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INSTITUTIONS POUR UN CONSEIL DE PRESSE IDEAL Spécialiste des médias américains, professeur à l'université, Claude-Jean Bertrand souhaite relancer l'idée du conseil de presse à l'occasion du récent 30 e anniversaire du conseil de presse britannique et du lOe anniversaire du conseil de presse portuguais célébré ce mois de mai T out le monde consomme des . médias. Tout le monde a donc une opinion sur ce que les médias sont et sur ce qu'ils devraient être. Pour autant. de toute évidence, la plupart des gens n'ont pas la moindre idée de ce que peut être un conseil de presse. Quant aux gens qui en ont une idée, leur idéal varie, bien entendu, selon leurs intérêts, Il y a d'abord ceux, surtout des patrons de presse et des journalistes, pour qui l'idéal. c'est l'absence de tout conseil de presse. Pour les premiers, le média est leur propriété. Pour les seconds, le jour- nalisme est leur vocation. Les uns et les autres estîment qu'ils n'ont pas de comptes à rendre à qui que ce soit. Du côté de ceux qui voient d'un œil favorable l'existence d'un conseil, il y a d'autres propriétaires, d'autres journalistes, des politiciens et des citoyens. Mais le plus souvent leurs idéaux ne concordent pas. Ainsi certains gouvernants aime- raient un conseil de presse qui musèle les médias sans qu'ils aient, eux, à prendre des mesures restric- tives, toujours impopulaires. De leur côté, certains propriétaires aime- raient un conseil potiche qui serve seulement à priver les gouvernants d'un prétexte pour réglementer leurs activités commerciales. Certains journalistes enfin aimeraient un 60 conseil qui les protège à la fois contre les gouvernants et les proprié- taires sans pour autant les exposer à la critique du public. Restent les citoyens éclairés, des gens informés des réalités journalis- tiques, soucieux du bien public et libres de passion idéologique. Leur souci est d'établir une meilleure communication sociale, tout en limi- tant au minimum l'intervention de l'Etat. Sur 168 nations seules 18 comptent un ou plusieurs conseils de presse Avant d'esquisser un « idéal» du conseil de presse, il n'est pas inutile de dresser un bref inventaire des réalisations. La première constata- tion est qu'ils sont peu nombreux: ils ne sont que 22 (non compris les conseÜs locaux, ni bien sûr les conseils de caractère strictement gouvernemental) et ce dans seule- ment 18 pays Cl) alors qu'il existe à l'heure actuelle 168 nations. Il y a Cl) En fait, le chiffre s'élèverait à 30 si l'on comptait les 14 nations anglophones qui ont créé le « Caribbean Press Coun- cil ». aujourd'hui moins de conseils qu'au- paravant : cinq pays du tiers monde qui en avaient dans les années 60 n'en ont plus (2). Les conseils exis- tant, on les trouve en quasi-tota- lité (3) dans l'Europe du Nord et dans les pays à héritage anglo-saxon. Ailleurs, comme au Japon, ne fonc- tionnent que des institutions vague- ment comparables - ou, comme au Sri Lanka et à Taiwan, des conseils liés d'une manière ou d'une autre au gouvernement et donc situés, malgré certaines apparences, en dehors du concept. Il va de soi, que par « conseil de presse» il faut comprendre: orga- nisme indépendant des pouvoirs pu- blics, composé, dans le pire des cas, seulement de représentants des mé- dias (comme en Autriche ou en Suisse), ou, mieux de représentants de deux des parties en cause - les médias et leurs utilisateurs (comme au Danemark). Normalement on de- vrait y trouver des représentants des trois parties: les propriétaires, les (2) La Turquie, la Corée du Sud, la Birmanie, le Pakistan et le Ghana. (3) Les deux seules exceptions sont Israël (où lors de la création les influen- ces britanniques et allemandes étaient fortes) et le Portugal (où le conseil fut créé par le gouvernement après la révolution de 1975). PRESSE ACTUALITE· MAI 1985

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INSTITUTIONS

POUR UNCONSEIL DE PRESSE

IDEALSpécialiste des médias américains, professeur à l'université,

Claude-Jean Bertrand souhaite relancer l'idée du conseil de presseà l'occasion du récent 30e anniversaire du conseil de presse britannique

et du lOe anniversaire du conseil de presse portuguaiscélébré ce mois de mai

Tout le monde consomme des. médias. Tout le monde a donc

une opinion sur ce que lesmédias sont et sur ce qu'ils devraientêtre. Pour autant. de toute évidence,la plupart des gens n'ont pas lamoindre idée de ce que peut être unconseil de presse.Quant aux gens qui en ont une idée,leur idéal varie, bien entendu, selonleurs intérêts, Il y a d'abord ceux,surtout des patrons de presse et desjournalistes, pour qui l'idéal. c'estl'absence de tout conseil de presse.Pour les premiers, le média est leurpropriété. Pour les seconds, le jour-nalisme est leur vocation. Les uns etles autres estîment qu'ils n'ont pas decomptes à rendre à qui que ce soit.Du côté de ceux qui voient d'un œilfavorable l'existence d'un conseil, ily a d'autres propriétaires, d'autresjournalistes, des politiciens et descitoyens. Mais le plus souvent leursidéaux ne concordent pas.Ainsi certains gouvernants aime-raient un conseil de presse quimusèle les médias sans qu'ils aient,eux, à prendre des mesures restric-tives, toujours impopulaires. De leurcôté, certains propriétaires aime-raient un conseil potiche qui serveseulement à priver les gouvernantsd'un prétexte pour réglementer leursactivités commerciales. Certainsjournalistes enfin aimeraient un

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conseil qui les protège à la foiscontre les gouvernants et les proprié-taires sans pour autant les exposer àla critique du public.Restent les citoyens éclairés, desgens informés des réalités journalis-tiques, soucieux du bien public etlibres de passion idéologique. Leursouci est d'établir une meilleurecommunication sociale, tout en limi-tant au minimum l'intervention del'Etat.

Sur 168 nationsseules 18 comptentun ou plusieursconseils de presse

Avant d'esquisser un « idéal» duconseil de presse, il n'est pas inutilede dresser un bref inventaire desréalisations. La première constata-tion est qu'ils sont peu nombreux: ilsne sont que 22 (non compris lesconseÜs locaux, ni bien sûr lesconseils de caractère strictementgouvernemental) et ce dans seule-ment 18 pays Cl) alors qu'il existe àl'heure actuelle 168 nations. Il y a

Cl) En fait, le chiffre s'élèverait à 30 sil'on comptait les 14 nations anglophonesqui ont créé le « Caribbean Press Coun-cil ».

aujourd'hui moins de conseils qu'au-paravant : cinq pays du tiers mondequi en avaient dans les années 60n'en ont plus (2). Les conseils exis-tant, on les trouve en quasi-tota-lité (3) dans l'Europe du Nord et dansles pays à héritage anglo-saxon.Ailleurs, comme au Japon, ne fonc-tionnent que des institutions vague-ment comparables - ou, comme auSri Lanka et à Taiwan, des conseilsliés d'une manière ou d'une autre augouvernement et donc situés, malgrécertaines apparences, en dehors duconcept.Il va de soi, que par « conseil depresse» il faut comprendre: orga-nisme indépendant des pouvoirs pu-blics, composé, dans le pire des cas,seulement de représentants des mé-dias (comme en Autriche ou enSuisse), ou, mieux de représentantsde deux des parties en cause - lesmédias et leurs utilisateurs (commeau Danemark). Normalement on de-vrait y trouver des représentants destrois parties: les propriétaires, les

(2) La Turquie, la Corée du Sud, laBirmanie, le Pakistan et le Ghana.(3) Les deux seules exceptions sontIsraël (où lors de la création les influen-ces britanniques et allemandes étaientfortes) et le Portugal (où le conseil futcréé par le gouvernement après larévolution de 1975).

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journalistes et le public. Le vraiconseil de presse, serait donc leconseil tripartite, et il n'en existe que14 au monde (4). Seul un tel orga-nisme peut, en effet, s'il en a lavolonté, assurer convenablementtrois tâches fçmdamentaleset profon-dément liées: a) défendre la libertéde presse, b) condamner les man-quements des médias et c) œU\'1'eràl'amélioration de leurs services.Bonnombre de conseils le reconnais-

sent, leur influence n'est pas grandeet leurs réussites marquantes n'ontpas été nombreuses. Malgrél'autosatisfaction de certains autres,on peut dire que tous ont déçu.Cependant, il faut aussi considérer leconseil de presse moins comme unfacteur de changement que commeun symptôme de changement. Dèslors, le bilan peut être plus positif -particulièrement si l'on voit dans leconseil de presse l'embryon d'unnouveau système de communicationsociale qui échapperait à la fois aumercantilisme et à l'étatisation.Il est incontestable qu'il n'existe pasde pays au monde où les médias sesoient nettement améliorés au cours

(4) 16 si l'on compte les conseils duPortugal et d'Afrique du Sud, mais lagenèse de l'un et l'environnement poli-tique de J'autre créent une suspicion àleur égard.

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des 20 dernières années - saufpeut-être les Etats-Unis et personnen'oserait prétendre que feu le « Na-tional News Council », le « MinnesotaNews Council » et une douzaine deconseils locaux y soient pour quelquechose. En Grande-Bretagne, dans lepays dont le « Press Council », bienqu'il n'ait pas été le pionnier, a servide modèle pour presque tous lesautres, la presse écrite (dont le« Press Council» s'occupe exclusi-vement) est, semble-t-il, bien pirequ'il y a 20 ans.

Essentiellementun rôle decommissionde conciliation

Maintenant, en revanche, le conceptde conseil de presse (qui fut claire-ment formulé pour la première foisen 1947dans le rapport de la Com-mission Hutchins aux Etats-Unis) estassez largement reconnu par lescitoyens éclairés des pays démocra-tiques. Quelles que soient les cri-tiques qu'on fasse des conseils, àgauche et à droite, dans et hors del'univers des médias, jamais n'ont étéjustifiées les craintes pour la libertéde presse que les conseils inspiraientà certains au départ, parfois il y a unquart de siècle!.,. Ces associationsextraordinaires des trois protagonis-tes de la communication socialeconstituent un signe clair. Ils signi-fient que l'on n'admet plus aussifacilement qu'un média soit unesimple machine à sous ou à propa-gande qu'un capitaliste ou un gou-vernant peut utiliser à sa guise. Dansle cadre d'un conseil de presse, lespatrons reconnaissent que leurs em-ployés ont voix au chapitre en tantque professionnels de l'information.Et ces derniers sont tenus pourresponsables, non pas seulement de-vant leurs pairs, mais devant lesconsommateurs, ce public auquel ilest reconnu désormais que c'est à luiqu'appartient la liberté de parole etde presse.A l'examen des rapports publiés parquelques conseils, on est frappé parplusieurs évidences regrettables. Lapremière est que, non seulement les--

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INSTITUTIONS« ... une des armes les plus ef-ficaces pour rendre la pressevéritablement démocratique »-deux tiers des conseils ne s'occu-pent que de la presse écrite (oumême que des journaux), mais ils seconsacrent presque uniquement àune seule de leurs fonctions, celle decommission de discipline, qui tournesouvent à la commission de concilia-tiein (5). En deuxième lieu, onconstate que les plaintes sont peunombreuses et souvent bien futilesau regard des véritables péchés dela presse, péchés par omission et pardistorsion prolongée. Car ce que lesmédias font de pire, c'est ce qu'ils nefont pas! Enfin, on découvre que lesconseils se soucient peu (voire mêmepas du tout) des tendances desmédias dangereuses pour le public(songeons à la concentration de pro-priété et surtout à la commercialisa-tion effrénée), et qu'ils ne s'occupentguère des divers moyens d'améliorerla qualité des médias. Pourtant cesmissions figurent dans les constitu-tions de beaucoup de conseils.

Un manque demoyens quimanifeste

des résistances

A ces lacunes, il existe des causesnombreuses. L'une au moins estimmédiate et indiscutable: c'est lemanque d'argent. Presque tous lesfonds viennent ordinairement despropriétaires de médias. Or, si cesrégents ont accepté de former unconseil de presse, c'est sans doutepour tenter de restaurer la crédibilitéde leur produit dans l'esprit desconsommateurs - mais c'est surtoutpour éviter que le parlement ne leur

(S) Au contraire, le « Presserat» alle-mand tend lui à privilégier sa fonction deporte-parole de la presse écrite auprèsdes pouvoirs publics.

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en impose un par la loi. Il n'estévidemment pas question pour euxd'y investir plus que le minimum.Ainsi, le budget moyen des conseilsrégionaux et nationaux en 1983 s'éle-vait à 80 000 dollars US, mais seulsdépassaient 300 000 dollars celui du« Press Council» britannique et« NNC »aux Etats-Unis, un dépassait200 000 (Québec) et un dépassait100 000 (Suède).

Un conseil de pressen'est pas uniquement

une opérationde relations publiques

A ce manque de moyens qui mani-feste clairement la résistance patro-nale, s'ajoute que les journalistes, quidevraient militer pour j'améliorationde la presse, ne sont que des sala-riés, trop souvent mal formés à leurmétier et médiocrement sélection-nés, A la fois donc vulnérables etinsuffisamment conscients de la na-ture et de l'importiiDce de leur rôledans la société. Quant au citoyen debase, dans la mesure où il s'intéresseau sort des médias, il se croit impuis-sant et tend à s'en ren:ettre à ses élusplutôt que de participer personnelle-ment à la réforme du statu-quo.Ce bilan assez maigre amène àprésenter un conseil de presse« idéal» et les moyens envisageablespour assurer progressivement samise en œuvre. On ne peut secontenter de dresser un podium etd'y jucher les meilleurs conseilsexistants: aucun n'est satisfaisant.Un livre remarquable (6) a d'ailleursrécemment administré au plus célè-bre d'entre-eux, le« PressCouncil »,une formidable volée de bois vert.

(6) OeoffreyRobertson, « People Againstthe Press: An Enquiry into the PressCouncil », London (OB) : Quartet, 1983.

d'ailleurs bien méritée. Ce que l'onpeut faire, en revanche, c'est cueillirici et là d'excellentes originalitéS etrecueillir les expériences positives etnégatives des conseils anciens. Iln'est pas possible ici d'élaborer unou plusieurs modèles à variantesmultiples. Posons donc simplementquelques principes - en sachantfort bien qu'ils para!tront intolérablesou utopiques à ceux, avocats ouadversaires, qui considèrent unconseil de presse uniquementcomme une opération de relationspubliques.

Un vrai conseildoit regrouperpatrons, publicset professionnels

Premier principe: il faudrait qu'ilexiste un (ou plusieurs) consei!Cs)àchacun des niveaux où fonctionnentles médias, aux niveaux local. régio-nal, national et international - afinqu'ils se partagent les tâches, Leconseil local sera avant tout un lieude contact entre public et mé·dias (7). Le conseil régional seraavant tout une commission d'arbi-trage et de surveillance s'occupantd'enquêter sur les griefs des usagerset de suivre la production et J'évolu-tion des médias de sa zone. Leconseil national jouera, bien sûr, cerôle auprès des médias nationauxmais il pourra aussi se consacrerdavantage à représenter les médiasauprès des pouvoirs; à envisager larecherche (particulièrement endéontologie) et à se soucier deformation professionnelle, etc. Enfin,le ou les conseils internationauxpourraient, d'une part, juger desplaintes contre les médias transnatio-naux et repérer leurs manquements,et, d'autre part, aider à coordonnercertaines des activités des conseilsnationaux. En fait, tous les conseilsdevraient s'occuper d'établir desrelations, de faire circuler j'informa-tion,Dans ce réseau àssociatif de conseilsdevraient être inclus d'autres indivi·dus et organismes qui se préoccu-pent peu ou prou. d'améliorer les

(7) A l'instar de la plupart des conseilsqui ont existé aux Etats-Unis (Voir« Presse Actualité », mai 1977).

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services des médias. En s'inspirantde quelques précédents américains,on pourrait citer des « ombudsmen»et critiques internes que devraientemployer tous les grands médias; lespériodiques de critique des médias,les « journalism reviews » ; les comi-tés presse-barreau; les associationscorporatives de journalistes et cer-tains groupements de consomma-teurs.Les véritables conseils de presseregroupent patrons, professionnelset public - et ils excluent annon·

ceurs et pouvoirs publics, tradition-nellement considérés comme lesprincipales menaces à la liberté depresse.Il faudrait pousser plus loin. Noussommes sortis du temps de l'artisa-nat. Le «pifomètre» n'a plus saplace à l'ère post-industrielle où lesordinateurs, les satellites et le câblesont en passe de fusionner tous lesmédias au sein d'une société de plusen plus complexe. Pour contribuer àaugmenter la qualité de la presse (unprogrès qui, bien sûr, nécessite que

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soient garanties à la fois la prospéritéet la liberté des médias), le conseilde presse doit s'appuyer sur larecherche - une recherche dans lesdomaines les plus divers qui ne peutêtre menée sérieusement et systé-matiquement que dans le cadred'une université. En effet, qui peutnier le stupide et stérile méprisréciproque que trop souvent se por-tent les professionnels de la presse etles universitaires? Les deux milieuxdevraient coopérer bien davantage,comme ils le font parfois aux Etats-Unis (8). Aux conseils de presse,l'université offre, entre autres,J'avantage d'un point d'appui solide,respectable et fort indépendant despouvoirs politique et financier.

Trois sourcesde financementles médias, l'Etatet le grand public

A propos de finances, qui va payerpour tout cela? C'est une questioncruciale (9). Non seulement leconseiL en tant que cour d'arbitrage,doit pouvoir opérer vite et bien; nonseulement il doit posséder lesmoyens de repérer lui-même lesmanquements des médias - mais ildoit être capable d'assumer toutesses autres tâches. Le seul « Journal-Star», quotidien de Peoria, dansl' lllinois, dépense 17600dollars pourson intéressant conseil de 21 ména-gères-enquêteuses. Un budget quirelève de son département de rela-

(8)Commepar exemple à Minneapolisoù la Facultéde journalismede l'Univer-sité du Minnesotaajoué,au tournantdesannées 70, un rôle important dans lanaissancedu conseilde pressede l'Etatel dans la survie de la « journalismreview » locale - et où elle contim.l,eàfournir aux médias locaux tant desjournalistesque des consultants.(9)C'est pourquoien 1980,j'ai introduitune plainte auprèSdu « PressCouncil »britannique accusant l'ensemble desjournaux du pays de provoquer la mortlente du conseil en le privant desressourcesnécessaires.La plainte a étérejetée au premier filtrage (Voir « StLouis JournalismReview», September1985).

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INSTITUTIONS

Pour un conseilde presseidéal

-tions publiques. A ce tarif, combiendevraient dépenser ensemble les 300plus grands quotidiens des Etats-Unis pour un authentique conseil depresse? Au moins 3,5 millions dedollars, et pourtant le « NationalNews Council )) avait un budget dixfois moindre, lequel ne lui venait pasentièrement des médias.Au début de 1984, le « NNC)) adécidé de se suicider, sans raisonévidente. Mais il faut reconnaître laresponsabilité des médias améri-cains: à aucun moment ils n'ontdonné au « NNC )) un soutien suffi-sant, surtout en matière financière.Comme justement le « National NewsCouncil ))s'efforçait de le faire, il fautqu'un conseil de presse diversifie aumaximum ses sources de finance-ment. Il est, semble-t-il. deux sour-ces peu utilisées jusqu'à présent: lapremière est l'Etat (comme en Fin-lande et, depuis peu, en Allemagnefédérale) pourvu que cette contribu-tion soit versée de telle sorte qu'ellene puisse être utilisée comme unoutil de pression.La deuxième source possible defonds, c'est le grand public. Dans cecas, il est impératif que le publicconnaisse l'existence du conseil depresse. Il faut aussi qu'il comprennecombien il est important que ceconseil puisse multiplier ses activi-tés. Et cela pas seulement pour desraisons budgétaires. L'autorité d'unconseil ne devrait être que morale:comment peut-il avoir une autoritéquelconque s'il n'est pas connu etrespecté de la population? D'aprèsun rapide sondage effectué récem-ment, les deux prinCipales critiquesadressées aux conseils tiennent aufait que le public n'en a jamaisentendu parler, et surtout que lesconseils n'ont malheureusement au-cun pouvoir de sanction. En d'autrestermes, ou bien les conseils actuelsferont en sorte d'obtenir la confiance

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et le soutien du public, ou bien l'Etatgarant des services publics sera priéde créer des conseils plus musclés.Ce fut l'objet d'un récent débat enGrande-Bretagne.A la fin de 1983,le conseil de pressedu Québec a pris l'initiative de réuniren congrès des représentants detous les conseils canadiens. Il seraitopportun de prolonger cette réalisa-tion par trois entreprises de naturesimilaire ayant toutes un caractèrenon plus canadien, mais internatio-nal. D'après le récent sondage,évoqué plus haut, une majorité deconseils accueilleraient favorable-ment ces projets. Le premier seraitde créer dans une université uncentre de documentation sur lesconseils de presse (et toutes institu-tions semblables) qui pourrait êtrel'amorce d'un centre de rechercheet d'enseignement sur la responsabi-lité sociale des médias. Le deuxièmeprojet serait la mise en chantier d'unouvrage collectif, consacré à la foisau concept de conseil de presse etaux conseils existant ou ayant existédans le monde (la). Enfin, troisièmeprojet: il faudrait organiser (avecl'aide financière des organismes quifurent il y a 10 à 20 ans si favorablesaux conseils de presse) un congrèsréunissant des responsables de tousles conseils actifs aujourd'hui,

congrès qui pourrait aboutir à laformation d'une fédération interna-tionale des conseils de presse.Ces trois suggestions visent à utiliserl'actuel élan canadien pour ranimerun mouvement qui décline au mo-ment même où il devrait se dévelop-per. 1984s'est déroulé sans catastro-phe, mais on sait que l'actuellerévolution technologique va permet-tre au cauchemar orwellien de seréaliser. En revanche, elle offre aussiles moyensde progrès phénoménauxdans la communication sociale. Leconseil de presse, du moins ainsiconçu idéalement, pourrait être unedes armes les plus efficaces pourempêcher que les médias soient ouprostitués par des ploutocrates, ouasservis par des bureaucrates, bref,pour faire en sorte que la pressedevienne véritablement démocra-tique.

Claude-Jean BERTRAND1

l'(JO) Danslesannées60,deseffortsassezfécondsfurent faits par l'UNESCO,l'HPet le Conseil de l'Europe pour faireconnaitrela notionde conseilde presse- maisonconstateque lesconseilssonten général très mal informésles unssurles autreset s'attachentbien peu à faireconnaîtreleur propre existence.

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