Énergie & Environnement
Transition énergétique : L’urgence d’une ambition
européenne commune !
Par Christian de Perthuis (Dauphine), Michel Derdevet (Sciences po Paris) et Jean-Marie
Chevalier (Dauphine)
21/05/2013 Débat national sur la transition énergétique Michel Derdevet énergie Jean-
Marie Chevalier sommet européen Christian de Perthuis transition énergetique.
Les questions énergétiques sont inscrites à l’agenda du Conseil européen du 22 mai, ce qui
est important à l’heure où les stratégies nationales donnent le sentiment de primer sur la
vision européenne. Or la transition énergétique européenne ne peut résulter de l’addition de
27 politiques nationales construites en fonction des intérêts propres à chacun ; le succès de
tel ou tel Etat membre obtenu sur le dos de ses voisins ne peut être durable, car les
interactions font que toute approche unilatérale de court-terme est pénalisante pour tous !
C’est donc bien l’Europe unie qui doit, très vite, tracer une stratégie industrielle, cohérente et
ambitieuse, face à ses grands compétiteurs. Plutôt que de dresser le nième bilan théorique
d’un marché intérieur qui ne fonctionne que très partiellement, l’Europe doit avoir le courage
de porter une triple ambition pour orienter sa transition énergétique : climatique,
sociale, territoriale. Un prix pour le carbone Après la signature des accords de Kyoto visant à
la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre, l’Europe s’engagea de façon
volontariste face au changement climatique par la création d’un système d’échange de
quotas de CO2, dispositif pionnier de tarification du carbone, puis par l’adoption de l’objectif
des 3x20 pour 2020. Ce volontarisme fut perçu par tous comme positif. Aujourd’hui, la
tentation est grande de revenir sur ces engagements en cédant aux sirènes de court terme :
la baisse du coût de l’énergie consécutive à la révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis et
la compétitivité qu’elle insuffle Outre-Atlantique à certains secteurs utilisant le gaz comme
matière première. Abandonner au nom du court terme notre ambition climatique serait une
erreur majeure. Nos politiques doivent avoir le courage d’assumer le choix d’une transition
basée sur une transparence des prix et le renchérissement programmé des énergies fossiles
via le prix du carbone. Les prix « politiques » de l’énergie, via des tarifs administrés envoient
des signaux biaisés au consommateur et ne permettent pas de financer les investissements
d’avenir. Ils n’intègrent pas la valeur du climat. En la matière, le conseil européen doit donner
un signal politique fort sur le redressement du marché européen du carbone en cours de
délitement et sur la relance de la révision de la directive sur l’énergie, qui préconise le
rattrapage de la fiscalité de l’essence sur le gazole et la généralisation d’une
assiette carbone. Un accompagnement social solidaire L’ambition sur la vérité des prix doit
être couplée à un « bouclier social énergétique ». Qu’il y ait eu, l’hiver dernier, près de 80
millions d’européens en difficulté de se chauffer ou de profiter d’un minimum d’énergie pour
vivre est tout simplement intolérable. Tous les investissements liés à la transition, en
Allemagne comme ailleurs, doivent être envisagés à cette aune. Si le Conseil européen du
22 mai prochain arrivait à dégager un consensus sur ce point, ne serait-ce que par la
définition d’un seuil de pauvreté énergétique commun, ce serait un signal de cette
« solidarité qui unit », pour reprendre la formule de Jacques Delors. Une plus grande
territorialisation des politiques énergétiques L’Europe doit enfin accompagner la transition
par une territorialisation des politiques énergétiques qui facilite l’émergence de réseaux
multipolaires et interactifs, jouant de la pluralité des sources de production. Les territoires et
régions d’Europe contiennent un immense potentiel d’innovation technique,
organisationnelle, institutionnelle et financière, et constituent un atout essentiel pour la sortie
de crise. Il faut encourager et rassembler ces initiatives et concevoir à cette aune des efforts
de R&D communs, sur le stockage de l’énergie ou sur les réseaux intelligents par exemple,
qui permettront de valoriser la complémentarité entre les territoires européens. Loin de
certaines utopies, l’Europe de demain ne sera pas celle de l’autarcie territoriale et du repli
sur soi, mais celle des complémentarités énergétiques interconnectées et des
disséminations des « best practices ». Pour constituer une nouvelle source de croissance, la
politique climatique européenne doit enfin être comprise et soutenue par les acteurs
de terrain. Le citoyen européen se perd dans les textes complexes issus des institutions
communes. A quoi sert de faire de la prospective à 2050 quand le citoyen européen est
incapable de citer une seule action concrète décidée à Bruxelles qui le
touchera rapidement ? Ce qu’on attend du prochain Conseil européen, c’est aussi que nos
politiques affirment avec vigueur la nécessité de simplifier un dispositif technocratique
devenu trop complexe afin de le rendre compréhensible et attractif pour le citoyen. Jean-
Marie Chevalier est professeur à l’Université Paris-Dauphine Christian De Perthuis est
professeur à l’Université Paris-Dauphine, Chaire Economie du Climat Michel Derdevet est
maître de Conférences à l’IEP de Paris, professeur au Collège d’Europe de Bruges Christian
de Perthuis (Dauphine), Michel Derdevet (Sciences po Paris) et Jean-Marie Chevalier
(Dauphine)
Source : http://www.euractiv.fr/energie-environnement/tribune/transition-energetique-
lurgence-dune-ambition-europeenne-commune-19182.html
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