Jacques Henri Prévost
SOUFFLES D’ÂMES
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Jacques Henri Prévost
Souffles d’Âmes
Jacques Henri Prévost - Poèmes pour l’An 2000 Fernand Prévost (fils) - Par les matins d’Argent Fernand Prévost (père) - Printanièresl
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Du même auteur
Le Ciel, la Vie, le Feu L’Univers et le Zoran L’Argile et l’Âme
Le pèlerin d’Éternité Prolo Sapiens
Incarnatus -Tome 1 Incarnatus - Tome 2
Recueil de cuisine végétarienne ISBN -
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© - Jacques Henri Prévost- Cambrai (France)
Quelques mots de présentation
Parmi toutes les formes prises par l’art des hommes, la poésie et la musique sont celles qui parlent le plus direc-tement à l’être secret et mystérieux endormi au fond du cœur. Etouffé sous nos désirs, assourdi par les agitations du monde, il est assoupi depuis si longtemps que nous avons oublié sa présence et que nous ne l’entendons plus guère. Parfois, cependant, une émotion l’éveille, et nous permet d’entendre un court instant sa voix. Ce recueil rassemble quelques poèmes écrits par des membres d’une même famille pendant plus d’’un siècle. Vous y trouverez certains des miens, d’autres de mon père, et d’autres, plus nombreux encore, de mon grand-père. Les styles différents reflètent l’influence de leur époque. Cela montre combien la culture et la langue française ont évolué pendant cette courte période. Mais, au-delà de ces évolu-tions, un poème reste un poème. On n’écrit pas un poème. Il vient à vous quand son temps est venu. Puissent donc tous ces poèmes, ces mouvements d’âmes, et les illustrations qui les accompagnent dans l’édition illustrée vous émouvoir un peu et vous permettre de réaliser qu’au fond de votre cœur, votre âme, cette créa-ture merveilleuse endormie au plus secret de votre château intérieur attend que d’un poème ou d’une chanson, le souffle d’une autre âme l’éveille.
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Jacques Henri PREVOST
Poèmes pour l’An 2000
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Jacques Henri PREVOST
Poèmes pour l’An 2000
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Note sur l’auteur
L’auteur est né en France, à Valenciennes, en 1929, et s’est intéressé à toutes les grandes interrogations existen-tielles depuis 1990. Tous ses ouvrages sont librement écrits, minutieusement documentés et aucune information n'est avancée sans avoir été soigneusement recoupée au-près de plusieurs sources. Cependant, de temps en temps son humeur, ou son état d’âme, le pousse à produire un poème. Il l’écrit sans trop suivre les règles traditionnelles, comme il sent, quand il vient. On n’écrit pas vraiment un poème, surtout pas sur demande ou sur intention. C’est toujours le poème qui vient à soi, en son temps, et soudai-nement. Il lui faut alors le transcrire très vite avant qu’il s’en aille et soit perdu pour toujours. On revient ensuite sur ce premier jet avec un travail de ciselage pour en faire un vrai poème. Dans cet ouvrage, l’auteur a aussi ajouté à ses propres travaux quelques extraits d’œuvres antiques qu’il a réécrits pour les actualiser. Puissent-elles plaire sous cette nouvelle forme.
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UN LIVRE
Mon livre, Chaque jour j'en lis quelques mots,
J'ai bien le temps, Il est si gros.
Le livre, Nous en partageons chaque mot,
Moitié plaisir, Moitié sanglots.
Un livre, Lentement vécu mot à mot,
Bientôt fini, A jamais clos.
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LE LONG CHEMIN
Qu'il est court le chemin de Dieu Qui mène à l'atome,
Une parole, Et si long le retour à Dieu
Dans la prison de ce corps d’homme L’éternité.
Long chemin de chute et d’erreur, De désespoir et solitude,
D’obscurité, Que depuis longtemps je chemine. Qu’il brûlait haut au ciel du coeur,
L’ancien Soleil,
Qui brasille encore aujourd’hui, Dans cette noirceur de mon âme,
Petite étoile. Je rallumerai dans mon être,
L’astre d’or flambant dans la nuit, La vraie lumière,
La fleur d’esprit sur le bois noir.
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ANGOISSE
Coule la vie, tourne la ronde, Chaque minute, chaque moment,
S'use le temps, Infiniment.
Passe la vie, roule le monde, Chaque seconde, chaque instant,
Saigne mon temps, Mortellement.
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SERENITE
A l'aurore du jour prochain, La rose neuve de ma vie, Un-à-un déplie ses pétales,
La beauté de la rose, c'est la joie du rosier.
A jamais je suis le rosier.
Sous l'écrasant soleil de Juin, La rose ouverte de ma vie, Un-à-un délie ses pétales,
Le parfum de la rose, c'est la voix du rosier.
A jamais je suis le rosier.
Dans l'air parfumé du serein, La rose passée de ma vie, Un-à-un oublie ses pétales.
Le destin de la rose, c'est la croix du rosier.
A jamais je suis le rosier.
En l'attente du clair matin, Le nouveau bourgeon de la vie,
Un-à-un mûrit ses pétales, Chaque jour une rose, c'est la loi du
rosier. A jamais je suis le rosier.
Au delà de la rose, demeure le rosier.
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ÂGE D’AUTOMNE
La feuille jaunie s’abandonne, Au vent d’autan qui tourbillonne,
Lorsque l’été est dépassé.
Voici pour moi l'hiver qui sonne, Son arrivée pourtant m'étonne,
Mon temps est donc bien avancé.
Il me faut assumer ce doute, Je vais bientôt quitter la route,
Et basculer dans le fossé.
Mais la feuille usée qui s'envole, Finit toujours sa parabole,
Dans la boue sous la pluie glacée.
Tandis que l'esprit qui s'élance, Croit qu'il va entrer dans la danse,
Des compagnons d'éternité.
Là bas attendent ses aînés, Tous ses amis, tous ses amants, Tous ses amours, tous ses aimés,
A moins,
Qu’ils n’aient été trompés !
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BLEU
Une femme, une fleur, Un sourire, un ciel bleu,
Une flamme, une ardeur, Un appel, un aveu,
Une lèvre, une odeur, Un regard, un cheveu,
Une larme, une peur, Un murmure, un adieu,
Une femme, une fleur, Un soupir, un ciel bleu.
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CARAVELLE
Sur l’immense univers, La caravelle humaine
S’enfuit aux vents furieux du temps. Je crois qu’elle est sans timonier, Peut-être a-t-elle un capitaine, Je crains qu’il soit dément.
Sur l’immense univers, La caravelle humaine,
Se perd au sein de l’ouragan. Peut-être a-t-elle un timonier,
J’ai aperçu le capitaine, Et crains qu’il soit Satan.
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LE BRASIER DU MONDE
Dans le brasier du Monde, Tu m'as créé, Et je naquis pierre,
Et Tu m'as donné l'être et la durée, Et puis la poussière,
Et Tu as soufflé mes atomes à tous les vents de la Terre.
Puis dans la boue du Monde, Tu m'as créé,
Et je naquis plante, Et Tu m'as donné soleil et beauté,
et fleur et semence, et Tu as soufflé mes atomes à tous les vents
de la Terre.
Dans l'air et l'eau du Monde, Tu m'as créé, Et je naquis bête,
Et Tu m'as donné l'espace et la joie, Et la peur au ventre,
Et Tu as soufflé mes atomes à tous les vents de la Terre.
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Dans tout le sang du Monde, Tu m'as créé, Et je suis né l'Homme,
Et Tu m'as donné la science et la main, L'orgueil et le feu,
Et Tu as soufflé mes désirs à tous les vents de la Terre
Dans la misère du Monde, Tu m'as créé;
Et naquit mon Âme, Et Tu m'as donné l'espoir et les larmes,
Et la liberté, Et Tu as soufflé mes erreurs à tous les vents
de la Terre.
Dans tout l'amour du Monde Tu m'as créé Et s'ouvrit mon cœur,
Tu viens me donner la foi et le doute, Et la charité,
Mais Tu vas souffler mes atomes à tous les vents de la Terre.
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SOURIRE
Sourire seulement des lèvres, Cela n'est pas vraiment sourire, Il faut sourire aussi des yeux.
Sourire seulement des yeux, Ce n'est pas non plus un sourire, Il faut sourire aussi du coeur.
Sourire seulement du coeur, Cela n'est pas assez sourire, Il faut sourire aussi des lèvres.
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TOUSSAINT
Bouquet blanc dans le cimetière, Rose rouge dans les oeillets blancs, Bouquet d'amour taché de sang.
Rose rouge, ou poignard vibrant, Enfant tombeau, Maman de pierre, Petit berceau de marbre blanc.
Rose rouge mon cœur griffant, Larmes cachées, séchées au vent, Bouquet blanc dans le cimetière,
Rouge baiser sur masque blanc.
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INFARCTUS
Qu'il était bleu le ciel où je volais, Et doré le soleil, Si loin du sol,
Grouillant de formes naines, D'êtres fangeux,
Gesticulant de haine,
Qu'il était bleu le ciel où j'ai volé, Et doré le soleil, Si loin du sol,
Où, blessé, je me traîne, Tordant vers eux,
Des ailes immenses et vaines.
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CHAQUE MOMENT
Chaque personne est une chance d’être.
Chaque conscient est un chemin vivant.
Chaque occasion nous permet de renaître.
Et chaque instant est le meilleur moment.
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L'ANGE
Frisson, douce caresse, souffle léger qui glace, Ami,
Un ange est là qui nous regarde. Angoisse, étrangeté.
Un temps, Il reste là.
C’est l’ange froid, Ami,
Ce vent, c’est l’ange froid qui passe.
Enfin, il est parti, mais ne sois pas niais, Ami,
Là-bas, encore, il te regarde, Tu n’es pas oublié.
Comprend ! Il reviendra.
Cet ange froid, Ami,
Cet ange là n'oublie jamais.
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LA LIBERTE
La Liberté,
Ce n'est pas partir, c'est revenir, Et agir,
Ce n’est pas prendre, c’est comprendre, Et apprendre,
Ce n'est pas savoir, c'est vouloir,
Et pouvoir. Ce n'est pas gagner, c'est payer,
Et donner. Ce n'est pas trahir, c’est réunir,
Et accueillir.
La Liberté, Ce n’est pas s’incliner, c’est refuser,
Et remercier, Ce n'est pas un cadeau, c’est un flambeau,
Et un fardeau
Ce n'est pas la faiblesse, c'est la sagesse, Et la noblesse,
Ce n’est pas un avoir, c’est un devoir, Et un espoir.
Ce n’est pas discourir, c’est obtenir, Et maintenir,
Ce n’est pas facile, c’est si fragile,
La Liberté,
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MYSTERE
Mystère premier de l'être, Ignorant de son existence. Mystère de l'homme-animal. Qui retourne mort au mystère.
Second mystère de l'appel De l’être intérieur secret.
Mystère des yeux bien ouverts, Qui contemplent enfin le mystère.
Mystère tiers de la réponse Du retour vers cet absolu.
Mystère de l'homme réveillé, Qui porte sa part du mystère.
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PAPILLONS BLANCS
Il fait si beau dehors, Il fait midi,
Il pleut, il pleure, Il court, il vit,
Dehors.
Il chante, il rit, Il vente, il crie,
Il fait soleil dehors, Il neige, il lit
Dehors.
Il souffre, il rêve, Il aime, il pense, Il meurt, il prie, Il fait si beau,
Dehors.
Dans ma tête, Il fait nuit.
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TANT DE JOURS !
Temps de promesse, Temps de paresse, Tendres matins, Baisers coquins,
Temps de jeunesse, Mon amour, ton amour,
Tant de nuits, tant de jours, et des jours et des jours d'amour,
Temps de largesses, Temps de caresses, Labeur sans fin, Enfants calins,
Temps de kermesse, Mon amour, ton amour,
Tant de nuits, tant de jours, et des jours et des jours d'amour,
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Temps de détresse, Temps de faiblesse, Moments chagrins, Coups du destin,
Temps de tristesse, Mon amour, ton amour,
Tant de nuits, tant de jours, et des jours et des jours d'amour,
Temps de sagesse, Temps de tendresse
Pas incertains, Main dans la main, Temps de richesse,
Mon amour, ton amour, Tant de nuits, tant de jours,
et des jours et des jours d'amour.
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LES CRABES
Prudence en y mettant la main, Même pour apporter du pain. On risque fort d’être blessé.
Pincer et n’être pas pincé. Manger, pour n’être pas mangé. C’est la grande philosophie, Le véritable sens de la vie Des crabes, de ce panier.
Même si c’est un familier, Où un frère. C’est un gibier,
Tous les citrons seront pressés.
Pincer et n’être pas pincé. Manger, pour n’être pas mangé. C’est la grande philosophie, Le véritable sens de la vie Des crabes, de ce panier.
Comment donc les rendre meilleurs ? Peut-on les transporter ailleurs ? Faut-il les cuire pour les aimer ?
Pincer et n’être pas pincé. Manger, pour n’être pas mangé. C’est la grande philosophie, Le véritable sens de la vie Des crabes, de ce panier.
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Tirés à part de quelques textes
ou poèmes extraits du livre
Jacques Prévost (1998 - Poèmes pour l'an 2000 - Extraits)
Août 2000
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TOI, REVIENS !
Viens, Viens toi,
Qui que tu sois ! Car notre caravane
N’est pas celle du désespoir. Viens, viens quand bien même
Tu aurais, par centaines, Brisé tous tes serments.
Viens. Oui, toi, Oui, viens, Reviens,
Reviens toujours !
(d’après Mawlâna-dja-lâd od-Dîn Rûmî-Soufi).
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LA TERRE
Lors donc, Après qu’il eut empli ses mains, De ce qui existe dans la nature,
Et tenant le tout enclos en ses poings. « Prends, dit-il, Ǒ terre sainte,
Toute honorable, Prends.
Toi qui vas devenir La génitrice de toutes choses,
Prends donc, Et ne sois plus seconde en rien ».
Et Dieu, Ouvrant alors ses mains propices,
En répandit le contenu Dans la grande fabrique du Monde
(d’aprés Hermes Trismégiste - Koré Kosmou - La Fille du
Monde).
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RACINES
Parmi tous les genres d’êtres, Ceux qui sont pourvus d’une âme
Ont des racines Qui leur parviennent de haut en bas.
Mais en revanche, Tous les genres des êtres sans âme
Épanouissent leurs rameaux Á partir d’une racine
Qui pousse de bas en haut.
Certains êtres se nourrissent De deux sortes d’aliments,
Et d’autres ne se nourrissent, Que d’une seule sorte.
Car il y a deux sortes de nourritures L’une pour l’âme
L’autre pour le corps, Les deux parties
Dont se compose le vivant.
(d’aprés Hermes Trismégiste - Asclépius).
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HERMES
Or le Noûs, Père de tous, Étant Vie et Lumière,
Enfanta un Homme semblable à lui, Dont il s’éprit comme de son propre enfant.
Car l’Homme était très beau, Reproduisant l’image de son Père, Et Dieu lui livra toutes ses œuvres.
Alors l’Homme qui avait plein pouvoir Sur le monde des mortels et les animaux sans
raison, Se pencha à travers l’armature des sphères,
E il fit montre à la Nature d’en bas De la belle forme de Dieu.
La Nature sourit d’amour Car elle avait vu les traits de cette forme
Merveilleusement belle de l’Homme Se refléter dans l’eau, et son ombre sur la terre. Pour lui, ayant perçu cette forme à lui semblable Présente dans la nature et reflétée dans l’eau,
Il l’aima et voulut habiter là.
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Ce qu’il voulut, il l’accomplit, Et il vint habiter la forme sans raison.
Alors la Nature, ayant reçu en elle son aimé L’enlaça toute et ils s’unirent Car ils brûlaient d’amour.
Et voila pourquoi, seul de tous les êtres, L’Homme est double, mortel de par le corps,
Immortel de par l’Homme essentiel.
(d’aprés Hermes Trismégiste - Le Pimandre).
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Ô MOINES !
Voici, ô moines, la vérité sainte sur la douleur. La Naissance est douleur, la Vieillesse est douleur,
la Maladie est douleur, (...)
Les cinq sortes d’objets d’attachement sont dou-leur.
Les cinq éléments du Moi, Le corps,
Les sensations, Les représentations, Les formations,
Et la connaissance.
Voici, ô moines, La vérité sainte sur l’origine de la douleur.
C’est la soif Qui conduit de renaissance en renaissance,
Accompagnée De la convoitise et du plaisir, (...),
La soif de plaisir, La soif d’existence,
La soif d’impermanence.
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Voici, ô moines, La vérité sainte sur la suppression de la douleur,
L’extinction de cette soif Par l’anéantissement complet du désir,
En y renonçant, En s’en délivrant,
En ne lui laissant pas de place.
Voici, ô moines, La vérité sainte sur le chemin
Qui mène à la suppression de la douleur. C’est le chemin sacré à huit branches
Qui s’appellent la foi pure, La volonté pure,
L’application pure, Les moyens d’existence purs,
La méditation pure.
(Paroles de Bouddha)
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LE ROI CAPTIF
Dans la splendeur du Monde, il a vu son image, En bas, et l’a trouvée si belle,
Qu’il s’est, un temps, ravi en elle. Hélas, anéanti, dans son grand lit d’étoiles,
Il dort, et nous souffrons nos peines, Et nous mourons chargés de chaînes.
De sa gloire oubliée, demeure une étincelle, Un indestructible principe,
Au donjon de l’âme immortelle. Dans la tour, il perçoit le chant de la Lumière.
Il comprend que l’heure est venue De lever enfin la paupière.
Il se souvient des Cieux. Il parle du Royaume, Il dit qu’il demeure en chaque homme.
Il supplie d’une faible voix. Il pleure, il rit, il dit qu’en nous, il est en croix.
Il souffre et parle de partage, Accepté par un libre choix.
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Il a besoin d’un corps, il a besoin d’une âme. Il voudrait détruire sa prison
Et revenir à sa mission. Il est l’idée, la vie, il est l’amour, la joie.
Il est la liberté suprême, L’océan de douceur extrême.
Il est l’immensité. Il est l’éternité. Il est le sablier du temps,
Et la conscience du présent. Il est, dans l’infini, le maître du destin,
L’innocence sans le chagrin, La pureté du premier jour.
Il est la force énorme et l’horizon sans fin. Il est la clarté du matin.
Tout l’avenir est dans sa main. Il est la vérité, il est la majesté.
Il aspire à ce qu’il était, Qu’il veut être, et sera demain,
Adam Premier, l’Eon divin, le Roi du Monde.
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L’AUTRE
Jésus, Dionysos, Divins sauveurs des hommes. Osiris ou Krisna,
Tous ces dieux venus du Cosmos, Pour dire à tous les hommes, l’universelle saga, Et révéler l’appel en nous, l’histoire d’Adam,
Que d’autres, en d’autres temps, racontent au-trement.
Jean est, chez nous, celui
Qui reconnait ce cri dans le désert de l’âme, Entend les pleurs de l’autre en lui,
Et permet que s’allume, dans son cœur, une flamme.
Puis le Baptiste va. A l’autre il laisse place, Aprés avoir frayé le chemin de la grâce.
L’âme vierge secrète,
Nous l’appelons Marie. Son cœur humain berceau Accueille ici le nouvel Être,
Enfantant, dans la chair, pour l’Autre, un corps nouveau
Qu’elle chérit, nourrit, et fait grandir en elle, Et donne, librement, pour une vie nouvelle.
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Le tout-petit enfant,
A Noël, est l’image de la vraie renaissance, Le moment du réveil d’Adam,
Si longtemps attendu, l’espoir de délivrance De l’animalité, et du sang, et des chaines,
Dans notre sombre, et sale, et triste étable hu-maine.
Jésus le pèlerin,
C’est l’étonnant miracle de cette incarnation, Dans chaque homme, sur le chemin,
Etroit et difficile, vers la transmutation, Par l’éternel Esprit et dans le libre choix
De la mort de son Moi, par amour, mis en croix.
Et la résurrection A l’aube d’or de Pâques, c’est soudain le retour,
D’Adam, la transfiguration, Du corps en Christ. Et l’étincelle en ce seul jour Devient brillant soleil. L’Homme éternel renaît
Dans la restauration du Royaume parfait
Osiris ou Krisna, Ces êtres merveilleux ne sont que des symboles,
Jésus, Ba’al, Attis, Bouddha, Dont nous sommes tentés de faire des idoles. Ces mythes composés pour nous ouvrir les yeux, D’autres, en d’autres lieux, les transforment en
Dieux.
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LABEUR
Á la fin du chemin, quand tombera le jour,
Nous laisserons ces feux infâmes,
Et revêtus du seul amour,
Nous rentrerons chez nous, pour reposer nos âmes.
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CHAQUE AMOUR
Chaque forme d'être dans un plus grand être,
Chaque chose dans une autre chose,
Chaque vie dans une autre vie,
Chaque désir dans un autre désir,
Chaque savoir dans un autre savoir,
Chaque souffle d'esprit dans un souffle d'esprit,
Et chaque amour dans l'éternel amour.
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Fernand Prévost, (fils)
Par les Matins d’Argent
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Fernand Prévost, (fils)
Par les Matins d’Argent
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Note sur l’auteur
L’auteur de ces quelques poèmes, Fernand Pré-vost, était mon père. C’était aussi le fils de cet autre Fernand dont vous pouvez lire les poèmes dans ce même recueil. En 1939, il a appris qu’il allait bientôt mourir, et au seuil de la guerre qu’il pressentait, il a voulu laisser à ses jeunes en-fants une dernière trace de ses talents d’écrivain de poète et de peintre, et il a écrit et illustré pour eux quelques contes et cahiers de poésie. Soixante-dix années après sa disparition, j'ai pu retrouver celui-ci, les autres ayant été hélas per-dus. J’ai alors voulu rapporter la trace émouvante qu'il nous avait laissée.
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Aubade
Sous la brise qui chiffonne De l'onde le frais satin;
Le bouleau d'argent frissonne Au clair matin.
L'oiselet qui chante M'enchante. Voici le jour,
Levez-vous, brunette, Coquette,
Voici l'amour.
Déjà le ciel est tout rose, Dans les prés le papillon Lutine la fleur éclose
Dans un rayon. Le mont sous l'aurore
Se dore. Voici le jour.
Levez-vous, ma mie Chérie
Voici l'amour.
Au gué suivant sa bergère, Et secouant son grelot, La chèvre blanche légère
Passe le flot. Voici le soleil
Vermeil, Voici le jour.
Levez-vous, ma belle Cruelle.
Voici l'amour.
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Matines
Entre les arbres, dans l'ombre, Une blancheur apparaît.
Le ciel est déjà moins sombre, C'est l'aube dans la forêt.
Dans l'antique monastère, Frère Jacques, vieux et las, Quitte sa cellule austère, En traînant un peu le pas.
Sous les arcades disjointes,
Qui tremblent au moindre choc, Il avance, les mains jointes
Dans les manches de son froc.
En la vieille tour branlante Dont on voit le toit pencher, Il hausse sa main tremblante
Vers la corde clocher.
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En cascades argentines Le carillon réveillé
Chante, appelant aux matines Le novice ensommeillé.
A la voix qui les appelle Entre les murs du couvent, Les moines à la chapelle
Se rendent d'un cœur fervent.
Et l'on entend voltiger Ainsi qu'un oiseau sautille, Des cloches le chant léger
Qui dans les aires s'éparpille.
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Les nids
Aux matins transparents, les nids chantent l'au-rore.
Dans les midis joyeux, ils chantent le soleil, Et quant au soir tombant, la campagne se dore, Les nids chantent encor l'adieu au jour vermeil.
Les nids chantent l'avril quand le printemps mur-
mure, Dans l'été triomphant, les nids chantent l'essor.
Ils sont le cri vibrant de toute la nature, Quand rayonne et sourit un ciel d'azur et d'or.
Les nids en un concert célèbrent la lumière,
De la création, ils chantent la beauté. Et le cri de l'oiseau ainsi qu'une prière, Monte en hymne éperdu vers la divinité.
Les nids chantent l'amour à l'âme solitaire,
Au cœur désabusé, les nids chantent l'espoir, En murmure très doux, comme une source claire, Qui coule sur la mousse en un bois triste et noir.
En quelque sombre jour, bien loin des vertes
plaines, Bien loin des purs sommets, le destin vous ban-
nit, Dans une rue obscure aux fétides haleines,
Là, sous un très vieux toit, gazouille encor un nid.
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Opale
Voici l'aube qui nait dans la brume tremblante, Le ciel d'un gris très tendre a de roses reflets, Et la mer est laiteuse, et la vague est chan-
geante, Et des lueurs se jouent sur les pâles galets.
Une enfant aux yeux purs apparait sur la grève,
Une robe de neige encadrant sa beauté. En face de la mer, immobile elle rêve..
Et son cœur tremble un peu devant l'immensité.
Et puis elle sourit au doux ciel ingénu Qui d'un reste de nuit conserve un brouillard
vague. Elle avance rieuse, et son petit pied nu
Effleure en frissonnant l'ourlet blanc de la vague.
Soudain la robe tombe, et le temps d'un éclair, Comme une statue blanche, elle dresse splendide
Sa chaste nudité devant l'horizon clair...
Et puis saute, joyeuse, au sein du flot limpide.
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Boutons de roses
Dans le jardin fleuri que la lumière dore, Chante t rit au soleil une enfant au front pur. Elle va, vient, bondit, fuit et revient encore, Enivrée de parfums, de rayons et d'azur.
Soudain sa course folle aux bonds désordonnés La conduit, frémissante, au parterre de roses, Et la fillette brune aux grands yeux étonnés
S'arrête émerveillée devant les fleurs mi-closes.
Sous le rayon doré à, la chaude caresse, Une rose s'entrouvre, avide de tendresse. Un brillant papillon autour d'elle tournoie. Trop vite épanouie au soleil qui flamboie, Elle donne son cœur à l'insecte frivole.
Hélas ! L'amour s'enfuit, le papillon s'envole. D'autres amants viendront, s'en iront, tour à tour,
Sans guérir le regret de son premier amour, La laissant simplement plus meurtrie et plus
lasse.
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Et puis le ciel trop lourd se charge de menace, D'un orage assombri l'orage qui s'élance Frappe brutalement la rose sans défense, La laisse pantelante, encor plus affaissée, Se penchant vers le sol, solitaire et blessée.
Ensuite un limaçon à la bave hideuse Va, traînant son corps lourd sur la fleur radieuse.
Souillée, déjà flétrie, encore parfumée, S'effeuille lentement la corolle embaumée.
Enfin, c'est, vers le soir, l'écroulement subit Des beaux pétales d'or, de neige ou de rubis, Que dans un jeu cruel et fou, la brise emporte. Sous un souffle léger la belle fleur est morte
Éxalant en parfum sa toute petite âme.
C'est la vie d'une rose, et celle d'une femme.
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Jardins d'avril
Ô frais jardins d'avril, que j'aime votre charme, Lorsqu'une averse même a mouillé vos buissons Et qu'à chaque rameau se balance une larme, Et que le pêcher rose est tout plein de frissons.
Jardins en féerie lorsque la gelée blanche
Couvre de pierreries les feuillages tremblants, Diamante les fleurs, et suspend à la branche Des broderies d'argent aux fils étincelants.
Doux jardins de printemps peuplés de violettes Où l'on voit tout à coup descendre en un rayon,
Chef d'œuvre délicat d'invisibles palettes, Comme une fleur ailée, le premier papillon.
Jacinthes embaumées aux fleurs de porcelaine,
Beaux narcisses dorés, tulipes de satin Balancent leurs fronts lourds à la brise de plaine Qui vient jusqu'au parterre aux heures du matin.
Que vous avez de grâce, ô jardins de jeunesse,
Où la nature vibre après un long sommeil Quand la première fleur sourit sous la caresse Du premier chant d'oiseau et du premier soleil.
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Le chevrier
L'Alpe étincelle et brille à la naissante aurore, Qui de ses rayons d'or traverse la forêt.
Le sapin triste et noir à leur clarté se dore, La montagne sourit au soleil qui paraît.
Vers le petit vallon monte un chant de clarines. Des chèvres le troupeau débouche du sentier, Et capricieusement court aux herbes alpines A grand peine suivie d'un jeune chevrier.
Cependant qu'alentour les chèvres s'éparpillent Il s'étend sur la mousse, et le front dans la main, Songe sous le ciel pur, quand soudain ses yeux
brillent, Voici venir son rêve au détour du chemin.
Elle a le teint de lis et la lèvre de fraise, En son visage fin de doux yeux de bleuet. Elle porte à son front la coiffe tarentaise,
Elle semble une reine, et vit dans un chalet.
Gracieuse elle approche, elle sourit et passe.. Et le jeune berger écoute longuement
le bruit du pas léger qui décroît et s'efface Et puis rêve au regard couleur de firmament.
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Chanson blanche
Dans le berceau le chérubin sommeille, Mais sur son front un nuage a passé.
Dors sans péril, mon fils, ta mère veille, Que de ton cœur m'effroi soit effacé,
Que, tout-puissants, caressant ta paupière, Les doigts légers du sommeil triomphant
D'un songe pur ainsi qu'une prière Anges du ciel, enchantez mon enfant.
Dans le berceau, maintenant il s'éveille,
Mais brusquement, des pleurs brûlent ses yeux, Sous le chagrin pâlit sa joue vermeille,
S'évanouit son sourire joyeux. Bébé résiste aux baisers de sa mère, Tout mon amour, hélas, est impuissant
Pour apaiser cette douleur amère Anges du ciel, consolez mon enfant.
Et le berceau, maintenant s'ensoleille, Sur chaque chose éclot un rayon d'or. Bébé, ravi, croit que tout est merveille Et radieux veut prendre son essor.
Sur son front pur mettez votre lumière Et devant lui votre bras qui défend.
Parfois trop faible est le cœur d'une mère, Anges du ciel, protégez mon enfant.
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Les hirondelles
En avril, quand de fleurs écloses Le jardin se peuple à nouveau, Et qu’en les êtres et les choses Vibre l'ardeur du renouveau. Une troupe d'oiseaux paraît
Dans un joyeux battement d'ailes Et c'est le printemps qui renaît
Quand reviennent les hirondelles.
De longtemps, Colin, sans espoir, Aimait la elle Marjolaine,
Sans oser le dire, et ce soir, Il la rejoint à la fontaine..
Il lui parle, et plonge ses yeux Au fond des limpides prunelles.. Les garçons sont plus audacieux Quand reviennent les hirondelles.
Il flotte un parfum de jeunesse. Au ciel on voit plus de rayons.
Les fleurs s'ouvrent sous la caresse De l'aile d'or des papillons. La nature chante et sourit,
Toutes les femmes sont plus belles. En les cœurs l'amour refleurit,
Quand reviennent les hirondelles.
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Fernand Prévost, (père)
Printanières
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Fernand Prévost, (père)
Printanières
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In memoriam
A la mémoire des Cadets du Tsar
Tous les artistes qui ont illustré le recueil de poèmes dont sont tirés ces extraits été fusillés sans procès. Ils étaient fils cadets (ou seconds) des grandes familles de la no-blesse russe avant 1917. Cela leur valut la mort. Fernand Prévost de Belvaux, le poète, sauva sa vie car il était fran-çais. C'était leur professeur de langue et c'était aussi mon grand père. Après la guerre de 1914, il revint en France avec ce recueil, un livret relié en cuir noir avec un fermoir et un décor d'argent ciselé. Dans mes souvenirs, il était con-servé avec soin dans un écrin protecteur. Interdit aux en-fants, on ne le feuilletait qu'avec beaucoup de précautions. Après soixante-dix ans, par chance, il m’est enfin parvenu abimé, disloqué, râpé, et encore plus fragile. Je n'ai pas voulu que son contenu soit à jamais perdu en mémoire des jeunes cadets martyrs. Ils ont alors exprimé leur talent déli-cat à la simple occasion de l'anniversaire de leur professeur de français. Dans l’édition illustrée que je voudrais en faire, chaque image sera agrandie pour monter l'élégance et le fini de leur travail. Dans celle-ci, vous accèderez aux textes tellement romantiques des poèmes qui expriment souvent la détresse de mon grand-père exilé. Il y avait en ces temps un piano ou un violon, un musicien, un peintre, ou un poète, dans chaque maison. Telle était notre culture européenne, il y a seulement cent ans, si proche encore, et si loin déjà des tags, des SMS ou du rap. En revoyant ces images et ces textes, je prends conscience du recul culturel subi, et j'avoue parfois ressentir un peu de nostalgie
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Si vous croyez
Si vous croyez qu’il est facile De dire : Je veux oublier, Et de s’essayer, malhabile, Á plaisanter et babiller...
Si vous croyez que l’on peut voir Sur vos traits un peu de dépit, Sans qu’aussitôt le désespoir Ne s’empare du cœur contrit…
Si vous croyez que votre main,
Dont la pression souvent enfièvre, Ne peut pas, baume souverain, Se poser, douce, sur la lèvre…
Si vous croyez que vos beaux yeux
Ne savent pas aussi sourire Et rendre un cœur moins malheureux
Et l’arrêter dans son délire…
Si vous croyez que votre nom Ne vient pas troubler bien des rêves ; Qu’un oui de vous, ou bien un non Ne suffit pas aux heures brèves…
Si vous croyez qu’on peut souffrir, Toujours avoir l’âme en déroute… Mais qu’un jour on en peut mourir, Vous ne le croyez pas, sans doute ?
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Variations
Rose et fraîche, elle n’est pas celle
Dont on dit en se retournant : Oh ! Voyez donc comme elle est belle !
Et que l’on admire en passant.
Mais sous la paupière mi close, Si ses yeux s’arrêtent sur vous, Si son regard troublant se pose,
Quelques instants, frôleur et doux,
Alors on veut la voir encore, Alors on a plus qu’un désir :
Elle est de celles qu’on adore ; L’on ne veut plus que revenir.
Souple et gracieuse en sa pose, Dans un costume harmonieux, Un sourire à sa lèvre rose, De la malice dans les yeux,
En sa nonchalance traitresse,
Elle trouve la mot hardi, Et le regard hautain qui laisse
Un don Juan tout étourdi.
Mais au clavier, lorsque sans trève, Pleine de larme sous sa main, Chante une musique de rêve Qui bercerait jusqu’à demain,
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Alors l’ardeur se fait moins vice,
Du regard devenu rêveur, Et la bouche se tait, pensive, Pour écouter parler le cœur.
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Soir de fête.
Á l’éclat des flammes ardentes, Et dans le bruit grisant du bal ,
Un fau monte à ses joues brûlantes Et rehausse un teint sans égal.
Son beau front blanc, sous sa couronne D’abondants cheveux presque noirs,
Sans effort apparent lui donne L’air qu’elle aime en de pareils soirs.
Que la robe soit bleue, soit blanche,
Sur fond d’or, gaîne de velours, Seyant au corsage qui tranche, Le goût est sûr et fin, toujours.
Cambrée dans sa taille bien faite, Un sourire aux lèvres, frondeur, Elle est la reine de la fête : Cela suffit à son bonheur.
Elle sait bien que tout l’admire, Et, suivie par mille regards, Elle garde son fier sourire
Qui commande tous les égards.
Mais sous ce masque de coquette, Parfois, au fond de ses beaux yeux,
Se révèle, voilée, discrète,
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La tristesse des cœurs soucieux.
Ses chers yeux bruns, au regard tendre, En s’abandonnant un moment,
Font voir, à qui sait les comprendre, Sans vains apprêtes, tout simplement,
L’âme mélancolique et douce,
Cachée sous des dehors trompeurs, Comme l’eau vive sous la mousse, Un nid d’oiseau parmi les fleurs.
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Fleurs de pêchers
Les pêchers sont en fleurs, joie fraîche, gai fris-son,
Des blancheurs dans l’éveil de l’aube printanière, Des gazouillis d’oiseaux vibrant à l’unisson Chantent d’un ton perlé la symphonie légère
Des fleurs, - blancheur de chairs aux reflets de sa-tin.
L’on dirait que du ciel, par une folle brise, Un vol de papillons a neigé ce matin,
Gardant, nés de l’aurore, à leur aile qu’irise Un peu d’azur d’en haut, leur poudre de velours,
Frais duvet qui ressemble à de la veloutine Dans la rose et l’or clair de l’air, en pluie fine, Au lever radieux du plus charmant des jours.
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Hymne
Le printemps est dans l’air; partout sa tiède ha-leine
Éveille un frisson délicieux; Le printemps est partout sur le mont et la plaine;
Mais il est surtout dans tes yeux.
Tes chers yeux bruns, si beaux, qu’un peu de cha-leur dore,
Sont bien tendres quand tu veux bien ; Et de les voir ainsi, très doux, je les adore,
Et cela ne te coûte rien !
Quand mon regard se pose, affolé de tendresse, Sur tes lèvres, plein de désir,
D’y goûter un instant d’incomparable ivresse, Avant-goût des joies à venir,
Je sens qu’n mon cœur gronde une passion fa-
rouche, Et mon sang se presse, brûlant ;
Et je ne veux plus rien que boire à cette bouche, La vie, l’amour, éperdument.
Et tout dans la nature est plein de rêves roses,
De bruit d’abeille et de baiser ; Comment ne pas t’aimer quand, paupières mi-
closes, Tu t’étends pour te reposer ?
J’oublie tout sur la terre en sentant la tiédeur
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De ton épaule ou de ton sein, Et je voudrais mourir en entendant ton cœur
Battre à coups pressés sur le mien…
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Un nom
Ton nom est doux et clair ainsi qu’un chant d’oiseau.
Il chante dans mon cœur comme une cantilène, Air ancien modulé sur un rythme nouveau
Plein de langueur italienne.
Leit-motiv éternel de mes pensées du jour, Il hante mon sommeil et je tressaille en rêve D’entendre soupirer comme un appel d’amour,
Le nom que je redis sans trêve.
Il est doux comme toi, alerte et gracieux, Pareil à ce beau corps qui me brûle de fièvre, Il évoque en mon cœur le regard de tes yeux :
Je crois le baiser sur mes lèvres.
Il te sied comme tout ce que tu portes, toi ! Comme à ton front si blanc ta chevelure sombre,
Á ta bouche si rose un baiser plein d’émoi, Á ton clair regard un peu d’ombre.
Quand je reste parfois, à m’oublier le soir, Dans une rêverie mélancolique et tendre,
Si ma pensée se berce à quelque doux espoir, C’est ton nom que je crois entendre.
Lis le donc dans mes vers de ce dernier quatrain,
Écrit, le nom aimé de la plus chère femme, Lumière de ma vie, qui, dans sa jolie main,
Idole et reine, tient mon âme.
87
Angoisse
Le temps fuit comme un rêve, Rêve bleu, gris ou noir, Sans arrêt et sans trêve, Le soir succède au soir.
Quand j’interroge ton visage, Et que je regarde tes yeux, Un doux et décevant mirage,
Pour un instant me rend heureux.
En cette heure fugace, Je vis de mon amour :
Mais bientôt elle passe, Hélas ! Encore un jour…
Oh ! Si je pouvais l’arrêter
Cette heure où je me sens revivre, Où je ne fais que répéter
Les aveux dont mon cœur est ivre !
Mais le sang brûle en vain : Partir, voir disparaître L’aimée jusqu’à demain, La verrai-je ? Peut-être…
Et je me vois seul dans la nuit, Et l’âme est lourde de tristesse L’avenir est noir. Rien ne luit,
L’angoisse me serre et m’oppresse.
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Demain ! Terrible sphynx, Fantôme qui déchire,
Et que des yeux de lynx Mêmes ne sauraient lire !
O nuit où je ne puis dormir ;
Où son nom et sa voix m’obsède Où me poursuit son souvenir ; Où le rêve insensé me cède !
Que me garde le sort ? La vie, un peu de rose ? Où bien est-ce la mort
Qui seule, enfin repose ?
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Fantaisie en ton mineur
S’il est vrai qu’il n’est point sur terre Pour moi de bonheur,
Et que le plus doux mystère Qui naisse en un cœur,
Ne bercera plus mon âme,
Même pour un jour, D’un doux sourire de femme,
Un rayon d’amour ;
S’il est vrai que ma jeunesse Á jamais a fuit ;
Que ce rêve de tendresse S’est évanoui,
Alors qu’un baiser timide,
Posé sur sa main, Rend heureux mon cœur avide
Jusqu’au lendemain
S’il est vrai que tout s’envole, Dernière illusion,
Qu’au passé mon cœur immole Sa chère vision :
Avant que le soir arrive,
Et bientôt la nuit, Il vaut mieux à la dérive, Sans larmes, sans bruit,
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S’en aller de la vie belle, En disant son nom,
Sans murmurer de ce qu’elle A répondu : Non !
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Roses
En une amphore au fin contour, Écloses,
S’épanouissant tour à tour, Les roses
Aux tons pâles, roses, foncés, Si belles,
Ouvrent leurs pétales froncés Et frêles.
Leur vie née de ce matin, Si brève,
Passera jusqu’à demain, En rêve,
Embaumant de leur odeur Exquise
La minute de bonheur Conquise.
Sur des lèvres au ton pourpré Plus roses
Que le calice diapré Des roses,
Où le sang, superbe et pur, Embrase
D’un trouble puissant et sûr D’extase.
Mon cœur à qui disent tant De choses
Ces belles lèvres, pourtant Bien closes.
O roses, sœurs des amours Inquiètes,
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Fleurs favorites, toujours Discrètes,
Portez mes vœu, vous qui savez Ma flamme,
Prenez l’aveu, car vous avez Une âme.
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Fantaisie
Un frais bouton de rose-thé Á l’aube grise est près d’éclore :
Pour épanouir sa beauté, Il n’attend qu’un regard d’Aurore.
Le clair soleil de Floréal,
D’un baiser brûlant la caresse : La fleur ouvre son sein royal
Plein de désir, prêt à l’ivresse.
Mais déjà la brise du soir Vient d’effleurer la vierge folle : La corolle s’est laissée choir Á l’instant sa beauté s’envole.
Maintenant, dans l’ombre nocturne,
La rose flétrie va mourir : Il ne demeure au fond de l’urne,
Que la cendre du souvenir.
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Bémol et dièse
Haut et difficile est le but Et le courage parfois sombre :
L’être entier vibre comme un luth, Espère ou s’abîme dans l’ombre, N’attendant que le dernier : chut ! Et s’endormir au gouffre sombre.
Haut les cœurs quand le but est grand Et l’amour fait beaucoup sur terre ;
L’âme s’élève e un instant, Et l’avenir, sphinx et mystère, Ne montre pas que le néant : Et l’heure vient où l’on espère.
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L’œillet
La fillette avait pris le missel de l’aïeule Et les feuillets jaunis tournaient aux doigts lé-
gers ; Distraite, elle rêvait, et, de se sentir seule,
Une mélancolie, des soucis étrangers, Á son front de seize ans mettaient un peu de
brume, Mais, sur ses lèvres passe un sourire très fin ;
Dans les yeux bleus, rieurs, un éclair gai s’allume, Et sur la bouche on pose un petit doigt mutin : Des pages du missel une fleur glisse et tombe, Un œillet, blanc jadis, à présent desséché, C’est, dans le livre pieux, comme dans une
tombe, Un peu de vie d’antan et de monde, arraché…
La fillette s’en est venue vers la grand’mère,
Et, posant son front blanc, câline, à ses genoux, Regarde longuement cette tête si chère,
Aux boucles argentées, au regard bleu, si doux ; Puis, avec un baiser, demande, rougissante, L’histoire de l’œillet, pris dans le vieux missel Comme au soleil levant, sur l’herbe chatoyante, Dans une goutte d’eau s’est pris un coin de ciel.
Un peu de rose monte aux joues de la grand’mère,
Et son regard très doux se pose en souriant Sur l’enfant répétant sa naïve prière,
Et ses doigts caressants frôlent ce front charmant.
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C’est si loin, ce passé !... J’avais seize ans, pe-tite,
Seize ans ! Et j’étais belle, et fraîche comme toi ; Des joues roses aussi, un cœur qui bat plus vite,
Pour un regard, un rien, aussitôt en émoi ; Et des cheveux très blonds, ma plus belle parure, Des cheveux d’or léger, volant au moindre vent ; Pleine de vie, d’entrain, puis, ma foi, de l’allure : Je connais bien des cœurs qui s’y sont pris sou-
vent ; Teint de rose et lis ; et des yeux... Vois mes
yeux, Les mêmes, mais plus bleus, pleins de rêve et
d’ivresse, N’ayant, comme les tiens, connu que jours heu-
reux. C’était un soir de Mai ; dans l’air, une caresse,
Vous effleurait les joues, à perdre la raison ; Un souffle de printemps courait avec la brise,
Et le soleil à peine avait fui l’horizon. Les fleurs, la nuit qui vient… Oh ! La douceur ex-
quise De ce beau soir, avec le parfum des lilas
Flottant, léger, dans l’air, tout embaumé, suave… Et de ce si beau soir, il ne me reste, hélas !
Qu’une fleur desséchée, cet œillet, frêle épave.
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C’était mois de Marie. Nous allions, toutes deux, Ma mère et moi, prier tous les soirs à l’église. Ah ! Que j’étais distraite alors, et je prie mieux A présent. Mais seize ans… Cette soirée qui
grise ! Je remarquais souvent qu’un homme me suivait ;
Oh ! De loin, mais toujours ; jeune, la figure douce ;
Et, derrière un pilier, fidèle, il attendait ; Son regard m’adorait ; j’avais une secousse
Au cœur, à chaque fois que je voyais ses yeux : Ils exprimaient si bien cette grande tendresse Qu’ont seuls les cœurs très purs, le joyau pré-
cieux Que l’on gaspille tant au temps de la jeunesse.
Or, ce soir, son regard dans l’ombre me brûlait. Il nous suivit longtemps, jusqu’à notre demeure ;
Dans la brise du soir, à mi-voix il chantait Et sa chanson, je me la rappelle à cette heure.
« Je veux que la brise du soir
« Te dise que mon âme est ivre. « Donne à mon cœur un peu d’espoir :
« Un mot de toi me fera vivre.
Arrivé près du seuil, il était là tour près : Je sentis dans la nuit sa main toucher la mienne. Il y mit cette fleur… Pourquoi faut-il qu’après Tant d’années disparues, d’un soir je me sou-
vienne ?
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Je ne l’ai plus revu ; J’en rêvai, bien des fois, Et, malgré les chagrins, les plaisirs et le rêve, Car la vie, ma petite, est faite, tu le vois,
De rose avec du noir, elle donne, elle enlève ; Malgré tout, j’ai gardé ce frêle souvenir.
Les années ont passé sur cette tête blanche ; Je sens que c’est bientôt que ma vie va finir ; Et cependant, vois-tu, mon front ému se penche Vers cet œillet flétri que j’embrasse souvent.
Toute entière au passé, dont revivent les
charmes, L’aïeule s’était tue, l’âme bien loin, rêvant, Les yeux bleus de l’enfant étaient remplis de
larmes.
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Fol espoir
« Dire à l’heure qui passe, à l’heure exquise et folle
« Qui précède toujours le moment des adieux « Oh ! Ne fuis pas !... Mais non, la voila qui
s’envole, « Remonte aux cieux ;
« Sentir son cœur serré, brûlant dans sa poitrine, « Battre à grands coups pressés la marche de
l’amour « Rien qu’en frôlant le bout de sa main, douce et
fine « Pour tout un jour ;
« Voir en ses beaux yeux bruns, qui disent tant
de choses, « Son âme toute entière en sa mobilité,
« Et la fierté qui dort en ses paupières mi-closes, « Et la bonté ;
« Rêver quand sous ses doigts, sur le clavier
d’ivoire « Pleure un chant de douleur, Mendelssohn ou
Chopin, « S’abandonner encore à la douceur de croire,
« Rêver sans fin ;
100
« Aimer éperdument, avec toute son âme, « Ne redire qu’un nom, le matin et le soir,
« Et mettre, malgré tout, dans le cœur d’une femme
« Son seul espoir ;
« Vivre ainsi, l’âme triste et l’esprit en démence, « Attendant follement un : oui, de l’avenir,
« Et quand disparaîtra cette frêle espérance, « Alors, mourir.
101
Pourquoi ?
Pourquoi ton regard bleu, comme un rayon d’étoile Si beau
S’embrume de tristesse, ainsi que traîne un voile Sur l’eau ?
Pourquoi tes longs cils noirs, doux comme le plus tendre Velours
Ne laissent que des pleurs sur ta joue se ré-pandre Si lourds
Ton visage est pareil à celui d’une fille Du Rhin ;
Tes superbes cheveux, tel sous le soleil brille L’airain
Roulant en diadème à ton beau front de reine Plus blanc
Que le mystérieux manteau de la sirène D’argent
Et de rayons paré, dans l’ivresse d’un rêve Divin
Qui se déroule et berce et jamais ne s’achève Sans fin.
De tristesse voilé, ce front si beau se penche : Des pleurs
Mouillent ces yeux d’un bleu plus pur que la per-venche,
Deux fleurs Comme la plainte ailée d’une lyre qu’on frôle,
Ta voix
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Vibre dans le sanglot d’une âme qui s’envole… Pourquoi ?...
103
Dizain
Où donc est-il sur terre, Ce lieu de doux oubli ; Où l’âme encore espère Et se tait tout ennui.
Où donc es-tu sur terre, Bienheureuse patrie !
Mon cœur toujours t’espère Illusion chérie :
Là-bas l’amour sur terre Et le rêve infini…
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Trois mots
Toujours ! Un mot hardi qui défie l’avenir, Enfermé tout entier dans les plis d’une robe,
Triomphe, espoir et joie de l’amour à son aube : Oh, garde au moins le souvenir.
Jamais ! Le mot de glace et de deuil rempli
d’ombre, Tombant sinistre et froid sur le cœur éperdu Qui vibrait de tendresse et bravait l’inconnu ;
Espoir, amour et foi : tout sombre.
Mais Dieu nous a laissé, dans sa pitié pour l’être Qu’il créa faible et nu, le mot sublime et doux Qui nous permet le rêve, espère malgré tout
Et sourit dans les pleurs : Peut-être.
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Blessure d’âme
« Quand le roi des forêts du Nord, le libre élan, « D’une balle mortelle a reçu la blessure, « Il s’arrête d’abord pour se mordre le flanc « Et sa douleur s’avive avec cette morsure. « Puis il repart soudain à travers les fourrés,
« Brisant de ses bois durs, en sa course sauvage, « Arbres morts, jeunes troncs, et rameaux trop
serrés ; « Tout craque, tout s’abat, fauché sur son pas-
sage. « Il va. Son poil est moite, et ses naseaux fu-
mants « Aspirent l’air glacé ; ses yeux ont un feu
sombre ; « Brusquement, il frissonne, et, sur ses pieds
tremblants « Chancelle, fléchit, tombe, agonise dans
l’ombre…
« Il est de ces beaux yeux dont les regards très doux,
« De ces lèvres aussi dont les charmants sourires, « Blessent les cœurs aimants et les rendent plus
fous « Que ne fait une balle et les plus durs martyres.
« Il a suffi parfois d’une pression de main ;
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« D’un regard qui vous dit en souriant : « Peut-être » ;
« D’une très douce voix qui vous dit : « à de-main ! »
« Pour que vous tressailliez jusqu’au fond de votre être,
« Et ces blessures là, nous les gardons toujours ; « Mortel et cher poison, bu des yeux d’une
femme, « Il nous brûle les nuits, et nous compte les jours. « La blessure qui tue, c’est la blessure d’âme.
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Aveu
Si je suis assis loin de toi, Mon regard te fuit et t’évite, Pour cacher l’invincible émoi
Dont mon cœur, hélas ! palpite ;
Mais bientôt, ainsi qu’un aimant, Tes yeux, ton visage, toi toute, Attirent mon regard aimant : Et me voila tout en déroute.
Les rires et joyeux propos
Vont bruissant à mon oreille : Comment pourrais-je être en repos, Les yeux sur ta lèvre vermeille ?
Et si je suis à tes cotés,
Mon cœur bat, mais je me sens vivre, Et mon sang coule à flots pressés,
Et je deviens tout-à-fait ivre.
Si je ferme un instant les yeux, Aussitôt je vois ton visage,
Ton corps aux contours gracieux, Et je m’affole à ce mirage.
Ton nom charmant, doux et léger, Ton nom, je le dis avec fièvre, Il me fait l’effet d’un baiser
Qui vient se poser sur ma lèvre.
108
Quand j’effleure ta blanche main Ta bouche ou ta joue rougissante,
Je garde jusqu’au lendemain Une âme inquiète et frémissante.
Je t’aime : hélas ! puis-je ravir De mon cœur ce rêve suprême ? Je t’aime, et je me sens mourir
De cette passion, mais je t’aime.
109
Une ombre...
Une ombre légère, un rêve qui passe ; Un rayon d’azur qui bientôt s’efface ; Un regret d’amour, un élan divin ; Une coupe amère et la lie du vin ;
Des pleurs, des chants, aussi des sourires, Plus souvent des brumes et des délires ; Un printemps qui fuit, un été brûlant, Un automne triste et doux cependant. Puis un dur hiver tue ce que l’on aime :
Depuis des siècles, c’est notre vie même.
110
Deux yeux bleus.
Ce sont ses yeux d’un si beau bleu, Ses beaux yeux d’un bleu de pervenche :
Ils ont mis dans mon cœur en feu Une passion que rien n’étanche.
J’ai perdu mon cœur, c’est certain ; Mais honni soit qui mal y pense !
Deux yeux bleus l’ont pris ce matin : Jane, me voici sans défense.
J’allais aux champs ; le soleil clair Riait sur l’herbe encore humide ;
Des chants d’oiseaux montaient dans l’air, Quand je vis son regard limpide.
Ses yeux étaient d’un bleu d’azur :
Pas le moindre petit nuage. Aucun saphir n’est aussi pur : Un ciel de juin après l’orage.
Ce n’étaient pas ses blonds cheveux
Pareils aux épis d’orge mûre : Vers ses yeux seuls allaient mes vœux ;
De tout le reste je n’ai cure.
Sa joue était su fraîche à voir Comme un duvet de pêche rose… Ses yeux bleus m’ont ravi l’espoir Leur regard en maître dispose.
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Sa lèvre humide, un papillon
La prendrait pour une églantine ; Il voudrait tout droit, du sillon Se poser sur sa gorge fine.
Mais moi, je ne vois que ses yeux,
Hélas ! et je ne vis sur terre Que pour ses yeux si bleus, ses yeux,
Et j’y veux chercher le mystère Qui me fait rêver sur la terre
Et m’y croire tout près des cieux.
112
Nuit.
La nuit est sombre Noyée dans l’ombre Et mon cœur sombre Quand vient le soir ;
Empli de brume Et d’amertume, Il se consume En désespoir.
Dans la nuit, L’éclair luit.
Un grand bruit Gronde ;
Au lointain, Incertain,
L’œil en vain Sonde…
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Un air d’Ukraine.
La blanche clarté des nuits d’Août Baigne la ville et la plaine : Là-bas venu je ne sais d’où, Chante un air léger d’Ukraine.
Cela gémit au loin, dans le calme du soir,
Comme un léger sanglot, ou la très douce plainte D’une âme abandonnée qui renonce à l’espoir
Et conte sa foi morte, illusion éteinte, Regrets de l’aveu tendre, et du discret amour, Des baisers échangés à l’heure exquise et folle, De ce qui fait de l’homme un roi pour tout un jour,
Puis, comme un rêve, passe, à jamais, et s’envole.
La blanche clarté des nuits d’Août
Baigne la ville et la plaine Là-bas venu je ne sais d’où, Pleure un air léger d’Ukraine.
En sons tristes et lents, la mélodie soupire ; Puis se brise soudain, sur un accord plaintif ; Il se répète, cesse ; et dans un souffle expire, Se taît, la strophe émue, dite d’un ton craintif
Un instant elle vibre encore doucement L’air léger de ce soir exquis de clair de lune En prolonge à plaisir, harmonieusement, Les notes éplorées et la tendre infortune.
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La blanche clarté des nuits d’Août Baigne la ville et la plaine Là-bas venu je ne sais d’où, Meurt un air léger d’Ukraine.
Et l’on n’entend plus rien que le chant d’un grillon
L’esprit rêve, bercé par la musique lente Morte à présent, tombée quelque part au sillon,
Avec l’âme meurtrie, la ballade dolente Quelque corde est brisée sans doute au pauvre
cœur, Et l’instrument s’est tu… Le silence a des larmes Aussi ; la brise pleure. Ecoutez... L’on a peur Des démons de la nuit, impurs, jeteurs de
charmes..
La blanche clarté des nuits d’Août Dort sur la ville et la plaine Là-bas a fui, je ne sais où, Le léger chant de l’Ukraine.
115
Á Lélette.
Et maintenant, Lélette, Notre printemps a fui ;
L’an, à mourir, s’apprête ; La dernière aube a lui.
Les lilas et les roses
Ont paré notre amour ; Par mille douces choses, Je t’aurai fait la cour.
Mais, rose ou chrysanthème,
La fleur te dit tout bas Que tout mon être t’aime… Tu le sais, n’est-ce pas ?
Si, dans la tiède haleine De Mai, dans le soleil, La gracieuse phalène
D’un printemps sans pareil
N’est plus là qui volète, Les premières ardeurs, O ma chère Lélette,
Survivent dans les fleurs
Que Juin ou Juillet, brûle, Chère âme, ou que l’hiver
Cingle de sa férule,
116
Le sapin reste fier ;
Tel, dans le temps des roses Ou celui des frimas,
Le cœur dont tu disposes Pour toi ne change pas.
31 décembre 1906 – Fernand Prévost de Belvaux
Suite des poèmes de Fernand Prévost – Récupé-rés sur feuilles volantes.
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Nostalgie.
Ô Sphinx impénétrable et moqueur, ô Destin, Ne pourrons-nous jamais dans notre course er-
rante Nous arrêter enfin, replier notre tente,
La fixer pour toujours au détour du chemin ?
Dormant ici ce soir, aimant au gré des routes, Demain courant là-bas, ne restant nulle part, Illusions fauchées, les espoirs en déroute,
Nous l’aimons cependant, notre vie de hasard.
Mais, superbe et vibrante, elle a ses heures sombres,
Heures d’accablement, tristes jusqu’à la mort, D’infinie lassitude, où tout entouré d’ombres, Notre cœur pleure et crie sa plainte et ses re-
mords.
Á l’heure nostalgique et douce, et frissonnante, Où je la vis paraître en ce pays d’exil,
Se dresser et parler à mon âme tremblante, De mon passé perdu ressaisissant le fil,
Ainsi qu’un gracieux fantôme d’autrefois,
Au regard franc et doux, au provoquant sourire Vibrant de fièvre ardente et des cris dans la voix Qui me disaient tout bas ce qu’elle n’osait dire.
118
J’oubliais tout alors, sans me lasser d’entendre De notre langue aimée les sons doux et char-
meurs, La cadence légère, indiciblement tendre,
Vive et gaie comme un chant d’oiseau parmi les fleurs.
La taille souple et fine, ondoyante et nerveuse,
Semble une tige fine en sa gracilité, De son buste élégant, la courbe sinueuse
De la fleur a la grâce et la fragilité.
De ses cheveux soyeux, l’auréole légère S’échappe en mousse fine, aux reflets d’or bruni ; Et sa peau transparente, au gré de l’âme fière, Devient d’un rose ardent ou d’un blanc tout uni.
Le regard a parfois une longue caresse,
Qui frôle, délicate, ainsi qu’un velours noir ; Les yeux ont un ton chaud qui doucement op-
presse, Pénétrant comme en juin le souffle ardent du soir.
119
Presser un court instant cette main si petite, Des lèvres longuement, y mettre tout un cœur, Voir briller ses yeux noirs, puis s’en aller bien
vite ; En rêvant au passé, mirage de bonheur.
Chimère décevante et rêve insaisissable Que murmure tout bas la voix du souvenir ! Mais elle ne dure pas la minute ineffable Et l’instant d’après la voit s’évanouir.
Les rimes passionnées aux beautés sensuelles, Les élans, les sanglots, les cris fous de désir
Sont pour ces corps sans âme : Elles ne sont que belles,
Idoles sans pensées, faites pour le plaisir.
C’est plus ou moins qu’il faut, pour elle, Eve mo-derne,
Son être et plus complexe et plus tendre à la fois, Elle n’a pas l’attrait de cette beauté terne Qui n’est que dans la forme, inerte et sans
émois.
Mais elle ! C’est un feu continu qui l’enfièvre, Flamme perverse et fauve, allumée dans son
sein, Qui fait brûler ses yeux et fait trembler sa lèvre, Empourpre sa joue pâle à la peau de satin.
120
C’est la liberté même, et fille d’un sol libre, Qui vibre en elle et brille, étincelle en ses yeux,
Impatiente du joug, et c’est la soif de vivre Qui donne à tout son être un charme impérieux.
Prêt à tout pour lui plaire, étrange charmeresse,
J’attends sa volonté, je cherche son désir, Car la servir, pour moi, n’est que la douce ivresse,
De revoir et d’aimer mon plus cher souvenir.
Octobre 1902 – St : Caucase
121
Fleur d’exil.
Son nom ! Comme un bruit d’aile Qui batterait,(…)
Doux frisson, venu d’elle, Et s’en irait,
Vers l’exilé, de celle Qu’il adorait
Dire qu’à lui, fidèle, On penserait.
Les yeux noyés d’ivresse,
Languissamment, Frôlent, pleins de tendresse,
Tout doucement L’aimé dont leur caresse,
Fiévreusement, Etreint le cœur, l’oppresse
Comme un aimant.
La bouche frémissante, Vient se poser,
N’osant plus, fleur tremblante, Se refuser.
A l’ardeur qui, brûlante, Va l’embrasser,
Se donne, palpitante, Dans un baiser.
Février 1903 – Samara
122
Lilas
C’est un soir d’été, c’est un soir de mai, Je vais doucement, rêvant à ma Jeanne, La blonde fille qu’autrefois j’aimais :
L’amour nait, grandit, puis bientôt se fane. Je rêve à celle qu’autrefois j’aimais.
Cueillons en marchant les beaux lilas mauves...
Je dis à ces fleurs, à ces doux lilas : « Où sont à présent ses beaux cheveux fauves ? « Tout mon être souffre et mon cœur est las.
« Où sont à présent ses beaux cheveux fauves ?
« Ce soir je revis mon premier amour, « Le premier, celui que l’on n’oublie pas.
« Où sont ses yeux bleus, où donc est ce jour « Où je reçus d’elle, ô mes chers lilas,
« Le premier baiser, où donc est ce jour ?
« Un soir j’ai brûlé cette boucle blonde « Qu’elle me donna, mouillée d’un baiser...
« Brûler ce qui fut pour moi plus qu’un monde ! « Ô mes beaux lilas, comment ai-je osé ?
« Ces cheveux étaient pour moi plus qu’un monde.
« Oh, votre parfum va jusqu’à la source « Où dormait en moi cet amour éteint.
« Lilas, mes lilas, votre odeur m’est douce : « Elle évoque en moi ce passé lointain…
« A mon cœur meurtri votre odeur est douce.
« Ô mes beaux lilas, vos frêles pétales « Qu’en une caresse effleurent les brises
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« Ont un reflet rose et des teintes pâles « De molle améthyste aux douceurs exquises
« De violette ayant des teintes pâles.
« Et ces fins pétales ont aussi leur âme, « Une âme légère ainsi qu’est une ombre,
« L’ombre qu’eut Ondine en devenant femme ; « Votre âme est un rêve, en cette heure sombre,
« Le rêve d’une enfant qui devient femme.
« Et ce soir votre âme, ô mes beaux lilas, « Votre âme de rêve a dit à mon âme, « Son passé, me l’a murmuré tout bas,
« Évoquant un nom, un doux nom de femme, « Et ce nom, je l’ai répété tout bas.
Mai 1901 – Gt. de Tambod
124
Le vent de la nuit
Le vent de la nuit Dans les bois gémit,
Bruit lugubre et fruit de mort, Invisible esprit,
Chasse que poursuit Le cri répété d’un cor.
Sur la plaine il passe, Et bientôt s’efface
Et l’on dirait qu’il s’endort, Sans laisser de trace Plus que dans l’espace
Le vaisseau qui vole au port.
Mais soudain il clame Comme le cerf brame
Quand l’amour jaloux le mord : C’est un bruit de rame, La plainte d’une âme
Exilée qui prend l’essor.
La frégate est bonne, Mais, des coups qu’il donne, Va de tribord à bâbord ; En vain le glas sonne, Le sort l’abandonne,
L’ouragan est le plus fort.
Ô voix de la mer,
125
Ô la plainte amère Des flots mourant sur le bord !
Et les pleurs de mère, La sombre colère
Des déshérités du sort.
L’eau s’élève en trombe Et l’orage gronde :
Tel le feu de vingt sabords Dont ronfle la bombe : Et rien qui réponde
Á l’espoir comme aux efforts.
126
Troupeau qui s’assemble, Les vagues ensemble,
Comme à l’assaut de Gomorrhe Se ruent ! Et il semble
Que le vaisseau tremble Sous le flot qui le dévore ;
Le ciel s’emplit d’ombre Et la nuit est sombre
Comme un manteau qui se tord, Et le vaisseau sombre Á pic, et s’effondre
Dans le flot noir qui le mord.
Parfois, il murmure Comme la voix pure
D’une harpe aux cordes d’or, Et tant qu’elle dure, Toute la nature
Semble pleurer pour un mort.
La clameur s’étale Soudain en rafale ;
Les chiens hurlent pour les morts D’entendre son râle Trainer sur la dalle
Comme à la veillée d’un corps.
Il hurle sans trêve, Pleure sur la grève
Et les rochers nus d’Armor… Puis soudain s’achève
127
En un bruit de rêve… Un soupir, un rien : Tout dort.
*** (1903)
128
Les errants.
Où va l’eau du torrent, inégal et rapide, Roulant à flots pressés, sautant de roc en roc, Brisant tige et rameau, noyant le sol aride,
Arrachant des débris, partout, au moindre choc ? Et le rêveur qui jette à cette onde fuyante,
Le chargeant de pensées, un léger brin de fleur Sait-il bien si, vraiment, la vague tournoyante Recevra son message et l’écho de son cœur ?
La pastoure étendue au fond des grandes
herbes, Mains closes sous sa nuque, aux lourds cheveux
plus blonds Que l’orge et le blé murs, fauchés et mis en
gerbes, Suit d’un œil vague au loin, en légers mamelons, En longs anneaux roulant comme un serpent se
traîne, La forme fantastique et les tours incessants Dans l’azur et l’or clair, en gracieuse chaîne,
La Sierra Nevada des nuages errants.
Où va le vent qui passe en hurlant dans la steppe,
Chasse invisible aux cris impétueux d’un cor, Plus sinistre quand l’ombre au ciel jette un crêpe, Pleurant lugubre et froid comme un souffle de
mort ;
129
Tordant l’arbre isolé, renversant la cabane, Arrachant l’épi mort, foulant l’épi trop lourd,
Il fuit, revient, repasse, erre autour du kourgane*, Traînant sur ce tombeau en gémissement sourd.
Et repartant soudain comme un loup qui s’enfuit
D’un élan furieux à travers les pacages, Il poursuit dans l’espace un troupeau d’oies sau-
vages Qu’il dépasse bientôt et laisse dans la nuit…
Où vont-ils ces oiseaux, volant dans les ténèbres, Étrangement pareils à de grands voiles blancs Qui s’en iraient là-bas pour des apprêts fu-
nèbres, Avec à peine un bruit, dans l’orage, flottants ?
130
Où va le loup rôdeur, la prunelle brillante, Maigre, hérissé, traçant dans la neige un sillon, Des bois sombres chassé par la faim dévorante, Cherchant l’homme ou la bête, ou même l’oisillon
Tombe du nid trop frêle, abattu sur la route, Par un coup de tempête, au hasard du chemin ? Où va-t-il le loup gris, voyageur qu’on redoute, Errant en bande ou seul, pèlerin de la faim ?
Et le libre étalon, galopant dans la plaine, Suzerain de la steppe où broute son sérail, Où va-t-il écrasant l’arbuste qui le gène
Et l’herbe qui lui vient parfois jusqu’au poitrail ? Où vont-ils tous ? Où va le nonchalant tzigane Qui chante en repliant sa tente pour partir,
Plus loin, toujours plus loin, où va la caravane, Ne s’arrêtant jamais qu’un moment pour dormir.
Où vont-ils, les errants ? Ils vont où Dieu les
mène ! Et qu’importe ! Le ciel a partout même azur ; Partout l’Eve éternelle est la même sirène
Et l’on cherche partout l’oubli dans le vin pur.
*- Kourgane – Tombeau isolé dans la steppe
Roskov / Don – 1903
131
Le dernier don.
L’onde d’argent d’un ruisseau clair Á ses pieds jasait gaie et vive ; Muette et belle, elle avait l’air D’une fleur poussée sur la rive.
Son fin poignet, brun comme l’ambre,
Était cerclé d’un anneau d’or ; Á sa cheville qui se cambre Brillait un autre cercle encor.
Á l’horizon, le soir tombait,
Superbe, en sa pourpre royale ; Le soleil couchant la nimbait D’une auréole triomphale.
Sur son front pur, en vague sombre,
Les noirs cheveux roulaient, charmants, Et de ses yeux, noirs diamants,
Scintillait le regard plein d’ombre.
Une fleur étrange d’Asie Se balançait en ses doigts frêles ;
Un papillon de fantaisie La frôlait gaiement de ses ailes.
« Donne-moi la fleur, ma divine,
Dont toi-même sembles la sœur ! » Dit un étranger qui chemine. Et la belle donna la fleur.
132
Il s’est arrêté pour mieux voir Ce beau visage de déesse,
Et, sentant grandir son espoir : « Non, je veux plus, enchanteresse !
« Donne-moi ta main qui me semble « La main d’une reine des cieux
« Oh ! Donne-moi ta main qui tremble « Ainsi qu’un oiseau capricieux !
Et quand il a tenu la main,
Les yeux, pleins d’une ardeur nouvelle, Montant aux lèvres de carmin :
« Non, je veux plus, ma toute belle !
« Plus que la main, plus que la fleur… « Oh ! Ne sois pas si inclémente ; « Un instant de divin bonheur
« Dort sur ta lèvre frémissante. »
Douce à l’étranger qui supplie Elle donne aussi le baiser : Lui, sent que sa tendre folie
N’en est pas près de s’apaiser.
Son regard était de velours Sous la paupière frissonnante,
Mi-close, entre ses longs cils lourds ; Et sa gorge était si tentante :
L’on eût pensé que ses beautés
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Avaient mûri grâce au soleil, Ainsi que deux fruits duvetés, Deux grenades au ton vermeil.
Il s’agenouilla sans rien dire : Elle comprit sans refuser…
Elle a donné dans un sourire, Plus que la fleur et le baiser.
Traduit de l’Arménien
Moscou – 1902
134
Blancheurs (étude)
L’église
L’église est toute blanche, à Pâques, triomphale, Dans les fleurs de candeur et les grands voiles
blancs, Comme d’une épousée la robe nuptiale, Et l’orgue, en hosannah, mêle à des voix
d’enfants La blanche symphonie d’une hymne triomphale.
A
A, la voyelle blanche, ouverte à l’Idéal, E, large chant de harpe, eurythmie dorienne, Sons clairs, en a vibrant, et parfum virginal,
Lis pur, âmes d’enfants, ailes d’anges, sirène, Chantant la symphonie blanche de l’Idéal.
Le lait
A pleins bords écumants, blancheur large, s’étale
Le lait vierge, lac pur, flot tiède, créateur, Sang de l’être au berceau, des lèvres au sein
pâle Puisé, source de vie, onctueuse douceur,
Le lait vierge à pleins bords sa blancheur large étale.
Le nuage
135
Nappe envolée de quelque autel mystérieux, Encens blanc qui, là-bas, de l’Orient émane, Comme d’un sacrifice, ondulant vers les cieux,
Monte en fine vapeur la nuée diaphane, Voile envolée de quelque esquif mystérieux.
Le marbre
Blancheur fière, figée, blancheur devenue pierre, De Paros ou Carrare, en blocs puissants et durs, Le marbre éblouissant dresse dans la carrière
La masse immaculée dont les tons froids et purs Sont comme un incendie tout blanc devenu
pierre.
La lune
Blancheur étincelante, au ciel noir de l’hiver, Monte superbement, tel un flambeau qu’élève
Une invisible main officiant dans l’air… L’astre aux glaciers d’argent, au front nimbé de
rêve, La blanche lune étincelante aux nuits d’hiver.
L’étoile
Et blanche aussi s’allume en un coin de l’espace
Une étoile isolée, luminaire tremblant, Larme égarée, reflet d’âme morte qui passe,
Rayon d’espoir perdu depuis plus de mille ans, Feu follet qui s’allume en un coin de l’espace.
136
La neige
La neige sur la plaine et les glaciers d’argent, Sur la ville qui meurt et la rivière morte,
Est tombée, blanc suaire, et pèse lourdement, Ouate glacée, sur l’âme, et le rêve grelotte
Triste et nu dans la bise et les glaces d’argent.
Pierrot
Et blancheur de Pierrot, blancheur de face blême, Promenant sa farine au beau milieu d’un bal,
Éclat de rire fou sous le nez de carême ; Et, blafarde ironie, candeur de carnaval,
Âme noire et teint blanc, blancheur de face blême.
Le carnaval
Blancheur de chère lie, nappes et blanc cristal, Les œufs battus en neige, oie blanche à la chair
fine, Mousse aimée du Champagne, et vapeur de ré-
gal, Buée blanche, embaumée, crêpes, crème et fa-
rine, Ripaille et chère lie, blancs de nappe et cristal.
Mains au clavier
Et la blancheur des mains, frôlant le blanc
d’ivoire,
137
Touches pâles, polies sous les doigts fuselés ; Blancs arpèges, éclos dans la douceur de croire, Candeurs d’ailes, frissons des trilles modulés, En Banc majeur, fa dièse, envolés sur l’ivoire.
Chambre de jeune fille
Nid blanc, fleurant l’iris, la poudre et le jasmin,
Candeur du lit tout blanc, dentelle et mousseline, Parure de la vierge, épouse de demain,
Et bouquet d’oranger, souliers blancs, moire fine, Satin blanc ; tout est blanc dans ce lit de jasmin.
Première communion
Blanc des guimpes fermées, voile de commu-
niante, Surplis, encens, hostie, tous les blancs de l’autel,
Et la voix douce et pure, enfant blonde qui chante,
Les blanches litanies de la Reine du Ciel, Pour le chaste hyménée d’un cœur de commu-
niante.
Pierres et gemmes
Cassure de l’albâtre et feux du diamant, Nacre, perle et camée, puretés cristallines
Ou laiteuses de gemmes, éther incandescent ; Chatoiement du mica, nuances opalines,
Larme immortalisée, feux blancs du diamant.
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Chair de femme
Lèvres tendres des seins, chair molle de la femme,
Dans l’écume et l’or clair, sortie de l’océan, Énervante caresse et merveilleuses gamme,
De la peau, lis trompeur, neige qui brûle et sent L’écume et le rayon dans une chair de femme.
Fleurs blanches
Blancheur de Floréal qui rit dans les grands prés : Aubépine des haies, œillet blanc, pâquerette,
Le pâle nénuphar, naïade des marais, Et le muguet de Mai, la mignonne clochette, Et le grand lis altier, et la reine des prés.
Geisha
La rieuse geisha, coquette Japonaise,
Agite son ombrelle et son éventail blancs, Se pâme au clair de lune avec des frissons
d’aise, Et pare son peignoir aux larges plis flottants, De chrysanthèmes blancs ; coquette Japonaise.
Fil de la Vierge
Du voile de Marie, dans la blancheur de Mai, Filigrane d’argent par la rosée qui perle,
Se tend dans le sentier d’aubépine embaumé,
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Sous les premiers rayons, au chant joyeux du merle,
Le blanc fil de la Vierge aux blancs matins de Mai.
140
Baptême
Mais plus blanc que ces blancs, que le lis et
l’opale, Est le voile qui pare un enfant nouveau-né,
Que l’on porte au baptême, et blancheur sans égale
La petite âme blanche, ignorant le péché, Plus blanche que la neige, et le lis, et l’opale…
Variante pour la Japonaise
Les blancs pigeons de la déesse en fol essaim Vont, dans une envolée de plumes, blanche et
chaude, Se poser tout près d’Elle, et chercher dans sa
main L’offrande qu’Elle apporte à la blanche pagode Á la sœur des Rayons brillant en riche essaim.
2/1903 – Rostov s. Don
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Ce que j’aime
Loin de toit, mon aimée, j’évoque ton visage Incertain, dans un rêve, et je cherche à revoir Tes traits, et préciser, de ce charmant mirage La forme, vague ainsi que le rêve d’un soir ; Quand mille lampes d’or, lucioles lointaines, Tour-à-tour, là-haut, s’allument dans les cieux. Á voir leur fol essaim de brillantes phalènes,
Ce que j’aime le mieux, chère, ce sont tes yeux.
J’aime ta gorge blanche, comme aussi l’ovale pur De ton visage aimé ; la forme un peu sévère
Du menton et des yeux ; le front sans un pli dur ; Et du nez délicat cette courbe légère
Allant bien au teint brun, donnant la vision Du type d’Israël, qu’un peu de soleil dore,
Atténué pourtant, exquise illusion : C’est, je crois ton profil si beau qu’en toi j’adore.
J’aime à voir tes cheveux, délicieusement, Séparés en bandeaux de mode italienne, Encadrer ton visage harmonieusement ;
Et j’aime tout autant que rien ne les retienne Sur les tempes, partout, rebelles échappant Au doigt qui vainement essaie de les refaire ; Ou bien en natte encore, ayant l’air d’une en-
fant. Ce sont tes cheveux bruns, chérie, que je préfère.
J’aime à voir l’éclat blanc de tes dents dans un
rire
142
Et des lèvres aimées le gracieux contour, Rose, comme la source où l’aurore se mire Légère, puis brûlant sitôt que vient le jour ;
La pourpre de leur chair meurtrie par la tendresse S’avive aussi, plus chaude en un baiser plus fort :
C’est ta bouche que j’aime en toi jusqu’à l’ivresse,
Tentante comme un fruit où je boirais la mort… Je t’aime toute enfin ; mais plus que toutes
choses : Plus que ton beau corps souple et tout vibrant
d’amour, Qui frémit dans mes bras ; plus que tes lèvres
roses, Où les miennes pourtant s’oublieraient tout un
jour, Plus que tes beaux yeux bruns dont la caresse
même, Si tendre, verse à l’âme un instant de bonheur : Plus que tout, mon amour, sais-tu ce qu’en toi
j’aime ? Ce que j’aime le mieux, mon aimée, c’est ton
cœur. Plus que l’ordre élégant et coquet qu’on admire, Moi, j’aime l’abandon de te cheveux épars ; Plus que la bouche aussi, j’adore le sourire ; Plus que les yeux aimés, j’en aime le regard ; J’aime quand tu me dis : Je t’aime, et que ta
lèvre Tremble et brûle, baisante et baisée tour-à-tour, Versant et recevant l’ardente et douce fièvre : Ce que j’aime surtout, en toi, c’est ton amour.
143
Décembre 1902 - Caucase
144
Rosée
Quand la terre brûlée par de longs jours sans eau,
De soif mourante, fume, au soleil implacable Qui la ronge, séchant jusqu’au tremblant roseau.
L’arbre meurt, la fleur tombe et le sol est de sable…
Si sur cette agonie s’élève un vent soudain,
Non pas un vent de sud traversant l’air torride, Mais quelque brise fraîche, ailée, du ciel d’airain
Passant, en éventail léger au sol aride ;
Que là-bas, loin encore, avance en flocon gris, Le nuage attendu pendant ces heures lourdes ;
Comme en rêve, incertaine, émue d’avoir compris, La terre se réveille en mille rumeurs sourdes…
La fleur se redresse et tend vers le ciel clair La corolle expirante, et l’arbre sent renaître La sève ranimée par la fraîcheur de l’air ; Et la rosée divine à la terre rend l’être.
Ainsi, quand sur une âme a passé le malheur, A soufflé, desséchant, plus d’un vent de misère, Et qu’en ce cœur ronge – la suprême douleur, – Par le doute, il n’est rien qui dise encore : Es-
père !
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Puisqu’il a désappris le délicieux recours Á la prière même, à cette rosée fraîche
D’où viendra donc enfin le suprême secours A ce cœur délaissé que le doute dessèche ?...
Vienne avec un sourire et la main qui se tend, D’un regard apaisant pour ce cœur en détresse, Un bon ange : Aussitôt comme la fleur reprend, La vie revient à l’âme en un peu de tendresse.
146
Liberté
Ainsi que ce cheval sans maître, Sans selle ou bride, poil au vent, Ne s’arrêtant quand il veut paître Qu’au sein de l’océan mouvant Des steppes à l’herbe si haute Qu’elle lui vient jusqu’au poitrail Et qu’il surgit quand il en saute, Comme un Pégase de vitrail ; Libre sultan de mille reines, Suzerain de l’immensité,
Ivre d’espace dans les plaines… O bien suprême, liberté !
Oh ! Vivre ainsi que lui, sans maître, Soi seul être son propre roi, Partir au loin pour disparaître,
Seul avec toi !...
1902 – Caucase
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Souffle du soir
Parfois quand vient le soir, un souffle de mystère Semble flotter dans l’air, délicieusement, Haleine insaisissable, exquisément légère,
Comme un bruit d’aile fine, à peine un frôlement.
Tout se tait. L’âme écoute, et, les paupières closes,
Laisse au regard des yeux parler celui du cœur… Un parfum très subtil : On dirait que des roses Ont entrouvert là-bas, comme un baiser de sœur
Délicat et discret, leur corolle tremblante Humide de rosée, et qu’un souffle câlin, Une brise du sud s’est prise, frémissante, Á caresser, dans le clair soleil du matin.
Puis, chargée de l’arôme aux suaves ivresses, Elle a repris sa course, en sylphe qui s’enfuit, Gardant le doux parfum, tout vibrant de ten-
dresses, Pour l’apporter ici, dès qu’est venue la nuit.
Et dans un grand frisson qui fait trembler sa
lèvre, L’exilé que caresse ainsi l’esprit du soir,
Sent à son front brûler une soudaine fièvre, Et son cœur tressaillir, et son sang s’émouvoir…
1903 – Tch.
148
Le coffret
C’est un riche coffret, de mode très ancienne, Aux ferrures d’argent très pur, mais tout bruni, Et dont le fin velours brodé de valencienne Est usé sur les bords et par endroits terni.
Retrouvé tout au fond d’un meuble de famille, Par une jeune espiègle, enfant aux yeux rieurs,
Avec un rire clair, fusant en joyeux trille, Il est bientôt ouvert par les doigts fureteurs.
Comme un oiseau léger, la main de l’indiscrète Preste, et pourtant sans hâte, erre, et tourne au
hasard Les vieux papiers jaunis, et la boîte secrète
Aux tendresses gardées ; rien n’échappe au re-gard.
Et railleuse d’abord, la fillette examine
Ces lettres du passé, ces choses d’autrefois, Relit des bouts de phrase en souriant, mutine, Et ces fleurs desséchées et ces tendres émois.
De tout cela, très doux, un parfum vague émane,
Subtilisé dans l’air, chypre mêlé d’iris, Une odeur d’ancien temps, de rose qui se fane, Essence de Cythère et bouquets de Chloris.
Dentelles embaumées fleurant la bergamote,
149
Gants tout imprégnés d’ambre et sachets d’oliban,
Evoquant ce Jadis qui dansait la gavotte, Gracieux et poudré, dans un salon d’antan.
L’enfant que le parfum troublant du coffre enivre
Ouvre un petit écrin d’aspect mystérieux ; Il lui semble sentir tout ce passé revivre,
Respirer doucement d’un souffle harmonieux.
Deux portraits très anciens, noués d’un ruban rose,
Et, - délicatement, défait le nœud coquet Dont la soie est pâlie, - Le regard bleu se pose Sur les deux médaillons en or et bois laqué.
L’un est connu, ma foi ! C’est elle, c’est l’aïeule Morte de l’an passé ; c’est sa croix d’or massif, Ce crêpe pour celui qui l’avait laissée seule,
Et ses cheveux d’argent, et son beau front pensif.
Mais l’autre ? Quel est donc ce fier et doux vi-sage ?
Le front est blanc et pur ; et le regard rêveur, Des yeux de velours brun reflètent le mirage De jeunesse sans fin et d’éternel bonheur.
Sur sa joue délicate, en fine porcelaine,
Ombrée d’un peu de rose, en entrelacs légers, Parant superbement son front de châtelaine,
Se déroulent, bouclés, ses cheveux noirs de jais.
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Le cou gracile et frais, à la ligne impeccable, Est vierge de bijoux ; un fichu de linon
Á la mode du temps, de grâce inimitable, Délicat et coquet, s’y croise à la Ninon.
Les yeux bleus de l’enfant se voilent d’une larme, Et son cœur bat plus fort, avec un serrement.
Elle a compris soudain : Le portrait qui la charme Est celui de l’aïeule encore en son printemps.
Pour la première fois, le douloureux mystère De la jeunesse morte en pleurant les désirs,
L’oppresse ; et, replaçant les portraits de grand’ mère,
Elle referme, émue, le coffre aux souvenirs.
Raismes – 12. VIII. 1903
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Souffles d’Âmes
Jacques Henri Prévost - Poèmes pour l’An 2000 Page 13 Fernand Prévost (fils) - Par les matins d’Argent Page 55 Fernand Prévost (père) - Printanières Page 73
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