Votre ancêtre était une femme…
à travers les archives militaires
10 novembre 2013 Sandrine HEISER
Adjointe scientifique auprès du délégué aux
Commémorations nationales au Service interministériel des archives de France (SIAF)
Préambule… Au Service historique de la Défense (SHD), il n’existe aucun
répertoire général décrivant simplement la grande variété des fonds ouvrant aux recherches sur les personnes… Mais des centaines d’inventaires et plusieurs bases de données nominatives donnant accès à une grande partie des archives de personnels, civils et militaires, depuis près de trois siècles.
Il est donc impossible de retrouver en un clic votre ancêtre dans les archives militaires… qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme !
Cela nécessite une démarche personnelle d’investigation dans les fonds et collections conservés par le SHD
Ce sont l’ensemble des renseignements en Votre possession qui permettent de déterminer la série d’archives ou le lieu de conservation du document que vous recherchez…
Ces recommandations ne valent pas bien sûr pour les archives du SHD qui sont numérisées et consultables sur Mémoire des HOMMES, site de la DMPA qui permet depuis début novembre d’accéder en une seule recherche à plusieurs fonds.
Implantations du SHD
Sommaire Sous l’Ancien Régime : « Femmes militaires et filles
débauchées » !
Cantinières, vivandières et blanchisseuses
Les femmes « pensionnées » ou « décorées »
Mères et épouses de militaires
Des femmes dans la Grande Guerre Les femmes « personnel civil »
Combattantes sans combattre ?
Agents secrets et espionnes !
La Seconde Guerre mondiale Les femmes dans la Résistance
La mobilisation des femmes
À Pau, 100000 dossiers de femmes conservés par le CAPM
La longue quête des femmes et pilotes militaires dans l’armée de l’Air
Après Guerre
Introduction
Jusqu’au XXe siècle, l’armée semble a priori être une affaire d’hommes. En réalité, vous trouverez au Service historique de la Défense de nombreux dossiers sur des femmes militaires ainsi que les traces de milliers de femmes, veuves ou mères de militaires.
En effet, le SHD offre une mine d’informations sur les femmes de plus en plus concernées par la chose militaire à partir de la Première Guerre mondiale.
Sous l’Ancien Régime…
Pour l’anecdote, le SHD conserve un carton dans la sous-série GR Ya regroupant curieusement les « femmes militaires et les filles débauchées » (GR Ya 507).
Il s’agit essentiellement de femmes enrôlées dans les troupes sous une fausse identité ou d’espionnes. On y trouve notamment le dossier individuel de Charles d’Éon de Beaumont, le célèbre chevalier d’Éon.
Demande de gratification de Françoise de
Courvoisy, soldat au régiment de Normandie
SHD, GR Ya 507
Des filles de mauvaise vie…
Dans le Recueil des ordres de Louis
XIV sur les galères provenant de la
bibliothèque du Service
hydrographique de la marine, il est
également fait mention de femmes
dans une ordonnance datant de 1668,
mais au titre des filles de joie !
Pour un tel commerce, la punition est
pour le moins sévère…
SHD, BV SH3 folio 39
Correspondances de femmes
Dans la série GR A, constituée de plus
de 4000 articles regroupant la
correspondance du secrétaire d’État
de la guerre antérieurement à 1792 on
peut également retrouver des lettres
de femmes…
On y notera notamment la présence
d’une correspondance entre Mme de
Lafayette et Louvois.
Œuvres de Mme de Lafayette
SHD, GR 1A 845 folio 21
Cantinières, vivandières et
blanchisseuses
Parmi les rares femmes militaires (GR 1 Yi), on retrouve des grades et des fonctions très variés allant de la capitaine à la femme de troupe en passant par la concierge.
Les cantinières sont habituellement femmes de cantinier et n’étaient pas militaires, mais autorisés par le biais d’une convention à exercer leurs activités auprès des troupes.
Civiles, elles ne sont donc pas prises en compte dans les effectifs même si le SHD détient un échantillon de dossier de cantinières, vivandières et blanchisseuses dans sa sous-série GR 2Yi.
Décret de pension en faveur de
Marie Pierrelle, blanchisseuse
SHD, GR 2 Yi 4
Au sein de la Grande Armée
Non combattantes mais bien là aux côtés des soldats, les vivandières et blanchisseuses sont autorisées à marcher à la suite des corps par l’arrêté du 7 thermidor an VIII (26 juillet 1800).
La vente des vivres et des boissons ainsi que le blanchissage leur échoient. Leur place est bien ancrée au sein de l’armée puisqu’elles sont souvent mariées à l’un des hommes du corps qu’elles suivent.
Hormis un brevet ou une médaille, elles n’ont pas d’existence officielle puisqu’elles ne perçoivent ni solde ni vivres de la part de l’intendance militaire.
Le système des pensions
Les archives de la Guerre ne conservent aucun registre, aucune liste nominative et encore moins exhaustive de ces femmes qui ont été, elles aussi, des actrices des campagnes de la Grande Armée.
Aussi n’est-il pas rare qu’elles demandent quelque secours à l’administration de la Guerre pour les services auxquels elles ont consenti.
Mais le système des pensions, qu’elles soient d’invalidité, de retraite, viagère ou alimentaire, n’est pas encore fermement établi sous l’Empire et trop de femmes, de familles et même de soldats n’ont pu en bénéficier.
Pensions accordées à des
veuves de combattants vendéens
SHD, GR Xu 34/3
Les femmes « décorées » En l’absence d’un dossier constitué, les femmes
peuvent être aussi mentionnées dans les lois et
décrets… par exemple à l’occasion d’une décoration.
Marie Vialar, née Cholé est originaire de Lorraine.
Cantinière au 131e régiment d’infanterie de ligne elle
est médaillée militaire par décret du 24 juin 1886
SHD, GR X1 948
Mères et épouses de militaires
De manière plus générale, les archives
militaires conservent des informations
sur les femmes, mères ou épouses de
militaires et ce de l’Ancien Régime à
nos jours.
Les informations d’état civil du militaires
mentionnées sur les contrôles puis les
matricules peuvent être précieuses
pour les généalogistes, surtout si les
archives d’état civil n’existent plus.
Registre matricule des sous-officiers et du
personnel de la Prison de Porquerolles Nommé sergent-major surveillant à la fin de l’année 1963, André BRUN est le fils de Jeanne
BERTRAND et il a épousé, le 28 juillet 1864, une dénommée Antoinette Désirée BRUNCLER
On y trouve également son signalement : taille, visage, front, yeux, nez, bouche, menton, etc.
SHD, GR 41Yc 21
Prison militaire de Porquerolles
SHD, GR 13J 1809
Ne pas négliger les fonds privés
Constitués d’archives le plus souvent
versées par les familles ou les veuves,
les fonds privés conservés par le SHD
au sein des entrées par voie
extraordinaire contiennent encore
davantage d’informations relatives aux
épouses, mères et filles de militaires.
Certains dossiers d’officiers renferment
également des correspondances.
Lettre de la mère de Dumont
d’Urville au ministre de la Marine « Mon fils est parti il y a bientôt deux ans Commandant le vaisseau l’Astrolabe […]. Depuis je
n’ai eu que quelques nouvelles indirectes […] vous pouvez concevoir les allarmes et les
inquiétudes d’une mère ! »
SHD, MV CC7 alpha 772
Des femmes dans la Grande Guerre
L’engagement massif des femmes pendant la Première Guerre mondiale s’est surtout manifesté dans le monde du travail par le remplacement dans les champs et les usines des hommes partis au front.
De nombreuses femmes sont mobilisées dans les usines, notamment d’armement. On trouvera ainsi de nombreux dossiers de femmes dans la sous-série GR 6Yg se rapportant au personnel civil de 1854 à 1947.
Les femmes « personnel civil »
Le Centre des archives de l’armement et du
personnel civil (CAAPC) à Châtellerault
conserve des archives individuelles des
personnels et des archives des
établissements qui offrent d’intéressantes
pistes susceptibles d’illustrer l’évolution du
droit au travail des femmes et la protection
de la mère et de l’enfant.
On y trouve notamment des permissions pour
allaitement, dès le début du XXe siècle.
Fiches individuelles d’ouvrières
SHD, CAAPC
Combattantes sans combattre !
Nombreuses aussi sont celles qui ont servi aux Armées en tant que conductrices, ambulancières ou infirmières de la Croix-Rouge française.
Pendant la Grande Guerre, ces femmes n’étaient pas militaires, leurs dossiers sont donc à rechercher dans les archives de la Croix-Rouge internationale.
Agents secrets et espionnes !
L’importance du renseignement
pendant la Première Guerre mondiale
offre un nouveau rôle à la femme qui
passe des travaux à l’arrière à
l’espionnage en territoire occupé.
On retrouve par exemple au SHD-
Vincennes un dossier sur Louise de
Bettignies [Alice Dubois], qui espionna
pour le compte de l’armée britannique
De la résistance à l’espionnage
Louise Marie Jeanne
Henriette de
Bettignies, née le 15
juillet 1880 à Saint-
Amand-les-Eaux est
arrêtée en septembre
1915. Elle meurt le 27
septembre 1918 dans
un hôpital de Cologne
« après avoir appris
que la fin de la guerre
était proche ». SHD, GR Yh 36 / GR 9M 587
Les dossiers de la Justice militaire
Les archives militaires détiennent aussi la
trace de femmes qui ont eu maille à partir
avec l’institution. On y trouve notamment la
procédure n° 135 rendue par le 6e conseil
de guerre concernant l’affaire Louise Michel
(SHD, GR 8J 211).
Margaretha Geertruida Zelle, plus connue
sous son nom de scène, Mata Hari, a été
condamnée par un conseil de guerre
français pour espionnage au profit de
l'Allemagne et exécutée le 15 octobre 1917
au polygone de tir de Vincennes.
Attention aux idées reçues…La
guerre a émancipé les femmes
Selon Nicolas Offenstadt : « le travail
féminin était déjà en croissance avant
1914 et, dès la guerre finie, de
nombreuses femmes retournent à
leurs tâches antérieures […]
Des travaux récents mettent l’accent
sur cette période comme temps de
transition amorçant les évolutions à
venir ».
La Seconde Guerre mondiale
Il faut en effet attendre la Deuxième
Guerre mondiale pour que s’ouvrent
aux femmes la « carrière militaire ».
Ce n’est qu’à partir de la Seconde
Guerre mondiale que les femmes
acquièrent un véritable statut
notamment en raison de leur action
décisive au sein de la Résistance.
Marie-Madeleine Fourcade
Puisque les hommes ont
déposé les armes, c’est au
femmes de les relever…
Résistante dès 1940,
Marie-Madeleine
Fourcade (SHD,
GR 16P 90753) fut
la seule femme
reconnue comme
chef d’un grand
réseau de
résistance français,
le réseau Alliance. « Les chemins de la Mémoire », n° 239, octobre
2013, p. 12
Les femmes dans la Résistance
Les femmes dans la Résistance
Joséphine Baker Pour l’armée de l’Air, les
dossiers des premiers
personnels féminins
avant 1973 et des
sous-officiers
honoraires sont
classés dans la sous-
série AI 1P.
Dans le dossier de
Joséphine Baker (AI P
6679/3), on retrouve
notamment sont acte
d’engagement pour la
durée de la guerre
La mobilisation des femmes
La loi du 11 juillet
1938 relative à
l’organisation de la
Nation en temps de
guerre prévoit
l’engagement
volontaire de
personnel de sexe
féminin…
Mais les assimile à
des civils !
Les femmes sont réparties dans
4 catégories :
- Réquisitionnées dans les
usines travaillant pour la
Défense nationale ;
- Affectées comme infirmières
militaires ou comme
infirmières et ambulancières
de la Croix-Rouge française ;
- Incorporées dans les
formations sanitaires de
l’armée ;
- Volontaires féminines
souscrivant un engagement
pour la durée de la guerre.
À Pau, 100000 dossiers de
femmes Le Centre des archives du personnel militaire
(CAPM) conserve les archives
administratives des personnels féminins
nés avant 1983.
Les dossiers ne sont pas encore cotés mais
classés suivant l’année de recrutement, par
numéro matricule.
Le plus ancien dossier concerne Félicie
Lebasteur née le 13 juin 1877, qui porte le
matricule 1 de la classe 1897.
Félicie Lebasteur, épouse
Chadelec de Lavalade Engagée volontaire pour la durée de la
guerre (EVDG), l’intéressée entre au
service à compter de mars 1943 dans les
FFL à Londres.
Le CAPM conserve l’ensemble des dossiers
des personnels féminins ayant servi dans la
Résistance puis rengagés dans l’armée
régulière.
Le SHD-Vincennes conserve également le
dossier d’homologation de Félicie
Lebasteur, coté GR 16P 345754.
La longue quête des femmes et
pilotes militaires de l’armée de l’Air
8 mars 1910 : Élise Deroche première
détentrice du brevet de pilote de
l’aéroclub de France ;
12 février 1976 : Élisabeth Boselli
reçoit le premier brevet de pilote
militaire accordé à une femme ;
1er avril 1976 : Valérie André promue
premier général féminin d’armée de
l’Air, issue des services de santé ;
Témoignage d’Élisabeth Boselli
(SHD, AI 8Z 229)
Après guerre…
Au début des années 50, un corps de personnel féminin est créé dans chaque armée et vingt ans plus tard, en 1970, l'école Polytechnique ouvre ses portes aux femmes.
C’est la loi du 13 juillet 1972 qui offre aux femmes un statut militaire analogue à celui des hommes.
RHA 272 : Aux armes citoyennes
28 mai 1999 : Caroline
Aigle est la première
femme à être
brevetée pilote de
chasse, affectée au
sein d’un escadron de
combat de l’armée de
l’Air française, après
l’ouverture aux
femmes du concours
d’entrée à l’école de
l’Air trois ans plus tôt.
Conclusion
En 2013, l’armée française accueille
plus de 48000 femmes dans ses
rangs, soit près de 15 % des effectifs
totaux.
Et les « femmes militaires » sont au
cœur des préoccupations… comme le
prouve le colloque qui se tiendra les
12 et 13 novembre prochain au musée
des l’armée.
Le mot de la fin…
« La vie militaire implique des
contraintes sévères, une disponibilité
totale, et si l’on veut accéder à des
postes de responsabilité et de
commandement ainsi qu’à des
emplois réputés nobles, il faut y faire
face et donner l’exemple, que l’on soit
un homme ou une femme »
Médecin général Inspecteur Valérie
André
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