin.
!V. LA CLOTUREDU CONGRÈS.
a) Motions et discours.
A la fin de la discussion sur la question de l'alphabet la
resolution suivante fut adoptée par les délégations d'Azer-
beïdjan, d'Uzbekistan, du Kirghizistan, du Daghestan, du
Bachkiristan, du Tur~menistan, de Yakoutie, de toutes
les régions et républiques autonomes du nord du Caucase
et de Transcaucasie.
f Après avoir constaté l'avantage de fa supériorité tech-
nique du nouvel alphabet turk par rapport à l'alphabetarabe et arabe réformé ainsi que l'importance toujourscroissante du nouvel alphabet dans le domaine culturel et
historique, le Congrès estime que l'introduction du nouvel
alphabet et la méthode de son application dans les régionset républiques turko-tatares relèvent de la compétence de
de chacune de ces unités soviétiques2" Le Congrès constate également l'extrême importance
que présente l'introduction du nouvel alphabet turk
(caractères latins) en Azerbeïdjan et dans quelques autres
régions et républiques. Le Congrès engage les peuplesturko-tatares à se familiariser avec l'expérience et les
méthodes d'enseignement du nouvel alphabet en Azerbeïd-
jan et dans les autres républiques en vue de son applicationultérieure chezeux.
REVUE DU MONDE MUSULMAN8o
Cette motion fut adoptée par t0; voix contre 7, dont 6
abstentions sur ce nombre, 95 Musulmans et 6 Russes.
Parlant de la décision prise par le Congrès en ce quiconcerne l'utilisation des caractères latins pour les langues
turkes, M. Pavlovitch, président de l'Association scienti-
fique des Orientalistes de l'Union, estime que cette décision
peut être considérée comme l'étape la plus importante en
même temps que l'une des pages les plus glorieuses de
l'histoire du développement culturel des peuples turko-
tatares.
Ladécisiondu Congrèsa produitl'effetd'unglas funèbresurl'an-cienalphabetarabequepersonnen'a défenduau Congrès.L'alphabetlatin,quia déjàtriomphéen Azerbeidjan,Yakoutie,TchetchniaKa-
ratcha,Ossétieet dansquelquesautresrégionsnord-caucasiennesva
poursuivresa marchevictorieusedanstouteslesrégionsetrépubliquestarko'Mtaresde l'Unionsoviétique.
M. Pavlovitch estime que la disparition de l'alphabet
arabe, qu'il soit ancien ou réformé, n'est plus qu'une ques-tion de temps. (/~es~:a, 7-3-26.)
Le Congrès adopte ensuite une série de résolutions rela-
tives aux rapports exposés. En ce qui concerne l'étude des
langues turkes, le Congrès a reconnu comme étant d'une
utilité immédiate, la publication de grammaires et de dic-
tionnaires scientifiques de turk; la création d'une gram-maire historique et comparative, ainsi qu'une étymologie
comparée et une classification des langues turkes et des
dialectes.
Le Congrès conçoit, d'autre part, l'organisation de tra-
vaux turkologiques sur les bases d'un travail collectif, sur
une échelle internationale et d'après un plan déterminé. 11
adopte ensuite une proposition tendant à créer sur placedes Comités de turkologie avec charge de recueillir tous les
matériaux faisant partie de ce domaine et de publier une
liste de tout ce qui a paru, y compris les manuscrits locaux
avec une étude des dialectes et des idiomes locaux.
'BAKOUCENTRED'UNENOUVELLECULTURE
Après avoir adopté cet ensemble de résolutions, le poèteazerbeïdjanien Salman Mountov complimente le Congrèset lui fait présent des oeuvres du poète azerbeïdjanienChirvani Seïd Nesimi qui vivait il y a quelque six centsans.
Le délégué de,la République d'Uzbekistan, M. Rahim,remercie les organisateurs du Congrès de turkologie et fait
présent au président du Comité exécutif de la Républiqued'Azerbeïdjan, Agamali Ogly, d'un khalat d'honneur de
Boukhara.
Des khalats boukhares sont également offerts au prési-dent du Conseil des commissaires d'Azerbeïdjan. Moussa-
bekov, au commissaire à l'Instruction publique Kouliev,aux membres de la Commission d'organisation du Con-
grès, MM. Mamed Zade et Djabiev, par M. Inogamov, dé-
légué d'Uzbekistan.
Au nom de la délégation d'Azerbeïdjan, M. Djabiev dé-
clare que la convocation du Congrès de turkologie au-
rait dû revenir de droit à la République d'Uzbekistan. Mais
-une nécessité immédiate et quelques autres considérations
ont demandé sa convocation à Bakou. Cependant, en ou-
vrant le dit Congrès à Bakou, M. Djabiev ne croit pas que
l'Azerbeïdjan ait voulu jouer un rôle dominant, c'est pour.
quoi il propose que le prochain Congrès de turkologie soit
convoqué à Samarkande.
Cette proposition fut également acceptée par le Congrès
qui, avant de se séparer, exprima le désir de voir s'ouvrir
le dit Congrès à Samarkande dans un délai maximum de
deux ans.
Dans le discours de clôture prononcé à la séance du
6 mars, M. Agamali Ogly a rappelé que l'idée d'organiserun Congrès, non pas de turkologie, mais des peuples de
l'Orient pour la solution de certains problèmes culturels,notamment de l'alphabet et de la question de la langue, avaitété envisagée du temps de M. Narimanov. Cette idée fit
Lxn). 6
REVUE DU MONDE MUSULMAN82
germer ensuite celle de la convocation d'un Congrès de
turkologie. J'estime, dit-il, que la grande révolution d'oc-
tobre a eu pour résultat de déclancher dans le mondeturko-
tatare en Orient deux grandes révolutions. L'une de ces
révolutions a eu lieu dans la Turquie d'Angora, lorsque les
Turcs d'Anatolie se sont débarrassés des sultans et deskha-
lifes la deuxième a eu lieu en Azerbeidjan c'est celle quia créé le nouvel alphabet dont l'acceptation est liée à l'en-
trée des peuples turko-tatares dans le giron culturel del'humanité progressiste. Il conclut
L'idéed'organiserun Congrèsde turkoiogiea étéengendréeparlaviemêmedes peuplesturko-tatares.Le succèsde leur réveilest pal-pable.Vivel'unionde touslestravailleursdu monde Vtvela In-ternationale(Les assistantsse lèventet entonnentl'Internationale.)(/~<MtM,g-3,et BakinskiRabotchi,9-3.)
Le discours de M.Agamali Ogly fut suivi d'une allocu-tion prononcée par le professeur Ali bek Hussein Zade de
Constantinople, publiée dans les /~M<:a de Moscou (g'3)ainsi conçue
LeCongrèsde turkologiea résolubeaucoupdequestionsaussibiendansledomainepublicet historiquedesTurksquedansceluide l'hu-manité.Ence qui concernel'alphabet,je suispartisand'unerévolu-tion radicale.Unavenirprochaindira quelleorientationprendralaquestionde l'alphabetenTurquiemême.
b) Décret c< ~waK~Md'introduction de l'alphabet latin.
Comme suite à la décision du Congrès de Bakou, Ie,pré-sidium du Comité exécutif central de Transcaucasie sié-
geant à Tiflis décrétait hâtivement que l'emploi du nouvel
alphabet turk avec caractères latins serait obligatoire dans
les administrations intéressées de la République au même
titre que l'alphabet arabe.Au cours d'une réunion d'instituteurs indigènes orga-
nisée à Samarkande le a~ avril dernier, une motion a été
présentée demandant l'introduction de l'alphabet latin au
lieu de l'alphabet arabe dans la République d'Uzbekistan.
La Commission scientifique près la section de l'Ensei-
gnement, à Pichpek (Kirghizistan) élabore un plan d'in-
troduction de l'alphabet latin dans les écoles de la Répu-
blique. Les essais déjà faits auraient donné des résultats
favorables, (Pravda Vostoka,29.4.)D'autre part, la Zaria Vostoka (22-4)annonce que les
professeurs de l'Université de Bakou, MM. Achmarine,Tchoban Zade et Bassonov se proposent de faire une
tournée scientifique dans la région de Gandja et du Kara-
bagh l'été de' tgz6, pour y étudier les différents dialectes.Le but final est la création d'un dictionnaire de langue po-putaire turke sous la rédaction du professeur Achmarine.
La publication de cedictionnaire qui demande trois ansde
travail auraitpour but, d'après l'organe soviétique, de faci-liter aux masses la lecture des œuvres littéraires.
V. LA PORTÉEPOLITIQUBDU CONGRÈS.
L'initiative d'organiser un Congrès de turkologie sem-
blerait avoir été prise par le Gouvernement des Soviets en
présence du mouvement qui depuis quelque temps se des-
sinait parmi les Turks en faveur de la réforme de l'al-
phabet arabe. Il n'est pas douteux qu'en hâtant ce mouve-
ment, en prenant en main sa direction, les Soviets aienteu en vue sa répercussion politique. Et l'on doit recon-
naître que le but a été atteint et que l'audacieuse initiative
des Soviets a d'autant relevé leur prestige aux yeux des
peuples turko-musulmans dans la question de la transfor-mation de l'alphabet. Par cet acte les Soviets ont devancé
lesprojets des Turcs d'Anatolie qui eux aussi envisagent de-puis quelque temps l'adoption de l'alphabet latin dontl'initiative aurait donné à la Turquie une place de premierplan dans le domaine intellectuel politique des peuples derace turke. Cette priorité à laquelle aspire la Turquie est
énergfquement soutenue par certains éléments émigrés no-tamment par les tatares de Kazan actuellement en Tur-
quie. Dans un article publié dans l'organe pantouranienTurk-Yourdi de janvier 1926,M. Ayaz Ishaki, intellectueltatare de Kazan, se demandait s'il ne serait pas possible decréer une langue supérieure, commune à tous les Turks.Sortant peu après du domaine essentiellement scientifique,il allait jusqu'à préconiser une culture, une orientation
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 85
communes pour les peuples turko-tatares. Pour obtenir ce
résultat, M. Ayaz Ishaki parlait de la nécessité d'unifier la
langue, ce qui laissait supposer le transfert du centre scien-
tifique et intellectuel du turkisme à Angora,Sivas ou prxe-
roum, c'est-à-dire le plus près possibledes frontières orien-
tales d'Anatolie dans le voisinage immédiatde l'Azerbeïdjanet du Turkestan.
En reconnaissant à la Turquie une priorité politiquesur les autres pays turks, en tant qu'État, indépendant,M. Ishaki suggérait que ce pays devait prendre en main les
intérêts des peuples turks dans leur entier aussi bien devant
la S. D. N. que devant l'opinion publique européenne; à
ce titre elle doit veiller à ce que les minorités turkes dans
les autres pays ne soient pas privées de leurs droits. Ce
dernier point donna lieu à de vives discussions dans la
presse turke.
Cependant, tandis que les émigrés turko-tatares des paysde l'Union prêtaient à la Turquie une sorte de prédomi-nance morale et politique sur le monde touranien, les
Soviets convoquaient le Congrès de turkologie de Bakou
auquel viennent assister des savants et des intellectuels de
Turquie. C'est dire l'importance politique de ce Congrès
qui s'est ouvert sur le territoire de l'Union en présence des
délégués d'au moins vingt-cinq millions de Turks sur les-
quels huit millions seulement sont anatoliens.
Le centre intellectuel du turkisme s'est donc trouvé hors
des frontières d'Anatolie. Provisoirement il a été fixédans
l'une des républiques soviétiques en Azerbeïdjan, mais il a
toute facilité pour sedéplacer, car le pays turk est vaste: le
Turkestan, l'Altaï, les steppes kirghiz-kazaks, la Crimée,
l'Azerbeïdjan, le Daghestan, la Bachkirie, le Tataristan,
voilà des pays turks par excellence en tous points qualifiés
pour parler au nom du turkisme. C'est bien ainsi que le'e
Gouvernement de Moscou l'entendait lorsqu'il prit l'initia-
tive du Congrès. Ces peuples turks ne formaient-ils point
REVUEDU MONDEMUSULMAN86
une majorité écrasante dans leurs propres pays aujourd'huiautonomes? De quels soins les Soviets ne les entourent-ils
pas? N'ont-ils point la faculté de quitter l'Union s'ils ledésirent et, s'ils hésitent, c'est que vraisemblablement ilsse sentent bien sous le régime soviétique qui les comble de
favèurs, qui met à leur disposition une dizaine de savants
pour réorganiser leur langue, pour activer la réforme deleurs alphabets,? Cettepolitique turke purement extérieurene saurait s'appliquer à l'intérieur de l'Union.
Le mouvement panturkiste culturel dont les Soviets ont
pris l'initiative à l'intérieur est une arme offensive contretout mouvement panturkiste venant de l'extérieur, cesdeuxforces dans l'esprit des Soviets devant s'annihiler, que si
jamais l'une d'elle devenait menaçante, les bolcheviks sau-raient lui opposer une,nouve!le force.
En attendant, voici quelques déclarations de personna-lités qualinées ayant pris part au Congrès, sur la portéepolitique de cet acte.
L'influence de ce Congrès, dit l'orientaliste M. Pavlovitchdans le Bakinski Rabotchi, se fera sentir non seulement surles peuples turko-tatares de l'Union et des pays limitro-
phes en Orient, mais encore sur tous les peuples opprimésdu continent asiatique et du Nord-africain.
Ce Congrèsestled~butd'une grandeoffensive,d'uneattaquedesmassesréveilléesturko-tatarescontrelesGibraltaret lesSingapourdel'ignorancequisousformedel'ancienalphabetarabe,d'uneorthogra-phedépourvuedesens,d'uneterminologieidioteetautresfilsbarbelés,empêchaientle développementde l'enseignementde la cultureparmilesmassespopulairesdel'Orientsoviétique.
Après avoir énuméré les principaux représentants dumonde turkologique de l'Union et de l'étranger prenantpart au Congrès, parlé des travailleurs plus modestes, sor.tis du peuple, M. Pavlovitch déclare que seule l'Union
Soviétique pouvait voir se réunir un tel congrès, car
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE S7
NIlaFrance,ni l'Angleterre,nitouteautrepuissancecapitalisten'au-rait puautoriserla convocationd'unpareilCongrèsdans sesposses-sions.
Ainsi la convocation de ce Congrès serait la meilleure
preuve de la grandeur des principes sur la politique desnationalités du pouvoir soviétique.
Lors d'une réception organisée en l'honneur des savants
étrangers, le professeur Keprulu Zadé, de Constantinople,déclara que la portée politique du Congrès de turkologiepour tout l'Orient et pour le monde scientifique est consi-
dérable -ilparla de l'amitié qui unit la Turquie à l'Union
soviétique et qui a eù pour premier résultat de faire colla-borer les deux pays dans le domaine scientifique et cul-turel.
En réponse à cette allocution, le président du Comitéexécutif d'Azerbeîdjan, Agamali Ogly, proposa de boire à lasanté du « chef révolutionnaire de la nouvelle Turquie,Mustafa Kemal.
Un autre représentant des Turcs d'Anatolie, M. Ali Bek
Hussein Zadé, prononça une allocution dans laquelle il rap-pela quelques épisodes de sa vie, alors qu'il était étudiantà Saint-Pétersbourg, et sur celle d'un frère de Lénine.
A son tour, le professeur hongrois Meszarosprononçaitl'allocution suivante publiée dans les ~M<t'a de Moscou
(9-3).-
LeCongrèsestunepreuveirréfutableduréveilde trentemillionsdeTurko-Tararesdel'Union. Je suis convaincuquele réveilde cettemasseaurauneinfluenceconsidérablesurie réveildesautrespeuplesturkset ouralo-altaïenshabitantaudelàdes frontièressoviétiques.Etcetteénormemassemarchantdans lavoie dela civilisationseraunfacteurimportantdans laquestiondu développementde la civilisa-tioninternationaleet mondiale.
D'autre part, l'organe soviétique de Tiflis, la Zaria Vos-<o~a(<t et 14-3) publie quelques déclarations faites par
REVUE DU MONDE MUSULMAN88
certains congressistes de marque au correspondant de ce
journal à Bakou.
Le docteur Paul Wittek, turkologue autrichien, exprime
ainsi son opinion
tt est évident que le nouvel alphabet répond aux nécessités actuelles
dans la vie des peuples turko-tatares; il écarte les difficultés liées à
l'alphabet arabe; de plus, le nouvel alphabet aura te mérite de rappro-cher les masses turkes de la culture internationale et, par cela même, il
sera un facteur de culture pour l'humanité.
En terminant, le docteur Paul Wittek ajoute que le Con-
grès a rétabli le lien brisé par la révolution entre les turko-
logues de l'Union et ceux d'Occident.
J'exprime le désir que l'histoire régionale devienne plus animée, quetoutes les administrations comprennent leurs obligations en prêtantleur appui à l'organisation de noyaux inférieurs d'histoire régionaie.
Acad. OLDENBOUM.
Les projets existants d'alphabet latin adapté aux différents dialectes
turks présentent entre eux une différence sensible. !t convient désor-
mais de prendre des mesures pour harmoniser ces projets et pour éta-
blir sur leurs primitifs alphabets un alphabet plus perfectionné quideviendrait commun à tous les Turks.
Prof. SAMOtLOVTfCH.
J'espère que les travaux futurs sur l'histoire et la littérature turkes
dont les bases ont été aujourd'hui jetées dans tous les coins du monde
turk donneront dans un avenir prochain des résultats fructueux.
Prof. K6PRULUZADE.
C'est pour moi d'un grand intérêt que d'avoir pu observer lessuccès en même temps que les progrès de la turkologie qui se sontmanifestés au Congrès. J'espère que ce Congrès historique aura pourrésultat de faire de Bakou un grand centre culturel pour les nationa-lités turkes.
Dr. RADEBOLD(Berlin).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 89
Le Congrès a été un tournant dans l'histoire culturelle des peuplesturks. Les arabisants et les latinisants ont trsvaiDé à une affaire com-
mune ils ont marché vers un but commun, c'est-à-dire qu'ils ont
voulu se défaire des défauts de l'ancien alphabet arabe.
Prof. JtRKOY.
Par sa résolution, le Congrès a poséies bases du développement cul-
turel des républiques à population turke. En se développant, ces répu-
bliques, semblables à des fleuves, portent leurs aspirations dans l'océan
commun de poésie et de science des peuples, libérés pour la premièrefois de l'oppression des classes et des nationalités.
Prof. PAVLOVITCH.
Avant de conclure, il n'est pas sans intérêt de signaler le
jugement quelque peu sévère d'un émigré kirghize, actuel-
lement à Paris, M. Mustapha Tchokaiev, homme politiqueen même temps que publiciste. Dans l'organe démocra-
tique russe de Paris, les Posliednia ~o~o~: (~-5), M. Tcho-
kaiev écrit
Le Congrès de turkologie de Bakou vient de prendre fin. A côté de
quelques noms universellement connus par leur valeur scientifique on
constate la présence de profanes à peine lettrés, pour ne pas dire igno-
rants, et dont l'unique bagage est limité &la connaissance de quelques
aphorismes empruntés aux sommités communistes. Cette dernière ca-
tégorie a fait perdre au Congrès toute sa valeur scientifique. D'autre
part, l'abstention des professeurs turcs d'Anatolie, lors du vote de la
résolution sur la question de l'alphabet, a porté un énorme préjudice A
l'autorité de la dite résolution aux yeux des peuples turks. Cette cir-
constance fait considérer le Congrès de turkologie comme une « fan-
taisie de Moscou (t) ».
()) DeTiflis (26-V.26)on annonce )a publication du premier numéro du
journal mensuel illustré DoH/Mw, en turk, mais en caractères latins.Ce journal est publié par les soins du Comité chargé de l'application du
nouvel alphabet turk en Géorgie et en Arménie(/~fM«<!de Moscou,28 mai).La presse des Soviets de fin mai signale le développementdonné au nou-
vel alphabet turk à caractères latins en Transcaucasie depuis la clôture du
Congrès de turkologie de Bakou. En Azerheidjanune « grande quantité B
d'ouvrages en nouveauxcaractères viennent d'être publiés. Le quotidien deBakou yM</o/ a doublé son tirage. En Arménie, le nouvelalphabet turk aété introduit dans toutes les écoles turkes, ainsi que dans la correspondancedes organisations soviétiques.
REVUEDU MONDEMUSULMAN90
Difficultés d'introduction du nouvel alphabet turk
en t/~e~!s<an.
La campagne engagée en faveur de l'introduction du nouvel alpha-bet turk à caractères latins en Uzbekistan est loin d'être satisfai-
sante. La Praf~a Vostoka de Tachkent (3o-6) signale les « sérieuses
difaeuités qui s'opposent à une introduction rapide du dit alphabet.Alors que dans certaines républiques soviétiques dépourvues jusqu'à
ce jour d'alphabets nationaux, comme chez les Yakoutes, les Ossètes,
l'adoption des caractères latins n'offre aucune difficulté, en Uzbekistan,
pays ot) l'écriture est assez développée et où l'ancienne culture nationale
a conservé ses traditions, la question du changement de l'alphabet se
complique.L'auteur de l'article, un Russe, M. Borovkov, constate que la cam-
pagne qui devrait être menée dans lesorganes de presse locaux, néglige
trop cette question et il propose de créer un centre scientifique en
Uzbekistan, semblable au Comité azerbe'fdjanien Yeni yo~ (la Nou-
velle Voie) qui permettrait d'éviter un arrêt dans )e mouvement des
autres peuples turks. Cette organisation centrale aurait à s'occuper de
l'étude de la terminologie uzbéke, de l'étude des groupements dialec-
taux d'Uzbekistan, des questions de propagande et d'enseignement du
nouvel alphabet. M. Borovkov envisage mêmeta création d'une asso-
ciation des amis du N. T. A. (Nouvel Alphabet rM~) dont la but
serait de faire triompher l'idée du nouvel alphabet et de son adoption.Un appel publié dans ce même journal et signé par D. M. Papov,
engage la population européenne d'Asie eentrate à apprendre la languedu pays qu'elle habite, que la plupart ignorent, tt incite les travaiUeurs
européens à faire partie de l'association des < Amis du N. T. A. et à
prêter leur appui à la campagne entreprise la « latinisation de t'at-
phabet turk facilitant dans une certaine mesure l'étude des languesturkes locales aux Européens.
JOSEPH CASTAONË.
Paris, 28 mai tozo.
APPENDICE l
Les caractères latins en Azerbaïdjan (;).
Les bolcheviks, pour encouragèr et réaliser la diffusion des carac-
tères latins en Azerbaldjan ont commencé ta publication d'une revue
turque en caractères latins ils ont donné l'ordre aux maftres d'écoles
en Azerbaïdjan de commencer l'enseignement des caractères latins dès
cette année scolaire. Pour accroftre l'activité du Comité qui s'occupede cette affaire, ils ont mis à la disposition de ce Comité une somme
de 3.ooo roubles or.
Mais malgré l'affirmation des journaux bolcheviks, dit l'auteur, la
.mise en application des caractères latins a provoqué de multiples pro-testations de la part de l'opinion publique azerbaïdjanaise surtout de
la part du personnel enseignant et des élevés.
A ce propos, un des partisans des caractères latins, M. Behram-
Behramof, publie dans le journal ~arM-Vo~/oA, un article contre les
adversaires-de ce mouvement. De cet article, nous croyons utile de
citer tes passages suivants
« On peut ramener les protestations des conservateurs à deux
points panislamisme ou panturquisme. Les adversaires du nouvel
alphabet prétendent que par l'application des caractères latins les liens
qui nous attachent au monde musulman seront couses. Mais il y a un
fait essentiel qu'oublient ces messieurs ou qu'ils déforment sciem-
ment, c'est qu'ils confondent la simple application de caractères
latins avec l'application de la langue latine elle-même. Pourtant ce
n'est pas la langue latine qu'on applique c'est simplement ses carac-
tères et on sait qu'en changeant de caractères on,ne change pas de
langue (2). f
(!) y~t<M~< )" année, n' 2, )5 octobre )33g,(9) .~Wa-fMtot, 9 juillet, n' t3o.
REVUE DU MONDE MUSULMAN92
L'auteur de l'article en soumettant au jugement de ses lecteurs l'ar-
ticle du journal bolchevik ne cache pas sa désolation en constatant
que les gens s'occupant d'une question se rapportant à réformer tes
traditions de laculture nationale d'une nation sont aussi ignorants.
Ce « savant bolchevik qui accuse d'ignorance ses adversaires
attaque ceux qui voient dans l'application des caractères latins la
rupture avec le monde musulman. Ces ignorants ne savent pas,
dit-il, qu'en appliquant les caractères latins on ne changera pas la
langue turque.Mais oui, en appliquant les caractères latins on ne changera pas la
langue turque. Chacun le sait, comme le sait Bahram-Bahramoff.Mais
ce que nous voudrions faire comprendre aux écrivains bolchevistes,
c'est qu'en insistant à continuer à écrire au moyen des caractères
arabes nous 'n'avions nullement l'intention que tous les Musulmans
de la terre parlassent dans la même tangue mais à ce ~qu'itparait
c'est le contraire qu'ils nous attribuent.
Nous tenons spécialement à dire aux Bahramoffs cette simplevérité Messieurs, si t'Azerbaïdjan commençait à lire et écrire en
caractèreslatins il ne pourraitplus lire les livres qui paraitraient~Cons-
tantinople. De la même façon en Anatolie on ne comprendrait pas les
livres parus à Bakou. C'est la rupture de ces liens, liens de culture
avec les pays turcs et musulmans qui inspire tant de crainte aux par-tisans du maintien en contact étroit avec ces pays.
Dans le temps, les gouvernements des tsars ont voulu, par des
méthodes différentes, couper ces tiens. S'ils n'ont pas réussi dans leur
politique de russification forcée des populations musulmanes, c'est
parce qu'il y avait une presse restée en contact plus ou moins bien
avec la Turquie et la Perse. Si par malheur tes gouvernements des
tsars avaient prescrit, dans le temps, l'application des caractères latins
chez les peuples musulmans soumis à sa domination, on n'aurait
plus trouvé aujourd'hui la culture nationale actuelle qui existe chez
ces mêmes peuples.Ces messieurs bolcheviks ne disent pas un mot de cette culture
nationale. Si on veut la mentionner devant eux ils y répondent par l'iro-
nie « D'abordc'est ridicule, disent-ils, de parler de civilisation et de cul-
ture nationales, car 99 p. <oo des ouvriers et des pays sont absolu-
ment ignorants ensuite où est cette civilisation, où est cette culture i' 5
La civilisation musulmane, la culture turque ~<ne valent pas une
piastre ». D'après eux, dans le passé, il est possible que Bagdad ait été
prospère et que l'Islam ait possédé une civilisation, mais aujourd'huicette civilisation qui est de l'histoire n'a d'intérêt pour personne »
Voilà l'âme, l'âme vile qui stimule les latinisants de t'Azerba'idjan.
EtJsnoa qecbnbr na dqtrbr.
Top~ ahjmda.16 senNMr t<25-cOs)Mda
Mssaotn tattis ed)bn ttmt as-
<)MbrtbOd<!hmmt C)CcœtM)qN
otynmyadyr. Komaada va stïaa!
t!e)M tmOadon. ta*tt «cqU-lorln qond~ 01_' Ltha sp~
sysyn4a mO"ryzAlorlndon somo
fMt) eajarbr tMNndm btrçek
~yvathr we~dt.
syvann qerlqrop 1Q~nda otedoraq asqarbrattistada to~n JoMa3hrdan va
tononyntst azattna sez verd)t&r
btihqnm~da
etahtdd? Mthqant te)uqu-cun ewbftna qedacaq esqartartez amum. omMmXtdmtan.mta
div~jamn sljto) 3e'bas!<M soz
vertntaduTby
1 K1W ordynyn nifyzynyc~nts qandt qHtastnIo Mastnda
atilestntar.
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cur nuksantafM fat* otynoïas~jolyndn aalt">sialar.
TantBnaH
Hamtn œncMfto ~d9dors )ma!n tcUmast munMttottb
Zat«OtM)a h!tztr)t.thMM)b
m~tahtndo Mn~nnit musan'tn)vcrMdt. MtsM'tnxb mMO sak-bdtj.unu zov))ka) <t<)!n<bas
antataeouMsu'ut fahb-tcomssmot
)!ert!)r)M 2SO nofora <)!h)
Mtmq edjr~t. By qceaqt musa-Irod dms matn tc~h-Mab
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dahada SLk~ otnMSttuartzyedtf-dIIor
Aïtfma. sez za~a~zai da-)tn)a dmur foty bas e'nuht-
ona. Mta Me<)t tamtXtdm b~
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Maq qnOM iaby) edlb cavabtb 'm)m6m))Mfabt<]mydar. 8o~'<tn!)M n~mmtt~ fc)M ta~an-
Uçuncu n
DamsqAM dteaMnd9T!))M). sport.
tMrtt drnm. m~tt. mopr. t*-Mnt. mtubmbr <tMn!)q) w
huh Mr tnk d~nteqbr tMq!.bMar ttXMy.tdyr- &.fb sportdmmqtqdon ~net fytbot to.nMcdam «mtM) bM haz~hn~b1~ <!<m)orda bhb M~qfhtb~tb c)n))MMftft.),. Her hbordemysiM cninnk Maniera eMq~
~)~c~.??'t~i~~ (comme le th est transcrit par le est trans-S~t'e~ ç. Le k est transcrit q, et Je un
r~p~gmete & barré. Le esttranscrit différemment suivant sa voyelle.1"Voyelles l'é est transcrit par l'ee rnsse renversé l'i long par un i agrém tf ~l~âitt n à droite 1'9 par l'y
·
<)). ordyda aMtMm. tettm va
terMb~ Azarbatean qandiartna
tuntdocaqbr.
Qaada qedlb. ez tasamita-
tMHZh mMgyï olatqan )COfM)
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V<(hh3m<t tjecasfnda~bttntaedan )a)U dajirasf fah~ ta~qt-taNan. numataodalar~ e~)ar)no
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Myataroi
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MiMMot
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Tùtabataf tafaOttdan dars
Rtnl qestoraca~ blr nomfO c~tMtb taotanot) tnusamtra acUd~.Sonra maqaMattm tMb) tmmt-
san. tne'fyzaja &Mb)<a!t; maq-tabin tmymt fatiMatt hhbbr itaolaa ehkaMn !)ham)))atfadan
melymt verdL
mehq~mbsit.
Mdf<M vertH). JoMa3 bhbbrtb tMU &bbahr)n ahtfobtgh-nusmda dan~Mf~k. dejtr q), b?
qunqy shbntf daha da meh-qam va xttt olmast. uc<m. lob.btattn oz o])ahb tapdUclMt.tov.
hop aza Otdtm edtfem.
iz saUajaea~M-dtMtn NnM: teNabr tMaNndM.S* jMrdatfq taHhb) ptjest oj-MntAh ntsa-nt~b Y"mn m..hMt.
a-K.eajmmda-
ahsBi abjda
t3 tasqibt.
brt b<)!m)t)r.Mntto< Mteerfnda
bava3qarlar mjau e.tm~ )b
mMgy) o!~rhr. Rys dtram -dor-
neq) cHytct kirt~m va butuaUMtan bev~ta tattfaq edffter.
Onada steab <!tNmtkdM<hohnr~s bidmhtMtn tsttiM etma-bftdtr.
Turq dtra<n damaqtnde Isa
hdurotmimMmdm) <bnMqts-br) tajït qodjr.
Notes explicatives sur l'alphabet turco-latin de la planche
PLANCHE ï. ~(.
Spécimen extrait du Koummounist de Bakon.
~M~MN~M~M
t~-t) asqar hajaa.
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QqteMr a)m;)a h)mMt& <m
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Oua qatada 1903L.MU Mor
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teMn ta~thM 'm m«'ttntta<-ob otmMum hxtm~r~ 1903
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Cdtht.t cjenttmMjda dur.
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otajmm «)<otM)q tifke tchs)vote' oldy. Iql mopam
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t-net mamb<)M t)f)m h!!)?-Msyaa 5 neEaf ozv va ~) no-<«t<m nonx Nr he)!<t se~M.
tqtmt tcacaMe AzortoH.
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me'fyzM) dtn)M)Mt. Ma'rytMte<H)m tmntdtM SMM toMM
~*tpot' byMr fttjo mttddot)t)d<)
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Nta) da~tnd~ <tenïtacaq M
Ftbmn tœ<ttH «M.
t-ad tMseMK tB)u by)y-
Ot) ejmu' M~Mh fm& t)'-
mtaat Mtmamo ho~SMtMt va
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tt'tmt <Eha. «Mt. tCttmtte 7
<t]Mt <M))ji.<t hatMnda ma'fy-za<te to~ndy. Ma'ty~xbn me'-·
lym otdt <t< qecaa mustM~qtmttavna 100 t<t(M haMte qe-
tMtmt) M h.xttqtrhr tmhM
tmMtrhH B:'))e<t. b~t<r«ttmMxm. Mvat tntM )Mtm«t
<ia clar me'tyt)tJ)eMM<t9imdm~m
B.thimtt.SfaMHt.Stb))n<~MoUga <a hMte Mt cot ier-
bnb t:o<Mnda vu ajMt )M)ettmeNndm. aM vu t~ke ))t-
arhM.tt qeçMbcaq~r. a~QM.
bt<n <bnMX) va j~dmhnb <
Nmqt ncmt. M<)er o)Mat ier-brdo Leota <<y30)eft haHftMa-
cat~qt. byntdtt otm a)Mt te-
toreta. syvat cavab qoeas) vp
tm~ n)M))y))j)Mtar f!rah oly-tmcat. asqotbtt tanUMmt
nom xysysy ohumtE diwaf kaze-
tast bMatUacai: va Leato onf30-bh Hjmem ~t)~ tte tM~a-
c~ur.
StMtebsi.
~[M MQbat ometarfnr go mm&
teo Bi«mm tmnqt MM~brtt~
E)jtmqqMmMMM)b<n. aMixte
ohntk toMm P~po) )tBHeM"HAMTtx)am hNt) ftte <MO)M.hnoda Mittc tetttiiM qMammva tasqthtt mehqetn oh" hc~b)
stjM) met)M<t m)mj)M tomMtmt
<t<ohmud~. Jo)d<B<Popofyn et-
dttt me'fyieda dMztt Orta te.mMtonynvn tw <))q) tMt))Ma
tMaqqMf atmoq w qabteqdattt~ taa~hNMtmn dahado m~h-
qMtMmasi nom IMabbusatda
b~)<ntMstBt. oqM e«M9t.
.ynyn idarasi.
rost Mtv va namMdtartna na
<)'M *anbbt '«itthaMt txeita-rndt.
2-od masatade. a!a) daxt~tmda moqtaM *e sejrt ma<tB<NMar bMada tarab otmya te
pt~tt ot~<ty. Pthn ht biOnr
tDCfybe') oqMitrtm atcms) tu
<m<i)t e)ya<
don)M)bf«e 9 nntN- t~itr ha-nfhmudtf. bcOar tMete nit-
tyrhr. Diva tMMMmtdo oht.
Mo.tyxadan sonra tatBa ttomts-
tony m~'fyzMjnde tonXMn~ntt-bftat dm hes~b adMoq butua
tom~tM.tn hMM tdM Mrtfmden
qaC ~OtUttL
a~
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 93
Après avoir critiqué la politique généraie des soviets dans les pays
turcs, l'auteur conclut dans ces termes Le gouvernement d'occupa-tion après avoir anéanti l'indépendance militaire, politique et écono-
mique de l'Azerbaïdjan lui porte le coup de grâce en anéantissant son
indépendance culturelle par l'application des caractères latins.
Voilà pourquoi, la jeunesse azerbaïdjanaise sentant ce complot veut
empêcher, avec, toutes ses forces, la mise en pratique des caractères
latins. Les prisons de la « Tcheka sont remplies, à cause de cela, pardes intellectuels azerbaïdjanais (<).
Comment lis veulent sauver l'Orient (2).
Les bolcheviks se proclament à toute occasion les sauveurs et les
vrais amis de t'Orient.
Un des exemples les plus frappants de cette amitié est leurs agisse-sements en Azerbaïdjan. Ils y introduisent les caractères tatins. Dans
le numéro 2 de notre revue nous avons parlé de l'opposition que cela
a soulevé parmi la jeunesse azerbaïdjanaise. Cette fois nous voulons
citer un exemple montrant que cette réforme suscite de l'oppositiondans les rangs mêmes du parti communiste azerbaïdjanais
Le XIIe Congrèsdu parti communiste russe s'est occupé 3e la ques-tion des nationalités. Mais le XII" Congrès de Bakou s'est occupéexclusivement de cette question (application des caractères latins).
Un des membres de ce congrès a posé la question suivante à Ran-
houllah Akhondeff, rapporteur du congrès« Vous proposez d'un côté d'entrer en rapports étroits avec
l'Orient, de le maintenir et le fortifier. Tandis que de l'autre côté vous
encouragez l'abolition de l'alphabet général et communaux pays orien-
taux où donc trouver la logique ? If
En Turkestan (3).
A l'occasion des débats qui vont s'ouvrir dans le Congrès de turko-
iogie de Bakou sur l'application des caractères latins la presse com-
muniste turque de Turkestan, reçu l'ordre de s'occuper sérieusementde la question.
()) Signé AzMt.j:) y<nt.X<A«Mia, <" année, n' 4, ): novembre 1339.(;!)y~jtaMx;, 3' année, n' 7, 6 février t9i6.
RE~UE DU MONDEMUSULMAN94
Sous le pseudonyme de « latindji » a commencé ta publicationd'une série d'articles dans la presse de Turkmenistan, d'Usbekistan et
de Kirghiz-Kazak[stan] concernant les directives à donner aux délé-
gués de ces pays qui les représenteront dans le Congrès de turcologiede Bakou pour y discuter l'application des caractères latins.
Pour mettre le Congrès devant le fait accompli le Comité exécutif
central du Turkmenistan a publié déjà le décret qui consacre l'adop-tion des caractères latins. Actuellement les < latindjis de Kirghiz-
Kazakstan font du tapage « Nous sommes restés en arrière des répu-
bliques d'Azerbaïdjan et de Turkmenistan notre Comité exécutif
doit dire aussi son opinion sur les caractères latins. 1>
L'année dernière le Congrès des professeurs avait pris, à ce qu'il
paraît, une décision adoptant l'application des caractères latins. Mais
< le gouvernement iocai avait omis jusqu'à présent de prendre les
mesures nécessaires afin de réaliser « ce désir de la nation.
Une étrange situation Le Gouvernement central (Moscou) dépensedes sommes énormes en vue de la propagande pour les caractères
latins. Dans ses ordres secrets donnés aux comités communistes il
leur recommande d'en faire une question à l'ordre du jour. On donne
des ordres catégoriques aux communistes « musulmans f pour accom-
plir sans faute leur < devoir Tandis qu'en apparence le Gouverne-
ment iui-méme reste neutre. Avec cela, il semble dire que la questionde caractères est une question qui regarde exclusivement les turco-
musulmans et que le Gouvernement ne doit pas y Intervenir. Pour
cela même il donne aux communistes de Moscou des ordres confi-
dentieis, pour que devant les Musulmans ils se fassent passer pour
partisans des caractères arabes
Que veut avec cela Moscou ? découvrir les adversaires des carac-
tères latins, les inscrire sur le carnet noir de la tcheka et après dire à
la masse populaire musulmane < Ce sont vos frères mêmes qui de-
mandent l'application des caractères latins. Nous ne sommes pourrien là-dedans, que faire P Ce sont eux qui demandent cela. s
Au moment de l'invasion du Turkestan, de l'Azerbaïdjan et de
Bokhara, les communistes de Moscou disaient poursejustiner' « Quedevions-nous faire ? les ouvriers et paysans qui constituent la majo-rité de la nation nous ont appelés à leur secours et nous avons ac-
compli notre devoir humanitaire. »
La question des caractères latins suit la même marche. La méthode
qui a servi pour l'occupation de la patrie turque s'emploie cette fois
pour dominer la conscience turque. Sans aucun doute au Congrès deBakou on admettra les caractères latins.
< Les représentants du vrai prolétariat turc t demanderont même
BAKOU CENTRE D'UKE NOUVELLE CULTURE 95
à ce sujet la publication d'un décret. !) y aura peut-être un ou deux
communistes russes ou orientalistes russes qui émettront à ce sujetdes avis contraires; car telle est la forme des plans élaborés à Moscou
ce)a ne peut tromper personne. Ce congrès n'est qu'une comédie. Car
la question est dénnitivement résolue dans ce sens par le Comité cen-
tral du parti communiste. )) n'y a, à ce sujet, aucun besoin du tapage
organisé des < latindjis ni de la décision du Congrès. Les spécialistes
(tes missionnaires russes et les professeurs chauvinistes russes) ont
préparé leur plan d'application il y a quarante ans.
Les bolcheviks qui disent < Nous devons utiliserles sciences et les
expériences de ia bourgeoisie sont restés, cette fois aussi, fidèles à
leurs formules. Seulement, le devoir qui incombe aux nôtres c'estd'< appeler au secours (i)
Trad. ÂQSHÈHtRU.
(1)~M~TCXKMÈXB.
APPENDICE II
L'ÉVOLUTION SOCtALE A BAKOU
La queetton du travail parmi tes jeunes filles ()) (turques).
Avant de commencer son article, l'auteur indique les moyens qu'on
peut utiliser pour amener les jeunes filles turques azerbaïdjanaises à se
mettre plus activement au travail social.
Voici ces moyensPour amener nos jeunes filles à prendre une part plus active dans
l'activité sociale, on peut utiliser « l'Union de la jeunesse commu-
niste les conférences impartiales données pour les jeunes filles, et
éveiller chez les jeunes filles le désir d'entrer dans les fabriques et
usines et généralement dans tous les établissements du progrès et dela civilisation.
D'après l'auteur de l'article, actuellement, en Azerbaïdjan et surtoutdans les provinces, z ou 3 'p. 100 seulement des jeunes filles font
partie des Unions de ta jeunesse communiste. Seulement ces dernièresannées on remarque un léger progrès dans le nombre des jeunes filles
qui veulent y entrer.
L'auteur conseille à l'Union d'aborder cette question avec beaucoupde prudence et d'attention et de commencer son travail par des mé-thodes de travail qui, en éveillant la curiosité chez les jeunes filles,faciliteront leur participation au travail.
Quant aux conférences, l'auteur cite comme exemple tes succès queces conférences ont obtenus en Russie parmi les jaunes filles; toutd'abord elles ont abouti à faire entrer les jeunes filles russes dans« les Unions de la jeunesse communiste
(i) Le ~omMtMMf<(ede Bakou (en turc), n' 97! (3-i:5).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 97
Dans ces conférences, outre les questions de la politique, on traitait
plus particulièrement les questions qui touchaient les jeunes filles plusdirectement (l'instruction professionnelle des jeunes filles, leçons de
couture, les questions scolaires et les moyens d'existence, etc.). La
réunion des conférences impartiales des jeunes filles dans nos pro-vinces serait la meilleure mesure à prendre pour assurer l'initiative
des jeunes filles ouvrières et paysannes, aux unions professionnelles.D'autre part, il faut travailler sérieusement pour augmenter bientôt le
nombre des jeunes filles dans les écoles professionnelles existantes
près des usines et des fabriques, dans celles existantes pour la jeunesse
paysanne et dans les collectivités (ou communautés) ouvertes pour la
jeunesse sans travail.
Un état de choses qui est vraiment regrettable, c'est que dans les
établissements textiles, où on devrait profiter de la main-d'ceuvre fémi-
nine plus que la main-d'œuvre masculine, et dans les écoles profes-
sionnelles, ou il n'y a pas du tout de jeunes filles écolières, ou leur
nombre est extrêmement minime.
Pour le succès de l'entreprise, il ne faut pas surmener les jeunes
filles initiées à < l'Union de la jeunesse communiste et leur donner de
tels travaux qu'elles puissent facilement montrer leur activité et garderla position par elles acquise dans l'Union
Signé KHADiNÉ.Dj.
L'<nstfHct<on puMiqne. Le manque de Mtimenta (;).
Dans l'Institut pédagogique d'Azerbaïdjan, jusqu'à cette année, il yavait seulement trois sections des lettres, des mathématiques et des
sciences naturelles. Cette année on vient d'y ajouter celle de la socio-
logie on a désigne de nouveaux professeurs. Seulement il y a un
défaut auquel il faut à tout prix remédier c'est le manque de saites. Ce
besoin est tellement aigu que plusieurs groupes sont obtiges de rester
dans les couloirs. Pourtant il y a des professeurs et même d'autres
personnes qui habitent dans le bâtiment même de l'Institut. Maigre
tout l'effort de la direction ces personnes ne veulent pas quitter leur
habitation sous le prétexte qu'il leur est impossible de trouver un toge.
ment ailleurs..
Maigre tous ces inconvénients les oeuvres sociales d~~stt~a~mtt
(t) Le CommMi~e, de Bakou,n' :77 (3-<2'!5). )'~ ) < 'S~M,u. S~
REVUE DU MONDE MUSULMAN98
régies d'une façon satisfaisante. Le manque de bâtiment (et de place)
n'empêche pas les étudiants de travailler; le bureau exécutif de l'Asso-
ciation des étudiants, la bibliothèque et encore d'autres organisationsd'étudiants sont réunis dans une petite chambre l'hôpital de l'Institut
se trouve installé dans une chambre humide.
Nous espérons que toute cette anomalie prendra bientôt fin.
L'école des arts et métiers de Lenkoran (t).
Cette école existe depuis trois ans; elle a débuté dans de très grandes
difficultés elle a deux sections t" celle de menuiserie 2° celle
d'aciérie. Seulement il n'y a ni de bois ni de charbon pour faire mar-
cher ces deux branches (pourtant la province de Lenkoran est un des
plus boisés parmi les provinces d'Azerbaïdjan).!t n'y a pas de programme établi d'avance et on y travaille au
hasard si un contremaître ou un ouvrier trouve des barres de fer, on
se met à travailler sur ces barres souvent, malgré toutes les recherches,on ne trouve pas de ces barres; quelquefois aussi si l'on en trouve
d'un coté on ne trouve pas de l'autre coté de charbon pour profiter de
sa trouvaille.
Toutes les tentatives de la direction de l'école pour remédier à ces
inconvénients sont restées sans résultat. Tout cela amène un découra-
gement général parmi les élèves.
Dans l'atelier les fenêtres n'ont pas de vitrage et le froid est te) qu'onne peut plus y travailler.
Le bâtiment dans lequel est installée l'école est sur le point de
crouler. Quant il pleut les classes sont envahies par les eaux.
!t y a un mois que le directeur de l'école est parti pour trouver le
moyen de sortir de cet état de chose.
Nous prions instamment le commissariat de l'Instruction publiquede mettre fin à cet état lamentable de l'école.
Le Professeur,
EFFBMDf-ZAt)~.
La marche de l'htstructlon dans tes villages azerbaïdjanais (2).
Dans la commune de ZéghèmH y a 5 écoles dont 5 sont turques, < allemande et t arménienne.
(t-t) Le même numéro.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 99
[t y a 600 élèves dans ces écoles dont 80 sont des fillettes. On est sur
le point d'en ouvrir une6".
)t y a aussi des cours du soir pour les ad.uttes.Dans le village de Tek-Chiplak il existe une école avec 205 élèves.
H y a plusieurs autres villages qui n'ont pas encore d'école, ou s'il y ena elle n'est pas du tout en proportion avec le nombre de leurs habi-
tants par exemple dans le village de Ghenghler où il y a )3.ooo habi-
tants, il n'y a que trois écoles seulement.
Le VU' Congrès du parti communiste d'AzerbaMJan. Le tra-
vail dans te village et nos devoirs à l'ordre du Jour. Le
rapport du camarade Moussabokott (<).
Après avoir longuement fait l'éloge de l'activité déployée par te particommuniste d'Azerbaïdjan dans le village, et du succès obtenu, le rap-
porteur se met à prouver ses allégations par des statistiques et continue
dans ce sens
Pour vous montrer la rapidité avec laquelle s'est relevée notre
épargne populaire, je me bornerai simplement à attirer votre attention
sur le relèvement rapide, réalisé dans l'industrie de nos vifies et de
j'épargne rurale, les deux branches les plus importantes de notre
épargne populaire.En <ot3, le produit des revenus agricoles atteignait le chiffre de
t!5o millions de roubles et le produit de l'industrie de t'Ëtat(du
pays), le chiffre de 4.28$ millions de roubles. En !Q2), le produit de
l'épargne rurale atteignait le chiffre de 3oo millions de roubles (stabi-
lisés) et la production de l'industrie le chiffre 856 millions de roubles.
Comment trouvez-vous ce résultat Tandis que la production agri-
cole atteignait 56 p. too de son chiffre d'avant-guerre, la productionde l'industrie n'atteignait que ).8.2op. <oo de son chiffre d'avant-
guerre.
Rapprochons-nous un peu de nos jours en )023-:4 la production
agricole atteignait déjà le chiffre de 8.tô6 millions de roubles
(7:,) p. too)etta production industrielle celui de 1.853 millions de
roubles (43,3 p. too).Ces chiffres nous montrent clairement que soit la production agri.
cole, soit la production industrielle, tout marche en avant avec une
rapidité toujours croissante.
(t) Le Communiste, de Bakou, n' zy; (4-2!).
REVUE DU MONDE MUSULMAN100
Qu'est-ce que nous voyonsen to~-a5 en ce moment la production
agricole, tout en restant à peu près égale à celle de !o:3-2~,Ia produc-tion industrielle atteint le chiffre respectable de 2.991 millions de
roubles (70 p. [oo du chiffre d'avant-guerre).Suivant les prévisions du plan général élaboré par le Conseil de la
dépense du travail de toute « l'Union et par le Conseil des commis-
saires du peuple, la production agricole doit atteindre en 1025-26 le
chiffre de to millions de roubles (88,8 p. too d'avant-guerre). Aussi
pour la même période de 19:5-26,la production industrielle doit remon-
ter de 70 p. too à 93 p. too de son chiffre d'avant-guerre.Ensuite le rapporteur demande au Congrès d'activer le travail dans
le même sens et appliquer plus vigoureusement et sans crainte la
e nouvelle politique économique dans les villages. Après le rappor-teur passe à des rapports Internationaux de la République avec des
pays « capitalistes il continue ainsi Tout en ne pouvant pas
exporter nos produits industriels dans les marchés étrangers, nous ne
pouvons pas non plus leur faire concurrence. Parceque l'organisation
technique et l'outillage de notre industrie sont trop faibles pour soute-
nir cette concurrence. Il s'ensuit que pendant io-i5 ans encore ce se-
ront les paysans qui constitueront les seuls acheteurs de nos produitsmanufacturés.
C'est seulement après to-t5 ans, quand nous arriverons à renouveler
complètement le capital fondamental de nos usines et fabriques, quenous pourrons sortir dans les marchés extérieurs et concourir avec
succès avec les pays « capitalistesLe rapporteur passe ensuite à la question de « chefs paysans (en
russe koulak) < Camarades, avec l'approfondissement dans les vil-
lages de la nouveite politique économique les chefs paysans re-
lèvent aussi un peu leurs tètes nous ne pouvons pas rester indiffé-
rents à cette chose. Si nous avons abandonné de lutter contre eux
par des méthodes policières (de répression), nous n'avons, au con-
traire, nullement abandonné la lutte économique entreprise contre
eux; ceci ne doit pas signifier du tout que nous aidons les éléments
« capitalistes ornais une manœuvre de notre parti.Pour ne pas permettre à ces chefs d'exploiter la classe pauvre des
paysans notre parti a pris déjà de nombreuses mesures.
Précisons un peu les choses, à ce sujet, dans les villages d'aprèsles statistiques il existe dans toute l'union des républicains sovié-
tiques à peu. près 4 p. too de chefs paysans quant à l'Azerba'fdjan,
d'après les renseignements de la statistique il y existe 3 p. too de ces
chefs, mais d'après les renseignements de l'administration généraledes impôts il y en existerait seulement 2 p. too, etc.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 101
Les étéments pauvres dans tes viMages d'AzerbaMjan.
Ces éléments constituent le 2o p. 100 de la population rurale dans
les villages. Ils ne possèdent pas de terre et aussi non plus de bêtes à
cornes.
En tQ:), tes sans-terre et les pauvres (~o<}/) constituaient 58 p. toode la population rurale. Vous voyez bien que ce taux est abaissé jus-
qu'à M p. !oo. Ces éléments ont un besoin pressant d'aide matériette
de la part du gouvernement soviétique et le parti doit les prendre en
considération. Ces éléments sont mal organisés c'est pour cela qu'ilsn'arrivent pas à défendre leurs intérêts dans les élections à des conseils
de village, à des coopérations, etc. La première tâche qui incombe au
parti c'est de les organiser.Dans toute l'Union des républiques il existe t.Soo.ooo travailleurs
salariés. D'après la statistique il en existerait en Azerbaïdjan S~.Soo.
Quelles mesures devons-nous prendre contre les éléments capita.listes et les chefs paysans P
Nous devons abandonner définitivement contre eux les méthodes
policières (de répression) et lutter contre eux seulement par des mé-
thodes économiques.
Quelles sont ces mesures et quelles sont les méthodes par quoi nous
devons commencer cette lutte
Avant tout, nous devons mener cette lutte par la politique généralede l'impôt les méthodes de crédit, la politique des prix, nos lois exis-
tantes, les systèmes de nos banques, etc.
II faut porter notre attention sur les coopérattvea
de t'épargne dans les villages.
Ces organismes ont un grand rôle à jouer dans nos villages mais
malgré cela les coopératives y sont très peu développées. Dans nos vil-
lages les coopératives n'englobent que les <op. !oo de la populationrurale.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!0<
La question (de la répartition) des eaux.
Sans régler cette question nous ne pourrons pas non plus régler la
question du partage de la terre.
La question des eaux joue un grand rôle pour la prospérité de notre
épargne rurale. Mais la difScutté consiste en ce que nous sommes ac-
tuellement impuissants à résoudre cette question. Hn outre, il est in-
finiment regrettable que pour exploiter plus ou moins bien les eaux
nous n'ayons pas pu même'rétablir les méthodes d'exploitation qui
existaient déjà avant la guerre dans ce domaine. Car son rétablisse-
ment nous demande des sommes et des moyens considérables. Malgré
ces difficultés le parti et le gouvernement soviétique attachent une im-
portance primordiale à cette question. En dehors de 5 millions de
roubles assignés déjà à ce sujet nous avons élaboré un plan général
des travaux pendant cinq ans auquel nous assignons une somme de
t8 millions de roubles. De cette façon, l'application de ce plan pendant
cinq ans nous donnera des résultats importants.
La question des terres et t'tmpOt.
Passons maintenant aux lots de terre appartenant )'Etat. On a
réparti aux sans-terre des villages 75.000 déciatines imputés sur ces lots.
On a agi dans le même sens pour les forêts dont on a réparti déjà
aux paysans une étendue de 42.ooo déciatines. D'autre part, on a amé-
lioré dans les villages l'outillage agricole.
Quant aux impôts, notre système tendait constamment à alléger le
fardeau des paysans faibles et pauvres, et au contraire d'en imposer
davantage aux chefs et aux a Koulaks L'année dernière nous avons
exempté d'impôts 25 p. <oo des paysans pauvres.
Voita, en résumé, la politique que nous avons menée, jusqu'à pré.
sent, dans nos villages.
Au front de l'Instruction publique. Les cours de sciences
soctates dans les écoles turques (t).
L'auteur étéve son mécontentement sur le manque des livres (en
turc azéri) convenables répondant aux exigences actuelles.
(t) ConttnHfif~te,de Bakou, n' 277 (n-5).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE ;o3
Cette difficulté, dit l'auteur, est moins grande pour les écoles pri-maires que pour les écoles secondaires. Car dans les premières on
demande peu de choses à enseigner aux élèves, sur les temps passés.
Quant aux secondes, ici, les professeurs des sciences sociales se
trouvent acculés à une impasse.Non seulement ils ne trouvent pas de livres à donner aux élèves,
mais ils n'en trouvent pas pour eux-mêmes pour préparer d'avance les
cours qu'ils nous donnent. Pour trouver une issue, ceux parmi les
professeurs qui savent le russe ont recours aux livres écrits en russe
(Berdinkoff et Swetloff sur la politique du gouvernement soviétique, sur
la terre et l'épargne rurale) et les autres ont recours aux livres écrits en
turc ottoman (les livres de A. Réfik sur l'histoire); ces derniers ne ré-
pondent pas souvent aux questions et matériaux que nous devons en-
seigner aux élèves d'après le programme élaboré par le Commissariat de
l'instruction publique. Dans les deux cas cela oblige les professeurs, à
dépenser un temps assez considérable pour préparer des résumés desti-
nés aux élèves, car sans manuel ces leçons s'oublieraient très vite et nos
peines seraient inutiles.
En conséquence, l'auteur prie instamment le Commissariat de l'Ins-
truction publique d'activer la traduction et la publication des livres
indispensables à ces sujets.
Signé le Pt'o/eM~Mrdes M/MCM soéiales.
M. RAHMU.
L'instruction publique dans tes républiques nationales ()). En
Tadjihstan. La fondation d'une école de musique.
Dans la ville de Duchembé, capitale de Tadjikstan, on a prisl'initiative de fonder une école de musique. Pour subvenir aux besoins
de cette écote le « Comité central révolutionnaire de Tadjikstan a a
assigné dans ce but une somme de 8.000 roubles.
L'instruction publique.
Le Commissariat de l'instruction publique de Tadjikstan a décidé
l'augmentation, en t925-26, du nombre des écoles dans les provinces
(Kaza) de Tadjikstan.
(') Le même numéro.
REVUE DU MONDEMUSULMAN!0~
Cette décision prescrit d'ouvrir
f Dans la province de Duchembé 7 écoles primaires, 2 écoles
pour les internes et école de filles;
Dans ta province de Ghirem 4 écoles primaires et 1 école
pour les internes;3" Dans le province de Ghoulab 5 écoles primaires et t école pour
tes internes;
4' Dans la province de Korgan-tépé 3 écoles primaires et 1 école
pour les internes.
En Tnrkmen!stan(f). Les écoles deviennent plus nombreuses.
L'année dernière il existait en Turkmenistan tyo écoles, cette année
elles atteignent le nombre de :8o.
Les publications Imprimées.
Le bureau gouvernemental de la publication de Turkmenistan a im-
primé et publié pendant cette année plus de 100.000 exemplaires de
livres sectaires.
Une faculté de travailleurs pour tes Turkmènes.
On a ouvert cette année, &partir du mois d'octobre, dans la ville de
Achk-Abad (Askabad-Poltaratsk) pour les Turkmènes une < faculté des
travailleurs
Bn Uzbetdstan (2). Les cours pour tes techniciens de tracteurs.
Dans le but de préparer des techniciens pour les tracteurs le Com-
missariat de l'agriculture (des affaires agricoles) a ouvert des cours
spéciaux dans la ville de.Samarkand.
(f) Le même numéro.
(a) Le même numéro. 0
BAKOUCENTRED'UNE NOUVELLECULTURE :o5
On a réuni ensemble avec ces cours le dernier groupe de l'école tech-
nique pour l'épargne rurale qui existait déjà à Samarkand. Dans ces
cours il y a trois ingénieurs (mécanique et électricité) et trois agro-nomes qui enseignent à 62 étudiants.
Un Institut pour les jeunes filles.
On vient d'ouvrir, dans la ville de Khiva, chef-lieu administratif du
département autonome de Kharezm, un institut pour 5o jeunes filles.
Près de l'institut il y a des clubs et des < dernek » (foyers).
Les foyers de musique et de peinture dans l'École
militaire d'AzerbaMJan (<).
Près du club de l'École il existe plusieurs foyers parmi lesquels celui
de peinture. Ce foyer compte suffisamment de membres pour qu'il
puisse accomplir tout travail dont on viendrait les charger.
Mais, dit l'auteur, le guide de ce foyer, le camarade Omarotf, ne lui
attache pas une attention suffisante, ce qui laisse ignorer la valeur des
élèves.
L'année dernière on avait exposé au club beaucoup de projets, faits
par les élèves il n'y a rien de pareil cette année-ci. La cause en est quele guide accepte beaucoup de commandes de tableaux des particuliers,ce qui i'empéehe de travailler pour le foyer.
En dehors de cela il existe aussi un foyer de musique. Les travaux
de ce foyer sont meilleurs. Les membres en sont généralement les
élèves eux-mêmes.
Leurs réunions se tiennent plus régulièrement et en bon nombre.
Seulement il y a des camarades élèves qui, tout en apprenant les notes,n'ont pas leurs instruments à eux, empruntent des instrumentsde leurs
camarades et ne peuvent pas, à cause de cela, s'inscrire comme membres
du foyer. Vu )e grand nombre de nos étèves, si on ne peut pas acheter
des instruments pour tous on devrait en munir tout de même ceux
qui sont déjà très avancés dans la musique.
Signé ÂKHt.
jt) Le même numéro. Article composé en caractères tanos.
REVUE DU MOKDE MUSULMANto6
La culture du tabac et la Coopérative (<).
La culture du tabac était très prospère avant la guerre dans la com-
mune de Blacau, dans le département de Zakatal. A ce moment les
cultivateurs de tabac, qui seuls étaient impuissants à mener bonne
fin cette culture, jouissaient de l'appui matériel des riches commerçantset des fabricants de tabac. Ces derniers non seulement versaient aux
cultivateurs les sommes nécèssaires à leur culture, mais au moment dela livraison de leurs produits par les cultivateurs, leur donnaient à titre
d'encouragement ;o roubles par poud au-dessus du prix convenu avantla culture. Ce qui amena les cultivateurs à utiliser pour )a culture du
tabac les terrains destinés aux champs de blé. Encouragés par leur
gain et possédant de l'argent, les cultivateurs avaient construit parleurs
propres moyens des immeubles spéciaux pour la conservation du tabac.
En moyenne, une déciatine de terrain qui donnait 5o-6o pouds du blé
produisait )oo pouds du tabac qui se vendait dix fois plus cher que leblé.
En [9(7 les chosesont été bouleversées. Les cultivateurs laissés seulsà leurs propres moyens ne sont plus en état de continuer leurculture dutabac. Leurs immeubles ont été détruits, et les produits de tabac étant
taxésd'un prix maximum ne rapportent plus aux paysans ce qu'ils en ti-
raient dans les périodes d'avant-guerre. D'autre part, à cause du prix fort
imposé à son produit, le paysan ne pense plus à améliorer la qualité de
son tabac, mais A augmenter sa quantité, son poids cela oblige letrust azerbaïdjanais pour le tabac, pour acheter du tabac d'une qualité
supérieure, à s'adresser aux producteurs de Lagoudikh <'Géorgie)etyy
envoyer des sommes considérables, où l'état des choses est conservécomme il était dans les périodes d'avant-guerre.
Seule, la Coopérative de l'épargne rurale commence à comprendrela situationdes cultivateurs azerbaïdjanais du tabac et tache, par desmesures qui sont insuffisantes vu les moyens restreints qu'elle pos-sède, à encourager les cultivateurs. Pour améliorer sensiblement laculture du tabac en Azerbaïdjan, il faut que le Gouvernement aussi
vienne, par des mesures efficaces, au secours des cultivateurs dutabac.
~t'~n~ A. SULTANOFF.
(t) Communiste, de Bakou, n° 279()3-)~.)5).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 107
La marche du travail parmi tes femmes (<).
Dans la fabrique de textile dénommée Lénine [ancienne fabriquefondée par un Azeri Hadji Z. A. Taghieff], il existe 73; ouvrières.
65f deces ouvrières travaillent dans la production d'étoffes.
Au point de vue nationalité ces ouvrières sont ainsi reparties
224 femmes turques, 463 femmes russes et 54 femmes d'autres na-
tionalités. 73 seulement de ces femmes sont inscrites au parti ou ysont candidates 32 de ces dernières sont turques. On vient d'achever
les élections aux organisations près de la fabrique au résultat de ces
élections on a élu )46 déléguées; de ces déléguées 61 sont turques,80 russes et 5 appartiennent à d'autres nationalités.
De ces déléguées 20 femmes ont été désignées aux unions profes-
sionnelles, 7 en sont turques et t3 sont femmes russes.
Dans le bureau central de l'Union professionnelle de textile il y a
40 ouvrières dont 22 sont turques.Dans les soviets de Bakou et ses banlieues il y a 6 ouvrières
turques et 3 ouvrières russes.
Dans les foyers près de la Faculté pour les travailleurs et dans ceux
près de l'école pour les personnes âgées il y a 86 femmes dont 62 sont
turques et 24 russes.
Dans le foyer de l'Union professionnelle turque il y a <o femmes
turques et danscelui de l'hygiène et de l'instruction publiqueit y en a t7.
69 jeunes filles font partie de la < effective de l'Union de la jeu-nesse ?, dont 3t sont des jeunes filles turques.
Dans ces différentes organisations que nous venons d'énumérer, le
nombre des femmes est en augmentation cette année par rapport à
l'année dernière. Onorganise des réunions spéciales pour les femmes
turques. Dans ces réunions on traite des questions politiques,
d'épargne et d'autres. L'activité des femmes, surtout des femmes tur-
ques, va en augmentant.Signé KABAAHMEDOFF.
Parmi les femmes. Pourquoi les femmes turques ne fréquentent
pas l'école (2).
Dans plusieurs localités on a ouvert pour les femmes âgées des cours
du soir. Au début 60-70 femmes s'étaient inscrites à ces cours; mais
()) Le même numéro.
(t) Le Communiste, de Bakou, n*260 (t4-t:-<5).
MVUE DU MONDEMUSULMANio8
par la suite 8-9 seulement assistèrent régulièrement à ces cours. Au
commencement personne n'a pensé à en chercher la cause. Mais der-
nièrement j'ai décidé d'éclaircir cette question. Après avoir interrogé
plusieurs de ces femmes, j'ai su que ces femmes avaient des enfants
en bas âge et étaient obligées de rester chez elles pour allaiter leurs
enfants. D'après moi, c'est un devoir pour les organisations locales,
en considération de la situation particulière de ces femmes, de prendredes mesures nécessaires pour que ces femmes puissent donner leurs
enfants en garde aux foyers des enfants en bas âge.
Les jeunes filles se groupent autour des organisations.
En 1923, on a fondé à Salian, prèsde l'école des jeunes filles, une< cellule ?. Seulement 3-~ jeunes filles entrèrent dans <:l'Union de la
jeunesse a. Actuellement il y a 4o jeunes filles qui sont membres oucandidates de cette Union. La cellule a organisé un groupe des ar-tistes dramatiques et un groupe de <:choeurs et possède un journalsous le nom de la Jeune fille d'Orient.
Les affaires de notre école ()).
Les élèves de l'École politique militaire (Herbi .St/ost), tout en s'oc-
cupant de leurs études en classe, apprennent aussi leurs leçons parti-culières.
1
Cette année, notre école a fait beaucoup de progrès par rapport àl'année <o~. Cette année, grâce à la présence des professeurs spécia-listes, le savoir ~de nos élèves, dans les matières militaires, scienti-
fiques, littéraires et autres, progresse très sensiblement; les médecins-
professeurs, profitant du temps, font des conférences sur ta mort etla vieillesse et sur les maladies contagieuses parmi les hommes. On
enseigne dans notre école le turc, le russe, l'économie politique, l'hy-giène et la sociologie (e~M)Ae;'af).
Malgré cela les élèves ont porté, le nombre des leçons à 7-8 parjour. En dehors de leurs études les élèves, sous la surveillance du di-recteur de l'école, travaillent dans les différentes organisations qui
<t)Le même numéro (en caractères latins).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE t0~
existent près de l'école. Les plus importantes de ces organisationssont l'Association de la ville et du village, la caisse de secours (mu-tuels ?),)a Botte aérienne et l'association (société) chimique.
Signé tSMAJtLOFDADACH.
A propos des étecttone aux organisations du ler degrédes coopératives de l'épargne rurale (t).
La campagne étectorate pour le t" degré des coopératives de
t'épargne rurale en Azerbaïdjan, qui commencera bientôt, doit attirervers elle l'attention de la masse sociale dans les villages.
Jusqu'au printemps de l'année foa3, le nombre des coopératives, en
Azerbaïdjan était très peu élevé. Mais au i" octobre de t'année [g24.leur nombre atteignait déjà 80 et ce nombre était arrivé à t85 aut" octobre de l'année tozS.
Ces coopératives réunissaient 3:.9M épargnes et leurs chiffresd'affaires aussi s'était très étargi.
D'autre part, si leur nombre était accru, au contraire on ne peut pasle dire pour la valeur des transactions faites par elles.
Pour que la valeur de ces transactions soit proportionnelle aunombre des coopératives, faut-il que la devise de la campagne étecto-rate soit a La lutte pour augmenter la valeur des transactions, l'amé-tioration des Sociétés coopératives en permettant à l'ensemble des
coopératives de prendre une part active dans la constitution même de
ces coopératives, r
Dans les assemblées il faut rendre possible la critique qu'on veut
élever contre t'aetivité montrée dans les élections. Chaque membre des
coopératives et généralement l'Assemblée, doit sentir qu'il est réelle-
ment le propriétaire de ces coopératives et doit connaître de prés la
façon dont elles sont gérées et pour cela pouvoir demander des
comptes sur les succès et les erreurs des personnes qu'il a élues.
Au moment des élections, ceux qui seront placés à la tête de l'admi-
nistration et du contrôle doivent être choisis parmi les personnes hon-
nêtes, actives et qui ont acquis la confiance de la masse paysanne, de
la classe moyenne et des pauvres dont elles seront capables de dé.
fendre les intérêts. Tout en observant la complète liberté des élections
on doit lutter sérieusement contré la probabilité que les Coopératives
(') Le Communiste, de Bakou, n*28; (t5-f2.~)
REVUE DU MONDE MUSULMAN!t0
ne.passent pas aux mains des chefs paysans (AoM/a~), qui les exploi-teront exclusivement dans leurs intérêts personnels.
L'auteur trouve nécessaire d'introduire dans les directives qu'on don-
nera au nouveau Conseil administratif les points suivants subvenir
aux besoins des membres, améliorer le contrôle et la comptabilité, les
affaires doivent être menées conformément aux principes purement
coopératifs, renforcer la lutte contre le vol et descrimes semblables, etc.
Nos Coopératives de l'épargne rurale doivent suivre cette voie, et on
doit bien la faire comprendre aux masses, surtout au moment des
élections.
Signé J. KOUK[NE.
L'instruction publique. Le Teehntcum musical turc
gouvernemental (<).
On remarque ces dernières années, dans notre population, un grandattrait pour la musique, qu'on avait bannie, dans le temps, de nos
moeurs, comme chose contraire à la religion.
Comprenant son importance~ chacun s'efforce d'apprendre cette
branche de la science.
En dehors de cela le succès inespéré par la jeunesse pendant cette
période de 4 ans, faisant leurs études au Technicum musical turc gou-vernemental, montre bien à quel degré notre peuple possède un ta-lent naturel pour fart musical.
Actuellement latâche la plus importante qui incombe à notre Techni.cum musical est celle d'étudier les différentes mélodies de la musiqueorientale, de les mettre en ordre, de bien déterminer leurs rythmes etles modes et enfin de faciliter l'exécution de ces mélodies par unorchestre composé de plusieurs voix.
En même temps on doit s'efforcer de trouver des moyens pour queles instruments de la musique orientale ne soient pas abandonnés,bien au contraire, qu'on puisse en jouer avec des partitions notées.
11e~t aussi important qu'on étudie la musique occidentale, son his-toire et ses particularités artistiques et aussi, très sérieusement, lesdifférences qu'elle présente avec la musique orientale.
Voilà la tache qui incombe aux 450 jeunes gens turcs faisant leursétudes dans le Technicum musical turc; ils doivent, dans un tempstrès prochain, s'appliquer résoudre ces questions.
(t) Le même numéro.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE ttl
Le nombre total des élèves qui font leurs études au Technicum mu-
sical est de 462, dont :5z hommes et 216 femmes.
450 de ces élèves sont turcs et 20 seulement sont russes, arméniens
et autres.
L'Administration a été obligée d'écarter les demandes d'admission de
plusieurs jeunes gens à cause du manque de places.
Actuettement, t'écote enseigne cette année la théorie musicale de
f'harmonie et de a" harmonie; on se dispose pour ouvrir dans les
années suivantes les classes de contrepoint (supérieur), d'esthétique etde l'histoire musicale.
Cette année aura lieu l'ouverture solennelle du degré secondaire de
t'éeoie. Une écote secondaire turque de la musique, c'est un fait quise produit pour la première fois dans l'histoire musicale de t'Azer-
baidjan et ajoutera une page nouvelle à notre histoire. Parce quec'est au moyen de ces écoles qu'on pourra étudier notre musique po-
pulaire, restée jusqu'à présent comme une matière brute et qu'on
pourra donner à cette musique, particulièrement à ses mélodies, uneforme scientifique.
En terminant, nous espérons que t'écote parviendraà élargir le cadre
de son action pour bien mener à bout la lourde tâche qui lui incombe.
Signé BÉDBLOGHLOU.
Les préparatifs du Congrès de turkologie au Daghestan (t).
En ce moment on fait des grands préparatifs au Congrès de turko-
logie qui va se réunir au Daghestan.Au )6 novembre de l'année courante la commission présidée par
Djétat Korkmasoff a obtenu, à la fin de ce mois, du commissariat de
l'instruction publique, la réunion d'une conférence qui aurait 5o-
60 membres; on a désigné les rapporteurs suivants pour les sujets sui-
vants
)' L'importance du Congrès de turkologie Djélal Korkmasoff.
a" Le Congrès de turkologie et l'instruction publique de DaghestanTâhâ Ghoudi
30 Les caractères arabes et leur déchiSrement M. Débiron'
4" Les caractères latins et leur déchiffrement L. Sawine iS" Les dialectes et les termes techniques Edhem Fe'fzi,i6" Les méthodes de la langue turque Chewki-Bektava.
(t) Le même numéro.
REVUEDU MONDEMUSULMANt)2
Un penstonnatpourtea étudiants d'Uzbéklstan &Bakou ()).
Il existe depuis deux ans à Bakou un pensionnat pour les étudiants
uzbeks. Mais jusqu'à présent ce pensionnat n'a pas trouvé un logementconvenable et s'est installé provisoirement dans la mosquée de Hadji
Mamed Ali. Le local de cette mosquée, si vaste qu'il soit, n'a pu don-
ner au pensionnat que des chambres, très insufnsantes pour satisfaire
les besoins des étudiants, car te nombre des étudiants était de3o l'année
dernière.
Les ressources de ces étudiants, Dans les différentes écoles dans
laFacuitédes travailleurs près du Technicum Narimanoff, dans le Tech-
nicum de pédagogie et dans l'École théâtrale une partie de ces étudiants
reçoivent des bourses d'études du Commissariat du peuple de l'instruc-
tion publique d'Usbekistan, une autre partie est à la charge du Bureau
de l'instruction publique de la ville de Samarkand.
La quatrième partie ne recevant pas de bourses est dans un grandbesoin.
Ces derniers vivent au compte du pensionnat et ne peuvent pas se
procurer les livres indispensables à leurs études. D'autre part, le pen-sionnat se trouvant à cours d'argent n'arrive pas à subvenir à tous leurs
besoins. Si la nourriture est bonne, on manque d'habits et de chaus.
sures.
Malgré cela ils travaillent bien et même ont leur journal corporatif,dénommé « plumes vertes & (Va~ Qalemlèr) dont ils se préparentà fêter la année.
Signé iBRAmMDjOURÈ.
Lettres de Crimée (2).
Le budget de Crimée. L'industrie et l'instruction publique en
Crimée. Les tabacs ofeCn'w<e.– Comment travaille-t-on pour la
MnM<<M/e<MMgens de Crimée 2
L'auteur de la lettre, après avoir fait des vœux pour qu'on publie sa
lettre, passe à son sujetPour comprendre la vie de Crimée il faut, avant tout, jeter un coup
(t) Le même numéro.
(!) Le Communiste, de Bakou, n' tg) (:o-(2-a5).
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE 113
8mtft.
d'ceil sur son budget. Les revenus pour l'année to:5-i6 sont de
t5.t59.ooo roubles et les dépenses atteignaient le même chiffre.
L'année dernière son budget s'élevait à une somme de io.38o.000
roubles. Cette année il s'est augmenté de 40 o/o. Certaines dépensesont été enlevées au budget du département (oblast) et passées à celui
d'arrondissement (rayou). Les taux d'impôts qui devaient être perçussur J'épargne rurale ont été totalement payés. Le taux d'impôts de
50 o/o qui devaient être perçus sur tes petits industriels (Mn<) dans
t'intérêt du département (oblast) a été abaissé jusqu'à 2o o/o. Les firmes
industrielles de Crimée qui réalisaient, pour l'année to~ une
somme de 8t millions de roubles, ont donné pour l'année 1924-35une somme de fay millions de roubles.
Les dernières études ont permis de prévoir une évaluation de
26 millions de roubles pour les biens de l'épargne rurale; ces mêmes
biens représentaient l'année dernière unevaleur de 3t millions de roubles.
D'autre part grâce au concours que la population apporte aux efforts
déployés par le Commissariat de l'instruction publique, cette dernière
a fait des progrés considérables en Crimée. En conséquence, la Crimée
possède de nombreuses écoles. Le budget de l'instruction publiqueatteint cette année la somme de 3 millions de roubles.
Une autre préoccupation du gouvernement de Crimée est d'amé-
liorer la qualité du tabac et d'en augmenter la quantité'. Dans ce but
le Conseil des commissaires du peuple a organisé, par l'intermédiaire
du Bureau central de la statistique, une commission spéciale.Cette commission a cherché le prix de revient du tabec pour les cul-
tivateurs et a établi ce prix allant de 3 roubles 43 k. jusqu'à 43 roubles
~3k.Cette année la production du tabac est satisfaisante dans toute i'éten-
due du territoire de la presqu'île.Le gouvernement, dans le but d'encourager les producteurs à amé-
liorer la qualité du tabac, a ajouté au prix de revient du tabac une
prime de 23 o/o.Une autre question qui a son importance pour la Crimée, c'est qu'on
y vient de prendre les mesures nécessaires hygiéniques pour sauvegar-der la santé de la jeunesse, ce qui est un symptôme encourageant pourl'état sanitaire en Crimée.
Les maiadies'qui y <ont beaucoup de ravages dans la jeunesse, sont:
la tuberculose, la fièvre et la gale. Pour empêcher la diffusion des ma-
ladies on a ouvert, depuis toa~, en Crimée, 597 ambulances, 3o hôpi-
taux, 158 sanatoria et fgt maisons de repos. Le gouvernement attache
une importance marquée à la question sanitaire et lutte avec succès
contre les maladies. Signé A. D.
REVUE DU MONDEMUSULMAN"4
Comment est constituée notre égale (mttttatM) (t).
On a commencé l'organisation de l'école le t5 décembre de
l'année tg~i au début, cette école était l'École militaire secondaire
d'Azerba'fdjan [l'auteur veut di~e probablement autemps;de l'Azerbaïd-
jan national!, après elle devint l'école du corps des cadets rouges
et tout dernièrement elle devint l' <École militaire prolétarienne azer-
bardjanaise ». C'est le camarade Kara~en'qui a sérieusement travaillé
pour que cette école soit organisée.Le but de l'ouverture de l'école était essentiellement de préparer des
commandants rouges pour les enfants ouvriers et paysans.Dansla première année de l'ouverture del'école ony a admisuneving-
taine d'enfants ouvriers turcs. Pour ces enfantson avait créé 4 groupes
préparatoires et une première classe fondamentale. En dehors de leur
langue maternelle (turque) on enseignait aux élèves les langues fran-
çaise et allemande. L'école eut un grand succès et le nombre des élèves
alla sans cesse en augmentant. Cette marche en avant n'a pas été
sans difficultés, surtout dans Ies périodes où on entreprenait la ré-
forme et le ravitaillement des unités de l'armée rouge du Caucase
on l'a exclue de ces avantages militaires et cela lui a causé beaucoupde difficultés; mais elle ne manquait pas de partisans, et grâce aux
démarches pressantes de plusieurs a camarades auprès du bureau
central transcaucasien, qui a décidé de la faire continuer et de l'intitu-
ler « école militaire prolétarienne de Transcaucasie Par ce fait la
situation matérielle de l'école commença à s'améliorer.
En tga<ton lui a donné le nom de l'école militaire préparatoire de.
Transcaucasie.
Pendant l'année courante on a admis à notre école des élèves res-
sortissants des Républiques géorgienne et arménienne.
Actuellement l'école a 403 élèves rouges dont 2o3 sont turcs. Notre
école appartient à la catégorie des écoles qui s'appellent écoles pri-maires-secondaires.
A l'occasion de la fête de son quatrième anniversaire nous lui adres-
sons nos souhaits pour son succès.
.St'~t~ ISMAtfLOFRUSTAM.
()) Le CoMMMMt~,de Bakou, n*29: (at-)z.a:), en caractères latins.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE n5
Au pays de Kazan. Deux école. (t).
D'après le n" )o du A't',tt/-<aroM<t!Mparaissant à Kazan, on vient d'ou-
vrir à Outa, pour les enfants bachkirds, une école du t" et a' degré
ayant un programme de 9 années d'études. Cette école est installée
dans l'ancien bâtiment du séminaire religieux russe et porte le nom
de « école de Lénine Par décision de l'inspection cantonale de l'ins-
truction publique on admettra exclusivement à cette école les enfants
des paysans et ouvriers pauvres bachkirds et tatars. Près de l'école il yaura, en outre, un a pensionnat ». A première vue, l'école promet de
donner aux enfants pauvres bachkirds une instruction et une éduca-
tion de toute tranquillité. « Mais en rénécbissant un peu on se de-
mande instinctivement quelle sera famé de l'éducation que va donner
«l'école de saintLenine » aux enfants bachkirds qui sontmusulmans et
turcs. C'est le correspondant du même journal qui donne la réponse à
cette question <;Sous le régime impérial, dans ce bâtiment où on pré-
parait des prêtres, cette fois, grâce au régime soviétique on préparerade vrais communistes avec des enfants bachkirds. »
D'après l'auteur l'entreprise de cette école est vouée au même échec
que l'ancien séminaire des missionnaires russes fondé dans le but de
convertir à l'orthodoxie les musulmans du bassin des fleuves Volga et
Oural.
La seconde école est celle ouverte à Kazan sous le nom du commu-
niste Molla Noûr W&hidoff. Celle-ci est installée dans le bâtiment de la
Medresséi-Mohammediéh, fondée par les turcs de Kazan avant la révo-
lution.
Le correspondant du journal ~<<aMMtan, après avoir adressé
au fondateur de la « Medresséi.Mohammadieh » lesinjures habituelles
des bolcheviks, fait l'éfoge interminable de l'école communiste qui
remplace la première. < En entrant dans cette école, dit le correspon-dant communiste, on sent se trouver dans un monde tout à fait nou-
veau. Ce n'est plus l'éducation religieuse qui domine ici, au contraire
c'est l'éducation prolétarienne. 1)
Au point de vue de l'enseignement cette école n'est pas une école
nationale. Nous savons, d'après le même article du journal commu-
niste, que cette école est aussi du type de l'école ouverte à Oufa. Les
études s'y font a deux étapes:)" degré et a* degrédont l'ensemble cons-titue 9 années d'études.
('t Y~tt-~o/AoMfa,3' année, n' 5, )''décembre '34'.
REVUE DU MONDE MUSULMANt!6
Dans le premier degré les sciences mathématiques seulement sont en-
seignées enrusse; dansle 2° degré toutes les sciences sontenseignées en
russe. A ce qu'il parait, nos communistes comptent ces écoles comme
nationales pour les tatars; car ce pauvre correspondant, A. Ahme-
dieff eh guise d'éloges pour ces écoles dit notamment ceci < Les
élèves, à ta sortie de ces écoles, connaîtront la tangue russe à l'égal
de ceux qui finiront leurs études dans les écoles russes mêmes. Voità,
pour vous édifier deux types d'écoles créées par les communistes
turcs au pays de Kazan. Elles ont de l'importance en ce qu'elles sont
typiques.Signé KAZANLI.
L'tnttustrtaUBatton de la presqu'Ue d'Apchéron
(ou la russification de Bakou) (t).
Le Conseil supérieur économique de t'a Union des Républiques socia-
listes soviétiques!'vient d'élaboreret de décréter un nouveau projet d'ex-
ploitation de t'AzerbaIdjan par le « Comité azerbaïdjanais du naphte 1)
lequel est en réalité un organisme sous la dépendance complète de Mos-
cou et pille l'Azerbaïdjan pour le compte du gouvernement russe.
Ce projet constitue une très grande mesure, peut-être même un
très grand danger pour les intérêts et même la destinée des popula-tions turques qui se trouvent en droit et par leur nombre les vraies
propriétaires de tout le vilayet de Bakou et de t'Apchéron. Nous em-
pruntons les renseignements concernant ce projet, que nous repro-
duisons ci-dessous, au n° 202 du journal local russe, Ba~'M~y rabot-
chy. L'auteur de cet article, A{.Markoussoff, n'hésite pas, lui aussi, à
avouer quel danger cette <[industrialisation constitue pour la popu-lation locale.
D'après ce projet la direction d'Are obtient le droit d'exploita-tion de 652.45~ déciatines de terrains situés dans le département de
Bakou etdansla presqu'île d'Apchéron.Le projetclassifie cette étendue
de la façon suivante 3.883 déciatines pour l'exploitation directe;
38.77t déciatines serviront aux recherches scientifiques; 61o.ooo décia-
tines constitueront la réserve.
Le danger que nous sentons ne se borne pas seulement à l'exploita-tion par la Russie de la richesse de l'Azerba!djan si l'on prend en
considération que la superficie exploitée aujourd'hui par le comité
/l~f!jt)A<eest de 55.565 déciatines, on peut voir dans quelle propor-tion est accru le droit d'exploitation de ce comité.
(') y~))i.&t/AoM<<t,2' année, n' to, )6 février t~t.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE II7
Mais pour mieux faire voir à nos lecteurs le danger dont M. Mar-
koussoff a parlé avec sang-froid, nous tenons à donner quelques ren-
seignements statistiques sur la presqu'tte d'Apcheron.Si l'étendue de l'exploitation de naphte et des usines et de distilleries
qui en dépendent doit aller en augmentant, il ne faut pas perdre de
vue les quantités de terrain qui se trouvent entre les mains de la popu-lation turque de iapresqu'Ue;ear~n<!pAfe s'agrandit forcément au
dépens de cette population.Maintenant il reste à savoir combien y a-t-il de déciatines de terrain
dans la presqu'!ie et généralement dans le vilayet de Bakou ? Cette
quantité est-elle supérieure ou inférieure à celle possédée par A~a~e ?Si elle en est inférieure, comment, et par quel procédé les paysansazéris qui en seront dépossédés pourront-ils être indemnisés. Si elle en
est supérieure, alors il se pose la question suivante où donc va-t-on
exiler la totalité des paysans azéris de fa presqu'tle d'Apcheron et du
vilayet de Bakou ?P
Nous trouvons les renseignements statistiques qui peuvent servir de
réponse à cette question angoissante dans l'article même de M. Mar-
koussou~, publié par le BaÂtn~-Ra&oteAyLes terrains du vilayet de Bakou peuvent être [eiassinés de la façon
suivante
Lesprairiesetpâturagesd'hiver. t~S.oy~dëciatines
Les terrains de culture 66.340Les terrains appartenant à ~4~~A<e. 55.o65
Lesforêts
Les terrains potagers et de la vigne 5.683
Les terrains inutilisables (pierreux, salés, etc.) 154.543
Total 441.476déciatines.
On voit que l'étendue du territoire donnée à ~MpAr~necomprend
pas seulement la presqu'!)e d'Apchéron, elle dépasse par sa superficie
le vilayet de Bakou de 210.984 déciatines.
La situation des paysans azéri devient intenable par le fait que l'Ad-
ministration d'~Mo~A«! s'est déjà mise au travail pour réaliser le pro-
jet d'exploitation.Comme le dit Markoussoff: « par J'extension de l'industrie de
naphte, par l'augmentation considérable du nombre de foyers (usines)
et l'élargissement de f'étcndue de l'exploitation, la quantité de terrain
possédée par les paysans commencera à diminuer dans la même pro-
portion. t
REVUE DU MONDE MUSULMANu8
Les résultats obtenus par les expériences des villages Sourakhana,
Rahmani, Émir-Hadjian, etc., nous conduisentà à conclureainsi.
Le même phénomène se voit dans les villages Fatmaï, Balakhani,
Dighiah, etc., où l'on a commencé à exploiter leurs territoires. A{naphteleur demande, pour l'exploitation de pétrole, 5oo déciatines de terre de
culture.
On prend, à ces paysans, les terres de leurs ancêtres; on ne leur
donne rien en échange, ni à leur État (d'ailleurs cet État n'existe pas)ni à eux-mêmes. On industrialise Apchéron on fonde dans toute
l'étendue de la presqu'tfe de nouveaux villages pour les ouvriers
russes. On fait venir, de l'intérieur de la Russie, des milliers de Russes
< spécialistes x et on les installe dans ces nouveaux villages de mines.
Quant auxvillages turcs, on commence déjà à les détruire.
Mais tout de même on n'oublie pas complètement les paysans turcs.
A ce propos, M. Markoussofffait, dans les circonstances actuelles, une
proposition logique. D'après lui « ou il faut se prolétariser complète-ment, ou bien s'exiler vers de nouvelles contrées, de nouvelles terres, »
C'est la seule issue pour les paysans turcs. Mais il rejette tout de suite
le'second cas et ajoute qu'il ne reste, pour les paysans azéri, aucun
autre moyen que de se prolétariser et termine ainsi « dans les régionsdes mines ce cas (se prolétariser) devient patent dès maintenant. f
L'auteur (de Yeni-Kafkassia) conclut en l'approuvant sur un mode
ironique <Certes, le paysan azerbaïdjanais en même temps qu'il perdses terres, ses biens, est obligé à < devenir pauvre ?, c'est cela qu'on
appelle se proiétariser. ?appelle se prolétariser. »
Signé M. M. B.
CombteM y a-t-il de femmes turques communtstes?~)
Dans les numéros tg-3o de la revue la fem~e orientale, paraissantà Bakou, Mme K. Ichkova donne des renseignements intéressants en
ce qui concerne l'ensemble de la 30 conférence tenue à Moscou par les
travailleurs-femmes dans l'Est de la République soviétique. D'aprèsMme Ichkova « Au t" janvier de l'année Ig25, dans les douze ré-
publiques nationales et provinces autonomes il existait en tout
5.298 femmes communistes.
< Les femmes qui travaillent dans les organisations communistes
constituent 4 ou 5 p. too. En Azerbaïdjan, sur 20.326 membres du
parti communiste, 848 sont des femmes (4,1 p. foo).
(t) y~Mt'a/AaMfa, S*année, n' 5. t" décembre t~t.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE "9
a Sur 5.208 femmesqui sont dans les comités du parti communistedans l'Est de la République soviétique, 726 appartiennent à la popula-tion ioeaie;t.!o3 appartiennent àla minorité (non turque) et 3.220 sontdes femmes russes.
< En Azerbaïdjan, les femmes inscrites aux comités du parti et ap-partenant à la population locale sont au nombre de 170; celles appar-tenant à la minorité non turque au nombre de 36. Tandis que lesfemmes russes sont au nombre de ~55. »
Si je ne me trompe pas c'était au mois d'avril de cette année qu'ona fêté la 2!° année du parti communiste d'Azerbaïdjan et la 5*annéede la dictature du parti communiste en Azerbaïdjan.
Comme on ie voit, au résultat de 25 années d'activité du parti et e5 années de dictature communiste, it y a eu en tout tyg femmes tur-
ques qui ont adhéré au communisme.
Si l'on prend en considération que ces femmes sont des femmes decommissaires ou leurs maîtresses, on pourra alors se faire une idée
juste de l'influence réelle et du crédit que le communisme a acquisparmi les femmes turques d'Azerbaïdjan.
APPENDICE III
Un court ht9tortqne de la presse azérie (<).
Nous reproduisons ci-dessous une liste de la presse périodiqueazérie depuis 5o ans jusqu'à nos jours. Nous la divisons en quelques
périodes caractéristiques
I. La période de censure (depuis t' <EMadj<)) (le Cultivateur),
Josqu'at) « Chark-rous (t'Bst-rosse).
Le premier journal paru en Azerbaïdjan est l'Ekindji, fondé en tSyS,
par Hassan-bey Meiik.zadé, originaire de Zerdab (province azerbaYdja-
naise). Le premier numéro parut le 22 du mois de juillet (ancien
style) de l'année de sa fondation.
Dans la première année de sa fondation il en a été publié tt numé-
ros, 24 numéros dans la seconde et M numéros seulement dans la
3" année de sa fondation. En dehors de son directeur-fondateur ont
collaboré à ce journal Mehmandarli, Quérim-bey, Vesirli Nadjaf-bey,
Adighuzalli et le célèbre poète azéri Séid-Aztm. La publication en a été
suspendue en tSyy par l'administration tsariste.
En 1879, les frères Unsi Zadé, Said et Djéiat ont commencé à publierà Tiflis, un journal intitulé Zia. Jusqu'au mois de janvier de l'année
t88o on a publié 76 numéros de ce journal.Ces exemplaires étaient lithographiés.Par la suite, prenant le nom de ~M:o/X<M (la Lumière du Caucase),
on a continué à le publier mais cette fois par l'imprimerie à carac-
()) Y~tt'-X<A<!Mt'N,n'g, 3' atnëe, fmars tg~C.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE I 21
tères mobiles; on en a publié, jusqu'à juin de l'année t86~, encore
10~ numéros. Ce journal s'est spécialement occupé de la réforme des
caractèresarabes.
En dehors de ce journàl il a été publié à Tiflis un autre journal du
nom de Kechkoul, depuis t883 jusqu'à f8<)t.
Depuis ce temps (de )8o)) jusqu'à !Oo3,i'AzerbaMjan a vécu une
périodesansaucune presse.C'est dans les années tgo~-fgo~, qu'a été fondé à Tiflis, par Mamed-
Agha Chahtahtinsky, le journal quotidien CAar~-roM~,qui continua,
par la suite, à paraître à Bakou. A côté des publicistes azéris, ont col-
laboré à ce journal des écrivains, des Turcs septentrionaux (Turcs-
Tartars) comme: Abdurrachid, Fatih, Riza-Kadi, Niaz-Mohammed,
Suleimani. Ce journal s'est particulièrement occupé de la question fé-
minine et de celle de la réforme des caractères arabes.
II. La période qui commença par la premièrerévolution russe.
En tgoS, te premierjournal qui commença à paraître sans être cen.
suré, le journal /y< (la Vie). Le fondateur en était Hadji Zéinal-
Abidin, et le propnétaireAti-Mardan-bey (Tôpchibachi). Ses directeurs
et rédacteurs en chef étaient Husséin-zadé, Ali-bey et Agha-OglouAhmed-bey.
Par la suite Ahmed-bey se séparant de la rédaction a fondé un autre
journal sous le nom de Irchad (le Guide) et laissa ainsi la rédaction en
chef à Ali-bey. C'était un journal quotidien Hayat, s'occupant des
questions politiques, littéraires et sociales. Il a continué à paraître jus-
qu'à l'automne de l'année fooo.A la suspension du journal ~fa/at, Hadji, Zeinal-Abidin fonda, sous
la rédaction en chef de Husséin.zadé Ali-bey. la revue fM~OM~/
(Abondance). ftyot~a< a été une revue sérieuse qui a imprimé sa
marque littéraire sur la presse azérie. Elle a été fondée dans les pre-miers jours de novembre de l'année tgo6 et elle a continué à parattre
jusqu'au mois de novembre de l'année foo? pendant cette période il
en a été publié 32 exemplaires. Elle était illustrée, y collaboraient plu-sieurs écrivains de Turquie dont Ahmed Kémal-bey.
Sous la rédaction en chef de Aga Oglou Ahmed-bey étaient publiés,à la même époque, les journaux Irchad (le Guide) et Tarakki (le Pro-
grès).J.Le premier était fondé en )oo7 et le second en tgoS.
REVUE DU MONDE MUSULMAN122
Ces journaux, publiant au début quelques exemplaires par semaine,étaient devenus ensuite des quotidiens. Lors du départ d'Ahmed-bey,à Constantinople, le journal Tarakki ne parut plus. Ces journaux ont
eu une importance considérable dans l'histoire du réveil politique de
l'Azerbaïdjan.A la même époque paraissait à Bakou la revue Débistan (fgoô'fgoS),
Il en a été publié en tout 27 numéros.
La revue humoristique Molla-Nasreddin pubi!ée à Tiflis est particu.lièrement digne de retenir notre attention. C'est une revue qui a eu la
plus grande action dans ['histoire de la renaissance d'Azerbaïdjan. Son
directeur était l'écrivain bien connu en Azerbaïdjan, Mamed-Kouli-zadé Djélil-bey. Néiman-zadé Omar.Faïk-bey en était un des fonda-
teurs et un rédacteur permanent.Le poète Sâhir, célèbre écrivain azéri a rédigé, sous le pseudonyme
de Hap-Hap, les plus bellescritiques humoristiques de cette revue. Ellea continué à parattre depuis tgeôjusqu'a t0!5 ses numéros constituentdes modèles au point de vue artistique. Ses caricatures étaient d'un
goût remarquable. En )gM, transférée à Tabris (Azerbaïdjan persan),on y a publié huit numéros. Retransférée à Bakou elle continue à yparaître encore actuellement.
Le journal 7*a~?<(ta Vie nouvelle) a commencé à être publiéà Bakou en 1907. Le fondateur en était Hadji Zeinal-Abidin, le rédac.
teur en chef en était Vésirof Hachim-bey; c'était un journal quotidienet politique; il a été suspendu en foo8; il en a été publié en tout
<t<).onuméros.
Le 7'~OMt~ était un journal hebdomaire de nuance radicale; fondéà Bakou en ;Q07et publié sous la rédaction en chef de Ressout-zadéMamed-Emin. f) a été suspendu par le Gouvernement dans l'année
même de sa publication. Le quotidien Yoldach (fe Camarade) qui l'a
remplacé, a été suspendu par l'Administration à son a° exemplaire.En tgo6, a commencé à être publiée à Bakou, la revue humoris-
tique Behloul, après quelques numéros elle a été suspendue.Le quotidien f<tt/<!<;(l'Unisson) a été publié à Bakou en.tQo8-!ooo,
par Vésiroff Hachim-bey.La revue mensulle ~a/i~er (le Guide) a été publiée par le professeur
Mahmoudbekoff, en tgo6; quatre numéros seulement en parurent.En too6 on a publié à Bakou un journal dans les langues turque et
arménienne sous le nom de ~o<eA.D<MM<.Le but en était, mettre unterme au conflit turc-arménien; mais il n'a pas eu unelongue durée.
La revue humoristique hebdomadaire A~aA (Humour) a été publiée
par le docteur en médecine Abdul-Khalik Akhoundoff (en toco-toto);il en a été publié a6 numéros seulement.
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE t23
Les quotidiens .S~a (la Voix), .S~V~M (la Voix de la patrie),5<M<!i'M (la voix du Droit), Sédat.Kafkas (ta Voix du Caucase)avec la revue humoristique Méséli (te Délicieux, spirituel) ont été
publiées par Vésiroff Hachim-bcy pendant tes années too8-)0t3. La
variété de titres énumérés ci-dessus provient de ce fait que ces journauxétant consécutivement suspendus par les autorités étaient remplacés
pard'autres.Les revues Hilal (le Croissant) et Chéhabi-Sdkib ont été publiées en
tgto par Ali-Abbas Muznib et aussit&t suspendues.La revue Nédjat (la Délivrance) fut publiée par l'Association pour
la propagation de l'instruction publique de fOtoà )9!2daas les langues
turque et russe.
La revue hebdomadaire illustrée de Yéni-Fuyousat (le Nouveau
Fuyousat) aété publiée en t~fo et fût! par Husséin-Zadé Ali-Pacha.
Les journaux ~aA;Aa< (la Vérité), Ghunech (ie Soleil), Yéni-Hakikat
(la Nôuvelle Vérité), Maaloumat (les Nouvelles), Y~ntJrcA~~ ()e
Nouveau Guide), /~a/ (le Destin), ~M!A~/ (le Nouveau Destin)
ont été publiés par les frères Oroudjoff à différentes périodes depuis
1909jusqu'en 1917. Lavariété de ces nomsétait due à la censure; ils se
remplaçaient consécutivement.
En tQ)2 il a été publié de la part de Youssouf-Zadé Mirza-Djéla, en
quelques exemplaires seulement, le journal ~fM~aA~a~ (les Traces
de la vérité). Ce journal, ainsi que Hakikati-Efhiar (la Vérité des
idées), 7'a~ar (tes Nouvelles Nouvelles), .Son.~x~t- (tes Der-
niéres nouvelles) a été publié en i~tz-tgtS a Bakou par lesfrères Orou-
djoff.Hakk-Yolou était une revue hebdomadaire publiée à Bakou en ;on-
ï0t! sous la direction du docteur en médecine Kara-bey Karabekoff,
La revue féminine/eA<A fut publiée en ton sous ta direction de Kha-
dija-Han~um.Miradt (le Miroir) parut &Bakou en toto, en un numéro seulement.
journal illustré humoristique, fut publié en igtz-tgtS à Bakou
par Kassimoff Hadji Ibrahim.
La revue illustrée Mekteb (l'École) littéraire et morale, parut à Bakou
depuis tgn à )'):o sans interruption. Elle était rédigée par les profes-
seurs (du lycée) Ghafour-Rechad et Abdurrahman bey.
Le journal Basirat (la Prévoyance) fut publié en tOt~-tQM par Kas-
simoff Hadji-fbrahim.La revue illustrée Chélalé (la Cascade) était une bimensuelle publiée
par Achourbeyli Jssa-beyà Bakou (:o)9-!0t4).La bimensuelle Dirilik était publiée à Bakou parle poète Ali Abbas
Muznib en tg~-tQtS. C'était une revue tittéraire et politique.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!2~
La revue humoristique hebdomadaire Touti (le Perroquet) du a
!Qt4à[Qt7.La revue humoristique hebdomadaire BaM-ËMt'r ()ot5-!0;6) avait
pour directeur Ali-Abbas Muznib. Kourtoulouch était une revue bi-
mensuellelittéraire et sociale qui commença à être publiée entoiSsous la rédaction en chef de Hussein Sadik-bey.
III. LM périodes de;ta Qrande Queffe, de la Révolution
et de indépendance.
Le journal .4<cAt'A-.S<M~était un quotidien politique, social et litté-
raire paraissant sous la direction et la rédaction en chef de Ressoul-
zadé Mamed Emin-bey. Le premier numéro parut en 1916 au mois de
novembre. H a continué à paraître jusqu'aux événements tragiques de
mars tot8; il était très estimé du public. La devise d'~f~t'A-~t~eétait de « se turciser, s'islamiser et se moderniser ». Après la révolu-
tion russe, complétant son programme et son cadre, il défendait tes
droits de toutes les populations turques vivant dans l'empire russe et
demandait pour elles le droit de libre disposition d'elles-mémes. En
!Qt8 sa rédaction et son imprimerie ont été brùtées par les bolcheviks.
Le Dogrou Set~e (la Vraie parole) était un journal hebdomadaire
publié par Ressoul-zadé en )OtS; il eut quelques exemplaires seule-
ment.
La Bt<rAaM-~f<!A)'A<!<(la Preuve de la vérité) était un revue littéraire
hebdomadaire publiée a Erivan.
Le Kardache-Keuméghi (t'Aide fraternelle) fut publié en un seul
exemplaire à Bakou par les écrivains azéris au profit des émigrés de
la ville de Kars.
Le /<f)/<MHfM//tM<n (L'Union des élèves), le Ghendjler-Sedassi
(la Voix de la jeunesse), publiés en tôt? à Bakou par les élèves turcs
de différentes écoles n'ont pas eu une longue durée.
Le ~tt(M<!<(t'ESort), le Za~MOt-SMaM) (la Voix du travail) ont
été publiés en !Q)7-)Q)8 par les socialistes turcs.
Le Chéipotir (le Clairon), revue hebdomadaire humoristique, fut
publiée à Bakou en tOtS-fQto par Mamed Ali Sidki.
Le /~fM/a/ (l'Indépendance), organe hebdomadaire du parti fédéra-
liste turc Mussavat, parut à Bakou de tûta à 1920. Après l'occupationde t'Azerbaïdjan par les bolchevistes il recommença à paraître clandes-
tinement jusqu'au mois d'octobre de l'année 1923: d'une façon régu-
lière mais à cette date son imprimerie ayant été découverte par les
BAKOU CENTRE D'UNE NOUVELLE CULTURE tx5
botchevistes, son fo" numéro de la dernière année fut confisqué et les
imprimeurs ont été tous arrêtés et déportés dernièrement eh Sibérie.
Le Yéni-Hayat (La Nouvelle vie), publié à Bakou par le docteur
Karabeghoff, a eu une courte durée.
Le faa~a-Con/erMCt'ntn-MMart (tes Nouvelles de la Conférence.
ouvrière), fM~ara-aMt (la Voix des prolétaires pauvres), ~aA~-
Sédassi (la Voix du Droit), ~4.dM/an.fMAaraMt (les Pauvres'[pro.
tétaires] d'Azerbaïdjan), Yoldache (le Camarade), Mach'al (le Flam-
beau) ont été pubttés successivement par le bolcheviste azéri Ali-
Haïdar Karaieff.
Le Hurriet (la Liberté) publié à Bakou par les communistes persans.Le A.Aa/A-.SeM~'(la Parole du peuple) a été publié à Bakou en igto
par les écrivains turcs.
De )Qf8 à )Q20ont été publiés à Bakou par les (S.-R) (socialistes-
révotutionnaires) le Fala-vé Ë'At'na)' (l'Ouvrier et le paysan); par le
parti libéral le B/(te Peuple); par les mencheviks le Doghrou-Yol.
(te Chemin droit) par les S.-R. le ~a/M/t (le Partisan du peuple ou
le Populaire) par le compositeur azeri Zulfikar-bey, le ~cra~-M~M~
(les Feuilles de beaux-arts) par tes coopératives le Zahmat-Hayati
(la Vie du travail), le Kourtoulouche-Yolou (te Chemin de la déli-
vrance) par la jeunesse azérie la revue Medenyet-Madjmou'assi (la
Revue de ta civilisation); par les démocrates persans le .S~a!<-an (laVoix de la Perse).
En [gtSet tgtgte parti fédéraliste turc Mussavata eu comme organele périodique Mussavat dont la deviseétait La libertépour t'humanité.
L'égalité pour les peuples.Le Mussulmanlik (l'Islamisme) l'organe du parti « L'Islamisme
dans l'empire russe était publiée par les panislamistes.Le journafVfft'Aaof(l'Union), organe du parti < Union musulmane
parut premièrement sous la direction de Djéihoun-bey et ensuite sous
celle du docteur Kara-bey Karabeghoff(<ot7-tQ:oj.
LeA~r&afd/att (tQ~-tgtS) dont le vrai nom était Azerbaïdjan-
D/M~'t-~a~tt/eA~t./ran (L'AzerbaIdjan partie intégrante de la Perse)était publié à Bakou par les démocrates persans.
Le El-Hayati (la Vie populaire) était une revue publiée par l'Asso-
ciation des consommateurs;Le ~Ba:raA (le Drapeau rouge) était un journal socialiste publié
parAhmed Djevdet, d'abord à Tiflis,ensuite à Bakou(tOiS-toso);Le GA~e~ (l'Avenir) était édité à Tiflis par les mencheviks mu-
sulmans ('QfS).Le 7'ar~aM.Par/a~, journal humoristique parut en un seul exemplaire
à Tiflis.
REVUEDU MONDEMUSULMAN126
La revue politique et littéraire le Ghendjler-Yourdou fut fondée en
1918à Tiflis par les jeunes écrivains idéalistes Féridoun-bey, Tewnk-
beyetMirzaBala.Les Akhbar (les Nouvelles) furent publiées en t0t8 à Bakou par les
militaires et marins azeris.
L'Ekindji (le Cultivateur) fut publié en !Qi8 à Bakou par les socia-
listes-révolutionnaires.
Le 7'Mfe-~u~! parut en t9<8 à Ghandja sous la direction de Agha
Oghtou Ahmed-bey; sa publication a eu une courte durée.
L'officiel .A~er&<!M/an-HM~ouMt!<t?)t'H-.<4~M<!r<(lesNouvelles du gou-vernement de l'Azerbaïdjan) parut à Ghandja et à Bakou (tQtS-tgM).Le journal officieux ~~r~oM/att dans la période de l'indépendance
(tQ)8-i()M)s'édita d'abord à Ghandja et ensuite à Bakou. C'était un quo-tidien social, politique, littéraire et économique, ayant un programmeassez complet et paraissant très régulièrement. A la suite de l'occupa-tion du pays par les bolchevistes le 27avril t9:o il cessa sa publication.
IV. La période de l'occupation.
Actuellement depuis l'invasion rouge, on publie en Azerbaïdjan dif.
férentes revues et journaux en langue turque Ces publications ayantun caractère tout à fait officiel, servent exclusivement les points de
vue et le but du parti communiste et de la Russie rouge.
[Trad. d'A. AosH&mM.).)
(t) Voir leur liste ap. Annuaire du monde musulman, z' édition (tg~S),section C, p. 5 (Bakou),p. t) [Gt)M<<~),p. )6 (JVaAAtcA~w)et Noukha),
LETHEATREEN AZERBAIDJAN
L'apparition de drames et de comédies dans la littéra-ture azerbaïdjanienne date de i85o; elle est étroitement liéeau nom de Mirza Fet'AUAkoundzadé (t), tepremier drama-
turge azerbaïdjanien et musulman. Les oeuvres de MirzaFet'ati sont trop bien connues pour qu'il soit nécessaired'en parler en détail. Elles ont été traduites en persan, en
russe, en français, en anglais et en allemand, il y a déjàlongtemps, par MM. Mirza Djafar, Barbier de Meynard,Cillière, Lucien Bouvat, Hoggard et Wahrmund.
Les comédies de Mirza Fet'ali, au nombre de six, sontécrites en turc azéri; c'est leur version persane qui a servide base à M. Cillière pour la traduction française. C'estsans doute ce qui lui a fait donner à sa traduction le titreerroné «Trois comédiespersanes ».
Voilà la liste de ces comédies
Z//i~e/M:~c.
L'Ours et le Vo~Mf.Les Procureurs.
Le Vt~t' du Khan de Serab.Z.re ou Hadji Kara.
Monsieur Jourdain.
Les plus populaires de ces œuvres sont le ~trefM Khande ~era&et Hadji Kara.
()) Nous laissons à notre collaborateur toute la responsabilité de son
système de transcription (N. d. R.),
REVUE DU MONDE MUSULMANtz8
Dans les œuvres de Mirza Fet'ali on reconnaît l'influence
de Molière aussi l'a-t-on appelé le « Molière turc Novice
dans l'art dramatique, Mirza Fet'ali y a montré de remar-
quables aptitudes et feu Gasprinsky le plaçait même au-des-
sus du dramaturge turc Abdul-Hakk Hamid, disant qu'iln'avait pas le naturel de Mirza Fet'ati.
Les Azerbaïdjaniens avaient donc leur théâtre écrit depuis
t85o, mais les représentations théâtrales ont commencé
assez tard et d'une manière assez rudimentaire. C'étaient
des intellectuels, des maîtres d'école surtout, qui avaient
introduit les représentations théâtrales en Azerbaïdjan parleurs propres moyens, en amateurs. Les premières représen-tations eurent lieu vers tSyo. L'un des initiateurs dans ce
domaine était feu Hassan bey Melik zadé Zerdabi, qui fut
également l'initiateur de l'introduction de la presse en Azer-
baïdjan (le journal Akhintchi dont le cinquantenaire fut
célébré récemment en Azerbaïdjan). Les rôles féminins
étaient tenus d'abord par des hommes et ensuite par des
femmes d'autres nationalités arméniennes, russes, Israé-
lites parlantl'azeri les initiateurs nevoulaient ni mécon-
tenter le public, ni exciter les passions religieuses en intro-
duisant des femmes musulmanes sur la scène. !1 faut
remarquer d'ailleurs que ce procédé a subsisté jusqu'à nos
jours. Ce n'est que sous le gouvernement national qu'on a
essayé, et d'une façon prudente, d'introduire les musul-
manes au théâtre. Aujourd'hui, sous les dirigeants actuels
en Azerbaïdjan cette révolution est faite et un cadre d'ar-
tistes azerbaïdjaniennes, aussi bien que de cantatrices, s'est
formé.
Pour en revenir aux débuts des représentations théâtrales,il faut dire qu'ils ne furent pas très brillants. Le publicc
d'alors ne pouvait pas apprééier ce genre littéraire; les uns
s'en méfiaient, les autres étaient portés à le confondre avec
des amusements vulgaires et la seule pensée d'aller au
spectacle les mettait en gaité.
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN 129
Les représentations d'ailleurs n'avaient lieu que pourdes buts de bienfaisance, personne à cette époque n'ayantl'idée de faire du théâtre une source de profit. Jl va sans
dire qu'il n'existait pas de théâtres on donnait les repré-sentations dans des salles privées en aménageant la scène
tant bien que mal. Dans des villes de quelque importance,les intellectuels, les instituteurs et les étudiants surtout,
ayant décidé de donner un spectacle quelconque, choisis-saient la période des vacances, louaient une salle et, parvoied'affiches, annonçaient le spectacle. Naturellement, les
billets ne se vendaientpas à ta caisse à l'exception du public
spécial de « galerka » ou de « poulailler », on ne trou-
vait pas beaucoup d'amateurs qui voulussent se déranger
pour aller au spectacle. On faisait distribuer les billets
parmi les notables et les commerçants par les soins des
étudiants et d'autres personnes de bonne volonté. Pour
attirer le public, on faisait venir une musique militaire qui
jouait avant le spectacle et une musique indigène avec un
chanteur qui exécutait des morceaux de <f<M<~aAaux
entr'actes.
Hadji Zejnal Abdin Taguief, le millionnaire bien connu
mort l'année dernière à l'âge de cent ans, avait bien
construit à Bakou un théâtre, vers t88o; mais la scène
musulmane était à ce moment trop pauvre pour pouvoirs'abriter dans ce palais opulent. Le théâtre fut aménagé
pour des spectacles russes et servit pour les spectaclesmusulmans dans des cas extraordinaires.
Quant à la littérature dramatique, Mirza Fet'ali en fut
longtemps le maître unique. Ce n'est qu'entre 1890et tooo
que les lettres azerbaYdjanienness'enrichirent de nouvelles
pièces de théâtre. Parmi les nouveaux auteurs dramatiqueson peut citer les noms de Nadjaf bey Vezir zadé, Abdul-
Rahim bey Hakkverdili, ainsi que Nariman Narimanof
(devenu ensuite communiste militant et membre du
Comité exécutif central, président des Commissaires du
MtH. 9
REVUE DU MONDE MUSULMAN)3o
peuple de la République soviétique de l'Azerbaïdjan). Cha-
cun de ces auteurs a écrit de 4 à pièces dont les plus
importantes sont
Pahlivanani Zemané (les Héros contemporains), deM. Vezirzadé; /)<!g'M:aKTifak (les Foyers ruinés) et Peri.
Djadou de M. Hakkverdili Nadir-Shah et Agha Moham-
med Shah Kadjar de M. Narimanof.
Ces deux dernières pièces sont, comme le montrent leurs
titres, des pièces historiques, tandis que les autres, sauf
Peri-Djadou qui est une pièce plutôt mystique, sont des
pièces de mœurs l'orgueil des intellectuels, les débauches
et les prodigalités de la noblesse, et leur déchéance.
En dehors de ces auteurs on peut citer encore les noms
de MM. Hachim bey Vezirof, Sultan Medjid Gani zadé, Su-
leiman bey Akhoundof, suivis deprès par plusieurs jeunes.A côté de pièces originales les Azerbaïdjaniens possèdenttoute une série de traductions de piècesétrangères, russes,
françaises, anglaises, allemandes, des classiques pour la
plus grande part.Mais le théâtre azerbaïdjanien fera des progrès rapides à
partir de tgo5 lorsque la Constitution russeaura permis aux
musulmans de s'occuper plus librement de leur culture
nationale. Vers cette époque le théâtre ne reste plus le mo-
nopole des amateurs intellectuels. La vie introduit sur la
scène des artistes professionnels, gens du peuple, lesquels,encore que n'ayant pas reçu une instruction spéciale, n'en
obtiennent pas moins des succès et même de la renommée,
grâce à une longue pratique.Vers cette époque le théâtre est devenu non seulement
une œuvre de bienfaisance, mais aussi une source de gain
pour les artistes amateurs qui essayent de s'organiser en
troupes et de donner des spectacles plus ou moins réguliè-rement, à Bakou surtout. Dans cette ville il y a déjà des
artistes connus dans tout l'Azerbaïdjan, comme DjanguirZeinalof (personnages comiques de Mirza Fet'ali Akound
LE THEATREEt AZERBAÏDJAN t3t
zadé}, Hussein Arablinsky (tragédien) et Mlrza Agha Alief
(comique). Ces artistes, les deux derniers surtout, possé-daient un véritable talent et leur jeu, on peut l'affirmer, nelecédait en rien à celui de leurs confrères d'Europe les mieuxentraînés.
Mais ce fut surtout l'introduction des pièces musicales,opéras et opérettes qui assura la prospérité de la scène azer-
bâ'fdjanienne. Cette innovation fut entreprise et mené~à bien par les frères Uzeïr bey et Djeyhoun bey Hadji-beyli (i). Leur premier opéra, intitulé Leïla f~ Me~'M~M~fut joué à Bakou, en !go8, dans le théâtre de Taguief, en
présence d'une affluence telle qu'aucun théâtre musulmann'en avait vue de pareille.
Au début il subsistait quelques appréhensions parmi les
intellectuels, appréhensions touchant le succès -ou plutôtl'insuccès que pourrait avoir cette innovation chez le
public certains craignaient même qu'elle ne fût mal vue
par des milieux conservateurs ou bien que la musique et lechant n'eussent pour effet de trop exalter la majorité du
public qui donnait libre épanchement à son humeur mêmeaux drames. Pour parer à ces éventualités, quelques pré-cautions furent prises; le public fut avisé, par la voix .au-torisée des notables, de s'abstenir de manifestations tropbruyantes et même d'applaudissements. Précautions d'ail-leurs inutiles, car la nouveauté du genre et le caractère tra-
gique du poème accompagné en plus d'une musique en
ton mineur, apaisa tellement les esprits railleurs du pu-blie– y compris la « galerka » que sauf des soupirsprofonds et même des larmes traîtresses, on ne constataaucune autre manifestation.
Le succès de l'innovation fut complet. On venait depro-vince pour voir cespectacle inéditet laSociétépour la dinu-
(t) Surle premieropéraazerbaïdjanienvoirl'articlede M.DaghestanidanslaRevueduMondeA~M~M/mand'avriltgio,sousletitre«OpéracAe)!lesMtMM/oaMduC<!H<*<Me)t.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!32
sion de l'instruction Ntd~, à laquelleles auteurs avaient dé-
dié leur œuvre, a réalisé près de too.ooo roubles de recettes
au cours d'une saison, encore que les représentations ne
fussentpas fréquentes.Le succès de Leïla ve Medjnoun incita l'auteur principal
Uze'irbey Hadjibeyli à écrire en igog un nouvel opéra,intitulé Cheïkh-San'an. Mais après une seule représenta-tion, l'auteur, non satisfait de sa nouvelle œuvre, l'a reti-
rée de la scène. En 1910,Uzeïr bey écrivit une opérette,Er ve Arvad « les Époux if de sujet moderne,où il raillait
la cérémonie du mariage. qui se pratique dans le pays.Cette opérette a eu un succès moyen. En f~n et 19)2, il
donna un nouvel opéra, Rustem ve Zohrab, d'après la cé-
lèbre œuvre de Firdoussi et une nouvelle opérette, 0 O~mas-
soun bou Olsoun.(Si ce n'est pas celle-là, ce sera celle-ci)
qui obtint un vif succès.
A partir de cette époque il existe déjà des troupes d'ar-
tistes d'opéras etd'opérettes~organiséessous la direction des
frères Hadjibeyli.Pour être tout à fait exact, c'est à partir de cette époque
que la scène azerba'idjanienne s'habitue à avoir des artistes
professionnels gagnant leur vie uniquement de leur mé-
tier, sans s'occuper d'autres choses. Les principaux parmieux ont déjà des traitements fixes mensuels qui dépassentmême ceux d'autres professions libérales. On organise des
tournées artistiques en province et même à l'étranger
(Perse, Turkestan). On pense déjà à la construction d'un
théâtre national. En attendant, les spectacles sont régu-liers. Chaque vendredi le théâtre de Taguief est réservé
pour des représentations musulmanes, et l'on y vient en
foule. On refuse même du monde. Letemps de la vente des
billets à la main par le moyen de la « suggestion ou des
longs sermons est passé. Ceux qui désirent assister aux
spectacles doivent faire la queue devant le guichet duthéâtre quelques jours même avant les représentations.
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN fM
D'autre part, en attendant le moment propice pour l'appa-rition de la femme musulmane sur la scène, Uzeïr beycommence à éliminer une coutume contraire au goût es-
thétique celle de l'attribution à des hommes de rôles
féminins, surtout dans les pièces musicales. H prépare des
jeunes filles russes, arméniennes et israélites à apprendreles lois de la musique orientale des destgahs, desmakamats ce qui est en général une tâche assez difficile
pour des étrangers, 'cette musique vocale n'ayant ni mo-
dulations fixes, ni rythmes, mais dépendant entièrementde la fantaisie et compétence de l'exécutant. Bientôt les
principaux rotes fémininsseront tenus par des femmes. On
soigne également la mise en scène, on fait faire des décorset des costumesspéciaux, en rapport avec tes piècesjouées;d'autre part, le public qu'on .cherchait avant pour le
théâtre, à présent cherche lui-mème le théâtre et devant
cette splendeur de mise en scènei 1abandonne son humeur
railleuse et prend les choses au sérieux.
Ainsi le théâtre contribua indirectement à l'éducation età l'esprit dediscipline de la foule, en lui inspirant du res-
pect pour ce genre de distraction saine, développant son
goût esthétique. J'admets que le titre d'« opérette peutsusciter quelques doutes quant à son rôle d'éducateur de la
foule; mais il faut remarquer que les pièces de ce genrede M. Hadjibeyli qui passent sur les scènes orientales sous
le titre d'opérettes, ne sont en réalité que des comédies mu-
sicales où les côtés ridicules de la vie sociale, certaines
coutumes, mœurs ou préjugés subissent une critique rail-
leuse mais alternée avec la musique mélodieuse et parfois
comique, cettecritique ou la satire sont mieux« digérées ?»
par le public et les aigreurs du sujet sont supportées avec
ptus de tolérance par les milieux visés.
La thèse principale traitée dans lesopérettesEr. ve Arvad,0 Olmassoun bou Olsoun, ainsi que dans une autre,Archine Mal Alan, écrite en K)~, est la question fémi-
REVUE DU MONDE MUSULMAN
nine l'auteur insiste sur les inconvénients et les quipro-
quos ridicules que présente la coutume subsistant encore
dans le peuple et même dans la bourgeoisie, le mariage« aux yeux fermés qui veut que le fiancé ne fasse con-
naissance avec sa nancée qu'au jour du mariage, dans la
chambre nuptiale. Ces pièces raillent également d'autres
cotés défectueux de la vie populaire et sociale, comme
l'avarice des commerçants, la prodigalité et la vanité de la
noblesse, le faux patriotisme des intellectuels, etc. Et tout
cela d'une façon drolatique, « innocente », légère, qui ne
peut pas laisser une impression amère ni une rancune
chez les spectateurs visés.
Quelques mots sur la dernière pièce, Archine Mal Alan.
Écrite, comme nous avons dit, en iQ!~ et traduite aus-
sitôt en arménien, elle obtint sur les deux scènes– musul.
mane et arménienne un succès qui n'avait pas de pré-cédents dans l'histoire du théâtre oriental. Ce succès fut
vif surtout sur la scène arménienne. Elle débuta à Bakou
par 80 représentations, chose inouïe jusqu'alors (le nombre
de la population arménienne de Bakou ne dépassait pas35.000, et rare était la pièce qui tenait affiche plus de
4-5 fois). Jouée par les artistes arméniens, Archine Mal
Alan parcourut tout le Caucase, la Perse, la Turquie,
l'Égypte, la Syrie, les Pays balkaniques, la France, l'An-
gleterre et même t'Amérique. Cette pièce a enrichi plu-sieurs directeurs de troupes et dans plusieurs occasions a
servi comme principale source de gain pour les artistes
arméniens réfugiés dans les paysétrangers. Jusqu'à présentArchine Mal Alan a eu des milliers de représentations,surtout en arménien, en turc, en persan, en géorgien et
russe (t).
Puisque cette pièce bénéficied'une renommée exception-
(()ArchineMalAlanfuttraduiteenCrantaisparM.D.b. HadjibeylietreprésentéeenmatinéeauthéâtreFtminale4 juinx~Sauprofitdesœuvresdel'AssociationAzerbaidjanienneenFrance.
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN t35
nelle dans le monde oriental, nous avons cru utile d'en
donner ici un compte rendu sommaire, en ajoutant que cen'est pas le sujet seul qui contribue à son succès.
Les coutumes du pays interdisant aux fiancés de se voir
avant la célébration du mariage, Asker, jeune et riche
négociant,-aa décidéde se déguiser en colporteur, car ceux-ci peuvent pénétrer auprès des femmes, sans qu'elles pren-nent la peine de se voiler devant eux.
Hparcourt la ville en chantant son refrain Al'chine mal
Alan/ et le hasard l'amène dans la demeure de Suitan-
Bey, vieux seigneur, orgueilleux, veuf, père de GM~-T'e/!o-Afa. AsAer est subjugué par la beauté de la jeune fille, quide son côté est attirée par le charme du colporteur; celui-ci lui déclare son amour sans faire connaître sa véritable
identité, car il tient à être aimé pour lui-même et pas poursa richesse. Gul-Tchohra répond à cet amour et Asker se
promet de faire juger son choix par sa tante.
Sultan-Bey, se lamentant d'être veuf, voudrait se rema-
rier, et son leitmotiv est-celui-ci trouver une femme
veuve, avec laquelle le mariage n'exigerait qu'un molla
(prêtre), trois manates d'argent et un pain de sucre. Toutà coup, une femme sort de chez lui, c'est la tante d'er,'elle répond à ses désirs et il la demande en mariage; mais
Asker qui attendaitanxieusement le résu!tat de !a démarche
de sa tante vient se mettre entre eux et demande en
échange de la main de sa tante la permission d'épouserGul-Tchohra. Sultan- Bey.'entredans une violente colère et
chasse le colporteur. Asker sourit de ses menaces car il
sait q'ue si ce dernier refuse de devenir le beau-père d'un
colporteur, il sera très heureux d'accorder la main de sa
fille au riche négociant Asker. Il fait donc demander sous
son véritable nom la main de Gul-Tchohra par un de ses
camarades Suleiman, ami de Sultan-Bey. Suleiman vient
donc remplir la mission dont l'a. chargé Asker. H est reçu
par Assia, nièce de Sultan-Bey, qu'il prend pour Gu!-
REVUE DU MONDE MUSULMANt36
Tchohra. Ebloui par la beauté de la jeune fille il est sur le
point de trahir son ami, mais résiste à la tentation et em-
porte ia promesse de mariage qu'il est venu chercher. Sut-
tan-Bey informe sa fille de son prochain mariage; celle-ci
résiste et avoue à son père qu'elle aime le colporteur et
qu'elle n'épousera que lui. Fureur de Sultan-Bey qui sevoit
déshonoré et qui par crainte du scandale va prévenir Su-
leiman de faire entever'sa fille par ses gens le soir même.
L'enlèvement a'lieu; Assia et Telli se lamentent. Sultan-
Bey feint de vouloir tuer ceux qui enlèvent sa fille, puis
voyant que son plan a réussi se couche tranquillement.Gul-Tchohra a été emportée chez Asker enfermée dans
une pièce elle se lamente et fidèle à la parole donnée va
s'étrangler, quand le cri du colporteur vient frapper ses
oreilles. Asker apparatt cette fois sous son véritable aspectet apprend à Gul.Tchohra le subterfuge qu'il a employé.Lepardon est vite accordé. Mais Sultan-Bey arrive et sa
stupéfaction est grande de reconnaître en Asker le colpor-teur qu'il a si durement traité. Puis revenant à son désir,il demande à nouveau la main de la tante qui lui est ac-
cordée. Alors que les deux couples sont ensemble, Sulei-
man vient pour voir son ami, mais ne reconnaît pas en
Gul-Tchohra la jeune fille qu'il a vu chez Sultan-Bey. Il
apprend avec joie qu'il a confondu la nièceAssia avec la
fille de Sultan-Bey et aussitôt il demande à épouser Assia.
Celle-ci de son côté ne demande pas mieux. Voilà donc
tout le monde heureux, quand des soupirs désespérés se
font entendre, on se retourne c'est Veli, le domestiqued'Asker, qui voyant tout le monde se marier, voudrait bien
lui aussi épouser Telli qu'il a vue au cours d'une commis-
sion faite chez Sultan-Bey. Telli ne résistera pas aux sou-
pire de Veli et aux ordres de son maître et c'est peut-êtrela seule fois qu'elle tes exécutera de bon cœur.
En dehors des pièces énumérées ci-dessus. Uze'frbey a
écrit encore deux autres opéras, Asli ve Kerem et Shah
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN .37
Abbas ve Khurchid Banou, dont le premier surtout jouitd'un grand succès.
Maintenant quelques mots sur le caractère et la tendancede ces pièces musicales qui ont enrichi la scène azerbaïd-
janienne depuis !oo8.Par teur-valeur musicale, tout en ne pouvant pas être
placés à côté des opéras européens, ce sont des essais oùles auteurs rajeunissant des légendes, des poèmes célèbres,enrichissent en même temps la musique.populaire en re-
cueillant des airs nationaux et en leur appliquant lesélé-ments qui manquent jusqu'ici dans la musique orientale,
commel'harmonie, la polyphonie, etc. D'autre part, lesairs
classiques, connus sous le nom de Destgahs ou de Ma-
kamats, qui ne sont soumis à aucune règle rythmique, et
par là rebellesà la notation et à l'exécution avec les instru'
mettts de musique européens, subissent une transformation
qui les rend plus assimilables et plus agréables à l'oreille
européenne, plus faciles pour leur exécution par un musi-
cien ouchanteur non oriental. En dehors de ces expériencesfaites sur la musique populaire et classique, les partitionsde ces oeuvres contiennent des morceaux musicaux et
vocaux inédits, créés par le compositeur lui-même et les-
quels, tout en étant basés sur la musique nationale, ne
paraissent .plus tout à fait étrangers à un auditeur occi-
dental.
Ainsi c'est un essai de rapprochement des musiquesorientale et occidentalesous une forme plus soignée, moins
fantaisiste qu'un essai analogue d'un compositeur occi-
dental peu familier avec la musique orientale, mais, en
même temps, plus riche en modulations et en harmonie
que ne les contient en réalité la musique primitive orien-
tale.
Certes, c'est une affaire de goût ei de sympathie indivi-
duelle d'affirmer ou de nier la nécessité ou l'opportunitéd'une tette réforme, Il est des gens, parmi les orientaux
REVUE DU MONDE MUSULMAN)38
aussi bien que parmi les occidentaux, qui la trouveraient
peut-être inutile, les uns par esprit de conservatisme, les
autres par respect ou jalousie pour un Orient pur, pitto-
resque, romantique qui doit garder intacte son originalité,sans subir l'influence de l'Occident. Maison trouve aussi
des Orientaux qui disent: l'Orient, dans son désir d'ap-
pliquer les méthodes occidentales dans les divers domaines
de sa vie matérielle et intellectuelle, ne peut laisser cette
branche importante de l'art qu'est la musique dans son état
primitif et inculte, quoique pittoresque, monotone, quoiquecurieuse, déréglée quoique charmante. JI faut la rendre
intelligible pour les Occidentaux, pour tout le monde; ilne suffit pas de réserver ce domaine aux Orientaux seuls.
La musique occidentale, qui était auparavant dans Je même
état et qui ne s'est enrichie de l'harmonie qu'à partir du
xtV siècle, a subi, depuis, plusieurs réformes elle évolue
sans cesse en cherchant de nouveaux aspects. II est tout
naturel que'la musique orientale la suive dans la même
voie. Et comme l'évolution de la musique européenne a
quelque tendance à reprendre certains principes de la mu-
sique orientale délaissés ou négligés (le quart de ton sur-
tout), d'autre part la musique orientale a tendance à adop-ter quelques principes de la musique occidentale qui lui
manquent; peut-être dansl'avenirassisterons-nous à un rap-
prochement étroit, à une certaine diffusion même de ces
deux musiques qui seront ainsi familières pour les deux
publics respectifs.Pour en revenir aux pièces musicales, les essais de
MM. Hadjibeyli dans cedomaine ne resteront pas sans être
imités. Quelques auteurs et même des débutants, voyantleur succès, surtout au pointde vue matériel, écrivirent des
pièces qu'ils intitulèrent opéras et opérettes mais aucune
d'elles n'a obtenu de succès auprès du public, et elles ont
disparu dela scène après quelques représentations. Onpeutnoter toutefois, à titre d'exception, les pièces de ce genre
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN ~9
Achik Guerib de M. Zulfikar bey Hadjibeyli et Shah Is-maïl de Muslime bey.Magomaef, qui peuvent conserver
leur place dans le répertoire limité azerbaïdjanien.
Quant à présent, les bolcheviks qui voient dans le théâtreun moyen puissant de propagande, et aussi une distraction
qui « change un peu des idées », y attachent une grande
importance. Pour ces considérations ils encouragent plutôtle théâtre, bien entendu dans les mesures où cela ne va
pas à l'encontre de leurs idées directrices ou de leur poli-
tique. Les représentations sont devenues régulières. Hy a
des « saisons tant pour les drames et comédies que pourles opéras et opérettes. La saison théâtrale commence vers
la fin d'octobre pour prendre fin en avril. L'ancien théâtre
de Taguief, devenu à présent le « Théâtre turc d'État du
nom du camarade Dadache Buniat zadé» (ancien commis-
saire à l'Instruction publique, actuellement commissaire
de l'Agriculture) ou bien « le Théâtre académique turc
d'État », est aménagé pour les drames et comédies (troisfois par semaine), tandis que le « Grand Opéra d'État »,ci-devant le théâtre des frères Haïfof, consacre a à 2 jours
par semaineaux pièces musicales azerbaïdjaniennes.Il existe encore un autre théâtre à Bakou, dit « Théâtre
Paysan et Ouvrier » (anciennement « Satir-aguite»).Dans le répertoire du Théâtre d'État, pour )a saison qui
vient de s'écouler, nous trouvons les pièces originales sui-
vantes des auteurs azerbal'djaniens.AMt'neet Oc<a; Jel Oglou de Djafar Djabbar zadé, un
« jeunes iShelkh San'an (ne pas confondre avec l'opéra du même
nom de M. Hadjibeyli), Iblis et Sheïda de Hussein Djavid.Les « vieux » ,sont représentés dans les personnes de
MM. Hakhverdof, Molla Nasreddine et Mirza Fat'Ali.
Deux pièces turques (d'Anatolie) et t3 pièces traduites
d'auteurs européens classiques, parmi )esque)ies s'en in-
REVUE DU MONDE MUSULMAN1~0
troduisit une de M. Lounatcharski. (Tout récemment on
a joué la Prostituée de V. Margueritte.)'Nous voyonsdonc que Latchine Youvassi (le Nid d'épervier) de Su-
leiman bey Akhound zadé ne figure pas dans le réper-toire. Pourtant c'est une pièce nouvelle « en vogue ayantobtenu aux premières représentations un très grand succès,si bien que le vieux dramaturge qu'était feu Nariman Na.
rimanof, le Président du Conseil des commissaires du
Peuple d'alors, avait récompensé l'auteur. Mais it est vrai
qu'il serait peut-être vain de chercher dans cette pièce des
propos très engageants pour la cause communiste, car la
pièce est plutôt imprégnée d'un sentiment national des plus
intempestifs. Lapièce décrit la lutte sanglante des azerba'i'd-
janiens avec les armées bolchevistes. Les nationalistes
meurent, mais ne se rendent pas. L'héroïne, une jeune fille
patriote, est parmi les combattants qui sont cernés par les
troupes rouges dans leur dernier refuge; le « Nid d'éper-vier Le chef des rouges qui est un jeune communiste
azerbaïdjanien, explique à sa bien-aimée qui est la jeunefille patriote, ses idées et les buts poursuivis, porter le
drapeau de la révolution et de la libération dans les paysd'Orient. C'est, peut-être la seule concession faite parl'auteur aux exigences des circonstances.
Nous voyons également dans le répertoire une autre
pièce du même auteur (instituteur de profession) Ashk ve
Intigam (l'Amour et la vengeance).H n'y a qu'une pièce de Mella Nasreddine(le pseudonyme
littéraire de 'Djalil Mamed-Kouli zadé, fondateur et direc-
teur du fameur journal satirique Mella Nasreddine) qui
figure sur l'affiche Olilar (les Cadavres),écrite bien avant
la révolution; Depuis il avait écrit deux autres piècesKe «mantcha(le Violon) et A tamin Kitabi (le Livre de mon
père); la première: un drame sentimental de l'époque des
conflits nationaux au Caucase (l'auteur prêche la réconci-
liation et la paix); la deuxième une comédieoù la civilisa-
LE THÉATRE EN AZERBAÏDJAN
tion moderne occidentale mise à côté des vieilles coutumes
d'Orient, l'emporte.Les deux figures qui se font remarquer parmi les drama-
turges contemporains azerbaïdjaniens sont cellesde Djafar
Djabbar zadé et d'Hussein Djavid. Le premier est un jeune
qui débute depuis l'installation des Soviets. Jusqu'ici it a
écrit trois pièces(les deux énumérées dans le répertoire, plusune autre.~ra~). Lessujets traités dans ses piècesétant im
prégnés d'esprit révolutionnaire, il n'est pas surprenantqu'il soit l'auteur le plus à la mode aux yeux des Soviets.
Dans AMt'~el'auteur décrit la lutte des classes et la guerrecivile, quoique son héros, le porte-parole de la révolu-
tion, tâcheplutôt d'apaiser l'esprit destructeur de sescama-
rades.
Quant à Hussein Djavid, c'est un poète talentueux bien
connu de l'époque an te-soviétique et ses pièces en vers
Ana (Mère), Maral (Gazèle), Sheïda (Fou) et même
Sheikh San'an sont écrites soit au temps du Tsar, soit
au temps du Gouvernement national azer&a'idjanien.
Mais, depuis, une scène, paraît-il, fut ajoutée à cette der-
nière pièce dont le sujet est tiré d'une légende caucasienne
du même nom (rapportée par M. Daghestani dans levolume
de mai g! de la Revue du Monde Musulman). Le héros,
le'pieux Shaïkh, dans le paroxysme de sa passion pour la
jolie bergère géorgienne, ~ec/tt're le Koran d'une façon
trop démonstrative geste, bien entendu, qui ne serait pastoléré sous un gouvernement « bourgeois
Depuis le règne des Soviets, Hussein Djavid a écrit
d'autres pièces, telles que Outchouroum (l'Ablme), Iblis
(le Satan), Afete (le Feu) et dernièrement Païgambar
(le Prophète).Ce sont des sujets philosophiques, imprégnés par-ci par-
là des idées avancées,signe de l'époque, certainement. Dans
t'ts l'auteur veut démontrer queles mauxterrestresqu'onsubit sur la terre proviennent non. pas du diable, le mau-
REVUE DU MONCE MUSULMAN:4~
vais génie des hommes, comme il est convenu de le croire
chez le monde islamique, mais ils proviennent deshommes
eux-mêmes, surtout des « classes dirigeantes«. Des rois cherchant du feu et du sang, des princes
cherchant de l'or et des femmes, des politiciens intrigantset rusés comme le renard, un clergé divisant les peuples
par son ingéniosité religieuse », etc.
Toutefois te succès artistique de cette piècene parah pasavoir été très grand, lorsque l'on voit la critique aigre paruedans tes colonnes du.Communiste même.
Le.Pa!'gwK'~para!t avoir plus de succès. La pièce fut
publiée par l'édition d'État et l'on dit qu'une récompensede 5oo roubles or fut décernée à l'auteur. Peut-être était-ce
ce même prix que le Commissariat à l'Instruction publiqueavait destiné, dans un concours des pièces théâtrales, aux
meilleures oeuvres. L'auteur n'a pas hésité à faire parattresurla scène le Prophète lui-même Mohammed. Il prêche la
paix et la justice dans le monde, puisant ses arguments au
Livre d'or que lui a remis l'archange. Mais cette prédica-tion par le livre se heurte à l'indifférence des uns età à l'hos-
tilité des autres.C'est alors que le Prophète se décide a pren-dre de l'autre main le glaive que lui suggérait de prendre« le Fantômes –« cesymbolede l'époque, ce vieux philo-sophe ». Désormais la prédication par le double organeaura plus de succès,
On comprendra pourquoi les prophètes rouges appré-cient fort cet ouvrage.
La liste des artistes engagéspour les drames et comédies
comporte 27 noms d'hommes et 7 de femmes dont 5 mu-
sulmanes. Parmi les hommes on rencontre les noms de« vieux », comme le talentueux comique Mirza Agha Alief,'
Darabli, Bagdatbekof, etc.
Qaant à l'opéra, son répertoire contient les mêmesœuvres des frère Hadjibeyli, plus une nouvelle- de Zulfi-
gar bey McA AcAtA~(les Trois Ménestrels), une autre
L& THÉATRE EN AZERBAÏDJAN !~3
de M. Aliverdibeyii ~afoun-A~nc/t: et la pièce deM. Magomaef dont nous avons déjà parlé Shah /~M~ï/.
Mais il faut noter qu'en général un courant assez marquése dessine parmi les dirigeants communistes contre les
pièces théâtrales « dont les sujets ne relatent pas la réalitéde la vie actuelle,», c'est-à-dire ne sont pas imbus des idées
révolutionnaires. Les pièces musicales ne sont pas exclues
de cet ordre d'idées. Une polémique assezsignificative a eu
lieu l'année dernière à ce sujet dans les colonnes du Com-
muniste turc de Bakou; et le camarade Kôulief, commis-
saire à l'Instruction publique, en personne, y prenait partcomme adversaire déclaré de ces piècesmusicales, pourtanten vogue dans le public.
« Si je disais que nous n'avons pas du tout d'opéras,certains camarades en seraient froissés disait-il à ce
propos. Pour M. Kouliefnon seulement les sujets sont vieil-
lis, mais la musique même ne le satisfait pas. Il voudrait
un opéra tout à fait genre « européen ». H n'aime pas la
musique sentant le « Kouba-Maïdan». Si l'on se rappelle queKouba-Maïdan est un quartier de Bakou comme Poplar enest un de Londres, c'est-à-dire le plus prolétarien qui puisseexister dans le monde (il est peuplésurtout par des ambales
venus de l'Azerbaïdjan persan pour gagner leur vie), il est,
loisible de s'étonner du goût « pervers de ce représentantdu prolétariat.
Quoiqu'en pensât ce commissaire populaire au goût aris-
tocratique, on a dû laisser en paix les pièces musicales
qui, depuis déjà 2o ans, ne cessent de plaire au public et
surtout de faire des recettes « pleines àchaque représenta-tion.
!1 y eut toutefois un essai pour l'introduction d'opéras
européens on a joué Lakméen turc avec le concours d'ar-
tistes russes et de MmeShevket Khanoum, une Azerbaïd-
janienne ayant fait son instruction musicale en Europe.Mais il paraît que l'essai n'a pas réussi le théâtre fut vide
REVUE DU MONDE MUSULMANi4t
et pour « faire le publics on a été obligé de faire appel au« concours gracieux de la garnison rouge de Bakou.
Un nouvel opéra, intitulé Shah Sanam fut écrit récem-ment par un compositeur israélite, M. Glière, directeur du
Conservatoire de Bakou nous n'avons pas de données suf-
fisantes pour en juger la valeur, mais on peut constater
qu'on le réserve pour des représentations de gala ou pourd'autres occasions solennelles (on l'a fait jouer devant les
déléguésdu récentCongrés de turkologie).
Quant aux artistes d'opéras, ils sont restés, pour la plu-
part, les mêmes qu'avant, plus quelques noms parmi les
femmes. !1n'est plus permis que les rôles de femmes soient
tenus par des hommes.
Des représentations théâtrales sont données égalementdans les multiples clubs ouvriers et paysans qui pullulenten ce moment partout en Azerbaïdjan.
Pour l'instruction musicale de la jeunesse azerbaidja-nienne il existe à Bakou depuis 1922 le «Technicum de
musique d'États, fondé et dirigé par Ousaïr bey Hadji-
beyli. Le programme de l'école prévoit l'étude des deux
musiques, tant orientale qu'occidentale. Les Makamats
qui constituent l'essence de la musique arabo-persane ysont étudiés, mais déjà rythmés et notés (l'invention de
M. Hadjibeyli a introduit un système de notation pour les
instruments orientaux). On y étudie l'histoire de la mu-
sique occidentale, ses principes et ses éléments (l'harmo-nie, polyphonie, fugue, contrepoint, etc.).
Le nombre d'élèves pour l'année scolaire qui vient de
s'écouler y était de 468,dont 252 hommeset 2 16 femmes.De
ce nombre 20 seulement sont non.musulmans (Russes,Arméniens). On y refuse du monde à cause du manque de
places, mais dès l'année prochaine on prévoit l'élargisse-ment de l'école.
Pour former des artistes professionnels il existe, depuis2 ans, une école spéciale, dontle directeur et la plupart du.
LE THEATRE EN AZERBAÏDJAN
fO
corps enseignant sont des Russes. Au commencement dumois de mai, de l'année courante, 9 aspirants azerbaïdja-niens (turcs) y terminèrent leurs études et obtinrent les
diplômes d'artistes.
Quelques jeunes gens azerbaïdjaniens sont envoyés dansles écoles'théâtraies de Moscou.
D. Z. T.
M))).
MOUSTAFA KEMAL PACHA
LE NOUVELANNUAIREOFFICIELDETURQUIE
L'activité de Moustafa KemAl pacha est de celles qui sont le plusfaites pour susciter les passions. Indépendamment de la question tou-
jours brutante des nationalités et du nationalisme, elle touche, en réa-
lité ou en apparence, à la question religieuse. Je dis, en apparence,·
parce qu'on peut admettre que pour des gens particulièrement flegma-
tiques ou confondant ta « religion ? avec la s foi N ou la <: croyancela question de la séparation de l'Église et de l'État est d'ordre pure-ment administratif. Qu'on soit favorable ou hostile aux réformes radi-
cales du chef actuel de l'État turc, il n'en demeure pas moins et ses
adversaires même le reconnaissent aujourd'hui que son œuvre a eu
déjà et aura encore des répercussions d'une portée incalculable dans
le plus important des pays islamiques pleinement indépendants.La biographie d'un pareil homme doit donc trouver naturellementsa
place ici. H y avait d'ailleurs une lacune à combler. La vie de Moustafa
Kemâlest encore peu connue. Si son œuvre l'est davantage, elle est
parfois incomprise ou appréciée surtout au point de vue militaire. H
est surprenant de voir combien de temps il a fallu à cet homme, si
perspicace et clairvoyant lui-même, pour s'imposer à l'attention de ses
contemporains, à l'étranger tout au moins. Combien peu ont deviné
ce qu'il y avait en lui de vastes desseins et d'énergie froide pour les
1
SA BIOGRAPHIE
D'APRÈS
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA ~47
exécuter, en étapes rapprochées, mais non précipitées, chacune venantà son heure et préparée sinon de loin, du moins &temps; non pasl'énergie fougueuse et aventureuse d'un Enver pacha, mais celle d'unvéritable homme d'État.
La biographie qu'on va lire plus loin est extraite du premier an-
nuaire de ia jeune République turque (D~/e< ~/n<:MM<'),qui vient de
paraitre.C'est dire qu'il s'agit d'une version otficielle. Inutile d'insister ici sur
les inconvénients que peut présenter, au point de vue de l'impartialité
historique, la version, en quelque sorte administrative, de ta vie d'un
homme d'Etat au pouvoir.
Empressons-nous d'ajouter que ces inconvénients sont compensés
par des avantages, celui notamment de nous assurer l'exactitude des
faits matériels.
La lecture du texte donne ['impression que certains renseignementsont été communiqués par l'intéressé lui-même ou par quelqu'un de
son entourage immédiat.
Le fait même que ses adversaires politiques ne sont pas désignésnominativement ce qui est d'ailleurs fâcheux au point de vue de
la documentation montre également que le texte a passé sous les
yeux du Gâzi. Peut-étre a-t-il voulu marquer par cette réserve une
sorte de reconnaissance ironique à l'endroit des Unionistes. En l'évin-
çant ceux-ci ne lui ont-ils pas, en effet, rendu l'involontaire service de
lui épargner le discrédit où les a entraînés leur défaite dans la Grande
Guerre?
Quoiqu'il en soit, il tombesous le sens que cette biographie ne peutêtre considérée comme définitive. L'auteur anonyme paratt s'en être
rendu compte lorsqu'il dit dans une courte préface « qu'il serait dif-
ficile d'écrire une biographie exacteet détaillée du Président de )a Répu-
blique dont la vie se confond avec une période aussi importante et
glorieuse de la nation turque x (/c Traducteur).
NoTA. Les notes qui se trouvent au bas des pages ont été ajoutées
par le traducteur.r.
Gâzi Moustafa Kemat pacha est né à Salonique en !~6
(du r.3 mars !88o au 12 mars t88t) (i).
(~ Je suppose q'~e,conformément à l'usage, c'est l'année <o~(re turque
qui est indiquée ici. L'année <KM<t<re1:96va du 26 décembre )878au <4dé-
cembre )879.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!~8
Son père, Ali Rizâ, d'abord employé à l'Administrationdes douanes, donna de bonne heure sa démission pour seconsacrer au commerce du bois de charpente. Il mourut
jeune et le Gâzi, orphelin dès l'enfance, fut élevé avec soin
par sa mère Zubeydè, femme turque de très grand mérite.Éducation. Après avoir obtenu son certificat d'études
primaires à l'école de Chemsi efendi, à Salonique, Mous-tafa Kemâl fut inscrit à l'école t~~t/e (i) civile de lamême ville.
Il quitta cet établissement, à la suite d'une bastonnade
infligée injustement par un /)o;a, professeur d'arabe quise prénommait Qaymaq Hàfiz (Hânz « la Crème »). Pré.
voyant l'opposition de sa mère et de sa famille, le jeuneélève s'adressa, sans les prévenir, à l'école /-<<saf:/emili-
taire où il fut reçu après examen et où il se distingua,particulièrement, dans la classe de seconde. Sa remar-
quable intelligence et sa supériorité sur ses camarades sur-tout en matière demathématiques, ne tardèrent pas à attirerl'attention des martres qui le traitaient plus en camarade
qu'en élève. Son professeur de mathématiques, un capi-taine qui s'appelait comme lui Moustafa, fitajouter officiel-lement à son prénom celui de Kemâl (a). C'était une façondélicate de rendre hommage à la valeur du jeune élèvequigarda depuis le double nom qu'il devait illustrer. MoustafaKemâl eut l'occasion de suppléer ce maître pendant ses
absences, dans les classes inférieures.
Ayant terminé l'école f~scf~e. M. K. fut admis à l'école
(i)<fÉcole primaire supérieure (cf., par exemple, le Bottin ottoman det883,p. 40), proprement « École d'adultes le nom de ra5~e venant del'arabe raM pris dans le sens d' « âge adulte et non dans celui da<bonne direction comme dans le Supplément aux dictionnaires turcs deBarbier de Meynard. Voir sur ces écoles le Supplément en question, t. t[,p. t8-to. Ces établissements ont été créés à la fin du régne de Mahmoud H,en t~ (du 27 février <898au !6 mars t83Q).Voir à ce propos l'Histoire deLocfTtEFENDI,Constantinople, f3ot, t. V, p. t3y.
(9) Kemàlsignifie en tant que nom commun arabe « Perfection Voir àce propos le volume LXI de cette Revue (3' trimestre <g:5,p. 2, note 2).
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KBMAL PACHA '49
< (t) militaire de Monastir. Plus tard if sedistinguadans les classes de l'École de guerre (~ar~t/e) et de t'Ètat-
major (erA'~n.t-~ar~).Ses aptitudes pour les mathématiques, les belles-lettres
et l'éloquence le mettaient hors de pair.Encor.e sur les bancs de l'l'dddiye, M. K. portant ses
regards au delà de l'horizon scolaire s'intéressa vivementà la situation politique du pays. Ses conversations avec sescamarades avaient pour sujet favori la patrie et les grandesentreprises, les événements extraordinaires.
Hexposait ses pensées ouvertement et courageusementet comme il critiquait avec violence le régime hamidien ilest probable qu'il serait tombé victime de la politique deterreur et dedestruction d'alors, s'il n'avaitsu se faire aimer
par tout son entourage et ses camarades, grâce à sa vive
intelligence et sa cordialité. II n'échappa point, d'ailleurs,entièrement aux persécutions politiques et lorsqu'il terminale 29 kianoun.i-evvel t320 (tt janvier !go5), ses études, ilfut arrêté et amené à Yitdiz-Kiosque le jour même où ilétait nommé capitaine d'état-major.
L'exil. Après plusieurs jours d'interrogatoire et plu-sieurs mois de détention, il fut exilé à Damas, ce qui luia permis de connaître la Syrie dans tous ses coins, grâcesurtout aux missions répressives auxquelles il parti-cipa dans le Hauran et dans.le voisinage de Kouneytra. 11a pu expérimenter par lui-même l'infériorité de l'Admi-nistration civile turque et l'insuffisance de-l'instruction etde l'éducation militaires.
La Syrie devint un champ propice aux vues larges et
aux idées hardies de Moustafa Kemâl qui n'était pashomme à y perdre son temps. !1communiqua à son en-
tourage l'amour de la liberté et de la just~e, la haine de
l'iniquité, de la tyrannie et des abus. En t3~! (tgo5) il a
())Proprement«écolepréparatoire)).Cesétablissementsfaisaientpartiedel'enseignementsecondaire.
REVUE DU MONDE MUSULMANt5o
fondé à Damas, avec ses camarades le capitaine d'état-
major Mufîd Loutfi bey (actuellement député de Q'ir-
chehir), Suleymân bey (aujourd'hui consul), le docteur
Moustafa bey (aujourd'hui député de Tchoroum) et avec
d'autres, une société politique secrète appelée Vatan « la
Patrie (i) ».
Après Damas, Moustafa Kemâl fut nommé à Jaffa. Vou-
lant étendre l'action de l'association, aux provinces balka-
niques, il mit à profit les bonnes dispositions du comman-
dant d'armes de Jaffa pour essayer de gagner incognitoSalonique, en passant par l'Égypte et la Grèce. Grâce à
l'aide de l'adjoint au commandant de la place de Saloni-
que, Djemîl bey (aujourd'hui ministre de l'Intérieur) et de
camarades, prévenus d'Athènes, MoustafaKemâl put mener
à bien son entreprise. Arrivé à Salonique il y fonda une
filiale de l'association secrète qui fut connue par ses
adeptes sous le nom de Vatan ve ya hürriyet « Patrie ou
liberté ». Plus tard on préféra à cette désignation celle de
Tereqqi ve :«:~<M«Progrès et union ». C'est finalement
sous le nom Ittihdd ve <ere~ « Union et progrès » quecette association semanifesta au grand jour lors de la pro-clamation de la constitution.
Deuxième ordre d'arrestation. Durant le~ mois deson séjour à Salonique, Constantinople ayant reçu certainesinformations, donnal'ordre de rechercher Moustafa Kemâlà Jaffa,puis de l'arrêteraà Salonique. Djemll Beymontra cetordre à Moustafa Kemâl, tout en déclarant qu'il ne luiserait pas possible d'en retarder l'exécution plus de 2 jours.Moustafa Kemâl jugeant le délai suffisant, le mit à profit
pour quitter Salonique sous un déguisement et pourgagner rapidement Jaffa. Lecommandant de Jaffa, Ahmed
bey avait eu so~nde répondre aux demandes d'explication,
(t)OnsaitqueleAotM<ottlui-mêmeétaitinterditsousle règned'Ab-dulhamid.UnepiècetrèsconnuedeNamtqKemàlbey,portantcetitre,étaitinterditeégalement.
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA i5t
que Moustafa Kemât avait été envoyé à la frontière égyp-tienne pour examiner la situation des unités à Bir-es-Seba' (i). Ce renseignement était vraisemblable la ques-tion d'Aqaba(2) étaitalors à l'ordre du jour et était impor-tant de surveiller la frontière. Aussi M. K. ne s'attarda-t il
pas à Jaf(a et fut envoyé aussitôt avec une unité militairemise sous ses ordres dans le secteur de son camarade MufîdLoutfi bey, à la frontière égyptienne. Puis M. K. fut oubliéet quelque temps après il était désigné de nouveau àDamas. Il y devint adjudant-major (Ço/'ag-~ï) et futaffectéà t'état-major de cette ville.
A /a /arM~. –En septembre t323 (fgoy) it réussit àse faire transférer avec le même grade à la tt!" armée, enMacédoine. Dès avant son arrivé à Salonique, le maréchalcommandant le 3° corps d'armée l'avait désigné pourMonastir.
En attendant de gagner son poste, il fut affecté à unecommission d'inspection d'un régiment modèle à Salo-
nique. Les supérieurs de M. K. estimant qu'if pouvait être
avantageusement employé au service de l'état-major du
corps d'armée, le retinrent alors définitivement à Salo-
nique.Tout en travaillant aux bureaux de l'état-major, M. K.
put constater que la Société« ta Patrie avait été remplacéeentre temps par l'« Union et Progrès o. 11 chercha à se
rendre utile à cette nouvelle formation. Pour permettre à
M. K. d'agir non seulement à Salonique, mais à Uskub
(Skoplje) et ses environs ainsi que sur la ligne de Salo-
nique-Uskub, on lui attribua, indépendemment de sesfonc-
())Localitéausud-estdeGazaet ausud-ouestd'Hébron,surl'anciennefrontièreturque,etauterminusd'uneroutevenantdeGaza.UnchemindeferstratégiqueconstruitpendantlagrandeguerreavaitreliéBir-es-SeMà Jérusalempar Wadi-e~-Sarà,et au sudavecËt-Hâfir.C'estde Bir-es-Sebaqued'aprèslatradition,JacobseraitpartienEgyptepourserendreauprèsdeJoseph.
jt) Sur l'incident d'Akaba, voir MAHMOUDMouKHTARPACHA,Événements
<<'Ort'Mf,Paris, Chapelot, )ooo, p. 194 et suiv.
REVUEDU MONDEMUSULMAN)52
tions d'officier d'état-major, l'inspection de ces chemins de
fer.
Proclamation de la Constitution. La Constitution fut
proclamée presque aussitôt après. M. K. était convaincu
de la nécessité d'un changement radical et de grande enver-
gure dans ce pays. Il avait entrevu le but à atteindre et
avait tracé dans sa pensée le plan pour y arriver, mais son
point de vue et sesconceptions différaient de ceux des
autres chefs du comité. Après la Constitution, il avait vu
le danger qu'il y avait à laisser l'armée s'affilier au comité
de l'Union et Progrès et à s'occuper de politique et il avait
énergiquement lutté contre cette tendance au Congrès.Malheureusement la mentalité de l'époque n'était pas
faite pour comprendre à quel point il avait raison. Il rom-
pit alors avec la politique. L'activité calme et régulièse
avec laquelle il se consacra à son métier militaire et à
l'instruction des troupes attira l'attention de tout le monde
et principalement des grands chefs.
L'armée révolutionnaire (i) qui fut formée dans les Bal.
kans à tasuite del'émeute du31mars (3:avril i~og),avaitpourchef d'état.major, l'adjudant-major Moustafa .Kemâl bey.
11sut organiser à merveille la mobilisation et les mou-
vements de cette petite armée. C'est lui qui a écrit le mani-
feste lancéà Constantinople lejouroùelleyentra.En !()t0 M. K. fut envoyé en France pour suivre les
manœuvres de Picardie. Peu après il exerça les fonctions
de chef d'état-major de Mahmoud Chevket pacha (2) quiavait été obligé de se rendre en personne à la campagned'Albanie. Il s'acquitta avec le plus grand succès des fonc-
())Proprement« ferméedemarche», ~reAe<or~tMM.C'estainsiqu'ondésignaitdansl'usageturc t'arméequia investiConstantinoplepourren-verserAbdulhamidIl. Dansl'usagefrançaisondiraita t'arméed'occupa-tion».
(a)Le~<rM<-<-ft!M<!Hdu ;z maifoooa publiéunebiographiedeMah-moudChevketPachad'aprèsunarticleparudansla NeueFreiePresse.Cf.aussiunecourtementiondansH. SEtOtoeos(capitaine),Turcset Tur.quie.Paris,Payot,tQtp,p.65-66.
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA t53
tions de commandant du centre d'instruction des officiers
du 3°corps d'armée à Salonique et de celles qu'il occupaità l'état.major du même corps. Dans les voyages d'état-
major, les Kriegsspiel et les manoeuvres c'est lui qui agis-sait, en fait, comme directeur des mouvements, malgré la
présence de généraux et d'officiers plus élevés en grade.Certains de ses chefs ne pouvant supporter ses critiquesle désignèrent, simple adjudant-major qu'il était, au com-
mandement du 38' régiment avec le secret espoir de le
voir échouer dans cette unité et de briser ainsison allant et
son enthousiasme. M. K. réussit plus encore dans cette
nouvelle tâche que dans les précédentes.Les officiersetsonunité lui furent profondémentattachés.
On peut dire que toute la garnison de Salonique, gradés et
soldats, se groupaautourde lui. L'inspecteur delà 111~armée
mécontent de cet état de choses intervint personnellement
auprès du ministre de la Guerre, Mahmoud Chevket pacha,en accusant Moustafa Kemàl de préparer un pronuncia-mento et celui-ci fut éloigné de Saloniqué et affecté à
l'état-major général à Constantinople. Mais l'adjudant-
major Moustafa Kemâl bey sut partout et toujoursse créer une situation au-dessus de son âge et de son
grade modeste. L'action fascinante qu'il exerçait sur
ses interlocuteurs, son intelligence et son don de parole lui
assuraient cette influence. Les officiers subalternes de la
garnison de Salonique, surtout, lui étaient dévoués corpset âme.Il vivait aveceux, écoutait leurs confidences et s'en-
tretenait avec eux sur un ton sérieux de différentes ques-tions. Mne pardonnait pas les fautes des chefs d'alors, des
pachas impuissants et incapables. Use croyait tenu decons.
cience à prendre une attitude vengeresse à l'égard de tout
ordre injustifié, de tout agissement irrégulier. Dès cette
époque il était devenu dans l'armée un camarade et un chef
aimé, écouté et respecté de tout le monde, en un mot un
« leader dans toute laportée de ce terme.
REVUE DU MONDE MUSULMANi5~
En Tripolitaine. En !9t2, M. K. gagna en cachette
avec plusieurs camarades la Tripolitaine en passant par
l'Égypte. H fut arrêté par les Anglais à Sanba'a (?) avec
Nouri bey (aujourd'hui député de Kutahyè), et Fouad bey
(aujourd'hui député de Rizè), déguisés comme lui en
Arabes. Les Anglais cherchaient un officier blond et aux
yeux bleus. Grâce au dévouement d'un officier égyptien,on put substituer à M. K. un maréchal des logis mécani-
cien (qamaji, de ~twa « coin de canon ») qui lui ressem-
blait. M. K. put passer ainsi en Tripolitaine et le premier
poste qu'il rencontra après avoir franchi la frontière fut
celui que commandait Edhem pacha (I'Alepin), à Tobrouk.
Ayant reconnu personnellement avec ses camarades les
positions des Italiens, il parvint à convaincre les troupesde Tobrouk de la nécessité d'une attaque. La bataille de
Tobrouk du g-22 décembre fut le premier succès turc dans
cette région. Arrivé à Derna, M. K. prit le commandement
des troupes qui s'y trouvaient et y resta un an. 11avait été
nommé commandant de bataillon dès le mois de novembre
1912, mais il n'apprit sa promotion qu'à Tobrouk.Guerre balkanique. Lorsqu'éclata la guerre des
Balkans, M. K. quitta la Tripolitaine pour courir au se-
cours de la mère-patrie. C'est en Égypte qu'il eut la plusvive douleur de sa vie, en apprenant la défaite de Kouma-
novo, la chute de Salonique et l'investissement des lignes
de Tchataldja par l'armée bulgare. II ne voulait pas croire
à tant de désastres. Lorsqu'il arriva par voie d'Europe en
traversant la Roumanie, à Constantinople, il y trouva une
situation pire encore que ceMe qui lui avait été dé-
peinte. On l'affecta avec un certain nombre de camarades
arrivés avec lui aux troupes combinées (~MM~M~re<-
tebe) qui devaient être organisées dans la zone des Darda-
nelles et il fut désigné comme chef du bureau des opéra-tions militaires. Lors de la marche sur Andrinople, il
élaborait en même temps le plan des opérations du corps
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA <55
d'armée de Boulayir, en qualité de chef d'état-major.C'est la brigade de cavalerie de cette formation qui fut la
première à entrer à Andrinople. Tout le corps ne fut pasadmis à cet honneur et les autres unités furent dirigéessur Demotika. M. K. ayant quitté le quartier général des
troupes combinées, dirigeait ce corps d'armée aux lieu et
place du commandant en titre. It mit à profit son séjourà l'état-major des troupes combinées pour reconnaître lesressources des Dardanelles au point de vue défensif.
Après la guerre des Balkans, il fut nommé attaché mili-taire à Sofia où il était encore au commencement de laGrande Guerre il ne quitta ce poste qu'à la fin de dé-
cembre i33o (t9!4). !t était à ce moment lieutenant-
colonel.
La guerre mondiale. M. K. bey était persuadé quela Turquie s'était trop hâtée d'entrer dans le conflit. II
suivait avec intérêt, de Sofia, les péripéties de la guerre eten prévoyait dès ce moment les conséquences. Même aumoment de la marche des Allemands sur Paris, il ne se
privait pas de faire ressortir la gravité de la situation.
Comme la guerre se prolongeait, il lui devenait impossiblede rester plus longtemps au poste d'attaché militaire à
Sofia. !t demanda au commandement en chef (t) de re-
prendre du service actif. La réponse ne fut pas favorable.
Comme il insistait, on le désigna au commandement d'une
division hypothétique qui était censée devoir être formée à
Rodosto (Tekfir DagM). 11accepta avec empressement et
en un mois il forma une division d'élite, apte à entrer en
campagne, la ig".
Quelque temps après, pour faire face aux événements,on transporta cette division de Rodosto à Maydos en y joi-
gnant quelques autres unités, le tout ayant été confié à
M. K. qui devint le commandant du secteur de Maydos
(t)EnverPacha.
REVUE DU MONDE MUSULMANi56
comprenant Sedd-ul-bahr, Arï Bournou, les Anafarta et
legolfe d'Edjè (i).
Bientôt, un autre commandant de division, avec gradede colonel, était mis à la tête de ces unités et le lieutenant-
colonel M. K. était envoyé au village de Bigali où il resta
jusqu'en avril i33; (!9'5), moment où les puissances de
l'Entente débarquèrent des forces imposantes dans la pres-
qu'île de Gallipoli: Dès que commença le débarquementd'Arï Bournou, M. K. prit l'initiative de s'y porter et fixa
l'ennemi sur le rivage. Jusqu'à l'évacutaion de ta presqu'îletoutes les nombreuses attaques acharnées faites par l'en-
nemi pour pouvoir avancer demeurèrent sans résultat. Les
Australiens et les Néo-Zélandais ne purent faire un pas en
avant des falaises abruptes d'Arï Bournou auxquelles ils
s'étaient accrochés.
Le ta mayis t33! (!" avril 'QtS), M. K. fut promu au
grade de colonel.
L'armée de Kitchener qui avait essayé de prendre l'ar-
mée turque de flanc en la tournant par les Anafarta, le
24 aghostos (6 septembre), trouva devant elle le même
M. K. Par des attaques brillantes effectuées les 26,27 et 28,dans la direction du golfe de Souvla, à Djounk Bayiri et
Codjà Tèpè, le commandant des Anafarta, M. K. bey,
(t) ~e ~.fMan. Lemote/<appartientproprementAla langueenfan-tineet désignedanslesdifférentsparlersturcs,des degrésde parentémasculineoufémininetrèsvariés.Il figuredéjàsousla formeeMdanslesinscriptionsde l'Orkhon(du v<u'siècle).Lenomd'EdjèLimanvientdeceluid'EdjèBeg.l'undesgénérauxd'Orkhan,enterréà Gallipoli.Ham-mer(Histoire,t. p. )3ï)et à sa suiteAhmedRàsim(t,p. 24)l'appellentAdjebeg.VulavénérationquientouraitsontombeautoutelarégionausuddeGallipolifut appeléeEdje-Abad,«larégiond'Edjé».ouE~e-Bata« lepèreEdjè».(Cf.Evt.[YATcftELH),~e~<)JK!<n<!n)~).C'estcederniernomquia donnélieuAunecurieuseconfusionlorsde lacampagnedesDarda-nelles.Lescartesanglaisesdésignèrentla montagned'AMTepe,«lacol-lineaugypse sousle nomd'AchiBaba.C'estainsiqu'ona toujoursdé'signéetqu'ondésigneencoredanscesétats-majorset lesouvragesanglaiset français,cettefameusehauteurquidominaitnosligneset quenousneréussîmesjamaisàenlever.LimanvonSandersappellelamêmecollineElt-ehi-Tépé,lacolline«Ambassadeur
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA '~7
battit les troupes de Kitchener et sauva une fois encorel'armée turque et la position (t). A la bataille de DjounkBayiri un éclat d'obus l'atteignit à l'endroit même ducœur, mais il fut arrêté par une montre de poche qui volaen éclats en lui sauvant la vie. Les débris de cette montrese trouvent aujourd'hui chez le maréchal Liman von San-ders qui les conserve comme un souvenir. C'est à la suitede la défaite des Anafarta que les puissances de l'Ententeont été amenées à évacuer la presqu'tle de Gallipoli. Labelle victoire remportée par l'armée turque dans cettepresqu'île, la résistance héroïque opposée à l'agression etla retraite forcée des plus grandes armées et flottes dumonde ont été le fruit de l'esprit de sacrifice inné chez lesoldat et la nation turcs, et du génie de M. K. qui compritmieux que quiconque ces qualités et sut en tirer profit.
Après la retraite des ennemis, le colonel M. K. resta
pendant quelque temps à Andrinople avec le 16' corpsd'armée dont on lui avait confié le commandement. Il futensuite nommé au front du Caucase commandant d'un
corps'd'armée formé d'unités empruntées à divers corps et
portant le même numéro que celui d'Andrinople. M. K.fut promu général de .brigade à Diarbékir. Les opérationsqui se déroulaientdans cette région et qui devaient aboutirà la reprise de Bittis et deMoucheétaient fort importantes.M. K. réussit à vaincre unearméetzariste supérieure en
qualité et en quantité, grâce à une manœuvre de retraitesuivie d'une contre-attaque. Le 7 (so) mars i333 (1917)ilfut désigné au commandement intérimairede la armée,
toujours sur le front du Caucase.
Quelque temps après il fut mis, en qualité de comman-dant d'armée, à la tête du corps expéditionnaire du Hedjaz,
())SurlaconduitedeMoustafaKemaidanslapresqu'ftedeGallipoli,voirlesA~mo<rMdugénéralLtMAHYoxSAHDMS.Paris,Payot,p. to4-to5,!f)éditionallemande:ftht/AtAre. 7'fï' Berlin,Scheri,p.u:-))3, no.Cf.capitaineM.LARCHER,ComMf" .~MDardanelles,Paris,Chiron,to~(traduitduturc),p.60.
REVUE DU MONDE MUSULMANi58
mais il n'alla pas plus loin que Damas. Mis au courant,dans cette ville, de la véritable situation au Hedjaz et en
Syrie, il se rendit compte du grand danger qui menaçaitde toutes parts et il communiqua en termes clairs et caté-
goriques son impression au commandant de la IV arméeet au commandant en chef qui la suivait. Il proposait d'éva-
cuer d'urgence le Hedjaz et de renforcer avec les troupesainsi récupérées le'front de Syrie. La mission qui venait
de lui être confiéedeviendrait ainsi sans objet. Cetteproposi-tion fut d'abord acceptée sur place, mais plus tard, cer-
tains mobiles secrets reprenant ledessus, elle n'eut pas de
suites et le désastre devint inévitable. Après les tractations
de Damas, il fut nommé comme titulaire au commande-
ment de la armée qu'il rejoignit à nouveau. On prépa-rait à cette époque une expédition en Mésopotamie dansle
but de reprendre Baghdàd. Le commandement des troupesavait été confié au général allemand bien connu Falken-
hayn. Moustafa Kemâl pacha fut placé, le 5 temouz i333
(t8janvier :g!y) à la tête dela VII" arméequi faisait partiedu groupe d'armées de Falkenhayn. C'était l'époque où
l'ingérence et l'emprise allemandes étaient parvenues à
leur limite extrême en Turquie. Les projets de Falkenhaynet notamment sa politique à l'égard des tribus ne plaisaientnullement à M. K. pacha. Il s'opposait à l'intervention
des Allemands dans les affaires qui n'ayant rien à voir avec
les questions militaires concernaient la politique et l'admi-
nistration intérieure.
Il luttait continuellement aveccette mentalité. Persuadé
que,vu lesconditions stratégiques du moment,les opérationsde Mésopotamie nedevaientdonner aucun résultat tangible,il adressa, à l'époque, au Grand-Vizir, au commandanten chef et au ministère de la Guerre des rapports d'une
importance historique sur ce sujet. !1 faisait remarquer
qu'en entreprenant cette campagne nous nous exposions à
un nouvel échec pareil à celui du canal (de Suez).
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA .59
N'ayant pas réussi à se faire écouter, il donna, en guisedeprotestation, sa démission, au moment où son arméeétait dans la région d'Alep. Les événements donnèrent rai-son à M. K. pacha et l'expédition de Mésopotamie ne putêtre exécutée.
Les troupes de Falkenhayn furent envoyées sur lefront de Palestine où les attendait la défaite. Après sa dé-mission de laV!f" armée, M. K. Pacha fut désigné commecommandant de la IIBarmée. Mais, la divergence de vues
qui le séparait du quartier général ne visait pas unique-ment l'administration d'une armée; elle avait une portéeautrement plus étendue et plus générale; aussi n'accepta-t-ilpas cette nouvelledésignation.
Profitant d'un congé à Constantinople, il partit avecVahîd-ed-dîn efendi, alors prince héritier, pour visiter le
grand quartier généra! allemand et le :front allemand. Ilvit à ce quartier général l'Empereur Guillaume, Hinden-
burg et Ludendorff auxquels il expliqua sa manière de voir
relativement à l'issue probable de la guerre.Le commandant du groupe d'armée Yïldïrfm. Le
général Falkenhayn fut rappelé, ses insuccès militaires
ayant attiré l'attention du quartier général allemand lui-
même. Le général Liman von Sanders fut nommé à sa
place au commandement du groupe d'armées Yïldïrïm,
Sur l'insistancedeVahfd-ed-dtn devenu alors sultan, Mous-
tafa Kemâl pacha fut nommé pour la seconde fois com-
mandant de la V! armée sur le front de Palestine, en
août 1334 (!9'8).Malheureusement la situation n'était plus la même elle
avait changé à notre désavantage et le sort de l'armée
turque était décidé désormais. JI n'était plus dans le pou-voir de personne de le détourner. Au fur et à mesure quele front allemand se dissolvait, la pesée de l'ennemi sur le
front turc de Palestine se faisait sentir plus lourdement.
Lorsque M. K. pacha rejoignit son poste, il parvint par
REVUE DU MONDE MUSULMANi6o
son habileté et son savoir faire à préserver de la dislocationson unité, bien que )ës armées se trouvant aux deux ailesaient été désagrégées ou faites prisonnières. Toujours à
cheval, le pacha, presque au contact immédiat de l'ennemi,se maintint à côté des derniers soldats et mêlé à eux i!
parvint ainsi à ramener en ordre son armée à Alep. JI estrare de voir une retraite s'effectuer avec autant de succèsétant donné des circonstances particulièrement difficiles. Hréussit même dans cette situation à battre la division decavalerie anglaise qui se trouvait au Sud d'Alep, ainsi queles troupes qui l'appuyaient, et à relever ainsi le moral det'armée.
Le 3t novembre :334 (igiS), M. K. pacha fut nommécommandant du groupe d'armées Yïldïrïm. L'armisticede Moudros venait de fixer la situation. M. K. pachaadressa certaines recommandations aux sphères compé-tentes, faisant remarquer qu'il était dangereux de se rendresans conditions.
Personne n'y prêta l'oreille. Là-dessus, M. K. se rendità Constantinople où les navires ennemis commençaient à
pénétrer. Dans la capitale, des discordes intestines éclatè-rent au milieu de la désillusion et de la désespérance géné-rale.
Perdant l'espoir d'un salut quelconque pour le pays,chacun se tournait vers ses .intérêts particuliers et le soucide sa conservation. M. K. pacha instaNé à Chichli (t)examina pendant quelque temps la situation il acquitbientôt la conviction qu'il était impossible d'entreprendrequoi que ce soit àConstantinople même et il comprit que lamasse turque prête aux plus nobles sacrinces'était pénible-ment impressionnée par ce qui se passait à Constantinople.!1 décida d'aller retrouver la nation pour travailler avecelle. Le t5 mai t334(!g!Q)jourde l'occupation de Smyrne
(t)Uneplaquecommémorativeaétéappos:esurcettemaison.
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA t6f
Lxm. ;)J
par les troupes helléniques, il partit pourSamsoun en qua-lité d'inspecteur de la !X' armée. L'occupation de Smyrneet des environs avait ému profondément le pays et la-nation. L'activité du Pacha dans les secteurs de Samsoun,
Amasia, Tokat et Sivaset ses pourparlers secrets avec toute
l'Anatolie, ne tardèrent pas à éveiller la suspicion et l'in-
quiétude du gouvernement de Constantinople, du Palaisd'alors et des ennemis qui occupaient l'ancienne capitale.On l'appela à Stamboul.
A Ë'~eroMM.-Au lieu de se rendre à cette convocation,M. K. pacha gagna l'Est et se rendit à Erzeroum. S'étantdémis de ses fonctions militaires, il commença à travaillerdans cette ville comme simple citoyen. Il présida le Con-
gres national des délégués du pays qui se tint le 23 juil-let !0!ûà Erzeroum et le .septembre 1919à Sivas. Cha-cun de ces congrès confia la direction des affaires à uncomité représentatif. M. K. pacha en fut élu président.Usant de l'autorité plus grande que lui assurait cette dési-
gnation, et de la force qu'il puisait ainsi directement dansle sein même de la nation, il se jeta délibérément dans lalutte. Cette activité nationale ne manqua pas de provoquerla plus vive irritation du Palais, du gouvernement de Cens-
tantinople et de l'Entente contre M. K. P. et la nation
turque.Lors du Congrès de Sivas, Gâlib Pacha, vali d'El-Aziz,
envoyé à cet effet par Constantinople, réunit des troupes à
Malatiapour dissoudre, conformément aux instructions du
Palais, le Congrès en questionet se saisir de la personne deMoustafa Kemâl pacha et de ses camarades. Grâce auxmesures prises par cedernier, ces troupes furent disperséeset Gâlib Pacha lui-même réduit à prendre la fuite. Desiràdè et des fetva lancés en même temps déclaraientrebelle le Pacha et impie quiconque se joindrait à lui oul'aiderait. Toutes ces dispositions ne faisaient qu'accroîtreson prestige.
REVUE DU MONDE MUSULMANi6z
Grâce à la pression qu'il exerçait de Sivas, M. K. pacharéussit à provoquer la chute du cabinet de Ferid pachaqui fut remplacé par Ali Rizâ pacha. Ce dernier entama des
pourparlers avec M. K. pacha. Différentes questions furent
ainsi débattues à Amasia avec Sâlih pacha, ministre de la
Marine du nouveau cabinet, et un protocole y fut signé.C'est ainsi que le gouvernement de Constantinople recon-
naissait pour la première fois l'existence du pouvoir natio-nal et la qualité de représentant quecelui-ci avait attribuéeà M. K. pacha.
Tout le monde sait aujourd'hui à quel point celui-ciavait raison en insistant durant les pourparlers d'Amasiasur la nécessité de réunir la Chambre des députés en Ana-tolie et non à Constantinople. Les événements l'ont
prouvé surabondamment la Chambre des députés de
Constantinople fut envahie et dispersée à la barbe du Sul-
tan et du Gouvernement de Stamboul et plusieurs députésexilésà Malte.
La Grande Assemblée nationale de Turquie. C'est à
la suite de cet incident que M. K. pacha réunit une Assem-
bléeàAngoraIe~S avril 1336(1920) et lui donna le nom
de Grande assemblée nationale de Turquie (Turkya
Büyük Millet M<st).Cette Assemblée l'élut à l'unanimité à la présidence,
fonction qui impliquait à la fois la qualité de chef de l'État
et chef du Gouvernement. A partir de ce moment, la Nation
avait pris en main officiellement et ouvertement l'exercicede sa souveraineté, et commencé à faire usagede sa volonté
avec la résolution de sauvegarder la liberté et l'indépen-dance nationales. A Constantinople, le Palais, le Gouver-
nement et les ennemis s'étaient misd'accord pour déchirer
le pays, asservir la nation et attaquer le Gouvernement
national par la force, l'intrigue, la calomnie et la corrup-tion, tout moyen leur paraissant bon pour arriver à leurs
fins. M. K. pacha placé à la tête de la nation poursuivait
BtOGRAPHIE DE MOL'STAFA KEMAL PACHA t63
une double tache; d'une part, il résistait avec succès à ces
attaques grâce à une attitude héroïque et réfléchie d'autre
part il s'occupait avec une activité surprenante à mettre
sur pied et former l'armée et à organiser les finances et
l'administration intérieure. En peu de temps il battit les
forces qu'on lançait trattreusement contre lui, comme
1'« armée du Khalifat ou les troupes de répression. H
rétablissait l'ordre et la sûreté publiques en réprimant les
émeutes qui éclataient par endroits. H avançait en même
temps la tâche consistant à équiper une armée consciente
et ardente, capable de repousser l'ennemi extérieur. Ce n'est
pas sans regret que nous nous voyons obligés de consignerici l'attitude de certains membres de l'Assemblée nationale
qui, faibles de caractère et sceptiques sur l'issue finale de la
lutte nationale, s'avisèrent de faire de l'opposition à
M. K. pacha. Mais la Nation s'était groupée en un bloc
compact autour du génial président. Devant ce spectacled'union patriotique, l'ennemi désespérant de pouvoir sus-
citer la discorde intestine, en fut réduit à rénforcer sa poli-
tique «d'agression extérieure ». H usa de son instrument
habituel, l'armée grecque, en la poussant à entreprendreune marche en avant, par Alachehir, Ouchak et, au Nord,
par Balikessir et Brousse. Les premiers succès que rem-
portait cette armée et auxquels il fallait s'attendre, vu les
circonstances d'alors, ne manquèrent pas d'impressionnerles hommes timorés en question, mais Moustafa Kemâl
pacha, grâce à sa foi et son énergie inébranlables et sa
parole ardente et persuasive parvint à inculquer à la cons-
cience nationale turque la certitude de la victoire finale.
Peu après, cette certitude se trouvait étayée par les deux
batailles gagnées à InŒnu par la solide, ardente et héroi'quearmée de la Jeune Turquie, dirigée par Fevzi et Ismet
pacha. C'est à la suite de ces victoires que les.puissances de
l'Entente sentirent enfin le besoin de reconnaltre de factole gouvernement national et d'amender les conditions du
REVUE DU MONDE MUSULMANt6~
traité de Sèvres signé par Constantinople. Legouvernement
d'Angora fut donc invité à envoyer des délégués à la con-férence qui devait se réunir à Londres. Voyantlé tour que
prenait tes négociations, Moustafa Kemâl ne tarda pas à se
rendre compte que les chefs des gouvernements de l'Ententecherchaient en réalité à faire accepter sous une nouvelleforme les principes du traité de Sèvres. Persuadé depuislongtemps que pour s~assurerun succès politique il fallait
avant tout vaincre et chasser l'ennemi, il préserva cette fois
encore le pays du péril où il risquait de tomber.
Le commandement SM~Me (Bas Qomandanlïq).Devant ce nouvel échec de leur tentative, les puissances de
l'Entente provoquèrent une seconde offensive grecque.Celle-ci, ayant à sa tête le roi Constantin et pourvue du
matériel le plus moderne, nous attaqua le 23 juillet ;337
(1921).L'armée nationale se retira derrière leSakaria. La situa-
tion était critique. Lejeune gouvernement national se trou-vait à nouveau faceà face avec la mort. C'est dans ces cir-constances graves que l'Assemblée nationale de Turquienomma Moustafa Kemâl commandant en chef et lui attri-bua des pouvoirs'extraordinaires. Le Pacha se rendit au
front et prit le commandement des troupes.'Les Grecsconfiantsdans la victoiremarchaientde nouveau sur Angora.Après des combats très meurtriers livrés pendant 22 jourssur un front large allant duSàkaria aux abords d'Angora,les Grecs que venaient d'impressionner fortement notre
contre.attaque à l'aile droite, furent mis en déroute et
durent battre enretraite jusqu'à la ligne Eskichehir-Afloun,Moustafa Kemâl pacha bien que s'étant cassé une côtedans une chute de cheval faite au début de la bataille, ne
quitta pas pour cela le front et commanda les troupes jus-
qu'à la fin du combat. C'est grâce à la victoire du Sakaria
que la force offensive de l'ennemi fut brisée le soleil de la
libération turque se levait enfin.
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA i65
Nous avons dit que M. K. pacha avait donné sa démis-
sion de l'état militaire. Plus tard il avait été condamné à
l'exil et à la mort, par Constantinople. Tout en étant com-
mandant en chef des troupes qui combattaient au Sakaria,
il n'était qu'un citoyen, un soldat faisant son devoir au sein
de l'armée. Après la victoire du Sakaria, la nation lui
décerna effectivement le grade bien mérité de maréchal
(?t!M~f) et le titre glorieux de (M~t.Pendant l'année qui suivit, l'armée se prépara à l'offen-
sive. Au moment où ces préparatifs jugés trop longsallaient engendrer le découragement chez ceux des membres
de l'Assemblée nationale dont le moral laissait à désirer,
M. K. prenait ses dispositions finales et d'accord avec
Févzi et Ismet pacha décidait inopinément l'offensive. Il
quitta Angora en automobile, sous un prétexte quelconqueet gagna directement Konia, puis Akchehir. Prenant le
commandement des troupes, il déclencha l'offensive le
26 août i338 (!f)2a). Le même jour les journaux d'Angora
annonçaient que le commandant en chef allait offrir un thé
aux ministres-étrangers. Le 3o août, il enveloppa et détrui-
sit l'ennemi dans une bataille dirigée par lui, en personne,la « bataille du commandant en chef ». Il poursuivit les
débris ennemis avec la rapidité de l'éclair, et les jeta à la
mer. Le 6 septembre '338 (1922), Smyrne et toute l'Anato-
lie occidentale étaient libérées de l'envahisseur. Comme
nos armées approchaient de la zone des détroits occupés
par les puissances de l'Entente, celles-ci demandèrent la
conclusion de l'armistice. M. K. pacha désigna Ismet pacha
et les pourparlers commencèrent à Moudania. Après des
discussions ardues et sous la menace perpétuelle d'une rup-
ture, il fut décidé que la Thrace orientale serait évacuée
sans combat par les Grecs, jusqu'au fleuve de la Maritza et
remise au Gouvernement de la Grande Assemblée nationale
de Turquie. !1 fut décidé aussi que celle-ci aurait un droit
de regard sur l'administration de la zone occupée par les
REVUE DU MONDE MUSULMAN<66
troupes de l'Entente et que des négociations seraient enta-
mées sans tarder.
La coM/~reMceafeLausanne. Gâzi Moustafa Kemàl ne
se laissa nullement griser par la grande victoire qui ruinait
l'armée grecque et les espoirs qu'on avait mis en elle.
Mettantau-dessus de tout les intérêts de la patrie, il renonçaà la guerre et, plein, de modération et de prévoyance, il
s'assura avec une habileté consommée des succès d'ordre
politique. C'est encore Ismet pacha qui représenta la nation
turque à la conférence réunie le 22 novembre i338 (1922)à
Lausanne. Après des délibérations ayant duré environ
9 mois, la nation, ayant à sa tête, dans cette circonstance
comme dans toutes les autres, son génial chef put enfin se
libérer des capitulations judiciaires, financières, écono-
miques dont les sièclesetierégimedessultansavaientchargéses épaules. Elle devenait ainsi entièrement libre et indépen-dante et s'assurait une place élevée et digne d'elle dans le
concert des puissances.Perdant son dernier espoir avec la conclusion de l'ar-
mistice de Moudania, Vah!d-ed-d!n qui ne se sentait plusen sûreté à Constantinople, commit la lâcheté de fuir avant
les alliés eux-mêmes. La Grande Assemblée nationale, sur
l'initiative du Gàzi, fit un pas de plus dans la voie de la
Révolution et abolit le Sultanat et le pouvoir personnel.La qualité de khalife fut connée à Abdulmedjîd efendi. Ce
n'était qu'une étape. La nécessité se faisait sentir d'une
réforme plus radicale.
Proclamation de la République (JMM/ï~ft~et t'M~i').Le plus cher espoir de M. K. pacha a été de tout temps de
doter son pays du régime républicain, apte à en assurer le
développement certain et rapide et fondé sur le mérite. II
choisit un moment favorable pour soumettre cette questionla Grande Assembléeet le 29 octobre t33g(!g23), celle-ci
proclama la République dans une séance enthousiaste.
Dans la même séance, l'héro'fque sauveur (manji) était
BIOGRAPHIE DE MOUSTAFA KEMAL PACHA 167
proclamé à l'unanimité Président de la République (Re'fs-
-t<fK/:oi)r). Le Gâzi confia la présidence du premier ca-
binet républicain à Ismet pacha.
Nous nous contentons de résumer ici ta suite de l'article qui con-
tient des généralités et peu de faits précis. On y fait le procès du ré-
gime absolu des anciens sultans ottomans. Suit une énumération
rapide des actes politiques de Moustafa Kemàl pacha conformément
au plan qu'il en a tracé lui-même dans son discours du 27 août sur
.le monument au soldat inconnu, à Doumlou Pounar; séparation de
t'Egiise et de l'État réalisée en peu de temps, unification des tri-
bunaux et de l'enseignement, fermeture des medrese et des tekye« repaire de l'ignorance, du fanatisme et des superstitions suppres-sion de la dtme qui obérait les agriculteurs, mise en train de réformes
d'utilité publique les plus diverses. A côté de sages mesures desti-
nées à réprimer l'émeute de la réaction antirépublicaine, une grande.activité est déployée dans le domaine économique.
Pour traduction eoM/brme.'
'J. DENY.
(A suivre,)
LE BAISERAU MENDIANT ENPERSE
En réunissant des spécimens de poésie persane villa
geoise au Khorasan, dans le district de Sabzawar, je re-cueillis plusieurs quatrains (les chants villageois ont ordi-nairement cette forme métrique) traitant d'un sujet trèsparticulier. Dans chacun d'eux, en effet, le même motif
reparaissait, à quelques variantes près « Demander l'au-mône d'un baiser ? dans un but religieux, par dévotion
pour Ali, etc. Dans d'autres, l'homme demande cette au-mône comme un acte de charité parce qu'il est sans foyer,abandonné, etc. Ou bien, comme dans un de ces poèmes,la jeune fille déclare qu'elle a donné un baiser à un « pas-sant inconnu » dans l'intention expresse d'un acte de dé-
votion, en vue d'obtenir quelque grâce pour son amantréel. Cet argument est considéré comme assez convaincant
pour l'exonérer de toute accusation de manque aux conve-nances. Je donne ici un petit nombre de spécimens de
poèmes appartenant à ces trois catégories, en transcriptionphonétique et en traduction
Huseyno ger AMs/:t~erWM~or:nekardum bi W~o~: tu hich Aor:
LE"BA!SERAUMEKD!A!<T"EXPEME !6~
beroye khotere ruyi Huseynobedodum busey ~e roAg~~ort.
Husaynâ, tue-moi, ou pardonne-moi, comme tu voudrasJe n'ai jamais rien fait sans ta permission.Pour !e bonheur du visage de HusaynâJ'ai donné un baiser à un passant.
(Note. Husaynâ est le takhallus d'un poète villageois,auteur de nombreux quatrains populaires. Malheureuse-ment on ne sait rien de sa biographie.)
II
Deux quatrains en contre-partie
A
Sarum bar dor sarbande saret /:tfdilum bushkof chokeparhanet AM
eger mehre Ali ber sine dori
MHre~'(!As/:e~&e/oyes/:o~Aat'e<ÂM.
Prends ma tète et fais.en une parure pour te coiffer,Déchire mon cœur et fais-en une pièce pour ta chemise.Si tu as unpeu d'amour pour Ali dans ton coeurLaisse-moi passer une nuit à la place de ton mari.
B
Saret bar dor sarbande kharum ÂM
dilat beshkof perdeyi kharum AM
eger M:Are~maf ber sine dori
sare rishet be ~MMe~/M~ar~mku.
Prends ta tête et fais-en une parure pour mon âne
Déchire ton cœur et fais-en une couverture pour mon âne
REVUE DU MONDE MUSULMANt7o
Si tu as un peu d'amour pour 'Omar dans ton cœur
Mets ta barbe sous le. de mon mari.
IH
Dare khonat beyoyum be gudoyibe sharte MM~tbe mu ru nemoyi
eAMrog/MAt miune khuna SM~eo!bebiri Ae~*dehad u rushenoyi.
Je viendrai à la porte de ta demeure comme un mendiant
A la condition que tu te montres à moi
La lumière, tant qu'elle brûle au-dedans de la maison,
Comment peut-elle briller au dehors ?
Il y a des exemples dans la vie sociale persane de cette
idée qu'une femme peut rendre service à autrui en accor-
dant des faveurs de ce genre pour un motif religieux. C'est
une pratique établie pour des femmes pieuses d'un certain
~ge, non mariées ou veuves, d'aller lejeudi soir (« nuit du
vendredi » suivant le comput persan) dans les madrasa et
de s'offrir gratuitement comme femmes temporaires aux
étudiants pauvres (talaba). Un contrat de mariage formel
et tout à fait, légal est conclu, et le couple se sépare en-
suite, après cette brève association, ayant accompli toutes
les formalités du divorce, dans les meilleurs termes. Cette
coutume est visée dans d'amusants récits où un jeunemulla est présenté comme s'imaginant en toute naïveté
qu'on ne peut conclure de mariages que le jeudi. Cette pra-
tique est en vigueur en Perse occidentale, à Kashan, Is-
fahan, etc.
En Mazandaran et dans d'autres provinces caspiennes,de nombreux derviches jouissent de privilèges analoguessubvenant à leur vie indolente, fondés sur des motifs sem-
blables. Beaucoup de .veuves fortunées, en ces pays consi-
LE BAISER AU MENDIANT EN PERSE '7'
dèrent comme un acte de piété d'épouser un derviche et
de le garder chez eUe aussi longtemps que leurs moyensle permettent. L'heureuse vie familiale s'achève ordinai-
rement par la dilapidation complète de la fortune de
l'épouse, et le départ soudain du vénérable époux.Il ést à noter que l'usage shi'ite du mariage tempo-
raire (t) fleurit particulièrement aux abords des tombes
des saints, des lieux de pèlerinage, etc. Dans les villages,au contraire, les exemples en sont très rares, et quant aux
nomades, autant qu'on peut en juger, ils ne contractent
jamais de mariage temporaire à moins d'être très riches
ou de sang noble. Dans lesvilles de province éloignées, cet
usage n'obtient pas l'approbation de l'opinion conserva-
trice.
Dans l'ensemble, il paraîtrait que les idées se rattachant
à l'ancienne prostitution sacrée ne sont pas encore entiè-
rement éteintes en Perse, et continuent à survivre, sans
qu'on s'en doute, sous l'aspect de coutumes locales di-
verses. Ces coutumes sont difficiles à étudier pour un
étranger, car elles touchentà la vie familiale et à la femme
en général, sujet sur lequel les Persans sont d'ordinaire
réticents. Mais il n'est pas impossible que ce soient là des
survivances antiques. Le cycle cultuel de Husayn et des
martyrs est rempli de ces survivances, des rites secon-
daires comme les «Jardins d'Adonis sont très observés
.au Nowruz; où, comme dans certains sanctuaires de la
Perse occidentale, desfigurines en argile représentant des
colombes sont apportées par les pèlerins qui lesy déposenten offrande.
W. IvANOW.
(t)Mut'a.
AU SUJET DE LA COMMUNICATION
DE M. BARAKATULLAH
Nous recevons la lettre suivante
Lecteur assidu de la Revue du Monde Musulman, je me permetsd'attirer votre attention sur quelques inexactitudes que contient la
communication de M. Barakatullah (yol. LXII, p. tS~-iSS).)" M. Barakatullah signale que, faisant partie de la mission turque
en Afghanistan, de fgtô à toi8, cette mission aurait été conse.iiiée parle gouverneur afghan de Mazar-i-Chérif de se rendre à Bokhara « en
janvier tûtgx pour tenter d'émanciper t'émirdeBokh&ra de l'in-
fluence du colonel anglais Bailey.Des déclarations faites à la Société de Géographie de Londres par le.
major Bailey lui-méme, ieaa novembre toso.etpar le capitaine Btaeker,de l'armée des Indes, le 2 mai :g2), il appert qu'il n'y avait aucun An-
glais à cette époque à Bokhara et que )e major Bailey se trouvait en-
core à Tachkent; ce n'est qu'à la ~t l'automne ~9~9qu'il se rendit
à Bokhara dans des circonstances exceptionnelles non pas pour tn-
fluencer l'émir de Bokhara, mais pour gagner la frontière persane et
échapper aux agents de la Tcheka qui le cherchaient.
2" En ce qui concerne M. Eliava (Illiyava dans le texte de la com-
munication), il convient de dire qu'il n'a jamais exercé les fonctions de
gouverneur au Turkestan, ce poste ayant été aboli avec la révolution
d'octobre. M. Eliava était simplement président de la Commission dite
des affaires du Turkestan, envoyée par Moscou à Tachkent.
3° M. Barakatullah, ancien agent allemand pendant la guerre, entra
au service du Komintern (Intern. communiste) après la guerre. !i résida
tour à tour à Berlin, Moscou, Tachkent, Kaboul sa présence est si-
gnalée à Lausanne en toza, à Rome en )os3 et enfin à Paris en tg25.Pendant son séjour à Lausanne, M. Barakatullah eut un entretien
AU SUJET DE LA COMMUNtCATMN DE M. BARAKATULLAH .73
avec un homme potitique musulman du Turkestan, émigré à Paris,
M. Tchokaieff. Cet entretien eut pour effet de soulever une vive poté-
mique entre ces deux hommes, dans un journal russe, les Dut de
Paris, 19 et 28 juillet foa3. L'incident eut pour cause certaines décla.
rations politiques faites par M. Barakatullah et publiées par M. Tcho-
kaieff, mais que M. Barakatullah, peu après, refusa de reconnaitre
tomme siennes.
UnUn/ec<e'ac~ep~
:9juin)9:6. (~ ~)J'r l~
tié~~~~L~
ERRATUM
AU VOLUME LXII
P. t$4. –Le titre est compiler ainsi; < e~'< Comité A/<MM<!e.
Car si les deux premiers alinéas réfèrent au Comité ~~<r)'e-rMt)~)~-
Maroc, le troisième réfère au Comité .4/fMtM.
TABLE DES PLANCHES
(HORSTEXTE)
PLAHCH!1 a-b. Spécimensd'alphabet tureo-latin (extrait du Koum-
MOHM<«deBa):oN). )
TABLE DES MATIÈRES
DUVOLUMESO!XAMTE-TRO!S!EME
PagesUn essai de bloc Marno-hindou au XVU' siècle t'hamMbme mystique
du prince Daf6, par L. MAMfOttOKet A. M. KASsm. ) 1
BAKOU, CENTRE D'UNE NOUVELLE C~T~E
Le Congrès de turkologie de Bakoa en mars 1926, par J. CASTAON6
Appen<Mce< 1 (les caractères latins) II (t'évo)ation sociale &Ba-
kou) (un court historique de la presse azéri), trad. par 'Abdallah
*A<}SHÈH)t<H QI
LetheatreeaAKrhaHtan.parD.Z.T. u7
CHRONIQUE ET DOCUMENTS
Maustafa Kem6t pacha: I. Sa biographie (d'après le nouvel Annuaire
officiel de Turquie), par J. DBNY 147
Le baiser au mendiant en Perse, par W. JvAXow 168-
Au sujet <!ela commnaicatfcB de M. Barakatullah, par X. t~
ExRATBMau vol. LXII t?~
TABLEDESPLANCHES ;74
Le Gérant PARDOUX.
6o37-8-26. Tours, Imprimerie AMAULTet C''
ËDM"JO~$ .ERNEST LEROnX. RUE' PONAPARTE
VtENt D~ ~ARAtTR~ L
~?E~
~"DLr. y
~Ê~M~SULMA ~~I
~T~S~B/H!StORMUE,-$
~RÈ'nrG~PAR~.L.'AtÂ~'<MO~
~nEUXlëMR ANN.Èë (:t6'2&
FA'srtrntti F 'r f~~~C-r/O'/V~ f«"M<ri. f~~u/t..
"!v~um<n-8- -20.ff."
Ctroutra~tab)' avec le pim ~rand.~ir'.f~tind'~pCfMbte~toatf~
)f'i prt'.or'ne'. et à-tou!f! (ES administrations qui .tpn! fn rfj~tinnt avct
.)'()/'c').t-
t-.mnoNSU~i'.Si'LKROUX. x.S.RUEHONAPARTE
ŒL)VK!iS !)t; M. PAUL MARTY
~euHf f~M-'Won~ y~MtM/MMHet co~ection de )a T~UHe)
VoL. t. L'Islam en Mauritanie et en Sénégal, t~o-t~u, tn-8,
4S3p.avecttgurcs. 3itfr.5o
La pqtitiqne indigène du Gouverneur Gênerai Rontv. <-heikh St-- cd!a et sa < Voie Les Fade~'a-–-Les !da Ou Ali, Ch&ffa.TidianIade MittirHanie. Les groupementsHdianïa dérivés d'At-Hadj Omar.~Tt-diania Tonebuteuns). Legro[rpBme<MUd)aaid'At-!jad).Ata~k(Ttd~tt't,"Ouo)o}'s).–'Le groupement de Enu K.onanf.LM Msfrdin~HB!,sëm~ttfis)am<s<deëaMmance.– Ch~rif'Vpunouxde CasamTBa:.
VoL. Uet U). Études smr;'Islatn NM S6N6gBï~~7;2 toi. ttl-T, {".LES fERSOHHES;Det'm~uenee retigicusedescheititsmanre~au-S~-
nega).Les t;roupemeo:stidtants dérives d'Ai-Hadj pnifu~(TM~n~jG~<au)eurS). Le groupementtid~nt d"A)-Had)Mattk (TtdiajtHt~QaçM~t~s Mour:des d'AmadouBanirba. Le groupementde Kcftt'~ktt~nta.-Nandtngaes,éidmen[ KJamtsédeCasamance. –G6eH~X<MmBtM~Ë~-mMce.4!!3p.,t)~.
-T.-iL/LMpocnttNESEïLESffirir<jHc<Lestiôctrn~ret-mote&rett-~teuse. L''sm(Mquées, sancmaires-e.trtcùx.d&prière~e~ee9~-ta~ontiquBS.– La Medersa'de SaiM-Lauis.– Ktt~SgS~ËU~tam.dansées msututiods jurid~quet.~ts coutHmes~Se~s~tre~ j;
ëconomiqne.~p'ng:' ,rlL' 'r.VoL. 1~ L'Iatam em <~ta~ Foat~-DB~S~ p~,<
Les~t'oupement~ftMdtHa. Les Ui~an.kë:~adna.de'T.~&Tf<~)<Touco~UM t)< binguiraye. LBS~idtama. Fom4.~K' ?
VpL..V~.–.L'~mtntt.des TraF~S/ih-8~S3 p.fr.VoL. Vf, VU, ViUEt tX. ËtudM .mr' TÏs~m ~'les~dt!
SOud.Mt.~vot.'m-S.
;T. Ltis kou~M bE-t.~s.T.–t.e-tS~a.b~h. –Lext~aettàd. is~9'9.'p. .T.
T. tt. tA~~D" uE'r&n&«uctotf~at~S<M~;ftt. '&t<:hnt,d<: Ma-
etna<'tdt'pHndanees(t<.)ii)nf'eut).Avecn~)~~{r.t'Ht. LsstKmusMAfRES~j;Stm! Er tit HM~ !g-_fr~'r.;iV._Lt ;tj.:t;!0ftDE~~es.–i~:ptysMnt6at-LB~a!rEtc de
.Mtoro.J~fr. Ir,
VoL.~X. I..a Vie des MauriMtpar eux-Nieme~ VoLin-S, 3M p,Voc. Xt, Etades sur rïs!ametles tri&us maaraft. Les Bra~na,
m-8,40S-p.,ng. 3o'fr.
VOL..X)). lilatam à ta Côte d'ivoire. fn-M,~qo-p., n~. ~o fr. t
Pox/'jf~t'~f<te'/f;ccMa~!n!t'))<:
Vf.L. Xf)). Etades sur l'IaJam au Dahomey. t.c bas Dahomey.LchautDahomey.)n-S,~s8p.,tig. <,
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