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Partie I/ Présentation générale:

Section 1/ La notion de droit:

Le droit est souvent associé au procès* (pénal), aux règles d'un jeu, à une masse de règles (=normes). Or, il estbien plus complexe.*Le procès n'est qu'un moyen de résoudre un conflit parmi d'autres. Le droit ne doit pas être confondu avec lajustice.Le droit est une forme de pouvoir dont le juge et les règles sont les manifestations les plus visibles.

§1. L'approche extrinsèque:

Le Droit désigne le phénomène juridique dans son ensemble.Le droit désigne les prérogatives de chacun, appelées droits subjectifs.

A- Le droit et le fait:

1)Distinction:

Le fait désigne ce qui est (peut être certain ou incertain c'est-à-dire probable) alors que le droit désigne ce quidoit être car le Droit est normatif. Il est utile de les distinguer l'un de l'autre notamment dans le cadre d'un procès où cette distinction permet larépartition des rôles entre les parties et le juge. Les parties allèguent les faits alors que le juge applique aux faitsla règle de droit pertinent qui leur est associée. D'autre part elle permet de définir la compétence des juges decassation (Cour de Cassation et Conseil d’État) qui doivent s'assurer que les premiers juges du dossier ont bienappliqué la règle de droit au fait. Ils n'examinent pas le fait qui pour eux est acquis. La règle de droit estabsolue. Enfin, pour distinguer les règles de preuve car la preuve du fait n'obéit pas aux mêmes règles que la preuve dedroit qui d'ailleurs n'est pas censé être prouvé.

2)Relations:

Le droit est fait pour encadrer la vie en société, il a besoin de situation concrète pour prendre sens. Il prend encompte des faits et en tire des conséquences. Il arrive qu'une situation de fait soit si stable avec une fortecroyance en cette situation que le Droit fasse naître un droit, une prérogative. C'est la théorie de l'apparence:«Le droit sort du fait».Mais le droit ignore également le fait ne pouvant ou ne voulant pas agir. Cependant, il peut toujours en tirer desconséquences.D'un coté, le droit s'adapte aux faits, ce qui est nécessaire sinon il est délaissé mais d'autre part, il n'a pas às'adapter car la finalité du droit n'est pas de suivre l'évolution des faits, le droit a un rôle instituant, de modèle,d'idéal, hiérarchisant les valeurs. C'est notamment le cas lorsqu'il considère que l'évolution des faits estinsatisfaisante ou qu'il poursuit un but prioritaire plus légitime. Parfois, (rare) la droit anticipe l'évolution des faits. Ex: abolition de la peine de mort.

B – Le droit et les autres normes sociales:

Les normes (synonymes de règles) composent le droit pour régir la vie en société, cela suppose donc l'existenced'un groupe social. Le droit est valable pour tous. Cependant, le droit n'a pas le monopole de la réglementationdes rapports sociaux :

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1)Droit et morale:

a – Distinction:

Le droit et la morale sont deux ordres normatifs distinctes mais ayant un rapport entre eux. Ils se distinguent depar leur nature quand bien même leur contenu serait identique. L’inexécution d'une règle à la fois morale et de droit sera sanctionnée juridiquement alors que moralement ellepeut ne pas être condamnable. La morale peut être religieuse, chaque système a son propre dispositif desanctions. On distingue le droit et la moral de par l'origine de ces règles (juridique = autorité / morales = religion ouconscience), leurs différentes sanctions (mais ceci est plus une conséquence de la distinction) et alors que lamorale tend à la perfection de l'individu, le droit lui poursuit d'autres finalités comme la paix sociale. La moraleagit sur la conscience, le droit tranche les conflits d’intérêt. Les conséquences de cette distinction sont multiples: les règles de droit et de morale peuvent se superposer, ledroit peut faire un renvoie aux règles morales et donc imposer le respect des ces règles morales, les règles dedroit peuvent être amorales et enfin, contraires à la morale. La morale n'a pas à dicter les règles de droit, l’État ne doit pas imposer la morale, c'est la condition à laDémocratie.Cette distinction reste ambiguë car les deux notions ne sont pas clairement définies. Le droit prend desdéfinitions différentes selon le courant (jusnaturaliste = droit doit toujours s'inspirer du droit naturelimmuable // positiviste = droit se justifie par lui-même - droit positif). Les rapports entre le droit et la moralesont différents selon les différents courants : pour les positivistes il y a une coupure nette alors que pour lesJusnaturalistes il y a une large place morale dans la droit. La notion de morale est très incertaine et dépend dessensibilités (individuelle/collective/religieuse/laïque/idéale/pratique/dimension sociologique/relevant de laconscience/posant des règles de conduite/recherchant le bien commun/droits le l'Homme/etc). Quoi qu'il ensoit, la morale est une construction intellectuelle, une idéologie, elle est donc subjective.

b – Le refus de la morale:

On voit apparaître de plus en plus deux phénomènes: d'une part, elle occuperait une place de plus en plusréduite dans le Droit du fait du relâchement des contraintes collectives qui s’opère c'est-à-dire «la banalisationdes objets de scandale» ; alors que d'autre part on assiste à un renouveau de la morale sur le Droit qui seraitnourrit par celle-ci ? (développement notamment de l'éthique).

2)Le Droit et la religion:

Lorsque la morale est religieuse, sur le plan historique, les règles de droit ont un rapport certain avec le droitcanonique. Mais aujourd'hui, la distinction ne fait aucun doute du fait de leur différence d'origine des règles quine viennent pas des mêmes institutions et également du fait de leur différence de sanction en cas de violation.Si en religion elle met en cause la relation entre l'âme et Dieu, en Droit elle met en relation l'auteur de laviolation et l’État. Or, dans un état laïque, il ne peut y avoir d’interférence (l’État ne sanctionne pas les péchés).Mais il y a tout de même un rapport entre religion et droit ; la religion est un fait pour l'ordre juridique. Parfoisle Droit l'ignore, d'autre fois, il l'appréhende sans jamais s'y soumettre c'est-à-dire qu'il reconnaît la libertéreligieuse et la fait respecter à tous et pour tous.

3)Le Droit et les règles de courtoisie:

La courtoisie est l'ensemble des règles de savoir-vivre, de bienséance et de politesse qui sont à distinguer desrègles de Droit. L'arsenal juridique est inapplicable car le préjudice est insignifiant. Il ne s'agit là que desanction sociale en cas de violation.

En conclusion, on peut citer l’œuvre de Jean Carbonnier dans son Introduction où il présente ce qu'il appellel’inter-normativité qui est un phénomène désignant les rapports entre ces normes de différentes nature. Les

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normes extra-juridiques peuvent être en conflit avec les normes juridiques (en Droit, les normes juridiquesl'emportent alors), elles peuvent également devenir des normes juridiques, précéder les normes juridiques oualors ce sont les normes juridiques qui dispensent d'obéissance celui qui se prévaut une norme extra-juridiquecontraire ou elles peuvent devenir plus permissives que les normes extra-juridiques et ainsi leur laisser «lerelais».

C – Le Droit et ses fins:

1)Le Droit et la préservation de l'ordre:

Il s'agit là de la plus ancienne finalité du Droit. Dans le civilisations où le Droit n'est pas respecté alors cettecivilisation sera décadente et il y régnera la loi du plus fort. L'une des caractéristique du Droit tient dans la force obligatoire. Elle fonde le respect de la règle et prévoit dessanctions. Par nature donc la règle de droit a pour fin de faire régner la paix sociale.Mais c'est également de part son contenu qu'on s'aperçoit qu'il s'agit bien là de l'une des finitudes du Droit. Lebut est d'assurer l'ordre même si parfois la règle peut sembler injuste car non conforme à la vérité ou à la réalité(ex: créancier si inertie prolongée prescription). C'est avant tout la stabilité de la situation qui est recherchée. Pour le profane, certaines règles concernant la sécurité d'une personne et de ses biens peuvent paraître injustescar dommages corporels priment sur la responsabilité réelle (accident par exemple). C'est la mise en placed'une hiérarchie des valeurs et des finalités.

2)Le Droit et la Justice:

Le Droit est une notion plus large que la Justice. Les normes ne servent pas nécessairement la justice. Certainesrègles sont ainsi sans rapport avec la justice et d'autres sont injustes. La justice peut être cependant une fin du Droit. Beaucoup de règles de Droit cherchent à la promouvoir: «Ledroit doit attribuer à chacun le sien». Cela engendre deux difficultés : quelle place a cette finalité, est-elleprioritaire ou non ? Et qui tranche ?La justice a deux définitions, c'est à la fois ce à quoi on peut prétendre en vertu du Droit il y alors ici unesuperposition des deux notions et elle relève de travail du juriste, ou alors la justice est ce qui est juste d'unpoint de vue idéal, cela relève du travail du philosophe (Aristote – Éthique à Nicomaque met en relief deuxjustices : la commutative cherchant à rétablir l'équilibre rompu par le dommage c'est la justice élémentaire et ladistributive cherchant à opérer une meilleure répartition des richesses et des charges (mais quels critères mérite,travail, besoin?)).En droit, on emploie souvent le mot «équité» qui est une espèce de justice qui vise à adapter les règles de droitaux circonstances de fait pour parvenir à une situation plus juste. Le droit y fait référence très rarementnotamment dans les articles 270 et 1135 du Code Civil et 6 de la Convention européenne des Droits del'Homme. En cas de silence de la loi, le juge ne peut juger selon ce qu'il croit être équitable ou non, il doittrancher les litiges en appliquant des règles de Droit qui y sont applicables. C'est l'article 12 du Code deprocédure civile. Il en est ainsi depuis la Révolution française qui a voulu mettre fin aux pratiques de l'AncienRégime (jugements d'équité) qui risquaient une justice arbitraire car dépendante de la conception et de l'humeurdu juge, créant des inégalités sur le territoire. Cependant, la loi laisse aux juges une marge d'appréciation qui peut laisser place à l'équité. De plus, à certainesconditions, les parties peuvent se déroger à la règle et demander au juge de se prononcer en équité, le jugestatue alors en amiable compositeur. Mais cette procédure reste rare car les parties préfèrent la sécuritéinhérente à l'application des règles de Droit car prévisibles.

§2.L'approche intrinsèque du Droit:

A – Les caractères de la règle de droit:

1)Une règle de comportement:

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Le droit dicte ce qui doit être, les règles de vie en société c'est-à-dire des règles comportementales. Mais ceci n'est qu'un aspect du droit car il existe des règles reconnaissant l'existence de libertés donc pardéfinition, elles ne définissent pas de comportement à adopter. De même, il y a des règles de droit dont l'objet est de fixer les conditions de reconnaissance de prérogatives oudéfinissant des notions, précisant le régime d'autres règles juridiques. (ex: article 1 du Code Civil).Ces règles n'ont pas de contenu normatif. Généralement, une règle de droit a vocation à prescrire quelque chose , elle ne raconte pas d'histoire. Or il sedéveloppe des règles non normatives. Pour certains, cette tendance affaiblie les règles de droit. Ces lois sontjuridiquement inconsistantes, ce sont des lois en la forme, symbolique. (ex: loi de 1999 sur l'exploitation desenfants ou celle de 2001 reconnaissant le génocide arménien). Ici, la loi est purement instrumentalisée etpolitisée même si le symbolique a son importance. Ainsi, depuis peule Conseil Constitutionnel vérifie lecontenu normatif des lois.

2)Une règle abstraite:

La règle de droit est abstraite à ce qu'elle vise une situation générale et non de cas particulier. Cependant, la décision du juge est une mesure individuelle qui applique les règles de droit mais n'en est pas,elle n'a de force juridique qu'entre les parties en procès. À noter que certaines décisions de juge peuvent contenir la création d'une règle de droit. La règle de droit est également générale dans le sens qu'elle est applicable à tous de la même façon, c'est unegarantie contre l'arbitraire et une source d'égalité. Elle doit être permanente c'est-à-dire avoir vocation à durer. Les règles de droit ne disparaisse pas sous l'effetdu temps ou par désuétude, il faut une autre règle pour la remplacer. Mais cela ne signifie pas qu'elle sontperpétuelles, elles sont toujours susceptibles de révision ou d'abrogation. Il existe d'ailleurs des loisexpérimentales prévoyant elle-même leur propre mécanisme de révision (ex: loi sur la bioéthique du 7 juillet2011 qui prévoie sa révision dans 7 ans) ou des lois qui s'appliquent seulement pour une période notamment enguerre.

3)Une règle obligatoire:

a – La portée de la force obligatoire:

La violation d'un loi est assortie d'une sanction.Cependant, ni le caractère obligatoire ni les sanctions ne sont spécifiques à la règle de droit. La spécialité de la règle de droit tient dans le fait que la violation est assortie d'une sanction juridique c'est-à-dire issue de l’État contrairement aux autres normes. Or, ceci est une réflexion circulaire, c'est parce que larègle est juridique qu'il s'en suit une sanction juridique, le caractère juridique précède l'existence de la sanctionjuridique. De plus, la sanction est en elle-même règle de droit. Pour certains un droit sans sanction existe, c'est ce qu'on appelle le «soft-law» ou «droit mou». Mais dans 95%des cas il y a bien une sanction. Elles peuvent être pénales, administratives ou civiles. L’État a le monopole de la force publique: «nul ne peut se faire justice à soi-même» mais certaines sanctionspeuvent être mises en œuvre par l'individu sans avoir à recourir à l’État (ex: résiliation).

b – Les règles impératives et supplétives:

Les règles impératives ou d'ordre public* sont celles auxquelles il est interdit d'y déroger, ellesprotègent souvent les plus faibles. Les règles supplétives elles, suppléent les défaillances d'expression du consentement, ce sont desrègles par défaut. Il est permit d'y déroger mais sur demande. Elles se basent sur des «modèles».Ceci ne signifie pas qu'elles ne s'appliquent pas toutes deux obligatoirement et à tous. On reconnaît de quelle règle il s'agit lorsque l'auteur la désigne dans l'intitulé sinon c'est au juge de lepréciser. *L'ordre public est une notion qui protège les principes fondamentaux de l'ordre social. Il diffère de

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l’intérêt collectif parfois car il s'agit de protéger certains particuliers.

c – La dispense:

C'est une décision que le pouvoir de faire la loi donne à celui fait la loi. Il s'agit d'accorder la permission defaire ce qui est interdit par soucis d'équité ou d'éviter l'application nuisible d'une règle de droit. Ce pouvoir appartient au Président de la République (grâce) ou au juge.Elle n'est pas une règle de droit et est donc à distinguer de l'exception. La dispense a quelques inconvénients:

– c'est une atteinte à la séparation des pouvoirs car c'est l'exécutif ou le judiciaire qui l'accorde alorsque cela relève du législatif.

– c'est une atteinte à l'égalité.Il faut donc la contrôler et éviter sa multiplication.

B – Les formes de la règle de droit:

1)Droit écrit ou oral?

L'immense majorité du droit est écrit. Cependant, certains usages sont des règles de droit mais ne sont pasécrits. De même pour les coutumes. On appelle cela le droit spontané. Il est effectif surtout dans le commerceinternational et dans la vie quotidienne.

2)Le caractère codifié ou non de la règle de Droit

Il y a 2 familles de règle de droit, le Common Law et les Droits civils qui sont codifiés, présents en Europecontinentale, Amérique latine, dans quelques pays d'Asie et d'Afrique, ils ont pour la plupart un Code Civil. L'idée de codification est ancienne mais elle connaît un essor qu'au 19e siècle en France pour des raisonspolitiques (Napoléon) et pratiques car il s'agit là d'un moyen de stabiliser la société pour l'amener à unecohésion sociale. Toutes les règles de droit ne sont pas codifiées, cependant la codification est un traitcaractéristique de notre système juridique. La force juridique d'un texte n'est pas modifiée selon qu'il figure ou non dans un code, il garde sa forcelégislative. Il y a 2 types de codification :

a – La codification systématisationLe Code Civil de 1804 est une œuvre réformatrice, aboutie et inspirée par les valeurs de la révolution.(Demolombe l'appelle «La Constitution civile de la France»). Il s'en suit plusieurs œuvres au vue de son succès : le Code de procédure civile de 1806, le Code de commercede 1808 et le Code pénal. Mais au 20e siècle, un processus de dé-codification commence, les règles sont ailleurs que dans les codes.Aujourd'hui, cette élaboration de code systématisation est rare sauf les mises à jour des codes de procédurecivile et du code pénal en 1994. La Commission de Bruxelles veut faire adopter un code des obligationseuropéennes.

b – La codification compilationFace à la multiplication des normes, un des moyens de gérer ce phénomène est de compiler des règles qui onttrait à un domaine dans un code pour les rendre plus accessibles aux professionnels. C'est la forme de codification la plus ancienne, utilisée pour les textes impériaux mais elle est surtout trèsutilisée à partir des années 1990, c'est la codification à droit constant. Cependant, elle présente de nombreux inconvénients qui pèsent sur son efficacité : il y a des erreurs de la partde fonctionnaires (oublis, faux renvois, abrogation ou résurrection involontaire)or ces textes ont une forcejuridique. De plus, ils sont limités aux textes et ne présentent rien sur l'application (décalage entre code etréalité). Aussi, elles se multiplient alors qu'elles devaient lutter contre la multiplication des normes et de ce faitdeviennent vite obsolètes. Enfin, elles entretiennent la fausse croyance que tous les textes appartenant à undomaine sont présents dans un code or les règles peuvent se chevaucher plusieurs domaines.


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