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Les Echos Mardi 1 er septembre 2015 Question de dernière minute avant de partir à l’étranger, carte bloquée, coup de gueule… plus besoin de se rendre en agence ou d’appeler son banquier. En matière de service après-vente, tout ou presque peut se résoudre sur les réseaux sociaux. « Sur Twitter, nous devons être pré- sents à la fois sur la marque et le SAV car cela correspond à un usage des clients et il faut le suivre », explique Ariel Steinmann, directrice marke- ting de la banque en ligne de BNP Paribas et de Hello bank! en France. Concrètement, le client poste un message sur le mur Facebook de sa banque ou un tweet mentionnant sa banque. Ensuite, une équipe de « community managers » apporte directement des réponses ou réo- riente vers un autre service client, voire vers le conseiller. C’est le cas de la Banque Populaire où « la porte d’entrée de la relation client, c’est le conseiller attitré. Twitter est un canal qui permet aussi de faire revenir le client dans une relation humaine de proximité », détaille Chantal Petra- chi, directrice de la communication à la Banque Populaire. Canaliser les messages négatifs et travailler son image de marque, c’est l’autre raison qui pousse les banques à occuper le terrain des réseaux sociaux. A la Société Générale, « nous avons une approche d’e-répu- tation et nous voulons avancer sur la satisfaction des clients. Quand on répond sur les réseaux sociaux, on agit sur les deux tableaux », détaille Jean-Marc Ouvré, responsable « community management ». Dans cet exercice délicat, chaque établis- sement a sa stratégie. La Société Générale insiste sur la réactivité et prend l’engagement d’apporter une réponse dans la demi-heure. A la Caisse d’Epargne, on estime qu’il faut certes réagir vite, mais « les clients n’ont pas toujours besoin d’une réponse immédiate. Ce qui compte avant tout, c’est la personnalisation de la réponse », analyse Thierry Marti- nez, directeur de la communication de la Caisse d’Epargne. Personnalisation L’esprit est le même au Crédit Agri- cole : « Nous personnalisons au maximum les réponses sachant qu’une majorité de questions porte sur des thèmes récurrents », raconte Julien Nique, responsable com- munication numérique au sein de Crédit Agricole SA. Reste la question du ton. Une ban- que peut-elle recourir à l’humour ? En théorie oui, mais les acteurs fran- çais ont été échaudés par le « bad buzz » qu’avait suscité la publication d’une photo d’un écureuil pendu par les testicules sur le compte Face- book de la Caisse d’Epargne. « Nous avons tous été très réactifs dans la résolution de crise, rappelle Thierry Martinez, avant de conclure : le “com- munity manager” ne doit jamais oublier qui est l’émetteur du mes- sage. » A l’inverse des opérateurs de téléphonie mobile, la plupart des banques préfèrent garder un ton neutre. Seule vraie exception : la conquête des jeunes. « Nous avons constaté que nous avions du mal à établir le contact avec les plus jeunes avec des réponses classiques. Mais en utilisant les codes d’Internet et un peu d’humour, cela a fonctionné », expli- que Jean Marc Ouvré. La Banque Postale va dans le même sens en développant des formats typique- ment Web, comme le #SAVine, vidéo de 6 secondes tournant en boucle, et elle travaille sur d’autres formats pour la rentrée. — E. Go. BANQUE Encore marginale, la relation client sur Facebook et Twitter se développe. Les banques adoptent des stratégies différentes. Quand le SAV des banques françaises se digitalise Selon les banques, en matière de service après-vente, tout ou presque peut se résoudre sur les réseaux sociaux. Photo Shutterstock « Les réseaux sociaux sont le meilleur endroit pour recréer un lien » Propos recueillis par Etienne Goetz [email protected] Pourquoi les banques sont-elles présentes sur Twitter et Facebook ? C’est une obligation ! Elles doi- vent être présentes là où se trouve leur clientèle. Aujourd’hui, une grande partie des clients est sur les réseaux sociaux, principale- ment les générations assez jeu- nes (Y ou Z) mais aussi la généra- tion X. Il s’agit du meilleur endroit pour recréer un lien entre la banque et le client final, qui a tendance à être distendu du fait de la moindre fréquenta- tion des agences physiques. Cela est d’autant plus vrai que, pour le client, les réseaux sociaux sont redoutables pour avoir une réponse rapide ou bien pour être réorienté vers un spécialiste. Pas- ser par Facebook ou Twitter est souvent plus efficace que de se rendre en agence. Tout l’enjeu pour les banques est de transfor- mer la relation physique tradi- tionnelle en s’adaptant aux nou- veaux modes de communication comme les réseaux sociaux. Quelles sont les bonnes pratiques ? Maintenir l’humain au cœur de la relation clientèle ! Le cas de Bank of America est l’exemple à ne jamais reproduire d’un position- nement raté d’une banque sur les réseaux sociaux. En juillet 2013, elle a été la risée de la Twittos- phère quand ses robots n’ont pas su gérer les remarques d’un client. Ce qui compte sur les réseaux sociaux, c’est qu’un humain réponde à un humain et le droit à l’erreur est accepté. Quand une banque reçoit un message, elle doit rapidement déterminer com- ment elle va traiter la demande et surtout comment elle va résoudre le problème. C’est une course contre la montre. Une chose est sûre : les robots ou les équipes insuffisamment formées sont dévastateurs en termes d’image. Quelles sont les limites des réseaux sociaux pour les établissements bancaires ? Les banques doivent savoir y gérer leur risque d’image et les éventuel- les crises. Sur Facebook, le message peut se trouver directement sur la page de l’entreprise, au cœur de sa communication habituelle. Si le message attaque directement la banque, il doit être rapidement appréhendé par des équipes professionnelles formées à cet exercice. Certaines très bonnes réponses de « community mana- gers » sont mêmes saluées par la Toile et montrent le professionna- lisme de la banque. Elles peuvent se transformer en une campagne de communication extrêmement positive. La présence sur les réseaux sociaux ne s’improvise pas. Les équipes doivent avoir une dou- ble compétence : à la fois en termes de communication mais aussi de connaissance du monde bancaire pour répondre correctement. Elles sont le reflet de l’image de marque de la banque sur les réseaux sociaux. En quelques fractions de secondes, elles doivent estimer le risque et le traiter efficacement. n DR INTERVIEW ALBAN JARRY Expert en assurance et finance, spécialiste des stratégies de marques sur les réseaux sociaux

Les banques face à l'enjeu de la digitalisation !

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Page 1: Les banques face à l'enjeu de la digitalisation !

Les Echos Mardi 1er septembre 2015

Question de dernière minute avantde partir à l’étranger, carte bloquée,coup de gueule… plus besoin de serendre en agence ou d’appeler sonbanquier. En matière de serviceaprès-vente, tout ou presque peutserésoudresurlesréseauxsociaux.« Sur Twitter, nous devons être pré-sents à la fois sur la marque et le SAVcar cela correspond à un usage desclients et il faut le suivre », expliqueAriel Steinmann, directrice marke-ting de la banque en ligne de BNPParibasetdeHellobank!enFrance.

Concrètement, le client poste unmessage sur le mur Facebook de sabanque ou un tweet mentionnantsa banque. Ensuite, une équipe de« community managers » apportedirectement des réponses ou réo-riente vers un autre service client,voireversleconseiller.C’estlecasdela Banque Populaire où « la ported’entrée de la relation client, c’est leconseillerattitré.Twitterestuncanalqui permet aussi de faire revenir leclient dans une relation humaine deproximité », détaille Chantal Petra-chi, directrice de la communicationà la Banque Populaire.

Canaliser les messages négatifs ettravailler son image de marque, c’estl’autreraisonquipousselesbanquesà occuper le terrain des réseauxsociaux. A la Société Générale,« nous avons une approche d’e-répu-tation et nous voulons avancer sur lasatisfaction des clients. Quand onrépondsurlesréseauxsociaux,onagitsur les deux tableaux », détailleJean-Marc Ouvré, responsable

« community management ». Danscet exercice délicat, chaque établis-sement a sa stratégie. La SociétéGénérale insiste sur la réactivité etprend l’engagement d’apporter uneréponse dans la demi-heure. A laCaissed’Epargne,onestimequ’ilfautcertes réagir vite, mais « les clientsn’ont pas toujours besoin d’uneréponse immédiate. Ce qui compteavanttout,c’estlapersonnalisationdela réponse », analyse Thierry Marti-nez, directeur de la communicationde la Caisse d’Epargne.

PersonnalisationL’esprit est le même au Crédit Agri-cole : « Nous personnalisons aumaximum les réponses sachantqu’une majorité de questions portesur des thèmes récurrents », raconteJulien Nique, responsable com-munication numérique au sein deCrédit Agricole SA.

Restelaquestionduton.Uneban-que peut-elle recourir à l’humour ?Enthéorieoui,maislesacteursfran-

çais ont été échaudés par le « badbuzz »qu’avaitsuscité lapublicationd’unephotod’unécureuilpenduparles testicules sur le compte Face-book de la Caisse d’Epargne. « Nousavons tous été très réactifs dans larésolution de crise, rappelle ThierryMartinez,avantdeconclure : le“com-munity manager” ne doit jamaisoublier qui est l’émetteur du mes-sage. » A l’inverse des opérateurs detéléphonie mobile, la plupart desbanques préfèrent garder un tonneutre. Seule vraie exception : laconquête des jeunes. « Nous avonsconstaté que nous avions du mal àétablir le contact avec les plus jeunesavec des réponses classiques. Mais enutilisant lescodes d’Internetetun peud’humour, cela a fonctionné », expli-que Jean Marc Ouvré. La BanquePostale va dans le même sens endéveloppant des formats typique-ment Web, comme le #SAVine,vidéo de 6 secondes tournant enboucle, et elle travaille sur d’autresformats pour la rentrée. — E. Go.

BANQUE

Encore marginale,la relation client surFacebook et Twitterse développe.

Les banques adoptentdes stratégiesdifférentes.

Quand le SAV des banques françaises se digitalise

Selon les banques, en matièrede service après-vente, toutou presque peut se résoudresur les réseaux sociaux.Photo Shutterstock

« Lesréseauxsociauxsontlemeilleurendroitpourrecréerunlien »Propos recueillis parEtienne [email protected]

Pourquoi les banquessont-elles présentessur Twitter et Facebook ?C’est une obligation ! Elles doi-vent être présentes là où se trouveleur clientèle. Aujourd’hui, unegrande partie des clients est surles réseaux sociaux, principale-ment les générations assez jeu-nes (Y ou Z) mais aussi la généra-t ion X. I l s ’ag i t du mei l leurendroit pour recréer un lienentre la banque et le client final,qui a tendance à être distendudu fait de la moindre fréquenta-tion des agences physiques. Celaest d’autant plus vrai que, pour leclient, les réseaux sociaux sontredoutables p our avoir uneréponse rapide ou bien pour êtreréorienté vers un spécialiste. Pas-ser par Facebook ou Twitter estsouvent plus efficace que de serendre en agence. Tout l’enjeu

pour les banques est de transfor-mer la relation physique tradi-tionnelle en s’adaptant aux nou-veaux modes de communicationcomme les réseaux sociaux.

Quelles sont les bonnespratiques ?Maintenir l’humain au cœur de larelation clientèle ! Le cas de Bankof America est l’exemple à nejamais reproduire d’un position-

nement raté d’une banque sur lesréseaux sociaux. En juillet 2013,elle a été la risée de la Twittos-phère quand ses robots n’ont passu gérer les remarques d’un client.Ce qui compte sur les réseauxsociaux, c’est qu’un humainréponde à un humain et le droit àl’erreur est accepté. Quand unebanque reçoit un message, elledoit rapidement déterminer com-ment elle va traiter la demande et

surtout comment elle va résoudrele problème. C’est une coursecontre la montre. Une chose estsûre : les robots ou les équipesinsuffisamment formées sontdévastateurs en termes d’image.

Quelles sont les limitesdes réseaux sociaux pourles établissements bancaires ?Les banques doivent savoir y gérerleur risque d’image et les éventuel-lescrises.SurFacebook, lemessagepeut se trouver directement sur lapage de l’entreprise, au cœur de sacommunication habituelle. Si lemessage attaque directement labanque, il doit être rapidementappréhendé par des équipesprofessionnelles formées à cetexercice. Certaines très bonnesréponses de « community mana-gers » sont mêmes saluées par laToile et montrent le professionna-lismedelabanque.Ellespeuventsetransformer en une campagne decommunication extrêmementpositive. La présence sur les

réseauxsociauxnes’improvisepas.Les équipes doivent avoir une dou-ble compétence : à la fois en termesde communication mais aussi deconnaissance du monde bancairepour répondre correctement. Ellessont le reflet de l’image de marquede la banque sur les réseauxsociaux. En quelques fractions desecondes, elles doivent estimer lerisque et le traiter efficacement. n

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INTERVIEWALBAN JARRYExpert en assuranceet finance, spécialistedes stratégies de marquessur les réseaux sociaux

Eric LEGER
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