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3 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I U ne année s’achève, une autre pointe à l’horizon, avec pour perspective les mêmes doutes, les mêmes interrogations et cet espoir longtemps contrarié et déçu. 2016 aura été, comme celles qui l’ont précédée, une année perdue. La croissance ne décolle pas. Le PIB reste scotché sur la ligne de départ. Très peu de richesses créées, comparées à la masse des salaires et à la déferlante des importations. Le pays pro- duit peu et dépense en frais de consommation plus qu’il ne se dépense, et n’est jamais rassasié. Tout et tout de suite, au mépris de nos habitudes ancestrales d’épargne et d’abstinence. Les investissements d’avenir, entendez les générations futures, attendront, si tant est qu’un sursaut reste encore possible. Peu d’avancées économiques en 2016. Et une dérive financière et sociale, porteuse de réelles menaces. L’inves- tissement est en rade, l’emploi à la diète. La valse des prix n’en finit pas d’inquiéter. Les déficits s’accumulent, la corruption étend ses tentacules et se répand comme une traînée de poudre. La dette explose et son remboursement pose déjà problème. Nous avons échappé de peu à la dou- loureuse épreuve du rééchelonnement en 2016, mais il y a peu de chances que l’on puisse rééditer cet exploit en 2017. Non qu’il faille y voir une quelconque humiliation ou atteinte à notre dignité de renégocier un nouvel échéan- cier de remboursement de la dette, mais ce « reprofilage » sonne, malgré tout, comme un aveu d’échec. D’autant que le pays a toujours, quoi qu’il lui en coûte, honoré ses engagements et payé rubis sur l’ongle. Notre signature n’avait souffert d’aucune égratignure, même quand les caisses de l’Etat étaient à leur plus bas niveau. 2016 ou l’an II de la 2ème République … Que de désil- lusions ! L’apprentissage de la démocratie s’est avéré plus complexe, plus laborieux qu’on l’imaginait. La marche vers la maturité politique a ravivé des querelles et des tensions en tout genre, sans doute à cause d’une confusion des pouvoirs et d’un problématique jeu de rôles mal assumé. En deux ans, la nouvelle Constitution a révélé ses propres limites et son incompatibilité avec notre ADN national. Ni régime parlementaire, ni système présidentiel ! Un entre- deux qui ouvre la voie à une forme d’immobilisme. Et peut-être aussi à un indéniable faisceau de malentendus. Le départ du gouvernement Habib Essid, dans les conditions que l’on sait, souleva plus de questions qu’il n’apporta de vraies réponses, même si cela n’enlève rien au mérite de l’équipe de Youssef Chahed. Il ne sera pas inscrit, loin s’en faut, en lettres d’or dans le registre de la 2ème République. Paradoxalement, le paysage politique sort plus divisé, plus disloqué qu’il ne l’était avant la formation du gouvernement d’Union nationale. Les rallie- ments, quasiment en trompe-l’œil, des partis au nouveau gouvernement les exposent à des courants d’air ravageurs. Les lignes de fracture passent désormais à l’intérieur des partis signataires du Pacte de Carthage, menacés dans leur totalité d’implosion. L’émiettement, l’atomisation, l’éclatement de partis et de formations politiques, déjà à l’œuvre au lendemain des élections, s’accélèrent et s’intensifient. La démocratie semble de nouveau fragilisée, menacée comme au lende- main de la révolution, en l’absence d’une opposition forte et crédible pour éviter toute dérive anti-démocratique. Nidaa Tounes part en lambeaux, Afek voit son horizon se rétrécir, l’UPL, un parti à géométrie variable, disait-on, n’est visible que par les apparitions médiatiques de son chef . Moncef Marzouki et les siens n’en ont cure. Le Front Populaire campe sur ses positions et incarne, avec la véhé- mence qu’on lui connaît, l’opposition pure et dure au sein de l’ARP et au besoin, en s’autorisant quelques incursions dans la rue. En face, Ennahdha domine la scène politique quand elle ne mène pas le jeu. Elle présente, en dépit de ses propres querelles de chapelle, un front uni inaltérable. Elle évolue au gré du vent et de la géopolitique, change de discours, mais jamais de direction. Elle avance et avise, « surveille » de près partenaires de circonstance et adver- saires de toujours. Elle a réussi à se placer au centre de l’échiquier politique national. Les partis se définissent, pour exister, avec ou contre Ennahdha. Machrou Tounes, le dernier-né des partis, en est l’illustration. Il cherche à fédérer autour de lui un front républicain. Manière de recourir à une croissance externe pour contourner les limites d’une croissance interne, forcément lente, quand Editorial Hédi Mechri Vœux Il ne suffit pas de le dire, il faut oser briser le plafond de verre qui inhibe la liberté d’entreprendre. Si on y arrive, 2017 sera alors l’année d’un nouveau départ pour une longue période de croissance inclusive. Une chose est sûre, elle sera pour nous l’année de tous les espoirs.

L'Economiste Maghrébin n°701

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3Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Une année s’achève, une autre pointe à l’horizon, avec pour perspective les mêmes doutes, les mêmes interrogations et cet espoir longtemps contrarié et déçu. 2016 aura été, comme celles

qui l’ont précédée, une année perdue. La croissance ne décolle pas. Le PIB reste scotché sur la ligne de départ. Très peu de richesses créées, comparées à la masse des salaires et à la déferlante des importations. Le pays pro-duit peu et dépense en frais de consommation plus qu’il ne se dépense, et n’est jamais rassasié. Tout et tout de suite, au mépris de nos habitudes ancestrales d’épargne et d’abstinence. Les investissements d’avenir, entendez les générations futures, attendront, si tant est qu’un sursaut reste encore possible.

Peu d’avancées économiques en 2016. Et une dérive financière et sociale, porteuse de réelles menaces. L’inves-tissement est en rade, l’emploi à la diète. La valse des prix n’en finit pas d’inquiéter. Les déficits s’accumulent, la corruption étend ses tentacules et se répand comme une traînée de poudre. La dette explose et son remboursement pose déjà problème. Nous avons échappé de peu à la dou-loureuse épreuve du rééchelonnement en 2016, mais il y a peu de chances que l’on puisse rééditer cet exploit en 2017. Non qu’il faille y voir une quelconque humiliation ou atteinte à notre dignité de renégocier un nouvel échéan-cier de remboursement de la dette, mais ce « reprofilage » sonne, malgré tout, comme un aveu d’échec. D’autant que le pays a toujours, quoi qu’il lui en coûte, honoré ses engagements et payé rubis sur l’ongle. Notre signature n’avait souffert d’aucune égratignure, même quand les caisses de l’Etat étaient à leur plus bas niveau.

2016 ou l’an II de la 2ème République … Que de désil-lusions ! L’apprentissage de la démocratie s’est avéré plus complexe, plus laborieux qu’on l’imaginait. La marche vers la maturité politique a ravivé des querelles et des tensions

en tout genre, sans doute à cause d’une confusion des pouvoirs et d’un problématique jeu de rôles mal assumé. En deux ans, la nouvelle Constitution a révélé ses propres limites et son incompatibilité avec notre ADN national. Ni régime parlementaire, ni système présidentiel ! Un entre-deux qui ouvre la voie à une forme d’immobilisme. Et peut-être aussi à un indéniable faisceau de malentendus.

Le départ du gouvernement Habib Essid, dans les conditions que l’on sait, souleva plus de questions qu’il n’apporta de vraies réponses, même si cela n’enlève rien au mérite de l’équipe de Youssef Chahed. Il ne sera pas inscrit, loin s’en faut, en lettres d’or dans le registre de la 2ème République. Paradoxalement, le paysage politique sort plus divisé, plus disloqué qu’il ne l’était avant la formation du gouvernement d’Union nationale. Les rallie-ments, quasiment en trompe-l’œil, des partis au nouveau gouvernement les exposent à des courants d’air ravageurs. Les lignes de fracture passent désormais à l’intérieur des partis signataires du Pacte de Carthage, menacés dans leur totalité d’implosion.

L’émiettement, l’atomisation, l’éclatement de partis et de formations politiques, déjà à l’œuvre au lendemain des élections, s’accélèrent et s’intensifient. La démocratie semble de nouveau fragilisée, menacée comme au lende-main de la révolution, en l’absence d’une opposition forte et crédible pour éviter toute dérive anti-démocratique. Nidaa Tounes part en lambeaux, Afek voit son horizon se rétrécir, l’UPL, un parti à géométrie variable, disait-on, n’est visible que par les apparitions médiatiques de son chef . Moncef Marzouki et les siens n’en ont cure. Le Front Populaire campe sur ses positions et incarne, avec la véhé-mence qu’on lui connaît, l’opposition pure et dure au sein de l’ARP et au besoin, en s’autorisant quelques incursions dans la rue. En face, Ennahdha domine la scène politique quand elle ne mène pas le jeu. Elle présente, en dépit de ses propres querelles de chapelle, un front uni inaltérable. Elle évolue au gré du vent et de la géopolitique, change de discours, mais jamais de direction. Elle avance et avise, « surveille » de près partenaires de circonstance et adver-saires de toujours. Elle a réussi à se placer au centre de l’échiquier politique national. Les partis se définissent, pour exister, avec ou contre Ennahdha. Machrou Tounes, le dernier-né des partis, en est l’illustration. Il cherche à fédérer autour de lui un front républicain. Manière de recourir à une croissance externe pour contourner les limites d’une croissance interne, forcément lente, quand

Editorial

Hédi Mechri

Vœux

Il ne suffit pas de le dire, il faut oser briser le plafond de verre qui inhibe la liberté

d’entreprendre. Si on y arrive, 2017 sera alors l’année d’un nouveau départ pour une longue période de croissance inclusive. Une chose est sûre, elle sera pour nous l’année de tous les espoirs.

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Editorial

il faut au plus vite atteindre une masse critique politique pour pouvoir peser dans la compétition électorale. L’idée peut paraître séduisante, sauf qu’il y a peu de cas de réussite d’OPA politique, même sous couvert de rassemblement ou de front. Réussira-t-il à résorber le gap, à rééquilibrer le paysage politique avec l’émergence d’une troisième force pour incarner une troisième voie qui occuperait l’espace qui sépare Ennahdha du Front Populaire ?

En attendant, d’autres nouveaux partis en gestation se préparent à entrer dans la course. Mondher Znaidi et Mehdi Jomaa sont déjà dans les starting-blocks.

Le constat s’impose de lui-même. En 2016, la politique fait encore des siennes et jette de nouveau un voile sur l’ultime effort de redressement économique. Sauf que la fracture politique n’a jamais été aussi profonde. Les partis vainqueurs des élections se fissurent et se décomposent. Avec pour toile de fond, un mouvement de recomposition, prélude peut-être à un big-bang politique. Il trouvera peut-être son épilogue en 2017. Avec l’espoir qu’il contribue au redressement de l’économie.

Près de six ans après la révolution, l’enjeu politique reste au centre des préoccupations nationales, tant il est primordial. Le pays est certes assailli par des problèmes économiques : recul de l’inves-

tissement, de la production, de la productivité, aggrava-tion des déficits, du chômage, de la dette, persistance de l’inflation, absence de choix clairs, assumés et pleinement aboutis, et donc de véritables perspectives. Mais la solution à ces problèmes reste d’ordre et d’essence politique. Elle est portée par les dirigeants politiques dans l’exercice de leurs fonctions. Rien ne dit que les signataires du Pacte de Carthage aient à cœur la réussite du gouvernement Chahed. Il y a même tout lieu de penser que les partis de la coalition ont en permanence un œil sur leur cote de popularité pour ne pas se laisser entraîner, par solidarité gouvernementale, dans le champ de mines des nécessaires et inévitables réformes structurelles. Les discussions qui ont émaillé la présentation de la loi de finances 2017 sont un simple avant-goût de leur attitude à l’approche des élections municipales et législatives, qui sont dans tous les esprits.

2016 aura été une année perdue pour l’économie, mais pas une année pour rien. Car elle aura servi à tirer un certain nombre d’enseignements d’importance majeure. On sait désormais à quel point nos concitoyens sont rétifs, hostiles à toute forme de réforme qui remette en cause leurs privilèges et leurs droits acquis. Mais pour avoir osé secouer le cocotier et défier les corps intermédiaires qui se complaisaient dans leur zone de confort, le gouverne-ment, même s’il n’a pas engrangé sur le coup les bénéfices

escomptés, aura réussi à lézarder l’édifice. Demain, il sera beaucoup plus facile de s’attaquer avec méthode et péda-gogie à ces citadelles, d’ouvrir avec succès les véritables chantiers de la réforme et des révisions déchirantes.

L’année 2016 aura été, aussi et surtout, celle du retour de la Tunisie au-devant de la scène internationale, après une si longue éclipse. La Tunisie est de retour dans l’univers des bailleurs de fonds et des investisseurs étrangers. Deux jours durant, fin novembre, tout au long de la Conférence internationale sur l’investissement, baptisée fort à propos « Tunisia 2020 », le pays est réapparu avec éclat sur les radars des états-majors des principales puissances finan-cières et des multinationales dans l’industrie et ailleurs. Il a réussi à s’attirer leur sympathie et leur soutien au-delà de ce qu’il pouvait espérer. Pari réussi, puisqu’il a fait monter de plusieurs crans son capital-confiance. Chiffres à l’appui, les promesses et les engagements d’investisse-ment et de financement sont à la hauteur de nos besoins pour les cinq années à venir.

Cet engagement, s’il venait à être réalisé, renflouerait les caisses de l’Etat et impulserait une nouvelle dynamique de développement dans les régions. De quoi inverser au plus vite la courbe du chômage, atténuer le déséquilibre territorial et donner une réelle perspective aux jeunes et moins jeunes. Ce qui signifie, en clair, qu’il y a comme une nécessité de gagner la deuxième manche, celle de la crédibilité auprès de nos partenaires étrangers.

Transformer l’essai en 2017. Nous ne saurions formuler un bien meilleur vœu pour nous, pour le pays et pour ces jeunes sans emploi. L’année 2016 n’est pas, à vrai dire, différente de celle qui

l’a précédée. Mais 2017 pourra être bien meilleure, si l’on retrouve pour de bon les chemins vertueux du travail, de l’effort, de la discipline, de l’innovation, de la qualité, du calme, de la sérénité et du respect de la loi républicaine. Nous n’avons d’autre choix que de nous imposer ces règles de survie dans le monde qui est le nôtre… En 2016, nous avons frôlé la faillite. Il suffit de se dire, plus jamais cela, pour que tout devienne possible.

La relance de l’économie tient à si peu de choses, au regard de notre potentiel de développement, de notre désir d’entreprendre et de l’engagement financier de nos partenaires. A charge pour les syndicats et l’Etat de ne pas se mettre au travers de l’investissement. Il ne suffit pas de le dire, il faut oser briser le plafond de verre qui inhibe la liberté d’entreprendre. Si on y arrive, 2017 sera alors l’année d’un nouveau départ pour une longue période de croissance inclusive. Une chose est sûre, elle sera pour nous l’année de tous les espoirs.

Bonne et heureuse année �

4 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

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Editorial 3Vœux

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6 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

L’entretien 20

Héla Cheikhrouhou, ministre des Mines, de l’Energie et des Energies renouvelables« Le plus important est qu’on n’empêche plus la production et qu’on ne pousse pas les investisseurs à fuir le pays »

Gros plan

Société

Analyse

32

32

40

Hydraulique 62

De grands chantiers pour redonner de l’espoir2017L’ARP aux larges pouvoirs, le Groupe chimique à la traîne, Petrofac réceptacle de tous lec chocs sociaux du secteur pétrolier, le tourisme victime de ses propres déboires autant que du terro-risme et les exportations aux moteurs en panne quand ils ne sont pas à l’arrêt définitif pèseront de tout leur poids sur la sort de la croissance en 2017.

« Follow the Leaders »Libéralisation des énergies, décentralisation et travail en réseau pour gagner le pari

Des experts lèvent le voileVision optimiste sur l’état des ressources en eau

FinanceLa BCT adopte la voie la plus risquée pour commencer la libéralisation du capital

Le partage de la valeur ajoutéeAu-delà des idées reçues

Par Afif Hendaoui

Par Abdelhay Chouikha

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Une perméabilité aux violations de toutes sortes à vous donner des sueurs froides, une schizophrénie inhibitrice qui vos empêche d’entreprendre, une autorité qui s’effiloche

chaque jour davantage, un honneur bafoué qui tente désespérément de se racheter, une forteresse assiégée qui ne veut pas tomber et qui fait de la résistance, déci-dément, il ne fait pas bon d’être cette entité qui s’appelle Etat en ces temps de révolution où tout est permis. De quoi vous coller une de ces peurs ! La coupe est pleine et les nerfs sont à vif, c’est sûr. Halima au pays des mer-veilles, quelles merveilles ! Trois et trois font six et six et six font…j’espère que nous n’irons pas jusque-là pour…atteindre les objectifs de la révolution ! Mais que faire quand l’Etat est mou, parfois absent (l’affaire Petrofac est là pour nous le rappeler) et que son prestige n’est plus qu’un vague souvenir ? S’en remettre aux bonnes fées pour qu’il retrouve son lustre d’antan ? Il faudrait peut-être se pincer pour réaliser que ce sont bien les ignorants aux bras longs qui font en ce moment la pluie et le beau temps au pays de la confusion bruyante, des

corvées à merci, des impostures et autres désillusions. Je n’irai pas jusqu’à dire que Mohamed Bouazizi est mort pour rien, mais ça y ressemble ou presque. On me rétorquera que la liberté chèrement acquise n’a pas de prix, je répondrai : Attention vigilance, car au pays de la révolution de la brouette, comme s’évertuent à l’appeler certains cyniques à la langue fourchue et bien pendue, tout peut arriver. M. Houcine Abassi, le puissant patron d’une UGTT plus triomphante que jamais, met en garde : La centrale syndicale ne se laissera pas faire, si la situation dans le pays venait à ne pas changer, particulièrement dans les régions. Le message est clair, d’autant plus clair qu’il a été envoyé de Sidi Bouzid, où l’on s’est rappelé au souvenir évanescent du marchand de la ville-symbole d’où l’éclair est parti, et qui est restée figée comme si le temps s’était arrêté. « Nous jouions sans calculs, sans primes mais avec un esprit de don de soi et de sacrifice pour le pays », tous les anciens sportifs vous le diront, les temps ne sont plus ce qu’ils étaient. Le général De Gaulle, dont on connait la rectitude, disait qu’en plus de l’énergie et des aptitudes, il faut du dévouement. Où en sommes-nous par rapport à cette profession de foi, alors que le futile, l’insignifiant, le superficiel, le vulgaire et le laid n’ont jamais autant occupé l’espace et autant alimenté le débat public ? Jamais les consciences n’ont été autant perverties, les valeurs marchandes autant glorifiées, et l’échec aussi patent. « Quand, dans un pays, il vaut mieux faire sa cour que faire son devoir, alors, tout est perdu », avertissait déjà Montesquieu. Nous n’en sommes pas loin. Un agent de la sécurité qui tente de mettre fin à ses jours sur les lieux de son travail devant le regard ahuri et désemparé de ses collègues qui, heureusement, finissent par le dissuader de commettre l’irréparable, et c’est le ciel qui nous tombe sur la tête ; Mohamed Zouari, un brillant ingénieur tunisien, est

L’Etat est mort, vive l’Etat Dieu soit loué !

Mohamed Fawzi Blout, ancien ambassadeur

Le bloc-notes de

8 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

La coupe est pleine et les nerfs sont à vif, c’est sûr. Halima au pays des merveilles, quelles

merveilles ! Trois et trois font six et six et six font…j’espère que nous n’ irons pas jusque-là pour…atteindre les objectifs de la révolution ! Mais que faire quand l’Etat est mou, parfois absent (l’affaire Petrofac est là pour nous le rappeler) et que son prestige n’est plus qu’un vague souvenir ?

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Le bloc-notes

criblé de balles par des agents du Mossad dans sa voiture à Sfax, et on découvre avec stupéfaction qu’il est affilié au Hamas palestinien ; or, qui dit Hamas, dit liens avé-rés avec l’islam politique et toutes ses nébuleuses aussi extrémistes les unes que les autres, d’où tous ces débats passionnés mais pas innocents, sur la question de savoir si oui ou non, le défunt devait être considéré comme un martyr de la cause. Par ailleurs, le mode opératoire utilisé par les assassins de l’ingénieur tunisien, en plus de ramener à la surface des précédents douloureux, est venu rappeler cruellement les carences flagrantes de notre système de renseignements et fait passer un voile d’indignation et de honte sur le pays déjà accablé. « Je brulerai mon manteau si mon manteau connaissait mon plan », a dit un jour un certain Jules César, il savait de quoi il parlait. Et cela n’a pas bien sûr échappé aux gens du Mossad. Alors, on veut se faire bonne conscience et quoi de mieux que cet art de la récupération qui est devenu un sport national, au même titre que les grèves. A entendre tout le monde disserter avec ferveur sur la question palestinienne, historique des relations à l’appui, on comprend mieux pourquoi les Tunisiens entrent en transe quand il s’agit de défendre cette noble cause : Ils veulent être plus palestiniens que les Palestiniens eux-mêmes, même si à Gaza et à Ramallah, on se montre moins intraitables.

*******Au Kef, l’amour était-il dans l’air ?

Depuis quelques jours, dans l’austère ville du Kef sur laquelle veille Sidi Boumakhlouf le Saint des lieux, il y a comme une atmosphère d’alerte maxi-

male, après que l’on a découvert avec une incrédulité qui laisse pantois, que l’amour ou le désir, c’est selon, n’a pas d’âge fixe. Un véritable coup de théâtre dans une ville où l’art du théâtre est sublimé et fait partie du quotidien. On ne sait pas trop s’il y a eu coup de foudre et romance juvénile ou plutôt un moment d’égarement, le temps d’un fugace plaisir charnel, dont la conséquence la plus visible a été le gonflement de ce ventre que personne ne veut voir, tellement il fait honte. Sous cape, Tartuffe aurait bien ri de cet encombrant objet du délit. Plaisir d’amour dure toujours, plaisir interdit ne dure jamais. On a bien marié les amants maudits sur la base d’une loi obsolète qu’on s’est juré de revisiter ; reste que le scandale a été proportionnel à la progression d’une grossesse qui n’avait plus besoin de se cacher, au grand dam des tenants de la chasteté et de l’orthodoxie. Les deux tour-

tereaux étaient consentants ; alors, messieurs, cherchez la faille. La bohème pour vivre l’air du temps, nos deux Roméo et Juliette savaient qu’ils franchissaient un seuil interdit. Sidi Boumakhlouf est en état de choc, il n’a rien vu venir, ni su prévenir, malgré toutes ses incantations, la faillite totale, ce qui, pour un saint, constitue le pire des châtiments. Le plaisir des sens a été le plus fort. La société civile s’emballe ; les médias se mobilisent et les politiques s’en mêlent par pur opportunisme. On crie au viol caractérisé sur une mineure, on appelle à une résiliation d’un mariage que tout le monde veut qu’il soit nécessairement forcé, et on en appelle au législateur pour réparer l’infamie ; mais a-t-on demandé l’avis des premiers concernés ? Tout cela sent le souffre en même temps que l’instrumentalisation. En fait, les Tunisiens, comme le reste des peuples de la planète, adorent les

mélimélos et les dessous qui les accompagnent parfois. Ils savent se montrer compatissants quand il s’agit de sentiments. En ce moment, ce n’est pas l’amour vache avec leurs hommes politiques qui les ont cyniquement abusés et qui ont réussi l’incroyable prouesse de les dégoûter de tout. Presque définitivement. Et pour les occuper, il n’y a pas que ce genre d’histoire, même s’il y a là un véritable problème de société sur lequel tout le monde devrait se pencher et plutôt sérieusement. Morale de l’histoire, ne jamais aimer à en perdre la raison, j’ajouterai, et les pédales, parce que vous risquez de vous retrouver dans de beaux draps, comme c’est le cas de nos jeunes amants du Kef. Est-ce que Sidi Boumakhlouf saura se montrer la prochaine fois plus vigilant et surtout plus pertinent pour faire la part des choses ? Seul l’avenir nous le dira. En attendant, le bon peuple devra faire avec la mauvaise foi des uns et des autres et surtout s’inquiéter de certaines dérives chez les jeunes, comme cette affaire de cambriolage qui a

9Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

On crie au viol caractérisé sur une mineure, on appelle à une résiliation d’un mariage que tout

le monde veut qu’il soit nécessairement forcé, et on en appelle au législateur pour réparer l’ infamie ; mais a-t-on demandé l’avis des premiers concernés ? Tout cela sent le souffre en même temps que l’ instrumentalisation.

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touché un établissement scolaire du pays, et cherchez avec moi l’éthique, quand vous lisez que deux élèves en herbe ont escaladé la clôture de leur collège pour entrer par effraction dans le dortoir de leurs camarades internes et subtiliser leurs biens personnels. Comment peut-on appeler cette conduite ? Perte de valeurs, perte de repères ? Aujourd’hui, des petits larcins, et demain ?

*******Un Abderrahmane Haj Ali qui jette l’éponge, le tigre était trop au parfum

Sa nomination a fait des vagues, un homme de main de Ben Ali à la tête des services de sécurité, voyons, c’est immoral, et puis pourquoi les Tunisiens ont-ils

fait une révolution ? Certainement pas pour se retrouver avec un haut responsable veillant sur la sûreté du pays sur lequel pèse un contentieux droit de l’hommiste, variable à souhait selon l’idéologie dominante du moment. Un Haj Ali qui aime dévoiler les vérités qui dérangent, alors forcément, cela gêne et met dans l’embarras ceux qui se sont mouillés et qui tiennent absolument à ce que la vérité n’éclate jamais. Tous les coups deviennent soudain légitimes, lorsqu’il s’agit de se débarrasser d’un homme qui pourrait en savoir trop. En bon haut commis de l’Etat respectueux de ses obligations de réserve, le directeur général sortant de la sûreté nationale ne dira rien qui puisse faire des vagues, mais on l’aura compris. On peut

regretter le départ d’un fin limier, juste au moment où Anis Amri, le tueur radicalisé de Berlin activement recherché par toutes les polices d’Europe, vient d’être abattu par la police italienne lors d’un contrôle d’iden-tité. L’assassin venait d’Ouslatia, une bourgade pauvre comme il en existe beaucoup dans ce gouvernorat de Kairouan, objet de toutes les privations, de toutes les frustrations, et forcément, de toutes les fanatisations.

A l’instar de centaines de jeunes comme lui, il est parti vers Lampedusa dans un rafiot de fortune à la recherche d’une vie meilleure, avec des rêves plein la tête. Comme pour l’ingénieur Zouari, à Tunis, on n’a pas vu venir et cela a failli tourner au vinaigre avec les autorités alle-mandes. Anis Amri aurait pu être un de ces terroristes repentis que les islamistes d’Ennahdha et ceux qui font leur jeu, veulent blanchir à tout prix et ce, au nom du pardon. Shana tova, Bonne année en hébreu. Après le drame qui s’est joué à Sfax, il est plus qu’urgent que nos services de renseignements apprennent la langue de l’ennemi, et c’est la moindre des choses �

10 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Shana tova, Bonne année en hébreu. Après le drame qui s’est joué à Sfax, il est plus qu’urgent

que nos services de renseignements apprennent la langue de l’ennemi, et c’est la moindre des choses.

Le bloc-notes

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12 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Le déficit budgétaire pour l’exercice 2016 est estimé à 6 milliards de dinars sur un budget total de 29 milliards de dinars. L’information a été fournie par Chakib Bani, rapporteur de la commission des finances relevant de

l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le député, qui intervenait sur les ondes de la radio privée Express Fm, a ajouté cette précision : « Ce déficit va

être couvert par des prêts à de faibles taux d’intérêt. C’est comme les avocats, nos députés sont optimistes jusqu’à ce que l’affaire soit perdue » �

Budget 2016 Déficit estimé à 6 milliards de dinars

Quelques changements seront opérés en 2017. En voici les plus importants :

Les premiers changements concerneront les fourchettes de cotation :

– Une nouvelle fourchette de cotation à ±6% au lieu de ±3%.

– En cas de réservation (H/B), la fourchette va monter à (+/-12%) pour les valeurs du TUNINDEX 20 et à (+/-9%) pour les autres valeurs.

Les seconds portent sur les introductions. Pour les nouvelles introductions, ce sera ± 25% au lieu de ±18%

Les derniers ont trait aux horaires. Les modifications des horaires proposées sont : pré-ouverture à 08h30,

ouverture à 09h00, clôture à 15h40, ajout d’1/4 horaire pour le fixing �

Bourse Des changements pour 2017

La Banque centrale de Tunisie (BCT) et son homologue chinoise

viennent de signer, à Pekin, un mémo-randum d’entente et de coopération (12 décembre 2016).

Principale composante de ce mémorandum: les deux Banques centrales se sont mises d’accord sur le principe de conclure une convention pour l’échange du yuan et du dinar tunisien pour payer une partie des opérations commerciales et finan-

cières en monnaie nationale.« Cela permettra d’alléger les

risques de change pour les deux parties et d’encourager les Chinois à importer du marché tunisien », a précisé la BCT, dans un communiqué publié mardi.

Autre accord en vue : les deux parties ont examiné la possibilité d’émettre sur le marché financier chinois un emprunt obligataire, « ce qui permettra, selon la BCT, de

mobiliser des fonds pour le finance-ment des projets de développement économiques en Tunisie » �

tunisie -Chine Mémorandum d’entente entre les Banques centrales

Chedly Ayari, gouverneur de la BCT

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14 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Focus

C’est officiel. Jusqu’au 22 décembre 2016, plus de 5,4 millions de touristes ont séjourné dans les hôtels tuni-siens, contre une moyenne en période ordinaire de 6 millions. Sur le total enregistré cette année, 2 millions

sont des Tunisiens, soit 30% du marché. La ministre du Tourisme et de l’artisanat, Salma Elloumi Rekik, qui a fourni ces statistiques, s’attend à une relance significative du secteur en 2017, malgré l’attentat perpétré en pleine période de Noël, à Berlin, par un Daechien tunisien �

« Neinvest Potentiel » dont le prési-dent du conseil d’administration

est le Saoudien Khaled Ibn Rached El Anzen est un nouveau fonds commun de placement en valeurs mobilières qui vient de voir le jour et dont l’ouver-ture des souscriptions a été annoncée mercredi 21 décembre 2016.

Créé en partenriat entre la société Netinvest et Attijari Bank, le fonds tuniso-saoudien, d’un montant de 20 MDT, a obtenu l’agrément du Conseil du Marché Financier le 30 janvier 2015.

Objectif du Fonds: la participa-tion, pour le compte des porteurs de parts et en vue de leur rétrocession ou cession, et le renforcement des opportunités d’investissement et

des fonds propres des entreprises.Concrètement, il s’agit de réali-

ser des opérations en capital ou en quasi-capital dans une perspective de création de valeur sur un horizon à moyen/long terme.

Plus simplement encore, le fonds, qui interviendra en fonds propres et accessoirement en quasi- fonds propres, ciblera en priorité les PME/projets innovants ou à contenu tech-nologique et accompagnera des entreprises ayant un fort potentiel de croissance dans leur secteur d’acti-vité, ouvertes sur l’international, disposant de ressources humaines et d’un management de qualité et ayant une vision stratégique cohérente.

« Netinvest Potentiel » investira

exclusivement dans des sociétés établies en Tunisie. Le montant des interventions du fonds par projet (sur un ou plusieurs rounds) se situera en général dans un intervalle de cinq cent mille (500.000) dinars tunisiens à trois millions (3.000.000) de dinars tunisiens sur un ou plusieurs rounds d’investissement.

Les secteurs ciblés sont : les TIC, services à forte valeur ajoutée, bio-technologie, industrie pharmaceu-tique, santé, secteur agroalimen-taire, industries manufacturières, logistique, énergies renouvelables, protection de l’environnement, socié-tés exportatrices ou en stade d’inter-nationalisation �

tourisme Plus de 5,4 millions de touristes ont séjourné dans les hôtels en 2016

tunisie-ArABie sAoudite Le fonds « Netinvest Potentiel» est né

Poulina va investir 1.5 milliard de dinars sur

la période 2017-2020. La nouvelle a été annoncée à l’occasion de la présenta-tion de la communication financière par Abdelwaheb Ben Ayed, président du

groupe PGH. (photo).Lors de cette communi-

cation, le premier respon-sable du groupe a fait état de sa préoccupation des ten-sions sociales et a évoqué la solution que son groupe a trouvée pour y remédier.

Pour contourner ces tensions, il a révélé que «son groupe a été amené à investir dans l’automati-sation et la diminution du nombre des employés au sein du groupe» �

investissement privé Poulina va investir 1.5 milliard de dinars sur la période 2017-2020

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Focus

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16 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Deutsche Hospitality, groupe hôtelier allemand en activité

dans le secteur depuis 1930, a décidé de faire des affaires en Tunisie. A compter du mois d’avril prochain, le groupe qui est implanté dans 14 pays, aura à gérer deux hôtels en Tunisie : le Steigenberger Hôtel et le Jaz Hôtel

Tour Khalef, à Sousse.Le Steigenberger Hôtel, de catégo-

rie 5-étoiles, est un établissement de 365 chambres et suites, 6 restaurants et bars, un centre de thalassothéra-pie, 6 piscines dont 3 d’eau de mer, un sauna, un hammam , une salle de fitness, espaces pour activités

sportives et une salle de conférences.Le Jaz Hôtel Tour Khalef est un

hôtel classé quatre-étoiles de 570 chambres et suites, 8 restaurants et bars servant des mets tunisiens et internationaux. L’établissement comprend aussi trois piscines dont deux d’eau de mer, espace spa et pour activités physiques, installa-tions de thalassothérapie, une salle de conférences... �

hôtellerie Deutsche Hospitality s’implante en Tunisie

Un conseil ministériel présidé par le Chef du gouvernement,

Youssef Chahed, vient d’ordonner l’élaboration d’un projet de loi sur la cybercriminalité. Ce projet de loi tombe à point nommé lorsqu’on sait

que 90% des nouveaux crimes sont planifiés sur les réseaux de commu-nication.

En relation avec cette décision, le conseil ministériel s’est penché sur l’organisation du travail des socié-

tés de production audiovisuelle qui concoctent des programmes au profit des chaînes tv étrangères.

La réunion s’est déroulée en pré-sence des ministres de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice, ainsi que du directeur du cabinet du Pré-sident de la République et des cadres sécuritaires �

CyBer séCurité Bientôt une loi sur la cybercriminalité

EO Data Center, leader sur le marché de l’hébergement en Tunisie, vient d’annoncer un accord de partenariat avec Hexatrust, acteur majeur de la sécurité des systèmes d’information.

A travers cet accord, EO, certifié ISO 27 001, consolide son écosystème afin d’assurer à ses clients des conditions de sécurité renforcées en matière de cyber sécurité et de confiance numérique.

Parmi ses clients figurent 8 institutions financières, des hébergeurs web, des radios, des TV et également la pla-teforme de portabilité des numéros des 3 opérateurs de télécommunications �

Partenariat entre EO Data Center et Hexatrust

La station de dessalement de l’eau de mer à Djerba entrera en exploi-

tation, au cours de l’été 2017, pour permettre de résoudre la pénurie en eau dans le sud tunisien, a annoncé le ministre de l’Agriculture, des res-sources hydrauliques et de la pêche, Samir Taieb.

La capacité de production de cette station est de 50 mille mètres cubes/jour et peut atteindre 75 mille mètres cubes. La phase d’essai de cette sta-tion, dont le coût s’élève à 140 millions de dinars, débutera en mai prochain, a ajouté Samir Taieb.

Le taux de réalisation de cette

station a atteint 40%, tandis que les travaux d’ingénierie civile ont été achevés �

djerBA -eAu potABle Entrée en fonction, l’été prochain, de la station de dessalement

Focus

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18 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Trois rapports viennent d’être rendus publics sur la jeunesse

et l’enfance. Leurs révélations tan-tôt positives tantôt négatives ne peuvent que nous interpeller. En voici l’essentiel :

Les premières révélations sont plus ou moins positives parce que républicaines. Elles sont révélées par un rapport national sur la situation de l’enfance en Tunisie en 2015:

- Le nombre d’enfants âgés de moins de 17 ans s’élève à 3 millions 195 mille, soit 28,7% du total de la population, selon le rapport national sur la situation de l’enfance en Tunisie pour l’année 2015.

- Le taux de mortalité infantile s’élève à 16,3 pour 1000 enfants contre 11,5 pour 1000 enfants en 2012.

- Signe de disparité sociale, la plu-part des crèches sont privées (98,8%) et sont localisées dans les grandes villes. Le taux d’inscription des élèves de moins de trois ans n’a pas dépassé 9%. Quelque 321 crèches pour 5761 enfants inscrits sont recensées.

- Concernant les jardins d’enfants, le nombre total, au cours de la même année, est de 4191 établissements dont 90,9% appartiennent au secteur privé. La politique de généralisation progressive de l’année préparatoire dans les écoles pour les enfants âgés de 5 ans a fait augmenter le nombre des écoles ayant une classe prépara-toire (2082 écoles au cours de l’année scolaire 2014/2015).

- Le nombre des écoles a aug-menté avec le début de l’année sco-laire 2014/2015 pour atteindre 4565 écoles suite à l’ouverture de 21 nou-velles écoles dont 11 dans les régions rurales.

Les secondes sont inquiétantes dans la mesure où elles viennent confirmer l’enelisement de nos jeunes dans l ’obscurantisme. Selon une étude sociologique menée par l’Obser-vatoire national des jeunes dans le Grand Tunis, le tiers des jeunes Tuni-siens sympathisent avec le salafisme.

Une nuance toutefois: les jeunes sondés refusent l’idée que le courant salafiste puisse participer à la vie politique. Il n’en demeure pas moins que le tiers d’entre eux éprouvent une certaine sympathie pour la prédica-tion salafiste.

Cette étude, menée en 2014 auprès d’un échantillon de 1700 jeunes âgés de 18 à 30 et issus de la région du Grand Tunis, a révélé toutefois que les femmes sont plus opposées à cette idée que les hommes. Comme quoi l’essentiel c’est la matrice qui compte.

Les dernières nouvelles sont alr-mantes. Un nouveau rapport du ministère de l’Éducation relève que 96 mille élèves tunisiens ont quitté les bancs de l’école en 2016.

Ce nombre a baissé de 10.000 par rapport à l’année précédente (2015) mais reste tout de même alar-mant � B.K.

jeunesse Statistiques alarmantes

96 mille élèves tunisiens ont quitté les bancs de

l’ école en 2016.

Le taux de mortalité infantile s’ élève à 16,3 pour

1000 enfants contre 11,5 pour 1000 enfants en 2012.

Signe de disparité sociale, la plupart des crèches sont

privées (98,8%) et sont localisées dans les grandes villes.

Le nombre d’enfants âgés de moins de 17 ans

s’ élève à 3 millions 195 mille, soit 28,7% du total de la population.

Focus

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Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

L’entretien

Hela Cheikh Rouhou, ministre des Mines, de l’Energie et des Energies renouvelables

« Le plus important est qu’on n’empêche plus la production et qu’on ne pousse pas les investisseurs à fuir le pays »

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L’entretien

21Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

u Où en est la situation dans le bassin minier ?

Pour ce qui est des activités de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG) et du Groupe chimique tunisien (GCT), tous les lavoirs sont en produc-tion. La production du phosphate, qui était à l’arrêt pendant des mois, connaît, depuis deux mois, un bon rythme. Nous pouvons avancer que la production dans le bassin minier a repris sa cadence normale.

La production n’est plus à 11 mille tonnes par jour. Nous sommes actuel-lement à 18 mille tonnes par jour,

ce qui constitue un bon rythme de production.

Concernant le transport du phos-phate vers les usines pour sa trans-formation en produits destinés à l’exportation (acide phosphorique) et à la consommation locale (engrais), le parc des locomotives demeure insuffisant et faible. Il ne satisfait pas les besoins.

Nous sommes en train de déployer tous nos efforts avec le ministère du Transport pour y remédier, sachant que l’âge moyen des locomotives est de 33 ans. Les infrastructures en Tunisie datent de l’ère Bourguiba.

Les trains disponibles ne peuvent transporter, en moyenne, qu’entre 8 mille et 9 mille tonnes par jour, ce qui est insuffisant pour faire fonctionner à plein régime et dans des conditions acceptables les usines du Groupe chimique.

Conséquence : les usines fonc-tionnent à hauteur de 30 à 35% de leur capacité, ce qui est préjudiciable aux usines du Groupe chimique, en ce sens où l’alternance des arrêts et des relances de production occasionnent des dommages aux équipements.

La solution a consisté à recourir, depuis des mois, au transport du phosphate par camion, mode de transport auquel sont opposées des parties au sein des sociétés.

u Voudriez-vous, Mme la ministre, nous expliquer dans le détail cette problématique du transport du phosphate ?

Au départ, c’étaient les ouvriers du CPG qui étaient contre motif : ils exigent une prime du transport sur les camions et non seulement sur les trains. Ils ont obtenu gain de cause.

Après, c’était au tour des ouvriers de la Société de transport du phos-phate dans le bassin minier, une nouvelle société créée de toutes pièces après la révolution. C’est une filiale à 100% de la CPG. Les 1600 travail-leurs intérimaires qui y travaillaient, avant le 14 janvier 2011, relevaient de sociétés privées sous- traitantes, spécialisées dans le transport du phosphate entre les carrières et les lavoirs. Ces ouvriers ont été intégrés après la révolution dans cette nou-velle société, qui a coûté 45 MDT à la CPG. C’est la colonne vertébrale de la compagnie, en raison de son rôle dans le transport du phosphate. Il y a, actuellement, tout un programme pour le redressement de cette société sur deux ans : 2016-2017.

Le redressement va avoir lieu, car la fin de la sous-traitance et ses corollaires, l’intégration des intéri-maires dans la nouvelle société et l’acquisition des équipements des sociétés sous-traitantes privées, a été accompagnée, durant les six dernières années, par des actes d’endomma-gement des équipements. Tous les équipements ont été endommagés. La productivité a beaucoup baissé. La CPG a fourni sa garantie pour l’acqui-sition de nouveaux équipements.

Ainsi, la nouvelle filiale a acquis, depuis l’arrivée du gouvernement d’union nationale, 50 camions neufs. Ces acquisitions ont été accompa-gnées par un plan de formation devant aider les travailleurs à utiliser au mieux ces équipements et à accomplir dans de meilleures conditions la mis-sion impartie à la Société de transport de phosphate dans le bassin minier.

Les travailleurs de cette société devaient ensuite revendiquer le contrôle du transport par camion en dehors du bassin minier. Ils veulent être responsables des appels d’offres. En vertu de leurs résultats, les camionneurs privés seront autorisés à transporter le phosphate des lavoirs

Mme Héla Cheikhrouhou, ministre des Mines, de l’énergie et des énergies renouvelables a indiqué que les indi-cateurs des trois secteurs dont elle a la charge sont en train de s’améliorer et qu’elle et son équipe travaillent dur pour les améliorer davantage, à la faveur de gros investissements programmés dans les trois secteurs.La ministre, qui s’exprimait dans cette interview accordée à l’Econo-miste Maghrébin, pense toutefois que les trois secteurs rencontrent des difficultés dues principalement à des problèmes fonciers et aux arrêts de la production et des travaux d’exé-cution des nouveaux projets d’infras-tructure par l’effet des mouvements sociaux. Elle estime que les arrêts de produc-tion risquent de compromettre le devenir de ces secteurs et de faire fuir les investisseurs. Pour elle, les protes-tataires doivent prendre conscience que leur propre intérêt ne réside pas dans l’arrêt de la production, mais dans le dialogue et rien que dans le dialogue, le seul moyen indiqué pour résoudre tous les problèmes.

La production dans le bassin minier a repris sa

cadence normale.

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L’entretien

22 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

vers les usines du Groupe chimique. Seulement, cette société n’a pas la

capacité institutionnelle de lancer ces appels d’offres. Car toutes les procé-dures concernant les contrats et les appels d’offres sont effectuées de A à Z par les cadres de la CPG.

La question qui se pose dès lors : pourquoi cherchent-ils à avoir le contrôle des appels d’offres ? Il y a là une grande interrogation sur la transparence et le bien- fondé de cette requête.

En attendant, pour parvenir au rythme du transport de phosphate souhaité, les trains sont insuffisants. Donc, nous devons assurer le trans-port du phosphate par camions, même si, à moyen terme, nous envisageons d’arrêter définitivement le transport du phosphate par voie routière.

Malheureusement, nous ne pou-vons l ’arrêter définitivement que d’ici fin 2017. D’ici cette échéance, le ministre du Transport est en train de se démener pour acquérir de nouvelles locomotives usagées. Entre-temps, il faut qu’on produise, qu’on vende et qu’on réalise du cash flow pour le groupe CPG-GCT.

Depuis deux mois, le transport par camions est à l’arrêt, car le syndicat de la Société de transport du phosphate dans le bassin minier veutde jouer un rôle dans cette affaire. Le dialogue est en cours entre ce syndicat d’un côté, la direction de la CPG et le secrétaire d’Etat chargé du secteur minier de l’autre. Aux dernières nouvelles, les trois parties sont en train de négocier une solution.

Il y a actuellement un contrat pour le transport de 300 mille tonnes, mais nous ne pouvons pas le concrétiser, car le syndicat de la STP s’y oppose et empêche donc sa concrétisation.

Par ailleurs, il va y avoir le lan-cement d’un appel d’offres pour la conclusion de contrats avec des camionneurs privés pour l’exercice 2017. Seulement, l’appel d’offres ne

peut pas être publié sans l’accord du syndicat de la STP dans le bassin minier. Des négociations sont en cours pour trouver une issue à ce problème et nous souhaitons qu’une solution soit trouvée dans les plus brefs délais.

Ce qui est demandé à la STP est qu’elle assainisse, au préalable, ses finances, qu’elle assure convenable-ment le transport du phosphate dans le bassin minier, d’autant plus que la situation des travailleurs de cette société s’est améliorée de manière sensible, en comparaison avec leur situation d’anciens intérimaires.

Leurs salaires ont évolué de manière très importante après leur intégration et attachement à la CPG. Espérons que la sagesse l’emportera pour trouver une solution rationnelle. A ce stade, il y a des négociations avec la partie syndicale. L’administration (CPG et secrétariat d’Etat) dispose d’un projet de solution qu’elle va soumettre au syndicat. Notre souhait est que le problème du transport soit résolu dans les plus brefs délais.

Je ne peux encore dévoiler les détails de ce projet. Je peux dire simplement que nous allons examiner les demandes des travailleurs.

u Et à propos de ces fameux concours dont les résultats sont constamment mis en doute ?

Nous pouvons annoncer que d’im-portantes améliorations sont signa-lées en matière de gestion et d’accep-tation des résultats des concours et ce, en concertation avec les syndicats et la société civile.

D’abord, un mot sur la masse sala-riale du groupe CPG-GCT et de leurs filiales. Cette masse a plus que doublé et l’effectif de tout le groupe a triplé ces 6 dernières années. Il est passé de 9 mille à 27 mille.

Les augmentations du nombre d’emplois ont eu lieu dans les sociétés de l’environnement qui emploient, à elles seules, 11 mille personnes.

Pour revenir aux concours, ceux qui ont eu lieu concernent la CPG et le Groupe chimique. Ils ont pour objectif de remplacer les personnes qui sont parties à la retraite. Il s’agit de postes techniques réels, voire de vrais postes. Nous sommes attachés à ce que ces concours se déroulent dans les meilleures des conditions.

Pour résumer, la production marche bien. Le transport par voie ferroviaire marché bien, sauf pour les lignes qui desservent Redeif et Oumlares qui, relativement, pro-duisent une capacité moindre, et la ligne qui traverse Bouzayane à Sidi Bouzid, à cause des sit-in et des mouvements sociaux.

Si jamais cette ligne était dégagée, la quantité de phosphate transportée par train serait plus importante.

u Qu’est-ce qui justifie ces mouvements sociaux et ce blocage de la production ?

Il y a plusieurs raisons objectives. Premièrement, depuis des décen-nies, il n’y a pas eu suffisamment d’investissements pour diversifier la base économique du bassin minier. La perception, c’est que l’employeur unique, en l’occurrence, offre de bons salaires. Ce qui fait que tout le monde s’est focalisé sur cet employeur, alors que la région engrange d’importantes opportunités dans le domaine agri-cole et dans d’autres importants secteurs potentiels encore sous- déve-loppés.

C’est pourquoi, de nos jours, le gouvernement met l’accent sur le

Depuis des décennies, il n’y a pas eu suffisamment

d’investissements pour diversifier la base économique du bassin minier.

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L’entretien

24 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

développement de l’agriculture et la diversification de l’industrie dans le bassin minier. L’ultime but étant d’y créer le maximum d’entreprises génératrices d’emplois.

J’ajouterais que les moyens de relan-cer et de dynamiser les sociétés de l’environnement sont limités. Il y a une commission groupant les repré-sentants de ces sociétés et le ministère qui a été chargée de réfléchir sur les moyens de dynamiser ces sociétés, en s’inspirant d’expertises similaires réussies comme celle enregistrées à Regim Maatoug au sud du pays.

Des efforts sont déployés en parte-nariat avec les départements concer-nés (agriculture, équipement, trans-port…), pour accorder des marchés, voire des contrats à ces sociétés. C’est une de nos priorités.

Globalement, nous sommes en train de réfléchir sur les moyens de conférer à l’économie de la région plus de dynamisme.

L’autre aspect sur lequel nous tra-vaillons, c’est le problème de l’eau dans le bassin minier, pour contenir les tensions générées par ce problème dans la mesure où certains disent que l’eau disponible est accaparée en totalité par l’industrie phosphatière, aux dépens de la satisfaction des besoins de la communauté de Gafsa en eau potable et en eau d’irrigation.

Nous sommes en train d’étudier et de travailler sur l’agrandissement de la capacité d’un projet de dessalement de l’eau dans la région de Gafsa et son adduction vers les villes de la région. Nous allons créer une autre ressource hydrique non conventionnelle.

Moralité : Il y a une action multidi-mensionnelle pour développer cette région. Parmi les projets retenus, celui de l’alimentation de la ville de Gafsa en gaz naturel. L’absence de cette source d’énergie dans la région constitue un sérieux handicap pour la création d’entreprises industrielles. Actuellement, nous avons résolu les

problèmes fonciers qui empêchaient la finalisation de ce projet.

Nous sommes en train d’assurer le suivi régulier de ces actions. Il faut conjuguer les efforts de tous pour accélérer le développement de cette région et faire en sorte qu’elle profite de l’énorme potentiel qu’elle engrange.

Dans cette optique, le budget de responsabilité sociétale du groupe CPG-GCT va être exploité en partie pour aider les jeunes promoteurs à lancer leurs propres projets, moyen-nant des microcrédits fournis par la BTS.

Il faut dire ici que l’accès au finan-cement est un des principaux obs-tacles au développement des projets privés dans toutes les régions.

Pour revenir à la région de Gafsa, nous sommes persuadés que les revendications des citoyens de Gafsa sont légitimes et que pour les satis-faire, nous disposons de tout un pro-gramme comportant une vingtaine d’actions dédiées au redressement de l’activité phosphatière. Ces actions concernent aussi bien Gafsa, Sfax, Gabès et Skhira.

N’oublions pas également que le groupe CPG-CGT a programmé d’importants investissements pour moderniser les usines devenues obso-lètes. L’impact de ces dernières sur

l’environnement n’est plus en ligne avec les meilleures pratiques. De gros investissements (600 MDT et plus) sont engagés par le Groupe chimique en matière de dépollution.

u Au sujet de la dépollution, est-ce que la SIAPE va fermer en fin de compte ses portes ou non ?

Il y a un engagement ferme pour fermer, au plus tard en 2017, la SIAPE à Sfax, et ce, sans que les emplois soient détruits. Car les employés de la société disposent d’un savoir faire et d’une technicité qu’ils peuvent valoriser dans d’autres activités.

Nous sommes convaincus que le développement dans les régions ne peut réussir qu’en partenariat avec les syndicats, les patrons, la société civile, qui regroupe les associations environnementales, le gouvernement.

Dans cette optique, le démantèle-ment des usines va durer des années avec tout ce que cela suppose comme création d’emplois à la faveur de cette démolition. Nous sommes en train de réfléchir sur plusieurs actions que nous aloons concrétiser. A titre indicatif, il y avait l’idée d’exploiter le site à travers sa conversion en labora-toire, usine de maintenance ou à des fins foncières. L’essentiel est de mener dans la transparence totale une étude sur la conversion du site. L’idée donc est de créer de nouveaux emplois et non pas d’en détruire.

u Où en est le positionnement de la Tunisie sur le marché mondial du phosphate ?

Nous devons comprendre que le secteur des phosphates dans le monde est soumis à une grande pression, car l’offre est de loin supérieure à la demande. Des mégaprojets ont été lancés en Arabie saoudite, en Egypte, en Ethiopie, en Algérie, en Chine,…

Les prix sont en train de chuter. Les acheteurs préfèrent acheter selon l’offre la plus régulière et selon le meil-

Il y a un engagement ferme pour fermer, au plus tard en

2017, la SIAPE à Sfax, et ce, sans que les emplois soient détruits. Car les employés de la société disposent d’un savoir faire et d’une technicité qu’ils peuvent valoriser dans d’autres activités.

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L’entretien

25Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

leur rapport qualité-prix. Nous devons comprendre que si nous réduisons la capacité de production du Groupe chimique, nous affectons en même temps la réputation de la Tunisie en tant qu’un des grands producteurs de phosphate.

La Tunisie, même si elle a perdu son classement de 5ème producteur du monde, garde toujours une occasion pour se rattraper en raison de son historique et de la bonne image dont elle jouit, depuis longtemps, auprès de ses clients classiques. L’espoir de retrouver notre place antérieure sur le marché est encore possible.

Il faut toutefois prendre conscience du fait que les clients ne vont pas se croiser les bras et attendre, éternel-lement, le retour de la Tunisie sur le marché. Bien au contraire, ils vont aller chercher d’autres fournisseurs pour satisfaire leurs besoins. Le prin-cipe est simple : la nature a horreur du vide. Quand la Tunisie s’est absentée, d’autres pays se sont précipités pour prendre sa place.

Dois-je rappeler qu’en 2016, le Groupe CPG-CGT et ses filiales ont enregistré des résultats négatifs ? Il y a des sociétés qui sont en train d’absorber leur capital. Si cela conti-nue, le Groupe chimique va demander de l’argent à l’Etat pour continuer à exister. Auparavant, c’était lui qui fournissait des ressources à l’Etat et il n’avait pas besoin de la garantie de l’Etat pour emprunter. Aujourd’hui, il en a besoin. La situation est hélas critique. C’est pourquoi, cette richesse minière nationale qui doit profiter, en priorité, aux communautés de Gafsa, Gabès et Sfax, gagnerait à être valo-risée dans l’intérêt de tous.

Nous sommes engagés dans le redressement de l’ensemble des socié-tés, mais nous ne pouvons le réussir que si tout l’environnement est favo-rable pour le faire.

u Le deuxième volet de notre

entretien va porter sur l’énergie. Quel est l’état des lieux dans ce secteur ?

Les indicateurs sont malheureu-sement dans le rouge. En 2016, nous avons foré un seul puits avec une seule découverte et nous sommes en train de forer deux autres. Auparavant, la moyenne était de 12 à 15 puits d’explo-ration par an et de 10 à 12 puits de développement par an.

A l’origine de cette situation, trois facteurs :

Le premier concerne l’effondre-ment du prix du pétrole.

Le deuxième concerne le change-ment de la Constitution et l’avènement de l’article 13 qui insiste à ce que les richesses nationales soient la pro-priété du peuple. Depuis, nous avons enregistré beaucoup de retard pour adapter la réglementation, même si le tribunal administratif a toléré le fait qu’on peut continuer à travailler avec le code des hydrocarbures actuel et les accords antérieurs. Pour le tribu-nal administratif, tant qu’il n’existe pas une nouvelle loi et un nouveau cadre réglementaire pour appliquer la Constitution, le ministère des Mines et de l’énergie peut continuer à tra-vailler avec ce qui existe.

Seulement, il y a eu une grande campagne pour discréditer le secteur des hydrocarbures du genre « Ouinou le pétrole » et pour le qualifier de secteur corrompu.

Moralité : Comme aucun investis-

seur n’aime être désigné du doigt et qualifié de corrompu et comme il a le choix de placer son argent sous des cieux plus hospitaliers, il va s’inves-tir ailleurs. Cette tendance a réduit l’appétit d’investissement pour la Tunisie.

La vérité, c’est que les gouverne-ments n’ont pas osé soumettre au parlement de nouveaux contrats et continuer l ’octroi des contrats sur décision d’un ministre alors qu’il y a une nouvelle Constitution. Aujourd’hui, le gouvernement d’union nationale dispose d’un projet de loi qui va juste changer un article dans le code des hydrocarbures.

On va inclure dans ce projet deux conventions modèles avec le secteur privé. Ces conventions vont être exa-minés en conseil ministériel avant de les soumettre ensuite au parlement.

En plus clair, au lieu de faire signer les contrats par le ministre, c’est le parlement qui adopte ces contrats par le biais de lois. Cela pour appliquer la Constitution qui stipule que les projets d’hydrocarbures doivent faire l’objet de lois votées par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cette même Constitution qui stipule que tout projet utilisant les ressources naturelles (énergie solaire, air, pétrole, gaz, forêt,…) doit faire l’objet d’une convention entre l’Etat et les inves-tisseurs privés, laquelle convention doit faire l’objet d’une loi votée par le parlement.

Actuellement, nous sommes en possession de cinq conventions dis-ponibles et pour ne pas les perdre, nous allons les soumettre dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans les semaines qui viennent, au parlement.

u Est-ce que la loi sur l’urgence économique ne peut pas jouer un rôle dans ce contexte et vous aider à contourner ces obstacles ?

Je ne pense pas. Car la loi sur l’ur-gence économique a pour objectif de

En 2016, nous avons foré un seul puits avec une

seule découverte et nous sommes en train de forer deux autres. Auparavant, la moyenne était de 12 à 15 puits d’exploration par an et de 10 à 12 puits de développement par an.

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L’entretien

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faciliter et d’accélérer les procédures des marchés et la réalisation des investissements. Dans son appli-cation, les modifications apportées au code des hydrocarbures visent à harmoniser ce texte avec l’article 13 de la Constitution. Cela fait par-tie certes de la réponse à l’urgence économique, mais le nouveau projet portant amendement du code des hydrocarbures est un texte de loi à part entière.

Le principe aujourd’hui est de coopérer avec le parlement et de faire en sorte que ces conventions soient adoptées. Nous allons apprendre à travailler ensemble sur ce projet, en prévision de l’élaboration d’un nouveau code des hydrocarbures. D’ici cette échéance, nous aurons beaucoup appris durant les prochains mois, et nous verrons comment sim-plifier et clarifier les choses. Ce sera peut-être alors un texte de plus haut niveau qui sera soumis au parlement. Les processus techniques seront du ressort du gouvernement. Ce dernier est disposé à assumer ses responsa-bilités, mais en partenariat avec le législatif.

Le troisième facteur qui a plombé l’investissement dans les hydrocar-bures a trait aux mouvements sociaux (sit-in, arrêts anarchiques de tra-vail,…).

Beaucoup de sociétés sont en train d’enregistrer des faillites et les gens n’en sont pas conscients.

u Et pour le gaz naturel, comment se présentent les choses ?

Le gaz naturel est, de plus en plus, perçu comme un préalable indis-pensable à l’investissement dans les régions. A titre indicatif, nous venons de tenir une réunion avec le gouver-neur de Bizerte, les députés de cette région et les investisseurs intéressés par cette région et la STEG. Les par-ticipants ont demandé à alimenter la région en gaz naturel. Et il existe un

projet à ce sujet. Cela pour dire que le plus grand

handicap qui entrave l’investisse-ment dans les régions, c’est la pose de gazoducs. Aujourd’hui, les entre-preneurs remportent des marchés pour la pose de gazoducs et quand ils commencent à exécuter le projet, ils rencontrent des difficultés dues au refus de certains particuliers de tolérer que les gazoducs traversent leurs terres.

Conséquence : Partout, les projets d’infrastructure rencontrent des difficultés d’exécution. C’est ce qui explique les retards. Un projet qui doit être réalisé en deux ans va durer 5 ans, six ans et plus.

C’est une généralisation que je fais là, mais la situation est en train de s’améliorer avec la promulgation d’une loi sur l’expropriation.

Nous devons comprendre qu’au-jourd’hui, on ne peut plus mettre en route un projet d’infrastructure de la même manière qu’auparavant. Les conditions sont devenues plus difficiles. Il y a un côté positif en ce sens où il y a un dialogue avec les gens, mais également un aspect négatif, dans la mesure où il suffit qu’une seule personne s’oppose à l’itinéraire du projet pour que ce dernier tombe à l’eau ou soit changé.

A titre indicatif, le projet de gaz Nawara, où l’ETAP détient 50%, a

été initié depuis 2008, mais il ne sera finalisé qu’en 2018, à cause justement des protestations de groupes de per-sonnes qui se sont relayés pour exiger des droits sur le passage du gazoduc et se faire indemniser.

Les problèmes fonciers qui entra-vent les projets d’infrastructure sont devenus monnaie courante et doivent faire l’objet d’un gros travail. Cela engendre un coût énorme pour les sociétés nationales et pour les sociétés privées contractantes. Un contractant immobilisé, au lieu de faire son cash flow et réinvestir, se trouve malgré lui plombé sans rien pouvoir faire.

C’est le même constat pour les sociétés pétrolières. Les forages sont très peu nombreux, pour une raison simple. Pour ramener une foreuse, ça coûte très cher. En plus, cette foreuse ne peut pas tolérer plus de 40 travail-leurs, alors que quelque 400 personnes viennent exiger de travailler.

u Le prix du pétrole est actuellement en hausse. Est-ce que cette nouvelle donne ne va pas améliorer la situation du secteur ?

Malheureusement non. En Tuni-sie, en net, nous bénéficions de la baisse des prix, car on est importateur aujourd’hui, et ce, en raison du fait que nous n’investissons plus dans l’explo-ration du pétrole. Le prix du pétrole est très fluctuant. Stratégiquement, quel que soit le prix du pétrole, nous devons investir. Nous ne sommes pas en train d’investir en raison de la non-clarté des réglementations régissant l’octroi des permis. Nous devons trouver un terrain d’entente avec les communautés locales. Les sociétés pétrolières ont fait, ces six dernières années, un gros effort en matière de responsabilité sociétale.

Il y a une expérience exemplaire à Tataouine, où un investissement de 11,5 MDT a été programmé sur trois ans. Empressons-nous de signa-ler ici que ces sociétés ne sont pas

Le projet de gaz Nawara, où l’ETAP détient 50%, a été

initié depuis 2008, mais il ne sera finalisé qu’en 2018, à cause justement des protestations de groupes de personnes qui se sont relayés pour exiger des droits sur le passage du gazoduc et se faire indemniser.

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contre ce genre d’investissements. Au contraire, elles peuvent le faire, à la seule condition de ne pas stopper la production. Le problème, c’est qu’avec les arrêts successifs de la production, on risque de tuer la poule aux œufs d’or. Lorsqu’on pousse trop, on perd tout.

u Pour revenir au gaz, où en sont les projets de gaz de schiste ?

En 2014, il y a eu une première étude sur l’extraction en Tunisie, et nous avons une autre étude en cours de finalisation. Ce qui est clair, avec la politique volontariste de ces dernières décennies, surtout les deux dernières décennies, tous les gouvernorats du pays réclament le gaz naturel pour satisfaire les besoins des citoyens et des entreprises.

Pour approvisionner les villes en gaz naturel, nous avons deux solu-tions : soit on profite de l’occasion pour développer notre propre gaz aux fins de répondre à une demande pressante et de créer des emplois supplémentaires, soit on importe en devises du gaz et on crée à cette fin une infrastructure coûteuse.

Dans le budget 2017, il est prévu d’allouer une enveloppe de 1000 MDT pour développer l’industrie gazière et créer de nouveaux emplois. Concer-nant le gaz de schiste, je l’ai dit à maintes reprises, si on développe notre propre gaz naturel, le gaz de schiste en fera partie.

Si le pays va s’engager dans une infrastructure à échelle, il faut accé-lérer l’élaboration d’une étude envi-ronnementale stratégique. Elle a été décidée en 2013, mais jusqu’à ce jour, elle n’a pas été entamée.

La bonne nouvelle : le ministère de l’Environnement, qui est le chef de file, est en train de signer avec un bureau d’études une convention pour l’élabo-ration de cette étude. Cette étude va commencer au mois de janvier et finir dans 18 mois. J’espère qu’elle avancera dans les délais et qu’elle sera de la meilleure qualité possible. L’ultime but est de nous fournir les informa-tions les plus fiables possibles sur les caractéristiques géologiques des bas-sins ciblés, dont celui de Ghedames au sud du pays et sur la faisabilité des futurs projets gaziers.

Quant aux besoins en eau qu’exige-ront les forages, il est prévu d’épargner la nappe phréatique et les eaux de surface et de recourir à des ressources non conventionnelles, à travers la création d’une unité de dessalement de l’eau. L’étude stratégique doit nous informer sur les caractéristiques géologiques et sur les besoins en eau.

Toujours à propos de gaz de schiste, il y a aussi l’idée de forer un puits pilote dans le bassin de Ghedames et de changer, à cette fin, la nature d’un permis détenu par une des plus grandes sociétés opérant dans ce domaine. Cette proposition sera sou-mise au parlement pour examen et adoption. Ainsi, on aura fait d’une pierre deux coups : l’étude environne-mentale et la soumission au parlement d’une approche pilote consistant en la conversion d’un permis pour favoriser le forage d’un puits pilote. Une fois l’approche pilote expérimentée, on ne peut intensifier l’investissement qu’à la faveur des résultats obtenus.

u Le nombre d’emplois créés à travers le monde dans le domaine du gaz naturel est très important. La question qui se pose dès lors : est-ce que la Tunisie peut se passer de ces emplois ?

D’autres initiatives seront prises pour la sécurité de la ressource gazière. Nous devons encourager le développement de champs conven-tionnels. Le champ Nawara, une fois

Dans le budget 2017, il est prévu d’allouer une

enveloppe de 1000 MDT pour développer l’ industrie gazière et créer de nouveaux emplois. Concernant le gaz de schiste, je l’ai dit à maintes reprises, si on développe notre propre gaz naturel, le gaz de schiste en fera partie.

La masse salariale a plus que doublé et l’effectif de tout le groupe a triplé ces 6 dernières années. Il est passé de 9 mille à 27 mille.

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achevé, sera suivi, complété et ren-forcé par le développement d’autres petits gisements.

Nous allons également négocier des contrats d’approvisionnement à moyen et long termes avec l’Algérie. L’objectif est d’avoir la certitude d’être régulièrement approvisionné en gaz naturel.

Aujourd’hui, il y a beaucoup de projets industriels énergivores qui ne peuvent pas être créés, à défaut de disponibilité de gaz naturel.

Si nous parvenons à développer notre propre gaz, nous ferons l’écono-mie d’importantes sorties de devises.

Pour un pays vulnérable au chan-gement climatique, le gaz naturel est un fuel de transition qui va nous aider à rester en dessous de 2° C. Nous devons donc le valoriser.

u Et le délicat dossier de Petrofac, quelles en sont les nouvelles ? Selon nos informations, les arrêts de la production ont repris. C’est un mauvais signal qu’on lance aux investisseurs étrangers, suite au succès de « Tunisia 2020 ». Qu’en est-il exactement ?

Concernant Petrofac, c’est symp-tomatique, c’est-à-dire une chose qui existe dans beaucoup de régions du pays.

Je suis optimiste et confiante. Je pense que dans les jours qui viennent, le problème sera résolu et que de bonnes nouvelles seront annoncées pour le gisement Chergui. Le seul mes-sage à transmettre aux communautés des îles Kerkennah, c’est de prendre conscience que toute personne qui a un problème ne doit pas arrêter la production d’une entreprise pour résoudre son problème. Cela doit pas-ser par le dialogue. Le plus important est d’encourager les investisseurs à réinvestir et à rester dans le pays.

u Au sujet des énergies renouvelables et de l’efficacité

énergétique, la Tunisie accuse un important retard au regard des progrès accomplis en la matière dans des pays ayant le même degré de développement que nous. C’est le cas du Maroc, à titre indicatif. Quelle est la stratégie de votre département dans ce domaine ?

En matière d’énergies vertes, la Tunisie était pionnière. Seulement, pour diverses raisons, au départ, elle a fait preuve de prudence et de cir-conspection. Après, elle a observé une position de wait and see. Aujourd’hui, il est difficile de dire si on a perdu du temps ou si, au contraire, on en a gagné.

Le constat, aujourd’hui, est que nous disposons de bien meilleures conditions pour développer, à grande vitesse, la réalisation de projets d’énergies renouvelables.

Je puis vous dire que si nous fai-sons du bon travail, nous sommes capables d’attirer de grands, petits et moyens investisseurs du monde entier (Europe, Asie, Etats-Unis,…). Tous ces investisseurs veulent venir investir en Tunisie.

A cet effet, nous avons arrêté une stratégie pour le développement des énergies vertes à l’horizon 2030. Elle a été adoptée, en novembre 2016, par un conseil ministériel. Nous allons communiquer sur cette vision dans les semaines qui viennent.

u Concrètement, en quoi consiste cette stratégie ?

En discussion avec l’ETAP et la STEG, nous allons commencer main-

tenant par une capacité de 1000 mégawatts et une autre de 1250 mégawatts en 2021, par rapport à un parc total à installer de 5000 mégawatts. Cela veut dire qu’on va lancer tout ce programme sur une période de deux ans au maximum.

Je peux avancer que de gros inves-tisseurs comme Total, ENI et autres compagnies sont intéressés par le marché des énergies vertes en Tunisie. Mieux, il y a une dizaine de déve-loppeurs en Tunisie qui ont mis des années à préparer leurs projets, qui ont attendu avec impatience l’ouver-ture officielle du marché et qui sont fin prêts pour faire démarrer leurs projets.

En vertu des responsabilités qui sont les miennes, je dois veiller à la publication des cahiers de charges crédibles et rassurants pour les inves-tisseurs. Nous devons, particuliè-rement, donner des dates précises, fournir des critères de sélection clairs et s’assurer que les clauses soient transparentes. L’ultime objectif étant de faire en sorte que lorsque l’appel d’offres sera publié, les investisseurs se présenteront en masse.

Nous allons retenir deux ou trois catégories de projets. Il y aura des projets de catégorie moyenne : 10 mégawatts pour le solaire et 30 mégawatts pour l’éolien. Pourquoi ce choix ? Peut-être parce qu’il y a une vision selon laquelle nous pouvons créer plus d’emplois et faire bénéficier le maximum de régions des investisse-ments dans cette énergie. Nous allons expérimenter cette approche. Nous savons qu’il existe des parties qui sont intéressées par ces projets et qui s’y sont préparées pendant des années.

Il existe également des projets de plus grande taille. Nous avons retenu deux projets d’une capacité égale de 250 mégawatts pour le solaire, un projet de 100 mégawatts pour l’éolien, le tout selon le régime de concession.

Ce sont, certes, des projets de taille

De gros investisseurs comme Total, ENI et

autres compagnies sont intéressés par le marché des énergies vertes en Tunisie.

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moyenne. Mais, comparé à l’état des lieux actuel, soit zéro mégawatt sur le plan commercial, il y a de toute évidence d’énormes progrès.

Lorsque nous sommes arrivés, le solaire disponible dans le pays était estimé à 30 mégawatts, essentiel-lement les toits solaires. Le solaire n’existe pas à grande échelle et les entreprises qui y travaillent sont sur le point de déclarer faillite. Ces entreprises, nous sommes en train de les aider à se redresser, grâce à une enveloppe budgétaire.

Le programme adopté par le gou-vernement prévoit la réalisation de 620 mégawatts par le secteur privé. C’est 20 fois plus qu’auparavant. Cela veut dire que le secteur privé qui opère dans le renouvelable grâce aux projets que nous allons lancer, va faire vingt fois plus que ce qu’il réalisait auparavant.

Au rayon du financement, les bail-leurs de fonds (BEI, BAD…) et agences spécialisées ont fait part de leur disposition à financer des projets d’énergies renouvelables en Tunisie

Pour résumer, les investisseurs sont disponibles, les financements sont disponibles. Le secret de réussite de l’ouverture de ce marché réside dans le lancement d’un signal rassurant aux investisseurs et ce, à travers la conclusion de contrats bien ficelés et la fourniture d’assurances, pour qu’ils puissent exécuter leurs projets dans de bonnes conditions.

L’objectif stratégique est de mettre à la disposition du pays une énergie propre et pérenne. Néanmoins, il importe de préciser que cette nouvelle énergie ne va pas résoudre le problème de l’énergie dans toutes les régions.

u Ces projets de petite et moyenne tailles ne vont pas peut-être faire rêver les gens. Il faut peut-être des projets de plus grande taille, non ? Un pays comme le Maroc s’est forgé la réputation d’être le champion

des énergies vertes, avec la création àOuarzazate-Noor, d’une des plus grandes installations d’Afrique et du monde.

Il existe d’autres projets de plus grande taille devant favoriser l’injec-tion des énergies renouvelables dans le réseau de distribution d’électricité. Pour ce faire, il faut se rappeler que le marché tunisien est un petit marché et qu’il faut réunir deux conditions pour développer des projets titanesques: augmenter la capacité du réseau et réussir l’interconnexion avec l’Italie. Nous sommes en train d’y travailler concomitamment et parallèlement.

u Un mot sur le parc éolien dans la région de Bizerte ; les éoliennes sont à l’arrêt, cela est dû à quoi ?

Ce parc est la propriété de la STEG. Il a été mis sur pied grâce à un don ou un crédit concessionnel. Seulement, une fois réalisé, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas prévu, lors de la conclusion du contrat avec la firme qui a réalisé le projet, un programme de maintenance, voire de service après-vente. Résultat : les pièces de rechange ne sont plus disponibles. C’est pourquoi, dorénavant, tout projet énergétique (énergie conven-tionnelle ou renouvelable) doit être accompagné d’un contrat de main-tenance et d’un service après-vente.

u Et au sujet du développement des ressources humaines, avez-vous une stratégie pour améliorer les capacités et motiver les cadres ?

Rapidement, je dirai qu’il y a un gros travail d’accompli à cette fin. Toutes les grosses entreprises rele-vant de ce ministère (STEG, ETAP, ANME,…) y travaillent. Deux objectifs sont poursuivis à travers le dévelop-pement des ressources humaines. Motiver et garder les cadres de ces structures et faire en sorte que ces entreprises publiques et structures d’appui (ANME) améliorent leur productivité et leur rendement et puissent procurer de nouvelles res-sources financières à l’Etat.

u Votre dernier message aux Tunisiens ?

Mon principal message concerne les indicateurs des mines et de l’éner-gie. Ces indicateurs sont en train de s’améliorer et nous sommes en train de travailler pour qu’ils s’améliorent davantage et de manière significa-tive. Les investissements dans ces secteurs seront importants. Le plus important est qu’on n’empêche plus la production et qu’on ne pousse pas les investisseurs à fuir le pays. Tout peut se résoudre par le dialogue. Car tout poste d’emploi perdu en Tunisie migre vers un autre site. Les jeunes qui ont des diplômes vont s’en priver. Notre mission est de faciliter la création d’emplois. La société civile doit aider à ce que la liberté d’entreprendre soit assurée et respectée �

Interview réalisée parHédi Mechri et Khémaies Krimi

Mon principal message concerne les indicateurs des

mines et de l’ énergie. Ces indicateurs sont en train de s’améliorer et nous sommes en train de travailler pour qu’ils s’améliorent davantage et de manière significative. Les investissements dans ces secteurs seront importants.

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L’ARP aux larges pouvoirs, le Groupe chimique à la traîne, Petrofac réceptacle de tous lec chocs sociaux du secteur pétrolier, le tourisme victime de ses propres déboires autant que du terrorisme et les exportations aux moteurs en panne quand ils ne

sont pas à l’arrêt définitif pèseront de tout leur poids sur la sort de la croissance en 2017.

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Par Faouzi Snoussi

Les six années écoulées n’ont fait qu’assombrir le paysage politique, économique et social dans le pays, alors que,

pour de multiples raisons, on aurait pu mieux faire, surtout que les bases d’un redémarrage existent, grâce à un climat favorable, débarrassé des contraintes passées.

Malheureusement, la classe poli-tique, qui n’a pas suffisamment d’ex-périence, s’est embourbée dans des querelles de chapelle, qui ont fait beaucoup plus de mal que de bien. Résultat : le citoyen est désespéré et ne croit plus à un avenir meilleur.

Chacun y a mis du sien pour que la situation dégénère de plus en plus, avec des mouvements de protestation, le moins qu’on puisse dire, irrespon-sables, l‘absence de communication et d’initiatives de la part des gouver-nements qui se sont succédé, d’autant plus que les problèmes auxquels ils ont dû face au quotidien les ont empêché

de réaliser les programmes, si pro-grammes il y a bien sûr, pour faire redémarrer l’économie.

Une année difficile, mais…Les sans-emploi refusaient de

croire en l’impossibilité pour ces gouvernements de leur fournir un travail, mais pour ceux qui avaient la chance d’en avoir un, l’objectif était de percevoir un salaire sans se fatiguer.

Côté enseignement, c’est pire. Les écoliers ont été pris en otage, durant près de trois ans, dans une querelle entre le ministère et les syndicats qui ne veulent rien lâcher, au point de menacer de boycotter les examens et de refuser de remettre les notes et les moyennes de fin d’année.

L’année 2017 est celle que tous les indicateurs annoncent comme l ’une des plus difficiles. C’est aux Tunisiens d’œuvrer pour démentir les Cassandres et de montrer au monde entier que la Tunisie est comme un phénix qui renaît de ses cendres

Il est nécessaire de redonner de l’espoir à un peuple qui a trop souffert et qui est devenu agressif et défaitiste. Cela n’est pas arrivé depuis des décen-nies, même lorsque le leader Habib Bourguiba n’arrivait plus à gouver-ner le pays. Il est nécessaire aussi de raviver l’intérêt et la confiance des investisseurs qui n’attendent que des signes positifs pour revenir en Tunisie, ce pays qui regorge de compétences. Il ne faut pas s’arrêter à mi-chemin, surtout après le succès qu’a rencontré la conférence « Tunisia 2020 ». Il faut montrer à nos partenaires que tous

les pronostics pessimistes n’ont pour objectif que de ternir l’image d’un pays qui détient d’énormes atouts pour redécoller de nouveau.

Trop de dossiers en suspensCertes, il est douloureux de remuer

le couteau dans la plaie, au risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Consé-quence de ces dérapages incontrôlés, la Tunisie est aujourd’hui dos au mur. Mais le réveil, même un peu tardif, peut être salutaire, dans la mesure où chacun y mettra du sien. Les solutions sont possibles et réalisables.

Le gouvernement de Youssef Cha-hed a donné un regain de vigueur à la politique économique du pays, et la Conférence internationale sur l’investissement et le développement économique « Tunisia 2020 » a ravivé elle aussi l’espoir de voir la Tunisie redécoller et se repositionner sur la scène internationale.

Il est donc urgent que le pays sorte de la crise. Les solutions sont possibles et les dossiers restés en suspens, durant ces six ans, sont nombreux, mais, avec des efforts et un consensus, tout peut être remis sur les rails.

L’ important est de mobiliser l’argent nécessaire pour réaliser les projets économiques, sans oublier, néanmoins, de neutraliser les nom-breux empêcheurs de tourner en rond. Il suffit, pour cela, de regarder les plateaux de télévisions et les déclara-tions intempestives et inconscientes de certains politiciens de la dernière heure, pour nous rendre compte que beaucoup de personnes ne veulent

De grands chantiers pour redonner de l’espoir2017

Gros plan

La nouvelle année commence dans quelques jours et pourtant, le bilan de celle écoulée ressemble, à une virgule près, à celui des précédentes, avec une accumula-tion de problèmes et l’absence de recherche de solutions radicales permettant aux peu de secteurs-clés de l’économie tuni-sienne de reprendre leur élan d’avant la révolution et, pourquoi pas, mieux faire.

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pas du bien pour ce pays et profitent du désordre qui règne pour jouer aux héros. D’autres aussi se présentent comme des experts, alors qu’ils ne connaissent rien au domaine dont ils parlent et leurs gesticulations, au cours des débats, ne servent qu’à cacher leur ignorance.

Phosphate : l’éternel problèmeLa crise du phosphate qui perdure,

malgré une dernière éclaircie, a été catastrophique pour le pays. La pro-duction de phosphate a été laissée au bon gré de quelques trouble-fêtes et contestataires exploités par de tristes personnages, dont le bien de tout un peuple est le dernier souci.

Les résultats réalisés par la Compa-gnie des phosphates de Gafsa (CPG), durant les sept premiers mois de l’année, demeurent en dessous des objectifs énoncés, atteignant 2,1 mil-lions de tonnes, soit une baisse de 44% par rapport aux estimations prévues, à savoir 3,8 millions de tonnes.

Ce résultat est, certes, meilleur que celui de l’année dernière, mais il est très loin de celui réalisé en 2010, où la production de phosphate avait dépassé 4,5 millions de tonnes. Cette baisse est due essentiellement à l’interruption de l’activité, à maintes reprises, au niveau des unités de la CPG à Redeyef, Om Larayes et Mdhilla, à cause, notamment, des mouvements de protestation, du blocage des routes et voies ferrées et du manque de la matière première.

Le mois de novembre a été meilleur, avec une production de 500 mille tonnes, mais voilà que les revendica-tions reprennent pour faire chuter de nouveau la production.

Est-ce vraiment difficile de trou-ver une solution à ce problème qui envenime la vie de tout un pays et qui est à l’origine d’un manque à gagner consistant ?

Il semble que le manque de com-munication soit à l ’origine de ce

problème. Le raccommodage n’a pas apporté les résultats escomptés, notamment avec la création de socié-tés de l’environnement et du boise-ment, et autres. Il n’a fait qu’augmen-ter le fardeau des caisses de la CPG et du GCT (Groupe chimique tunisien), certaines personnes percevant même des salaires pour ne rien faire.

Le dossier de PetrofacL’autre dossier à régler est celui de

la compagnie Petrofac. Les accords établis n’ont rien apporté de nouveau, sauf un nouvel arrêt des activités, à cause des protestations.

La compagnie pétrolière tuniso-britannique opérant dans l’île de Kerkennah, au large de Sfax, vient d’informer le gouvernement de l’im-possibilité de poursuivre ses activités en Tunisie, à cause du blocage des routes menant au champ gazier de Chergui, au sud-est de l’île, par des diplômés chômeurs.

Un accord avait, pourtant, été trouvé, en septembre dernier, avec les protestataires, qui avait alors permis la fin des sit-in (ils avaient duré 9 mois), qui avaient paralysé l’entreprise.

Petrofac, où l’Etat tunisien détient 55% du capital à travers l’ETAP (Entre-prise tunisienne des activités pétro-lières), assure 12,5% des besoins de la Tunisie en gaz naturel, ainsi que l’approvisionnement en électricité de certains gouvernorats du sud tunisien. Imaginons un peu quels seront les résultats si cette compa-gnie quitte la Tunisie et quel sera le manque à gagner.

Le gouvernement aurait pu régler définitivement ce problème, surtout en mobilisant ceux qui travaillent dans cette compagnie et qui vont perdre leur gagne-pain, comme c’est le cas pour d’autres régions, notam-ment à Menzel Bourguiba, dans le gouvernorat de Bizerte, où la vie éco-nomique est à l’arrêt, depuis le départ

de certaines entreprises privées.

Le casse-tête des entreprises publiques en difficulté

Depuis la révolution, les entreprises publiques sont pratiquement toutes dans le rouge, si bien qu’au lieu de créer des richesses, elles puisent dans les caisses de l’Etat pour combler leur déficit.

Si ces entreprises constituent, actuellement, un fardeau, pourquoi ne pas les privatiser et leur donner la possibilité d’éviter ces saignements.

Entre-temps, des compétences et des commis de l’Etat, accusés à tort ou à raison de connivence avec le régime de Ben Ali, attendent de pouvoir travailler.

Le rêve est permisLe désordre, la contrebande, la

corruption, les malversations, la fuite fiscale et le terrorisme continuent d’être des menaces pour l’économie et pour le citoyen. Mais l’année qui vient est une année charnière qui décidera de l’avenir du pays. La Tunisie a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences pour aller de l’avant. Il a besoin, aussi, de la conjugaison de tous les efforts et de l’apport de tous, pour redynamiser son économie et donner de lui l’image qui doit être la sienne.

Les décideurs politiques se doivent de tenir un discours vrai, juste et courageux, même s’il ne plaît pas à tout le monde, afin de mettre tous les acteurs de la vie publique tunisienne devant leurs responsabilités. Patrons, syndicats, l’Etat lui-même doivent repenser leur vision et réinventer les outils et leur méthode d’action. Ils sont placés face à cette impérieuse nécessité de réenchanter le pays car le Tunisien a le droit de rêver d’un avenir meilleur. Aux décideurs de ne pas briser ce rêve �

Gros plan

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Encore une fois, la Tunisie fait la « Une » de la presse mondiale. Non pas par un exploit scien-tifique, ou économique, ou culturel, mais par la terreur qu’a semée, selon la police allemande, un

ressortissant tunisien dans un marché de Noël berlinois. L’auteur présumé de ce nouveau massacre en Europe, Anis Amri, 24 ans, alors qu’il était activement recher-ché par toutes les polices européennes, a pu sortir de l’Allemagne, traverser la France et arriver en Italie, dans une banlieue de Milan, où il fut finalement abattu par la police italienne après un échange de tirs, emportant avec lui tous ses secrets. Les autorités d’Allemagne fédérale l’accusent d’être le conducteur du camion-bélier utilisé dans l’attentat terroriste de Berlin le 19 décembre, qui a fait 12 morts et des dizaines de blessés.

L’attentat perpétré par le terroriste présumé Anis Amri intervient cinq mois après l’attentat de Nice commis le 14 juillet dernier, par un autre terroriste tunisien, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, utilisant lui aussi un camion-bélier. Le bilan est lourd : 86 morts et des centaines de blessés.

Les deux attentats ont été revendiqués par l’organisation terroriste Daech.

De par l’atrocité de leurs actes et leur médiatisation à une échelle mondiale, ces deux terroristes (à supposer que les accusations de la police allemande contre Anis Amri soient fondées) ont contribué à eux seuls à ternir beaucoup plus l’image de la Tunisie que les 3000 ou 4000 terroristes tunisiens actifs en Syrie, en Irak et en Libye. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a loué un camion frigorifique avec lequel il a commis son massacre sur la promenade des Anglais à Nice. Et le présumé terroriste de Berlin a tué le chauffeur polonais avant de s’emparer de son camion et foncer sur de paisibles citoyens berli-nois qui préparaient leur fête annuelle en faisant leurs achats dans le marché de Noël.

La majorité des Tunisiens sont sous le choc. Tous sou-haitent dans leur for intérieur que la police allemande se trompe et qu’elle découvre un autre coupable d’une autre nationalité. Toutefois, la mort du terroriste présumé va très probablement mettre un terme aux investigations et aboutir au classement définitif du dossier du massacre de Berlin.

Maintenant, venons-en à l’essentiel. Supposons encore une fois que le terroriste présumé Anis Amri soit le véri-table auteur du massacre de Berlin. Il est important de souligner ici que ni lui, ni Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’ont quitté la Tunisie en tant que terroristes, détermi-nés à traverser la Méditerranée pour aller massacrer des Européens. Celui-ci a émigré en France où il mena une vie normale comme n’importe quel autre émigré, avant d’être la proie des milieux intégristes implantés en France.

Lahouaiej-Bouhlel ne serait jamais devenu terroriste, si la France laïque n’avait pas été très peu regardante et complaisante, pour ne pas dire complice, avec un wahhabisme hyperactif dans les milieux émigrés arabes.

Par Hmida Ben Romdhane

Massacres de Nice le 14 juillet et de Berlin le 19 décembre

Chronique

La Tunisie et les Tunisiens ne sont pas responsables de la radicalisation et du basculement

dans le terrorisme des tueurs de Nice et de Berlin et n’ont pas à en avoir honte. La terreur qui sévit en Europe aujourd’ hui est le résultat logique et naturel de l’ hospitalité et de l’aide multiforme, accordées à l’ islam politique et à ses représentants en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Belgique et dans d’autres pays européens.

Qui sont les vrais responsables ?

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La France laïque a permis que l’argent du pétrole soit utilisé dans la construction de mosquées wahhabites, où sont enseignés le fanatisme et la haine du non-musul-man. La France laïque a permis et permet toujours à ce que des imams ignares prennent possession de ces mosquées et enseignent à des enfants de 5 et 6 ans que « le bon Dieu transforme en cochon quiconque écoute la musique ». Comment, dès lors, ne pas faire assumer à la France officielle une responsabilité dans la fanatisation et la radicalisation des jeunes émigrés des banlieues des grandes villes françaises ?

Toutes les mises en garde envoyées de Tunis tombaient alors dans l’oreille d’un sourd

Certes, depuis des décennies, la marginalisation et le déracinement des jeunes émigrés engendraient des problèmes de sécurité dans les banlieues françaises. Mais sans l’offensive du wahhabisme et du jihadisme, ces problèmes n’auraient jamais évolué en phénomène terroriste.

Pour la plupart des citoyens français, le massacre de Nice a été perpétré par un terroriste tunisien. Ils ignorent ou se moquent de savoir que le coupable a débarqué chez eux et a vécu des années en jeune homme très ordinaire, et que c’est en France qu’il a été endoctriné, fanatisé et recruté par l’hydre terroriste, grâce à la négligence ou la complaisance, pour ne pas dire la complicité, de l’Etat laïque français.

Le cas du tueur ou du présumé tueur de Berlin n’est pas très différent. Quand il traversa illégalement la Méditerranée en direction de l’Italie en février 2011, Anis Amri n’était pas terroriste, mais un jeune délinquant qui a fait de la prison pour quelques délits de droit commun. En Italie, il a écopé de trois ans de prison pour avoir incendié un campement de réfugiés. A sa libération, il s’arrangea pour passer en Allemagne, où il déposa une demande de réfugié.

Toujours délinquant, Anis Amri fut brièvement empri-sonné pour une bagarre dans un bar, avant sa rencontre avec un « imam » irakien portant le pseudonyme d’Abou Al Wala, qui l’endoctrina et le transforma de délinquant en terroriste.

Pour la plupart des citoyens allemands, le massacre de Berlin a été perpétré par un terroriste tunisien. Ils ignorent ou se moquent de savoir que le coupable a débarqué chez eux en délinquant, et c’est en Allemagne qu’il a été endoctriné, fanatisé et recruté par l’hydre terroriste.

Les autorités allemandes assument la même res-ponsabilité que les autorités françaises. Car, rien qu’à

Berlin, 18 mosquées étaient utilisées au vu et au su de tous dans la diffusion du discours radical, et surtout dans le recrutement pour le jihad en Syrie pour « 20.000 euros pour chaque jihadiste de nationalité allemande recruté ». Le dernier chiffre parle de « 682 jihadistes recrutés en Allemagne ». On ne peut pas dire que tout cela a été fait, alors que les services de renseignements allemands ne sont au courant de rien. Non, ceux-ci sont connus pour être parmi les meilleurs services de renseignements du monde, par conséquent, ils doivent avoir tous les renseignements sur ceux qui financent, ceux qui recrutent et ceux qui sont recrutés.

La responsabilité des autorités allemandes se situe également à un autre niveau. Elles disposent de tout un dossier sur Anis Amri, elles savent qu’il constitue un danger pour l’ordre public et pourtant, elles n’ont rien fait pour le neutraliser. C’est pour tenter d’échapper aux critiques acerbes dont elles font l’objet de la part de la presse et de l’opinion allemandes qu’elles ont rejeté la responsabilité sur la Tunisie, « coupable d’avoir reconnu tardivement » la nationalité tunisienne du tueur pré-sumé de Berlin.

La Tunisie et les Tunisiens ne sont pas responsables de la radicalisation et du basculement dans le terro-risme des tueurs de Nice et de Berlin et n’ont pas à en avoir honte. La terreur qui sévit en Europe aujourd’hui est le résultat logique et naturel de l’hospitalité et de l’aide multiforme, accordées à l’islam politique et à ses représentants en Grande-Bretagne, en France, en Alle-magne, en Belgique et dans d’autres pays européens. Rappelons pour mémoire que, des décennies durant, la Tunisie n’a cessé de mettre en garde ces pays sur le danger que constitue l’islam radical pour leur sécurité et pour la nôtre.

Toutes les mises en garde envoyées de Tunis tom-baient alors dans l’oreille d’un sourd. Aujourd’hui, rétrospectivement, ces mises en garde prennent toute leur importance et leur pertinence. Si maintenant tout le monde est dans le pétrin, c’est parce que, entre autres raisons, Londres, Paris, Berlin et Bruxelles ont ignoré les mises en garde de la Tunisie.

On reste pantois face à l’obstination déconcertante des pays occidentaux à ne pas reconnaitre leurs erreurs catastrophiques. Pire, et comme si de rien n’était, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, pour ne citer que ces trois pays, non seulement ils se soucient comme d’une guigne des conséquences catastrophiques de leurs actions en Libye, mais ils cherchent désespérément les moyens de sauver ce qui peut l’être d’une opposition armée aux abois, celle-là même qui, pendant près de six ans, a mis la Syrie à feu et à sang �

Chronique

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La BCT adopte la voie la plus risquée pour commencer la libéralisation du capital

FinanceAbdelhay Chouikha

Consultant Financier

Accord Tunisie - FMI

Le dossier des négociations de la Tunisie avec le Fonds monétaire international (FMI) du mois de mai 2016 (dossier publié par les médias) comprend une note préparée par les autorités

tunisiennes à l’intention du FMI : « Mémorandum des politiques économiques et financières », présentant les points importants du programme économique du pays pour les quatre prochaines années. Dans ce programme, un point qui attire l’attention concerne les mesures prises par la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour entamer la « libre mobilité du capital ».Ces mesures incluent :

- « La suppression du plafonnement de la sous-cription des étrangers aux titres d’emprunt émis par l’Etat ou par les sociétés résidentes.

- Un déplafonnement total des emprunts exté-rieurs contractés par les établissements de crédit et les sociétés totalement exportatrices.

- Le relèvement du plafond concernant toutes les autres entreprises ».

Cette approche - qui consiste à commencer la libéralisation des flux de capitaux par l’ouverture du marché des dettes aux flux de fonds - est considérée par les économistes internationaux comme très risquée pour les pays en voie de développement, à cause de sa grande volatilité.

Il est surprenant de voir le FMI soutenir une telle approche. En effet, ce même dossier de négociations com-prend une note préparée par le FMI expliquant la demande d’accord élargi de crédit FMI. Dans la partie intitulée « Programme appuyé par le FMI », ce dernier stipule :

- « Les services du FMI ont noté avec satisfaction les mesures prises pour réduire les contrôles ex-

ante sur les transactions courantes, supprimer le plafond de la dette publique détenue par des étrangers et octroyer des pouvoirs élargis aux banques pour les transferts de devises ».

Cette position est très étonnante de la part du FMI, car elle est en contradiction totale avec la démarche que ce même FMI recommande dans son document daté du 14 novembre 2012 concernant la « libéralisa-tion et la gestion des flux de capitaux », où il indique que « historiquement, les flux de dette ont été plus volatiles et risqués pour le système financier que l’ont été les flux d’investissements directs étrangers (IDE) et des portefeuilles d’actions », et où il conseille que la libéralisation soit faite après des réformes profondes du système financier et par étapes, dont la toute dernière est celle des flux de capitaux à court terme.

Donc, la décision de la BCT ainsi que l’appui du FMI à cette décision sont surprenants et même cho-quants ; ils ne tiennent pas compte des leçons que les économistes du monde ont tirées des dernières crises financières internationale (2008-2009) et du sud-est asiatique (1997-1998).

Commençons par voir ce que les économistes inter-nationaux tirent comme leçons sur cette libéralisation pour les pays en voie de développement.

Libéralisation totale des flux de capitaux : est-elle bénéfique ?

La libéralisation totale des flux de capitaux dans les pays en voie de développement est basée sur un choix idéologique et politique, plutôt que sur un fondement économique. Le FMI, qui a toujours opté pour la théo-rie économique néo-classique, a souvent poussé les

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pays en voie de développement (y compris la Tunisie) à adopter une libéralisation totale des capitaux. Mais après les dernières crises financières dans le monde, les recherches et études pratiques ont montré que ses choix étaient plutôt politiques, et sans fondement économique.

A la suite des crises financières qui ont secoué le monde économique (et particulièrement la crise inter-nationale de 2008-2009 et la crise du sud-est asiatique de 1997-1998), des économistes internationaux (y com-pris des économistes qui travaillent avec le FMI) ont conduit des études pratiques très importantes, pour tirer les leçons de ces crises. En avril 2013, le FMI a réuni, dans un séminaire, des économistes éminents et des responsables de politique économique de cer-tains pays, pour discuter les conséquences des crises financières sur l’avenir macro-économique dans le monde. Leurs conclusions sur la libéralisation des flux de capitaux sont intéressantes.

Dans ce séminaire, M. José De Grigorio, professeur d’économie et gouverneur de la Banque centrale du Chili (2007-2011) rapporte les résultats obtenus par plusieurs chercheurs : - Obsfeld a conclu que, de façon claire, il n’y a aucune documentation convaincante montrant les impacts directs et positifs de l’ouverture financière sur les niveaux de bien-être économique ou sur les taux de croissance des pays en voie de déve-loppement ; - Subramanian et Williamson, après une étude utilisant 2.340 régressions, ont échoué quant au fait de montrer une évidence solide d’une relation positive entre la globalisation financière et la crois-sance, soulevant ainsi des questions sur la poursuite de toute forme d’intégration financière comme objectif de politique urgente… et ils ont trouvé que les flux de portefeuilles d’actions et d’investissements directs étrangers sont probablement plus générateurs d’effets positifs significatifs sur la croissance, comparés aux flux de dette bancaire et de portefeuilles de dettes.

M. Davvuri Subbarao, gouverneur de la Banque centrale de l’Inde (2008-2013) a déclaré, lors du sémi-naire, que les trois grandes questions sur lesquelles le consensus, qui prévalait avant la crise, a totalement disparu sont les suivantes :

- le mouvement vers un compte de capital totale-ment ouvert ;

- l’utilisation des contrôles de capital comme ins-truments de stabilisation à court-terme ;

- l’attrait de l’intervention sur les taux de change.Il ajoute que la sagesse, apprise aujourd’hui, est que

les contrôles de capital sont non seulement appropriés, mais même désirables dans certaines circonstances.

Dans une étude intitulée « Too Much Finance », publiée en 2012 par le FMI, les professeurs Jean Louis Arcand, Enrico Berkes et Ugo Panizza trouvent, à travers leurs recherches, que le « financement » (par crédit de dettes) au-delà d’un certain niveau commence à avoir des effets négatifs sur la croissance du produit national d’un pays en voie de développement.

Pour résumer les résultats de ces travaux de recherches, les conclusions sont comme suit :

- Il n’y a aucune preuve formelle d’effet direct et positif de la libéralisation des flux de capitaux sur la croissance de l’économie d’un pays en voie de développement. Certains pays ont réalisé des taux de croissance très élevés sans ouverture de leurs marchés financiers.

- Les économistes parlent maintenant de « gestion des flux de capitaux » plutôt que de « libéralisation totale des capitaux ».

- Si la libéralisation est choisie par un pays, elle a intérêt à être réalisée par étapes, la dernière de ces étapes étant la libéralisation des flux de dette, qui doit être précédée par le renforcement de l’efficacité du marché financier.

Ceci résume les leçons apprises des dernières crises financières qui ont secoué le monde. En Tunisie, certains politiciens continuent à appeler à la libéralisation totale et rapide des flux de capitaux, ne prenant nullement en considération les leçons tirées par les économistes internationaux.

Risques de l’approche décidée par la BCT Différentes études ont montré que la libéralisation

des flux de capitaux contribue à créer un système financier international très instable. Ceci suggère que les pays en voie de développement ont plutôt intérêt à adopter une approche de « gestion des flux de capitaux ».

Pendant la dernière crise financière internationale (2008-2009), les Banques centrales des grands pays ont injecté un montant énorme de liquidités sur les marchés, par différentes techniques (y compris

- Federal Reserve Bank USA 3.300- Banque centrale européenne 3.400- Banque centrale du Japon 1.800- Banque centrale d’Angleterre 600

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Analyse

Quantitative Easing). Entre janvier 2007 et janvier 2013, les liquidités ont presque triplé pour atteindre plus de 9.100 milliards de dollars, injectés par ces Banques centrales :

Un tel niveau de liquidités entraine de gros risques d’instabilité et de volatilité. Au séminaire du FMI (2013), le professeur Marcio Holland, secrétaire de la Politique économique au ministère des Finances du Brésil depuis 2011, a commenté ce fait en affirmant qu’aujourd’hui, il y a une nature différente de flux de capital : c’est une « injection de liquidité » plutôt qu’une « libéralisa-tion de flux de capitaux ». Avec de telles liquidités, les fonds d’investissement « spéculateurs » peuvent facilement intervenir avec des sommes énormes dans des pays en voie de développement, et perturber leur stabilité financière de façon très coûteuse.

Tout le monde sait qu’il y a des fonds d’investissement notés comme « fonds spéculateurs », car ils tentent de réaliser des bénéfices par des spéculations sur les instruments des marchés financiers (plutôt que par

des investissements productifs), quitte à provoquer de grandes perturbations sur ces marchés. Le cas le plus connu s’est passé en 1992, où un seul fonds spéculateur, celui de Georges Soros, a forcé la Grande-Bretagne à quitter le Mécanisme européen de taux de change (un système de taux de change fixe) : la Grande-Bretagne, pays avec un marché financier pourtant très développé, a subi de grandes pertes, mais le fonds de Soros a réalisé des bénéfices de un milliard de dollars.

L’autre cas très connu est celui des 5 pays du sud-est asiatique, qui ont réalisé dans les années 90 des taux de croissance très importants, qui ont ouvert leurs marchés financiers à l’époque sous la pression d’organismes internationaux et de grands pays, et qui ont subi une grande crise financière en 1997-1998, causée par des fonds spéculateurs.

Pour pénétrer dans un marché d’un pays en voie de développement, ces fonds commencent par acquérir des titres de dette (bons de trésor, obligations, crédits aux banques, etc.), qu’ils pourront vendre rapidement le jour où ils veulent quitter ce pays.

Pour avoir une idée de la façon utilisée par ces fonds, prenons un exemple très simple. Supposons que des fonds spéculateurs cherchent à pénétrer le marché tunisien : le taux du marché monétaire (TMM) étant proche de 5%, celui-ci est supérieur à celui des USA ou du Japon, qui est inférieur à 1%. Cette différence de taux s’explique par le fait que le dinar se dévalue annuellement de près de 4%. Comment agissent les fonds spéculateurs pour réaliser leurs bénéfices sans subir le coût de dévaluation? Ils achètent des titres de dettes en dinars en très grande quantité (milliards de dollars). Comme ils achètent des dinars, ils poussent le taux de change du dinar vers une hausse importante. Ceci a immédiatement un effet négatif sur le commerce extérieur du pays : les exportations diminuent car leurs prix en devises étrangères augmentent, les importations augmentent car leurs prix en dinars diminuent. D’où une augmentation importante du déficit commercial. En même temps, il y a un effet inflationniste important à cause de l’augmentation énorme des liquidités sur le marché. Comment réagit la BCT dont la première responsabilité est de contrôler l’inflation ? Elle utilise l’instrument de politique monétaire le plus courant : l’augmentation du taux d’intérêt. Ceci encourage les fonds spéculateurs à augmenter leurs injections de fonds de capitaux. Donc, encore plus de déficit com-mercial et plus d’inflation. Ceci peut mener la BCT à prendre des mesures plus dramatiques (comme la déclaration de la dévaluation du dinar). Mais, juste avant d’arriver à ce point, les fonds spéculateurs vendent tous leurs portefeuilles de dettes et quittent le pays. Cette sortie rapide des fonds est un autre facteur de déstabilisation. Les fonds réalisent ainsi des bénéfices importants (qui peuvent être encore plus importants s’ils utilisent en même temps des produits dérivés), mais laissent le pays dans une grande volatilité éco-nomique. Cet exemple illustre les risques que court l’économie du pays.

Dans son document du 12 avril 2012, le FMI souligne bien de tels risques : « … le surgissement des capitaux peut mener à une volatilité des prix d’actifs et à des bulles, à une appréciation rapide du taux de change, à des hausses rapides des crédits, à des chutes insoutenables des primes de risque, à une distorsion du marché monétaire, et à une distor-

Tout le monde sait qu’il y a des fonds d’investissement notés comme « fonds spéculateurs

», car ils tentent de réaliser des bénéfices par des spéculations sur les instruments des marchés financiers (plutôt que par des investissements productifs), quitte à provoquer de grandes perturbations sur ces marchés.

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sion de la transmission de la politique monétaire ».Certains économistes avaient déjà souligné de

tels risques, même avant la dernière crise financière internationale. Le célèbre économiste Robert Mundell avait écrit, dans les années 90, ce qui suit : « Malheu-reusement,… il y a des externalités négatives [d’une libéralisation du compte capital avant terme]. L’une d’elles est que l’emprunt aille vers la consommation plutôt que vers l ’investissement, permettant au pays importateur du capital de vivre au-delà de ses moyens…sans aucune compensation dans le produit de l’avenir qui permet le service des dettes. Même si les dettes sont entièrement entre les mains du privé, le gouvernement peut se sentir obligé de transformer la dette impayable en dette souveraine, plutôt que de permettre l’exécution des hypothèques… » (Ref. article de Sebastien Edwards)

Comment corriger cette situation ? Les expériences d’autres pays, que ce soit au sud-

est asiatique ou en Amérique du Sud, montrent de façon claire que l’approche adoptée par la BCT est très risquée. Il est important pour la Tunisie de corriger cette situation. Plusieurs solutions sont possibles : les responsables économiques qui connaissent bien la situation du pays peuvent en avancer plusieurs.

1- La solution la plus simple serait d’annuler cette décision de la BCT. Comme, de par son nouveau statut, la BCT est soumise au contrôle du parlement, et non du gouvernement, le parlement peut décider l’annulation de cette décision et demander à la BCT de lui présenter toute une stratégie rationnelle de libéralisation des capitaux, qui doit passer par différentes étapes, comme celles recommandées en général par le FMI. Le parle-ment prend la décision d’une telle stratégie, y compris des critères et normes clairs de mise en application de chaque étape. Il peut aussi expliquer au FMI, à qui cette décision de la BCT a été avancée en mai 2016, que la Tunisie préfère une politique plus prudente.

2- Une autre solution serait que le gouvernement adopte une politique macro-prudentielle comme cer-tains pays d’Amérique du Sud ou de l’Asie. Au Brésil par exemple, les autorités ont pris des mesures macro-pru-dentielles, dont des restrictions sur le compte capital. Ils ont imposé une taxe de 6% sur les opérations finan-cières à court-terme, y compris les prêts extérieurs de moins de un an. Aucune restriction n’a été prise sur les investissements directs étrangers et sur les opérations financières à long terme. Le professeur Marcio Holland commente cette stratégie en ces termes : « Une telle stratégie a été effective pour faire face à la liquidité internationale croissante et pour prévenir les entrées de capitaux étrangers à très court terme, et aussi pour changer la composition des entrées de capitaux vers des flux de capitaux de meilleure qualité ». Dans un tel cas, la taxe imposée peut changer vers la hausse ou vers la baisse, selon l’importance des risques perçus par les autorités. Le Chili a adopté une politique similaire à celle du Brésil. Ses contrôles des flux de capitaux avaient trois objectifs : - ralentir les entrées de capitaux et changer leur composition vers des capitaux à long terme, - réduire et retarder l’augmentation du taux de change réel, - aider les autorités monétaires à adopter une politique monétaire indépendante.

En Asie, la Malaisie et la Thaïlande ont aussi utilisé des contrôles de capitaux pendant les périodes de crise.

La « gestion des flux de capitaux » est une poli-tique adoptée par plusieurs pays en voie de développe-ment. Comme l’indique le professeur Marcio Holland, les mesures de gestion des flux de capitaux sont une question technique plutôt qu’idéologique.

Les solutions proposées ci-dessus ne sont pas les seules disponibles, on peut en trouver d’autres en étu-diant les expériences d’autres pays. Mais le problème important réside dans le changement de la politique adoptée par la BCT et qui constitue de graves risques pour l’économie du pays �

Analyse

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Société tUNiSAciER SA (EN liqUidAtioN) Société ilVA MAGHREB SA (EN liqUidAtioN) ilVA coMMERciAlE SRl (EN liqUidAtioN)

Avis d’Appel d’Offres International – Cession d’actifs/ bloc d’actions

Les Sociétés TUNISACIER SA et ILVA MAGHREB SA ainsi que l’actionnaire majoritaire ILVA Com-merciale Srl (en liquidation) se proposent de lancer un appel d’offres international portant sur la cession d’actifs ou d’un bloc d’actions majoritaires des sociétés TUNISACIER SA et ILVA MAGHREB SA, et ce, en conformité avec les dispositions du dossier d’appels d’offres.

La société TUNISACIER SA (en liquidation) est une société non résidente de Droit Tunisien, au capital de sept millions (7.000.000) de dinars, détenue majoritairement et à 99,999 % par la société ILVA Commerciale (en liquidation). TUNISACIER SA est propriétaire d’une unité de transformation de bobines laminées à chaud en bobines galvanisées d’une capacité annuelle de production de deux cent mille (200.000) tonnes par an.

L’usine de TUNISACIER SA (en liquidation) est implantée au Parc d’Activités Economiques de Bizerte sur un terrain de 61.540 m², suivant une convention d’occupation.

La société ILVA MAGHREB SA (en liquidation) est une société résidente, de droit Tunisien, au capital de un million huit cent mille (1.800.000) dinars, détenue majoritairement et à 95 % par la société ILVA Commerciale Srl (en liquidation). ILVA MAGHREB SA est propriétaire d’une unité de transformation de bobines galvanisées ou éléctro zingués en tôles d’acier, de longueur d’une capacité annuelle de production de vingt cinq (25.000) tonnes par an.

L’usine de ILVA MAGHREB est implantée au Parc d’Activités Economiques de Bizerte sur un terrain de 38.531 m², suivant une convention d’occupation.

Peuvent participer au présent appel d’offres international les sociétés ou groupement de sociétés tuni-siennes ou étrangères répondant aux conditions requises par le dossier d’appel d’offres et ayant retiré régulièrement le dossier d’appel d’offres international.

Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offres auprès du Liquidateur des sociétés TUNISACIER SA et ILVA MAGHREB SA à l’adresse indiquée ci après, à partir du 28 Décembre 2016, contre le paiement d’un montant de mille (1.000) Dinars non remboursable.

Adresse : 34 Place du 14 Janvier 2011 Tunis – 1001 Tunisie, au 1er étage auprès de Monsieur Adly Ben Rhouma le liquidateur des sociétés TUNISACIER SA et ILVA MAGHREB SA.

Pour être recevables, les offres doivent obligatoirement être établies et présentées conformément aux indications du dossier d’appel d’offres et notamment en ce qui concerne le contenu de chacune des enve-loppes, à l’adresse indiquée ci-dessus.

Les Offres doivent être transmises par courrier recommandé ou par rapide poste ou remises directe-ment à l’adresse sus indiquée, contre décharge, l’enveloppe devant porter la mention « Ne pas ouvrir – Appel d’Offres International – Acquisition d’actifs/ bloc d’actions des sociétés TUNISACIER SA et ILVA MAGHREB SA ».

Les offres doivent être accompagnées d’une caution bancaire provisoire d’un montant égal à 1% du montant se rapportant à l’offre de TUNISACIER SA et de 1% du montant se rapportant à l’offre de ILVA MAGHREB.

Les cautions bancaires ainsi que les offres d’acquisition doivent être valables Cent Vingt (120) jours à partir du lendemain de la date limite de réception des offres.

Les offres doivent être reçues au plus tard le 28 Février 2017 à 15 heures, délai de rigueur.

Le Liquidateur

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Analyse

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Le partage de la valeur ajoutéeAu-delà des idées reçues

Le partage de la valeur ajoutée dans les sociétés modernes est, sans nul doute, une question cruciale, tant sur le plan économique que sur le plan social et politique. C’est notamment à travers ce partage qu’est perçue la paix sociale.

C’est, enfin, en fonction des résultats de cette répartition que la plupart des ajustements économiques et financiers se déterminent (prix, investissement, chômage, consommation, déficit

commercial, déficit budgétaire, etc.).

Quelques précisions liminairesLe débat autour de cette question difficile requiert

une connaissance, même approximative, de la richesse à partager et des agents économiques, qui concourent à sa création en Tunisie. Pour cela, il faut rappeler, au préalable, que la somme des valeurs ajoutées brutes, soit la richesse annuelle créée par les résidents, est égale au PIB au coût des facteurs. Ce dernier est égal au PIB aux prix du marché, déduction faite des impôts indirects nets de subventions. En effet, l’Etat majore les prix au coût des facteurs (facteurs de production) par les impôts indirects, mais il accorde également des subventions pour la production. Ainsi, pour étudier la répartition de la richesse, créée durant une année, entre les facteurs de production, il faut se référer au PIB au coût des facteurs.

Cela étant, il faut également rappeler que le PIB au coût des facteurs se répartit approximativement en profits bruts, en salaires bruts et en revenus des indé-pendants. Plus précisément, la comptabilité nationale retient globalement 4 secteurs institutionnels, qui concourent à la création de la valeur ajoutée globale : les sociétés non financières et financières, l’administration publique, les entreprises individuelles et les ménages.

Les sociétés non financières et financières (ou sim-plement les sociétés) sont des sociétés du point de vue juridique, alors que les entreprises individuelles ont le

statut juridique de personnes physiques. Ces entreprises comprennent les micro-entreprises, qui constituent le secteur informel localisé (0 à 5 salariés), et une partie du commerce parallèle. Elles sont constituées, pour l’essentiel, d’indépendants et d’aides familiaux (les petits agriculteurs, les artisans, les professions libérales, les petits commerçants, les prestataires de divers services comme la réparation, etc.). Quant aux ménages, ils ont une activité de production à domicile (artisanat, services divers, etc.) et emploient des salariés (gardiennage, femmes de ménage, etc.).

Pour la commodité de l’analyse, on intègre la valeur ajoutée des ménages (très faible) et leur emploi salarié (minime) dans le secteur des entreprises individuelles.

La structure de l’emploi salarié et celle de la valeur ajoutée totale

Il est à préciser que le taux de salariat en Tunisie (salariés par rapport à l’emploi total) est aujourd’hui de 72% environ. Le secteur des sociétés emploie environ 70% des salariés, l’administration 26% et les entreprises individuelles 4%. Ces chiffres étaient, en 2005, respectivement 67%, 27% et 6%.

En termes de parts dans l’emploi total, le secteur des sociétés représente 50% en 2014, l’administration 19% et les entreprises individuelles 31%.

Comment se répartit la valeur ajoutée ou le PIB au coût des facteurs

La part de l’administration publique est de 19% (sa valeur ajoutée est plutôt une convention comptable), contre 17% en 2005, alors que celle des entreprises individuelles est de 44% en 2014 et en 2005.

Aussi, lorsque l’on discute du partage de la valeur

Afif HendaouiAncien ministre, professeur d’économie

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Analyse

47Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

ajoutée, faut-il avoir en tête les données précédentes. A cet égard, le salariat, qui est un rapport de pro-duction caractéristique du capitalisme, est le lieu de rapports de forces entre les salariés (syndiqués pour l’écrasante majorité) d’une part, et le patronat ainsi que l’Etat d’autre part. Quant au secteur des entre-prises individuelles - que l’on peut qualifier de petite production marchande -, il est fondamentalement régi par un mode de production non capitaliste, où le revenu constitue principalement la rémunération du travail (avec une très large confusion entre le bénéfice et la rémunération du travailleur indépendant). Dans ce sens, la lutte pour le partage de la valeur ajoutée ne concerne pas ce secteur ; et le petit nombre de salariés qui y travaillent sont, pour la plupart, des occasionnels non organisés. Toutefois, cette lutte peut apparaître à l’occasion de la redistribution du revenu, qui est une question méthodologiquement différente de celle de sa création, et qui concerne par ailleurs tous les agents économiques.

Quel agrégat significatif à retenir pour analyser l’évolution de la part des salaires

Eu égard à ce qui précède, la lutte pour le partage de la valeur ajoutée ne concerne logiquement que le secteur des sociétés et l’administration publique. En outre et contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de partage de la valeur ajoutée qui soit considéré comme équitable. Il s’agit de rapports de forces entre les parties prenantes dans la négociation du salaire, en tenant compte cependant de données objectives, comme la productivité du travail, le chômage, l’inflation, la croissance de la valeur ajoutée ou le déficit budgétaire.

Pour analyser cet aspect, il faut donc raisonner sur les seules données du secteur des sociétés et de l’administration publique. Sur cette base, on retient la valeur ajoutée de ces deux entités comme étant le PIB partiel au coût des facteurs. Dans cet ensemble, l’emploi salarié y représente, par conséquent, la tota-lité de l’emploi, soit un taux de salariat de 100%. De ce point de vue, la valeur ajoutée du secteur des sociétés représente 66% du PIB partiel au coût des facteurs en 2014, contre 70% en 2005, alors que celle de l’adminis-tration est respectivement de 34 et 30%. Quant à la répartition des salariés, elle est de 73% en 2014 pour le secteur des sociétés, contre 72% en 2005.

Comment évolue la part des salaires bruts dans le PIB partiel au coût des facteurs

Elle passe de 55% en 2005 à 60.5% en 2014, avec une accélération à partir de 2009. Sur la décennie 2005-2014,

cette part a augmenté en moyenne de 1.9% par an, ce qui est particulièrement important. Si, par contre, l’on raisonnait sur la part de l’ensemble des salaires bruts par rapport au PIB au coût des facteurs (et non pas le PIB partiel), comme le font la majorité des analystes, on remarquerait que cette part passe de 39.6% en 2005 à 42% en 2014, soit une croissance deux fois moins rapide que dans le cas précédent.

Ce dernier résultat peut induire en erreur, puisque la part des salaires est calculée sur la base de la valeur ajoutée globale, dont plus de 40% n’est pas le fait des salariés (il s’agit de la valeur ajoutée créée par les indépendants et les aides familiaux). Ainsi, on ne peut pas se prévaloir de cette méthode pour donner un quelconque avis sur l’évolution de la part des salaires dans le PIB au coût des facteurs.

Que signifient donc les résultats basés sur le PIB partiel au coût des facteurs ?

Ils indiquent que le salaire moyen réel (net de l’aug-mentation des prix) croît depuis 2007 deux fois plus vite que la productivité du travail. Cela entraîne, en contrepartie, la baisse de la part du revenu d’exploi-tation (profit brut avant impôt, distribution des dividendes et paiement des intérêts) des sociétés et de l’administration, prises ensemble, de près de 2.5% par an sur 2007-2014.

Deux logiques de l’évolution des salairesCe résultat global doit être affiné au niveau de

chacune des deux composantes du PIB partiel au coût des facteurs, à savoir le secteur des sociétés et l’administration publique.

S’agissant du secteur des sociétés, la part des salaires dans sa valeur ajoutée passe de 45% en 2005 à 50.5% en 2014, soit une croissance moyenne de plus de 2% sur 2007-2014 (une croissance plus rapide à partir de 2010). Quant au revenu d’exploitation, sa part dimi-nue au rythme de 1.9% environ sur la même période. Cela traduit le fait que le coût unitaire du salaire (ce que coûte une unité produite en salaire) augmente de plus de 7% sur 2008-2014, contre près de 5% pour le prix du secteur. Les 2% de différentiel entre le coût unitaire du salaire et le prix représentent l’écart entre la croissance du salaire réel et celle de la productivité du travail. Cela emporte des conséquences négatives sur la compétitivité de ce secteur, sur l’investissement, sur l’emploi et sur l’inflation. Ces conséquences sont d’autant plus négatives que ces dernières années enre-gistrent un ralentissement sensible de la croissance de la valeur ajoutée, réduisant d’autant la marge de manœuvre du secteur.

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Analyse

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Par ailleurs, il y a lieu de préciser que le salaire brut, pour le secteur des sociétés, est considéré du point de vue du coût qu’il représente. Aussi, le salaire réel est obtenu en « déflatant » le salaire monétaire par l’indice du prix de la valeur ajoutée du secteur. C’est la seule approche cohérente pour analyser le partage de la valeur ajoutée et apprécier les évolutions comparées de la productivité du travail et du salaire réel. A cet égard, les études qui se basent sur le salaire réel, déterminé à partir de l’indice des prix à la consommation (qui mesure l’inflation), sont pour le moins imprécises. Elles confondent le salaire-coût avec le salaire-revenu. Ce dernier renvoie au pouvoir d’achat des salariés, alors que le premier se réfère à la formation du prix pour les entreprises.

Eu égard à ce qui précède, il n’est pas inutile de souli-gner que le partage de la valeur ajoutée entre le revenu d’exploitation et les salaires ne peut rester constant que si, et seulement si, le coût unitaire du salaire augmente au même taux que le prix de production. Autrement dit, quand le salaire réel augmente au même taux que celui de la productivité du travail. C’est bien le contraire qui se passe depuis 2008, où le revenu d’exploitation du secteur des sociétés s’est sensiblement dégradé ; du fait, certes, du ralentissement de la croissance, mais surtout à la suite d’un rapport de forces défavorable à ce secteur. Dans ce contexte, le rôle régulateur de l’Etat paraît essentiel.

*L’autre composante du PIB partiel au coût des facteurs est la valeur ajoutée de l’administration publique. Comme son estimation procède d’une convention comptable, on ne peut théoriquement parler de productivité du travail, ni de prix et encore moins de coût du salaire unitaire. La seule approche utile est de comparer la croissance du salaire moyen dans la fonction publique avec l’inflation ; et le taux de croissance de la masse salariale des fonc-tionnaires avec les ressources de l’Etat, de préférence les ressources stables.

S’agissant du taux de croissance du salaire moyen des fonctionnaires, il augmente en moyenne de près de 7.5% sur 2007-2014, contre environ 4.5% pour les prix à la consommation. On peut estimer que la situation des fonctionnaires s’est nettement améliorée sur cette période, par comparaison avec les salariés du secteur des sociétés.

Concernant l’évolution de la masse salariale par rapport aux ressources de l’Etat (non compris les res-sources d’emprunt), il y a lieu de noter l’importance de ses conséquences. En effet et à partir de 2009, ces ressources augmentent à un rythme inférieur à celui de la masse salariale, soit près de 7% en moyenne sur 2009-2014, contre plus de 10% pour la masse des rému-

nérations des fonctionnaires. Cette évolution, comme d’aucuns semblent la découvrir aujourd’hui, est en partie responsable de la dégradation des finances publiques et de l’explosion de l’endettement de l’Etat.

En comparaison du PIB partiel au coût des facteurs, considérons pour finir le secteur des entreprises indivi-duelles. Comme le salariat y est faible et qu’il est difficile de séparer salaire et revenu des indépendants, la donnée pertinente semble être la valeur ajoutée brute du secteur par emploi (y compris les salariés, même si le salaire au sens strict tourne, selon l’enquête de 2012, autour du SMIG). Cette dernière représente sur 2011-2014 quelque 1.7 fois le salaire moyen dans la fonction publique. Sur la même période, il est en moyenne de près de plus de 3.5 fois le salaire moyen dans le secteur des sociétés. Il est à remarquer que ce secteur a vu sa valeur ajoutée augmenter plus vite que celle du secteur des sociétés. Il a également profité du laxisme ambiant depuis 2011 pour alimenter quelque peu l’inflation et augmenter ses revenus. En outre, le travail en noir et la fraude fis-cale y sont légion. Aussi, doit-il être, principalement et résolument, concerné par la redistribution des revenus.

Pour conclure…Il est à souligner que l’augmentation des salaires

au-delà de l’inflation n’est pas la meilleure voie pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Cette aug-mentation ne peut qu’entraîner la hausse des prix et la baisse de l’investissement, aussi longtemps que le salaire réel augmente, sur moyenne période, plus vite que la productivité du travail. C’est le cas depuis 2008 pour le secteur des sociétés. En ce qui concerne la masse salariale des fonctionnaires, son évolution, plus rapide que les ressources propres de l’Etat, participe à l’aggravation du déficit budgétaire. C’est le cas depuis 2009. De ce point de vue, l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés (le salaire-revenu), dans le contexte actuel, devrait passer par le strict contrôle des circuits de distribution, des pratiques spéculatives sur les produits, du loyer des habitations modestes, des cours particuliers, par la baisse des taux d’intérêt sur les crédits à la consommation,…

C’est dans ce sens qu’il faudrait envisager, provisoire-ment, la désindexation des salaires sur l’inflation, afin d’améliorer le taux de marge du secteur des sociétés et de contenir le déficit budgétaire. Cela participerait (avec des politiques monétaire et commerciale adéquates) à la relance, à court terme, de l’investissement et de l’emploi, en attendant la mise en œuvre d’une politique indus-trielle ambitieuse et cohérente, seule à même d’élever la croissance potentielle de l’économie �

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Le taux des salaires dans un budget, public soit-il ou privé, est certes un ratio important. Le nôtre, autour

de 13% du PIB, est-il aussi critique que cela ? Que dirait-on de pays aussi bien administrés que le sont le Danemark, où les salaires publics dans le PIB sont dans les 17%, la Finlande, dans les 14 à 15% ; la Belgique ou la France aux environs des 13% ? Partout ailleurs, aux USA ou en EU, l’on est générale-ment au moins dans les 10-12% du PIB.

Agréger ou corréler ces ratios avec les pressions fiscales des pays aux-quels ils sont rattachés, montrerait que notre problématique taux de 13% est tout à fait normal.

Normal et utile à la fois. Il a eu le mérite de révéler notre obnubilation exagérée pour la stabilité financière

internationale. En quoi des salaires libellés et versés en dinar, monnaie non convertible, risqueraient-ils de rompre ou de perturber cette sta-bilité ?

A Tunis, au lieu de nous occuper de nos mauvais ratios, nous nous sommes arrêtés sur le meilleur d’entre eux. Au point que le pays s’est retrouvé en opposition. Comment s’en sortir ? Trois propositions d’action possible :

S’approprier le 1e semestre 2017Si aujourd’hui, nous courons notre

énième crise stérile, l’objectif poli-tique le plus sage serait de désamorcer. D’éviter à tout prix de mettre dos à dos l’administration fiscale et les citoyens.

Monter un PLF 2017 utile, produc-tif, uniformément accepté, nécessi-terait 2 hypothèses.

1. Maintenir, pour 1e semestre 2017, le même budget 2016 augmenté des salaires déjà convenus.

2. Se maintenir, pour le 1e semestre 2017, à la LF 2016 comme réellement admise et pratiquée.

S’approprier le bon point de départ

En se donnant tout un semestre, les thèmes qui devraient conduire le montage de nos PLF futurs devraient être pragmatiques.

Synthétisons donc les asymétries fondamentales nécessaires pour les montages budgétaires futurs :

• Notre pression fiscale est similaire à celle des pays OCDE, dans les 30% du PIB, mais le citoyen tunisien, l’entre-prise tunisienne, ne bénéficient pas de la même qualité de services, d’une protection équivalente, ou d’environ-nements attractifs similaires à ceux offerts par les administrations des pays en rapport.

• Au pouvoir d’achat décroissant des Tunisiens, riches et moins riches, correspondent des recettes fiscales qui ont, de 2000 à 2014, augmenté au taux excessif de 6.7 %.

Ces asymétries montrent que les difficultés budgétaires du pays ne sont pas causées par les assujettis fiscaux, citoyens et entreprises. Sur la durée, 14 ans, ils ont toujours payé plus et ils ont toujours reçu moins.

La pression fiscale doit, au plus, rester constante durant les 5 années à venir.

Comment désamorcer la crise de la Loi de finances 2017 ...

Mohamed Abdellatif Chaïbi Banquier, statisticien ISUP-Paris

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51Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

S’approprier les bonnes doctrines

A cet effet, les pistes qui peuvent nous mener vers la concorde natio-nale, financière et fiscale, peuvent se rapprocher de la façon suivante.

Pistes pour de nouvelles conver-gences fiscales :

- La fiscalité des personnes phy-siques : tranche non imposable 2017 = 7 900 dinars / Zakett 2016. Rallon-ger les 2 tranches supérieures de la grille et y affecter 40% et 45% de taux d’imposition.

- La fiscalité des sociétés : se tenir aux taux de 2016.

Pistes pour l’allégement des dépenses budgétaires

- Aucune subvention fiscale aux entreprises ou allégement de taux (pour les introductions en Bourse par exemple).

- Aucune subvention fiscale sur les comptes d’épargne bancaire.

- Réduire sur 2 ans, 50% puis 100%, le budget Tourisme hors Artisanat (dans les 80 Md) jusqu’à transmettre aux professionnels du secteur toute la conduite des affaires.

- Augmenter le nombre des étu-diants boursiers et le nombre des

étudiants boursiers à l’étranger.- Réduire les budgets d’investisse-

ments 2017 à hauteur de leurs taux de réalisations N-1.

- Les lignes « habitat et aides » (500 Md) ne devraient pas figurer dans le budget (BCT et marché bancaire).

- Reporter la libération du capital à 2.5 Md du fonds de garantie de l’épargne.

- Reporter l’importation du sys-tème de gestion ERP, à 100 Md.

Pistes pour de nouvelles doc tr ines financières et économiques

- Agir pour enclencher une nouvelle architecture monétaire. Un taux ban-caire, TUNIBOR, court terme réduit à 0. Un taux long terme, moins de 0.5%.

- Inverser la typologie du marché des émissions obligataires de celle Leasing à celle Hypothécaires.

- Remettre les codes BCT au débat suivant les filtres : croissance et emploi.

- Confondre le SMAG et le SMIG, instaurer un SM, salaire minimum tout secteur. SM préférentiel et supé-rieur pour les gouvernorats de l’inté-rieur. Actuels régimes inchangés ailleurs.

- Elargir la non imposition sur les

intérêts / des acquisitions immobi-lières / sans plafonds (200mD) /

- Douanes : revenir au barème 2010.- Choisir plutôt les appellations «

Inspecteurs » pour les nouveaux corps administratifs en charge des contrôles fiscaux ou de l’environnement.

- Suspendre toute la réglementa-tion rattachée aux comptes « dinar convertible ».

- Lancer à la Bourse des cotes en toutes monnaies étrangères (Simi-laires dénouements à Tunisie Clea-ring).

Pi s te s p o u r d e s r è g l e s constitutionnelles nouvelles

- La façon de présenter le budget global : une Synthétique « Recettes / Dépenses ».

- Elargir les délais de discussions des budgets et des LF.

- Réduire les budgets d’investis-sements à hauteur de leurs taux de réalisations N-1.

- Prévoir les cas de non votes / Prérogatives spéciales du président de la République.

- Emprunts extérieurs à hauteur maximum de x% du PIB.

- Etablir des budgets et des LF sur 2 à 3 années �

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Société

« Follow the Leaders »Libéralisation des énergies, décentralisation et travail en réseau pour gagner le pari

Initiée par l’association « Thinkers & Doers », en partenariat avec l’Institut des hautes études com-merciales de Carthage (IHEC),

la manifestation s’est déroulée en plusieurs ateliers de réflexion, avec des débats très enrichissants et une assistance composée de plus de 300 nouveaux leaders, en présence d’offi-ciels tunisiens et français.

La séance d’ouverture a été prési-dée par Mmes Amandine Lepoutre (Thinkers & Doers) et Salma Damak Ayadi (IHEC) et MM. Habib Dab-

babi, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, et Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France à Tunis, qui a souligné l’importance du choix fait par Thinkers & Doers de démarrer son cycle de conférences annuel « Follow the leaders » en Tunisie.

Etaient également présents, Mme Faten Kallel, secrétaire d’État à la Jeu-nesse, Mme Saida Ounissi, secrétaire d’État à la Formation professionnelle et à l’Entrepreneuriat, de nombreux acteurs institutionnels, des respon-sables d’associations, pour soutenir

ces écosystèmes entrepreneuriaux, perçus comme les plus dynamiques au monde.

Ainsi, une quarantaine de chefs d’entreprise, plus de 50 startups, des fonds d’investissement et Business aAngels, ont participé à ce meeting franco-tunisien, avec pour résultat de nombreuses initiatives de coopé-ration.

Une session de réflexion, pilotée par Mme Faten Kallel, a réuni diffé-rents intervenants de marque, Mme Neila Ben Zina (Business & Decision),

Aujourd’hui, les leaders sont confrontés à de nouveaux défis. La génération 2.0 veut donner du sens à son action.

Une conférence internationale « Follow the leaders » a été organisée récemment, à l’IHEC, avec pour but d’initier les jeunes au métier d’entrepreneur.

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Société

MM. Khaled Helioui ((Bigpoint), Nejib Zaafrane (Research & Management Solutions), Jean-Michel Dalle (Agora-nov), Amine Chouaib (Chifco) et Ismail Ben Sassi (Ilboursa), autour du thème : « Horizontale, verticale, génération-nelle : quelles collaborations pour un nouveau leadership ? ».

Faire évoluer la Une séance de discussion a suivi,

sur le thème « Entrepreneuriat et périphéries : quelles synergies ? ». Mme Saïda Ounissi a mis le doigt sur la plaie, en évoquant le problème de la législation qu’il faut faire évoluer, afin de la rendre plus efficace pour aider les jeunes à lancer leurs projets.

Concernant la nouvelle génération de leaders, elle a évoqué l’exemple des « Barbachas », les personnes qui collectent les objets usagers et les bouteilles en plastique dans les décharges, qui se sont constituées en associations et qui ambitionnent de devenir des acteurs majeurs dans la transformation des déchets et dans la politique de protection environ-nementale.

En conséquence, a-t-elle expliqué, l’entrepreneuriat est le segment par lequel l’Etat tunisien doit créer la cohésion sociale.

La secrétaire d’Etat a indiqué, à ce niveau, qu’il faut partir de ce qui existe sur le terrain, pour venir en aide aux jeunes entrepreneurs et à ceux qui veulent créer de la richesse.

Pour sa part, Mme Leila Charfi (Yunus Social Business) pense que le secteur public offre de plus en plus d’initiatives pour le soutien à l’entre-preneuriat social, avec la création de structures comme les incubateurs d’entreprises, les espaces de cowor-king, où de jeunes entrepreneurs peuvent communiquer, collaborer et avoir beaucoup plus de visibilité, pour davantage d’opportunités de business et de partenariat et d’accès aux financements.

Elle a souligné, d’autre part, qu’il faut déployer davantage d’efforts pour qu’il y ait de pareilles initiatives dans les régions, surtout que, si on fait le bilan, il y en a surtout dans la capitale et les grandes villes. Elle a appelé le secteur public à être plus présent pour créer ce genre d’espaces, en vue d’apporter le soutien nécessaire aux jeunes entrepreneurs qui peuvent devenir des partenaires pour les entre-prises, dans ces régions.

Les marchés, plus importants que le financement

A propos de l’accès aux finance-ments, l’oratrice a expliqué que malgré l’existence d’institutions de micro-finance qui couvrent jusqu’à 20 mille dinars de financement, en plus des initiatives privées additionnelles, où les crédits s’élèvent entre 100 mille et 200 mille dinars, il y a encore un manque ; il faut qu’il y ait davantage d’institutions financières pour le financement de projets de startups et de Pme en phase de démarrage.

Elle a, dans ce sens, salué l’initiative de la Conférence internationale sur l’investissement « Tunisia 2020 », tout en s’interrogeant sur les répercussions de toutes les promesses sur le jeune entrepreneur et en émettant l’espoir de voir la création de fonds d’inves-tissement pour les startups.

Le troisième volet évoqué concerne l’accès des startups aux marchés. Sans hésitation aucune elle affirme que, le marché est plus important que le financement, parce que, si on trouve preneur pour le produit, les recettes ou les bénéfices peuvent financer le développement de l’entreprise.

Pour un pays comme la Tunisie, il faut trouver comment favoriser l’accès aux marchés dans les périphé-ries, dans les zones rurales, chez les entrepreneurs qui n’ont pas un réseau important de futurs clients.

Elle a insisté sur le besoin de faire un peu plus d’effort dans ce domaine,

faisant remarquer qu’à travers ses visites dans les régions, elle a ren-contré des entrepreneurs ambitieux, avec de superbes idées, une grande capacité de convaincre, mais pour eux, l’absence de marché constitue un frein au développement de leurs projets.

Ce sujet est de la responsabilité des entreprises installées dans les régions, qui doivent faire en sorte que ces jeunes entrepreneurs puissent devenir des partenaires, surtout qu’on ne peut pas demander, toujours, au gouvernement, de résoudre tous les problèmes.

Donnant un aperçu de Yunus Social Business, Mme Charfi a expliqué que l’entreprise opère pour établir des partenariats permettant de résoudre les problèmes de la société et de soute-nir les communautés dans le besoin, notamment les jeunes entrepreneurs.

Elle a donné comme exemple qui pourrait inspirer les Tunisiens, celui de Grameen Danone Foods, une entre-prise sociale au Bangladesh, qui avait été créée pour lutter contre la malnu-trition des enfants, dans ce pays, et qui est devenue une grande entreprise à aspect commercial et social, où les femmes rurales de la région sont devenues les commerciales du produit.

Donner une synergie aux régions

M. François Raffray, de Business France Tunisie, est intervenu pour expliquer que, pour la France, les initiatives sont toujours gérées et

C’est à partir de l’ école qu’il faut donner le goût

d’entreprendre. « On ne devient pas entrepreneur en claquant des doigts. Parfois, on l’est d’une façon innée, et parfois on le devient.

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Société

pilotées à partir de Paris et que pour les développer, il fallait, tout d’abord, libérer le partenariat et permettre aux gens de travailler ensemble. Avec les startups, il y avait beaucoup d’éner-gie, partout dans les régions, mais celles-ci n’étaient pas en capacité de se promouvoir seules.

Ainsi, en 2013, l’Etat français a pensé à mettre en place une structure permettant à ces startups de se retrou-ver et de travailler ensemble, pour mieux se développer. C’est de cette manière que sont nées les métropoles French Tech pour les encadrer, avec une présence de l’Etat uniquement pour soutenir la démarche et pour labelliser les villes (Paris ne devait pas avoir de label, partant du principe que la capitale avait tout ce qu’il fallait).

Dans les régions, les entreprises se sont regroupées dans le but de mettre ensemble les entrepreneurs pour créer des réseaux, afin de mieux diffuser le produit, et avec l’idée qu’il fallait donner une synergie à ces régions, à travers la décentralisation, et ainsi leur permettre d’assurer leur propre développement et de réussir à l’inter-national.

Une autre session de discussion s’est déroulée en parallèle, avec un débat sur la « mise à l’échelle : de quoi avons-nous besoin pour accélérer ? ». Elle a réuni MM. Elyes Jeribi (Smart Tunisia), Ali Mnif (le 15), Tristan Lebleu (Numa) et Sadok Ghannouchi (E-Taxi).

Moment fort, celui consacré à un sujet de grande importance : « Com-ment devenir leader en 10 leçons ». L’atelier a été conduit par MM. Patrick Robin (France Digitale), Mondher Kanfir (Wifi Sartups) et Mme Arbia Smiti (French Tech), avec, en paral-lèle, un autre atelier sur le thème : « Construire une communauté autour de son produit : le cas du gaming ». Ce workshop a été animé par MM. Khaled Heloui (Bigpoint) et Walid Sultan Midani (DigitalMania Studio).

Dans la foulée, les participants ont

eu droit à un autre workshop sur le thème : « Quelles communauté ? Quel impact ? », conduit par MM. Antonin Léonard (Ouishare) et Houssem Aoudi (Cogite) et à un atelier « Keep calm & do business : le cas du tourisme », animé en anglais par Leïla Ben Gacem (Bluefish & Ashoka Fellow).

Et comme le leadership concerne tous les domaines, la clôture a été réservée à la performance artistique « Nous sommes là et nous dansons pour… ».

Le numérique et les performances

Comme on peut l’imaginer, le digi-tal a retenu l’attention des futurs leaders, surtout qu’en ce début du 21ème siècle, il est partout. En s’aidant du digital, on peut créer son entre-prise facilement et à moindre coût, contrairement à ce qui se passait il y a vingt ans.

« Grâce au digital, on peut faire du business avec très peu de moyens. Par le truchement du Statistical Analysis System, (SAS) ou le Cloud, le digi-tal offre de grandes opportunités », a confirmé M. Patrick Robin, vice-président de France Digitale, une association de soutien à la start-up numérique.

Pour lui, c’est à partir de l’école qu’il faut donner le goût d’entreprendre. « On ne devient pas entrepreneur en claquant des doigts. Parfois, on l’est d’une façon innée, et parfois on le devient. Par exemple, l’un de mes mentors, quand j’avais 20 ans, était Daniel Filipacchi, le plus grand éditeur de France (Paris Match). D’ailleurs, je n’ai pas fait de grandes études uni-

versitaires. Après mon bac, j’ai créé ma propre entreprise, à l’âge de 20 ans, et maintenant à l’âge de 59 ans, je suis à la tête de 28 entreprises. Et je suis encore tenté par l’aventure d’une start-up ».

L’envie d’entreprendre était aussi un rêve d’enfance pour Arbia Smiti, 33 ans, fondatrice de la start-up spéciali-sée dans le marché de la mode et lan-cée en 2011, à Paris. Elle nous confie: « J’avais toujours cette envie d’entre-prendre, même si je n’en connaissais pas la définition. Je suis de la généra-tion 2.0 et de l’e-commerce. Ma seule motivation était de simplement sauter le pas ».

Interrogée sur les difficultés ren-contrées lors de son parcours, elle a affirmé que la plus grande difficulté était de commencer. « Mais les diffi-cultés sont nombreuses et elles ont commencé à surgir dès la recherche de financements et d’investisseurs, qu’il fallait convaincre de l’idée de mon projet. Néanmoins, il ne faut pas avoir peur d’échouer, car on apprend de ses erreurs. Il suffit de créer les opportunités ».

Aujourd ’hui, les leaders sont confrontés à de nouveaux défis. La génération 2.0 veut donner du sens à son action.

De son côté, Amandine LePoutre, CEO & founder du réseau internatio-nal Thinkers & Doers, a souligné que le monde du digital est en train de prendre de plus en plus d’importance au sein de la société civile.

Notons enfin que cette conférence est organisée en partenariat avec la French Tech, le label d’innovation du gouvernement français, Business France et la Région Île-de-France. Un livre blanc d’échanges et de débats sera disponible et publié en parte-nariat avec Ernest & Young. Les pro-chaines étapes du cycle de rencontres auront lieu à Paris, au Maroc et au Liban. Cela promeut autant que cela promet � Faouzi Snoussi

Il ne faut pas avoir peur d’ échouer, car on apprend

de ses erreurs. Il suffit de créer les opportunités.

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u Quels sont les objectifs de Thinkers & Doers ?

Nous avons voulu rassembler, à la fois, les gens qui pensent, et aussi et évidemment, ceux qui font, dans tout qui est nouveaux systèmes et réinvention de l’existant. Ainsi, nous travaillons sur des sujets relatifs à l’éducation, l’entrepreneuriat et l’aménagement des villes, et nous invitons des personnes pour nous parler de leurs initiatives, partager leurs expériences et essayer de créer de nouveaux modes de collaboration.

Aujourd’hui, notre réseau compte au moins 20 mille personnes, dans plusieurs pays, surtout arabes, de même que nous sommes en train d’œuvrer pour nous étendre et créer des zones de coopération plus larges.

u Peut-on dire que votre action est généraliste ?

Oui, c’est un « think & do tank » dont l’action est généraliste, parce que le chapeau c’est l’innovation, parce qu’il faut chercher des gens qui ont inventé de nouveaux systèmes et des solutions plus rapides et plus agiles que celles venant des acteurs institutionnels de l’Etat.

Pour le « do », notre action est orientée vers la mise en relation entre des personnes, parfois leur présenter des investisseurs qui peuvent les soutenir ou des médias pour leur

donner de la visibilité. Toutefois, nous ne les accompagnons pas dans leur business, parce que Thinkers & Doers n’es pas un incubateur, mais plutôt un accélérateur, et dans les initiatives que nous avons rencontrées, il y a des choses magnifiques.

u De quel secteur vos membres proviennent-ils ?

Nos membres sont, principalement, du secteur privé, avec une grande présence de la société civile, avec des associations, des fondations et des personnes qui sont engagées. Egale-ment des institutionnels, mais pas de politiques, parce que nous sommes apolitiques en faisant attention de ne prendre aucune couleur.

u Faut-il des parrainages pour adhérer ?

Il faut un parrainage, et nous avons des comités de rencontre et de sélec-tion pour connaître les intentions de chacun et son business.

Un soutien nous est apporté par les entreprises du pays, en plus de la French Tech qui est à nos côtés, ainsi que Business France, pour ce qui est de l’innovation. Parfois, il y a la région en fonction de la thématique.

u Etes-vous installés en Tunisie ?Nous ne sommes pas installés en

Tunisie, mais il y a un projet pour le renforcement des liens et de la coo-

pération, et nous comptons revenir en mai prochain.

L’objectif de Thinkers & Doers est de réussir à faire le portrait du nou-veau leader, surtout qu’à une certaine époque, on pensait que le leadership c’est de dire qu’on a un certain nombre d’employés et de l’expérience.

Mais, actuellement, ce n’est plus cela, et le leader n’est pas forcément une personne qui gère des centaines d’employés, mais plutôt quelqu’un qui travaille dans une communauté qui le suit, qui est innovant et habile, et qui est capable de faire basculer les règles d’un marché. Nous sommes, donc, en train de tracer la typologie pour montrer que le leadership a changé, alors que le deuxième objectif est d’accélérer, surtout que les rencontres d’aujourd’hui permettent de renforcer certaines initiatives et de développer des relations particulières entre la France et la Tunisie.J’ai été soutenue dans mon initiative par les ambas-sades françaises, un peu partout là où je suis passée.

Concernant le choix de l’IHEC, j’ai choisi de venir dans une université et j’ai adoré l’accueil, surtout avec une mobilisation pour le succès de cette manifestation � F.S.

Amandine Lepoutre, fondatrice de Thinkers & DoersL’objectif est la mise en relation et la création de nouveaux modes de collaborationAmandine Lepoutre avait fondé, il y a trois ans, « Thinkers & Doers » pour en faire une locomotive permettant d’aider les jeunes à devenir des futurs leaders. Elle était présente à la conférence internationale « Fellow the Leaders » qui a été organisée récemment à l’IHEC de Carthage et nous a accordé ce bref entretien autour des objectifs escomptés de son organisation

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En vEntE dans lEs kiosquEs

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58 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Chronique

D’ici et d’ailleurs …!Géopolitique

L’interférence des facteurs internes et externes définit le paysage arabe. La radi-calisation, par le rejet qu’elle a suscitée, a largement contribué au « tournant »

géostratégique. Il conforte le repositionnement des acteurs internationaux. Je veux dire l’affirmation du jeu de rôle russe et de ses alliés : l’Iran et Hez-bollah et le repli des Etats-Unis, dans le contexte de la transition du pouvoir et l’annonce d’une révision de sa politique étrangère, par le nouveau président. Le recul de Daech, en Libye, en Syrie et en Irak met à l’ordre du jour le retour des jihadistes vers leur pays d’origine et le discours de leurs alliés du « repentir », processus en conséquence de leur défaite. Cette donne conjoncturelle serait-elle à même de perturber la dynamique interne des pays d’accueil ?

Repositionnement politique, en Tunisie Les acteurs de la « révolution », pensent volontiers

qu’elle n’a pas tenu ses promesses. La démocrati-sation est effective, mais l’occultation des attentes sociales (précarité, chômage, baisse du pouvoir d’achat), aggravée par la récession économique, explique cette réémergence de l’insatisfaction popu-laire…On avait rêvé de futurs alternatifs, fussent-ils des utopies personnelles ou collectives, crédibles ou fantaisistes ! Celles-ci contribuent à définir les priorités et les idéaux, qui ouvrent l’horizon de nos possibles, par l’expression de forces d’anticipa-tion. La colère citoyenne, en réaction aux espoirs

déçus - plutôt spontanée que consciente - reflète, de fait, la combinaison d’un scepticisme à l’égard des capacités régulatrices du pouvoir et de doutes quant à la capacité des institutions constituées de répondre aux exigences des citoyens ordinaires. Faudrait-il « radicaliser la démocratie », sinon réviser et élargir ses prérogatives ?

Point de réponse des partis tunisiens, à cette exigence. Les appels au sacrifice et à l’abandon des revendications comme seules perspectives de futures et hypothétiques créations d’emploi, ne peuvent tenir lieu de politique sociale. Une poli-tique démocratique se doit de prendre en compte les contraintes du réel et de choisir, entre des possibles, dans une situation donnée. Les partis tunisiens seraient-ils, de fait, mis en disponibilité ! Des batailles de personnes ont lieu, fréquemment, mais les confrontations des idées sont rares, au sein des partis et entre les partis. Les rares discussions concernent les positions différentielles relatives au « repentir » des jihadistes, de retour après la défaite. Position affirmée de l’UGTT, tranchant avec les attitudes ambigues de certains partis, elle se prononce contre la loi du repentir et pour la poursuite judiciaire des terroristes : « Après que la Syrie a réussi ou presque à éradiquer de sa terre des terroristes de Deach et des mercenaires, plusieurs indicateurs prédisent la fuite de ceux qui restent vers la Tunisie, sous couvert du repentir et du droit des Tunisiens à revenir chez eux… pour faire passer la pilule de la normalisation avec ces terroristes ».

Pr. Khalifa Chater

Les appels au sacrifice et à l’abandon des revendications comme seules perspectives de futures et hypothétiques créations d’emploi, ne peuvent tenir lieu de politique sociale. Une politique démocratique se doit de

prendre en compte les contraintes du réel et de choisir, entre des possibles, dans une situation donnée.

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Chronique

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L’UGTT estime qu’accepter cet argument, « c’est trahir la mémoire de nos martyrs tombés par la main du terrorisme et c’est surtout fermer les yeux sur l’horreur des crimes qu’ils ont commis » (com-muniqué de l’UGTT, 14 décembre 2016).

Suite de la crise de Nidaa Tounes, les contesta-taires de sa direction ont engagé des négociations pour la constitution d’un Front qui rassemblerait l’Union Patriotique Libre (UPL) et le Mouvement Projet de la Tunisie (MPT). « L’objectif est de créer un pôle moderniste démocrate pour faire l’équilibre avec le mouvement Ennahdha dans la mesure où Nidaa Tounes ne le fait plus » (déclaration du diri-geant de Nidaa Tounes, Ridha Belhaj, 14 décembre 2016). Les partis tunisiens incarnent finalement trois courants de l’échiquier politique : Ennahdha et la coalition « moderniste », en voie de formation, toujours opposés, sur « la politique des identités », mais qui jouent la carte de l’économie libérale et de l’autre côté, la gauche minoritaire, formée par le Front Populaire et l’ancien parti communiste. Au milieu de cette mêlée, le lobbying, tous azimuts, tente d’appréhender la société civile.

Un « gouvernement d’entente » au Libanle Liban s’est doté, le 18 décembre, d’un nou-

veau gouvernement, dirigé par Saad Hariri. Ce gouvernement s’inscrit dans le cadre de l’élection de l’ancien général chrétien Michel Aoun, lundi 31 octobre, président du Liban, comblant un vide institutionnel, depuis deux ans et demi. Le nou-veau président a été élu par un vote du parlement, grâce à un accord laborieux entre le Hezbollah, les chrétiens et le clan Hariri. Le même accord permit la formation du gouvernement Hariri. Le premier gouvernement du mandat du chef de l’État, Michel Aoun, comprend 30 ministres, dont huit ministres d’État, répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans. Le cabinet regroupe l’ensemble de l’éventail politique, à l’exception du parti Kataëb, Les phalanges, qui a refusé que lui soit octroyé un portefeuille de ministre d’État. Après une longue traversée du désert, le Liban remet à jour ses assises institutionnelles.

Les crises successives, qui ont affecté les « poly-phonies arabes », ont eu leur impact sur le Liban, remettant en cause ses équilibres fondateurs. La tragédie du chaos, engagée lors du « printemps arabe » et le redéfinissant, devait perpétuer l’ins-tabilité du pays du Levant. Le compromis libanais s’est construit dans le contexte du « tournant »

géopolitique. L’expliquant par l’actualité arabe, un journaliste l’appelle « Le gouvernement d’Alep » (Editorial d’Ibrahim el-Amine, al-Akhbar, 19 décembre). La réconciliation libanaise met à son programme comme priorités, « de préserver la sécurité face aux incendies qui ravagent la région et de préserver le pays des conséquences négatives de la crise syrienne » (déclaration de Saad Hariri).

La crise syrienne L’évacuation des rebelles, engagée depuis le 15

décembre 2016, consacre la chute de la rébellion, dans la deuxième ville de Syrie. L’engagement de l’aviation russe, à l’appui de l’armée syrienne, a pris pour cible l’opposition au régime de Damas, notamment les jihadistes. Les faubourgs orientaux d’Alep, tenus par les rebelles, furent soumis au siège, depuis la mi-juillet par les forces pro-régime, et à d’intenses frappes aériennes, au moyen d’avions de chasse russes ou syriens. L’accord d’évacuation a été conclu par la Russie et la Turquie. De ce fait, la carte géopolitique du Moyen- Orient fait valoir le rôle de la Russie, qui développe son aire d’influence, grâce à la conjoncture de la transition américaine.

La réunion de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, à Moscou, le 20 décembre 2016, en vue de traiter la question syrienne, consacre la nouvelle donne au Moyen-Orient. Les trois acteurs ont adopté, à la suite de leur réunion, une «déclaration» visant à mettre fin au conflit en Syrie. Ils s’engagent à œuvrer à la mise en place d’un cessez-le-feu, dans l’ensemble du pays et à organiser des négociations de paix au Kazakhstan. Les deux absents des assises de décision sont les USA, qui incarnaient, depuis l’implosion de l’URSS, l’Establishment international, et les pays arabes, sujets de l’exercice hégémonique �

La réunion de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, à Moscou, le 20 décembre

2016, en vue de traiter la question syrienne, consacre la nouvelle donne au Moyen-Orient. Les trois acteurs ont adopté, à la suite de leur réunion, une «déclaration» visant à mettre fin au conflit en Syrie.

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Analyse

Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Khalil Zamiti

Fleurs fanées de la révolutionSociologie des prix

En ces temps peu drôles où les prix minent l ’alouette qui s’envole de plus en plus haut pour mieux repérer son nid caché à l’abri des prédateurs mal appris, une

étrange différence taraude l’esprit d’acheteurs ébahis. Eloignés de quelques pas l’un de l’autre, à El Manar 1, deux commerçants livrent la baguette « 100% blé » l’un à 350 millimes et l’autre à 1 dinar. Le vendeur à prix plus réduit, Maher Barka, me dit : « Je n’emploie personne. Avec mes deux frères, nous tenons la boutique héritée. Aucun de nous ne prend de salaire et le revenu revient à tous ». Au magasin « la Mi Doré », ils emploient plusieurs salariés, le local est plus spacieux et il y a des éclairages au néon par-tout. Mais un dinar, c’est quand même trop. Depuis la révolution, chacun fait ce qu’il veut. Le contrôle existe, mais il est insuffisant. Moi, je demande aux gens le juste prix parce que je crains Dieu.

- « La qualité n’est peut-être pas la même ? »- « Si, le blé est le blé, mais on lui ajoute un peu de

beurre pour obtenir une baguette plus molle et les clients préfèrent ce pain brioché, même s’il coûte plus cher. Ma boutique est modeste ; les gens du peuple

n’aiment pas le pain ramolli et ils viennent ici ».Il y a donc là, d’une part, la pratique familiale et

de l’autre, l’entreprise conforme aux normes sala-riales. Tel est, en partie, le secret des prix différen-ciés. Cependant, cette infiltration du parental dans l’univers du capital, si elle diminue les charges et autorise une baisse des prix, arrête à mi-chemin la compréhension requise par l’explication. L’expres-sion « chacun fait ce qu’il veut » suggère le chaînon manquant de l’interprétation et cligne vers la part d’aléatoire inhérent à la valeur d’échange. Ni la quantité de travail investi, ni la rareté ne parviennent à saturer tout le champ couvert par les théoriciens de la valeur. Entre l’article marchand et son prix de vente bruisse un vide exploré, pour la première fois, par d’éminents linguistes, bien avant les tenants des autres branches du savoir, fussent-ils sociologues, économistes ou psychologues.

Condition sine qua non du langage articulé, cette vacuité, ce rien incessible à l’entendement humain, dressent l’obstacle sur lequel ont buté les penseurs intéressés à la théorie de la valeur. Comment lui assigner un substrat objectivable si, en ce domaine, « chacun fait ce qu’il veut » ?

Mais outre la question de l’arbitraire, entendu au sens technique mis en évidence par les premiers linguistes, le problème de la conjoncture postré-volutionnaire ajoute son grain de sel à la marge de magouille personnelle, tant cette jungle des prix court après la jungle tout court. Le coup de bou-toir asséné à l’autorité, le 14 janvier, inscrit l’envol des prix parmi les fleurs fanées de la révolution, au premier rang desquelles caracolent à la fois la récession, l’anarchie, la démagogie, la contrebande et la corruption. Depuis quelques mois, les campés au sommet de l’Etat proclament, avec fracas, les décisions aptes à contrecarrer le diktat de l’agora. Mais la succession des concessions, après l’exhi-

Depuis l’ évanescence du contrôle social, battu en brèche par les corporations

revêches, la déficience de la surveillance origine, en partie, la samba des prix. Dès lors, comment définir la valeur sans l’ insérer dans les dédales de la société globale ? A chaque seconde, la pagaille infléchit la règle de l’offre et de la demande. Le foutoir fout la loi hors la loi.

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bition de la fermeté annoncée, incite les corps de métier à encore aboyer plus fort et redonne des couleurs aux déclamateurs. Dans la situation pré-caire, où les reculades à répétition creusent encore davantage le gouffre sans fond de l’endettement, la menace de grève lève le présage du fameux « dégage ». A son tour, le spectre du siège éjectable conforte le soi-disant souci de la négociation, mais celle-ci arbore une tout autre signification quand la démagogie occupe les territoires évacués par la démocratie. L’expression « chacun fait ce qu’il veut » fuse de ce terrain malsain, où le sens de la citoyenneté paraît enterré à la façon des mines camouflées. A l’ère de la rapacité sans frontière, le pas en arrière esquissé face à la queue indienne des médecins, avocats ou pharmaciens déresponsabilise les responsables tri-balisés à redoubler de férocité. Ce recours au laxisme nourrit le corporatisme arc-bouté sur l’échappée à la fiscalité. Chaque pas bute sur le refus de celui-ci ou celui-là. Supprimer les subventions préjudiciables au budget de l’Etat soulève la menace de la grève assortie au préavis de pénurie. Truffé d’incertitudes, le champ économique érige les embûches communes aux divers domaines de sciences humaines, « trop humaines », dirait Nietzche. La différence de prix, analysée ici, cligne vers l’aléatoire inhérent à tout savoir. Le dépositaire d’une surhumaine lumière pourrait alors tourner en bourrique toute préten-tion dite scientifique. Ainsi, une série d’ouvrages, parus depuis le 14 janvier, proclament restituer « la vérité ». Hélas, n’en déplaise à Descartes, la recherche, par l’évidence du « vrai », a partie liée avec le dessous des cartes. Lacan, le maître à penser de l’exploration psychanalytique, après Freud, parvient à la même conclusion : « Je dis toujours la vérité, mais jamais toute la vérité ». De même, dans le domaine économique, les équilibres généraux baignent dans le déséquilibre général du champ social. Ici, ou ail-leurs, le désordre lové sous les oripeaux de l’ordre peut, à tout moment donné, montrer le bout du nez. Pour l’instant, le cafouillage tunisien élude le bain de sang irakien, syrien ou libyen. Cependant, à ce propos de la gabegie, sanguinaire ou non, le prix à géométrie variable du pain met la puce à l’oreille des munis de leur boîte à outils.

Car, depuis l’évanescence du contrôle social, battu en brèche par les corporations revêches, la déficience de la surveillance origine, en partie, la samba des prix. Dès lors, comment définir la valeur sans l’insérer dans les dédales de la société

globale ? A chaque seconde, la pagaille infléchit la règle de l’offre et de la demande. Le foutoir fout la loi hors la loi. Ce fameux « chacun fait ce qu’il veut », drôle de liberté infiltrée entre l’article de commerce et sa valeur marchande, exhibe un cas particulier de la relation instituée entre le signifiant et le signifié. C’est de cet espace lacunaire que surgit l’arbitraire, entendu au sens épistémologique et non politique. Ainsi, en Tunisie, et depuis l’insurrection, l’aléa-toire, alter ego de l’arbitraire linguistique, envahit l’agora désertée par l’Etat. La chienlit économique prospère sur le terreau de la gabegie politique. Sur les hauteurs de ce processus dramatique, campent deux personnages charismatiques. La doxa, mise en œuvre par le cheikh Rached Ghannouchi, remet en question l’éthos introduit par le président Bour-guiba, ce porteur d’une idéologie en avance, eu égard à la structure sociale. Rien n’échappe à ce flux bourguibiste, suivi de reflux islamiste avec ou sans casquette jihadiste.

« L’imagination créatrice » ne serait pas un mot de trop

L’anomie provoquée par le télescopage de ces notoires signaux contradictoires favorise le dédale infernal où trébuche le contrôle social. Enoncée par le vendeur de la baguette sans beurre, l’expression « chacun fait ce qu’il veut » rejoint ce parcours historique de la bipolarisation politique. Ce pas-sage du microsociologique au macrosociologique tournoie autour de la société sans Etat. Mais depuis l’évidence des efforts accomplis par l’actuelle équipe au pouvoir, la société serait-elle toujours sans Etat ? Parfois, la répétition systématique d’une formulation finit par inculquer un tic médiatique. Il est donc bon d’envisager l’interrogation. Mais, hélas, comment fermer l’œil sur la récession, la corruption, la déscolarisation et la déculturation, toutes choses engagées dans une commune perpé-tuation ? Au plan méthodologique, une métaphore aide à penser la mise en rapport de l’anecdotique avec le théorique ; du pain à prix différencié au sur-plomb de la transition bloquée. En effet, le profil de l’entonnoir suggère la progression de l’investigation. La petite ouverture capte le détail factuel, jamais insignifiant, et le charrie vers la grande ouverture où aboutit le panache de la théorisation. Voilà de quoi titiller l’imagination des étudiants. Si l’on en croit Bergson, « l’imagination créatrice » ne serait pas un mot de trop �

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Analyse

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Des experts lèvent le voileVision optimiste sur l’état des ressources en eauLa Tunisie a besoin de 4,850 millions de mètres cubes d’eau par an, dont 80% pour l’irrigation et 11%, seulement, pour l’eau potable. Ces estimations, selon des experts en ressources hydrauliques, sont disponibles, mais les trois dernières années de sécheresse ont donné lieu à un véritable cri d’alarme, qui ne semble pas avoir sa raison d’être, puisque la Tunisie a toujours su exploiter judicieusement ses ressources en eau, durant toute son histoire.

La Tunisie a, de tout temps, su rationaliser ses ressources en eau. Même les Espagnols reconnaissent que ce sont les

Arabes qui leur ont appris à gérer de la meilleure manière leurs ressources hydriques. La meilleure preuve, le nom de Madrid, la capitale de l’Espagne, veut dire en espagnol : « l’eau qui coule ».

Un expert du ministère de l’Agricul-ture a ainsi indiqué que la Tunisie a consacré d’importants efforts, depuis l’indépendance, pour la mobilisation

des ressources hydrauliques et qu’un grand travail a été effectué au niveau de l’infrastructure de base des res-sources en eau.

Il a expliqué que l’occupant fran-çais ne nous a légué qu’un seul bar-rage, celui de Béni Métir, qui alimen-tait toute la Tunisie en eau potable. Actuellement, la Tunisie dispose d’une infrastructure de base cohérente.

Néanmoins, selon l’expert, depuis les années 90 du siècle dernier, les don-nées ont changé, avec une demande ayant atteint le niveau de l’offre, ce

qui, logiquement, nous a conduits à chercher d’autres débouchés et d’autres sources.

Cela a commencé avec le pro-gramme d’économie d’eau, avec des primes atteignant 60% pour l’agricul-teur, surtout que le secteur consomme plus de 80% des ressources en eau disponibles, alors que les Tunisiens ne consomment que 11% des ressources hydriques en eau potable.

Le représentant du ministère de l ’Agriculture, qui s’exprimait sur les ondes de la radio nationale, a

Hydraulique

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affirmé que nous avons plus de 1300 kilomètres de côtes, mettant l’accent sur la nécessité de consacrer des fonds pour le dessalement de l’eau de mer, qui n’est plus aussi coûteux qu’avant. Il était de plus de 4 dollars, dans les années 90, pour passer, durant les dernières années, à moins de 0,8 dollar le m3. Il y a le fait aussi qu’on peut exploiter, en même temps, l’eau de la nappe phréatique, dont la teneur en sel est un peu élevée, en particulier pour l’eau potable.

Pour sa part, M. Taoufik Hermassi, responsable au ministère de l’Agri-culture, a donné des précisions sur la provenance et la qualité des res-sources en eau en Tunisie, soulignant que le pays a toujours fait preuve d’une bonne gestion dans ce domaine.

Cela fait qu’aujourd’hui, nous avons 35 grands barrages, 250 barrages de montagne, en plus d’environ 900 lacs collinaires, qui satisfaisaient les besoins du pays, en quantité et en qualité.

Mais, après trois ans de sécheresse,

il est logique que ces ressources en eau se réduisent avec l’augmentation du taux d’évaporation, qui entraine la hausse du taux de la salinité. Celle-ci n’est pas la même en hiver, avec moins d’un gramme par litre, et en été, où elle peut atteindre 1,5 et même 2,5 grammes par litre, pour l’eau potable fournie pas la Société nationale d’ex-ploitation et de distribution de l’eau (SONEDE), qui peut être considéré comme une eau de bonne qualité.

Le responsable a affirmé que cette eau n’a aucun impact négatif sur la santé du citoyen, surtout que la SONEDE effectue des prélèvements et des analyses, chaque heure, au niveau de la salinité et d’autres paramètres ayant un rapport avec la santé du citoyen.

Le problème concerne les régions du sud, où le pays ne dispose pas de ressources en eau de surface, ce qui fait qu’il y a recours à la nappe sou-terraine dont le taux de salinité est élevé et qu’il a fallu diminuer (entre quatre et cinq grammes). Puis, ce fut

le tour du dessalement de l’eau de mer, ce qui donne une eau de bonne qualité, grâce à un suivi quotidien et permanent.

L’agriculture, pour sa part, peut accepter une eau avec un taux de salinité plus élevé, parce que, tech-niquement, nos cultures supportent une eau dont la salinité est de plus de deux grammes.

En attendant une saison pluvieuse, il nous est possible, aussi, d’avoir recours aux eaux recyclées, dont il faut simplement améliorer la qualité.

Tout cela pour dire que la situa-tion des ressources en eau dans le pays n’est pas catastrophique et que nos décideurs doivent consentir les dépenses nécessaires pour que celles-ci soient disponibles et pour que le citoyen, en particulier l’agriculteur, soit conscient qu’il est vital d’éviter le gaspillage, surtout que l’irrigation, comme cela a déjà été dit, consomme plus de 80% des ressources en eau de la Tunisie � F.S.

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Analyse

64 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Santé

Depuis que la crise migra-toire a frappé dans le monde entier, il y a de cela quelques années, la

question relative aux migrants est au centre des préoccupations. Un sujet souvent débattu et dont les contours se précisent de mieux en mieux. La Tunisie, comme tous les pays du monde, n’a pas été épargnée par l’afflux de migrants. Confronté à cette nouvelle dynamique migratoire auquel il n’a pas été préparé, notre pays fait face à ses lacunes en matière d’accueil des migrants.

Afin de pallier les manquements constatés et devant l’obligation de satisfaire les demandes en matière d’accompagnement médical juridique et social des migrants, le rôle de la société civile est, en cette période critique, indispensable.

Des acteurs travaillent active-ment sur cette problématique, dont Médecins du Monde Belgique (MdM BE) - Section Tunisie, et ce par le biais d’un projet visant précisément l’amélioration de l’accès aux soins pour les populations migrantes dans le Grand-Tunis.

Dans une étape cruciale d’analyse, traduite par une première édition des « jeudis du plaidoyer », la situation des migrants en Tunisie et les difficultés qu’ils rencontrent lors de leur séjour ont été dépeintes. Une occasion où les pouvoirs publics et la société civile ont été invités à réfléchir au sujet des alternatives et actions à entreprendre

en vue de promouvoir le droit d’accès à la santé pour les migrants en situation de vulnérabilité.

Différents textes garantissent l’ac-cès aux soins pour toute personne vivant en Tunisie. L’article 38 de la Constitution stipule en effet que : « La santé est un droit pour chaque être humain. L’Etat assure à tout citoyen la prévention et les soins de santé ».

Dans la même optique, la loi tuni-sienne du 29 juillet 1991 relative à l’organisation sanitaire, indique pré-cisément que « Toute personne a le droit à la protection de sa santé dans les meilleures conditions possibles ».

Or, la réalité sur terrain montre que ce droit n’est pas acquis et que diverses formes de discriminations envers les migrants entravent leur accès aux soins de santé.

Des lois discriminatoiresUne catégorie de migrants semble

particulièrement vulnérable et se voit souvent privée d’un accès satis-faisant aux soins de santé, à savoir les migrants en situation irrégulière. Cette injustice revient à la loi régissant le séjour en Tunisie. Celle-ci crimi-nalise en effet le séjour irrégulier en Tunisie et prévoit même des peines de prison pour tout étranger qui séjourne d’une façon illégale en Tunisie, en plus des sanctions administratives.

Croyant à tort devoir justifier de la régularité de leur séjour pour accéder aux services de santé, les migrants en situation irrégulière finissent

par renoncer à ce droit fondamen-tal, de peur de se faire sanctionner. Pourtant, les mesures dictées par le ministère de la Santé imposent, lors de l’enregistrement pour une hospitali-sation, l’obligation de la présentation d’un document d’identité, CIN pour les Tunisiens et passeport pour les étrangers. Ainsi, aucun justificatif de la régularité du séjour n’est requis.

Dans ce cas de figure précis, le manque de communication et l’ab-sence de structures dédiées à l’infor-mation auprès des migrants amènent ces derniers à renoncer à leur droit à la santé. Livrés à leur sort et souffrant d’une situation économique souvent précaire, ils échappent de ce fait au circuit classique des soins de santé, aggravant encore plus leur précarité.

Ainsi, pour améliorer la circulation de l’information, l’accès aux soins et l’accueil au niveau des structures de soins, MdM BE compte des acti-vités de formation du personnel de santé aux droits des migrants, de sensibilisation et de prévention à la discrimination, et œuvre à la mise en place d’un réseau de partenaires sanitaires institutionnels.

Si certains n’ont pas accès aux soins de santé du fait du manque d’information, dans d’autres cas, l’impossibilité d’accéder aux soins pour les migrants est dictée par des lois discriminatoires. L’exemple le plus frappant est celui de la circu-laire n°16-2000 du 27 février 2000 relative à la lutte contre le VIH-Sida,

L’accès aux soins des migrantsQuelle situation en Tunisie ?

Meriem Ben Nsir

Page 63: L'Economiste Maghrébin n°701

Santé

dont le texte prévoit explicitement la limitation de l’accès gratuit aux trai-tements ARV (antirétroviraux) aux patients tunisiens résidant en Tunisie, excluant ainsi les migrants de l’accès au traitement. Une mesure clairement discriminatoire et incompatible avec le cadre légal et stratégique en matière de lutte contre le VIH.

La discrimination vise également les migrantes qui sont « de loin, les plus durement touchées par les risques liés à la migration, compte tenu du fait de leur vulnérabilité au risque d'exploitation et de violence, surtout lorsque la migration leur est imposée ou lorsqu'elles sont en situation irrégulière », selon l’OIM.

Un problème qui touche plus par-ticulièrement la santé sexuelle et

reproductive. En dépit du fait que la loi stipule que chaque femme a le droit à une IVG en Tunisie, dans certaines structures de l’ONFP (Centre de la santé de la reproduction), cet acte est parfois refusé pour les migrantes.

Si, au niveau de certains centres de

l’ONFP, on affirme l’accès égalitaire à ce service, certaines réticences sont relevées au niveau d’autres structures pour la pratique de l’acte pour les migrantes. La prise en charge n’est pas uniforme et les disparités existent donc bel et bien.

L’amélioration de l’accès aux soins des migrants, la défense de leurs droits fondamentaux et la garantie du droit à une couverture sanitaire univer-selle, nécessitent la mise en place d’un système, où chaque acteur joue son rôle en synergie avec les autres. Garantir le droit des migrants vivant sur le sol tunisien n’est pas un acquis seulement pour les concernés, il s’agit également de la preuve que la Tunisie est entrée concrètement dans l’ère de l’Etat de droit �

Le manque de communication et l’absence de structures dédiées à l’information auprès des migrants amènent ces derniers à renoncer à leur droit à la santé.

65Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I

Garantir le droit des migrants vivant sur le sol

tunisien n’est pas un acquis seulement pour les concernés, il s’agit également de la preuve que la Tunisie est entrée concrètement dans l’ ère de l’Etat de droit.

Page 64: L'Economiste Maghrébin n°701

Il n’est jamais agréable de savoir, encore une fois, que des Tunisiens sont en première ligne des actions terroristes. Toutes les explications du monde ne suffiront pas à inver-ser une opinion internationale qui s’habitue à désigner

l’origine des massacres. Les Tunisiens ne sont certes pas seuls, et ce n’est vraiment pas une excuse, et il semble qu’ils ne soient pas toujours les plus sanguinaires. Dans les jeux délétères des massacres, les statistiques et les argumentations laissent la place au pathologique, ce pathologique qui rend familière la citation de notre pays au rang des nations pourvoyeuses de terroristes fanatisés. L’économie touristique en est marquée, mais pas que. Dans les autres domaines des échanges culturels, scientifiques et tout simplement humains, il est de plus en plus courant que les habitués de la Tunisie se donnent des raisons pour surseoir à l’atterrissage sur notre sol.

Ces réactions sont probablement excessives, et il en reste qui prennent leur courage à deux mains pour séjourner tout de même chez nous. L’argument, et il n’est pas totalement faux, est que, ailleurs aussi, la sécurité n’est pas entièrement assurée. Mais comme dans cet ailleurs, il y a le plus souvent des Tunisiens embarqués dans cette entreprise internationale de terrorisme, il y a comme un malaise persistant. Les victoires remportées sur les réseaux mettent un baume, mais indiquent aussi l’étendue de l’infiltration dans le corps de la société. Les services de sécurité font manifestement bien leur boulot, mais le malaise vient aussi du fait qu’elles découvrent d’autres réseaux, comme s’il en pleuvait. Entre-temps les politiques continuent à nous donner des leçons, parfois de démocratie, souvent de démagogie.

Et comme si de rien n’était, voilà qu’ils nous développent maintenant les théories du retour dans la «magnanimité »de nos enfants perdus pour cause de « colère » mal maîtrisée. Il suffirait, selon les mêmes théoriciens, qu’ils fassent œuvre de contrition ou de repentir, pour tourner la page. On notera que ces discours sont subitement réapparus au moment où l’Etat dit islamique a commencé à prendre eau. Les « mystérieux » égor-geurs de soldats, de policiers, de gardes nationaux, de politiques ou même de simples citoyens seraient devenus, O miracle !, des enfants de chœur. Les assassins de touristes et leurs commandi-taires n’auraient agi que sur le coup d’une colère mal contrôlée. Certains de nos professionnels de la « complotite » vont jusqu’à leur trouver des circonstances atténuantes, ayant été dévoyés, selon eux, par le complot américain, ou français, ou anglais, ou iranien, ou tous à la fois selon les occasions.

Le Président de la République lui-même a hésité sur la ques-tion et il a d’abord laissé entendre que le « repentir » pourrait être recevable. Il a dû faire machine arrière pour tranquilliser

une opinion publique remontée, parfois scandalisée. Le retour éventuel pose en effet beaucoup de problèmes, dont le moindre n’est pas la demande de justice des familles des victimes. Et les familles, c’est aussi celles des forces armées qui ont payé un lourd tribut pour la défense de la nation. Personne n’a vraiment oublié les forfaits commis au nom de l’éradication des « taghouts », cri de ralliement de ces terroristes quand ils ont eu l’occasion de commettre l’indicible. Au passage, c’est bien de notre démocra-tie qu’ils ont profité, et c’est aussi au titre de cette démocratie qu’il est peut-être question de faire profiter des circonstances atténuantes des tueurs avérés.

La démocratie dans la République est la « chose publique », une entité morale qui donne les mêmes droits à tout le monde et se laisse gérer par la règle de la majorité. On observe, et pas que chez nous, que les pourfendeurs de la démocratie profitent à plein régime des libertés pour tuer, au propre et au figuré, la

liberté des autres. En fait, c’est le seul crédit des terroristes et de tous ceux qui les soutiennent direc-tement et indirectement par les vertus de la clémence dont ne sont pas redevables les mêmes terroristes. Les fossoyeurs de la République se recrutent, avec beaucoup d’aplomb en plus, parmi ceux qui usent de la liberté à tiroirs, celle qui ne peut fonctionner que dans le sens giratoire qui les arrange.

Le ban et l’arrière-ban des politiques se sont indignés, à juste titre, de l’assassinat commis par le Mossad en Tunisie. L’affaire est sérieuse, à plus d’un

titre. Cela n’empêchera pas de dire que les larmes versées tiennent plutôt des crocodiles que de l’indignation patriotique. Ceux qui passent le plus clair de leur temps à affaiblir l’Etat de Droit en tirant à vue sur tout ce qui s’entreprend sont les plus rapides à pousser des cris et à ouvrir les tiroirs des grandes causes. La tragédie de l’assassinat s’est déroulée presque au même moment où le plus haut responsable de la Sécurité nationale démissionnait. Il n’y a probablement aucune relation à faire, mais il y a certainement des liens à établir avec les blocages politiques qui laissent des marges de manœuvre confortables aux comploteurs de toutes sortes et au délabrement de l’image de la démocratie que l’on ressent désormais chez le commun des Tunisiens.

Alors, le Mossad a frappé. Sans grande surprise, en réalité. La tragédie a permis, au passage, de savoir que des forces occultes agissent pour le Hamas en Tunisie, ce qui ne fait que compliquer la tâche des défenseurs de la sécurité des citoyens. Et comme en plus, de nombreux Tunisiens émargent dans les registres du terrorisme international, nos « amis » de tous bords deviennent encore plus actifs dans tous les domaines des renseignements. La démocratie est contre-productive quand elle se transforme en passoire �

Mot de la fin

Par Mohamed Ali Ben RejebLe Mossad, et quelques autres…

66 Du 28 décembre 2016 au 11 janvier 2017 I